« Sur le point de jouir, tout s’enfuit de nos mains. » Ceci est un souvenir mythologique, c’est Tantale ; et en même temps cela nous fait songer aux beaux vers de Musset sur le bonheur : Et le peu de bonheur qu’on rencontre en chemin. […] Songez au Barbier de Séville, et vous avez le sujet du Florentin Il y a un tuteur qui est un jaloux, qui est un cruel, qui est un tyran affreux ; et il y a une pupille qui est très malicieuse et qui trouve le moyen de se délivrer de la tyrannie de son tuteur, le Florentin, et même qui trouve le moyen de se moquer de lui.
Mais, on n’a pas voulu dire que le directeur de la revue, qui fut pendant quelques années l’administrateur très zélé du Théâtre-Français, n’ait pas songé à y mettre en œuvre le talent de M. de Musset ; ce qu’on a voulu dire, c’est que Mme Allan, qui avait joué le Caprice à Saint-Pétersbourg, le joua à ravir à Paris, et mît chacun en goût de telle friandise.
Voltaire parle des choses de l’esprit comme on en parle entre honnêtes gens qui songent plus à échanger des idées agréables qu’à se faire la leçon.
» En France et dans notre société, c’est moins encore l’idée de beauté que celle de morale qui fait ce même office de pavé accablant, et dont on s’arme sans cesse, qu’on jette à la tête de tout nouveau venu, avec une vivacité et une promptitude qui ne laissent pas d’être curieuses, si l’on songe à quelques-uns de ceux qui en jouent de la sorte.
Il crut qu’on lui demandait un suprême effort aux Quatre-Bras contre les Anglais, pour pouvoir ensuite, apparemment, se porter sur les derrières de l’autre ennemi, les Prussiens, et, au lieu de ralentir son action et de se borner, comme il le fit plus tard à la fin de la journée et après des prodiges de valeur perdue, à une solide défensive, il songea à ramasser ses forces pour porter un rude coup devant lui ; dans cette préoccupation unique et absolue, il envoya dire à d’Erlon, à ce même chef qu’un ordre de l’Empereur remis par Labédoyère dirigeait en ce moment vers le moulin de Bry, à dos de l’armée prussienne, de revenir en toute hâte aux Quatre-Bras : c’était un contresens.
J’ai habituellement de l’homme de moins grandes idées, et je ne le vois que comme un des innombrables accidents dans les variétés de la vie, un résultat bien fugitif et transitoire, une apparition d’un instant (cet instant fût-il composé de quelques millions d’années), et ce que Pindare a appelé le songe d’une ombre. » (Lettre à M. de Chantelauze, du 18 septembre 1868.)
Et, d’autre part, comme ces admirateurs plus tardifs, honteux tout bas de s’être fait tant prier, et n’en voulant pas convenir, acceptent le grand écrivain dans ses dernières œuvres au détriment des premières qu’ils ont peu lues et mal jugées, comme ils sont fort empressés de le féliciter d’avoir fait un pas vers eux, public, tandis que c’est le public qui, sans y songer, a fait deux ou trois grands pas vers lui, il est du ressort d’une critique équitable de contredire ces points de vue inconsidérés et de ne pas laisser s’accréditer de faux jugements.
Le poëte songeait à sa Notre-Dame lorsqu’il disait dans le prologue des Feuilles d’Automne : S’il me plaît de cacher l’amour et la douleur Dans le coin d’un roman ironique et railleur.
S’il avait exercé le même empire et la même direction sur La Fontaine, qu’on songe à ce qu’il lui aurait retranché !
En vérité, il serait temps qu’un journal qui se pique de représenter quelque chose en France songeât à purger sa littérature do tant de vénalité jointe à tant d’ineptie, et qu’il essayât au moins de la rajeunir comme sa vieille politique.
Quand le peuple se lève et passe, ces gens-là se jettent à plat-ventre : on les croirait morts en ces moments, si en ces moments l’on songeait à eux ; mais sitôt que le peuple en personne est passé, vite ils regardent alentour et se ravisent.
L’équité du verdict d’acquittement s’animait et se colorait d’une émotion généreuse. à partir de ce jour, M. de Chateaubriand est encore reconquis à la France ; mais, qu’il y songe, il n’appartient qu’à elle désormais.
Viardot, dans le choix qu’il a fait, a dû songer surtout à la variété ; les cinq nouvelles qu’il nous offre ont chacune un caractère à part, et appartiennent à un genre différent ; ce qui peut être plus agréable pour le lecteur, mais ce qui ne laisse pas d’embarrasser le critique.
Tenir à la fois présents tous les ressorts, y avoir l’œil pour les tendre et les détendre insensiblement : prendre une détermination dans les crises, la maintenir ou ne la modifier qu’autant qu’il faut pendant les difficultés et les lenteurs de l’exécution ; être naturellement secret ; porter légèrement tout ce poids sans que le front en ait un nuage ; entremêler la paix à la guerre, et, sans faiblir, les mener de front, songer en toutes deux au nécessaire, c’est-à-dire aussi, chez de certaines nations, à la grandeur des résultats et à la gloire : dans le même temps exalter les courages et continuer d’apaiser les passions, les tenir comprimées de telle sorte que les gens de bien, selon la belle expression de Richelieu, dorment en paix à l’ombre de vos veilles, et que les laborieux dont la masse de la société se compose se livrent en tous sens au développement légitime de leur activité, que dis-je ?
Il songe au bien de ses sujets, mais seulement parce que ce bien entre comme un but accessoire dans les desseins d’un grand roi.
Quand on se sert de ces phrases, on ne passe point par le long détour de l’association des idées : on ne songe même pas à Philis, à Ulysse, à Émilie, et en les nommant on ne va point au-delà des sons.
On l’a prise pour matière de programme, qu’il faut avoir parcourue, effleurée, dévorée, tant bien que mal, le plus vite possible, pour n’être pas « collé » : quitte ensuite, comme pour tout le reste, à n’y songer de la vie.
Quelques-uns font songer à ces statues d’airain qu’on voit pleurer dans Virgile.
Toutes éclatantes et indéterminées, et qui souvent font songer (qu’en dis-tu, Jacques Moulinot ?)
Détestable écrivain, penseur nul, savant de détails mais fermé à l’intuition exacte, vive, nue et crue d’une civilisation, il s’attachait à l’exactitude morte, et il n’avait jamais songé que des hommes avaient pensé d’autre sorte que lui dans les cuirasses et parmi les tapisseries qu’il exhumait.
Dans la doctrine du vrai orné, il y a du moins le mot, et le mot peut encore faire songer à la chose.
Aucun israélite ne songeait à convertir l’étranger à un culte qui était le patrimoine des fils d’Abraham.
Peut-être songeait-il dès lors à écrire ces Logia 433, qui sont la base de ce que nous savons des enseignements de Jésus.
Sa doctrine était quelque chose de si peu dogmatique qu’il ne songea jamais à l’écrire ni à la faire écrire.
Si vous voyez madame de Richelieu, excitez-la à presser les gens de qui je dépens à songer un peu à mon établissement.
Les uns furent d’avis qu’il fallait exécuter sa prescription à la lettre, et ils citaient des exemples de stratèges vaincus ou vainqueurs, pour avoir rejeté ou accompli les ordres d’un Songe.
Les diverses phases par lesquelles la prose a passé depuis la fin du xvie siècle s’éclairent avec précision ; les moindres variations de régime dans les formes et les vogues successives du langage viennent se fixer avec une sorte de méthode et de rigueur, non seulement par l’étude de quelques écrivains célèbres, mais aussi par celle de beaucoup d’écrivains secondaires et pourtant agréables, auxquels on avait peu songé.
* * * — Songe.
Mais ni le savant ni personne n’ont jamais songé combien il serait simple, clair et logique, et économique de dire, avec naïveté : porc de rivière.
Ils n’ont pas songé que ce qui nous intéresse dans l’artiste, c’est l’homme, car c’est l’humanité qui est la commune mesure entre lui et nous.
Quand l’idée qu’on vient de dérouler apparut à l’auteur, il songea sur-le-champ que cette double intervention était nécessaire à la moralité de l’œuvre.
Qu’on sorte de cette paresse du songe.
On a fait de ses œuvres de petites éditions ineptes, ignobles, honteuses, belges enfin (le mot dit tout), et en France, personne n’a songé à dessouiller son génie de ces porcheries qu’on a osé faire de ses œuvres, en prenant l’initiative d’une édition, digne de leur distinction et de leur beauté !
elle tremble pour son salut, dit-elle, quand elle songe à quel point elle est une grande et hardie Voluptueuse intellectuelle, lorsqu’elle regarde les comètes !!!
Et comme elle ne se sentait pas d’invention dans sa tête de femme, plus faible que puissante, elle a songé naturellement à écrire ce qu’elle voyait dans le milieu militaire où elle vivait par le fait de son mariage, et naturellement encore, elle a écrit les Ménages militaires… Voilà, probablement son histoire, dans sa simplicité !
Puisqu’on a songé à le donner aux divers écrits de Daumas, qu’on nous permette de dire quelques mots sur cette espèce de panoplie littéraire, faite avec des livres beaux et étincelants comme des armes, et qui devront tenir une si noble place dans la littérature historique et militaire de notre temps.
Ni Crassus ni personne, même quand Rome, comme une femme qui se jette du haut d’une tour, se précipitait dans sa dernière heure, ne songea une minute à introduire la comédie dans la famille et à la faire jouer par sa femme, ses filles et ses fils.
Et cette différence nous frappe d’autant plus que, dans tout le cours de cette histoire, qui a la juste prétention d’être fidèle et impassible comme un miroir, l’historien n’a pas songé une minute à la faire saillir.
Si on comparait leurs ouvrages, peut-être trouverait-on plus d’art et d’harmonie dans le livre de Lerminier, quoique celui de Champagny dût peut-être en avoir davantage, si on songe à l’unité du sujet qu’il avait entrepris.
Il faut laisser cette préoccupation aux dames qui n’ont rien à faire ; mais un homme de quelque valeur, qui songe à jouer ici-bas un rôle convenable (jouer des rôles, c’est toujours pour lui la grande affaire !)
Si le politique Charles-Quint, mi-parti d’Autrichien, de Flamand, de Bourguignon, et dont le génie, mêlé au génie de plusieurs races, était écartelé comme son blason impérial, si ce Charles-Quint ne fut pas un moine et ne songea jamais à l’être, malgré la piété très profonde de toute sa vie, l’Espagne était, elle, qu’on nous passe le mot, une nation moine (una monja), et tellement moine d’éducation, d’habitude et de préjugés, que c’est à l’influence de cette nation cloîtrée dans des mœurs religieuses comme il n’en avait peut-être existé nulle part, que Charles-Quint dut ces impulsions monastiques dont la philosophie a été la dupe, et qui étaient parfaitement contraires à la nature positive et tout humaine de son génie.
L’homme, puissant d’un talent qui touchait au génie, faisait un si grand mal alors que la Critique n’avait pas à s’attendrir sur son compte et ne pouvait songer à autre chose qu’à frapper implacablement sur les erreurs ou les songes de ce corrupteur de l’Histoire ; car le mensonge fut souvent le caractère de ses erreurs.
… Nous prions ceux qui séparent la question de l’éducation des besoins et des périls du dix-neuvième siècle, pour ne la considérer que dans la tradition de temps moins menacés et moins à plaindre, de vouloir bien songer à cela.
Elle dédaigna d’y songer.
Moins encore que Pascal, qui songeait peu à faire de la littérature, lorsque dans ses Pensées il essayait de se faire de la foi, Sainte Térèse, dont la littérature espagnole a le très juste orgueil, n’était pas littéraire, et c’est pourquoi peut-être ce qu’elle nous a laissé est si beau !
L’abbé Gratry, que la force intellectuelle du prêtre préserverait de cette philosophie d’inanité quand son ferme esprit ne l’en préserverait pas naturellement, l’abbé Gratry, qui a éprouvé en lisant Hegel quelque chose de la sublime angoisse des beaux enfants du Songe de Jean-Paul, quand la voix du jugement leur crie : « Il n’y a pas de Christ !
Tout près, dans l’angle obscur de l’étable rustique, — Jadis le presbytère, — une vache au poil roux Vous regarde passer d’un œil profond et doux, Et l’on songe à la crèche, à Jésus, — c’est mystique.
Et pourtant il y en a une autre qui sera tout à l’heure la vraie voix d’Arthur de Gravillon, et dont ici il n’a donné qu’une note, quand, esprit poétique qui a tout vu de la poésie que ce type de dévotes cachait, il a fait sa spirituelle réserve : « On dit les dévotes comme on dit les champignons, et l’on ne songe souvent point que, parmi tous ces poisons, il y a d’excellents champignons et de vénérables dévotes », et qu’alors il nous a écrit cette délicieuse page attendrie sur la piété des femmes vraiment pieuses, pour nous prouver qu’il pourrait faire des portraits exquis et reposés de dévotes adorables, et que c’est là sa vocation En effet, la colère n’a duré qu’un moment, elle est évaporée maintenant dans cet Hogarth de colère !
« Un vrai critique, dit-il, s’arrête plutôt sur les beautés que sur les défauts ; il songe à découvrir le mérite caché d’un écrivain, et à communiquer au public les choses qui méritent de l’estime. […] Dans le poème dont je viens de vous citer un fragment, le Temps qui entretient Homère en songe lui désigne dans l’avenir les poètes qui le suivront : permettez que ma fiction me serve à vous les Caractériser succinctement chaque fois que leur nom, se présentera. […] ne songe-t-il pas où va son emportement, en lui niant d’avoir imaginé ces choses-là ? […] attendez ; Roland se lève d’un lit où le regret d’être loin d’Angélique a troublé son sommeil : un mauvais songe lui a persuadé qu’un rival a pu cueillir une fleur qu’il a respectée, et son agitation jalouse est le premier symptôme de son futur accès de démence. […] Ce n’est qu’en songe qu’il transporte Henri dans le ciel et dans l’enfer ; comme si l’intelligence de l’homme éveillé ne pouvait voir cet univers expliqué par Newton qu’il choisit pour y voyager en rêve.
Ils eussent aussitôt cessé d’être les Français du xviiie siècle s’ils avaient vraiment aimé et compris Hamlet et le Songe d’une nuit d’été. […] Le Bon-sens (c’est encore le sens commun qu’il faudrait dire) exagérera la laideur, la platitude et la banalité de la vie, en fera un songe plus chimérique mille fois que le Paradis de Mahomet, et, après avoir arrangé son monde — imaginaire, Dieu merci ! […] (Ces choses paraîtront chanceuses à dire : on ne les dit pas sans y avoir songé. […] Il songea au mot propre, idéal illusoire, mais utile. […] Et qu’on y songe : tous ces poëtes qu’on a voulu, dans les « grands journaux », faire passer pour des réformateurs, des agitateurs, sont des travailleurs simples et corrects.
. — Adieu, mon cher Camille, songez quelquefois à mon amitié pour vous, si vous vous souvenez encore que vous me trouviez aimable. » C’est encore à cette première saison et comme à ce printemps de l’amitié que je crois pouvoir rapporter le petit billet suivant, qui n’est pas sans coquetterie et qui sent le gracieux prélude : « Vous vous entendez bien aux rendez-vous romanesques ; vous arrivez une heure avant et vous ne revenez pas. […] — Dans mes lettres à Matthieu, je vous appelais Pylade et Oreste, Gérando et vous, et, par une équivoque, il a cru que je proposais à Gérando de venir en Italie avec moi, je n’y avais jamais songé, mais je renouvelais l’idée chérie de vous y mener, — Se peut-il en effet que vous refusiez l’occasion, peut-être la dernière (si la guerre continentale a lieu), de voir un tel pays ? […] « J’arrive ici espérant vous y trouver d’après la lettre que Matthieu et moi nous vous avons écrite, et je me désole de ce que vous n’y êtes pas. — Je vous envoie un exprès pour vous demander de revenir demain. — Songez que je reste demain sans avoir quoi que ce soit à faire à Lyon, seulement pour avoir quelques heures de vous, — Passerai-je donc sans voir Mme Camille ? […] Il avait d’abord songé, dès les premières atteintes du mal, à renoncer à la vie publique, à refuser sa réélection de député (octobre 1818) : désapprouvé, blâmé fortement par ses amis politiques (Royer-Collard, M.
On peut regretter surtout qu’André Walter considère le raisonnement dialectique comme la seule forme de la raison, et que, enclin à faire la critique de la connaissance, il ne songe même pas à tenter celle du sentiment. […] Il est parfaitement exact que les timbres des instruments font songer aux couleurs, en général, mais il est difficile de serrer le détail de près. […] André Gide lui-même, si complexe et si nuancé ; peut-être n’y eût-il pas songé si ce n’était un peu son cas. […] Ouvrez votre Bible et songez à votre âme !
