Je t’ai donné tout ce que peut donner une femme à un homme : un amour, un fils, une fille ; ma dette est payée. […] Il leur vante la beauté céleste de la jeune cénobite dont il a été enivré ; puis, comme se repentant de son vain amour : « Ô insensé ! […] … ce sourire dérobé, sur lequel on vous faisait prendre aussitôt le change d’une manière si adroite, n’est-ce pas là la preuve d’un amour qui, retenu par la plus aimable pudeur, s’il n’ose se dévoiler en entier, se laisse cependant deviner en partie ? […] Les deux amants s’avouent leur amour. […] Il apprend, de la bouche de son élève chérie Sacountala, la visite du héros, son amour, sa promesse de la couronne, quand elle viendra dans sa capitale lui présenter l’anneau nuptial.
Baptiste fit exécuter, le 16 janvier 1657, un ballet auquel le jeune roi prit part, ballet italien-français intitulé Amor malato, l’Amour malade. Deux grands médecins, le Temps et le Dépit, et la Raison, prudente garde-malade, sont en consultation au chevet de l’Amour. […] Le ballet de L’Amour malade avait laissé de si joyeux souvenirs parmi les contemporains, que lorsque huit ans après, fut joué L’Amour médecin de Molière, les hommes qui, comme le fameux médecin Guy Patin, ne fréquentaient pas beaucoup le théâtre, prenaient un titre pour l’autre et parlaient de L’Amour malade, de Molière, que Paris allait voir en foule. […] À la page 6 de l’imprimé, on lit : « Flore sera représentée par la gentille et jolie Louise-Gabrielle Locatelli, dite Lucile, qui, avec sa vivacité, fera connaître qu’elle est une vraie lumière de l’harmonie. » À la page 7 : « Cette scène sera chantée, et Thétis sera représentée par la signora Giulia Gabrielli, nommée Diane, laquelle à merveille fera connaître sa colère et son amour. » Même page : « Le prologue de cette pièce sera exécuté par la très excellente Marguerite Bertolazzi, dont la voix est si ravissante, que je ne puis la louer assez dignement. » Une scène est suivie de cette note : « Cette scène sera toute sans musique, mais si bien dite qu’elle fera presque oublier l’harmonie passée. » 34.
D’un autre côté, madame de Montespan, toujours soupçonnée d’avoir eu peu d’amour pour le roi, était irritée de la préférence qu’elle entrevoyait pour une autre ; un éclat lui convenait, ne fût-ce que comme moyen de reconnaître ce qu’il lui restait de pouvoir et peut-être de rajeunir l’affection du roi. […] J’en doute, ou que du moins cela puisse durer ainsi, car il y aurait grand danger que l’amour ne reprît le dessus. » Le 10 mai, madame de Sévigné écrit à son cousin : « Je ne vous parle pas de tout ce qui s’est passé ici depuis un mois. […] Je ne néglige aucune preuve de l’attention persévérante du roi, parce que la longue durée de ses sollicitations annonce d’avance jusqu’où pourra aller son amour. […] « Madame de Richelieu a reçu des lettres du roi si excessivement tendres et obligeantes, qu’elle doit être plus que payée de tout ce qu’elle a fait. » Le roi, dont l’amour s’était ranimé par l’absence, par la contradiction et par l’ivresse d’une campagne glorieuse, était bien aise que sa maîtresse fut toujours considérée à la cour, et l’entrée en grâce près de la reine. […] L’absence, les lettres, raniment l’amour du roi pour sa maîtresse.
Quant à Charles, il ne s’aperçoit pas d’abord de Léonide : son père, qui est un Grec et un vrai Grec du siècle de Miltiade, a fait de lui un Romain, comme dit Morzande ; notre Romain est fou de gloire, de liberté, de littérature même, et la pauvre Léonide a besoin de lui découvrir son amour avant qu’il songe à l’aimer. […] S’il est au bord de la mer, Charles nous parlera sans doute de brise, de vagues et de rochers, il y verra dans ma extase des images et comme des symboles de son amour, il interprétera éloquemment toutes ses sensations au profit du sentiment unique qui l’anime ; mats il ne retracera ni la plage même sur laquelle il est assis, ni la grève qui est en face ; il ne localise jamais : ou bien encore, ce seront des forêts et leurs ombrages, des prairies et des fleurs ; mais nulle part le rocher de Meillerie, nulle part le bosquet de Clarens. […] Dans l’entraînement, et pour ainsi dire la superstition de l’amour, il semble que tout ce qui nous environne se mette en harmonie avec notre pensée, et sympathise avec nos joies et nos peines.
. — Les Poèmes de l’Amour et de la Mer (1876). — Le Faust moderne, histoire humoristique en vers et en prose (1878). — Contes parisiens en vers (1880). — La Messe en ré de Beethoven, compte rendu (1886). — Dieu le veut, drame en cinq actes et six tableaux (1888). — Les Symboles, poèmes (1888). — Tobie, légende biblique en vers et cinq tableaux (1889). — Noël ou le Mystère de la Nativité, en vers (1890). — Trois mystères : Tobie, Noël, Sainte-Cécile (1899). — Les Mystères d’Éleusis, pièce en quatre tableaux, en vers (1894). — Les Symboles, nouvelle série (1895). — Les Chansons de Shakespeare (1896). — Conte de Noël, un acte, en vers (1897). — Chants populaires pour les écoles (1897). — Aux femmes d’Alsace (1897). — Lectures et récitations (1898). — La Chanson de Roland, traduction en vers (1898). — Vers la pensée et vers l’action (1899). […] Henri Mercier Si la joie d’être débordait dans les Chansons joyeuses, les Poèmes de l’Amour et de la Mer, qui vinrent ensuite, révélèrent en Maurice Bouchor un autre poète, un poète du cœur, plein de tendresse pour la nature, de délicatesse en sa conception de la femme et de douce mélancolie. […] Il purifie le théâtre en substituant, aux comédiens, qui sont d’os et de chair, des personnages de bois, qui sont parfaitement inaccessibles aux tentations et incapables de maléfices… Et le poète marche désormais vers l’amour avec une candeur de néophyte, en robe blanche, par des chemins fleuris, dans la nuit bleue, qui donne aux figures charnelles un air d’indécision et de spiritualité.
Mais l’hallucination n’a justement ce pouvoir civilisateur admirable que lorsqu’elle renferme, détient et porte l’enthousiasme sur un caractère important, enthousiasme admiratif par amour, ou caricatural par haine. […] Je pourrais les citer tous et nous trouverions toujours la même chose : enthousiasme pour un caractère dominant à une époque et dans une société donnée, interprété en admiration par amour, ou en haine par amour de la vertu contraire au vice découvert. » M.