Il est accordé à l’homme doué du sens musical d’y assister quelquefois et de saisir, à travers la distance et la solitude, comme un passant sous les balcons d’un palais, quelques faibles échos de ces concerts que la terre, l’air, les eaux et les feux donnent à leur Auteur. […] parce qu’il y en a un dans notre antichambre qui s’en donne comme le nôtre. » Cette pensée de l’enfant, envoyée à travers les Alpes à l’oiseau domestique dont les mélodies ont peut-être éveillé les siennes dans son berceau, est une des plus significatives réminiscences de la sympathie humaine avec les musiciens ailés de la création. […] Ces quatre âmes à l’unisson pleurent, espèrent, se découragent, se consolent, s’entraînent, se confient à travers la distance de Salzbourg à Paris et de Paris à Salzbourg.
C’est la source du Nil que les voyageurs anciens et modernes n’ont pu découvrir, et qui semble découler directement du ciel à travers les nuées de l’Abyssinie. […] Elle en sort et coule au pied de petites collines irrégulières qui sont couvertes de vignes ; puis, passé le château romantique qui porte aujourd’hui le nom de Valleggio, situé sur une éminence, elle descend à travers une longue vallée, et alors elle se répand dans la plaine en deux petits lacs, l’un au-dessus et l’autre juste au-dessous de la ville de Mantoue. De là, le Mincio poursuit son cours, dans l’espace d’environ deux milles, à travers un pays plat mais fertile, jusqu’à ce qu’il se jette dans le Pô (à Governolo).
Vers l’ouest et le sud-ouest le regard s’étend librement sur une vaste prairie à travers laquelle, à la distance d’un bon trait d’arbalète, l’Ilm coule en replis silencieux. […] La grande épopée de l’Italien a soutenu sa gloire à travers les siècles, mais avec une seule ligne du Don Juan on pourrait empoisonner toute la Jérusalem délivrée ! […] Je redescends vite, et je me mets à errer dans les rues, qui alors n’étaient pas éclairées. — Plein de passion et de colère, je marchai à travers la ville pendant une heure environ, repassant sans cesse devant la maison de ma bien-aimée et souffrant d’un désir ardent de la voir.
Goethe, en parlant, marchait à travers la chambre. […] Et, en effet, à cette hauteur, on a des fenêtres le délicieux coup d’œil de la vallée, animée de tableaux variés ; la Saale serpente à travers les prairies ; en face, du côté de l’est, s’élèvent des collines boisées ; le regard se perd au-delà dans un vague lointain ; il est évident que de cette position on peut très facilement observer, pendant le jour, les nuages chargés de pluie qui passent et vont se perdre à l’horizon, et, pendant la nuit, l’armée des étoiles et le lever du soleil. […] Il n’a pas poursuivi pendant cinquante ans, dans les deux mondes terrestre et céleste, à travers les abîmes de l’esprit humain, les mystères d’un drame surnaturel ; il est plus homme ; il est moins dieu !
Tels que la mer rentraînant ses ondes à travers les cent îles mugissantes d’Inistore, tels reviennent contre Fingal les vastes et impétueux bataillons de Loclin. […] Levez tous vos larges boucliers ; que vos lances soient des météores de mort Suivez moi dans la route de la gloire, et égalez mes actions dans le combat. » « Mille vents déchaînés sur Morven, ou les nuages volant amoncelés à travers les cieux, ou les flots du noir Océan fondant sur les rivages du désert, leur bruit, leurs ravages, la terreur qu’ils inspirent : telle est l’image de l’horrible mêlée des deux armées sur la plaine retentissante de Lena. […] C’est lui que je fuis à travers les flots ; c’est lui qui me poursuit.
Telle que Wagner l’a créée, cette Vénus, emblème de la nature matérielle de l’être, allégorie du Mal en lutte avec le Bien, symbole de notre enfer intérieur opposé à notre ciel interne, nous ramène d’un bond en arrière à travers les siècles, à l’imperméable grandeur d’un poème symbolique de Prudence, ce vivant Tannhæuser qui, après des années dédiées au stupre, s’arracha des bras de la victorieuse Démone pour se réfugier dans la pénitente adoration de la Vierge. […] Ouvre donc largement les issues à ta mélodie, qu’elle s’épanche comme un torrent continu à travers l’œuvre entière ; exprime en elle ce que je ne dis pas, parce que toi seul peut te dire, et mon silence dira tout, parce que je te conduis par la main. » Dans le fait, la grandeur du poète se mesure surtout par ce qu’il s’abstient de dire, afin de nous laisser dire à nous-mêmes, en silence, ce qui est inexprimable ; mais c’est le musicien qui fait entendre clairement ce qui n’est pas dit, et la forme infaillible de son silence retentissant est la mélodie infinie. » Dans ses ouvrages postérieurs à 1853, sauf la lettre à M. […] Alfred Ernst Camille Benoît : Les motifs typiques des Maîtres Chanteurs, étude pour servir de guide à travers la partition, précédée d’une notice sur l’œuvre poétique (brochure, in-16, 1 fr. 50).