Quand nous essayons de raconter la vie ou de figurer le caractère d’un homme, nous le considérons assez volontiers comme un simple objet de peinture ou de science : nous ne songeons qu’à exposer les divers sentiments de son cœur, la liaison de ses idées et la nécessité de ses actions ; nous ne le jugeons pas, nous ne voulons que le représenter aux yeux et le faire comprendre à la raison. […] Il est impossible de ne pas le comprendre ; il aborde son sujet par toutes les faces, il le retourne de tous les côtés ; il semble qu’il s’occupe de tous les spectateurs, et songe à se faire entendre de chacun en particulier ; il calcule la portée de chaque esprit, et cherche, pour chacun d’eux, une forme d’exposition convenable ; il nous prend tous par la main et nous conduit tour à tour au but qu’il s’est marqué. […] Sa pensée est une force active ; elle s’impose à l’auditeur ; elle l’aborde avec tant d’ascendant, elle arrive avec un si grand cortége de preuves, avec une autorité si manifeste et si légitime, avec un élan si puissant, qu’on ne songe pas à lui résister, et elle maîtrise le cœur par sa véhémence en même temps que par son évidence elle maîtrise la raison. […] Il n’est pas véritablement artiste : quand il fait une peinture, il songe toujours à prouver quelque chose ; il insère des dissertations aux endroits les plus touchants ; il n’a ni grâce, ni légèreté, ni vivacité, ni finesse, mais une mémoire étonnante, une science énorme, une passion politique ardente, un grand talent d’avocat pour exposer et plaider toutes les causes, une connaissance précise des faits précis et petits qui attachent l’attention, font illusion, diversifient, animent et échauffent un récit.
Pepys, qui va voir le Songe d’une nuit d’été 563, déclare « qu’il n’y retournera plus jamais, car c’est la plus insipide et ridicule pièce qu’il ait vue de sa vie. » La comédie se transforme ; c’est que le public s’était transformé. […] Etheredge est le premier qui, dans son Homme à la mode, donne l’exemple de la comédie imitative et peigne uniquement les mœurs d’alentour ; du reste franc viveur et contant librement ses habitudes. « Pourchasser les filles, hanter le théâtre, ne songer à rien toute la journée, et toute la nuit aussi, direz-vous » : c’étaient là ses occupations à Londres. […] Ils bouffonnent, ils chantent, ils songent tout haut, ils éclatent en rires, en calembours, en paroles de poissardes et de poëtes, en bizarreries recherchées ; ils ont le goût des choses saugrenues, éclatantes ; tel danse en parlant ; volontiers ils marcheraient sur leurs mains ; il n’y a pas un grain de calcul et il y a plus de trois grains de folie dans leurs têtes. […] Sa poésie ressemble à une de ces jolies femmes maniérées, attifées, occupées à pencher la tête, à murmurer d’une voix flûtée des choses communes qu’elles ne pensent guère, agréables pourtant dans leur parure trop enrubannée, et qui plairaient tout à fait si elles ne songeaient pas à plaire toujours. […] On cesse de songer à l’atténuation des caractères, comme on a cessé de songer à l’altération de la vérité ; on se laisse emporter par la vivacité de l’action, comme on s’est laissé éblouir par le scintillement du dialogue ; on est charmé ; on bat des mains ; on se dit qu’au-dessous de la grande invention la verve et l’esprit sont les plus agréables dons du monde ; on les savoure à leur heure ; on trouve qu’ils ont aussi leur place dans le festin littéraire, et que, s’ils ne valent pas les mets substantiels, les vins francs et généreux du premier service, ils fournissent le dessert.
Ni la Comédie-Française, ni l’Odéon n’y ont songé. […] On ne songe qu’avec respect à ces entretiens à la fois familiers et sublimes, et on se demande pourquoi l’air qui passe emporte à jamais les paroles qui tombent parfois de la bouche du génie. […] Je songe toujours en lisant ou en écoutant la pièce à tout ce que l’auteur supporta avant de la faire représenter. […] Je ne puis songer à ce trépas, sans faire éclater mes sanglots. […] Seulement, le malheur nous a appris à nous serrer avec tant de soin contre la France, notre mère, que nous ne songeons plus maintenant (et nous faisons bien) à donner à Molière d’autre nom que ce nom seul de Français, d’autant plus aimé qu’il est plus battu du sort.
Guyot-Desherbiers ne songeait guère à s’apitoyer sur les peines des princesses de féerie ; en revanche, il avait sauvé des têtes, et non toujours sans péril, pendant les convulsions qui suivirent le 9 Thermidor. […] Faguet, après avoir rendu justice à la pauvreté de ses rimes, se hâte d’ajouter : « Mais reconnaissons enfin qu’on n’y songe point en le lisant » : Pauvre Musset, qui a perdu ses peines en faisant rimer « lévrier » et « griser », « saule » et « espagnole », « Danaë » et « tombé » ! […] Il entreprit sans balancer une tragédie classique, et songea d’abord à refaire l’Alceste d’Euripide. […] Trop bonne et trop droite pour permettre à ses rêves de se placer entre elle et son devoir, elle goûte un plaisir secret à sentir que ce devoir lui est pénible, et qu’elle n’est pas de ces filles positives et froides qui songent gaiement, et non pas ironiquement comme elle, en épousant un malotru : Après tout, je serai une dame, c’est peut-être amusant ; je prendrai peut-être goût à mes parures, que sais-je ? […] Après la mort de Musset, elle songea à la publier, mais Sainte-Beuve la détourna de son projet (1861).
On ne sait autre chose dans ces ténebres de l’histoire, sinon qu’il y avoit depuis très-longtems de vastes empires, & des tyrans dont la puissance étoit fondée sur la misere publique ; que la tyrannie étoit parvenue jusqu’à dépouiller les hommes de leur virilité, pour s’en servir à d’infames plaisirs au sortir de l’enfance, & pour les employer dans leur vieillesse à la garde des femmes ; que la superstition gouvernoit les hommes ; qu’un songe étoit regardé comme un avis du ciel, & qu’il décidoit de la paix & de la guerre, &c. […] Qu’on fasse attention que la république romaine a été cinq cens ans sans historiens, & que Tite-Live lui-même déplore la perte des annales des pontifes & des autres monumens qui périrent presque tous dans l’incendie de Rome, pleraque interiere ; qu’on songe que dans les trois cens premieres années, l’art d’écrire étoit très-rare, raroe per eadem tempora litteroe. […] Faites-y un moment d’attention, & alors vous appercevrez ces caracteres sur lesquels glissoit votre vûe ; ainsi tous vos raisonnemens, toutes vos connoissances, sont fondées sur des images tracées dans votre cerveau : vous ne vous en appercevez pas ; mais arrêtez-vous un moment pour y songer, & alors vous voyez que ces images sont la base de toutes vos notions ; c’est au lecteur à peser cette idée, à l’étendre, à la rectifier. […] Un aveugle né entend dans son imagination l’harmonie que ne frappe plus son oreille ; il est à table en songe ; les objets qui ont résisté ou cédé à ses mains, font encore le même effet dans sa tête : il est vrai que le sens de la vûe fournit seul les images ; & comme c’est un espece de toucher qui s’étend jusqu’aux étoiles, son immense étendue enrichit plus l’imagination que tous les autres sens ensemble. […] D’où vient qu’on fait quelquefois en songe des discours suivis & éloquens, des vers meilleurs qu’on n’en feroit sur le même sujet étant éveillé ?
Nous aurons sujet de revoir ce qu’en pense Longin ; s’il est vrai qu’il condamne à ne s’élever jamais au sublime ceux qui n’osent envisager dans leurs travaux les suffrages de l’avenir, l’écrivain qui se sent capable de les mériter doit songer que s’il corrompt les fruits de son art, et que si l’intérêt sordide change son éloquence en vile marchandise, son éclat littéraire prolongera dans les siècles le souvenir de sa honte personnelle. […] que tous les individus qui l’environnent doivent mourir, il faut qu’il ne songe qu’au bien et à la durée de l’espèce qui est immortelle. […] « Sitôt que sur un vice ils pensent me confondre, « C’est en me guérissant que je sais leur répondre ; « Et plus en criminel ils pensent m’ériger, « Plus, croissant en vertu, je songe à me venger. […] Ceux qui condamnent si sévèrement les fautes et les inconséquences de sa vie, devraient songer que le monde les eût ignorées, s’il ne s’en fut accusé lui-même. […] L’ombre de Samuel et le songe de Balthazar dans la Bible, les mânes de Darius dans Eschyle, l’ombre de Polydore dans l’Hécube d’Euripide, en sont de frappants exemples qui, n’en déplaise à nos docteurs, remontent à la plus grave antiquité.
Il faut d’ailleurs qu’il songe à sa santé, et qu’il se délivre des furies avant de demander une fille en mariage. […] Cessons du reste d’être surpris que les Athéniens eussent une manière de voir si opposée à la nôtre : songeons que la mode exerce presque autant d’empire sur les sentiments que sur les habits. […] Il est allé au-devant d’une objection qu’on n’eût peut-être pas songé à lui faire : d’autres s’embarrassent fort peu des objections de connaisseurs, pourvu qu’ils séduisent la multitude. […] Ne songeons qu’à nous rendre immortels comme eux-mêmes. […] Songez qu’en cet enfant tout Israël réside, etc.
C’est ainsi qu’elle prélude à ce songe d’âge d’or, à ce mirage d’innocence champêtre qui la prit dès l’enfance et la suivit jusque dans l’âge mûr. […] Il abdique toute son activité, tout son avenir ; il ne songe pas que l’existence a ses exigences et ses devoirs. […] Songez que, de ces deux âmes, l’une apporte cette indélébile habitude de manières, de langage et de ton, qui est devenue pour elle une seconde nature plus nécessaire que la première. Songez que l’autre vient d’ailleurs et que toute la distinction du cœur ne rachète pas ces inexpériences de la vie sociale, ces ignorances qui ne sont sublimes que dans les livres. […] Tu as l’air de croire que je te veux convertir à une doctrine, mais non, je n’y songe pas.
Et tant que la nuit dure, ma couche odieuse en ces tristes palais sait déjà tout ce que j’exhale de lamentations sur mon malheureux père, lui que le meurtrier Mars n’a point laissé en chemin dans la terre barbare, car c’est ma mère à moi, c’est son compagnon de lit Ægisthe, qui, comme un bûcheron qui fend le chêne, lui ont fendu la tête d’une hache sanglante. » Quand je dis que Sophocle a ennobli le trait d’Homère, je ne parle pas exactement ; il a moins songé à cela sans doute qu’à rendre à sa manière le même acte impie. […] Il arrive à Méléagre, qui rappelle si à l’improviste Lamartine, de faire songer également à Virgile ; il avait dit avant celui-ci, et plus brièvement, le Non ignara mali, miseris succurrere disco : J’ai, pour avoir souffert, appris à compatir126.
Ici comme ailleurs l’émotion morale ne fait qu’exprimer un aspect physique, et le poëte songe aux attitudes en développant des sentiments. […] VI Voilà donc un savant, un grand écrivain, qui joute contre un poëte, et que le poëte, sans y songer, laisse loin derrière lui.
Les murs avaient deux brasses d’épaisseur ; ils étaient construits de blocs de marbre noir aussi lourds que nos rochers, pour que les condamnés à mort qu’on y abandonnait seuls avec Dieu ne pussent pas songer seulement à s’évader. […] Je songeai un peu, puis je lui dis : — Je crois que j’en sais un !
En regardant les lumières qui brillaient dans la demeure des hommes, je me transportais par la pensée au milieu des scènes de douleur et de joie qu’elles éclairaient, et je songeais que, sous tant de toits habités, je n’avais pas un ami. […] Mais quelle honte de ne pouvoir songer au seul malheur réel de votre vie sans être forcé de rougir !
À peine vainqueur, il songera à aller servir « au Temple » à Saint-Jean d’Acre ; et le médiocre continuateur du vieux poème a bien dégagé l’idée-mère du sujet, quand il montre Bernier usant sa vie sur les chemins, en pèlerinages lointains, pour expier, jusqu’au jour où le roux Ceri, oncle de Raoul, lui casse la tête d’un coup de son lourd étrier sur le lieu même où jadis il a tué son seigneur. […] L’invention abondante et pauvre des trouvères fait songer à la basse littérature de nos jours, à cette masse de romans et de drames manufacturés en hâte pour la consommation bourgeoise et pour l’exportation.
Un traité de politique devient un Songe du Vergier ; un livre de tactique s’intitule l’Arbre des batailles 98 ; et qui se douterait que ce pédantesque titre, le roi Modus et la reine Racio, cache un manuel de vénerie ? […] C’était en latin qu’on les préparait, en latin qu’on les conservait, le latin étant la langue naturelle des auteurs, et celle aussi du public par lequel ils pouvaient songer à se faire lire.
Il n’y faut point songer. […] Je songe avec plaisir que, en se livrant à ce badinage presque savant, la jeune Mme Langlais se revoyait dans le pensionnat de la rue de Chaillot, le front penché auprès de celui de Joseph Delorme, sur un volume d’Horace.
Elles aboient aussi, car elles rêvent, comme des chiens de chasse qui, allongés sur le pavé du chenil, hurlent et reniflent après le gibier fantastique que poursuit leur songe. — « Oh ! […] Imaginons donc le dieu tel qu’il nous le montre, sa chlamyde volante sur l’épaule, les yeux pleins d’une splendeur terrible, la lèvre soulevée d’un dégoût divin, dans ce rayonnement de colère sereine qui fait songer, devant sa statue, à la foudre éclatant au sein d’un ciel pur.
Je l’ai aimée jusqu’au tombeau sans jamais songer qu’elle était femme : je l’avais vue déesse à Terni ! […] Les premiers vers de la Vision sont du même accent : La jeune fille, au cœur héroïque, est visitée en songe par l’apparition de Jeanne d’Arc.
Victor Hugo, peignant la cour de Versailles, et la peignant sous un jour odieux, bien entendu vous connaissez ses habitudes littéraires et historiques surtout Victor Hugo songe à La Fontaine et dit : La Fontaine offrait ses fables, Et soudain, autour de lui, Les courtisans presque affables, Les ducs au sinistre ennui, Les Louvois nés pour proscrire, Les vils Chamillard rampants, Gais, tournaient leur noir sourire Vers ce charmeur de serpents. […] Songez-y bien, tous les autres amours, toutes les autres affections ont un mélange d’intérêt, ont un mélange « d’amour-propre » dans le sens que La Rochefoucauld donne à ce mot, ont un mélange d’esprit de retour sur soi-même, à commencer par l’amour proprement dit.
Ils le vantaient à lui faire lever les épaules, à lui qui est fier, d’une fierté que j’aime, et qui, quand on lui rend justice, ne songe même pas à dire « merci » ! […] Par un désintéressement de lui-même qui prouve une grande supériorité, il n’a pas songé à mettre dans un livre impersonnel, et dont l’impersonnalité fait la force, le talent qu’il aurait pu y mettre, certainement, s’il l’avait voulu.
Qu’on y songe ! […] Les gouvernements catholiques méconnaissant leur grandeur passée, leur force présente et les intérêts de leur avenir, ne songeaient plus qu’à frapper le catholicisme.
. — « Il faut encore que tu donnes un coup de collier, me dit Bonaparte, et nous nous reposerons ensuite. » Je l’ai vivement donné ce coup de collier… On sourit involontairement : on songe à cette longue série de coups de collier, depuis Montenotte, depuis Castiglione jusqu’à Moscou, jusqu’à Montmirail.
Je ne ferai que passer aussi devant vous, couple conjugal qui unissez vos deux voix31 ; qui, après avoir perdu un enfant, votre unique amour, l’avez pleuré dans un long sanglot, et qui, cette fois, inconsolés encore, mais dans un deuil apaisé, avez songé à lui en composant des chants gradués pour les divers âges, continuant ainsi en idée, d’une manière touchante, à vous occuper, dans la personne des autres, de celui qui n’a pas assez vécu pour vous.
Dans ces pages où il nous décrit l’impression causée en lui par une lecture entière de l’Iliade, La Harpe, sans y songer, répond d’avance, et par les arguments qui demeurent encore les plus victorieux, aux suppositions hardies de Wolf, à ses doutes ingénieux contre l’existence du poëte et contre une certaine unité de l’œuvre.
Mais que dirait Rancé de voir que nous songions au Dictionnaire de l’Académie en le lisant ?
La critique, en ce temps-là, ne s’exerçait pas paisiblement et comme un droit que nul ne songe à nier.
Si nous songeons aux méthodes des sciences, de la nature, que ce soit aux plus générales, aux procédés communs de toutes les recherches qui portent sur des faits, et que ce soit moins pour construire notre connaissance que pour éclairer notre conscience.
Il songe à la beauté, qui porte sans pleurer La lune à son front bleu ceint de joncs verts et d’ulve.
Hésiode, songeait à cette définition du rythme dorien, lorsqu’il forgeait patiemment le métal rigide et sonore de ses vers… Il commença par être chrétien.
Pantalon, qui songe à se remarier, prend le parti de faire extraire les molaires d’où cette infirmité provient sans doute.
Et songez qu’aucune vérité ne se perd, qu’aucune erreur ne se fonde.
Et cependant, aucun ne songe à simplement appliquer au roman la simple loi du classicisme, la loi de tout art objectif, humain, qui tient dans cette brève formule : « Subordonner le plus de réalité possible à une idée préconçue de beauté.
De retour à Paris, il revoit son ami et ne songe plus à son journal.
Que ces philosophes involontaires d’un despotisme possible y songent, endoctriner les masses contre la liberté, entasser dans les intelligences l’appétit et le fatalisme, une situation étant donnée, la saturer de matérialisme, et s’exposer à la construction qui en sortirait, ce serait comprendre le progrès à la façon de ce brave homme qui acclamait un nouveau gibet, et qui s’écriait : À la bonne heure !
