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445. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau, et Joseph Saurin. » pp. 28-46

Tout ce qu’il y avoit alors en France d’écrivains de génie se trouva diffamé. […] Joseph Saurin quitta la France deux ans avant la révocation de l’édit de Nantes. […] Il trouva des protections & des secours en France. […] Le duc d’Orléans régent lui fit écrire qu’il pouvoit reparoître en France en toute sureté. […] On a cru trouver des lumières sûres dans un écrit laissé par le fameux Boindin, procureur du roi, des trésoriers de France, ce censeur en titre de toutes les nouveautés de Paris, si bien peint dans le Temple du goût, sous le nom de Bardou, homme sans religion*, mais de mœurs rigides.

446. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Louis XVI et sa cour »

Il n’y avait encore en France que le café de Louis XV qui eût f… le camp, comme disait la Du Barry, quand Louis XVI monta sur le trône. Mais la France elle-même tenait bon, et elle tenait pour ses maîtres, infatigable encore de fidélité. […] Le livre de Renée s’inaugure splendidement par ces superbes espoirs que la France eut la noble folie de mettre en Louis XVI à son avènement. […] Toute âme, elle, comme Louis XVI était tout physique, toute àme, mais non pas toute intelligence ; car, lorsque son tour arriva de gouverner sous ce roi, qui n’était pas roi et dont le néant tuait la France, elle prit Brienne, croyant tenir le Kaunitz de sa mère ! […] Il y a enfin les hommes de mer, l’honneur de ce règne de Louis XVI à qui la terre faisait si peu d’honneur, d’Estaing, de Grasse et Suffren, l’audacieux bailli, que voilà bien revenu des Indes où sa gloire était trop engloutie, ramené par Renée dans un beau livre et mis sous les yeux de la France.

447. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Oscar de Vallée » pp. 275-289

Quoi qu’elle soit, du reste, elle a pourtant cet avantage, qu’elle doit garder, qu’elle est la première langue qu’en France le journalisme ait parlée, et ce n’est pas un bégayement ! […] André Chénier fut un des premiers qui le révélèrent à la France. […] Certes, Chénier n’eût pas été plus intrépide contre les bourreaux de la France, qui devinrent les siens, quand il aurait été chrétien. […] Oscar de Vallée a clos son volume par ces ïambes incomparables et immortels, qui ont fondé en France la poésie iambique et qui sont bien autrement beaux que ceux d’Auguste Barbier, qui sont déjà si beaux et qu’ils ont inspirés ! […] Cette poésie de Chénier paye-t-elle à la France la douleur et la honte d’avoir eu les Jacobins pour maîtres ?

448. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Eugène Pelletan » pp. 203-217

Il en a fait un homme politique, un de ces cuisiniers de révolutions et de gouvernements impossibles, qui empoisonnent la France depuis près d’un siècle… Le journalisme, qui, si l’on n’y prend garde, donne de si mauvaises habitudes à la pensée, a donné à Pelletan tous les défauts qui sautent aux yeux dans son nouveau livre : l’inconsistance, la frivolité, les passions de parti et leurs faux jugements et leurs injustices, et surtout cette terrible et misérable faculté de se monter la tête, de suer à froid, comme disait Beaumarchais, en parlant des avocats, ces journalistes du bec comme les journalistes sont les avocats de la plume, et de se faire illusion à soi-même pour mieux faire illusion aux autres. […] Toute son introduction est pleine d’assertions de cette espèce et de réticences qui les complètent : « La France — dit l’auteur des Uns et des Autres — est républicaine jusque dans les dernières mottes de « terre de son sol. » Mais, c’est là précisément la question ! […] Les « mottes de terre » de Pelletan ne sont l’âme, ni le génie, ni les mœurs, ni les habitudes séculaires de la France. […] … Pour eux, Pelletan n’est qu’un vieux jeune homme inconséquent, un bourgeois de 1848, et la preuve, l’opinion que voici : « La France respira — dit-il — sous la République de Cavaignac », et il oublie que ce peuple de Paris, qu’il prend si souvent pour la France, eut le sifflet coupé par le général Cavaignac !

449. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Victor Cousin »

D’abord l’air d’avoir été persécuté, et cette autre raison, non moins excellente dans ce drolatique pays de France, de revenir de quelque part ! […] Or, je ne crains pas de le dire, malgré sa position, sa renommée, l’enseignement qu’il a fait peser sur toutes les Écoles de France pendant tant d’années, malgré, enfin, l’organisation d’un système dans lequel il a montré des facultés d’envahissement et de conservation qui n’ont rien de philosophique ou de littéraire, Cousin, le chef de la philosophie française, n’est pas un philosophe dans le sens créateur et imposant du mot. […] Son influence même, à Cousin, son ubiquité au collège de France par ses élèves, à l’Institut, à l’Académie, qu’il emplit de sa grande voix, de son grand geste, de sa grande et non sérieuse personnalité, n’est pas une influence philosophique. […] Après la mort de Descartes, toute la France du xviie  siècle était cartésienne. Nous verrons ce que deviendra la France après la mort de Cousin.

450. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Les ministres voulaient que l’Empereur ne quittât pas la France, et tâchaient de se faire appuyer par l’Impératrice. […] De là, il passe à la description de types littéraires, qui nous font prendre en pitié nos bohèmes de France. […] Pauvre prince, amoureux aussi des grands siècles français de Louis XIV et de Louis XV, forcé de travailler à la ruine de la France, sous le commandement de M. de Bismarck, qu’il déteste. […] Il assure que Von der Thann a déclaré devant Vigoni, secrétaire de l’ambassade italienne, que jamais l’Allemagne ne rendrait Belfort à la France. […] Je plains le représentant de la France d’être réduit à ce rien, qui est maintenant le parti de la France.

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