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281. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

Arrêtons-nous pour pleurer avec lui sur l’héroïsme de l’amitié entre Médor et Cloridan. […] « Angélique descend de son coursier et fait descendre comme elle le pasteur ; elle pile à l’aide d’une pierre les simples, en fait découler le suc entre ses blanches mains ; elle le distille et l’étend sur le sein, sur les flancs et sur les hanches du blessé ; la salutaire liqueur arrête le sang et rend la vie à Médor. […] Adonis s’arrêta près de quelques cabanes voisines du château, jouant d’une petite flûte, au son de laquelle le petit chien se mit à danser. […] je vous arrête, répondit le professeur ; est-ce que vous prenez l’Arioste pour un bouffon ? […] Quant aux éventualités que peut faire naître le départ de Rome du souverain-pontife et son arrivée en France, je puis d’autant moins vous en entretenir en ce moment, qu’avant de rien arrêter sur une matière aussi grave, nous aurions à prendre les ordres de l’Assemblée nationale.

282. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Sans doute la science ne formule pas ses résultats comme la théologie dogmatique ; elle ne compte pas ses propositions, elle n’arrête pas à un chiffre donné ses articles de foi. […] Platon n’a pas de symbole, pas de propositions arrêtées, pas de principes fixes, dans le sens scolastique que nous attachons à ce mot ; c’est fausser sa pensée que de vouloir en extraire une théorie dogmatique. […] Parcourez son œuvre, et dites si cet homme n’a pas pris siège d’une manière bien fixe et bien arrêtée, pour dessiner à sa guise le grand paysage, s’il n’avait pas un système de vie, une façon à lui de voir les choses. […] Je n’ai pas et je ne crois pas que la science puisse donner un ensemble de propositions délimitées et arrêtées, constituant une religion naturelle. […] Ce que l’esprit humain fait devant un texte imposé, il le fait devant un dogme arrêté.

283. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

Ça arrête toute activité, toute recherche, toute note. […] Après deux ou trois tours, elle s’arrête soudain, et dit lentement avec des yeux, où l’espérance a l’air de sourire au milieu des larmes : « Ce matin… j’ai cru pourtant que ça allait n’être pas vrai !  […] » À neuf heures et demie, Alexandre Dumas arrive et le prix du convoi et de l’enterrement arrêté, nous allons signer l’acte de décès à la mairie de Saint-Germain. […] Pendant que dans la salle des dessins français, j’étais arrêté devant le « Couronnement de Voltaire », de Gabriel Saint-Aubin, qu’enfin, ils se sont décidés, je puis dire sur mes objurgations, à exposer, un monsieur qui le regardait admirativement, comme moi, et qui était Beurdeley fils, me dit que son père avait vendu 8 000 francs à M.  […] Et pensez à ce voyage avec cette enfant mourante sur nos genoux, et mon père et ma mère n’osant s’arrêter dans un des villages ou une des petites villes, que nous traversions, dans la crainte de ne pas trouver un médecin qui sût la soigner.

284. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Le monde marche, mais nul ne le fait marcher, comme nul ne peut l’arrêter. […] De même, quand Luther eut détruit l’influence de Rome dans une grande partie de l’Allemagne, les esprits une fois sortis de la vieille autorité, n’en surent plus reconnaître aucune ; le luthéranisme eut aussi ses schismes, le calvinisme ses bûchers, et ce qui restait de foi ne sut plus à quelle forme se prendre et s’arrêter. […] Tant que les mathématiques s’arrêtèrent à la partie variable des objets mesurables, il est probable qu’elles eurent leur époque d’incertitude et de tâtonnement. […] Autrement, les observations accidentelles et faites sans aucun plan arrêté d’avance ne peuvent s’accorder entre elles faute de se rapporter à une loi nécessaire ; et c’est là pourtant ce que la raison cherche, et ce dont elle a besoin. […] Nous nous flattons qu’elles sont aujourd’hui solidement établies parmi nous, et sans nous y arrêter davantage, nous reprenons l’analyse de l’introduction.

285. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Vous y ferez réflexion, et en communiquerez avec vos amis habiles, auxquels je m’en rapporte s’ils ne s’y arrêtent pas. […] Talon dans son zèle, visitant avant tout les prisons « pour voir si elles étaient sûres et capables de contenir autant de criminels qu’il espérait en faire arrêter ; et, suivant les chambres et les cachots, il minutait déjà les conclusions qu’il devait donner. » Ainsi débute et va procéder cette douce ironie sans trop avoir l’air d’y toucher ; et un peu plus loin il nous donnera de la magnifique harangue d’ouverture de M.  […] Par cette disposition de bel esprit qui s’arrête et se complaît à la bagatelle, Fléchier n’est point de l’école sévère et judicieuse de Boileau : il a en lui de ce goût qu’aura Fontenelle, et qu’avait Benserade, un goût de ruelles dans le meilleur sens du mot. […] Ce tome second dont il n’y a eu que le commencement d’imprimé, et qui devait contenir la relation des Grands Jours, a été arrêté et détruit. […] [NdA] Cela est si vrai que M. de Novion se hâtait là-dessus d’écrire à Colbert (20 octobre 1665) : « J’ai fait arrêter hier au soir le comte de Canillac Pont-du-Château, beau-frère de mon gendre.

286. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Mais, un jour, un été, à une certaine saison d’ennui, après les années brillantes, cette personne, à la campagne, prend une plume, et trace, sans but arrêté d’abord, un roman ou des souvenirs pour elle, pour elle seule, ou même seulement ce sont des lettres un peu longues qu’elle écrit à des amis sans y trop songer ; et dans cinquante ans, quand tous seront morts, quand on ne lira plus l’homme de lettres de profession à la mode en son temps, et que ses trente volumes de couleur passée iront lourdement s’ensevelir dans les catalogues funèbres, l’humble et spirituelle femme sera lue, sera goûtée encore presque autant que par nous contemporains ; on la connaîtra, on l’aimera pour sa nette et vive parole, et elle sera devenue l’un des ornements gracieux et durables de cette littérature à laquelle elle ne semblait point penser, non plus que vous près d’elle. […] Du milieu de cette foule de bonnes plaisanteries qui lui échappaient sans cesse, jaillissaient encore des réflexions fortes et profondes, que son bon goût avait soin de revêtir toujours d’une sorte de couleur féminine… » Sans trop m’arrêter sur cet ancien portrait de famille placé aux origines de notre sujet, et qui le domine du fond, sans prétendre non plus pénétrer dans le mystère de la transmission des esprits, ne semble-t-il donc pas, presque à la première vue, que de si amples et si vives qualités maternelles aient suffi à se partager dans sa descendance, et à y fructifier en divers sens, comme un riche héritage ? […] Diverses raisons et circonstances arrêtèrent assez tôt ces débuts communicatifs, et mirent comme le signet aux conversations du héros avec la femme spirituelle : d’abord sa propre prudence à elle-même, une fois éclairée sur le peu de sûreté du lieu ; puis l’étiquette souveraine de l’Empire qui étendit son niveau. […] Cette femme tendre, calme, habituée aux devoirs aimables de la société, s’y contenant, dont l’esprit sérieux et orné n’avait jamais trop songé pourtant à franchir les limites d’un gracieux horizon, la voilà tout d’un coup qui, à l’âge du repos, à ce moment où l’esprit est le plus sujet à s’arrêter, où le cœur se plaint et gémit tout bas des choses qui s’en vont, la voilà qui se ranime au contraire, qui s’excite et sourit à des vues neuves, prend part à de jeunes projets, et, au lieu de tourner le dos à l’avenir, y marche comme au matin, accompagnant ou plutôt précédant son guide bien-aimé : à la voir de loin si active et si légère, on dirait une sœur. […] Mais je m’arrête, n’ayant eu dessein, eu tout ceci, que d’aborder un côté moins insondable, et de signaler à l’estime attentive un des esprits les plus sérieux, les plus délicatement intelligents et les plus perfectibles, que l’ancienne société ait donnés à la nouvelle.

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