Claudel a-t-il songé peut-être à cet étrange et beau titre, à “l’Arbre de la Croix” ?
L’éducation de nos ancêtres ne précédait guère l’âge de quinze ans ; avant que de s’occuper de la culture de l’esprit ils songeaient à la force du corps.
Il a songé, assez naturellement, à tout ce qui pouvait l’arrêter, le réfréner, l’endiguer, l’entraver et l’amortir.
Et quand je dis le premier bas-bleu venu, je dis trop, cependant… Mme Guiccioli ne l’était pas ; elle n’avait ni la morgue, ni l’insolence, ni la pose des bas-bleus vulgaires… Mais quand elle songea à nous donner son livre sur lord Byron, elle n’était déjà plus la suave Italienne à robe blanche et à esprit ingénu, que l’auteur de Childe-Harold avait aimée… Les années avaient pâli ses cheveux d’or… Dans d’autres temps, elle fût probablement devenue dévote.
Il y a des actes publics, mais, qu’on y songe !
Moins encore que Pascal, qui songeait peu à faire de la littérature lorsque dans ses Pensées il essayait de se faire de la foi, sainte Térèse, dont la littérature espagnole a le très juste orgueil, n’était pas littéraire, et c’est pourquoi peut-être ce qu’elle nous a laissé est si beau !
est le Shakespeare du xixe siècle et le premier de nos grands hommes… Je doute fort pourtant que Saint-Victor, malgré la fécondité de son admiration et l’éblouissante beauté de son talent, eût fait jamais ou songé même à faire les Femmes de Shakespeare.
Seulement, lorsqu’on songe que le P.
On peut refuser de la sympathie à Théophile Gautier ; l’âme qu’on a peut fort bien ne pas retentir à la sienne, si la sienne toutefois n’est pas le caillou d’un camée ; mais la personnalité, sans laquelle il n’est pas de poète, qui songerait à la lui contester ?
Pardonnons-lui pourtant, et surtout après son exil : songeons qu’il eut sans cesse à combattre la jalousie et la haine ; un grand homme persécuté a des droits que n’a pas le reste des hommes.
— Est-ce qu’on songe au chevalier ? […] répond Gillette, songez que je viens à vous par la volonté de Dieu. […] songez que même au milieu de ces tortures de l’esprit et du cœur, il faut sourire ! […] Songez donc que du Mariage forcé, Molière a fait une comédie où l’on rit aux éclats ! […] mais, j’y songe !
On lui eût reproché de vouloir étonner plutôt qu’instruire son lecteur, et de songer bien plus à lui-même qu’au public. […] Je veux croire, pour ma satisfaction, que vous n’avez pas songé à lier ces choses ensemble ! […] En sorte qu’il sera toujours véritable que ce sera de ce monde que l’Église demeurera toujours composée… » Il est bien difficile de ne pas croire qu’il songe, en écrivant ces mots, à son Histoire universelle. […] Et quand on y songe, c’est de quoi nous mettre en défiance ! […] Non ; mais la vérité, c’est qu’on ne songe pas même à les lire ; et de les citer, comme je fais, je crains que cela ne paraisse du pédantisme peut-être, — ou à tout le moins de la bibliomanie.
Met une amorce neuve et songe : — Il est midi. […] Leconte de Lisle ne songe pas tant à faire parler ses personnages selon leur caractère et selon leur situation, qu’à prodiguer avec sa magnificence accoutumée les vers brillants et sonores ; la comparaison de son œuvre avec celle d’Eschyle met ce point hors de doute. […] , Regarde, n’osant pas songer à l’avenir, L’un qui sera soldat, l’autre qui sera veuve. […] … … Je dis qu’il est temps d’agir et de songer À la levée en masse… Aux armes, citoyens ! […] Il songea : « Mais peut-être que les vertus que j’ai peintes comme un sacrifice de notre intérêt propre à l’intérêt public ne sont qu’un pur effet de l’amour de nous-mêmes.
Le malheureux poëte ne savait où donner de la tête, lorsqu’il songea à son Venceslas. […] Bien plus, les deux frères épousèrent les deux sœurs ; ils vécurent toujours ensemble, dans la même maison, et, après vingt-cinq ans de mariage, ils n’avaient pas encore songé à faire le partage des biens de leurs femmes. […] A l’exception du poëte Scarron, qui fit pour l’acteur Jodelet plusieurs pièces comiques, jamais encore on n’avait songé à mettre en scène l’individualité d’un acteur. […] Je songe à l’avenir, dont tu n’es pas garant : Du moins si l’un me quitte, un autre me reprend. […] Songez qu’en cet enfant tout Israël réside, …………….
Mais songez à la fin de Don Juan selon Molière. […] Songez encore que toute la bourgeoisie et tout le peuple, sauf les protestants, ont applaudi, tous jusqu’à un innocent païen comme La Fontaine, à l’exécrable révocation de l’Édit de Nantes. […] Songez qu’il y a même identité entre le crime d’enseigner quand on est dans certaines conditions et le crime d’exister quand on est dans ces mêmes conditions. […] L’homme passionné pour les femmes ou pour le jeu ou pour l’alcool, ne songe à rien qu’à l’alcool, au jeu ou aux femmes. […] A quoi songerons-nous pour prendre des exemples ?
Les Anglais ont été longtemps sans songer à tourner leurs forces vers la marine. […] Ils ont à la fin senti qu’une religion sans culte n’est que le songe d’un froid enthousiaste, et que l’imagination de l’homme est une faculté qu’il faut nourrir comme la raison. […] Une beauté dans Shakspeare n’excuse pas ses innombrables défauts : un monument gothique peut plaire par son obscurité et par la difformité même de ses proportions ; mais personne ne songe à bâtir un palais sur son modèle. […] Les voyageurs modernes n’ont songé qu’assez tard à fixer, par l’art du dessin, l’état des lieux et des monuments qu’ils avaient visités. […] L’Alhambra semble être l’habitation des Génies : c’est un de ces édifices des Mille et Une Nuits, que l’on croit voir moins en réalité qu’en songe.
« — Il y a longtemps aussi, lui dis-je, que j’attends cet ouvrage, et cependant je n’ose pas vous presser, car j’ai appris de notre ami Libon, dont vous connaissez la passion pour les lettres, que vous n’interrompez pas un seul instant ce travail, que vous y employez tous vos soins et que jamais il ne sort de vos mains ; mais il est une demande que je n’avais jamais songé à vous faire et que je vous ferai, maintenant que j’ai entrepris moi-même d’élever quelque monument à ces études qui me furent communes avec vous, et d’introduire dans notre littérature latine cette ancienne philosophie de Socrate. […] Nous étant donc ainsi rencontrés tous deux sans y songer, il se leva aussitôt. […] Je n’aperçois même jamais le palais du sénat (j’entends la cour Hastilie, non pas ce palais, nouveau monument bien plus vaste et qui paraît plus petit à mes yeux), que je ne songe à Scipion, à Caton, à Lélius, et surtout à mon aïeul.
Pour le nombre et la distribution des classes, et le costume propre à chacune, si Fénelon n’a pas donné des prescriptions expresses, il y songeait. […] Le génie de Molière n’a pas pu désarmer Bossuet, jugeant le comédien avec la sévérité des canons ; Fénelon, sans songer à la profession de Molière, loue l’Amphitryon et admire l’Avare. […] Il n’échappa d’ailleurs à personne que, soit calcul, soit plutôt par un hasard auquel l’auteur ne songea pas à se dérober, le Télémaque ne fût en beaucoup d’endroits une critique du caractère personnel de Louis XIV et des actes de son gouvernement.
Mardi 15 juin Tous les jours, être sous la menace d’un envahissement, tous les jours, pouvoir être pillés, déménagés, dénationalisés : voilà la position de la France, — et personne n’a l’air d’y songer. […] Il ne s’est pas douté d’une chose, c’est que la Révolution a été accomplie et exécutée seulement par les légistes, les avocats, les hommes de loi, les procureurs… Songez qu’il y avait 240 avocats à la Constituante. […] Ils n’ont pas songé que la Révolution, qui est toute la constitution civile de la société actuelle, a été faite sans bruit, sans discussion, sans éloquence, au commencement des séances, où l’on votait jusqu’à 90 décrets — des décrets préparés par cinq avocats ou hommes d’affaires… Cela s’est pour ainsi dire passé, sans que, dans leur ignorance des affaires, la noblesse et le clergé se soient aperçus du grand bouleversement tranquille qui se faisait.
Qui songeait alors à prendre pour de l’art la statuaire égyptienne ? […] Que c’est singulier, quand on y songe, cette conception d’un Molière champion de la dévotion ingénue ! […] Félicitons-nous plutôt qu’un de ses amis eût songé à garder dès 1868 la plupart (car il en manque certainement) des lettres qu’il en recevait.
Le héros de Germinal, après sept jours d’ensevelissement et de diète, songe encore à satisfaire cet instinct, et son idée fixe, en tombant dans un évanouissement qui est peut-être la mort, c’est Catherine que pourrait bien être enceinte… Si les ouvriers et paysans étaient ainsi, on serait vraiment en droit de s’étonner de l’infécondité de la race française. […] Voici un passage de Stendhal, caractéristique, en ce que toute observation psychologique y est attachée à un détail de la vie familière, à un détail que les classiques eussent repoussé comme trivial, et auquel les romantiques n’eussent pas songé dans leur préoccupation du romanesque ; et s’agit dans cette page d’une scène de remarquez cependant qu’il roman, s’il en fut, d’une escalade de fenêtre, la nuit, par un jeune séminariste qui n’a pas revu sa maîtresse depuis quatorze mois. […] Chez les romantiques, l’idéalisme et le réalisme sont encore si peu fondus que que, lorsque celui-ci apparaît, à tout moment il voici un détonne et fait dissonance ; voici un exemple : invincible que donne le soir, Cosette songeait ; une tristesse la gagnait peu à peu, celle tristesse invincible que donne le soir et qui vient peut-être, qui sait ?
Il eut la première qualité de l’écrivain, qui est de ne pas songer à écrire. […] Ces strophes qui se suivent lentes et régulières font songer à des pierres de taille parfaitement carrées, également pesantes, qu’on roulerait, et il semble qu’un peu de l’effort nécessaire à mouvoir de telles masses retombe en fatigue sur nos épaules. […] Les riches de la terre qui, durant cette vie, jouissent de la tromperie d’un songe agréable et s’imaginent avoir de grands biens, S’éveillant tout à coup dans ce grand jour de l’éternité, seront tout étonnés de se trouver les mains vides.
qui songera à moi ? […] Joyeuse se prend à songer, et tout à coup le colosse… est très surpris de voir ce petit homme changer de couleur et le regarder en grinçant des dents avec des yeux féroces… En ce moment, M. […] Et si vous songez que fichtre est ici un équivalent, vous imaginez aisément la stupeur du public. » (Sarcey, feuilleton dramatique du 8 mars 1880.) — Stupeur est le mot juste : Monvel, emporté par la passion, n’était pas ridicule.
Mais s’il faut à tout prix désigner celui d’entre ceux-là qui requiert en moi la plus haute somme de songe intellectuel, je nomme hardiment l’auteur d’Éloa et de la Maison du Berger, l’élégant et fier Alfred de Vigny. […] À ceux qui s’étonneraient, je répondrai : « Considérez que ce poète, peu lu et mal connu, jugé d’après ses théories étroites et paradoxales, fut harmonieux comme Lamartine, profond comme Baudelaire, poignant comme Musset, grave comme Alfred de Vigny et musical comme Verlaine ; songez que les Poèmes barbares ont précédé la Légende des Siècles et la surpassent certainement en largeur épique ; méditez enfin religieusement cette œuvre parfaite, où la langue poétique n’a été maniée qu’avec ce respect sacré que possèdent seuls les génies. […] C’est, en général, celui que je lis pour rêver ; je songe et il dit les paroles : mon esprit et ses vers s’identifient.
Il fut comme un fondateur de religion qui n’aurait jamais songé qu’à constituer un clergé. […] Confiance, c’est-à-dire croyance que celui ou ceux que nous sentons qui ont plus d’esprit que nous ne songent point à nous tromper pour leurs intérêts, pour leur satisfaction de vanité, ou pour le plaisir d’avoir de l’autorité sur nous. […] C’est à quoi il n’a pas du tout songé. […] Il resta abstrait, renfermé et doux, ne laissant pas d’être aimable quelquefois, sans y songer, par une distraction de plus. […] Ce qui fait songer à Vico dans ce livre un peu disparate, mais attachant, c’est un essai d’histoire générale de l’humanité par grandes ligues et grandes périodes.
Qu’on juge de l’étonnement et de la consternation du pauvre Le Kain, accoutumé aux acclamations de la capitale ; il ne songea plus qu’à partir, et cependant poussa la politesse jusqu’à faire demander à Voltaire un moment d’entretien. […] elle s’amuse à exprimer vaguement sa reconnaissance, avant de songer à rétablir son honneur dans l’esprit de Tancrède ! […] Quand on songe que ces niaiseries faisaient tourner la tête à l’homme qui partageait alors l’admiration de l’Europe avec le Salomon et l’Alexandre du Nord, et qui terrassait des préjugés comme Frédéric battait des armées, on gémit sur le néant des grandeurs humaines. […] Quand le public abusé luttait contre les mesures du gouvernement, et opposait à sa prudente sévérité à l’égard de Voltaire, des applaudissements factieux, le public ne savait pas qu’il préparait la ruine de la monarchie ; et personne alors n’y songeait et ne la désirait, pas même les philosophes. […] Je conviens qu’Athalie, qui n’est pas une meilleure femme que Sémiramis, et qui a tué toute la race de David, est troublée d’un songe, et encore plus de l’incident merveilleux qui lui fait retrouver en réalité l’objet qu’elle a vu en songe ; mais ce trouble ne va pas jusqu’à de lâches frayeurs ; il ne fait pas d’une grande reine une femmelette pusillanime, agitée de remords, plaintive et pénitente.
Ses lectures sont d’un homme instruit et d’un esprit critique, qui songe peu à se divertir où à s’enflammer, mais qui apprend et qui juge : Virgile, Ovide, Horace, Juvénal, Perse, voilà ses auteurs favoris ; il en traduit plusieurs, il a leurs noms sans cesse sous la plume ; il discute leurs opinions et leur mérite, il se nourrit de cette raison que les habitudes oratoires ont imprimée dans toutes les œuvres de l’esprit romain. […] D’autre part, quand Shakspeare veut, non plus éveiller un songe, mais imprimer une croyance, il nous dispose encore et par avance, mais d’une autre façon. […] Pareillement, dans les meurtres, faites-moi sentir la flamme des passions grondantes, l’accumulation de désespoir ou de haine qui ont lancé la volonté et roidi la main ; quand les paroles effrénées, les soubresauts du délire, les cris convulsifs du désir exaspéré, m’auront fait toucher tous les liens de la nécessité intérieure qui a ployé l’homme et conduit le crime, je ne songerai plus à regarder si le couteau saigne, parce que je sentirai en moi, toute frémissante, la passion qui l’a manié. […] D’esprit, il n’y en a guère ici : on n’a pas le loisir d’être spirituel en de pareilles batailles ; songez à ce peuple soulevé qui écoute, à ces hommes emprisonnés, exilés, qui attendent : ce sont la fortune, la liberté, la vie ici qui sont en jeu.
Alp avance sur la grève, jusqu’au pied du bastion, sous le feu des sentinelles : il n’y songe guère […] Ce rêve est ici comme dans l’Edda, presque aussi grandiose. « J’eus un songe qui n’était pas tout entier un songe. — Le clair soleil était éteint, et les étoiles — erraient dans les ténèbres de l’éternel espace, — sans rayons, ne voyant plus leur route, et la terre froide — se balançait aveugle et noircissante dans l’air sans lune. — Le matin venait, s’en allait et venait encore, mais n’apportait point de jour… — Les hommes mirent le feu aux forêts pour s’éclairer ; mais heure par heure — elles tombaient et se consumaient ; les troncs pétillants — s’éteignaient avec un craquement, puis tout était noir. — Ils vivaient près de ces feux nocturnes, et les trônes, — les palais des rois couronnés, les cabanes, les habitations de tous les êtres qui vivent sous un toit — flambèrent en guise de torches. […] Il a tant d’esprit, de l’esprit si neuf, si imprévu, si poignant, une si étonnante prodigalité de science, d’idées, d’images ramassées des quatre coins de l’horizon, en tas et par masses, qu’on est pris, emporté par-delà toutes bornes, et qu’on ne peut pas songer à résister.
Le duc de Nivernais était, en effet, plus propre que personne à servir d’exemple ; à une époque où l’on se piquait avant tout d’être, non pas féroce, mais ce qu’on appelait un homme aimable et même un petit-maître, et en l’étant lui-même, il n’avait rien négligé de ce qui orne intérieurement l’esprit, il se préparait à devenir insensiblement raisonnable ; il savait toutes les langues vivantes, il lisait les auteurs étrangers et en tirait des imitations faciles ; il ne songeait qu’à embellir, à égayer honorablement une grande et magnifique existence, et, sans le savoir, il ménageait à son âme des consolations imprévues pour son extrême vieillesse, dans la plus violente crise sociale qui ait assailli les hommes civilisés. […] M. de Nivernais ci-devant duc, pair de France, grand d’Espagne, doyen de l’Académie française et de celle des Inscriptions, etc., etc., jouissant de cent mille écus de rente, n’était plus rien, n’avait plus rien, et il chantait, et il se chansonnait lui-mêmeab, il était aimable, il songeait à ses amis, il s’occupait encore à leur plaire, à leur être gracieux.
