« Les pouvoirs et les forces — dit Taine — ne sont que des entités verbales et des fantômes métaphysiques. » C’est la négation absolue des facultés de l’âme, ou plutôt la négation de l’âme elle-même.
Est-ce Louis XVI absolu, — concessionnaire, — ou décapité ?
Cadio et Les Messieurs de Bois-Doré sont, dans l’opinion du public, de ce gros public qui fait les gros succès, uniquement de madame Sand, dont la jupe, comme un éteignoir, a couvert et éteint tout net la collaboration de Meurice, et l’a payé ainsi de son manque de fierté ; car si toute espèce de collaboration est déjà un assez humble aveu d’infériorité, la collaboration spéciale dans laquelle un homme sera toujours pris pour avoir fait la femme de l’association, est un manque absolu de fierté.
Il eût mieux valu dire que sa valeur n’était rien à son humanité ; qu’empereur il fut modeste et doux ; que maître absolu, il donna, par ses vertus, des bornes à un pouvoir qui n’en avait pas ; qu’il n’eut point de trésor, parce qu’il voulait que chacun de ses sujets en eût un ; que les jours de fêtes, il empruntait la vaisselle d’or et d’argent de ses amis, parce qu’il n’en avait point lui-même ; qu’il fut humain en religion comme en politique ; et que, pendant tout le temps qu’il régna, tandis que les autres empereurs, persécuteurs des chrétiens, lui donnaient l’exemple d’une superstition inquiète et féroce, il ne fit jamais, dans ses États, ni dresser un échafaud, ni allumer un bûcher.
Dans les rangs secondaires, Rœderer en était probablement déjà, en 91, à ses idées in petto de pouvoir absolu éclairé, dont sa vieillesse causeuse et enhardie par l’Empire nous a fait tout haut confidence. […] « Ce n’est pas, sans doute, cette absolue prévoyance de tous les temps, cette création précise de chaque événement, auxquelles le vulgaire aime à croire comme aux sorciers. […] Jeune et célèbre, déjà plein d’actions, chevaleresque parrain de treize républiques, il parcourait et étudiait l’Europe, les cours absolues, assistait aux revues et aux soupers du grand Frédéric, et, de retour en France, par ses liaisons, par ses propos, par son attitude à l’Assemblée des notables, poussait hardiment à des réformes, dont le seul mot, étonnement de la cour, électrisait le public, et que rien ne compromettait encore. […] La Fayette s’y complaît évidemment ; il y revient en chaque occasion ; il nous rappelle que, parmi les républicains du 10 août, Condorcet avait alors oublié sa note fâcheuse sur le mot Patrie du Dictionnaire philosophique de Voltaire : « Il n’y a que trois manières politiques d’exister, la monarchie, l’aristocratie et l’anarchie. » Il se souvient que, parmi ces mêmes républicains, Clavière, deux ans auparavant, avait mis dans la tête de Mirabeau, dont il était le conseil, de soutenir le veto absolu du roi comme indispensable ; que Sieyès, un an auparavant, publiait encore, par une lettre aux journaux, que, dans toutes les hypothèses, il y avait plus de liberté dans la monarchie que dans la république. […] Il lui répond d’Utrecht, à propos des imbroglios d’intrigues croisées qui remplirent l’intervalle du 30 prairial au 18 brumaire : « Je suis persuadé que les anciens et les nouveaux jacobins combattent, comme dans les tournois, avec des armes ensorcelées ; et tout me confirme que les insurrections ne sont plus pour un régime libre, mais, au contraire, pour le plus bête et le plus absolu despotisme.
Parmi les prédicateurs de ce lieu commun, les seuls qui puissent être encore originaux, ce sont les philosophes orthodoxes décidés d’avance à opérer au milieu de leurs phrases compromettantes le sauvetage impossible de l’absolu ; ceux-là resteront toujours divertissants par le spectacle héroï-comique de leurs efforts désespérés pour échapper à la terrible loi du relatif, que cette contradiction des goûts nationaux proclame avec une évidence accablante. […] À les en croire, l’homme trouble l’harmonie de l’univers, plus qu’il n’en fait partie ; il a sur ses actions, ses passions, ses œuvres un pouvoir absolu, et ses déterminations ne relèvent que de son arbitre ; la Nature, de son côté, est sans lois ; non seulement l’homme lui échappe, mais elle peut, en quelque façon, s’échapper à elle-même ; les accidents historiques ne sont pas des phénomènes naturels, et les phénomènes naturels ne sont point des faits nécessaires. […] Il se jette au cœur des réalités qu’il veut connaître, sort de lui-même pour mieux éprouver la puissance de l’objet, ne juge rien à un point de vue absolu, parce que les jugements absolus isolent ce qui n’est pas isolé, fixent ce qui est mobile dans un monde où tout se touche et s’enchaîne, se limite et se prolonge ; il conserve toujours, partout, ce calme et ferme esprit d’observation que rien n’étonne, qui sait rendre instructives jusqu’aux folies de nos semblables, jusqu’à leurs apparentes déviations de l’ordre et de la loi394. […] Les souverains absolus n’aiment pas les gens d’esprit indépendants.