II Voici la contemporaine de Jeanne d’Arc, l’excellente Christine de Pisan, si digne, si naïve, si pleine de vertu et de prud’homie, qui, raide comme un personnage de vitrail, s’applique, avec le grand sérieux des bonnes âmes du moyen âge, gauchement et gravement, à enserrer la langue balbutiante de son siècle dans la forme du style cicéronien comme dans un heaume lourd et trop large. […] Il commet beaucoup d’autres omissions, dont nous devons le remercier pour nos filles Près de Mme d’Épinay, Mme d’Houdetot, si plaisante par son ignorance du mal, par son obéissance prolongée aux bonnes lois de nature, par son indulgence que la Révolution ne put même inquiéter, et par le divin enfantillage d’un optimisme sans limites Et, après cette colombe octogénaire, voici surgir Mme Roland, une fille de Plutarque, une enthousiaste, une envoûtée de la vertu antique, qui, lorsqu’elle écumait le pot chez sa mère, songeait à Philopœmen fendant du bois Voici trois maîtresses d’école, trois enragées de pédagogie : Mme de Genlis, le type de la directrice de pensionnat pour demoiselles, sentimentale et puérile ; Mme Necker de Saussure, esprit solide et supérieur, d’un sérieux un peu funèbre, le modèle des gouvernantes protestantes ; Mme Guizot, très bonne âme, avec quelque chose d’ineffablement gris, écrivant ce que peut écrire une demoiselle qui, à quarante ans, épouse M. […] Et ces vers, âpres et nus, sont parmi les plus beaux vers pessimistes qu’on ait écrits, et les plus éloquents peut-être et les plus virils qu’ait jamais inspirés le désespoir métaphysique Mais voilà qu’à ces éclats impies (admirable variété des âmes !) […] Les rêves les plus généreux de ce siècle, les chimères sociales des bons utopistes et leurs philosophies mystiques se réfléchissent toutes dans vos livres, un peu pêle-mêle quelquefois, car vous aviez souci de les refléter plus que de les éclaircir, chère âme grande ouverte ! […] Je ne sais si, mal comprise, vous êtes pour quelque chose dans les erreurs d’Emma Bovary ; mais alors c’est donc par vous qu’il lui reste assez de noblesse d’âme pour chercher un refuge dans la mort.
Souvent, enfin, le royaume de Dieu est le royaume des âmes, et la délivrance prochaine est la délivrance par l’esprit. […] Mais c’était encore, et probablement c’était surtout le royaume de l’âme, créé par la liberté et par le sentiment filial que l’homme vertueux ressent sur le sein de son Père. […] Le jour de grâce, si longtemps attendu par les âmes pures de Galilée, était devenu pour ces siècles de fer un jour de colère : Dies iræ, dies illa ! […] Le mot de « royaume de Dieu » exprime, d’un autre côté, avec un rare bonheur, le besoin qu’éprouve l’âme d’un supplément de destinée, d’une compensation à la vie actuelle. Ceux qui ne se plient pas à concevoir l’homme comme un composé de deux substances, et qui trouvent le dogme déiste de l’immortalité de l’âme en contradiction avec la physiologie, aiment à se reposer dans l’espérance d’une réparation finale, qui sous une forme inconnue satisfera aux besoins du cœur de l’homme.
L’homme entre en colère, il est attentif, il est curieux, il aime, il hait, il méprise, il dédaigne, il admire ; et chacun des mouvements de son âme vient se peindre sur son visage en caractères clairs, évidents, auxquels nous ne nous méprenons jamais. […] Si l’âme d’un homme ou la nature a donné à son visage l’expression de la bienveillance, de la justice et de la liberté, vous le sentirez, parce que vous portez en vous-même des images de ces vertus, et vous accueillerez celui qui vous les annonce. […] Son âme est prompte à s’irriter. […] Chaque société a son gouvernement, et chaque gouvernement a sa qualité dominante, réelle ou supposée qui en est l’âme, le soutien et le mobile. […] C’est qu’ils étaient placés dans des lieux écartés, et que l’horreur d’une forêt environnante, se joignant au sombre des idées superstitieuses, remuait l’âme d’une sensation particulière.
La passion dans son âme austère se tourne en âpreté. […] Il va droit à l’âme même de la pièce. […] Bourget de ses Essais critiques où il a tant mis de son âme. […] C’est une âme songeuse. […] Veut-il peindre la solitude de l’âme privée de sa croyance en un Dieu consolateur ?
Toutes les énergies de l’âme ont pour fin la tendresse. […] Quand la cupidité, la cruauté et l’égoïsme étendent leur lèpre sur les âmes, des sages paraissent en qui tout est douceur et renoncement. […] Parfois ils acquièrent comme Tolstoï, cette sorte de gloire magnétique qui « civilise » les âmes malgré elles. […] Ce livre en a d’autres, il est d’âme changeante comme un crépuscule d’été. […] Sa concentration lui permettait de cultiver incomparablement la fermeté d’âme et la volonté.
C’est la différence entre le poète purement ingénieux et le poète créateur ; l’un fait admirer son esprit, l’autre communique son âme. Homère est immortel comme il est universel, parce qu’il est l’âme de tous impressionnée et exprimée dans un seul. […] Cependant l’un de ces plateaux porte une machine et l’autre porte une âme. Mais la machine aussi contient une âme, me dira-t-on. Oui, mais c’est l’âme appliquée par le calcul à la matière ; l’autre, c’est l’âme appliquée par la poésie au sentiment, à la pensée, à la nature universelle, à la Divinité.