Ce n’est pas un songe ! […] Herman répond avec embarras « qu’il a songé longtemps, en effet, à la plus jeune de ces trois filles, mais que, sa timidité naturelle l’ayant fait railler dans cette maison sur son silence et sur la coupe trop rustique de ses habits, il a laissé échapper, par confusion, son chapeau de sa main, et il est sorti pour jamais de cette maison moqueuse ».
Mme d’Albany installa Fabre auprès d’elle, elle en fit le compagnon de sa vie, elle le fit accepter par le monde de l’Empire et de la Restauration ; elle le présenta familièrement à l’aristocratie européenne ; elle l’emmena dans tous ses voyages, à Paris en 1810, à Naples en 1812 ; elle vécut enfin sans scrupule et sans embarras comme la femme du peintre, mais elle ne songea pas un seul jour à l’épouser. […] Véridique autant que bourru, il avait son franc-parler sur toutes les choses, et il n’a songé en cette circonstance qu’à dire la vérité, brutalement ou non, peu importe. » III Fabre fils, d’une famille obscure de Montpellier, élève de David, homme de bon sens et de cœur droit, était allé à Rome étudier l’art dans lequel il devint érudit de premier ordre, sans sortir tout à fait d’une élégante et savante médiocrité dans l’exécution.
Il songea même à se marier. […] Et enfin, si l’on songe que la terre d’élection de la casuistique lut l’Espagne, et quelles conséquences temporelles y pouvait avoir, sous le régime de l’inquisition, un refus d’absolution entraînant l’exclusion des sacrements, on sera tenté d’excuser un peu l’intention des complaisants casuistes qui employaient leur esprit à « enlever les péchés du monde ».
Trop occupé de l’éloigner comme cessation violente d’un état où le bien lui paraissait l’emporter sur le mal, il ne songea pas à la méditer comme le commencement d’une autre vie. […] Pour le fond des choses, il demeura attaché aux écrivains ingénieux qui songent plus à orner leur élocution qu’à éclaircir leurs pensées, et chez lesquels chaque détail est, à son tour, tout le sujet.
Aucun esprit sérieux n’a songé à dissimuler la singulière inégalité du génie de Corneille. […] Je plains même ceux que de si grandes beautés laissent assez maîtres d’eux-mêmes pour songer à prendre avantage, sur ce grand homme, d’imperfections qui sont plus de l’homme en général que de Corneille.
Pas un moment ces maîtres excellents ne songeaient que, parmi leurs élèves, dût se trouver un écrivain ou un orateur. […] Posuit in visceribus hominis sapientiam était son texte favori ; il ne songeait pas que, si, pour trouver le vrai et le bien, l’homme n’a qu’à rentrer dans le plus profond de son cœur le Catéchisme de M.
Si mes idées et mes désirs agissent non seulement sur mon propre monde, mais encore sur le monde d’autrui, j’admets alors que mon idée n’est pas seulement un songe, pas même un songe bien lié, mais qu’elle a une action réelle, qu’elle est effective et conséquemment objective.
Et je songe à Andréas Latzskoau… Poèmes à claires voiesav. […] Des vers qui font songer à Rimbaud, mais sans faire oublier cette personnalité étrange : Jean Marville, un explorateur qui pourrait bien avoir une lueur de génie.
Il a le parler haut et libre ; « il lui échappe d’abondance de cœur des raisonnements et des blâmes. » Très pointilleux et récalcitrant, « c’est chose étrange, dit le roi, que M. de Saint-Simon ne songe qu’à étudier les rangs et à faire des procès à tout le monde. » Il a pris de son père la vénération de son titre, la foi parfaite au droit divin des nobles, la persuasion enracinée que les charges et le gouvernement leur appartiennent de naissance comme au roi et sous le roi, la ferme croyance que les ducs et pairs sont médiateurs entre le prince et la nation, et par-dessus tout l’âpre volonté de se maintenir debout et entier dans « ce long règne de vile bourgeoisie. » Il hait les ministres, petites gens que le roi préfère, chez qui les seigneurs font antichambre, dont les femmes ont l’insolence de monter dans les carrosses du roi. […] Mes yeux fichés, collés sur ces bourgeois superbes, parcouraient tout ce grand banc à genoux, ou debout, et les amples replis de ces fourrures ondoyantes à chaque génuflexion longue et redoublée, qui ne finissait que par le commandement du roi par la bouche du garde des sceaux ; vil petit-gris qui voudrait contrefaire l’hermine en peinture, et ces têtes découvertes et humiliées à la hauteur de nos pieds. » Qui songe à rire de ces pédanteries latines et de ces détails de costumier ?
Villeroi était à la veille de redevenir ministre : Jeannin ne songeait pas à sa soumission, et il rendait à son duc, qui guerroyait encore et qui n’avait pas su faire sa paix à temps, tous les bons offices d’un serviteur loyal et d’un ami.
Ses oraisons funèbres, les plus lus de ses ouvrages oratoires, nous ont accoutumés à entendre surtout ses éclats et ses tonnerres, bien qu’il y ait telle de ces oraisons funèbres (celle de la princesse Palatine, par exemple) qui émeuve plus doucement et fasse pleurer ; mais en général la première chose qu’on se figure quand on songe de loin à l’éloquence de Bossuet, ce sont les foudres.
Qu’il y ait eu des épisodes intercalés, des scènes d’Olympe à tiroir, ménagées çà et là pour faire transition et relier entre elles quelques-unes des rhapsodies, c’est possible, et la sagacité conjecturale peut s’y exercer à plaisir et s’y confondre ; mais, sans prévention, on ne peut méconnaître non plus un grand ensemble et ne pas voir planer dans toute cette durée de l’action la haute figure du premier des héros, de celui qui agitait en songe et suscitait Alexandre.
Cependant ils consolent les hommes ; la bonté, la piété, le pardon coulent de leurs lèvres en suavités ineffables ; les yeux levés au ciel, ils voient Dieu et, sans effort, comme en un songe, ils montent dans la lumière pour s’asseoir à sa droite.
. — Pour remédier à cet inconvénient, nous négligeons le groupe qui correspond au mot ; nous ne donnons plus d’attention qu’au mot substitut ; après avoir vu ensemble quatre objets, nous les oublions pour ne plus songer qu’au mot quatre, et nous pouvons les oublier, parce que plus tard, revenant sur le mot et appuyant dessus, nous les reverrons intérieurement, sans méprise ni confusion.
Nous mangeons, nous dormons, nous songeons à gagner un peu de considération et d’argent ; nous nous amusons platement, notre train de vie est tout mesquin, quand il n’est pas animal ; arrivés au terme, si nous repassions en esprit toutes nos journées, combien en trouverions-nous où nous ayons eu pendant une heure, pendant une minute, le sentiment du divin ?
On a saisi son plan, sans avoir songé un moment que c’était son plan qu’il faisait : ou bien on croit l’avoir deviné, lui avoir dérobé son secret, et ce petit et imaginaire triomphe de l’amour-propre enfonce les choses dans l’esprit.
Quelle force d’âme, quand on y songe, dans cet acharnement à garder jusqu’au bout, en présence des autres hommes, l’apparence et la forme extérieure du personnage spécial qu’on a rêvé d’être et qu’on a été !
Si l’on réfléchit qu’à cette merveilleuse faculté Gautier unit une immense intelligence innée de la correspondance et du symbolisme universel, ce répertoire de toute métaphore, on comprendra qu’il puisse sans cesse, sans fatigue comme sans faute, définir l’attitude mystérieuse que les objets de la création tiennent devant le regard de l’homme… Il y a, dans le style de Théophile Gautier, une justesse qui ravit, qui étonne, et qui fait songer à ces miracles produits dans le jeu par une profonde science mathématique… Nos voisins disent : Shakespeare et Goethe !
Homère, ce qu’il exprimait sans effort, c’étaient tous les beaux sentiments tristes et doux accumulés dans l’âme humaine depuis trois mille ans : l’amour chaste et rêveur, la sympathie pour la vie universelle, un désir de communion avec la nature, l’inquiétude devant son mystère, l’espoir ou la bonté du Dieu qu’elle révèle confusément ; je ne sais quoi encore, un suave mélange de piété chrétienne, de songe
Parfois ces noms semblent indiquer aussi une nuance du caractère : parmi les nombreux capitans que Callot a dessinés dans ses Balli di Sfessania, il faut distinguer le capitaine Cerimonia, qui fait songer à l’Alcidas du Mariage forcé 6.
La supériorité de Jean était d’ailleurs trop incontestée pour que Jésus, encore peu connu, songeât à la combattre.
Un moment Jésus songea à quelques précautions et parla d’épées.
Le père prodigue, qui veut rentrer au bercail, songe, un peu tard, à se remarier.
à laquelle ni le public ni l’auteur n’avaient songe jusque-là, mais qui, une fois dénoncée de cette façon, devient la plus cruelle et la plus sanglante des injures.
L’on me dira peut-être qu’il n’est pas croyable que toutes ces réflexions aient passé par l’esprit d’Homère et d’Eschyle quand ils se sont mis à composer, l’un son Iliade et l’autre ses tragédies ; que ces idées paraissent postiches et venues après coup ; qu’Aristote, charmé d’avoir démêlé dans leurs ouvrages de quoi fonder le but et l’art de l’épopée et de la tragédie, a mis sur le compte de ces auteurs des choses auxquelles, selon les apparences, ils n’ont pas songé ; qu’enfin je m’efforce vainement moi-même de leur prêter des vues qu’ils n’avaient pas.
Cazalès n’a songé qu’à glorifier, devant Dieu et devant ceux qui l’aiment, une de ces âmes, rares parmi les Saints eux-mêmes, et comme on en peut compter une cinquantaine au plus, parmi ces milliers de Saints, nés au giron fécond de l’Église catholique, depuis dix-huit cent soixante-dix-sept ans !
Songez donc !
» Sa conclusion est également typique : « Pourtant, après ces fêtes où vient de se manifester, avec tant d’éclat, la force nationale de nos voisins, je ne puis m’empêcher de songer bien tristement aux luttes stériles qui nous épuisent aux périls extérieurs qui nous menacent ; et j’ai frissonné, en me demandant avec angoisse si, dans mes veines de Latin, je ne sentais pas couler le poison de la décadence. » Voici enfin mon troisième texte dû à M.
Il n’a pas songé à une source aussi intéressante qu’importante : les romans.
Deux fois il crut voir celui de l’empire : l’une en songe et dans les Gaules, lorsqu’il délibérait s’il accepterait le trône ; l’autre dans la Perse, et peu de temps avant sa mort, lorsque, pendant la nuit, il méditait sous sa tente.
Ne croirait-il pas ou que son absence a duré des siècles, ou que le genre humain s’est réuni pour créer en si peu d’années tant de merveilles, ou que ce spectacle étonnant n’est que l’effet et l’illusion d’un songe ?
Longtemps après, Crotone presque déserte fait pitié à Tite-Live, lorsqu’il songe au nombre prodigieux de ses anciens habitants.
Faguet, « le songe d’une nuit d’été d’un maître d’étudeso. » Pâture trop tangible pour Obermann et Faust. […] Avec Atala, le retour en France, l’apparition du Génie du Christianisme encadrée dans le grand événement de la restauration du culte, le second Chateaubriand, celui des visions et du songe, entre en scène. […] Les créations féminines de Chateaubriand sont les vivantes réalisations de ce coupable songe, les victimes idéales de cette forme cruelle et égarée du désir. […] Et qui songe à nier l’incomparable poésie de George Sand ? […] Ce que je voudrais avoir montré, c’est comment, dans le personnage sympathique du romantisme, une réalité assez vile à laquelle le poète ne songeait pas, reprend nécessairement ses droits sur la chimère sublime qu’il s’imaginait créer.
À mesure que le poète s’élève, il entend moins les cris de la terre, et songe moins à y répondre. […] Comment donc songer à s’aller chercher dans le passé, quand on ne peut plus se trouver dans le présent, et qu’on ne se croit jamais assez débarrassé, jamais assez libre pour être prêt à l’imprévu ? […] Un jour enfin, lassés du songe qui nous leurre, Nous disons : « Il est temps. […] Quand on est très jeune et qu’on vit solitaire et inconnu, on ne voit pas les hommes derrière les livres, — et on bataille dans sa mansarde contre les livres, sans songer que les coups qu’on leur porte font saigner, non seulement des hommes, mais l’espèce d’hommes la plus sensible. […] Mais déjà nous avons des preuves qu’il y songe.
Je n’ai pas besoin non plus de songer qu’il y ait quelque mouvement dans le monde pour entendre la nature du mouvement même ou celle des lignes que chaque mouvement décrit, et les proportions cachées avec lesquelles il se développe. […] Mais songeons-nous un seul instant qu’il y a là des malheureux qui soutirent et qui peut-être vont périr ? […] Songez-y. […] Songez aussi qu’il a cultivé tous les genres. […] Mais on me dira : songez à l’incertitude des choses humaines ; pensez que le malheur peut vous atteindre aussi, et n’abandonnez pas votre ami, dans la crainte qu’on ne vous abandonne un jour.
V Dès 1811, Ballanche songeait à l’Antigone ; il l’écrivit au moment où il se relevait de ses douleurs sous une bénigne influence qui devait devenir le mobile suprême de sa destinée. […] L’auteur avait songé à remplacer le nom de Palingénésie sociale par celui de Théodicée de l’histoire. […] Ainsi conçu, néanmoins, c’est un élément essentiel du génie poétique ; il fait partie du sentiment de l’ordre que personne ne songe à retrancher de la notion du beau. […] toutes les fois qu’on songera à revêtir ces faits nouveaux, ces sentiments, ces idées du caractère de la beauté et des formes de l’art, c’est aux artistes grecs qu’il faudra demander le secret des créations éternelles. […] Elle songeait moins à devenir une œuvre d’art durable, qu’à être une grande machine de guerre : quitte à s’écrouler elle-même avec les abus qu’elle aurait détruits et les ruines qu’elle aurait, faites.
Chevrier dans un sens très intelligemment naturaliste, avait laissé de brillants souvenirs, et des personnes songeaient à la ressusciter. […] Ne doivent plus songer aux hy- Ménées. […] Et songez qu’il fut seul en cette province immense et décuplée par l’indifférence littéraire que fut la Belgique. […] Un jeune homme précoce, génial, instruit, qui songe à s’exprimer par l’art, ressentira presque toujours, aux premières heures de sa vie, un immense besoin d’originalité. […] Je pense que peu de gens, lisant Anna Karénine, songent à prendre parti entre Lévine, qui n’aime pas la vie politique, et son frère, qui la lui conseille et la lui vante.
Songe-t-elle au temps ? […] Songe-t-elle aux formes ? […] Songe-t-elle au mouvement, à l’action ? […] Songez, en effet, à toutes les difficultés d’une histoire universelle. […] Nous voilà donc en possession d’un point de vue nouveau et général en philosophie : alors, mais seulement alors, nous pouvons songer à l’histoire de la philosophie.
Mais qui songerait à le regretter, après avoir lu cette épopée gigantesque ? […] « C’est une douce chose de songer, a écrit M. […] Mais il n’y songe guère en chemin, tant est consommé l’art du guide et prodigieusement sûre d’elle-même la main qui nous a conduits. […] Les anciens étaient trop amoureux du beau pour qu’ils aient jamais songé à nous montrer une courtisane vieille. […] Qu’il songe à se rendre digne d’intéresser et d’instruire, outre les contemporains, ceux qui viendront après eux.
Songez qu’il n’a que cinquante-quatre ans ! […] La bête ne perçoit même pas qu’on ose vouloir la tromper. « S’en prendre à moi, songe-t-elle. […] Un jeune homme bien élevé ne pouvait songer à s’entretenir, je ne dis pas même d’amour, mais de mariage avec une jeune fille. […] Personne n’avait songé à elle et elle ne pouvait le supporter, ni surtout supporter que les passants s’en aperçussent.
Songez donc que cette comédie se joue contre Delacroix depuis 1822, et que depuis cette époque, toujours exact au rendez-vous, notre peintre nous a donné à chaque exposition plusieurs tableaux parmi lesquels il y avait au moins un chef-d’œuvre, montrant infatigablement, pour me servir de l’expression polie et indulgente de M. […] Besson, je me suis pris à songer à toute la grâce et à toute l’application que les artistes du dix-huitième siècle mettaient dans les images qu’ils nous ont léguées de leurs étoiles préférées. […] Mais si l’on veut songer combien de perfections il faut réunir pour obtenir cet austère enchantement, on ne s’étonnera pas de la fatigue et du découragement qui s’emparent souvent de notre esprit en parcourant les galeries des sculptures modernes, où le but divin est presque toujours méconnu, et le joli, le minutieux, complaisamment substitués au grand. […] songez bien qu’il ne s’agit pas de manger, mais de violer.
