La Révolution de 1848 n’étonna point absolument Tocqueville : il n’avait pas une très-haute idée du régime établi en 1830. […] Nous ne sommes d’ailleurs pas au bout de cette sorte de confession intellectuelle, la plus curieuse et la plus détaillée que je connaisse : « A cette première manière d’envisager le sujet, poursuis l’auteur, en a succédé dans mon esprit une autre que voici : il ne s’agirait plus d’un long ouvrage, mais d’un livre assez court, un volume peut-être ; je ne ferais plus, à proprement parler, l’histoire de l’Empire, mais un ensemble de réflexions et de jugements sur cette histoire ; j’indiquerais les faits sans doute et j’en suivrais le fil, mais ma principale affaire ne serait pas de les raconter ; j’aurais, surtout, à faire comprendre les principaux, à faire voir les causes diverses qui en sont sorties ; comment l’Empire est venu, comment il a pu s’établir au milieu de la société créée par la Révolution ; quels ont été les moyens dont il s’est servi ; quelle était la nature vraie de l’homme qui l’a fondé ; ce qui a fait son succès, ce qui a fait ses revers ; l’influence passagère et l’influence durable qu’il a exercée sur les destinées du monde, et en particulier sur celles de la France. […] « Permettez-moi, Monsieur, d’attacher à quelque chose plus d’importance encore qu’au jugement que vous portez sur la Démocratie américaine, c’est à voir continuer et devenir plus fréquents les rapports qui se sont établis entre nous.
Il n’avait donc plus, hors cela, qu’à tâcher d’être le critique sensé, général, de cette tradition qu’on avait tant attaquée, et à laquelle on n’avait rien substitué ; il avait à faire réaction, enfin, pour la littérature française contre les littératures étrangères, pour les grands siècles et les gloires établies contre les usurpations récentes, pour la prose non poétique contre les vers et la forme vivement exaltés. […] Les rapports qu’en son second volume, et à propos de Lucain, il établit entre les diverses poésies du second et du troisième âge des littératures, me semblent justes et constants. […] C’est là l’effet naturel d’une situation mieux établie.
Nous y rangerons aussi ceux des critiques littéraires, à proprement parler, qui, à tête reposée, s’exercent sur des sujets déjà fixés et établis, recherchent les caractères et les beautés particulières aux anciens auteurs, et construisent des Arts poétiques ou des Rhétoriques, à l’exemple d’Aristote et de Quintilien. […] On établit des conférences de jeunes gens, pour lesquelles il s’essaie à déployer ses ressources de bel esprit, ses premiers lieux communs d’érudition, et où M. […] Quand plus tard il s’agira pour lui d’aller s’établir en Hollande, il laissera échapper son secret : « Le cartésianisme, dit-il, ne sera pas une affaire (un obstacle) ; je le regarde simplement comme une hypothèse ingénieuse qui peut servir à expliquer certains effets naturels… Plus j’étudie la philosophie, « plus j’y trouve d’incertitude.
C’est là une conséquence naturelle chez les hommes qui possèdent un riche fonds de faits particuliers et ont été habitués à conclure de ces faits aux faits nouveaux, sans se préoccuper d’établir les propositions générales correspondantes. » Les propositions générales sont de simples registres des inférences déjà effectuées, et de courtes formules pour en faire d’autres103. […] Comment établir cette différence de qualité ? […] Mill a soutenu, à plusieurs reprises et sans varier aucunement, que la vérité d’une proposition n’est pas suffisamment établie par l’inconcevabilité de sa négative.
Si, réglant les droits des Souverains & des Peuples, je soutenois que le Gouvernement n’empruntant son pouvoir que de la Société, & n’étant établi que pour son bien, il est évident qu’elle peut révoquer ce pouvoir quand son intérêt l’exige, changer la forme du Gouvernement, étendre ou limiter le pouvoir qu’elle confie à ses Chefs, sur lesquels elle conserve toujours une autorité suprême Syst. de la Nat. […] La gloire du génie François est établie, dans l’Europe, par des Ouvrages dignes de plaire à tous les Peuples éclairés : les grands Ecrivains du siecle dernier, les bons Ecrivains de celui-ci ne nous laissent rien à envier aux autres Nations. Mais qu’on vienne nous donner pour les illustrateurs de notre Littérature, des Ecrivains pédantesques, bizarres, décousus, hyperboliques, lilencieux, qui la dégradent tous les jours ; mais qu’on prétende établir sur des Ecrits que la raison réprouve autant que le bon goût, cette haute idée, cette estime qui fait considérer un Peuple chez les autres Peuples : c’est le comble de l’extravagance ou de l’imbécillité.
Cet équilibre est le soutien de l’ordre, dans le moral, comme dans le physique : or, la Religion l’établit ce juste équilibre, & la raison qui le méconnoît & voudroit le rompre, n’est plus une raison, c’est une phrénésie. […] C’est sur la foi de ceux qu’on suppose plus instruits, plus éclairés, qu’on se forme les différentes idées des choses ; celui qui croit savoir moins qu’un autre, quelque pénétrant qu’il soit d’ailleurs, s’en rapporte volontiers à des lumieres qu’il juge supérieures ; & c’est sur cette adhésion aux idées d’autrui, que se sont établies les différentes persuasions qui ont donné cours à tous les systêmes adoptés depuis le commencement du monde. […] Fût-elle plus austere que nos Philosophes le prétendent, son joug n'est-il pas infiniment avantageux, puisqu'elle ne tend qu'à diminuer le nombre des vices, qu'à multiplier les vertus, qu'à établir le bonheur général, en mortifiant les intérêts particuliers ?