[Introduction] Messieurs, J’ai avant tout une double dette à reconnaître, et croyez bien que si je commence par-là, ce n’est point pour m’en acquitter au plus vite : quoi qu’il puisse arriver dans la suite, si même il devait un jour m’être prouvé que j’ai trop présumé de mes forces en acceptant la lourde succession de M. […] Marc Monnier a signalé — après les avoir résolues — les difficultés d’un enseignement aussi vaste que celui de la littérature comparée : « Mener toutes les littératures de front, a-t-il dit ; montrer à chaque pas l’action des unes sur les autres ; suivre ainsi, non plus seulement en deçà ou au-delà de telle frontière, mais partout à la fois, les mouvements de la pensée et de l’art, cela paraît ambitieux et difficile... » Il a pu ajouter : « On y arrive cependant, à force de vivre dans son sujet qui petit à petit se débrouille, s’allège, s’égaie... » Mais ce qu’il n’a pas dit, ce sont les rares qualités d’esprit qui lui ont permis d’accomplir un tel travail et de le perfectionner d’année en année : une érudition qui s’élargissait sans cesse ; un sens critique habile à choisir entre la masse des documents les plus propres à marquer la physionomie d’un homme ou d’une époque, ou à dégager les caractères essentiels d’une œuvre ; une intelligence si enjouée qu’elle a pu, pour conserver son expression, « égayer » cette grave étude de l’histoire littéraire, si alerte, que d’heureuses échappées dans tous les domaines, elle a su rapporter des œuvres également distinguées. […] Ce sont ces règles de la végétation humaine que l’histoire à présent doit chercher ; c’est cette psychologie spéciale de chaque formation qu’il faut faire ; c’est le tableau complet de ces conditions propres qu’il faut aujourd’hui travailler à composer. » Je voudrais pouvoir, Messieurs, vous montrer comment l’illustre critique a poursuivi son programme, comment il a développé et élargi sa méthode dans sa Philosophie de l’art, comment il a osé aborder les problèmes les plus compliqués de l’esthétique, ceux de la production de l’œuvre d’art et de l’idéal dans l’art, en « naturaliste », selon sa propre expression, et « méthodiquement », en vue « d’arriver non à une mode, mais à une loi ». […] Mais avec la méthode historique et psychologique, le problème est tout autre : il s’agit de rattacher le cours à quelque idée générale, de s’en servir pour arriver à la démonstration de quelqu’une de ces lois que la pensée moderne s’efforce de préciser, ou tout au moins pour suivre dans ses diverses phases un grand mouvement intellectuel.
Ce mode de démonstration appliqué à la littérature suppose tout un art qui se dérobe, et qui n’est au-dessous d’aucune science ni d’aucune supériorité critique, si élevée et si distinguée qu’elle soit ; car il ne s’agit pas ici simplement de se faire petit avec les petits, il faut se faire souple avec les rudes, insinuant avec les robustes, en restant sincère toujours, de cette sincérité qui ne veut que le beau et le bien ; il faut arriver à inoculer une sorte de délicatesse dans le bon sens, en fortifier les parties simples, en rabattre doucement les tendances déclamatoires, plus innées en France qu’on ne le croirait, dégager enfin dans chacun ce je ne sais quoi qui ne demande pas mieux que d’admirer, mais qui n’a jamais trouvé son objet. […] On arriverait quelquefois à faire sentir en quoi le simple peut être supérieur à ce qui frappe plus d’abord. […] Une parfaite bienséance règne dans la salle avant l’arrivée du lecteur : dès qu’il est arrivé, le plus profond silence s’établit, et les moindres impressions se peignent, soit par un silence encore plus attentif, soit par un frémissement très sensible, comme dans les auditoires les plus exercés. […] On arriverait même, j’en suis sûr, en sachant s’y prendre, à faire pleurer avec le Priam d’Homère, et à faire applaudir Démosthène.
Il arrive même souvent qu’une forme est considérée comme variété d’une autre, non parce que les liens intermédiaires sont actuellement connus, mais parce que l’analogie conduit l’observateur à supposer, ou qu’ils existent quelque part, ou qu’ils peuvent avoir existé jadis : une large porte s’ouvre alors aux doutes et aux conjectures. […] Il est certain qu’aucune ligne de démarcation n’a encore été tracée entre les espèces et les sous-espèces, c’est-à-dire les formes qui, dans l’opinion de quelques naturalistes, s’approchent beaucoup, mais n’arrivent pas tout à fait au rang d’espèces, de même qu’entre celles-ci et les variétés bien marquées, ou encore entre les variétés moins distinctes et les différences individuelles. […] Une variété peut même arriver à exterminer et à supplanter l’espèce mère, ou l’une et l’autre peuvent coexister comme espèces indépendantes. […] S’il en était ainsi, c’eût été chose fatale à ma théorie ; car la géologie nous apprend que de petits genres se sont considérablement accrus dans le cours des temps, et que de grands genres sont arrivés à leur période maximum, puis ont décliné et ont disparu.
La royauté capétienne, comme il arrive d’ordinaire aux grandes forces, porta son principe jusqu’à l’exagération. […] Il arriva cependant ce qui arrive toujours. […] Est-ce à dire que le pays ne soit pas responsable de ce qui est arrive ? […] La même chose arriva au moyen âge par la nécessité de se défendre. […] Personne ne serait exclu des chaires des universités à cause de ses opinions ; les catholiques y arriveraient comme tout le monde.
Il m’était arrivé, errant sur les quais, de feuilleter quelque volume dépareillé de ce poète des amours. […] D’une austérité rude et presque ascétique dans ses préfaces, il arrive parfois à M. […] Marthe, prise d’un vague remords, arrive pour reprendre ses lettres. « Trop tard ! […] Et, du jour où elle a été coupable, il est arrivé ceci, que je reprocherai à M. […] C’est, en effet, ce qui arrive.
La discussion a été belle, mais, comme tant de belles choses, elle a duré trop longtemps : chaque orateur a parlé un peu trop, et on a eu le temps d’arriver à la fatigue avant la fin. […] Mais quand arrivent pour le coup les années sérieuses, quand l’irréparable outrage pèse et se fait sentir, oh !