Elle, raisonnable, se défiait, objectait la disproportion des âges… Mais quoi ! […] … Par quel miracle aurais-tu échappé aux entraînements que la chaleur de l’âge et la facilité de notre profession plaçaient devant toi ? […] Il épousa en 1807, à l’âge de vingt-trois ans, Mlle de Comberousse, fille du président du Conseil des Anciens : ce fut un mariage d’amour. […] L’âge d’abord : M. de Marcellus aurait eu trente-cinq ans quand il rencontra notre amie. […] Elle a tout ensemble vingt ans et soixante ans, et ces deux âges lui vont bien.
L’école ancienne était pour tous les âges le gymnase de l’esprit. […] À mes yeux, le monothéisme n’est, comme le polythéisme, qu’un âge de la religion de l’humanité. […] En l’âge de la force, quand l’esprit critique est encore dans sa vigueur, que la vie apparaît comme une proie appétissante et que le plein soleil de la jeunesse verse ses rayons d’or sur toute chose, les instincts religieux se contentent à peu de frais ; on vit avec joie sans doctrine positive ; le charme de l’exercice intellectuel adoucit toute chose, même le doute. […] Qui ne s’est arrêté, en parcourant nos anciennes villes devenues modernes, au pied de ces gigantesques monuments de la foi des vieux âges ? […] Tant il est vrai qu’en fait de création religieuse les siècles sont portés à se calomnier eux-mêmes et à se refuser le privilège qu’ils accordent littéralement aux âges reculés !
C’est encore une anecdote à peu près sûre que celle que La Fontaine, vers l’âge de quarante ans, peut-être même un peu plus tard, allant à Château-Thierry pour voir sa femme, parce qu’on lui avait conseillé de ne pas rester trop longtemps sans la voir, ce qui serait devenu un peu criant, un peu scandaleux, allant à la maison paternelle, que MIIe de La Fontaine habitait encore ; ne la trouvant pas, revenant à Paris et disant : « Ah ! […] Et ceci qui est définitif, en quelque sorte, ceci qui, au moins, nous présente La Fontaine à un moment où il était véritablement au regret des sottises de son jeune âge (c’est dans Philémon et Baucis) : Baucis devient tilleul, Philémon devient chêne. […] si ce faux éclat n’eût pas fait ses plaisirs, Si le séjour de Vaux eût borné ses désirs, Qu’il pouvait doucement laisser couler son âge ! […] Je le crois Vous me direz : « Il est à peu près aussi vilain, à cet âge-là, de faire le fanfaron de vice que d’être vicieux ! […] C’est le 13 avril 1695 qu’il mourut, à l’âge de soixante-quatorze ans.
Mais auparavant il y eut des heures uniques où, dans cette compagnie riante, excité et rassuré à la fois, il jouissait, à cet âge tardif, d’une jeunesse inattendue, et où son talent comme son cœur trouvait enfin son épanouissement. — Et aussi ne nous figurons point Cowper toujours affublé de cette espèce de bonnet de nuit bizarre sous lequel on nous le représente invariablement dans ses portraits. Il nous le dit lui-même, à cet âge de cinquante ans passés, il paraissait un peu moins que son âge ; il avait gardé de ses airs vifs de jeune homme ; il avait moins grisonné encore qu’il n’était devenu chauve, mais une mèche (comme cela s’appelle), une mèche bien placée réparait le vide et faisait boucle à son oreille, l’après midi, quand il était coiffé, avec sa bourse et son ruban noir, il pouvait paraître tout à fait galant. […] Aucun sopha alors ne m’attendait à mon retour, et je n’avais point besoin de sopha alors ; la jeunesse répare la dépense de ses esprits et de ses forces en un rien de temps ; par un long exercice elle n’amasse qu’une courte fatigue ; et quoique nos années, à mesure que la vie décline, s’enfuient bien rapidement et qu’il n’y en ait point une seule qui ne nous dérobe en s’en allant quelque grâce de jeunesse que l’âge aimerait à garder, une dent, une mèche brune ou blonde22, et qu’elle blanchisse ou raréfie les cheveux qu’elle nous laisse, toutefois le ressort élastique d’un pied infatigable qui monte légèrement le degré champêtre où qui franchit la clôture ; ce jeu des poumons, cette libre et pleine inhalation et respiration de l’air qui fait qu’un marcher rapide ou qu’une roide montée ne sont point une fatigue pour moi ; tous ces avantages, mes années ne les ont point encore dérobés ; elles n’ont point encore diminué mon goût pour les belles vues naturelles ; ces spectacles qui calmaient ou charmaient ma jeunesse, maintenant que je ne suis plus jeune, je les trouve toujours calmants et toujours ayant le pouvoir de me charmer.
