Mais le cercle s’est élargi, la vue s’est fort étendue depuis eux en dehors des horizons purement français : Shakspeare a grandi, Goethe s’est élevé, la connaissance des littératures étrangères a découvert les sources et permis de juger avec la dernière exactitude la quantité et la valeur des emprunts. […] Mais Corneille a bien mis pourtant « dans le trône. » C’est que le trône était alors, apparemment, quelque chose non-seulement d’élevé, mais de plus ou moins fermé. […] Par ses seules forces Corneille a enfanté un idéal ; il s’est élevé d’un coup, non-seulement à une hauteur extraordinaire, mais à une conception nouvelle de l’art.
C’est peu que leurs conseils si je ne sais les suivre… Et qu’au moins vers ma fin je recommence à vivre ; Car je n’ai pas vécu ; j’ai suivi deux tyrans : En vain bruit et l’amour ont partagé mes ans… » Racine, homme plus grave, caractère plus élevé que ses trois amis, son tenait glorieusement sa marche dans la carrière qu’il s’était ouverte. […] En 1673, Mithridate mit sous les yeux du prince conquérant et galant Le naufrage élevé D’un roi vaillant……………………………… Que Rome et quarante ans ont à peine achevé. […] La querelle élevée entre les mœurs dissolues et les mœurs chastes et décentes trouve son terme à la fin de la période que nous parcourons ; il était nécessaire, pour en bien connaître le résultat, de savoir comment et par quelles personnes elle fut terminée.
Si Duhamel invente un appareil pour le dessèchement des grains, et s’il place cet appareil dans une tour qu’il surmonte d’ailes toutes semblables à celles d’un moulin à vent, Vicq d’Azyr y verra « un monument élevé par le patriotisme, vraiment digne de décorer la maison d’un philosophe, et bien différent de ces tours antiques… » Suit une petite sortie contre les tours gothiques et féodales. […] Étienne Pariset, né en 1770 dans les Vosges, fut élevé à Nantes chez les Oratoriens, et s’y distingua de bonne heure par une facilité brillante. […] Si l’on ne composait ces notices que pour les lire devant des confrères et des connaisseurs, gens du métier, on pourrait s’en tenir aux traits simples et rester dans un parfait accord avec le sujet ; mais les séances publiques amènent le désir et le besoin des applaudissements, et les applaudissements s’obtiennent rarement par des traits fins et justes, par des nuances bien saisies, ou même par des vues simplement élevées.
Mais cet ensemble un peu disparate, même les petites comédies par lesquelles il préludait à un genre plus élevé, auraient peu mérité, ce semble, les honneurs du recueil, s’il n’y avait pour clef de voûte la comédie des Deux Gendres, la meilleure comédie en cinq actes et en vers qu’on ait donnée sous l’Empire. […] Étienne, qui venait de perdre en ce moment sa mère, et qui avait décidément besoin d’une plume pour le défendre, trouva celle d’Hoffman qui, dans une lettre datée de Passy et insérée dans les journaux, le 30 janvier 1812, annonça un peu solennellement « qu’il était temps de terminer le procès qui s’était élevé entre la comédie des Deux Gendres et celle de Conaxa », ajoutant qu’il avait en main toutes les pièces décisives pour trancher le différend. […] Il représente à merveille dans son groupe, et avec plus de distinction que tout autre, cette bourgeoisie contente d’elle-même, et ne voulant qu’elle ni plus ni moins, ayant du sens, l’instinct des intérêts et des courants d’opinion immédiats, mais sans idées élevées, sans horizon, sans but social hautement placé.
Voltaire peut-être a raison, et pourtant la postérité, qui n’a pas à opter entre ces chefs-d’œuvre divers ni à se décider pour l’un au détriment des autres, la postérité, qui n’est pas homme de lettres, ne se pose point la question de la sorte ; elle ne recherche pas ce qui est plus ou moins difficile ou élevé comme art, comme composition ; elle oublie les genres, elle ne voit plus que le trésor moral de sagesse, de vérité humaine, d’observation éternelle qui lui est transmis sous une forme si parlante et si vive. […] Et de plus M. de Lamartine représente une poésie sentimentale, élevée, un peu métaphysique, qui était nouvelle en France au moment où il parut, et qui se trouvait opposée à l’esprit français en ce que celui-ci a toujours eu de positif, de malin, de moqueur. […] D’une autre part, il y a eu en France, à divers moments, des tentatives pour introduire et naturaliser le genre élevé, romanesque, sentimental ; mais toujours ce genre, après une vogue passagère, a plus ou moins échoué et a été sacrifié en définitive : l’esprit de la race gauloise première a prévalu.
Un tel équilibre ne peut pas être le fruit d’un calcul, le résultat d’une combinaison ; car les passions, toujours irréfléchies et dépourvues de mesure, auraient bientôt franchi des barrières qui n’auraient été élevées qu’à force d’art. […] Les femmes présentent une série semblable de faits dans l’ensemble de leurs destinées : elles se sont graduellement élevées ; leur condition a subi les mêmes vicissitudes, selon les états différents de la société. […] Ainsi nos rois nous ont donné notre religion, ou notre religion nous a donné nos rois ; ainsi la religion, la patrie, le roi, se confondent pour nous dans un sentiment commun ; ainsi le dogme de la légitimité n’est point pour nous une chose vague et obscure, il sort de toutes nos traditions, de tous nos sentiments nationaux, de toutes nos affections de famille ; il a crû, il s’est élevé sur le sol même de la patrie ; son ombrage s’est étendu de siècle en siècle sur les générations qui nous ont précédés, sur les tombeaux de tous nos ancêtres.