En un mot, les vrais poètes de cette époque et de ces origines romantiques françaises sentaient et chantaient d’après eux-mêmes, bien plus qu’ils ne songeaient à imiter ou à étudier. […] L’autre manière d’écrire est plus difficile, et il est rare que nous songions à la pratiquer. […] C’est un jalon qu’on plante sur la route de la vérité et du progrès, sans songer à la forme qu’on lui donne et au bois dont il est fait. […] Un fanatique tel que de Maistre songe-t-il à faire des phrases et à plaire à Messieurs les critiques, lorsqu’il s’agit pour lui d’effrayer les âmes crédules et de les courber sous la verge implacable de son Dieu vengeur ? […] Chez Nodier, le fantastique était un procédé littéraire et esthétique qu’il mit en œuvre dans plusieurs autres compositions telles que Trilby ou le lutin d’Argal, la Fée aux Miettes, le Roi de Bohème et Ses Sept Châteaux, le Songe d’or, Fleur des Fèves et Fleur des Pois, etc.
Les incidents de la rue lui étaient moins indifférents ; il prenait souci de ses recettes, songeait à mettre quelques sous de côté. […] As-tu songé à ce discours de réception qu’il faut entendre, à la leçon qu’il faut recevoir en public et qu’on ne m’eût certes pas ménagée à moi ? […] Le dîner qui suivit cette après-midi de songe fut silencieux et presque sombre. […] Mais Paulette est trop jolie, trop adulée, trop uniquement occupée de ses succès pour avoir le temps de songer à son intérieur. […] Ponce-Pilate songe et se lave les mains.
L’horreur les saisit. « Parlez, leur dit Néron, et songez que vous répondrez de l’événement sur vos têtes. » Sénèque regarde Burrhus. et lui demande s’il faut ordonner aux soldats d’égorger la mère de l’empereur. […] « D’accord : ils auraient occasionné deux meurtres, et n’auraient pas empêché le premier ; mais la vertu songe au devoir, et oublie la vie. » La vertu songe à la vie, lorsque le devoir l’ordonne. […] Ce qu’on fait aujourd’hui pour vous, on le fit autrefois pour un parricide : songez combien il faut que vous soyez méprisés ou haïs, lorsque vos sujets sont rares et gardent le silence sur votre passage. […] Songez seulement au danger que vous courez vous-même, si l’on peut attenter impunément à ma personne. […] Cette disparate vient de ce qu’on ne songe qu’au présent : car, si l’on songeait aux conséquences pour l’avenir, jamais un prince no contribuerait un sou ni une parole en faveur des rébellions.
Le moine songe qu’il est un pauvre moine vieilli ; vainement il évoque à nouveau la craintive amie. […] Tristement le poète songe que nulle fleur n’est à consoler son amère veillée. […] Féré, Binet et Bernheim, je n’ai pu songer à m’en satisfaire. […] Quant à croire que l’ordre des choses ne fut pas éternel, que les lois elles-mêmes se pussent modifier, ils évitaient d’y songer. […] Songez donc : un cataplasme, à Paris, en 1894 !
Il songeait à différentes choses, et, de temps en temps, entr’ouvrait les yeux pour voir s’il était bien éveillé. […] s’écria Kobus en riant aux éclats ; le vieux posché-isroel ne peut voir une fille ou un garçon sans songer à les marier… Ah ! […] Le lendemain, il n’y songeait plus, quand ses yeux tombèrent sur le vieux clavecin entre le buffet et la porte.
De majestueux faisceaux de seringues marchent, comme des haches de consuls, devant le rire… Les manteaux, les robes, l’hermine, les bonnets carrés des hommes et des femmes, la pourpre universitaire, le personnage du praeses, le latin de cuisine et de latrine, les réponses du clysterium dare , le plain-chant de Diafoirus et de Purgon, font songer à un paranymphe du Mardi-Gras à la Sorbonne, et à la Messe rouge d’une rentrée de cour d’apothicaires en belle humeur. […] Alors j’ai songé à tous ces blagueurs qui soutiennent que la nature est la leçon et la source de toute bonté. […] * * * — Inquiétante silhouette, sur le crépuscule, à l’horizon d’un champ, que cet homme dressé, les deux mains et le menton sur un grand bâton, immobile et contemplateur, dans le temps sans heures et le commencement du songe des choses.
Loin qu’elle ait songé, comme le christianisme, à diviser l’esprit du corps, elle donne forme et visage à tout, même aux essences, même aux intelligences. […] Car, bien qu’en aient dit certains hommes qui n’avaient pas songé à ce qu’ils disaient, et parmi lesquels il faut ranger notamment celui qui écrit ces lignes, la langue française n’est pas fixée et ne se fixera point. […] On verra du reste à le lire combien il songeait peu à son ouvrage en écrivant cette préface, avec quel désintéressement, par exemple, il combattait le dogme des unités.
Lorsque, après avoir terminé ses études de droit et traversé en amateur l’École des chartes, il partit pour l’Angleterre, il ne songeait pas que son âme entière allait se trouver modifiée. […] Et si l’on songe non seulement à la tourbillonnante réalité sociale qui s’agite autour de nous, mais à la réalité encore plus poignante qu’est l’homme perdu sur un astre errant dans l’immensité, s’interrogeant sur son existence même entre deux infinis, comment pourra-t-on sérieusement affirmer qu’une forme fixe s’offrira à ses pensées ? Songeons surtout qu’aucun poète peut-être jusqu’ici en France, pas même Victor Hugo qui n’a rien retenu du darwinisme ni de l’évolutionnisme, pas même Vigny qui ne fut qu’un pessimiste idéaliste, j’ajoute : pas même Leconte de Lisle qui n’a revécu la philosophie de l’histoire qu’en pur positiviste, n’ont ressenti avec une intensité définitive l’abîme qui sépare l’homme moderne de l’homme antique, et ne semblent avoir eu la sensation du mystère nouveau qu’est devenu l’homme pour l’homme lui-même.
Nous ne songeons pas d’ailleurs à plus dissimuler les lacunes et les insuffisances de son génie que nous ne prétendons reléguer dans l’ombre les défauts qui l’ont entaché. […] En face des nations envieuses et traîtresses pouvons-nous prolonger ce beau songe ? […] Qui songerait, en effet, à chercher sur nos places ou nos boulevards Chateaubriand, Musset, Alfred de Vigny, Lamartine ! […] Le monde est bien malade aussi… Voilà le mal qui mérite qu’on y songe. […] Mais les idées de Quinet sont acceptées maintenant, et nul ne songe à renfermer la vie de la Révolution dans un club et dans un homme.
On lui reproche d’avoir trop songé à charmer les yeux ; mais reprocher le charme à un artiste, n’est-ce pas reprocher à la femme la beauté ? […] « À quoi songe-t-il donc ?
On ne songe pas à se demander, dans Tartufe ou dans les Femmes savantes, si, réellement, tous les personnages ont dû venir dans cette même salle. […] Regnard n’a jamais songé à peindre les mœurs : s’il est le témoin, malgré tout, des mauvaises mœurs de la fin du grand siècle et du commencement de cette joyeuse corruption à laquelle la Régence attachera son nom, c’est sans le vouloir, parce que sa fantaisie est bien forcée d’aller prendre des matériaux dans la réalité.
Nous ne pouvons songer à nier absolument la bonté relative de l’organisation sociale que nous conservons. […] Et imputer à quelqu’un une contradiction volontaire, un mensonge, est une insulte des plus graves, ce qui est vraiment significatif de conventions très diverses, et ce qui tourne même au comique, si on reconnaît tout ce qu’une pareille idée a de factice, surtout si l’on n’a pas éprouvé le solide fondement de cette convention, et si l’on songe simplement à la continuelle émission de mensonges que provoque notre manière de vivre.
Affligé à ce triste spectacle, le sage exhala par des mots son indignation, et, inspiré par la déesse de l’éloquence, il exprima sa pensée dans un distique improvisé : « N’espère point, barbare, prolonger tes jours, toi dont la main a pu frapper un coup si cruel, et détruire un innocent oiseau qui a trouvé la mort quand il ne songeait qu’à l’amour. » — Mais, reprend la nymphe, qu’est-il survenu à l’infortunée Sita depuis qu’elle a été conduite dans la forêt ? […] Rama lui parle comme dans un songe indécis : « Sita !
Quand Baudouin, élu empereur par les Français, s’est aventuré dans une expédition contre le roi des Bulgares et est fait prisonnier après une défaite, son frère Henri prend sa place ; mais les barons attendent, avant de l’élire et de le sacrer empereur à son tour, d’être positivement assurés du trépas de son frère : « Sur quoi je voudrais, écrit l’historien Nicétas, que les Romains (les Grecs) fissent un peu de réflexion ; eux, dis-je, qui n’ont pas sitôt élu un empereur qu’ils songent à le déposer. » Ainsi l’idée de légitimité, de fidélité au serment, et de religion politique, existe chez les Latins, tandis qu’elle est entièrement abolie chez les Grecs : ce qui, chez ceux-ci, est une infériorité sociale de plus.
Tous les conseils qui lui arrivaient étaient dans ce sens de représailles qui pouvaient sembler légitimes ; le torrent s’enflait à chaque pas, et, au moment où le prince entra dans Paris salué des acclamations d’une multitude ivre de joie et fanatique de colère, il n’y avait plus à songer à le ramener et à le modérer.
Dès le premier instant qu’il eut à commander à d’autres, dès qu’il eut à porter enseigne, dit-il, il voulut savoir ce qui est du devoir de celui qui commande, et se faire sage par l’exemple des fautes d’autrui : « Premièrement j’appris à me chasser du jeu, du vin et de l’avarice, connaissant bien que tous capitaines qui seraient de cette complexion n’étaient pas pour parvenir à être grands hommes. » Il développe ces trois chefs, et particulièrement, et avec une verve singulière, les inconvénients de l’avarice en un capitaine : « Car si vous vous laissez dominer à l’avarice, vous n’aurez jamais auprès de vous soldat qui vaille, car tous les bons hommes vous fuiront, disant que vous aimez plus un écu qu’un vaillant homme… » Il ne veut pas qu’un homme de guerre, pareil à un citadin ménager, songe toujours à l’avenir et à ce qu’il deviendra en cas de malheur ; le guerrier est enfant de l’État et du prince, et il pose en maxime « qu’à un homme de bien et vaillant, jamais rien ne manque. » — Après ces trois vices qui sont à éviter à tout prix, car ils sont ennemis de l’honneur, il en touche plus rapidement un quatrième dans lequel, sans raffiner sur les sentiments, il conseille du moins toute modération et sobriété : C’est l’amour des femmes : ne vous y engagez pas, cela est du tout contraire à un bon cœur.
La vie ne paraît qu’un instant auprès de l’éternité, et la félicité humaine, un songe ; et, s’il faut parler franchement, ce n’est pas seulement contre la mort qu’on peut tirer des forces de la foi ; elle nous est d’un grand secours dans toutes les misères humaines ; il n’y a point de disgrâces qu’elle n’adoucisse, point de larmes qu’elle n’essuie, point de pertes qu’elle ne répare ; elle console du mépris, de la pauvreté, de l’infortune, du défaut de santé, qui est la plus rude affliction que puissent éprouver les hommes, et il n’en est aucun de si humilié, de si abandonné, qui, dans son désespoir et son abattement, ne trouve en elle de l’appui, des espérances, du courage : mais cette même foi, qui est la consolation de misérables, est le supplice des heureux ; c’est elle qui empoisonne leurs plaisirs, qui trouble leur félicité présente, qui leur donne des regrets sur le passé, et des craintes sur l’avenir ; c’est elle, enfin, qui tyrannise leurs passions, et qui veut leur interdire les deux sources d’où la nature fait couler nos biens et nos maux, l’amour-propre et la volupté, c’est-à-dire tous les plaisirs des sens, et toutes les joies du cœur… Vauvenargues avait vingt-quatre ans quand il écrivait ces lignes.
Mais n’allons pas au-delà de la pensée de l’auteur, ne lui prêtons pas : malgré les deux épigraphes qu’il a mises en tête de son livre et dont je voudrais effacer la première38, il n’a songé sans doute qu’à nous offrir une application hardie d’analyse, en un cas splendide.
Ainsi encore ce passage d’une lettre à M. de Corcelles (4 août 1855) : En revoyant mes paperasses, j’ai songé au temps passé.
Vous voyez, mon père, que ce n’est plus à Pont-de-Vaux qu’il faut songer à aller ; aussi je n’ai plus que Milan ou la paix devant les yeux.
Songez que vous êtes l’espoir de la France entière.
Il commence ce pèlerinage, qui asurtout pour objet la Suisse catholique, par une diatribe violente contre Genève, où l’on célébrait, quand il ypassa, l’inauguration de la statue de Jean-Jacques, un sujet tout trouvé d’anathème : « Tristes fêtes dont nous n’osons plus rire, s’écrie l’auteur, quand nous songeons qu’il est une autre vie et que probablement ce malheureux Rousseau, mort dans l’hérésie, sans sacrements et, selon toute apparence, sans repentir, a plus affaire à la justice de Dieu qu’à sa clémence… » Je laisserais ce passage et le mettrais sur le compte de la jeunesse, si les mêmes sentiments d’exécration ne revenaient sans cesse sous la plume de l’auteur ; si, dans ces volumes de Çà et Là où il y a de charmants paysages et de beaux vers pleins de sensibilité, je ne voyais, lors d’une nouvelle visite à Genève (chapitre Du Mariage et de Chamounix), la même répétition d’injures contre la statue et les mêmes invectives contre les Genevois en masse.
Ils sont les premiers à reconnaître ; « Que l’imagination des auteurs, quand ils traitaient des sujets religieux dont les points fondamentaux étaient fixés par l’Ancien ou le Nouveau Testament, ne pouvait se donner carrière que dans quelques scènes épisodiques et dans le dialogue naïf, familier, souvent trivial, des personnages secondaires, tels que les bergers, les soldats, les démons ; que l’exactitude des tableaux, le langage plus ou moins vrai qu’on prêtait aux personnages, l’effet comique qui résultait des facéties de quelques-uns, constituaient le principal mérite de l’ouvrage aux yeux du public, et en faisaient tout le succès ; que toute espèce d’idée d’unité était absente de ces compositions et étrangère à la pensée des auteurs ; qu’on ne songeait nullement alors à disposer les faits de façon à les faire valoir par le contraste, à concentrer l’intérêt sur certaines scènes, à tenir en suspens l’esprit du spectateur et à l’amener de surprise en surprise, de péripétie en péripétie, jusqu’au dénouement.
Feuillet ; mais, en homme d’esprit, il ne songea à l’imiter qu’en le contredisant.
Il dut visiter à ce titre bien des points du pays et entrer dans la familiarité de bien des classes ; son expérience de la vie s’accroissait ainsi sans qu’il y songeât et de la façon la meilleure, de celle qui ne sent en rien l’étude.
Mlle de Guérin écrit une bonne partie de ses lettres, et des meilleures, des plus agréables, à sa jeune amie Louise de Bayne dont elle avait vu éclore la rieuse enfance, celle même à qui son frère Maurice semble avoir songé dans de premiers vers qui recèlent un sentiment tendre.
Jugeant les hommes avec indulgence, les événements avec sang-froid, il a cette modération, le vrai caractère du sage… « Amène ne songe pas à élever en un jour l’édifice d’une grande réputation ; parvenue à un haut degré, elle va toujours en décroissant, et sa chute entraîne le bonheur, la paix ; mais il arrivera à tout, parce qu’il saisira les occasions qui s’offrent en foule à celui qui ne violente pas la fortune.
Les Débats l’ont appliquée en général avec prudence ; on songeait, dès 1828, à la lever pour quelques-uns.
Or qu’on veuille songer à tout ce qu’ajoutait son souvenir à l’œuvre où sa pensée était entrée pour une si grande part.
Peu de chose peut-être, car il ne paraît pas qu’on les ait fort estimés : on ne songea même pas à les recueillir.
Enfin, à chaque instant, les fables s’enrichissent de prologues ou d’épilogues lyriques : c’est par une ode à la solitude que se termine le Songe d’un habitant du Mogol.
Mais il n’y avait pas d’école romantique : c’étaient deux manifestations isolées du génie poétique, et aucun des deux poètes, à cette heure, pas même Vigny, ne songeait à se poser en théoricien novateur ou révolté.
Vous ne me citerez pas un poète récent — et j’en nommais beaucoup tout à l’heure — qui songe au poème philosophique.
Je deviens la plus intéressée créature du monde, et je ne songe plus qu’à augmenter mon bien.
Elle avait au plus haut degré non cet esprit qui songe à briller pour lui-même, mais celui qui sent et met en valeur l’esprit des autres.
Au milieu de sa flamme et de sa souffrance, un sentiment d’élévation céleste, une idée d’immortalité, disait-il, s’était éveillée en son âme ; les anges de douleur lui avaient parlé, et il avait naturellement songé à celui qui, le premier, avait ouvert ces sources sacrées d’inspiration en notre poésie.
Souvent même le plaisir est secondaire, et on n’y songe pas tout d’abord : il y a simplement un effort accompagné de peine, puis un objet ou un ensemble de mouvements qui se révèle comme changeant la peine en plaisir ; plus tard, nous pourrons désirer l’objet en tant que causant du plaisir, mais c’est toujours la relation de l’objet à notre activité antécédente qui l’a rendu bon pour nous.
