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1880. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

De la pensée personnelle de chaque auteur, d’abord, et de la pensée collective des différents auteurs d’un même temps, et de la pensée collective d’un certain nombre d’auteurs de différents temps. […] Et c’est ainsi que les auteurs originaux se placent tout naturellement dans ce que nous appelons l’enseignement secondaire, à commencer par Homère, et les auteurs alexandrins tout naturellement aussi dans l’enseignement supérieur. […] Le grand auteur classique a, lui, un autre genre d’originalité. […] Je ne vois pas bien, malgré les efforts de l’auteur à me la faire voir, la filiation du naturalisme au rationalisme. […] Un conte n’est pas une confidence d’un auteur, à l’ordinaire ; mais si, au cours d’un conte, l’auteur se met à nous parler de lui, la matière du conte n’est pas chose d’une telle importance que nous soyons stupéfaits ou irrités d’entendre l’auteur, interrompant son récit, nous rapporter ses petites affaires.

1881. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

On voit seulement dans les rapports de Suard que l’Académie se reconnaît et se présente très justement comme autorité plus grave et plus compétente, par opposition aux journalistes (ceux du premier Empire) qui étaient naturellement plus enclins à dénigrer les auteurs qu’à encourager les Lettres, et qui, pour la plupart, ne pensaient qu’à divertir le public. […] Daru, lus de près et sans prévention, font honneur à leurs auteurs. […] Le chirurgien-dentiste, habile dans son art, le docteur Toirac, qui faisait d’agréables contes en vers, est resté fidèle à ses goûts et a comme voulu les ennoblir et les consacrer en fondant un prix de 4,800 francs par an pour l’auteur de la meilleure comédie en vers ou en prose qui aura été jouée au Théâtre-Français dans le courant de l’année. — M. Louis Langlois, qui se plaisait à traduire en vers les élégiaques latins, est également parti de ce même goût personnel pour léguer à l’Académie une rente de 1,500 francs destinée à l’auteur de la meilleure traduction en vers ou en prose d’un ouvrage grec, ou latin, ou étranger. […] Thiers, en s’honorant de recevoir le prix, fit incontinent donation des 20,000 francs à l’Académie pour être fondé un prix triennal de 3,000 francs à décerner à l’auteur d’un « ouvrage historique dont l’Académie aura proposé le sujet et dont elle croira devoir distinguer le mérite ».

1882. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Sans doute, si la plupart des auteurs, des héros de la Révolution revenaient un moment parmi nous, s’ils considéraient ce qu’ils ont payé de leur sang, ils souriraient un peu de pitié, à moins que l’âge, comme nous l’avons vu de quelques-uns, n’eût refroidi leurs antiques exigences et tranquillisé leurs veines. […] Mme Roland pressentait et ruinait d’avance ces justifications futures, quand elle lui écrivait de sa prison : « Fais maintenant de beaux écrits, explique en philosophe les causes des événements, les passions, les erreurs qui les ont accompagnés ; la postérité dira toujours : Il fortifia le parti qui avilit la représentation nationale, etc. » Quant à Brissot, nous adoptons tout à fait le jugement de Mme Roland sur lui, sur son honnêteté profonde et son désintéressement ; nous le disons, parce qu’il nous a été douloureux et amer de voir les auteurs d’une Histoire de la Révolution qui mérite de s’accréditer, auteurs consciencieux et savants, mais systématiques, reproduire comme incontestables des imputations odieuses contre la probité du chef de la Gironde. […]  » Comme Mme de Staël encore, elle lit Thompson avec larmes ; si plus tard, dans sa veine républicaine, elle s’attache à Tacite et ne veut plus que lui, l’auteur républicain du livre de la Littérature ne se nourrissait-il pas aussi de Salluste et des Lettres de Brutus ? […] On a quelquefois rapproché le nom de Mme Roland de celui de mistress Hutchinson, femme forte également, auteur de Mémoires qui ne sont ni très-amusants ni très-variés, mais solides et d’une saine lecture.

