— Vous, vous n’aurez pas ce prix ; mais vous serez de l’Académie. […] À repousser ce présent-là, l’Académie aurait la sienne toute prête. […] L’Académie est un concours général. […] Car, avant 1793, il y avait une Académie de Peinture et de Sculpture, une Académie de Musique et de Danse, une Académie d’Architecture ; mais il n’y avait pas d’Académie des Beaux-Arts réunis. […] — Mais alors, nous sommes une Académie !
Rivarol, qui avait eu un prix à l’Académie de Berlin sur une question de langue française, n’en était pas moins compétent en matière de langage et a pu n’être pas compromis par son prix. […] Et pourquoi n’a-t-il pas fait, philologue qui veut toucher aux mœurs par la philologie, l’histoire de ces mots redoutables, Tarquins futurs d’une Académie qui n’est pas Lucrèce, et qui, pour cette raison, ne doit pas mourir… de ce que vous savez ? […] En lisant son Étude historique, littéraire et morale, sur les proverbes, qui est un véritable traité ex professo sur la matière, et cet amusant Dictionnaire, que le duc de Richelieu n’aurait pas fait lire à son fils comme celui de l’Académie quand il le mettait en pénitence, on regrette vivement que le tempérament — sinon les connaissances — ait manqué.
Gaston Boissier était un normalien et un professeur, et son livre, en un tour de main, le fit de l’Académie. […] Boissier ; mais s’il n’a pas d’autre recommandation pour l’Académie que son livre, il n’en sera jamais ! […] Les dieux, c’est, pour l’Académie, ouverte aux professeurs, l’antiquité et le paganisme, et le maraud, c’est l’auteur du livre où l’antiquité est bernée.
Nous sommes des cerveaux avant d’être des cœurs… Charles de Rémusat, qui avait commencé par être un homme d’esprit, même en philosophie, mais qui s’était bientôt émoussé dans l’hébétante collaboration de la Revue des Deux Mondes, — ce mancenillier de l’ennui, — Charles de Rémusat, homme d’Académie et de groupe, qui fut toute sa vie un comparse ; qui, en politique, venait bien après Thiers, et en philosophie, bien après Cousin, a maintenant presque tout à fait disparu de la préoccupation publique, et, certes ! […] Charles de Rémusat a reculé devant un type de femme qui n’avait pas effrayé Pope, ce poète moral, et, plus prude que le chaste Anglais, il nous a donné une Héloïse bas-bleu moderne en langage très moderne, mêlant joliment, et dans une bonne nuance, la métaphysique à l’amour ; — un bas-bleu comme il pouvait s’en trouver un, du reste, dans la société de Charles de Rémusat (de l’Académie française). […] … C’est que Shakespeare faisait des drames de génie, tandis que Rémusat fait un drame philosophique, juste-milieu, centre gauche, Faubourg Saint-Germain, Académie française, — et j’ai même trouvé dans sa phrase, tout le long de la rhétorique de son drame, quelque chose qui sentait le renfermé de feu Villemain.
Lorsque, en 1827, à l’occasion du sujet proposé par l’Académie française, qui avait demandé le Tableau de notre littérature au xvie siècle, quelques esprits curieux se portèrent plus particulièrement vers la poésie de ce temps-là, leur première impression fut la surprise : on leur avait tant dit que cette poésie, celle qui remplissait l’intervalle de Clément Marot à Malherbe, était barbare et ridicule, qu’ils furent frappés de voir, au contraire, combien elle l’était moins qu’on ne le répétait de confiance ; combien elle offrait, après un premier et rude effort, d’heureux exemples de grâce, d’esprit, et parfois d’élévation. […] Henri Martin, doyen de la Faculté de Rennes, et qui était alors à la Faculté des Lettres de Caen, pelotait, comme on dit, en attendant partie, et publiait dans le Recueil de l’Académie normande tout un mémoire sur le poète évêque Bertaut (1840). Un autre poète évêque, Pontus de Tyard, est devenu le sujet d’un prix proposé par l’Académie de Mâcon et décerné à un écrit fort développé et fort circonstancié de M. […] Pour ma part j’aime à le rapprocher, malgré les différences du ton, de la Lettre de Fénelon à l’Académie française. Je le trouve aussi tout à fait digne d’être mis en pendant et en vis-à-vis avec le brillant discours de l’universalité de la Langue française de Rivarol, couronné, en 1784, par l’Académie de Berlin.
Chapitre X Une Académie de la beauté verbale. — La formation savante et la déformation populaire. — La vitalité linguistique. — Innocuité des altérations syllabiques. — La race fait la beauté d’un mot. — Le patois européen et la langue de l’avenir. Une académie serait utile, composée d’une vingtaine d’écrivains — si on en trouvait vingt — ayant à la fois le sens phonétique111 et le sens poétique de la langue.