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646. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

L’homme n’admire que ce qu’il trouve extraordinaire ; le poëte ne lui doit donc proposer que des choses qui soient hors de l’ordre commun ; et pour concilier ces deux principes qui paroissent si opposés, il doit donner au merveilleux les couleurs de la vérité, par des préparations si vraisemblables, que les prodiges mêmes dont il veut frapper l’esprit, en paroissent comme des suites naturelles. […] Cependant, jusqu’où va la passion de justifier un auteur qu’on croit avoir intérêt de trouver sans défaut ; soit pour ne pas rougir d’avoir employé trop de tems à l’approfondir ; soit pour ne pas se démentir sur ce qu’on a admiré quelquefois trop légerement. […] Que le poëte choisisse un objet inutile ou desagreable ; il ne me causera que de l’ennui ou du dégoût : au lieu, qu’en blâmant un pareil choix dans le peintre, je puis encore admirer dans son ouvrage, la ressemblance parfaite avec les objets qu’il aura choisis. […] Ainsi Homere donne à de certains vices un éclat qui décele assez l’opinion favorable qu’il en avoit ; on sent par tout qu’il admire Achille ; il ne semble voir dans son injustice et dans sa cruauté, que le courage et la grandeur d’ame, et l’illusion du poëte passe souvent jusqu’au lecteur. […] Ce n’est pas que quand les grecs eussent lû eux-mêmes les poëmes d’Homere, ils eussent été en état de les admirer moins ; car comme leur goût n’étoit pas encore formé par de bons ouvrages, la médiocrité leur eût toûjours tenu lieu de la perfection, et ils n’eussent pas été blessés des fautes, parcequ’ils n’avoient pas encore des principes qui leur aidassent à les reconnoître.

647. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Au lecteur d’admirer en détail. […] j’en ai fini avec les petites (et grosses) infamies qui, de régions prétendues uniquement littéraires, s’insinueraient dans la vie privée pour s’y installer ; et veuillez, lecteur, me permettre de m’étendre un peu, maintenant qu’on a brûlé quelque sucre, sur le pur plaisir intellectuel de vous parler du présent ouvrage qu’on peut ne pas aimer, ni même admirer, mais qui a droit à tout respect en tout consciencieux examen ? […] Sauf un petit groupe de Parnassiens indépendants, les grands Parnassiens (Coppée, Mendès, Hérédia) n’admirèrent que mal ou pas du tout le phénomène nouveau. […] Comme moi, vous avez lu ce livre grandiose et sévère, Salammbô, et comme moi vous en avez goûté et admiré le style rhythmé, les descriptions éblouissantes, les batailles magnifiquement évoquées, les personnages épiques et, par dessus tout, la fable si simple et si terrible. […] Admirons qu’en ces dernières années d’un siècle qui en vaut bien un autre, mais qui passe pour ce qu’on appelle pratique à l’excès, prosaïque en un mot, étonnons-nous, non sans joie, que le nombre et non seulement le nombre, parbleu !

648. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Pour les qualités de l’esprit, Louis XIV eut au plus haut degré toutes celles que demande la royauté, et, dans une mesure marquée par les devoirs du rang, la plupart de celles qu’on admire dans un homme privé. […] Ses ennemis ne l’admirent guère moins que ses amis, et les mémoires secrets ne démentent point les éloges publics. […] Avant que tes bienfaits courussent me chercher, Mon zèle impatient ne se pouvait cacher ; Je n’admirais que toi. […] Mais Mme de Sévigné ne se trompait pas lorsque, se ravisant sur Esther, qu’elle s’était d’abord défendue d’admirer, elle y trouvait « mille choses si justes, si bien placées, si impartantes à dire à un roi 234. » Racine ne pensait pas plus à rechercher le succès des allusions qu’à éviter, de peur que le public ou le roi n’y vissent des allusions, les vérités de son sujet et les vérités du cœur humain. […] « Il se remue pour Votre Majesté, disait-il dès 1660, quelque chose d’illustre et de grand et qui passe la destinée des rois vos prédécesseurs : ne mettez point par vos péchés obstacle aux choses qui se couvent261. » Plus tard, quand tout ce qu’il avait prophétisé se fut accompli, il disait du roi entrant dans l’âge mûr : « Un roi a été donné à nos jours, que vous nous pouvez figurer en cent cc emplois glorieux et sous cent titres augustes : grand dans la paix et dans la guerre, au dedans et au dehors, dans le particulier et dans le public ; on l’admire, on le craint, on l’aime.

649. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

. — Cela se peut, mais convenez qu’après cette étude le petit nombre de ceux que j’admirerai en vaudront la peine. — Il est vrai. […] Tandis que les dieux dispersés dans l’Olympe célébraient la délivrance de Jupiter et la naissance de Minerve, les hommes s’occupaient à l’admirer. […] Il me semble que si elle était là, dans son vêtement négligé, que je tinsse sa main, que son admiration se joignît à la mienne, j’admirerais bien davantage ; il me manque un sentiment que je cherche et qu’elle seule peut m’inspirer. […] Je regardais, je sentais, j’admirais, je ne raisonnais plus, je m’écriais : ô profondeur des mers ! […] Celui-ci est un imitateur sublime de nature ; voyez ce qu’il sait exécuter, soit avec l’ébauchoir, soit avec le crayon, soit avec le pinceau ; admirez son ouvrage étonnant ; eh bien, il n’a pas sitôt déposé l’instrument de son métier qu’il est fou.

650. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

Ceux qui ont le mieux critiqué Barthélemy et fait ressortir ses infidélités, ses enjolivements de ton, n’auraient peut-être osé eux-mêmes tout aborder, tout rendre de cette poésie qu’ils admiraient si bien, et ils avaient à leur tour des adoucissements qui l’auraient par endroits voilée. […] Si l’on suppose que c’est quelque Lesbie qui parle, quelque Sapho passionnée, on pourra également admirer le distique de Méléagre, dont voici le sens, privé du rhythme et de la grâce concise : « Si je regarde Théron, je vois l’Univers ; mais, si l’Univers est sous mes yeux et non pas lui, tout au contraire je ne vois rien. » Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères, Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ! […] Mais n’admirez-vous pas la quintessence ?

651. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

Elle fut vendue sous son véritable nom au duc de Valentinois, qui en fit présent à la duchesse de Mantoue, où elle est restée depuis, plus admirée qu’une œuvre antique. […] Les Romains et les étrangers s’y rendaient en masse pour l’admirer. […] » La mort de Vittoria Colonna devint le texte habituel de ses derniers chants : « Quand celle vers qui volaient tous et tant de mes soupirs fut, par la volonté divine, enlevée de la terre au firmament, la nature, qui ne s’admira jamais dans un si beau visage, parut attristée, et tous ceux qui l’avaient vue restèrent dans les larmes !

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