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260. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Tant pis si elle absorbe son temps, son esprit, son âme, tout le meilleur de sa force active et de la force de l’État. […] Necker., 4 août, chasse au cerf à la forêt de Marly, pris un, aller et revenir à cheval… 13 août, audience des États dans la galerie, Te Deum pendant la messe en bas ; l’équipage a pris un cerf à Marly… 26 août, audience de compliment des États, grand’messe avec les cordons rouges, serment de M.  […] En 1789, le chancelier a 120 000 livres d’appointements, le garde des sceaux 135 000 ; « M. de Villedeuil, comme secrétaire d’État, devait avoir 180 670 livres, mais il a représenté que cette somme ne couvrait pas ses dépenses, et son traitement a été porté à 226 000 livres tout compris204 ». […] Un Cicé, archevêque de Bordeaux, un Dillon, archevêque de Narbonne, un Brienne, archevêque de Toulouse, un Castellane, évêque de Mende et seigneur suzerain de tout le Gévaudan, un archevêque de Cambray, duc de Cambray, seigneur suzerain de tout le Cambrésis et président-né des États provinciaux, la plupart sont des princes ; ne faut-il pas qu’ils représentent en princes ? […] État des pensions payées aux personnes de la famille royale en 1771.

261. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

Gaspard et Bernard de Murat, conseillers d’État, étaient allés à Turin, et avec un peu de peine ils avaient trouvé moyen de se faire écouter. […] — Consentiriez-vous à quitter votre patrie, si nous obtenions du duc qu’il vous laissât disposer de vos biens et sortir de ses États avec vos familles ?  […] Alors les ambassadeurs représentèrent avec énergie l’impossibilité où ils étaient de leur porter secours autrement que par des négociations : « Vos vallées sont enclavées dans les États de vos ennemis ; tous les passages sont gardés ; aucune nation n’est en mesure de faire la guerre à la France dans votre seul intérêt ; nulle armée ne pourrait même pénétrer jusqu’ici, et vous seuls, enfin, vous avez à peine trois mille combattants. […] Il est vrai que le bras de Dieu, qui vous a soutenus dans les guerres passées, n’est pas encore raccourci ; mais si vous faites réflexion qu’un puissant roi s’est joint aux forces de votre prince, que les provisions, les officiers et l’union vous manquent, et que même vos obstinations vous feront abandonner de tous les princes et des États protestants…, vous ne pouvez pas espérer que la Providence divine, qui n’agit pas miraculeusement comme autrefois parmi les Israélites, veuille faire de vos ennemis ce qu’elle fit de Sennacherib ; et la parole de Dieu vous apprend que de se jeter dans les dangers sans prévoir humainement aucun moyen d’en sortir, c’est tenter Dieu qui laisse périr ceux qui aiment témérairement le danger… » On peut se figurer l’effet que dut produire la lecture d’une telle épître sur un auditoire mêlé de personnes timides, de vieillards, de femmes et d’enfants.

262. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

La grandeur de l’État romain qui a pour effet de substituer les guerres civiles aux dissensions du Forum, les guerres lointaines où périt le patriotisme du soldat, l’extension du droit de cité à toutes les nations, le luxe qui corrompt les mœurs, les proscriptions, qui, depuis Sylla jusqu’à Auguste, brisent par la peur le ressort des âmes et les dressent à la servitude, la suite des mauvais empereurs, le partage de l’empire, la destruction de l’empire d’Occident par les invasions barbares, et la lente agonie de l’empire d’Orient, voilà les principales étapes de la décadence du peuple romain. […] Ainsi Montesquieu pose ces étranges maximes : qu’un État déchiré par la guerre civile menace la liberté des autres ; et qu’il se forme toujours de grands hommes dans les guerres civiles. […] Il veut dégoûter les grands et les hommes d’État de se mettre au-dessus de la simple morale : comment les y décider ? […] Dès lors, en possession des définitions nécessaires, Montesquieu va faire une construction d’une hardiesse singulière : il va monter pièce à pièce ces trois grandes machines politiques, république, | monarchie, despotisme, chacune en son type idéal ; il va montrer comment toutes les lois particulières s’adaptent au principe fondamental de la constitution, faisant sortir le bonheur et le malheur, le progrès et la ruine des États du plus ou moins d’adaptation, du plus ou moins de cohésion et de concordance de toutes les institutions, exposant comment, par le manque ou la disconvenance de telle pièce, tel peuple s’est détruit, comment, par l’invention ou le remaniement de telle disposition législative, tel autre se serait arrêté sur la pente de sa décadence.

263. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

Barnave avait vingt-sept ans au moment où il fut élu membre des États généraux, et il est mort à trente-deux ans. […] Quand survinrent les troubles du Dauphiné, l’insurrection régulière contre les Édits et la convocation spontanée des États de cette province, qui accomplit par avance sa révolution, il se trouva tout prêt ; il fut l’un des plus prompts à donner le signal par un écrit courageux et opportun. Il fit ses premières armes sous le digne Mounier, et mérita d’être porté à ses côtés, et par les mêmes suffrages, aux États généraux. […] Je dois à la bienveillance de M. le marquis de Jaucourt, ancien ministre d’État, lequel a beaucoup connu Barnave, quelques explications qui répondent à la question que je me suis posée au sujet des rapports du célèbre orateur avec la Reine.

264. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

Mais, je le répète, par suite de cet esprit d’intolérance que la philosophie (surtout dans les temps modernes) a toujours pratiqué à l’égard d’elle-même, bien des choses excellentes sont toujours menacées par les révolutions des systèmes, de même que les bonnes lois, indépendantes des systèmes politiques, sont cependant entraînées souvent par les révolutions des États. […] Au reste, ce travail de restauration, qui consiste à retrouver et à préserver la tradition philosophique, à sauver cet héritage successivement accru par les âges, mais trop souvent renversé et détruit par les révolutions et les réactions, les révoltes et les coups d’État, les anarchies et les dictatures (car les écoles passent par les mêmes crises que les États), ce travail conservateur et réparateur ne doit pas être confondu avec ce que l’on a de nos jours appelé l’éclectisme. […] Les philosophes de bon sens sont les magistrats d’un État libre qui font le bien sans éclat, mais sans tempêtes, et qui, respectant tous les intérêts et tous les droits, sont par là même obligés de s’abstenir de grandes aventures.

265. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

… Quoique j’aie cherché, sans le trouver, dans les deux trop petits volumes de M. de Lescure, l’écrivain oublié des Actes des Apôtres, de ces Apôtres moins heureux que ceux de Jésus-Christ, qui fondèrent le Christianisme, tandis qu’eux, ces nouveaux pauvres diables d’Apôtres, n’ont pu empêcher la royauté très chrétienne de s’en aller en quatre morceaux, j’y ai trouvé pourtant assez de journaliste et même, disons le mot, assez d’homme d’État dans Rivarol pour appuyer aujourd’hui sur ce qu’il fut comme journaliste, malgré le flot du temps qui remporta et qui, comme journaliste, devait l’emporter, et sur ce qu’il aurait pu être comme homme d’État, sans la faiblesse aveugle d’une Royauté vouée à toutes les fautes, et dont l’imbécillité fut le bourreau, avant le bourreau… VII Oui, le journaliste, — et, à travers le journaliste,, l’homme d’État que le journaliste, comme on sait, n’implique pas toujours, voilà ce qu’est et ce qu’apparaît presque exclusivement Rivarol dans cette publication nouvelle de M. de Lescure. […] Lui qui vivait si fort dans le bouillonnement des faits contemporains, il les a racontés comme s’il avait été à soixante ans d’eux, avec la fermeté dépensée., la possession de soi et la portée de l’homme d’État… Un jour, Napoléon, de la hauteur méprisante de son esprit impérial, découvrit le journaliste dans Tacite, malgré l’immortel préjuge de sa gloire d’historien, Eh bien !

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