« M. de Besenval, a dit le vicomte de Ségur, héritier et premier éditeur de ses Mémoires, joignait à la taille la plus imposante une figure pleine de charmes dans sa jeunesse, et de dignité dans un âge avancé. » Son organisation était forte et robuste, en même temps que fine et distinguée. […] Cinquante ans révolus, des cheveux blanchis lui faisaient obtenir cette confiance que l’âge mûr inspire aux femmes, quoiqu’il n’eût pas cessé de viser aux aventures galantes. […] Il fut acquitté en janvier 1790, et il mourut seize mois après, le 2 juin 1791 à l’âge de soixante-dix ans, échappant au spectacle des derniers malheurs où allait achever de se confondre l’ordre social qu’il avait aimé. […] [NdA] Voici le récit de Mme Campan, qui, par le ton de morale exemplaire qu’elle y met, ne paraîtra peut-être pas exempt de quelque arrangement : En me parlant (un jour) de l’étrange présomption des hommes, et de la réserve que les femmes doivent toujours observer avec eux, la reine ajouta que l’âge ne leur ôtait pas l’idée de plaire quand ils avaient conservé quelques qualités agréables ; qu’elle avait traité le baron de Besenval comme un brave Suisse, aimable, poli, spirituel, que ses cheveux blancs lui avaient fait voir comme un homme sans conséquence, et qu’elle s’était bien trompée.
Il y a, au Cabinet des Estampes, jusqu’à trente portraits gravés de ce prélat, qui évidemment aimait à se contempler et à se voir reproduit dans sa noblesse et dans ses grâces ; il y est représenté à tous les âges, sous toutes les formes, abbé, docteur, archevêque de Rouen, archevêque de Paris, à tous les degrés de sa vie ou de ses dignités. […] L’abbé Legendre, qui a écrit jusqu’à quatre Éloges de M. de Harlay, sans compter ce qu’il en dit dans ses Mémoires ; qui l’a loué une première fois en français, mais un peu brièvement40, une seconde fois en français encore41 et en s’attachant à ne mettre dans ce second morceau ni faits, ni pensées, ni expressions qui fussent déjà dans le premier ; qui l’a reloué une troisième fois en latin42, puis une quatrième et dernière fois en latin encore43, mais pour le coup avec toute l’ampleur d’un juste volume, Legendre a commencé ce quatrième et suprême panégyrique qui englobe et surpasse tous les précédents par un magnifique portrait de son héros ; je le traduis ; mais on ne se douterait pas à ce début qu’il s’agit d’un archevêque, on croirait plutôt qu’il va être question d’un héros de roman : « Harlay était d’une taille élevée, juste, élégante, d’une démarche aisée, le front ouvert, le visage parfaitement beau empreint de douceur et de dignité, le teint fleuri, l’œil d’un bleu clair et vif, le nez assez fort, la bouche petite, les lèvres vermeilles, les dents très bien rangées et bien conservées jusque dans sa vieillesse, la chevelure épaisse et d’un blond hardi avant qu’il eût adopté la perruque ; agréable à tous et d’une politesse accomplie, rarement chagrin dans son particulier, mangeant peu et vite ; maître de son sommeil au point de le prendre ou de l’interrompre à volonté ; d’une santé excellente et ignorant la maladie, jusqu’au jour où un médecin maladroit, voulant faire le chirurgien, lui pratiqua mal la saignée ; depuis lors, s’il voyait couler du sang, ou si un grave souci l’occupait, il était sujet à des défaillances ou pertes de connaissance, d’abord assez courtes, mais qui, peu à peu, devinrent plus longues en avançant : c’est ce mal qui, négligé et caché pendant plus de vingt ans, mais se répétant et s’aggravant avec l’âge, causa enfin sa mort. » L’explication que l’abbé Legendre essaye de donner des défaillances du prélat par suite d’une saignée mal faite est peu rationnelle : M. de Harlay était sujet à des attaques soit nerveuses, soit d’apoplexie plus probablement, dont une l’emporta. […] Dès l’âge de quatorze ans, il savait si bien le latin que non seulement il composait en prose et en vers, mais qu’il était en état de discuter à l’instant en latin et dans les meilleurs termes sur n’importe quel sujet, comme s’il devait avoir un jour à disputer la palme aux plus habiles humanistes. […] Un jour, peu d’années avant sa mort, on lui annonce, à l’archevêché de Paris, qu’un vieux prêtre tout brisé par l’âge est à la porte du palais, qu’il demande à le voir, et se dit un de ses anciens amis, venu exprès à Paris pour lui faire un dernier adieu : c’était le curé de Courbépine, du diocèse de Lisieux.