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619. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Ouvrez les conduits, et que Dieu garde l’édifice. […] « Dieu a béni mon travail. […] Ma raison maintenant est le seul guide qui me reste pour me porter à Dieu, à la vertu, à l’éternité.… Toutes les perfections de la nature sont réunies en Dieu. La nature est Dieu divisé à l’infini (profession de foi de son maître Goethe). […] Dieu frappe de stérilité ceux qui rient de ses dons.

620. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Dans les ouvrages de Dieu, les richesses de l’infini se montrent à découvert jusque dans le moindre élément. […] On dit au roi de Sardaigne : « Comment négligez-vous ce prodige que Dieu vous envoie pour vous illustrer et pour vous sauver ? […] Malgré sa piété très sincère, il y a une certaine impiété à se mettre au niveau de l’Infini et à parler sans cesse au nom de Dieu. […] En vain le monde croule, Dieu nous garde d’une idée imprévue ! […] Dieu veuille bénir les armes de M. de Front plus que les miennes !

621. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

Ainsi donc, pour atteindre et venir à la matière que j’ai entrepris de commencer, premièrement par la grâce de Dieu et de la benoîte vierge Marie dont tout comfort et avancement viennent, je me veux fonder et ordonner sur les vraies Chroniques jadis faites et rassemblées par vénérable homme et discret seigneur Monseigneur Jean le Bel, chanoine de Saint-Lambert de Liège, qui y mit grand’cure et toute bonne diligence et les continua toute sa vie le plus exactement qu’il put, n’y plaignant aucuns frais ni dépenses ; car il étoit riche et de grands moyens, et de plus il étoit large, honorable et courtois par nature, et dépensant volontiers du sien… L’histoire alors était un luxe : elle supposait des voyages coûteux, des fréquentations illustres, des relations étendues : ne s’y appliquait pas qui voulait ; c’était comme un office noble attenant aux seigneuries. […] Et pour vous informer de la vérité, je commençai jeune dès l’âge de vingt ans ; je suis venu au monde avec les faits et les événements, et y ai toujours pris grand’plaisance plus qu’à autre chose ; et Dieu m’a fait la grâce d’avoir toujours été de toutes les cours et hôtels des rois, et spécialement de l’hôtel du roi Édouard d’Angleterre et de la noble reine sa femme, Madame Philippe de Hainaut, de laquelle en ma jeunesse je fus clerc et secrétaire. […] Ainsi ai-je rassemblé la haute et noble histoire et matière ; et tant que je vivrai, par la grâce de Dieu, je la continuerai ; car d’autant plus j’y suis et plus y laboure, et plus elle me plaît ; tout de même que le gentil chevalier et écuyer qui aime les armes, en persévérant et continuant, s’y nourrit et s’y accomplit, ainsi en travaillant et opérant sur cette matière, je m’habilite et délite (je me rends habile et je me réjouis). […] Il s’est laissé aller un peu longuement, dit-il, à raconter les événements et les choses nouvelles qui étaient voisines de lui et qui inclinaient à son plaisir, et pourtant le bruit des exploits qui se passent en pays lointains le préoccupe : il se sent arriéré et veut se remettre au pas de ce côté : Et pour ce, dit-il, je, sire Jean Froissart qui me suis chargé et occupé de dicter et écrire cette histoire, considérai en moi-même que nulle espérance n’étoit qu’aucuns faits d’armes se fissent aux pays de Picardie et de Flandre, puisqu’il y avoit paix ; et point ne voulois être oiseux, car je savois bien qu’encore au temps à venir et quand je serai mort, sera cette haute et noble histoire en grand cours et y prendront tous nobles et vaillants hommes plaisance et exemple de bien faire ; et, tandis que j’avois, Dieu merci ! […] ci vous ne les perdrez pas, car toutes seront mises en mémoire, en récit et chronique dans l’histoire que je poursuis, si Dieu m’accorde que je puisse retourner sain et sauf dans la comté de Hainaut et en la ville de Valenciennes dont je suis natif.

622. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

Voulant donner idée de la félicité et de la gloire des saints en l’autre vie, voulant développer les desseins de Dieu dans l’accomplissement de ses élus et comment il les prend, les manie, les prépare et n’arrive que tout à la fin à leur donner le coup de maître, l’orateur, qui cherche à se rendre compte à lui-même, établit une dissertation élevée autant et plus qu’il ne prêche un sermon ; il dut peu agir cette fois sur les esprits de son auditoire et en être médiocrement suivi. Non qu’il n’y ait de grands traits, de belles et larges comparaisons, et aussi de ces plaintes toujours vraies et toujours émouvantes sur la vie humaine si traversée et si misérable en elle-même, et où il a fallu, dit-il, que Dieu mît de l’adresse et de l’artifice pour nous en cacher les misères : Et toutefois, ô aveuglement de l’esprit humain ! […] Montaigne (il le nomme en chaire) a beau dire, il a beau tenir en échec la foi, rabaisser la nature humaine, et la comparer aux bêtes en lui donnant souvent le dessous : Mais dites-moi, subtil philosophe, qui vous riez si finement de l’homme qui s’imagine être quelque chose, compterez-vous encore pour rien de connaître Dieu ? […] que les éléments nous redemandent tout ce qu’ils nous prêtent, pourvu que Dieu puisse aussi nous redemander cette âme qu’il a faite à sa ressemblance. Périssent toutes les pensées que nous avons données aux choses mortelles ; mais que ce qui était né capable de Dieu soit immortel comme lui ?

623. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Ces trois vérités qu’il veut établir sont : 1° qu’il y a un Dieu ; 2° que de toutes les religions la chrétienne est la seule vraie ; 3° qu’entre les diverses créances ou communions dites chrétiennes, la catholique romaine est la seule véritable. […] C’est ainsi que dans la démonstration de la première vérité, qui est l’existence de Dieu, avec les attributs principaux qui en achèvent l’idée, Charron, au lieu de s’appuyer sur le sens commun, sur le sentiment général humain si d’accord avec cette croyance, insiste bien plutôt d’abord sur les difficultés et les impossibilités de concevoir dans sa grandeur propre cette idée infinie ; il dit avant Pascal, et en termes encore plus formels, qu’il y a une sorte de négation absolue non seulement du Dieu-Providence, mais de la cause première, qui ne se peut loger « que dans une âme extrêmement forte et hardie » ; il est vrai qu’il ajoute aussitôt : en une âme « forcenée et maniaque ». […] Il le dit quelque part très ingénieusement (j’y rajeunis à peine quelques mots) : Il semble que pour planter et installer le christianisme en un peuple mécréant et infidèle comme maintenant est la Chine, ce serait une très belle méthode de commencer par ces propositions et persuasions : Que tout le savoir du monde n’est que vanité et mensonge ; — Que le monde est tout confit, déchiré et vilainé d’opinions fantasques, forgées en son propre cerveau ; — Que Dieu a bien créé l’homme pour connaître la vérité, mais qu’il ne la peut connaître de soi, ni par aucun moyen humain, et qu’il faut que Dieu même, au sein duquel elle réside, et qui en a fait venir l’envie à l’homme, la révèle comme il a fait, etc., etc. […] Le premier mouvement de Charron, frappé d’apoplexie foudroyante dans une rue de Paris où il tomba et où il mourut, fut de se jeter à genoux pour prier Dieu.

624. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Le ci-devant Roi des halles, chef des importants et des frondeurs, le prince du sang, victorieux et altier, sans mesure et sans scrupule, qui avait songé à détrôner le jeune roi, tout cela redevenu domestique et respectueux et humble, c’était à faire louer Dieu de la paix présente, ajoute la sage Mme de Motteville. […] La leçon pratique, Mme de Motteville nous l’a montrée : on se range avec d’autant plus d’empressement à Louis XIV après tant de désordre et de misères ; on remercie Dieu, on s’humilie en vieillissant, et un beau jour on se réveille dévot et confit en pouvoir absolu. […] … Lorsque Dieu forma le cœur et les entrailles de l’homme, il y mit premièrement la bonté comme le propre caractère de la nature divine… La bonté devait donc faire comme le fond de notre cœur… La grandeur qui vient par-dessus, loin d’affaiblir la bonté, n’est faite que pour l’aider, etc. » Mais c’est méconnaître outrageusement l’expérience que de déclarer ainsi que la bonté fait le fond de l’homme : l’homme n’est précisément ni bon ni méchant ; les uns ont reçu en naissant la bonté peut-être, mais les autres ont certainement autre chose au fond du cœur, et le grand Condé plus qu’un autre homme était une preuve de cette disposition primitive et nullement débonnaire. […] Tertullien combattant l’hérétique Marcion qui suppose deux dieux, l’un bon d’où procède le Nouveau Testament, l’autre méchant et cruel de qui l’Ancien Testament est venu, s’efforce d’expliquer comme quoi c’est toujours le même Dieu, lequel était bon d’abord, mais qui, depuis que l’homme a péché, avait dû devenir plus sévère. La bonté est essentielle, selon lui, et dans la nature de Dieu ; la sévérité n’a été qu’accidentelle et en raison des circonstances : Ita prior bonitas Dei, secundum naturam ; severitas posterior, secundum causam ; illa ingenua, hæc accidens ; illa propria, hæc accommodata ; illa edita, hæc adhibita  ; et ainsi de suite.

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