Cependant rien non plus ne paraît autoriser une telle hypothèse, et on n’y songerait même pas, si d’autres faits empruntés à d’autres sciences ne donnaient à penser que la nature n’a pas toujours été dans un même état, et qu’elle a eu aussi ses vicissitudes et ses évolutions.
Il le fut toute sa vie, mais naturellement, mais gracieusement, et de pied en cap, bien avant de songer à écrire son Tristram Shandy.
Refaire l’empire romain, ou, pour d’autres, retrouver les consuls de la République, tel fut le songe séculaire des rois étrangers et des patriotes italiens.
Il aime la science pure, et ne s’occupe pas de la vie pratique ; il ne songe pas à réformer le genre humain.
songez que chaque ligne que vous écrivez ne s’effacera plus ; montrez-la donc d’avance à la postérité qui vous lira, et tremblez qu’après avoir lu, elle ne détourne son regard avec mépris.
Ce n’est pas lui qui, à la façon de Raphaël, commencerait par les faire nues ; la main la plus licencieuse n’oserait pas déranger un seul des plis roides de leurs robes ; leur enfant sur les bras, elles ne songent qu’à lui et ne songeront jamais au-delà ; non-seulement elles sont innocentes, mais encore elles sont vertueuses ; la sage mère de famille allemande, enfermée pour toujours par sa volonté et par sa nature dans les devoirs et les contentements domestiques, respire tout entière dans la sincérité foncière, dans le sérieux, dans l’inattaquable loyauté de leurs attitudes et de leurs regards. […] Tel théologien, son ami, songe à donner tous ses biens aux pauvres ; « mais les prendrait-on ? […] La crise de la conscience a commencé, elle est naturelle à cette, race ; ils songent à leur salut, ils s’alarment de leur état, ils s’effrayent des jugements de Dieu, ils se demandent si, en demeurant sous l’obéissance et sous les rites qu’on leur impose, ils ne deviennent pas coupables et ne méritent pas d’être damnés. […] Songez qu’ils n’ont point d’autres livres, que leur esprit est vierge, que toute impression y fera un sillon, que la monotonie de la vie machinale les livre tout entiers aux émotions neuves, qu’ils ouvrent ce livre non pour se distraire, mais pour y chercher leur sentence de vie et de mort ; enfin que l’imagination sombre et passionnée de la race les exhausse au niveau des grandeurs et des terreurs qui vont passer sous leurs yeux. […] » Certainement il songeait à devenir saint autant qu’à devenir roi, et aspirait au salut comme au trône.
C’est à quoi n’ont pas songé les gens qui ont tant raillé le dessin de Delacroix ; en particulier les sculpteurs, gens partiaux et borgnes plus qu’il n’est permis, et dont le jugement vaut tout au plus la moitié d’un jugement d’architecte. — La sculpture, à qui la couleur est impossible et le mouvement difficile, n’a rien à démêler avec un artiste que préoccupent surtout le mouvement, la couleur et l’atmosphère. […] C’est un artiste éminent que les flâneurs seuls apprécient et que le public ne connaît pas assez ; son talent a toujours été grandissant, et quand on songe d’où il est parti et où il est arrivé, il y a lieu d’attendre de lui de ravissantes compositions. […] Les éclectiques n’ont pas songé que l’attention humaine est d’autant plus intense qu’elle est bornée et qu’elle limite elle-même son champ d’observations. […] C’est en vain que le sculpteur s’efforce de se mettre à un point de vue unique ; le spectateur, qui tourne autour de la figure, peut choisir cent points de vue différents, excepté le bon, et il arrive souvent, ce qui est humiliant pour l’artiste, qu’un hasard de lumière, un effet de lampe, découvrent une beauté qui n’est pas celle à laquelle il avait songé.
Rome ne songe pas encore à transporter le dôme du Panthéon, à créer des chefs-d’œuvre ; elle n’a ni sculpteurs, ni peintres, ni poëtes. […] On peut s’étonner que le Tasse n’ait pas songé à placer un troubadour dans sa Jérusalem. […] Veuillez m’entendre comme je parle, et ne jamais songer à notre temps. […] — Songez au massacre de Béziers. […] Songez, en effet, combien les hommes avaient l’imagination vive et facile à ébranler, dans ces temps du moyen âge.
Comparée à la rareté prodigieuse des œuvres réellement immortelles, l’immortalité du nom paraîtra presque chose commune, encore qu’un tel langage ait de quoi faire rire — ou pleurer, si l’on songe aux millions de petits auteurs impuissants qui se seraient bien contentés, les malheureux ! […] Tous les lettrés, comme tous les chrétiens, qui songent trop à leur vie future, ont en eux quelque chose de l’égoïsme qui fait les Chartreux. « Souviens-toi que tu es poussière ! […] — Quand je songe qu’une toile d’araignée te sépare de la grande réputation, et que peut-être il te faudra mourir sans avoir crevé la gaze légère où tu étouffes ! […] Il paraît que l’ingénieux inventeur de la poudre sans fumée ne songeait point au problème du tir invisible ; sa seule ambition était de trouver, pour les armes de petit calibre, un moteur à la fois énergique et doux. […] Tout cela, l’invention et l’exécution, se produit en moi comme un beau songe très distinct ; mais la répétition générale de cet ensemble, voilà le moment le plus délicieux.
Nous lui entendîmes aussi expliquer, dans une prévision de ballet, à Carlotta Grisi, qui dansait alors à Londres et à qui nous l’avions présenté, la Tempête et le Songe d’une nuit d’été de la façon la plus poétique et la plus ingénieuse. […] Du reste, Hernani n’a plus besoin de sa vieille bande, personne ne songe à l’attaquer. […] En tous cas qu’ils songent que ce ne sont pas des meubles qu’ils achètent, mais des reliques. […] Nous songions au spectacle que présentaient les abords de la Porte-Saint-Martin le soir de la première représentation d’Antony, en 1831. […] Les professeurs de rhétorique restaient atterrés devant l’audace de Racine, qui avait désigné les chiens par leur nom dans le Songe d’Athalie, — molosses eût été mieux !
et si l’on songe, non plus à l’auteur de La Monarchie selon la Charte ou à celui des Considérations sur la Révolution française, mais au vicomte de Bonald, au comte Joseph de Maistre, et à l’abbé de Lamennais. […] Le peuple a faim ; que les beaux esprits nous permettent de songer au pain du peuple avant de songer à leur édifier des temples » [Cf. […] Songe-t-on à Shakespeare quand Othello tue Desdémone, et les lecteurs de l’Odyssée se soucient-ils de savoir quel était Homère ? […] — et à ce propos d’une étrange facilité que se donnent les ironistes, — qui est de nous faire croire qu’ils pensent dès qu’ils se moquent. — Les dernières œuvres de Stendhal : Vittoria Accoramboni, 1837 ; — Les Cenci ; La Duchesse de Palliano, 1838 ; — L’Abbesse de Castro, 1839. — La lettre de Stendhal à Balzac, 1840 ; — et les deux phrases devenues célèbres : « La Chartreuse de Parme est écrite comme le code civil » ; — et : « Je songe que j’aurai peut-être quelque succès vers 1880 ». […] Lemaître dans l’autre]. — Que de reprocher à Lamartine de n’avoir point marié Jocelyn et Laurence ; — c’est reprocher à Corneille d’avoir séparé Polyeucte de Pauline ; — et oublier qu’ils n’ont sans doute écrit que « pour les séparer » l’un son drame, et l’autre son poème. — D’une comparaison que Sainte-Beuve a faite de la « poésie de curé de campagne » qu’il feint d’admirer surtout dans Jocelyn ; — avec la poésie de Wordsworth ; — et que c’est louer Jocelyn par son moindre mérite. — Que si ce mérite est en effet réel ; — et s’il y a dans Jocelyn toute une veine de poésie familière : — on y retrouve pourtant aussi le poète des Méditations ; — son sentiment de la nature ; — sa conception de l’amour, toujours aussi chaste dans son expression qu’ardente eu son désir. — On y retrouve cette richesse d’inspiration ; — et cette fécondité descriptive auxquelles on ne peut reprocher, — que de tendre à l’abus d’elles-mêmes. — Et on y retrouve enfin ce caractère « philosophique » de la poésie de Lamartine ; — que nous avons déjà signalé dans les Méditations ; — et qui fait songer par endroits de Fénelon.
. — Songez enfin (ceci entre nous) qu’en politique comme en religion, depuis mille ans, ils sont très-gouvernés, trop gouvernés ; que lorsqu’on est gêné, on a envie de ne plus l’être, qu’un habit trop étroit craque aux coudes et ailleurs. […] Si vous raillez devant eux, songez que vous parlez à des hommes attentifs, concentrés, capables de sensations durables et profondes, incapables d’émotions changeantes et soudaines. […] Pour talent il a la sympathie, car elle est la seule faculté qui copie exactement la nature ; occupé à ressentir les émotions de ses personnages, il ne songe qu’à en marquer la vigueur, l’espèce et les contre-coups.
Nos aînés ont préconisé le culte de l’irréel, l’art du songe, la recherche du frisson nouveau. […] Telle fut l’exégèse de cet art chimérique, de cette fade littérature de songe et de langueurs. […] Vielé-Griffin n’aperçoit la nature que fort lointainement et comme à travers un vague songe lumineux, nous n’éprouvons jamais directement la pensée du poète.
Samedi 19 mai Songe-t-on, combien ça vous rapporte d’être républicain, et se figure-t-on la place qu’aurait l’historien Aimé Martin, s’il était légitimiste ? […] Et il dit avec la voix et les expressions de caresse lui venant à la bouche, quand il parle de ses enfants, que le médecin lui ayant annoncé qu’il n’y avait plus d’espoir à garder, et qu’il fallait seulement songer à la soulager, il avait jeté les drogues dans la cheminée, et l’avait, ainsi qu’il le raconte dans un de ses romans, promenée, bercée dans ses bras vingt-quatre heures, et que le petit être intelligent s’était laissé faire, et avait eu soudain un sourire, dans l’aube du jour… Elle était guérie ! […] Songe-t-on, qu’à la veille de l’anniversaire de 89, un directeur de théâtre est obligé de batailler avec la commission de la censure, un gros quart d’heure, pour garder cette phrase de son auteur : « Je suis prête d’accoucher.
Songez bien qu’il n’y a que de très-grands succès qui puissent justifier votre abandon des mathématiques, où ceux que vous avez déjà eus présagent ceux que vous devez attendre. […] Jamais esprit de cet ordre ne songea moins à ce qu’il y a de personnel dans la gloire.
Songez que les pyramides d’Égypte, rigoureusement orientées, précèdent toutes les époques certaines de l’histoire ; que les arts sont des frères qui ne peuvent vivre et briller qu’ensemble ; que la nation qui a pu créer des couleurs capables de résister à l’action libre de l’air pendant trente siècles, soulever à une hauteur de six cents pieds des masses qui braveraient toute notre mécanique, sculpter sur le granit des oiseaux dont un voyageur moderne a pu reconnaître toutes les espèces ; que cette nation, dis-je, était nécessairement tout aussi éminente dans les autres arts, et savait même nécessairement une foule de choses que nous ne savons pas. […] Et le lendemain, en s’éveillant, il songe à tout autre chose qu’à ce qu’il a fait la veille.
« Moi, qui me suis consacré uniquement à vous rendre le plus important des services, en vous exhortant tous de ne pas songer à ce qui vous appartient passagèrement, le monde et ses biens, pour ne vous attacher qu’à ce qui est l’essence de votre être, votre âme ; à ne pas songer aux intérêts accidentels de la patrie, mais plutôt à la vraie patrie elle-même !
Telle était l’âme, en Beethoven ; telle l’enveloppe ; que l’on songe maintenant, comment il pouvait regarder les choses, autour de lui ! […] On trouve dans cette étude une intelligence de la musique Wagnérienne et une hardiesse bien remarquables, si l’on songe combien étaient, en 1869, rares et insuffisants les moyens de connaître l’œuvre de Wagner, et combien périlleux le rôle de wagnériste.
* * * — Un songe qui vous donne une femme, une femme indifférente, vous laisse quelques heures, au réveil, un sentiment de reconnaissance et comme une ombre d’amour pour cette femme. […] Une pâle vierge à la Holbein apparaît jouant avec des fruits sur une assiette, grignotant, et riant d’un rire de songe… Puis me voici dans la lumière rousse d’un petit café enfumé.
Comme en un pays de la soif, je ne songe qu’à boire, et gonflé d’eau rougie, je passe la journée sur mon lit, dans une somnolence qui est comme un demi-évanouissement. […] » Et comme on lui dit qu’il faut songer à son enfant, vivre pour lui : « Ah !
Lui, vraiment, le seul grand acteur depuis Frédérick-Lemaître, et qui y songe ? […] » Jeudi 28 octobre Porel raconte, ce soir, chez Daudet, que le beau-père de sa femme qui avait gagné près de quatre millions, en trente ans, à fabriquer des uniformes pour les armées du Grand Empereur, disait à ceux qui s’étonnaient, qu’il ne sût pas écrire : « On trouve toujours un imbécile qui sait lire et écrire. » Il affirme avoir gagné 75 000 francs, avec la reprise du Fils de famille, et perdu 80 000, avec Le Songe d’une nuit d’été.
Il faut n’avoir lu sérieusement ni une page des annales des siècles, ni une page de son propre cœur, pour se complaire à ce songe doré de vieux enfants. […] Le songe passe, et l’homme reste.
Les comédies n’étaient alors que des tissus d’aventures singulières, où l’on n’avait guère songé à peindre les mœurs. […] On ne songeait pas que si une tragédie est belle et intéressante, les entractes de musique doivent en devenir froids ; et que si les intermèdes sont brillants, l’oreille a peine à revenir tout d’un coup du charme de la musique à la simple déclamation.
Mignet y a prononcé l’éloge de Jouffroy, mort il y a plus de dix ans, mais qui est encore assez présent par sa physionomie et par ses écrits au souvenir de ses amis et contemporains pour qu’on ait pu songer naturellement à le célébrer.
Je voudrais qu’un esprit aussi fin que le sien eût senti qu’il n’y a pas un si grand mérite à donner du joli et du neuf sur de pareilles matières, et que tout homme qui les traite avec quelque liberté peut s’y montrer spirituel à peu de frais ; non que, parmi les choses sur lesquelles il se donne un peu carrière, il n’y en ait d’excellentes en tous sens, et que même celles où il se joue le plus ne puissent recevoir une interprétation utile ; car enfin, dans tout cela, je ne vois qu’un homme d’esprit qui badine, mais qui ne songe pas assez qu’en se jouant il engage quelquefois un peu trop la gravité respectable de ces matières : il faut là-dessus ménager l’esprit de l’homme, qui tient faiblement à ses devoirs, et ne les croit presque plus nécessaires dès qu’on les lui présente d’une façon peu sérieuse.
Les commissaires, après vingt-quatre heures de réflexion, en passèrent par ces articles, qui ne leur parurent avoir rien d’excessif, et qu’on ne voit pas qu’ils aient songé à débattre.
Les grands hommes n’ont jamais vécu dans les cercles de la bonne compagnie ; ils y paraissent, mais les entraves dont elle accable l’homme supérieur l’en écartent : il vit en famille, avec sa maîtresse (voilà la marque et le petit signe libertin du xviiie siècle, qui se mêle à tout), avec des amis particuliers ; il cherche la confiance, et il n’a pas besoin des petits succès de la société pour s’assurer de sa valeur… Ce qui ne peint pas moins M. de Meilhan que son moment de société, c’est que dans ce regret général qu’il exprime de voir les caractères s’effacer de la sorte, il trouve moyen de songer même à la disparition prochaine des grands fats et des Alcibiades qui vont chaque jour en diminuant ; il le dit d’ailleurs d’une manière piquante : Il est des genres dans la société qui se perdent ; c’est ainsi que certains poissons, après avoir longtemps abondé sur les côtes, disparaissent pour des siècles.
Jusqu’ici, en parlant des universités de la Péninsule, Vicq d’Azyr n’avait en vue que de loin l’université de Paris, bien autrement pratique et avancée pour la branche médicale ; mais il y songeait manifestement et il y faisait une allusion qui devait être sentie de tous, lorsqu’il ajoutait : Semblable aux vieillards qui racontent avec enthousiasme ce qu’ils ont vu dans leur jeunesse et qui refusent d’apprendre ce que les modernes ont découvert, la plupart des anciens corps enseignants prodiguent des éloges aux âges qui les ont précédés, et se traînent péniblement après le leur.
Marcotte, devinant et pressentant la nature du mal de Léopold Robert, avait songé à y opposer le seul remède qui aurait peut-être réussi à le combattre et à en conjurer les suites funestes ; il lui conseillait le mariage.
. — Le roi à son lever parla fort sur les courtisans qui ne faisaient point leurs Pâques, et dit qu’il estimait fort ceux qui les faisaient bien, et qu’il les exhortait tous à y songer bien sérieusement, ajoutant même qu’il leur en saurait bon gré.
