Abner lui répond : « Oui, je viens dans son temple adorer l’Eternel. » C’est assez théâtral ; sans doute ; car, à montrer les deux personnages comme continuant une conversation commencée, on est forcé de les faire apparaître sortant de la coulisse ensemble, côte à côte, pour ainsi dire presque bras dessus bras dessous et cela est un peu bourgeois.
La trame est de tous les jours, la chaîne est éternelle, et Dieu seul la connaît.
Cet amour passionné de la démonstration pure qui fait le philosophe, ce scrupule inquiet sur le sens des mots, ces habitudes algébriques, ce retour incessant sur soi-même, ce doute inné qui l’empêche de se faire illusion et le porte à mesurer perpétuellement le degré de probabilité de ce que les autres appellent certitude, ce mépris du sens commun, cette haine pour les arguments du cœur, cette foi absolue en l’observation et en la preuve, ce besoin éternel de vérifications nouvelles, voilà les qualités qui seraient des défauts dans un orateur.
Je vois avec allégresse la fin différente que nos destinées nous amènent : à toi le désespoir et les soucis du sceptre ; à moi, de triompher et de mourir. » « Il dit ; et, la tête en bas, lancé du haut de la montagne dans le cours mugissant du torrent, il plongea jusqu’à la nuit éternelle. » Voilà, sous la langueur de la prose, cette ode célèbre qui fit tressaillir l’imagination anglaise, et qui suffit, depuis un siècle, à la gloire nationale d’un poëte !
Indiquer à l’occasion de quelques faits contemporains l’application de ces lois éternelles, c’est l’ambition de ce nouveau volume comme c’était celle du premier et d’ailleurs de l’œuvre entière de l’auteur. […] Balzac, dans l’interprétation qu’il a donnée lui-même à ses études de mœurs, s’est déclaré l’irréductible adversaire de l’illusion démocratique. « J’écris, dit-il dans la Préface générale de la Comédie humaine, à la lumière de deux vérités éternelles : la religion, la monarchie, deux nécessités que les événements contemporains proclament et vers lesquelles tout écrivain de bon sens doit essayer de ramener notre pays. » Il était malaisé de lui refuser le génie de l’observation. […] Il rappelle dans la préface générale de la Comédie humaine que le naturaliste aura « pour éternel honneur » d’avoir montré que « l’animal est un principe qui prend sa forme extérieure, ou mieux, les différences de sa forme, dans les milieux où il est appelé à se développer. […] C’est ce que les Anglais, ces éternels insulaires Et penitus toto divisos orbe Britannos disait déjà Virgile, ont merveilleusement compris et le motif pour lequel Florence joue un rôle si grand dans leur littérature. […] — par les dangereux théoriciens de la sociologie imaginative, tel jadis un Jean-Jacques Rousseau, tel hier un Karl Marx, tels aujourd’hui tant de constructeurs d’une cité soi-disant idéale, et au nom d’un rêve non vérifié ils passent outre aux lois éternelles de la nature sociale, — car cette nature existe, comme la nature physiologique, et elle aussi a ses lois qui, violées, prennent aussitôt leur revanche.
Faut-il essayer d’opposer à cette éternelle mobilité la digue de théories absolues, de dogmes immuables ? […] Quant à savoir lesquelles sont logiquement antérieures, c’est l’éternelle question jadis débattue dans les écoles : L’œuf naît-il de la poule ou bien la poule de l’œuf ? […] Charretiers et bergers, attablés dans les grandes salles de fermes, ont aussi leurs passions : seulement les éternelles passions de la pauvre humanité prennent là par contagion un air rude et fruste. […] Les sombres masures des faubourgs se dressent devant moi et de là s’échappe la sourde lamentation qui, comme une basse éternelle et formidable, accompagne aujourd’hui tous ceux qui parlent de joie, d’amour, de bonheur. […] Ô répétition éternelle de l’histoire !