1883. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

L’honneur de l’inspiration, on l’a dit justement, doit donc se rapporter en entier à son auteur. […] On s’apercevait trop bien que cette loi n’était qu’une fille adoptive, qui n’était point secourue par ses vrais auteurs. […] Sous la Restauration, le 7 août 1827, sous une juridiction pareille à celle qu’on maintient aujourd’hui, on a vu comparaître devant le tribunal de police correctionnelle un homme vénérable, un homme de bien, un philosophe éminent, M. de Sénancour, auteur d’un Résumé de l’histoire des traditions morales et religieuses ; on l’a vu, pour quelques phrases qui ne semblaient pas assez respectueuses envers les religions positives, accusé avec véhémence par un avocat du roi qui ne croyait que remplir son devoir ; on l’a vu, comme de juste, condamné par le tribunal : car, d’ordinaire et provisoirement, en pareil cas, la police correctionnelle commence par condamner. […] Si le livre pouvait parler et répondre, je ne sais s’il se trouverait aussi satisfait et se louerait si fort de cette législation qui a permis, il y a peu d’années encore, de l’atteindre et de le frapper dans la personne d’auteurs honnêtes gens et de théoriciens respectables, tels qu’un Vacherot59 et un Proudhon. […] Messieurs, cet amendement auquel le nom de son auteur restera attaché n’est peut-être qu’un épouvantail.

1884. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

Théodore de Banville Quant à l’idée du drame Justice, elle a la gloire et aussi le tort, si je la comprends bien, d’être une idée purement abstraite, que l’auteur a traduite matériellement, cela va sans dire, sans quoi il n’eut pas fait une pièce de théâtre, mais qui, néanmoins, force le spectateur à lever les yeux un peu plus haut que le niveau ordinaire de la vie. […] Catulle Mendès vient de publier un beau volume in-8º, contenant toutes ses œuvres, depuis les premiers vers du poète, au rythme élégant, à la vive allure, légèrement inspiré de Th. de Banville, jusqu’aux Poèmes épiques d’un si fier langage Jusqu’à Hespérus et au Soleil de minuit où l’auteur donne complètement sa note originale. […] C’est à l’humble auteur de Lidoire que l’auteur de Panteleïa , des Mères ennemies et de tant d’autres chefs-d’œuvre absolus en leur perfection a daigné confier la préface du très beau livre que voici, et si je m’étonne modérément, à ce témoignage nouveau d’une amitié capable de tout, je sens défaillir au fond de moi, de stupéfaction et d’orgueil, le rhétoricien de jadis. […] L’auteur du Rapport sur le mouvement poétique français , ayant cru devoir, au cours de son travail, se borner à de rares mentions de ses propres ouvrages, il a paru nécessaire de reproduire ici un assez grand nombre des appréciations dont son œuvre a été l’objet.

1885. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Celui qui entreprendrait cet ouvrage y rassemblerait tous les beaux préceptes d’Aristote, de Cicéron, de Quintilien, de Lucien, de Longin et des autres célèbres auteurs. […] S’il donne quelque tour à ses pensées, c’est moins par une vanité d’auteur que pour mettre une vérité qu’il a trouvée dans tout le jour nécessaire pour faire l’impression qui doit servir à son dessein. […] Elles l’encouragent, elles le consolent, elles lui présentent le tableau idéal d’une perfection qui rendrait la critique même l’égale des choses inventées, par la raison que dit encore La Bruyère : « Tout l’esprit d’un auteur consiste à bien définir et à bien peindre. […] Enfin, et ceci est une critique à faire aux pédants (meâ culpâ), armés de citations dans l’une et l’autre langue ( utriusque linguæ , disait Horace) : « Ne paraissez pas si savant, de grâce ; humanisez votre discours et parlez pour être entendu. » Qui voudrait avoir le secret de la critique appliqué à l’art du théâtre, se pourrait contenter d’étudier et de méditer La Critique de l’École des femmes ; il y trouverait les meilleurs et les plus utiles préceptes de prudence, de modération, de finesse, et comme dit un de nos vieux auteurs : En délectant profiteras. […] Régnier, un des plus charmants comédiens du Théâtre-Français, dans une lettre adressée à M. le ministre de l’intérieur, avait indiqué cet emplacement au monument que la Ville de Paris devait élever à l’auteur du Misanthrope !

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