C’est là un défaut de jugement insupportable de n’avoir pas songé au temps où il écrivait, ou une présomption très condamnable de s’être imaginé que, pour entendre ce qu’il faisait, le peuple se ferait instruire des mystères de la religion païenne.
Thiers a songé à faire la critique de tant de fausses manières historiques du jour, de tant de figures d’historiens à nous connues ; mais en les voyant de toutes parts, à droite et à gauche de la rive, se réfléchir dans sa parole limpide comme dans un ruisseau, elles ne m’ont jamais paru plus contournées ni plus grimaçantes.
« Rien que les larmes, disait-elle, font croire à l’immortalité. » — Et de ses lectures : « Ce n’est pas pour m’instruire, c’est pour m’élever que je lis. » Mlle de Guérin, dans sa piété de plus en plus épurée, caressait pourtant une idée encore terrestre, c’était de voir recueillis en un volume les productions, les essais trop épars de ce frère chéri et qui, tout à la poésie, n’avait pas eu le temps de songer à la gloire.
Mme de Créqui ne paraît avoir songé en aucun temps à émigrer.
Pour le poète tendre, quel songe plus doux que de rencontrer à la lisière d’un bois La Fontaine égaré, au moment où il a trouvé de beaux vers ?
Il fait songer d’avance par ce malin portrait à ceux d’Hamilton, bien qu’il n’ait pas le léger d’Hamilton ni cette fine ironie presque insensible.
Telle qu’elle est dans son magnifique débris, et plus mutilée qu’un temple de Paestum, son histoire nous apparaît encore la plus digne qui se puisse concevoir du peuple-roi, et quand Scipion l’Africain, s’adressant à son petit-fils dans ce beau songe, lui dit que « de tout ce qui se fait sur la terre, rien n’est plus agréable à ce Dieu suprême qui régit tout cet univers que les réunions de mortels associés par les lois et que l’on nomme cités », il lui désigne en effet l’empire romain, la merveille de cette république et de cet empire tel que Virgile l’a rassemblé en idée sur le bouclier divin de son héros, et tel que le seul Tite-Live le décrira.
On put craindre par moments qu’il n’attentât à ses jours, et il paraît y avoir en effet songé.
Ce n’est que plus tard que Brizeux a songé tout de bon à se faire Breton ; dans le poème de lui qui porte ce titre, Les Bretons, il a réussi dans deux ou trois grands et vigoureux tableaux ; l’ensemble manque d’intérêt, et le tout est dénué de charme.
Ce ne sont plus vraiment des étrangers, ils sont de Paris (le Suisse Bezenval n’était plus de Soleure, mais bien de Versailles), et l’on ne songe à les rattacher à leur première origine que lorsque, comme Grimm et Galiani, ils s’en retournent vieillir et mourir au dehors.
Le fait est qu’on ne songe même pas à l’âge de M.
On ne pouvait songer au salpêtre de l’Inde, puisque la mer était fermée.
Il songeait à la senteur des pâturages par les matins d’automne, à des flocons de neige, aux beuglements des aurochs perdus dans le brouillard, et, fermant ses paupières, il croyait apercevoir les feux des longues cabanes, couvertes de paille, trembler sur les marais, au fond des bois. » C’est la contrepartie et comme la revanche de ce beau passage des Martyrs ou l’on voit le Grec Eudore, dans le camp romain, à la lisière de la Gaule et de la Germanie, regretter les paysages éclatants de la Grèce et s’ennuyer sous « ce ciel sans lumière, qui semble vous écraser sous sa voûte abaissée.
Rends honneur à tout, à l’antiquité, aux hauts faits du passé, aux fables elles-mêmes…, etc. » Le précepteur et professeur peut continuer longtemps sur ce ton : le spirituel élève d’Athènes, à peine débarqué, songea bien vraiment à ces recommandations de ses maîtres !
On craint toujours, par un titre présomptueux, de rappeler Bossuet pour ce célèbre Discours sur l’Histoire universelle, et l’on a raison si l’on songe à la grandeur du talent déployé et à l’élévation du monument.
Il était arrivé à la perfection ; il semble qu’il n’avait plus qu’à mourir… Songeons pourtant que, s’il lui avait été donné de vivre Page de son père, soixante-dix-sept ans, il serait mort seulement en 1809.
A y bien songer, on trouvera qu’il est convenable et juste que la gloire ainsi remonte, qu’il y ait réversibilité, que l’ancêtre (antecessor) profite de la célébrité du descendant, et que, par une sorte de culte religieux comme en Chine, les aïeux gagnent et croissent en honneur par les mérites mêmes de leurs petits-neveux.
On n’écrivait pas de lettres au siège de Troie ; il n’est jamais question d’écriture dans Homère ; mais les Grecs songeaient plus aux convenances dramatiques qu’à l’exactitude historique.
Ses études terminées, le jeune homme songea à prendre un état ; il essaya du barreau et entra quelque temps dans une étude de procureur.
Aujourd’hui que l’on s’occupe beaucoup de cette question dans notre monde médical, j’ai trouvé intéressant de signaler ce fait, auquel n’ont probablement pas songé les auteurs du roman, ils ont fait mourir leur héroïne d’un rhume négligé, mais ils ont tracé les caractères et la marche du mal d’une manière que ne renierait pas l’auteur du meilleur Traité de clinique médicale que nous possédions. » Questionné à ce sujet précis par le Dr Cabanès, Ed. de Goncourt répondit textuellement dans une lettre : « Pour Germinie38 ça s’est passé ainsi dans la nature, la pleurésie a précédé la tuberculose », et une autre fois « … j’ai décrit un cas de pleurésie prétuberculeuse, c’est bien l’expression technique ?
comme personne ne s’occupe d’eux, personne ne songe à les attaquer.
Cette concordance continue du physique et du moral produit cette conséquence, que Descartes ne considère pas les passions du point de vue sentimental, mais du point de vue pratique : elles ne valent pour lui que par l’action qui les suit ; il ne songe pas à en composer la vie de l’âme, abstraction faite du reste.
Nombre de prélats grands seigneurs se désintéressaient de la défense de l’Eglise, coquetaient avec ses ennemis, dont l’esprit amusait leur esprit, tandis que d’autres ne songeaient qu’à jouir de la liberté du siècle.
Actuellement elle ne songerait certes pas davantage à faire un praticable comme on dit au théâtre, pour inviter à prendre place parmi ses élus un noble esprit aussi vigoureux, aussi libéré, aussi clair que celui de Remy de Gourmont, un esthète et romancier aussi sain que Joséphin Péladan, un poète et critique tel que Paul Claudel, un prodigieux penseur comme André Suarès… Cela, avouons-le, est dans la norme.
Je ne saurais m’empêcher de pleurer toutes les fois que j’y songe.
Il était de ceux à qui le plaisir de penser et d’écrire en liberté tient lieu de tout, et un moment il songea à se livrer sans réserve à cette passion dans un pays libre et en renonçant au sien.
Voilà une soif allégorique d’une explication nouvelle et à laquelle les commentateurs n’avaient pas encore songé.
Comme on préparait, vers le temps de sa mort, une nouvelle édition de ses Voyages, et que l’un de ses amis avait songé que ce pourrait être une occasion de faire appel à la justice, il écrivait (8 janvier 1852) : En résumé, mon cher ami, je vous le répète, celle publication me fera plaisir, et j’espère qu’elle me donnera quelque jouissance.
Et, quand ils sont dans la disgrâce et qu’on les envoie à leurs maisons des champs, où ils ne manquent ni de biens, ni de domestiques pour les assister dans leurs besoins, ils ne laissent pas d’être misérables et abandonnés, parce que personne ne les empêche de songer à eux.
Et il finit pourtant par exprimer l’espoir que les arts, allant toujours vers l’Occident, franchiront un jour ou l’autre la grande mer, et qu’après avoir pourvu aux premières nécessités de la vie, on en viendra à songer à ce qui en est l’embellissement.
Des hommes sont morts d’un coup d’épée parce qu’un maladroit leur avait froissé l’orteil, qui, délivrés du joug de la coutume, n’eussent point songé à mettre en péril la vie même de leur offenseur.
Il y a derrière ces deux principales figures, dont la position, les vêtemens, les draperies, les plis sont si justes, qu’on ne songe pas à les vouloir autrement, un porte-dais et quelques autres ecclésiastiques assistans avec des cierges, des flambeaux et la croix.
Quand j’y songe, je trouve Shakspeare bien heureux d’être Anglais.
On peut suivre les progrès des idées morales chez les païens, en comparant la nécromancie d’Homère dans l’Odyssée, le Tartare et l’Élysée de Virgile, le Songe de Scipion, et enfin l’Enfer de Plutarque, dans son traité des Délais de la Justice divine.
Il serait bon que l’homme songeât moins à s’élever, lui, qu’à diriger dans l’avancement ses enfants ou ses petits-enfants.
Comme les personnages de ses récits, il est païen, mais on le lui pardonne, et s’il est moins innocent qu’eux, parce qu’il en sait davantage, il songe si peu à être autre chose qu’un écrivain aimable et sincère, que les chrétiens n’auront pas grand’peine à lui témoigner une sympathie plus personnelle encore que la charité.
D’Henri de Régnier, ils n’admettent que ses vers réguliers, alors que les pages des Roseaux de la Flûte, d’Aréthuse, de Tel qu’en songe, de la Corbeille des heures et des poèmes comme le Sang de Marsyas et Pan, parmi bien d’autres de la Cité des Eaux, contiennent des strophes dans lesquelles le défaut de rythme classique ne diminue pas un instant l’harmonie et l’inspiration.
La primauté de l’Orient pour les choses d’imagination semble si naturelle qu’elle fut longtemps exclusive, et qu’on ne songeait pas même à en faire la remarque.
Ne songeons qu’à nous consoler de nos mémorables pertes et qu’à fermer nos blessures : on ne m’entendra plus adresser d’applications, désormais superflues, à l’homme en qui je reconnus bientôt assez de force d’esprit pour égarer les peuples, mais point assez de supériorité de génie pour les conduire. […] Un seigneur n’eut pas honte de lui reprocher sa lenteur à finir une paraphrase des psaumes qu’il lui avait promise ; et Camoëns lui répondit avec douceur que, détourné de la poésie par l’indigence, il ne songeait qu’à trouver le moyen d’acheter un peu de charbon qui lui manquait. […] On ne songea pas à rétablir cet humble monument, en réédifiant l’église renversée où l’inscription de Camoëns avait été détruite, comme si le sort l’eût voulu dépouiller même après son trépas. […] Songez que si l’effort de Lebrun nous paraît plus puissant et plus heureux, cet effort ne fut que passager, tandis que Delille, qui prolongea le sien durant la traduction entière de l’Énéide, l’eût peut-être aussi hautement soutenu s’il ne nous en eût transmis qu’un épisode. […] Nisus ne songe pas à l’idée d’un sacrifice, il appelle Euryale, et s’écrie : « … Audendum dextrâ !
Elle songeait, elle cherchait si la mort était là. […] Ce défilé muet, se bousculant sur les pavés, dans le froid du matin, faisait songer à une armée en marche, allant à quelque bataille dont pas un des soldats ne devait revenir. […] Tous songeaient en eux-mêmes : les femmes avec leurs paupières abaissées et leur regard voilé, les titis de la galerie avec l’immobilité de leurs mains gesticulantes paralysées sur le rebord du bois. […] Elle songeait à son neveu, et, n’ayant pu lui rendre ces honneurs, avait un surcroît de tristesse, comme si on l’eût enterré avec l’autre. […] Son joli cou est légèrement tordu, sous la gaze légère sa poitrine virginale se gonfle un peu ; songez qu’elle est essoufflée et qu’il faut reprendre haleine pour répondre à l’audacieux.
Sa sympathie s’émeut à songer combien ils sont près, et si distants, si perdus ! […] … » songe le romancier. Et comme ce mes est un beau cri d’artiste littéraire qui prend possession d’une terre et de ses trésors de songe ! […] À cette heure encore, il ne s’est pas réveillé du songe d’orgueil qui l’a précipité et, avec lui, son peuple dans une aventure aujourd’hui jugée. […] De songer seulement que cela s’est passé ainsi, que des hommes ont traversé cet enfer, et pour nous, serre trop le cœur.
La perte de cet homme, auteur de tant de désordres, parut une calamité réelle ; et quand on songe à ses indignes successeurs, on conçoit ces regrets qui furent presque universels. […] Je songe, avec un sentiment mêlé d’admiration et de regrets, que ce temple, orné de tous les trophées de la valeur, s’éleva dans un siècle de génie, aussi fécond en grands écrivains qu’en illustres capitaines. […] Elle ne se connaît point elle-même ; son charme se laisse apercevoir sans qu’elle y songe. […] Si la plupart des cultes antiques ont consacré la cendre des morts, ils n’ont point songé à préparer l’âme pour ces rivages inconnus d’où on ne revient jamais. […] Continuons le développement de cet ouvrage, et que les lecteurs songent qu’un tel sujet a son langage propre et ses expressions consacrées.
Samedi 23 juillet Je voudrais rêver de lui ; ma pensée, toute la journée occupée de lui, l’espère la nuit, appelle, sollicite sa douce résurrection dans la trompeuse réalité du songe. […] » Un cri poussé sur une note étrange et qu’on dirait un memento funèbre, une espèce d’avis discrètement formulé, mais voulant dire : « Messieurs les militaires, si on songeait un peu à son testament ? […] » Berthelot continue : « Si l’on ne fait pas sauter les écluses du canal de la Marne, toute la grosse artillerie de siège des Prussiens arrivera, comme sur des roulettes, sous les murs de Paris, mais songera-t-on à les faire sauter… Je pourrais vous raconter des choses comme cela jusqu’à demain matin. » Et comme je lui demande s’il espère faire sortir, du comité qu’il préside, quelque engin de destruction : « Non, non, on ne m’a donné ni argent, ni hommes, et je reçois 250 lettres, par jour, qui ne me donnent le temps de faire aucune expérience. […] On s’arrête à cette phrase : « La condamnation sera exécutée, séance tenante, par le piquet commandé pour garder le lieu de la séance. » Et on songe avec un petit frisson qu’on entre dans le dramatique et le sommaire du siège. […] Alors je songeais à m’adresser à la princesse Mathilde, que je ne rencontrais pas chez elle, mais dans un bâtiment ressemblant à un Hôtel de ville de l’étranger.
Quand songera-t-on à réunir en un seul monument toute sa Correspondance ? […] Ce qu’il y a de certain, c’est que tout ce que vous me dites de vous m’affecte et me pénètre ; que je vous plains, que je sens vos malheurs comme les miens et que je voudrais que vous eussiez autant de plaisir à vous épancher avec moi que j’en goûte à m’épancher avec vous, et que je n’eus jamais d’attachement plus solide, plus vrai, et qui fît plus la consolation de ma vie, que celui que vous m’avez inspiré. » (29 juin 1763.) — Et le 10 septembre, même année : « Si je pouvais trouver en France un coin où vivre en paix et vous voir quelquefois, je serais heureux… » — Et le 30 octobre : « Je vois chaque jour mieux quelle amie m’est restée en vous, et j’oublie presque toutes mes pertes quand je songe à ce qui m’est laissé. » — Le 6 janvier 1765 ; « Daignez m’écrire plus souvent, je vous en supplie ; un mot me suffit, mais j’ai besoin d’un mot. » — Tant de passages significatifs que je pourrais multiplier encore montrent assez la vérité et la vivacité de ce sentiment dans l’âme de Rousseau avant qu’elle s’altérât.
Ses ouvrages d’ailleurs sont des plus intéressants par les côtés historiques ; ils sont riches en détails de toutes sortes sur la vie littéraire, sur ce monde des rhéteurs et des grammairiens, et sur les nuances précises qui séparaient les uns des autres, sur la vie domestique, sur les mœurs de cette société avancée qui ne songe qu’à couler la vie dans de charmantes villas, sur les rives du Rhin et de la Moselle, et qui s’amuse à analyser ses jouissances en vue des Barbares qui déjà s’amoncellent, et à la veille de la grande invasion qui va déborder sur le monde. […] Le xviie siècle littéraire, qui s’inaugurait sous les auspices de Malherbe et de Balzac, avait trop à faire, trop à songer à ses propres œuvres, à sa propre gloire pour revenir ainsi en arrière ; il avait sa langue immortelle à épurer, à fixer : il eût craint de se gâter l’élocution et le goût en retournant à de vieux jargons.
Jean Royère ne songe qu’au grand art ; il en disserte avec une compétence et une ferveur remarquables. […] Songez à la meute qui le harcèle !
Mais d’abord hâtons-nous de vous dire que l’invention n’en appartient pas à Goethe, pas plus que l’invention d’Ahasvérus, l’homme immortel, n’appartient aux innombrables poètes qui ont chanté ce songe universel de l’expiation par la vie ; pas plus que l’invention de don Juan, cette moquerie incarnée de la vertu, de l’amour dans la fidélité de don Juan, ce vampire de la femme, n’appartient à l’Espagne ou à la France. […] … songez à moi quelquefois un petit moment ; j’aurai assez de temps pour me souvenir de vous !
