Florian a raconté ses impressions d’enfance et ses premières aventures, ses fredaines de jeunesse, dans des pages rapides, écrites d’un ton enjoué, parfois assez leste, et qui sent même la garnison. […] Pour vaincre la modestie de cette jeune femme, qui se refusait à l’honneur d’une dédicace, même anonyme, Florian lui écrivait : « Tous ceux qui vous connaissent, verront bien que c’est vous ; tous ceux qui ne vous connaissent pas croiront que c’est Mme la duchesse d’Orléans. […] écrit Louise à Charles dans Le Presbytère (ce roman si simple et si vraiment touchant de M. […] monsieur, lui disait-il, si l’on ne vous connaissait pas, on vous volerait. » Vers ce temps-là, ce redoutable Rivarol avait écrit, à l’occasion de Numa Pompilius, un article si sanglant, que des amis de Florian le supplièrent de ne pas le publier. […] Je laisse de côté le reste des écrits en prose qu’il publia, ou qui parurent après lui, et dans aucun desquels il ne s’est surpassé.
À côté de ces figures rudes et mâles, une femme nous apparaîtrait, la reine Marguerite, sœur des Valois, qui nous laisse entrevoir dans ce qu’elle écrit un personnage élégant, fin, délicat, exquis, perfide, un type qui n’était point rare dans cette famille et dans ce cortège de Catherine de Médicis. […] Les L’Hôpital, les de Thou, les Pithou, voilà de grands noms assurément, et dont chacun en particulier pourrait servir d’exemple pour une démonstration ; mais en français, et eu égard aux lecteurs d’aujourd’hui, nul mieux qu’Étienne Pasquier ne les représente au vif dans ses écrits, ne les développe et ne les résume commodément et avec fidélité ; il offre une vie de xvie siècle au complet, et il a exprimé cette vie dans des ouvrages encore graves et à demi familiers, dans des lettres écrites non pas en latin, mais dans le français du temps, et avec une attention visible de renseigner la postérité. […] Pasquier, avons-nous dit, pense, contrairement à plusieurs de ses contemporains, qu’il faut écrire en français ; mais ce français, où faut-il aller en puiser la naïveté et la pureté comme à sa source ? […] La théorie politique de Pasquier ressort de sa vie même et de ses divers écrits ; elle est purement et simplement celle des parlementaires. […] Pasquier s’est plu à en consigner dans ses écrits quelques exemples, où l’austérité et la soumission se concilient avec grandeur et d’une manière touchante.
L’homme de plume, chez Carrel, est toujours doublé d’un homme d’épée très présent, et d’un homme d’action en perspective : seul, l’homme de lettres, si on ne le prenait que par ses phrases écrites, serait un peu inférieur à sa réputation méritée. […] Écrire, pour Carrel, n’était évidemment que son second rôle (le premier lui manquant) ; tenir la plume pour lui n’était que sa seconde préférence. […] On chercherait vainement dans l’ensemble de ses écrits une idée nouvelle de réformation radicale et un plan d’avenir. […] ce qu’il dit là contre le suicide ne pourrait-on pas en partie le dire aussi contre le duel, qui n’est souvent qu’une autre forme de suicide, comme cela fut trop vrai de lui qui écrit et de son cas suprême ? […] La nation avait repoussé les premiers ; les seconds étaient ceux que Charles Ier n’avait pas voulu reconnaître. » J’ai noté un assez bon nombre de ces obscurités dans les premiers écrits de Carrel, et il en eut de tout temps.
Il en est résulté que de Brosses, l’ami de Buffon, n’est resté grand homme que dans sa province ; et, pour l’apprécier aujourd’hui en quelques-unes de ses qualités rares, c’est à ses Lettres écrites d’Italie qu’il faut s’adresser, lettres de jeunesse, écrites pour l’intimité et entre camarades, avec toute la liberté bourguignonne et le sel du pays natal, mais remplies aussi d’observations excellentese, de libres et fins jugements sur les arts, sur les mœurs et sur les hommes. […] Cette diverse et joyeuse bande prit tout d’une voix de Brosses pour secrétaire, le chargeant d’écrire les détails du voyage aux amis de Dijon, à toute une aimable et franche coterie bourguignonne, le gros Blancey, le bon Quintin et d’autres encore, même d’aimables dames, qui savaient, comme autrefois, être de très honnêtes femmes et entendre le mot pour rire. […] On ne peut pas écrire avec plus de facilité, de grâce et de goût. […] « J’aime bien pis que les rois, écrivait un jour le président à Voltaire : j’aime les papes. […] On ne peut quitter Rome quand on y est resté au-delà de quelques semaines ; c’est un charme connu de tous les voyageurs, et auquel de Brosses n’échappe pas : « Car il faut que vous sachiez, écrit-il aux amis de Dijon, que les gens ne sont jamais croyables quand ils disent qu’ils vont partir de Rome.
Pour goûter les écrits de Richelieu, pour en tirer tout le fruit et tout le suc qu’ils renferment, il faut se faire à son style et se tenir bien averti d’avance sur quelques défauts qui, autrement, pourraient rebuter. […] Les grands capitaines écrivent leurs actions avec simplicité, parce qu’ils sont plus glorieux de ce qu’ils ont fait que de ce qu’ils ont dit. […] On a pu se demander déjà, et j’ai entendu faire l’objection : « Comment Richelieu trouva-t-il le temps d’écrire ses mémoires, et sont-ils bien, en effet, tout entiers de lui ? […] Richelieu y expose ses idées sur une sage administration et dispensation de la littérature ; et, à la date où il écrit, il y fait preuve d’une haute prévoyance. […] il ne le croyait certes pas lorsqu’il a écrit : « Ceux qui sont vindicatifs de leur nature, qui suivent plutôt leurs passions que la raison, ne peuvent être estimés avoir la probité requise au maniement de l’État.
Il ne faut rien exagérer pourtant, et les écrits de Marguerite sont assez nombreux pour permettre d’apprécier en elle avec justesse la part de l’originalité et celle de la simple intelligence. […] Marguerite, toute savante et éclairée qu’elle était, a dû croire au même présage, et eût écrit les mêmes paroles que sa mère. […] Pendant que Madame Louise, nommée régente du royaume, montrait de la force et du courage, on peut suivre les pensées de Marguerite dans la série des Lettres qu’elle écrit à son frère, et que M. […] Ce ne sont pas des gaietés ni des péchés de jeunesse que ces contes ; elle les fit dans un âge très mûr ; elle les écrivit la plupart dans sa litière, en voyage, et par manière de délassement ; mais le délassement avait du sérieux. […] On raconte que bien souvent elle occupait à la fois deux secrétaires, l’un à écrire les vers français qu’elle composait impromptu, et l’autre à écrire des lettres.