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426. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Du Deffand »

En effet, nous la retrouvons en ces deux volumes (une vraie bonne fortune pour ceux qui aiment les correspondances) telle que ses lettres à Horace Walpole, son ami aussi singulier qu’elle, nous l’avaient montrée. […] Une des reines du xviiie  siècle, douée de tous les dons aimables par lesquels on était reine alors, une Titus femelle, les délices du genre humain, comme disait d’elle une de ses amies, une des plus éblouissantes soupeuses de cette époque où le souper était « une des quatre fins de l’homme et où l’on oubliait les trois autres », un des esprits les plus teintés de ce rouge audacieux que les femmes mettaient sur leurs joues pour qu’on vint l’essuyer, se plaint, à travers les rires de tout le monde et même des siens, d’un ennui que ne connaît personne, de cet inexorable ennui dont parle quelque part Bossuet, que certainement elle ne lisait pas ! […] Quoique ardente d’amitié, elle sent jusque sur le cœur de ses amis cette misère… Elle pèse sur eux ; ils pèsent sur elle… Et sa gaieté mêlée à cette tristesse devient plus triste que la tristesse la plus désolée. […] Elle a flatté Voltaire dans ses lettres, elle s’y vante d’être son amie, et elle le méprisait comme un drôle dont la familiarité la choquait ; car ôtez la familiarité et l’insolence à Voltaire, et dites-moi ce qu’il en resterait ! […] Elle n’a rien de sa vieille amie, bien plus jeune qu’elle, en dépit de ses soixante et mille ans, comme elle disait.

427. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « X. Doudan »

Ce Doudan, qui s’appelait Ximénès et qui n’était pas cardinal, — l’aurait-il été que ce n’eût pas été comme Ximénès, mais comme Bembo, — ce Ximénès Doudan sortait de terre, comme une taupe, ou de Douai, cette taupinière, et serait resté un petit professeur perdu quelque part sans les de Broglie, qui le prirent chez eux comme précepteur, et qui tombèrent bientôt sous le charme de cet esprit à qui les bégueules de la politique ne résistaient pas et qui, plus fort que Don Juan qui ne séduisait que les femmes, accomplissait ce tour de force et de souplesse de séduire des doctrinaires… Joubert avait été l’ami de Chateaubriand. […] Le prince de Broglie fut le patron et l’ami de Doudan. […] Lui aussi était un corps dont son âme ne savait que faire, ainsi que le disait Madame de Châtenay de son ami Joubert. […] Ses amis, qui l’admiraient en ses causeries et qui n’avaient jamais entendu causer comme cela dans aucun ministère, se pendirent à ses oreilles pour lui faire écrire quelque chose comme eux. […] Quoiqu’il ressemble à Joubert par l’accent, le coloris, le platonisme, et ce que je me permettrai d’appeler : la sensualité de l’immatériel, Joubert a une autre religion littéraire et d’autres assises dans la pensée que ce capricieux Doudan, qui s’amuse à sauter, avec tant de grâce, à travers tous les cerceaux du paradoxe, et qui avait bien ses raisons pour résister à ses amis qui lui conseillaient de faire un livre.

428. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XII. »

Ami des philosophes pythagoriciens et des arts de la Sicile, attiré par un despote corrompu à cette cour de Syracuse où, un siècle auparavant, Pindare avait été l’hôte favori d’un roi généreux, Platon aimait les hautes pensées et la majesté religieuse du grand lyrique thébain. […] Un vers isolé dans quelque commentaire nous atteste ‘qu’il avait composé des hymnes aux dieux ; et les siècles, à travers tant de ruines, ont conservé son hymne à la Vertu, souvenir de reconnaissance à la mémoire de son ami, l’eunuque Hermias, gouverneur d’une ville d’Asie. […] ni dans le cercle immense de l’éther divin, ni sur la mer, hormis ce que font les méchants dans l’égarement de leurs âmes ; et tu mets la règle où était le désordre, et les choses ennemies te sont amies. […] Majestueux spectacle de sa présence, tous les amis en cercle, et lui-même au milieu, comme si les amis étaient les astres, et lui le soleil !

429. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

dit-il à son fils ; valent-ils ceux du violon de ton ami le serrurier ? […] dit Mozart le père à son ami, il est pauvre. […] « Excellent ami (pour vous tout seul), « Pleurez avec moi, mon ami ! […] Il n’y avait personne auprès d’elle que moi, un de nos bons amis, que mon père connaît, M.  […] Mon ami, ce n’est pas d’aujourd’hui, c’est depuis fort longtemps que je suis préparé !

430. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

Nous fûmes tout de suite bons amis. […] mon ami, dit la jeune femme, cela ressemble à des taches de sang. […] dit-elle avec un air bien peiné ; moi, du regret de t’avoir suivi, mon ami ! […] dites donc, mes petits amis ! […] Nous avions été amis depuis le premier jour, nous devions l’être jusqu’au dernier !

431. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Enfin un buste de moi sur une planche de noyer, dans un coin de la chambre, buste qui n’était pour Béranger ni celui d’un poète, ni celui d’un orateur, mais tout simplement le buste d’un ami de la dernière heure : ces amis sont souvent les plus chers, parce qu’ils sont les plus inattendus, et que, s’étant rencontrés tard, ils se donnent rendez-vous dans l’éternité pour s’aimer plus longtemps qu’ici-bas. […] nous l’avons aimé, nous l’avons estimé, nous l’avons chéri comme un père et comme le plus tendre des amis. […] Le premier empire arma, de son côté, en proportion des forces levées contre lui ; il chercha même des ennemis jusque parmi les amis de la France, comme en Espagne. […] il faut en convenir, les funestes amis de la Restauration, dans les Chambres de 1815 et depuis, commençaient à prêter trop d’armes au poète. […] Il sacrifiait ses intérêts de banque à ses affections d’homme de parti ; il encourait, pour ses amis de l’aristocratie, les procès, les exils, les prisons du gouvernement républicain.

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