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368. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

On ne peut pas dire de Voltaire qu’il ait eu de l’influence sur les poètes étrangers, qu’il leur ait servi de centre de réunion, et qu’ils aient reconnu en lui un maître et un souverain. — La lettre d’Émile Deschamps était écrite avec une très aimable et très cordiale aisance. […] Il est curieux, après tant d’années, de voir l’impression de tel ou tel homme sur un génie étranger. […] Vous dites : la liberté ; il serait plus juste peut-être de dire : la délivrance, et non la délivrance des étrangers, mais d’un étranger. […] … Elles invoquent, il est vrai, les éloquents appels des souverains de ce pays et de l’étranger ; oui, oui, je sais : « un cheval, un cheval, un royaume pour un cheval ! […] Déjà dans la journée, sans que le médecin le sût, il avait signé d’une main tremblante le bon de payement d’un secours destiné à une jeune fille de Weimar, artiste pleine de talent pour laquelle il avait toujours montré une sollicitude paternelle, et qui allait à l’étranger achever son éducation.

369. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

« Homme je suis, rien de ce qui est de l’homme ne doit rester étranger à moi. » Telle est, à Paris comme à Rome, la devise du poète lyrique ou épique, être essentiellement collectif pour rester unanimement compris, universellement sympathique. […] Ses plus beaux poèmes de ce temps sont des pamphlets amers et quelquefois sublimes à la gloire d’un des partis, à la confusion ou à la perte de l’autre ; chacun de ses chants est une spirituelle Marseillaise de parti, non pas même une Marseillaise contre l’étranger, comme celle de Rouget de Lisle, un tocsin de la patrie en danger, réveillant en sursaut une nation entière, et faisant vibrer dans chacune de ses notes l’unanime palpitation de tout cœur français ; mais une Marseillaise d’opinions civiles, glorifiant les uns, humiliant les autres, faisant rire ceux-ci et pleurer ceux-là, et provoquant la risée des Français d’une date contre les Français d’une autre date. […] Il n’a bien chanté que l’hymne de la guerre, la Marseillaise, en 1792, parce qu’il la chantait en face des armées étrangères, avec l’accompagnement du tambour et du canon ! […] D’ailleurs la chanson joviale ou politique, la chanson à boire ou la chanson à tuer un gouvernement, n’était pas entièrement une langue étrangère pour ce jeune poète de 1810 à 1820. […] Là repose, jeune étrangère, La plus belle de ce hameau.

370. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

« Lorsque Vico revint à Naples (c’est lui-même qui parle), il se vit comme étranger dans sa patrie. […] Un esprit vraiment italien ne pouvait se soumettre à cette autre invasion de l’Italie par les étrangers. […] Étranger (hostis), dans leur langage, est synonyme d’ennemi. […] Les premiers n’arrivent guère à sentir les beautés d’une langue étrangère, par l’habitude qu’ils ont de chercher toujours les défauts. […] Mais la Providence ne permet pas que l’âme qui est à elle soit abandonnée à un joug étranger.

371. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

  « Éminence, « Suivant les conseils du Très Saint Père et de Votre Éminence, j’ai vu Mgr Bernetti, spécialement chargé de l’affaire en question, et, avec sa franchise bien connue, il m’a expliqué ce que les puissances étrangères semblaient reprocher à la famille de l’empereur Napoléon. […] En annonçant au gouvernement français la perte que le monde venait de faire, le duc de Laval-Montmorency, ambassadeur du Roi Très-Chrétien près le Saint-Siège, écrivit : « Il ne faut aujourd’hui que célébrer cette mémoire honorée par les pleurs de Léon XII, par le silence des ennemis, enfin par la profonde douleur dont la ville est remplie, et par les regrets des étrangers et surtout de ceux qui, comme moi, ont eu le bonheur de connaître ce ministre, si agréable dans ses rapports politiques, et si attachant par le charme de son commerce particulier. » IX C’était le 24 janvier 1824. […] Le soir, quand le Pape était couché et que les heures de loisir avaient sonné pour lui, sa voiture le ramenait régulièrement, de dix à onze heures, chez la duchesse environnée alors d’une étroite société d’artistes ou d’hommes politiques étrangers, composée de cinq ou six personnes agréables au cardinal. […] J’y allais presque tous les jours ; c’est ainsi que j’ai pu le connaître et l’aimer ; sa bonté pour moi était si grande que, bien que l’étiquette diplomatique pour les dîners du jeudi saint chez le Pape n’autorisât pour ces invitations que les souverains et les ministres étrangers, il fit une exception en ma faveur, et il m’invita, malgré ma jeunesse et mon rang secondaire, à dîner avec le vice-roi de Naples Ferdinand et la duchesse de Floridia, son épouse, à ce banquet de têtes couronnées ou augustes. « Les écrivains, répondit-il à mon modeste refus de cette faveur, n’ont point de rangs que ceux que l’opinion leur donne.

372. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

Assurément, notre civilisation européenne contient des éléments chrétiens : mais ces éléments ont été, dès le début, profondément emmêlés à des éléments juifs ou gréco-romains, tout à fait étrangers au pur christianisme de notre Sauveur. […] Faisons donc au moins ce dont nous sommes capables, puisqu’un maître de l’art nous a donné la grande parole ; et rappelons-nous ces mots de ses écrits posthumes : « S’il se confirme que l’attention et l’espérance des nations » étrangères se tourne vers le déploiement de l’art allemand sur le terrain de la poésie et de la musique, nous pouvons admettre qu’elles tiennent avant tout à l’originalité et à la spécialité non troublée de ce déploiement ; puisque sans cela elles ne recevraient pas de nous de nouvelles impulsions, je crois que, à ce point de vue, il ne serait pas moins profitable à nos voisins qu’à nous-mêmes de voir former fidèlement par nous un vrai style germain. » Ce style germain, c’est l’œuvre d’art Aryenne. […] Malgré tous leurs efforts, les Allemands ont toujours été réduits à importer et à imiter les productions étrangères. […]     ROME. — La Société Orchestrale, bien connue dans la haute société et dans le monde artistique de Rome, aussi bien qu’à l’étranger, vient de donner, pour la première fois en Italie, une audition d’une partie du Parsifal, sons la direction de M. 

373. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

Le digne fondateur a sur ce sujet de belles et nobles paroles qui décèlent, sous cette monarchie de Louis XV, un cœur de citoyen ; j’en veux citer quelques-unes, ne fût-ce que pour moraliser ce sujet de Bernis, dont les débuts sont un peu amollissants : Ce que vous me dites, monsieur, écrit Duverney à Bernis, de l’opinion de l’étranger sur cet établissement n’est guère propre à modérer mon impatience ; j’en ai toujours beaucoup dans les choses qui contribuent à la gloire de notre maître et au bien de la nation… Les objections ne m’ont jamais rebuté. […] » Ici même il s’élève à des idées qui ne lui sont nullement étrangères, mais qu’on n’est point accoutumé d’associer à son nom ; il a des accents qui partent de l’âme : Si les hommes n’étaient pas ingrats, dit-il, je leur passerais la folie, l’inconséquence, l’humeur et toutes les autres imperfections qui dégradent un peu l’humanité ; mais il est dur de ne pas recueillir le fruit de ses bienfaits. […] Laissons-le parler lui-même, nous ne saurions dire aussi bien que lui : Quand on a des affaires à traiter dans les cours étrangères, c’est la manière dont on les conduit, ces affaires, qui fixe l’attention et qui décide de l’estime qu’on a pour vous ; mais, lorsqu’on n’a rien à démêler avec une cour, on est alors jugé d’après le personnel ; ainsi, l’on a besoin d’une grande attention pour éviter la censure d’une infinité d’observateurs curieux et pénétrants qui cherchent à démêler votre caractère et vos principes, sans que vous puissiez jamais détourner leur attention.

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