On dit qu’un vainqueur féroce ayant fait égorger les bardes ennemis, un seul échappé au glaive monta sur une haute montagne, chanta la défaite de ses malheureux compatriotes, chargea d’imprécations leur barbare vainqueur, lui prédit les malheurs qui l’attendaient, le dévoua lui et les siens à l’oubli, et se précipita du rocher.
La justice que le public rend aux ouvrages qui se publient par la voïe de l’impression, peut bien se faire attendre durant quelques mois, mais ceux qui paroissent sur le theatre ont plûtôt rempli leur destinée.
Les grecs et les romains, si passionnez pour la gloire, ne s’imaginerent jamais qu’il fut honteux au citoïen d’attendre sa vengeance de l’autorité publique.
I Une chose singulière à constater, c’est le temps énorme qu’attendent souvent les plus grands hommes avant d’avoir des historiens dignes d’eux, — quand ils en ont toutefois, car le plus souvent ils en manquent.
Les ducs de Normandie peuvent n’intéresser que quelques Normands comme celui qui écrit ces lignes, lequel voudrait que sa province eût enfin l’histoire qui lui manque et dont les matériaux n’attendent que la main qui doit les soulever.
Aussi Rochefort, ignoré de la veille, n’attendit pas son succès en piétinant, comme tant d’autres, avec des pieds ardents, et il l’eut tout de suite, comme s’il ne le méritait pas !