diantre, l’auteur est de son époque et non du siècle de Léon X, de même qu’il est un pauvre Tourangeau, non un riche Écossais. […] Or, il n’est pas inutile de savoir même les rêves et les cauchemars d’une époque, comme disait Chapelain (en cela plus spirituel que de droit), de même que les médecins s’inquiètent quelquefois des rêves de leurs malades pour les mieux connaître.
Un adieu suprême est dû au dernier représentant de la grande époque, au dernier né de la première génération des Napoléons, et qui vient de disparaître aussi le dernier. […] On le sentait bien, et la France, qui s’était accoutumée à voir dans ce dernier frère de Napoléon un survivant permanent d’une autre époque, aimait à le savoir là toujours.
Quant au vocabulaire, il faut distinguer entre les sens et les mots nouveaux que la mode met en vogue, qui tiennent à ce qu’il y a de plus fugitif, de plus léger dans les mœurs et les idées d’une époque, et les acquisitions définitives du langage, qui répondent aux mouvements décisifs de l’esprit, et aux transformations réelles de la société. […] Il ne faut recevoir les mots du jour que pour parler des choses du jour ; les faits, les sentiments, les pensées qui n’ont pas de date, doivent se revêtir de mots qui soient de toutes les époques.
L’Europe, par le plus heureux des contrastes, présentait au poète le peuple pasteur en Suisse, le peuple commerçant en Angleterre, et le peuple des arts en Italie : la France se trouvait à son tour à l’époque la plus favorable pour la poésie épique ; époque qu’il faut toujours choisir, comme Voltaire l’avait fait, à la fin d’un âge, et à la naissance d’un autre âge, entre les anciennes mœurs et les mœurs nouvelles.
Nodier disait « Pour juger une grande époque de destruction et de renouvellement, comme celle où nous vivons, il faudrait pouvoir se séparer tout à fait du passé et de l’avenir, ne conserver de l’un que des souvenirs sans passion, ne fonder sur l’autre que des espérances sans regrets… On sent partout, dans ce livre, l’inspiration qui a produit Antigone ; et je ne sais par quel mystère qui étonne et qui effraie, il rappelle le langage des fondateurs de la civilisation, comme si la nôtre était déjà détruite : il résulte de ce mélange d’éléments quelque chose qui accable la pensée, mais qui a un caractère monumental très instructif pour le siècle, si les livres remarquables sont les témoins de l’état de la société. […] Lémontey, au contraire, né dans les temps qui ont immédiatement précédé la révolution, avait vu l’inquiétude et le malaise général des années, qui se sont écoulées depuis 1783 jusqu’en 1789 ; de plus, comme il était fort jeune à cette époque, il s’était accoutumé à penser que le dix-huitième siècle avait fondé des doctrines, établi des principes.
Il est douteux que l’idéalisme puisse offrir à nouveau le spectacle d’une aussi prodigieuse victoire ; il n’a pas moins fallu que l’énorme excès des matérialités de l’époque romaine pour engendrer celle-ci. […] C’est à partir de cette époque que la libre vie de l’intelligence a repris son cours détourné par l’effort chrétien d’annihilation cérébrale, que la nature et l’esprit de l’homme ont repris contact et renouvelé leur alliance. « Pour la première fois, l’homme entre dans l’intimité de l’univers1. » La Réforme représente le premier coup porté au dogme catholique erroné.