Bornons-nous à citer Ursule Mirouët : là, c’est le magnétisme animal et ses merveilles qui servent à voiler cette triste philosophie. […] L’animal irraisonnable souffre, se résigne, et attend patiemment la mort ; l’homme intelligent sait s’affranchir, et quand la douleur est plus forte que lui, se dérober à son étreinte en se dérobant à la vie. […] C’est, comme l’a dit Swift, un animal politique et religieux .
L’esprit de justice distingue l’homme de l’animal ; et la justice fait fleurir les cités. […] Dans le premier, ce sont les esprits animaux qui jouissent du bonheur ; dans le second, les âmes raisonnables. » Et au xiiie siècle, les théologiens chrétiens connaissaient un paradis musulman qui s’harmonisait aussi bien que le paradis dantesque à la doctrine chrétienne. […] Quant à Shelley, au bout de quatre mois de cohabitation, il écrivait : « C’est un animal féminin, rusé, superficiel, laid, hermaphrodite. » Et aussi romanesque dans son exaspération qu’il l’avait été dans son idolâtrie, il la soupçonnait de passions effroyables.
Nous voyons autour de nous des arbres, des animaux, des hommes, et nous les supposons vivants ; mais ils ne sont, ainsi perçus, que des ombres vaines, tapissant le décor mobile de notre vision : et ils vivront seulement lorsque l’artiste, dans l’âme privilégiée duquel ils ont une réalité plus intense, leur insufflera cette vie supérieure, les recréera devant nous. […] Lorsque les intrépides colons ont détruit, pour occuper leurs loisirs, une inoffensive race d’animaux, dans les immenses plaines du pays de Géographie, toujours quelques individus de la race abolie échappent à la destruction, cachés dans un ravin, ou bien enfuis au secret désert dès les premiers assauts. […] Les hommes sont des animaux supérieurs, plus compliqués, et, par suite, plus différents les uns des autres. […] Je lus d’abord le Magnétisme animal de MM.
Mais si vous lisez les lettres de Piron pendant son second séjour à Bruxelles, vous y voyez celui qu’il appelle en public « le grand Rousseau », traité sans respect ni affection, comme un hypocrite et un tartufe, un envieux, un méchant, qui ne dit du bien de personne, comme « un consommé de Panurge et de La Rancune », comme un homme enfin, dont la conduite et le caractère sont des énigmes et la honte des animaux raisonnables : « Il va et vient pourtant, s’ajuste encore soigneusement ; et, malgré la pesanteur et la caducité visible où l’a jeté son apoplexie, il porte une perruque à cadenettes très-coquette, et qui jure parfaitement avec un visage détruit et une tête qui grouille.
À côté de cette haute et sérieuse poésie, on avait toute une culture piquante, variée, spirituelle, ironique et moqueuse, les Fabliaux ; mais la moquerie elle-même était venue s’amplifier par degrés, se ramifier et s’épanouir dans la vaste épopée satirique du Roman de Renart, qui est tout un monde, — un arbre gigantesque aux mille branches, habité et peuplé d’animaux, qui sont des hommes.
Ils écartent les jeux de mots, les grossièretés sensuelles, les écarts d’imagination, les invraisemblances, les atrocités et tout le mauvais bagage de Shakspeare933 ; mais ils ne le suivent qu’à demi dans les profondes percées par lesquelles il entre au cœur de l’homme pour y dévoiler l’animal et le Dieu.