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607. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

S’agissait-il de célébrer, par exemple, le livre des Époques de la nature, Le Brun avait droit de s’écrier : Au sein de l’Infini ton âme s’est lancée ; Tu peuplas ses déserts de ta vaste pensée. […] Honneur pourtant à lui, quoi qu’on puisse dire bientôt à sa charge, et quoi que nous allions dire nous-même, honneur au poète pour avoir conçu, en ce siècle de raisonnement et de bel esprit, à cette époque de cabale et d’enrôlement universel, une telle idée d’une vocation calme, sereine et recueillie ! […] C’est vers cette (époque qu’eut lieu chez l’aimable peintre Mme Lebrun (laquelle n’était nullement parente du poète) un souper improvisé qui fit bruit, et où tout se passa à la grecque. […] Son talent sans doute, dans ces circonstances publiques enflammées, rencontra quelques vrais accents, et quatre ou cinq strophes de l’ode sur le vaisseau Le Vengeur et sur ce naufrage victorieux sont ce qu’a produit poétiquement de mieux l’époque républicaine ; mais à quel prix ces énergiques élans furent-ils achetés ?

608. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

En nommant ces deux-là, j’ai nommé deux grands inoculateurs dans l’ordre moral ou philosophique ; mais Bolingbroke en exil, et venu au début du siècle, n’a agi que sur quelques-uns, tandis que Franklin, venu tard, et à une époque de fermentation générale, opéra sur un grand nombre. […] Cette seconde partie de ses Mémoires, qui le montre s’occupant des affaires d’intérêt public et du ménage politique de la Pennsylvanie, s’étend jusqu’à l’époque de sa première mission en Angleterre (1757), lorsque, âgé déjà de cinquante et un ans, il est chargé par ses compatriotes d’aller y plaider leurs intérêts contre les descendants de Penn, qui abusaient de leurs droits. […] Il nous est difficile de ne pas sourire en voyant cet art de vertu, ainsi dressé par lui pour son usage individuel, et en l’entendant nous dire que de plus, à cette même époque, il avait conçu le plan de former, parmi les hommes de toutes les nations, un parti uni pour la vertu. […] Il a redit la même pensée, à quelques variantes près, à toutes les époques de sa vie.

609. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

La différence est que l’un ne peint qu’une sorte de personnages, n’éprouve de sympathie artistique que pour un côté de l’âme humaine, et un genre de catastrophes, tandis que l’autre de sa vaste et souple cervelle embrasse le monde en tous ses aspects, réfléchit, affectionne et reproduit toutes les âmes, respecte leur complexité et donne d’une société à une époque, une image qui lui équivaut. […] On peut imaginer un esprit enregistreur, éminemment apte à percevoir par les sens, à retenir et à se figurer les mille manifestations de la vie décrivant les objets, les physionomies et les caractères de la façon dont ils apparaissent par le détaillement de leurs parties et l’énumération %94de leurs actes ; parvenant, grâce à une accumulation de notes internes, à avoir d’une nation à une certaine époque une connaissance aussi complète que celle dont nous avons marqué les limites. […] C’est un truisme dont la nouveauté n’est d’ailleurs destinée à révolutionner que les romans absolument médiocres de toutes les époques. […] Enfin, il a conçu le premier, sans la réaliser, malheureusement, la grande idée que le roman ne devait pas être une étude individuelle, mais bien une vue d’ensemble où passerait la foule, où s’étalerait toute une époque, et qui, décentralisé et indéfini, engloberait tout un peuple, dans un temps et toute une ville.

610. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

On assure qu’il ne cessa de concourir incognito pour les prix de poésie de l’Académie française jusqu’à l’époque où il en fut. […] En homme qui connaît le métier à fond, il montre la parenté de l’œuvre avec l’ouvrier, et juge les différentes productions poétiques comme des fruits différents des différentes époques de la vie du poète. […] Ampère, très-suivi dans les dernières années par des personnes des deux sexes, était vraiment le professeur de littérature française le plus approprié à son époque. […] Lorsqu’il arrive à des époques positivement historiques, je m’étonne encore de la méthode d’Ampère. […] Je ne suis pas, vous le savez, grand formaliste, mais le jour de l’an est pour moi une époque que je ne vois pas revenir sans attendrissement.

611. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Combien de fois, causant avec lui sur les conditions d’une existence heureuse, studieuse, socialement agréable et sérieuse à la fois, agitant en sa présence les diverses époques où l’on aurait aimé à vivre, il m’exprima son choix sans hésiter ! […] Daunou ne songeait plus à se replacer tout à fait à l’Oratoire, mais n’importe ; on ne parle point ainsi d’une époque où l’on aurait été décidément malheureux. […] Nous nous garderons de trop insister sur cette époque essentiellement transitoire de la vie de M. […] Magnin), que la fermeté très-grande et très-réelle qu’il montra à cette époque était, comme le Génie de Socrate, une force toute d’arrêt et nullement d’impulsion. » Partout ailleurs, voyez-le, c’est évident : il rentre, il se recouvre, il se retire. […] Marie-Joseph Chénier lui-même, vers cette époque et sous le coup des déceptions patriotiques, éprouvait un ébranlement de ce genre, et des soupçons d’empoisonnement traversaient son’ esprit.

612. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVI » pp. 100-108

Si on se le figure livré à lui-même, dans une époque moins remuante et moins excitée, il n’aurait rien inventé, sans doute, rien innové, il se serait tenu à orner et à célébrer. […] Ce sont là du reste les plus belles gloires réservées encore aux époques dites de décadence. — A propos de cette distribution des prix de l’Université, qu’on veuille bien nous excuser d’avoir discouru un peu au long sur les trois chefs qu’elle est accoutumée dès longtemps à suivre et à reconnaître.

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