Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts Toute théorie de l’avenir ne peut reposer que sur la juste appréciation du passé ; mais aujourd’hui cette première donnée nous manque presque entièrement. […] Ceux qui en font à présent l’objet d’une étude spéciale s’y livrent beaucoup trop tard ; ils ont perdu le temps de leur première jeunesse à cultiver des lettres sans avenir et sans horizon.
C’était ce qui repointait encore de ces herbes exécrées qui cependant doivent disparaître, si l’Évangile de la République démocratique et sociale est une vérité… En disant les derniers, on affirmait d’avance qu’il n’y en aurait plus et on les tuait dans le ventre de l’avenir, car c’est une manière de tuer les gens que dire hautement qu’ils sont morts… C’était donc le coup définitif de la guillotine… Malheureusement ce gratte-papier mollasse d’une plume de femme, n’avait pas l’affilé du couperet qui avait mordu dans l’herbe humaine, haute et drue, et cette plume ne pouvait que gratter la place où repoussait ce chiendent maudit ! […] Et le cardinal Antonelli la recevant, cette même Colet, comme une ambassadrice, et discutant, genou à genou, la politique et l’avenir de la papauté, avec elle !
Cent ans plus tard, en France, Balzac écrit Le Prince, sous Richelieu, préparant Louis XIV ; tandis qu’en Italie le grand patriote Machiavel ne peut s’inspirer que d’hommes tels que Cesare Borgia, Giuliano di Medici ou Lorenzo di Piero di Medici ; aventuriers, tyranneaux de province… En 1494 déjà, une invasion française interrompait l’épopée de Boiardo ; au xvie siècle Arioste se réfugie dans les domaines intangibles de la fantaisie, il écrit une œuvre de beauté durable, universelle, mais inefficace pour la patrie ; ses prophéties sur l’avenir de la maison d’Este sont pleines de rhétorique et… d’ironie involontaire aussi ; après lui, Torquato Tasso subit à la fois la réaction catholique et le joug des traditions académiques. — En France, le triomphe du catholicisme est aussi celui de l’unité nationale ; « Paris vaut bien une messe » n’est pas une boutade, c’est un mot qui résume une grande nécessité ; ce catholicisme-là n’asservit pas la pensée ; pour plusieurs écrivains, qui nous l’ont dit expressément, il est la liberté ; il ne soumet pas la France à la Papauté, il mène au gallicanisme de Bossuet ; de même, la tradition académique, malgré tous ses défauts, contribue à la discipline nationale. […] Ces œuvres, si grandes qu’elles soient, ne sont pourtant que des efforts isolés, féconds sans doute pour un avenir lointain, mais pour l’heure isolés ; la nation italienne est encore à faire.
Octave, cruel sans passion, souillé de crimes et de perfidies dans la jeunesse, sans grandeur dans la victoire et portant même dans la politique moins de génie que d’astuce, fut célébré par les plus rares esprits de son temps et transformé par leurs louanges, au point d’avoir ébloui et en partie trompé le jugement de l’avenir. […] Le faux enthousiasme dont Horace les avait flattés l’un et l’autre serait devenu bien froid pour l’avenir, sans le charme philosophique mêlé par le poëte à ses flatteries mêmes.
J’espère donc qu’il n’aura pas de disciples et que cette poésie n’est pas celle de l’avenir. […] Cette heure décida de mon avenir. […] Nous voulons, des faits synthétisés de l’Histoire donner les lois aidantes à l’avenir meilleur. […] Mais en cet avenir de devoir, rationnel, moral, mon vœu serait qu’il fût dit que j’ai fait pour le Mieux. […] C’est notre vouloir d’exiger des poètes de l’avenir un thème longuement pensé, sur lequel se déroulera l’œuvre ».
Saint-Marc Girardin, vers la fin de son discours, avait assez délicatement touché cette situation en disant : « Et pardonnez-moi, messieurs, si le souvenir de nos jeunes princes50me ramène naturellement vers ces écoles d’où ils sont sortis, vers ces lieux où j’ai mes plus doux devoirs, où il m’est donné de vivre avec les jeunes gens, et d’observer l’avenir de la patrie à travers le leur ; là aussi je vois la jeunesse toujours favorable aux bons sentiments et aux nobles pensées, toujours aisément émue quand on lui parle des saintes obligations de la famille ou de la gloire de la France ; bienveillante, j’ai droit de le croire, pour ceux qui l’instruisent, pour ceux même qui l’avertissent.