Nous apprenons à lire dans ses ouvrages ; nous en sommes imbus ; Boileau est dans nos veines. […] M. de Longueville l’apprend : il se fait amener Chapelain, et, après quelque conversation avec lui, il tire d’une cassette un parchemin, demande à Chapelain son nom de baptême, et l’y inscrit. […] Mais comme il fallait un Louis XIV pour organiser cette nation, et lui apprendre tout ce dont elle était capable, de même il fallait un Boileau pour diriger toutes ces facultés, discipliner toutes ces forces, et faire voir à la France une image éclatante de son génie dans les lettres. […] Laissons surtout à Boileau, qui fut peut-être le moins libéralement traité du côté du génie, la part que lui donnèrent sa ferme raison, son goût incorruptible, dans la composition d’ouvrages qu’il nous a appris lui-même à mettre au-dessus des siens. […] Il ne les empêche pas du moins de naître, et il nous apprend à les attendre avec patience en lisant leurs devanciers.
Il n’en est pas moins vrai que la conduite de l’Insecte dessine la représentation de choses déterminées, existant ou se produisant en des points précis de l’espace et du temps, que l’Insecte connaît sans les avoir apprises. Maintenant, si nous envisageons du même point de vue l’intelligence, nous trouvons qu’elle aussi connaît certaines choses sans les avoir apprises. […] La seconde n’atteint aucun objet en particulier ; elle n’est qu’une puissance naturelle de rapporter un objet à un objet, ou une partie à une partie, ou un aspect à un aspect, enfin de tirer des conclusions quand on possède des prémisses et d’aller de ce qu’on a appris à ce qu’on ignore. […] Au contraire, dans une société humaine, la fabrication et l’action sont de forme variable, et, de plus, chaque individu doit apprendre son rôle, n’y étant pas prédestiné par sa structure. […] Le Sphex aurait donc à apprendre une à une, comme l’entomologiste, les positions des centres nerveux de la Chenille, à acquérir au moins la connaissance pratique de ces positions en expérimentant les effets de sa piqûre.
Ainsi, par des voies différentes, nous arrivons à connaître plus entièrement et plus commodément La Boétie, et nous apprenons sur son compte tout ce qu’on en peut savoir. […] Il faut s’adresser à Montaigne pour entendre une plainte, pour apprendre que son ami était si loin d’être à la place où l’appelait son mérite, et pour être informé de cette supériorité en tout point qu’il était fier de lui décerner.
Aladin a un vif désir de savoir et de connaître ; la morale a surtout un grand attrait pour son esprit vif et observateur ; il en voudrait posséder la clef : « Ne pourriez-vous pas, dit-il au Kalender, m’apprendre à connaître les hommes ? » — « C’est comme si vous me disiez : Apprenez-moi à voir.
J’apprends tous les jours quelque chose. […] Les Pères de l’Église lui furent donc les meilleurs maîtres pour apprendre à vieillir sans cesser d’espérer.
Pelleport en est lui-même une preuve lorsqu’au commencement de la retraite de Moscou et de ces fatigues sans nom, supportées par une partie de l’armée avec tant d’héroïsme, il dit tout d’un coup et en y revenant sans qu’on s’y attende : « Je crois, tout amour-propre de côté, que nous avons, en cette circonstance, laissé bien loin de nous les Romains, dont l’Empereur nous parlait tant en Italie et en Égypte. » Pelleport, très occupé du détail et de ce qu’il voit, nous apprend un fait assez singulier, c’est que dans les combats de Chobrakhit, qui précédèrent la bataille des Pyramides, il y eut du tâtonnement et quelque inhabileté pratique à exécuter les commandements du chef : L’armée d’Italie, bien que brave et intelligente, manquait de flexibilité pour les manœuvres ; les officiers inférieurs et supérieurs, les généraux eux-mêmes qui venaient de faire la guerre, avec une grande distinction, avaient négligé l’étude de la petite tactique (manœuvres) ; aussi se trouvèrent-ils embarrassés pour former les carrés tels qu’ils avaient été indiqués par Bonaparte : il fallut prendre successivement les pelotons et bataillons par la main pour les porter sur le terrain qu’ils devaient occuper dans la disposition générale. […] Cet acteur qui ne voit qu’un coin du grand drame, jusque dans sa circonspection et son extrême réserve de jugement, apprend ou confirme bien des faits qui jettent du jour sur les vraies causes de notre désastre.