Préface I Il a paru opportun à plusieurs personnes qu’en tête de ces Palais Nomades, qui furent, il y a dix ans, le livre d’origine du vers libre, l’auteur inscrivît à nouveau, sinon avec plus de détails, au moins avec plus d’ensemble, ce qu’il eut à dire sur la formule nouvelle de la poésie française ; et l’auteur admet que cela peut avoir quelque utilité, non seulement (il ne le cèle point) parce qu’il éprouve quelque fierté d’avoir donné le signal et l’orientation de ce mouvement poétique, mais aussi parce qu’il tient à assumer de cette tentative, bonne ou mauvaise, vis-à-vis des adversaires, toute sa part de responsabilité. […] Mais généralement, dans la vérité, il n’en est pas ainsi : iº Parce que l’oreille des poètes, après avoir été très sensible, lors de leur période de formation, de débrouillement, et pendant l’aurore de la production où tout se colore d’une lumière propre si belle à nous-mêmes qu’elle en paraît nouvelle, s’habitue à un certain nombre de cadences et que le sens auditif du plus subtil s’endort, s’amortit, un peu comme celui d’un auditeur de bonne musique, qui ne sait plus se réjouir que de cadences connues ; 2° Que, pendant que ces poètes restent techniquement stationnaires, une génération nouvelle se lève, parmi laquelle plusieurs poètes sentent confusément la nécessité d’une révolution et qu’un au moins la ressent précisément et l’ose. […] Mais il y avait, au temps de Boileau, une cause extrinsèque, une cause profonde pour Boileau, fondée au moins sur un sentiment. […] Il est un des chaînons qui nous rattachent à Baudelaire, car Baudelaire fut un précurseur, non seulement par les enluminures qui parent les Fleurs du Mal, mais aussi surtout pour sa recherche d’une forme intermédiaire entre la poésie et la prose qu’il ne réussit parfaitement qu’une fois, mais admirablement, dans les Bienfaits de la Lune (Mendès a aussi, au moins une fois, retrouvé avec bonheur cette formule composée) ; et de comparer les parties rythmiques des Fleurs du Mal et des Poèmes en prose nous avait donné l’idée d’un livre mixte où les deux formes de phrases chantées eussent logiquement alterné. […] Cet accent semblable chez tout le monde, en ce sens que chaque passion, chez tous, produit à peu près le même phénomène, accélération ou ralentissement, semblable au moins en son essence, cet accent est communiqué aux mots, par le sentiment qui agite le causeur ou le poète, uniquement, sans souci d’accent tonique ou de n’importe quelle valeur fixe qu’ils possédaient en eux-mêmes.
Tout était académie : académie ne se bornant pas à lire, à écouter, à disserter ; mais académie en action, en inspirations, en conceptions, en création ; jugeant aussi, corrigeant, rebutant au moins les plus grosses erreurs de goût, et réprimant les écarts et les bizarreries. […] Aujourd’hui la séparation des genres dans les écrits littéraires est devenue à peu près impossible ; elle ne peut plus être une règle de l’art d’écrire, au moins une régie aussi sévère qu’avant la révolution. […] On pourrait croire que l’unité de ton était, au moins pour notre théâtre, la conséquence nécessaire de cette loi de l’art qui établissait l’unité de lieu, de temps, d’action : Qu’en un lieu, qu’en un temps, un seul fait accompli Tienne, jusqu’à la fin, le théâtre rempli.
Au moins on demande la permission. […] Le fils Perraud a vingt-six ans, au moins, d’après le texte. […] Vingt articles et cent entrefilets proclamant trois semaines à l’avance les mérites du nouveau chef-d’œuvre, non ; au moins dix, non ; au moins un, non. […] Il est novice, au moins, ce jeune homme. […] Voilà au moins des situations qui ne traînent pas partout.
Et, en premier lieu, parce que, sur trois, deux au moins de ces textes sont assez mal choisis. […] Un seul fait en dira plus que beaucoup de phrases : il y a là des œuvres, dignes au moins d’une mention dans l’histoire, que Sainte-Beuve lui-même, si curieux, a fait comme s’il les ignorait, et des noms, dignes au moins d’un souvenir, qu’il n’a pas seulement prononcés. […] On a raison ; mais il faut cependant faire aussi sa part à Marivaux, et le louer du mérite au moins de l’invention. […] Je viens d’en dire au moins l’un des motifs. […] L’expiation se prolongea jusque vers la fin de décembre au moins de la même année.
Qui osera prétendre que Geoffroy Saint-Hilaire, Cuvier, les Humboldt, Gœthe, Herder n’avaient pas droit au titre de philosophes au moins autant que Dugald-Stewart ou Condillac ? […] Prenez les mythologies, qui nous donnent la vraie mesure des besoins spirituels de l’homme ; elles s’ouvrent toute par une cosmogonie ; les mythes cosmologiques y occupent une place au moins aussi considérable que les mythes moraux et les théologoumènes. […] Pénétration la plus intime des secrets de la psychologie spontanée, haute habitude de la psychologie et des sciences philosophiques, étude expérimentale de l’enfant et du premier exercice de sa raison, étude expérimentale du sauvage, par conséquent connaissance étendue des voyages, et autant que possible avoir voyagé soi-même chez les peuples primitifs, qui menacent chaque jour de disparaître, au moins avec leur spontanéité native ; connaissance de toutes les littératures primitives, génie comparé des peuples, littérature comparée, goût délicat et scientifique, finesse et spontanéité ; nature enfantine et sérieuse, capable de s’enthousiasmer du spontané et de le reproduire en soi au sein même du réfléchi.
Au moins, Sismondi a de l’importance, mais Bonstetten ! […] Nulle part on ne sent, sur ces fragments hâtés, le toucher de cette main de feu qui y est passée et qui aurait dû y laisser au moins une tiédeur, — au moins quelque odeur affaiblie de cette feuille de laurier qu’elle roulait incessamment dans ses doigts !