Lesbino s’efforce de le détourner de cette passion qui ne lui peut faire honneur ; il lui demande s’il n’a jamais éprouvé d’autre amour. […] Silvia, obligée d’écouter les confidences du capitaine Spavente qui l’entretient de ses nouvelles amours, faisait naturellement entendre les mêmes plaintes que la Lélia des Ingannati : « Pauvre et misérable fille, tu viens d’ouïr de tes propres oreilles, et de la bouche même de cet ingrat, l’amour qu’il te porte. […] Moi, je le laisserai ou je mourrai. » De même, lorsque le capitaine revient à Silvia, ils n’ont d’autres paroles à échanger entre eux que celles que prêtent à leurs personnages les auteurs des Ingannati : Regardez, messer Spavente, reconnaissez votre page, celui qui s’est fait votre serviteur si fidèle, si dévoué ; celle qui vous a aimé d’un amour si brave et si constant. […] comme vous savez peu estimer l’amour d’une dame comme elle ! […] Mais, outre qu’elle s’attire Toute âme par son bien dire, Combien d’attraits et d’amours Et d’autres grâces célestes, Soit au visage ou aux gestes, Accompagnent ses discours !
Il est évident que les Amours secrètes de Pie IX durent une jolie part de leur réussite en librairie au nom du souverain pontife qui s’étalait sur la couverture. […] Gebhart, dont c’est le métier et sans nul doute le plaisir de revivre l’histoire d’Italie, surtout de l’Italie mystique, avoue s’être accordé une récréation : « celle de mêler un conte d’amour ingénu aux terreurs du règne de Grégoire VII et d’entourer d’une chanson d’abeille la tiare du trône de Canossa ». […] Il y a, dans Autour d’une tiare, où parmi les péripéties les plus grandioses et les plus douloureuses d’un étonnant pontificat, naît, sourd doucement, enfin clame l’amour de deux enfants, il y a des silhouettes sombres de moines fanatiques et meurtris, des aventuriers sataniques et des cardinaux de tapisserie ; mais la figure préférée, je suis sûr, c’est ce bon évêque Joachim, évêque sans évêché, puisqu’on l’a chassé, pour cause de pauvreté, de son diocèse d’Assise, et qui est devenu l’hôte du pape et le familier du Latran. […] Quand Joachim est confident, sans le vouloir d’un amour point spirituel, il ne s’indigne, ni ne réfléchit, et ne pense qu’au mariage nécessaire, oubliant tout à fait que l’Église ne permet pas le mariage pour la satisfaction de la volupté, mais seulement pour la création de la famille. […] C’est des amours fous ou criminels, l’oubli de la femme chérie, le droit à changer d’objet que s’arroge l’Amour, et à choisir en aveugle, qu’il faut accepter puisqu’on n’a pas refusé son choix quand il avait fait une première sélection, providentielle ; c’est la sœur de l’épouse qu’on désire, et c’est deux femmes qu’on tue ; et l’envie dans le mal dont on se sent irresponsable de courir le monde et des cieux non témoins, et la lassitude finale de tout ce qu’on peut toucher dans la vie d’inutile, de tragiquement bête, de vaniteusement vain.
Monsieur Alphonse Bonaparte épousa, pour obtenir un commandement, la maîtresse de Barras : Monsieur Alphonse d’Annunzio fit la conquête de l’actrice qui pouvait servir sa gloire en jouant ses drames avec amour et rêva de la cantatrice dont la voix donnerait à ses vers une beauté nouvelle. […] L’amour de la couleur, quand il s’accompagne d’une indifférence aussi complète au dessin et d’une aussi effroyable impuissance logique, me paraît un symptôme sûr de la manie destructive. […] Le Feu est, comme Adolphe, l’histoire de la fin d’un amour. […] Elle éprouvait elle-même un sentiment mal défini, où l’amour tient moins de place que le caprice de dominer et la fantaisie de faire souffrir. […] Heureusement la femme légale de Jude reparaît, et Suzanne accorde à la jalousie ce qu’elle refusait à l’amour.
Italienne et Romaine, c’est-à-dire exclusivement faite pour l’amour et sans les vanités françaises, elle se contenta d’être une vraie femme d’abord, et ensuite une sainte femme, et à aucune époque de sa noble vie elle n’eut le souci ni le goût du célèbre salon bleu d’Artémise, dans lequel le grand Condé lui-même se rapetissait. […] été une heureuse, cette sainte de l’amour, comme dit Renée, eut le courage de devenir une sainte tout à fait. […] Mais il y eut pour elle plus difficile que de détacher les haines de son âme, ce fut d’en détacher son amour, d’en ôter un à un tous les rêves et les souvenirs de sa vie. […] Épuisée d’amour et de vie, transfigurée déjà, elle alla bientôt parachever sa transfiguration dans le ciel. […] Entre les femmes célèbres par le dévouement et l’amour, il n’y en a pas de plus grande que la veuve de Montmorency, mais sa vertu n’a pas eu d’ombre, et s’est ensevelie dans sa perfection. » Telles sont les pénétrantes paroles par lesquelles finit un volume qui nous prend l’âme avec une main tout à la fois puissante et douce, et dont on sent autour de son cœur l’empreinte longtemps.
Évidemment il les domina par la faculté la plus élevée d’entre les facultés humaines, quel que soit l’objet auquel on l’applique, — par cette faculté de l’ordre que Voltaire n’eut jamais qu’avec ses domestiques et ses libraires, et que Montesquieu aurait pu avoir, sans cet amour mesquin de l’épigramme qui l’a tant rapetissé ! […] Non, il se maria tard, dans sa beauté mûrie, et distribua ses jours entre la Méditation et la Nature, entre l’amour sans trouble du mariage et les vigilances tendres et lucides de la paternité. […] Flourens, après tout ce qu’il avait dit déjà, pouvait ne pas dire, sans faire préjudice à l’homme de son culte, mais qu’il a dit, parce que l’amour infini a soif de lumière infinie. […] Là, on trouve une critique de Buffon pleine de verve, de mouvement, de sagacité et de science, — une critique faite par un amour qui a déchiré son bandeau, mais qui n’en est pas moins de l’amour encore. […] Assurément, nous ne croyons pas que jamais il sorte de cette critique de l’amour qui est la sienne quand il s’agit de Buffon, et qu’il puisse entrer dans cette impartialité froide qui est la vraie température de toute critique ; mais rendons-lui justice, et convenons que pour lui l’enfant de Buffon, le cartésien comme Buffon, l’homme incessamment occupé à brosser comme un diamant la gloire de Buffon, pour qu’elle brille davantage, il a cependant dans le regard une fermeté qui étonne quand il le porte sur son maître.
— Le Livre d’amour (1898). […] Fuster, je dirai qu’elle se passe pendant la dernière guerre ; que deux fiancés, Louise et Pierre, recueille et, soignent un blessé, lequel se prend d’amour pour la jeune fille ; mais le malade, rendu à la santé, retourne parmi les siens ; Louise revient peu à peu à celui qui n’a cessé de l’aimer et oublie ce mirage d’un instant qui avait trompé son cœur. […] Fuster a trouvé des développements fort touchants, et sa muse y a pris prétexte à chanter aussi bien les grandes guerres, l’héroïsme, que le charme de la nature et les phases d’un amour qui s’éteint et se ranime.