… Est-il allé à Haïti pour écrire son livre ? S’il n’y est pas allé pour l’écrire, il y est du moins allé après l’avoir écrit. […] Qui croirait, en lisant cette préface, que l’homme qui l’a écrite pût peindre Soulouque et sa race avec cette énergie de ressemblance, ou, ayant lu le livre, que l’auteur de ce livre en eût pu penser la préface ? […] Comment a-t-il pu écrire, même dans une préface, que le despotisme de la majorité noire était une transition nécessaire, et que si la crise était actuellement plus violente, c’était tant mieux ? […] Règle générale en cette matière : pour tout historien dont l’intention est plus profonde que de raconter des excentricités risibles ou effrayantes et des histoires… grotesques et arabesques, comme dirait Edgar Poe, toute histoire de nègres ou sur des nègres doit être précédée d’une étude à fond sur la race, et Gustave d’Alaux était digne de la faire, cette étude sans laquelle toute histoire quelconque, même celle qu’il vient d’écrire, manque de flambeau.
Mais nous n’aborderons M. de Balzac que par les côtés qui touchent le plus immédiatement ses écrits que nous jugeons. […] Au reste, malgré les trente ouvrages promis et donnés par l’auteur du Vicaire, aucune œuvre suivie n’entrait alors dans sa pensée ; il écrivait au hasard, à foison, sans but ni souci littéraire. […] On sent l’homme qui a écrit trente volumes avant d’acquérir une manière ; quand on a été si long à la trouver, on n’est pas bien certain de la garder toujours. […] Nul doute que, si M. de Balzac avait connu ce petit écrit, il n’eût donné à son livre le cachet de réalité qui y manque, et ne se fût garanti de beaucoup d’à peu près qui sont faux. […] Chaque ligne de ce petit écrit annonce un travailleur longtemps séquestré du monde, ignorant naïvement le train des choses, et en parlant avec une sorte d’enfance.
L’illustre solitaire Antoine Le Maître l’avait pris en amitié singulière, et l’on voit par une lettre qui s’est conservée, et qu’il lui écrivait dans une des persécutions, combien il lui recommande d’être docile et de bien soigner, durant son absence, ses onze volumes de saint Chrysostome. […] Son ode aux Nymphes de la Seine pour le mariage du roi était remise à Chapelain, qui la recevait avec la plus grande bonté du monde, et, tout malade qu’il était, la retenait trois jours, y faisant des remarques par écrit : la plus considérable de ces remarques portait sur les Tritons, qui n’ont jamais logé dans les fleuves, mais seulement dans la mer. […] Il écrivait l’histoire de Port-Royal, celle des campagnes du roi, prononçait deux ou trois discours d’académie, et s’exerçait à traduire quelques hymnes d’église. […] C’est l’épanchement le plus pur, la plainte la plus enchanteresse de cette âme tendre qui ne savait assister à la prise d’habit d’une novice sans se noyer dans les larmes, et dont madame de Maintenon écrivait : « Racine, qui veut pleurer, viendra à la profession de la sœur Lalie. » Vers ce même temps, il composa pour Saint-Cyr quatre cantiques spirituels qui sont au nombre de ses plus beaux ouvrages. […] Fénelon lui écrivit exprès pour le consoler.
Comme ceci n’est pas un inventaire exact, ni même un jugement général des nombreux écrits de notre auteur, nous ne nous arrêterons qu’à ceux qui nous aideront à le peindre. […] Le travail d’écrire lui était devenu si familier que ce n’en était plus un pour lui : il pouvait à la fois laisser courir sa plume et suivre une conversation. Nous devons dire que les écrits volumineux dont est remplie la dernière moitié de sa carrière se ressentent de cette facilité extrême dégénérée en habitude. […] J’écrivais cela en 1831. […] Walter Scott, de nos jours, n’a-t-il pas écrit ainsi, sans plus de façon, des articles d’éloges sur ses propres romans ?
Ferdinand Fabre a déjà écrit une vingtaine de volumes, presque tous fort compacts. […] Ô sagesse éminente de Flaubert qui, ayant écrit en tout six volumes, n’en a écrit qu’un de trop ! […] Ferdinand Fabre a pu écrire des romans de mœurs cléricales d’une valeur éminente, et dont quelques-uns sont bien près d’être des chefs-d’œuvre. […] Ces romans sur les curés semblent écrits par un curé : c’est merveilleux. […] Le prêtre qui écrit sera volontiers archéologue, étant par profession conservateur du passé.
À Rome autrefois, on n’aurait osé écrire en latin qu’en s’abritant sous l’autorité d’un Grec. […] Mais ses ennemis ne se bornèrent pas à noircir son caractère : ils prétendirent qu’il n’écrivait pas le russe purement. […] Il est juste de dire que l’ouvrage n’a pas été écrit pour la scène. […] « Elle lui écrivit en français, dit Pouchkine, car on ne peut écrire une lettre en russe. » C’est une épigramme à l’adresse d’un de ses critiques. […] À son tour, Onéguine lui écrit ; il lui envoie lettre sur lettre ; pas une n’obtient de réponse.