Il est bien plus que l’abbé Delille de l’école directe de Boileau et de Racine. […] Racine jeune, Racine déjà revenu d’Uzès et à la veille d’Andromaque, Racine né au xviiie siècle, ayant beaucoup lu, au lieu de Théagène et Chariclée, l’Épître de Colardeau, et se promenant, non pas à Port-Royal, mais au Luxembourg, aurait pu écrire la Chartreuse. […] Jusqu’à Racine, je ne vois guère, en remontant, que ce grand élan de Lusignan dans Zaïre. […] On relira toujours, en les blâmant, les deux articles de Fontanes contre madame de Staël, comme on relit les deux petites lettres de Racine contre Port-Royal : et Racine a de plus contre lui ce que M. de Fontanes n’a pas, l’ingratitude. […] » c’est-à-dire il n’y a plus à en faire après Racine.
Racine le fils s’est traîné faiblement sur le dessin tracé par un si grand maître. […] Le Tasse, Milton, Corneille, Racine, Voltaire, vous retracent ses miracles. […] Tous les gens de lettres instruits et de bonne foi aimeront le parallèle qu’il établit entre le style de Racine et de Voltaire. […] La langue poétique de Racine est plus correcte et plus pure : celle de Voltaire est plus vive et plus passionnée. […] Le Dieu qu’adoraient Fénelon et Racine a consolé sur le lit de mort leur éloquent panégyriste et l’héritier de leurs leçons.
Corneille et Racine ont été des poètes plus grecs et plus latins que français ; Bossuet lui-même a été plus hébraïque que gaulois. […] Racine imite, ou plutôt calque les tragiques grecs, Euripide et Sophocle, dans ses tragédies. […] Après avoir imité trente ans, le Phidias de la poésie, Racine se hasarde enfin à tenter son chef-d’œuvre, et, en signant de son nom son premier monument original, il signe en même temps le nom de la France. Elle a fait Athalie, comme Athènes a fait le Parthénon ; car Athènes avait fait Phidias, et la France avait fait Racine. […] Il en est ainsi du génie poétique et religieux de Racine ; il n’est pas contenu dans Athalie, mais il y est manifesté dans son originalité, dans sa majesté et dans sa puissance.
Il vit beaucoup dans sa jeunesse Racine et Despréaux ; il mérita une place honorable dans les vers de ce dernier ; il donnait quelquefois au poète vieillissant, qui lui lisait ses vers, des conseils de prosateur un peu timide et auxquels Despréaux ne se rendait pas. […] Un de ses correspondants les plus ordinaires était M. de Valincour, cet ancien ami de Boileau et de Racine, amateur de toutes sciences et de toutes belles-lettres, esprit délicat, un peu singulier, d’une religion extrême, et qui, par la sévérité dont il était à l’égard de la métaphysique (tout en la possédant très bien), forçait souvent d’Aguesseau à en prendre la défense. […] En littérature, à proprement parler, je le définirai un élève de Racine, de Boileau et de L’Art poétique, mais qui a gardé quelque façon complaisante de périphrase que Pascal qu’il admire tant ne lui aurait guère passée. […] S’il écrit au même M. de Valincour au sujet du jeune Racine qui est à Fresnes, on voit quelle idée solennelle d’Aguesseau se forme volontiers d’un poète : Que dites-vous du jeune poète que nous avons ici depuis plus de quinze jours, et qui n’a jamais voulu lui prêter sa muse (à Mme la chancelière) pour vous répondre ? […] Toute cette lettre, au fond, ne signifie autre chose, sinon que Racine fils, qui faisait d’assez beaux vers, ne paraissait nullement un homme d’esprit.
Ils prièrent leur frère le docteur de leur rendre raison de cette question si obscure ; et, quand ils virent qu’elle se réduisait à si peu de chose, ils firent conseiller à Messieurs de Port-Royal par Vitart, cousin de Racine, de montrer clairement au public combien tout ce grand bruit qu’on faisait était pour rien. […] Quinault lui paraît supérieur à Racine, et le peintre Le Brun (ô sacrilège !) […] Daunou) ; je ne vois rien dans cette activité de Perrault qui sente le corrupteur ; je ne vois pas plus en lui le courtisan qu’en bien d’autres de ce temps-là, qu’en Racine et en Boileau même. […] Racine, plus contenu et plus ironique, félicita Perrault de son tour de force, en lui disant qu’on voyait bien qu’il n’avait voulu, par ce jeu d’esprit, que rendre parfaitement le contraire de ce qu’il pensait. […] On finit par s’en rapporter dans cette grave affaire à l’avis de Bossuet, lequel donna moins de tort à Perrault que ne l’avait fait Arnauld ; et, sur ces entrefaites, Racine ménagea entre les deux adversaires une réconciliation qui, sans être jamais fort tendre, fut honnête du moins et suffisante.
Vous prendrez donc une idée de l’amour maternel, où Racine fournira beaucoup, mais où il entrera un peu de vous-même. Et s’il vous faut jamais en parler, vous ne le ferez point avec puérilité — Racine vous en sauvera — ni avec banalité — vous y échapperez par le sentiment personnel. La lecture aura développé le germe qui était en vous ; le retour sur vous-même aura vivifié la lecture, et vous direz après Racine, d’après lui, je le veux bien, des choses qui pourtant seront vous-même. […] Que Malebranche et Pascal vous éclairent sur Montaigne ; que Bossuet vous fasse comprendre Corneille et Racine, et la nature du poème dramatique ; anathème à part, il y a peu de critiques qui aient mieux entendu le théâtre que Bossuet.