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303. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

Sieyès publiait sa brochure : Qu’est-ce que le tiers état ? […] « L’Antiquité, pensait-il, n’est qu’une étude de rapports. » Plus on a vu de monuments, plus on a de textes sous la main, et plus on est en état de les éclaircir les uns par les autres. […] L’abbé Barthélemy ne pousse pas le scrupule si loin ; il est le Tillemont de la Grèce, en ce sens qu’il compose volontiers son texte de la quantité de ses petites notes mises bout à bout ; mais, cherchant de plus l’agrément et animé du désir de plaire, il a donné à tout cela le plus de liaison qu’il a pu ; il a dissimulé les sutures ; il a insinué avec sobriété les explications ingénieuses ; il y a mêlé, comme par un courant secret, une vague allusion continuelle, un tour de réflexion qui porte sur nos mœurs, sur notre état de société. […] Toute la nature était dans le silence, dans l’attente, dans un état d’inquiétude qui se communiquait jusqu’au fond de nos âmes. […] L’amitié seule et la pensée de Mme de Choiseul l’animaient encore, et son dernier soin, dans ses derniers jours, fut pour elle et pour qu’on lui ménageât l’émotion que la nouvelle de son état devait lui causer.

304. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre I : De la méthode en général »

Chapitre I : De la méthode en général15 La civilisation, comme tout ce qui est humain, a dû passer successivement par deux états différents : elle a été d’abord instinctive et spontanée, puis réfléchie et raisonnée. […] La révolution française a été une expérience tentée pour construire un état conformément aux lois de la raison. […] Herschell, fils de l’illustre astronome, et lui-même savant distingué, ouvrage qui est en quelque sorte une édition nouvelle du Novum Organum, accommodé à l’état de nos connaissances et renouvelé par des exemples plus récents. […] Ce serait la seule machine que les âges auraient laissée dans l’état où l’ont mise ses premiers inventeurs. […] Quoi de plus ingénieux que ce que Bacon nous dit des faits clandestins, qui sont ceux, dit-il, où la nature cherchée se trouve dans son état le plus faible et le plus imparfait ?

305. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre II. Les couples de caractères généraux et les propositions générales » pp. 297-385

Comment faire pour étudier dans la nature le fer en soi exposé à l’humidité en général, et pour constater qu’à cet état d’abstraction il a pour suite la rouille en général ? […] Que des idées non démêlées puissent et doivent agir à l’état latent pour unir ou dissocier deux conceptions où elles sont incluses, cela est certain, puisque journellement nous sommes témoins du fait. […] Nous devinions avec certitude, mais sans pouvoir préciser les choses, que, dans les deux données et dans les deux opérations, il y avait du même ; l’analyse n’a fait qu’isoler ce même et nous montrer à l’état distinct la vertu qu’il avait en nous à l’état latent. […] C’est pourquoi, tant que cette exclusion sera maintenue, le repos primitif se maintiendra, et le corps en repos, comme le corps animé d’un mouvement uniforme et rectiligne, si bref que soit leur état initial, tendront à persévérer indéfiniment dans cet état. […] Le son ordinaire, c’est-à-dire provoqué par un antécédent extérieur, et non pas le son subjectif, provoqué par un état spontané de l’organe auditif.

306. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Chants du crépuscule » (1835) »

Tout aujourd’hui, dans les idées comme dans les choses, dans la société comme dans l’individu, est à l’état de crépuscule. […] Ce qui est peut-être exprimé parfois dans ce recueil, ce qui a été la principale préoccupation de l’auteur en jetant çà et là les vers qu’on va lire, c’est cet étrange état crépusculaire de l’âme et de la société dans le siècle où nous vivons ; c’est cette brume au-dehors, cette incertitude au-dedans ; c’est ce je ne sais quoi d’à demi éclairé qui nous environne.

307. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Lorsque je rentre chez moi, je compare naturellement mon état avec tout ce qui m’environne, et je vois que je ne suis rien et qu’il faudra bientôt renoncer à tout cela ; un ami solide et accrédité conviendrait mieux à mon caractère et à ma fortune ; je l’aurai trouvé en vous si votre amitié s’acquiert par de l’amitié. […] Comment voulez-vous sortir d’un état qui vous peine, si vous repoussez les mains qui peuvent vous en tirer ?  […] Les espérances sont les nerfs de la vie : dans un état de tension ils sont douloureux ; tranchés, ils ne font plus de mal. […] Comment voulez-vous sortir d’un état qui vous peine si vous repoussez les mains qui peuvent vous en tirer ? Quand 300 livres ne seraient rien pour vous, ne savez-vous pas qu’un bienfait en attire d’autres ; que, si vous vivez plus à l’aise, vous serez plus en état de travailler, de vous procurer une existence agréable ?

308. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

Le Voyage de Volney s’ouvre par la description de l’Égypte et d’Alexandrie, et, dans une suite de chapitres aussi pleins que précis, il va rassembler tout ce qui tient à l’état physique, puis à l’état politique de l’Égypte : ainsi fera-t-il pour la Syrie. […] Après avoir décrit le désert dans toute son aridité de végétation, n’offrant plus, au retour des chaleurs, « que des tiges sèches et dures comme le bois, que ne peuvent brouter ni les chevaux, ni les bœufs, ni même les chèvres », il ajoute : Dans cet état, le désert deviendrait inhabitable, et il faudrait le quitter, si la nature n’y eût attaché un animal d’un tempérament aussi dur et aussi frugal que le sol est ingrat et stérile, si elle n’y eût placé le chameau. […] Passé à l’état domestique, il est devenu le moyen d’habitation de la terre la plus ingrate. […] Dès les premiers jours de la discussion et du conflit entre les ordres, lorsque arriva la lettre du roi aux députés du tiers état pour les engager à la réunion (28 mai 1789), comme Malouet demandait que les débats fussent à huis clos et qu’on fît retirer des galeries les étrangers : Les étrangers ! […] La Révolution, en lui montrant le triomphe présent, exalta tout à coup sa passion mal contenue ; elle mit cet esprit éminent et froid dans un état en quelque sorte pindarique, et le fit sortir de ses tons.

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