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415. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

La mer est d’argent, les saules sont d’argent, l’herbe est d’argent ; l’air est bleu, la lune est bleue, les animaux sont bleus. […] Un mont reflète, humide, les dernières étoiles, et les animaux bleus boivent l’herbe d’argent. […] On a peine, si tôt, à y bien retrouver son chemin, tant les pistes s’enroulent et s’enlacent sous les branches, disparaissent dans les buissons, dans les ruisseaux, dans les mousses élastiques, tant l’animal entrevu est singulier, rapide et mouvant. […] Au pauvre monde que de stupides sermons ont incliné vers les satisfactions de la vanité et du civisme, il enseignerait volontiers la joie toute simple d’être un brave animal. […] Les accidents les plus vulgaires de la vie animale se haussent à des significations nobles ; l’on voit les mourants d’un champ de bataille « bourbiller comme des crevettes ».

416. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Il contribua puissamment à enrichir les sciences naturelles, dont son maître, alors en Perse, lui envoyait les plus beaux modèles vivants ou morts pour être étudiés, ou décrits, ou disséqués, dans son Histoire des animaux. […] Le premier qui l’institua rendit un immense service ; car, si l’homme, parvenu à toute sa perfection, est le premier des animaux, il en est aussi le dernier quand il vit sans loi et sans justice. […] « Certes, il est fort étrange d’aller ici chercher une comparaison parmi les animaux, pour soutenir que les fonctions des femmes doivent être absolument celles des maris, auxquels on interdit, du reste, toute occupation intérieure. […] Il serait ridicule de tenter de les soumettre à la constitution ; car ils pourraient répondre ce que, suivant Antisthène, les lions répondirent au décret rendu par l’assemblée des lièvres sur l’égalité générale des animaux.

417. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

J’exprimai quelques doutes ; je demandai si, par exemple, Byron réussirait à peindre une nature inférieure, animale ; son caractère personnel me semblait trop puissant pour qu’il aimât à se livrer à de pareils sujets. […] Nous bûmes quelques tasses de café et allâmes visiter le cabinet anatomique ; nous vîmes des squelettes d’animaux, entre autres d’animaux antédiluviens, et des squelettes d’hommes des siècles passés. […] C’est là ce que j’appelle la toute-présence de Dieu ; au fond de tous les êtres il a déposé une parcelle de son amour infini ; et déjà dans les animaux se montre en bouton ce qui, dans l’homme noble, s’épanouit en fleur splendide.

418. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Mais son devoir était de les sauver, afin De pouvoir leur apprendre à bien souffrir la faim, À ne jamais entrer dans le pacte des villes Que l’homme a fait avec les animaux serviles Qui chassent devant lui, pour avoir le coucher, Les premiers possesseurs du bois et du rocher. […] Comment il faut quitter la vie et tous ses maux, C’est vous qui le savez, sublimes animaux. […] Eh bien, rien n’est aussi éloigné de cet idéal que la conception de la vie moderne en général, conception d’après laquelle la vie animale tend toujours davantage à gouverner la vie raisonnable. Car est-ce autre chose qu’une exaspération de la vie animale, cette perpétuelle exagération des appétits individuels, qui engendre la solitude de chaque unité dans l’énorme fourmilière et l’écrasement de tous par quelques-uns ?

419. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

Il fut malade trois jours ; durant ce temps, je le nourris moi-même, je le tins séparé de ses compagnons pour qu’ils ne lui fissent point de mal (car les lièvres, comme plusieurs autres animaux sauvages, tourmentent l’individu de leur espèce, qu’ils voient malade), et, grâce à des soins constants et en le traitant avec des herbes variées, je lui rendis une parfaite santé. […] Timide lui-même et si sujet à la terreur, Cowper faisait de ces animaux à lui un rapprochement naturel : il leur appliquait le mot miséricordieux et humain du poète : « non ignora mali… », et il eût volontiers répété aussi avec un poète de l’Orient : « Ne fais point de mal à une fourmi qui traîne un grain de blé, car elle a une vie, et cette douce vie lui est chère.

420. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

Il lui semble que le stoïcisme tout pur, quand on ne le tempère point par de l’épicuréisme, est une substance trop forte qui agit comme un poison ; et il continue en ces termes : Malheureusement pour ces espèces d’animaux qui se disent raisonnables, il semble que l’erreur soit leur partage. […] Mais je suis bien fol moi-même de faire un long sermon de morale à un homme à qui je devrais adresser un épithalame… Je mets en regard ce qu’est devenu ce passage sous la plume fertile de La Beaumelle : Malheureusement pour ces espèces d’animaux qui se disent raisonnables, il semble que l’erreur soit leur partage.

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