Goethe, véritable Apollon dans sa maturité forte et sereine, régnait par droit de nature encore plus que par droit d’aînesse et de rang sur son jeune émule ; mais Goethe était sans jalousie comme la toute-puissance ; au lieu d’éloigner ou d’éclipser son rival de célébrité, il songea généreusement à l’élever jusqu’à lui et à l’attacher par des liens de reconnaissance à la cour de Weimar. […] Frappé des beautés frustes, mais dramatiques, de la pièce des Brigands, et des beautés littéraires de Fiesque et de la tragédie de Don Carlos, il songeait déjà à appeler Schiller d’Iéna à Weimar, pour y faire écrire et représenter ses chefs-d’œuvre sur la scène du palais.
« Allons, allons, dit la mère à la fille, tout cela n’est que songe, folie, badinage d’esprit ; ne vas-tu pas te faire du chagrin pour cette Ginevra imaginaire et pour cet Ariodant fantastique ? […] — Eh bien alors, reprit avec un fol enjouement Léna, laisse sécher tes yeux au vent de mer et ne songeons plus qu’à faire des bouquets. » En parlant ainsi, elle prit à deux mains la tête de la belle enfant, la posa de force à la renverse sur ses genoux, et, découvrant le front des tresses blondes qui tombaient sur les yeux de sa fille, elle lui tourna le visage vers le ciel bleu au-dessus de l’arbre, et vers la mer, plus bleue que le ciel ; puis, agitant légèrement l’air avec son éventail de papier vert, elle étancha en riant les larmes de l’enfant avec le double vent de la mer et de l’éventail.
Quand on songe aux grands écrivains et aux grands penseurs du xixe siècle, il n’y a qu’à hausser les épaules et à rire de voir, comme dit l’autre : des pigmées Burlesquement raidir leurs petits bras Pour étouffer si hautes renommées. […] » Songez au bouillonnement de passions et de rancunes que cette question eût soulevé chez les émigrés, les bonapartistes, les anciens régicides et les ultras.
Elle était digne de Bossuet, et j’admire qu’avec une science si profonde des cœurs, quand il pouvait les ouvrir, pour ainsi parler, et les étaler tout vifs sur la chaire, il aime mieux poursuivre et harceler son auditoire d’austères explications du dogme, et songe plutôt à lui faire peur de ne pas croire qu’à l’intéresser par l’imagination à bien agir. […] On a songé à réfuter Pascal, et Bossuet n’a jamais été contredit.
Mais j’y songe. […] Il n’est pas besoin de rechercher si, comme l’a raconté Marmontel, Rousseau songeait à défendre les sciences et les arts, et si l’idée de les attaquer lui vint de Diderot.
Mais les événements qui suivirent, sa fuite de Munich, la nouvelle impossibilité ce songer à une exécution d’une œuvre telle que le Ring, semblent avoir bientôt interrompu ce travail ; et pendant les deux aimées suivantes, 1866 et 1867, nous le voyons exclusivement occupé, dans son asile sur le lac de Lucerne, à terminer la partition des Maîtres Chanteurs, à laquelle il travaillait — avec interruptions — depuis 1862. […] Voilà mes modestes hypothèses, monsieur, je songe souvent à la consolante joie qu’aurait Wagner, s’il vivait encore, en voyant nos Wagnériens et leur wagnérisme.
Pour ma convalescence (d’une crise de foie), comme il va nous tomber 3 000 francs du reste de la vente de notre petit terrage de Breuvannes, nous songeons à les consacrer à l’achèvement de notre salon. […] Le théâtre étant encombré de pièces dans le moment, Les Hommes de lettres ne sont pas reçus… Dans la journée, nous songeons à livrer encore une bataille sur le terrain choisi par nous, à faire tout le contraire de ce qui se fait ordinairement, — à tirer un roman de notre pièce.
* * * — Quand on est très ennuyé, la vie perd de sa réalité ; il semble qu’il y ait du songe dans les faits, les spectacles, les passants. […] Une place, est-ce qu’ils ont jamais songé à me donner une place… Dans leurs musées, c’est la même chose.
Dans cette synthèse complexe, où sont représentés tous les âges, toutes les humeurs, tous les ordres d’intelligence et de moralité, les grands événements et les petits faits journaliers, ce n’est pas telle situation ou tel caractère qui concentre l’intérêt et qui le particularise, mais bien l’ensemble de ce monde artificiel aménagé par merveille et étendu au point que tout homme peut songer y vivre. […] Mais pour des esprits comme celui de Tolstoï, que cette vie scandalise et qui tout à coup en viennent à songer que, mauvaise et absurde, elle est courte, sans espoir de rachat, sans le temps de changer ; la pensée qu’après une soixantaine d’années de péchés et de souffrances, il viendra inévitablement pour tout homme un mystérieux moment où, misérablement, il cessera d’être sans que ce globe s’arrête de fuir dans l’espace et les jours de se suivre, est intolérablement amère.
Dostoïewski poussant plus loin encore la déformation que ces observateurs passionnés font subir à ce qu’ils voient, en vient, à force de perpétuel et trépidant émoi, à fantastiser, si l’on peut dire, la réalité, à réduire les personnages en des sortes de fous constamment furieux ou hagards, les descriptions en hallucinations de songe, les scènes en péripéties de cauchemar, et agit ainsi sur le spectateur, moins par le contenu réel de ce qu’il lui montre, que par le sentiment qu’il donne de l’état de conscience trouble et dément dans lequel l’auteur dut se trouver pour déformer ainsi tout ce que le monde lui montre. […] Lourd d’une tristesse royale, Mon front songe aux soleils enfuis… Oh !
Il a de belles paroles qui lui échappent sans qu’il y songe.
Pourtant, quand la guerre éclate, quand la Turquie (elle le pouvait alors) se pique la première, et lorsqu’on apprend que l’ambassadeur russe a été mis aux Sept-Tours, Catherine, rentrée dans sa capitale, reçoit ces événements d’un air moins joyeux qu’elle ne les avait provoqués : elle redevient ce qu’elle était en réalité, une souveraine pour l’histoire bien plus que pour le roman, et ne songe plus qu’à se procurer le moins difficilement quelques résultats possibles et solides.
Il semble, en plusieurs de ses sermons, y avoir songé et y avoir répondu : qu’on lise dans cette pensée le sermon Sur l’injustice du monde envers les gens de bien et celui surtout Sur la médisance : Les traits de la médisance, dit-il, ne sont jamais plus vifs, plus brillants, plus applaudis dans le monde que lorsqu’ils portent sur les ministres des saints autels : le monde, si indulgent pour lui-même, semble n’avoir conservé de sévérité qu’à leur égard, et il a pour eux des yeux plus censeurs et une langue plus empoisonnée que pour le reste des hommes.
Pendant la traversée en Angleterre, le jeune homme pensait plus volontiers à la poésie qu’à autre chose, et, malgré le mauvais temps et sans se soucier de la grosse mer qu’il faisait, il ne songeait, nous dit-il, qu’à finir un rondeau pour sa dame.
. — En parlant ainsi, il ne saurait me venir à la pensée de faire injure à la Restauration, dont j’apprécie les mérites et les hommes : je ne songe qu’à l’unité dominante qu’on aime à voir dans l’étude d’une vie, à cette lumière principale qui tombe sur un front, et si en ceci je parais sentir un peu trop l’histoire en artiste, qu’on me le pardonne.
C’est encore là un point délicat, et je craindrais qu’un annotateur et un commentateur qui ne serait pas net et sobre ne prît occasion de ces endroits pour en tirer des idées et des inductions un peu autres que celles auxquelles Buffon a réellement songé.
Et ici remarquez qu’il ne fait pas comme dans le discours de Metz où il songeait bien plus à diviser, à approfondir son sujet qu’à le rendre manifeste ; il ne raisonne plus pour lui seul, il pense à ses auditeurs, il ne les perd pas de vue un seul instant : «Ô largeur, ô profondeur !
Il ne lui était pas donné de se perdre à volonté ni de se faire oublier ; il était à peine entré à l’assemblée des États généraux, que, dans l’embarras de nommer un doyen ou président, on l’élut au moment où il y songeait le moins : On n’imaginera pas facilement, dit-il, à quel point je fus affligé et atterré de cette nouvelle.
L’hiver et l’année suivante se passent pour Louis XIV à aider Jacques II dans son infructueuse expédition d’Irlande : d’ailleurs on ne voit pas qu’il songe à rien de décisif sur le Rhin ni qu’il veuille frapper aucun coup pour déconcerter la ligue ennemie.
Chacun songe et discourt, et dit qu’il a raison.
. — Oui, ennuyeux tant que vous voudrez ; ils parlaient de ce qu’ils ne savaient pas bien, ils entreprenaient un jeune homme qui y était peu propre, ils allaient comme sont allés si souvent nos théoriciens prêcheurs, tout droit devant eux et à tort et à travers ; mais l’idée pourtant, l’idée française d’une histoire suisse à faire, — du besoin qu’on avait d’une histoire suisse, — restait attachée à l’imagination et enfoncée dans l’esprit de Bonstetten ; il emportait sans y songer l’aiguillon ; et lorsque trois ans après, il rencontre Jean de Muller au seuil de sa magnanime entreprise, mais encore incertain sur la forme, sur l’étendue, sur la plénitude du dessein, Bonstetten se souvient à l’instant et se sert de l’aiguillon qu’il a reçu, et, devenu prêcheur à son tour, il pousse, excite et soutient son ami dans la grande carrière.
Rien assurément ne ressemble moins à ses Mémoires que le Journal de d’Ormesson ; l’auteur n’a pas songé une seule fois à être piquant.
Elle a été galante, elle a été légère, elle a ébloui les yeux des princes et de ceux qui sont devenus rois ; elle n’a pas cru qu’on dût résister à la magie de sa beauté ni qu’elle dût y résister elle-même ; elle a tout naturellement cédé et sans combat, elle a triomphé des cœurs à première vue et n’a pas songé à s’en repentir ; elle a obéi à cette destinée d’enchanteresse comme à une vocation de la nature et du sang ; il lui a semblé tout simple de jouer tantôt avec les armes royales de France, et tantôt avec celles d’Angleterre qu'elle écartelait à ses panneaux : mais tout cela lui a été et lui sera pardonné, à elle par exception ; tous ses péchés lui seront remis, parce qu’elle a si bien pensé, parce qu’elle a si loyalement épousé les infortunes royales, comme elle en avait naïvement usurpé les grandeurs ; parce qu’elle est entrée dans l’esprit des vieilles races à faire honte à ceux qui en étaient dégénérés ; parce qu’elle a eu du cœur et de l’honneur comme une Agnès Sorel en avait eu ; parce qu’elle a eu de l’humanité au péril de sa vie, parce qu’elle a confessé la bonne cause devant les bourreaux, et qu'elle a osé leur dire en face : Vous êtes des bourreaux !
Accueilli à Choisy-le-Roi, dans une maison hospitalière, chez le général Blein, il craint tout à coup d’avoir dépassé le terme convenable et de devenir importun à ses hôtes ; en conséquence, il songe à se détruire.
Dieu m’est témoin, vieux pères, que ma seule joie, c’est que parfois je songe que je suis votre conscience, et que, par moi, vous arrivez à la vie et à la voix. » Et voilà l’homme qu’une partie de la jeunesse française refuserait d’écouter avec respect, parlant dans sa chaire des études et des lettres religieuses et sacrées, sous prétexte qu’il a, comme critique, des opinions particulières !
Là encore on peut se figurer une fin touchante d’un père malheureux qui, caché dans son petit jardin du faubourg Saint-Denis, y recevant de loin en loin la Visite de quelque jeune poète déférent et respectueux, d’un abbé Delille naissant, ne songe plus pour son compte qu’à mourir en chrétien, latendo et tacendo.
À la suite de ce songe, et quand l’enfant vient au monde, les époux, n’osant l’étouffer, l’exposent sur mer dans une nacelle et l’abandonnent.
Il n’est pas gêné d’outre-passer les ordres de la Cour ou même de les supprimer, pour peu qu’ils puissent ralentir sa marche : « M. de Torcy m’a envoyé, au mois de juillet, un arrêt du Conseil portant rétablissement d’un ministre pour baptiser les enfants de la Religion prétendue réformée, mais je n’ai pas jugé à propos de l’exécuter. » À quoi bon songer à baptiser des nouveau-nés, quand on est en train, de supprimer d’emblée tout le peuple dissident, d’abolir la secte tout entière ?
Montesquieu, préoccupé du piquant, du frappant, citera jusqu’à cinq et six fois Florus dans son Essai sur le Goût ; il n’a pas songé une seule fois à citer Térence.
Reviens demain encor m’enchanter d’un beau songe.
» vous qu’un sang généreux pousse aux nouvelles et incessantes conquêtes de l’art et du génie, et qu’impatiente, qu’ennuie à la fin cet éternel passé qu’on déclare inimitable, veuillez y songer un peu : les Anciens, si vantés qu’ils soient, ne doivent pas nous inspirer de jalousie ; trop de choses nous séparent ; la société moderne obéit à des conditions trop différentes ; nous sommes trop loin les uns des autres pour nous considérer comme des rivaux et des concurrents.
Armand Lefebvre, sans songer à se poser le cas d’une manière si générale, a observé le précepte ; à force d’interroger les faits et de les serrer de près, ils lui ont répondu en ce sens.
C’était étrange, c’était nouveau… il n’en fallait pas davantage pour que mon Dumas fût empaumé, je devrais dire emballé, car il fut, dès le principe, un des plus fervents adeptes des nouvelles doctrines, un adepte, plutôt un apôtre, prêchant d’exemple et de parole : “Songez donc, me disait-il, la vie de l’être, de l’Humanité, est là toute entière !
C’est un miracle du talent que d’arracher ceux qui vous écoutent, ou qui vous lisent, à leur amour-propre ; mais si les défauts de goût offrent aux juges, quels qu’ils soient, une occasion de montrer, en vous critiquant, l’esprit qu’ils ont eux-mêmes, ils la saisissent nécessairement, et ne songent plus ni aux idées, ni aux sentiments de l’auteur.
Et le xixe siècle sans y songer, par une évolution naturelle, s’est vu ramené plus près de Despréaux que le xviiie siècle n’a jamais été : si l’on regarde du moins les lois qui règlent la pratique, et non la méthode qui les établit.
Un tel peuple vit au jour le jour ; il songe à se défendre, à exister ; il est tout entier occupé de son établissement ; il est trop au présent pour s’inquiéter de connaître le passé.
Il me semble superflu de rappeler cette condition et je n’y aurais pas songé si on n’avait soutenu dernièrement que la physique n’est pas une science expérimentale.
» Pour nous, quand le temple s’écroule, au lieu de pleurer sur ses ruines, songeons aux temples qui, plus vastes et plus magnifiques, s’élèveront dans l’avenir, jusqu’au jour où, l’idée, enfonçant à tout jamais ces étroites murailles, n’aura plus qu’un seul temple, dont le toit sera le ciel !
On ne peut assez le répéter : la loi du progrès des systèmes n’a lieu qu’autant que leur production est parfaitement spontanée et que leurs auteurs, sans songer à se devancer les uns les autres, ne sont attentifs qu’à la considération intrinsèque et objective des choses.
Je songe à me connaître, et me cherche en moi-même.
Honnête comme on nous l’assure, elle ne peut songer à débaucher son ancien amant du berceau de son enfant, des bras de sa femme.
Un des effets bizarres de cette plaisante victoire de Montlhéry, c’est qu’elle enfle tellement le cœur de Charles, que, depuis ce jour-là, se croyant un Alexandre, il ne rêve plus que guerre et conquête (lui qui n’y avait point songé auparavant), et qu’il n’use plus du conseil de personne.
Chaulieu put s’apercevoir, dès lors, de ce que valent, au fond, les protections et les promesses de cour : Tout le monde, écrit-il à sa belle-sœur, va à son intérêt, sans songer à ceux des autres ; et les services et les bienfaits ne sont, ma belle dame, que de fort méchants titres pour obliger les gens à faire quelque chose qui choque, de fort loin seulement, le moindre de leurs desseins.
Pendant que les Lacédémoniens assiégeaient Athènes, Bacchus, dit Pline, apparut plus d’une fois en songe à Lysandre leur roi, l’avertissant qu’il eût à ne pas troubler l’enterrement de celui qui avait fait ses délices, les délices de Bacchus dont les fêtes à l’origine se confondaient avec les solennités du théâtre.
Il y passe une grande variété de personnages qui causent familièrement et se peignent eux-mêmes sans y songer.
C’était (sauf des différences qu’il serait trop long ici d’expliquer), c’était en somme une tentative de réorganisation de la justice en France sur un plan uniforme et d’après l’idée d’une législation homogène ; mais les auteurs de ce plan avaient bien moins songé à l’ordre judiciaire et à la justice en elle-même qu’aux conséquences politiques de cette mesure dans les difficultés extrêmes où ils se trouvaient.
Cette solennité pathétique fait un peu sourire, quand on songe que tout cela n’avait pour effet que d’associer Beaumarchais à des gains d’affaires, à des intérêts dans les vivres, et de le rendre riche à millions.
Longtemps il crut avoir trouvé cet ami plus ferme de volonté et de dessein dans la personne de M. de Lamennais ; mais ces volontés plus fortes finissent souvent, sans y songer, par nous prendre comme leur proie et par nous jeter ensuite comme une dépouille.
Et quand on songe qu’une seule suffit pour interdire qu’on soit liseur, on comprend que La Bruyère, ou tout autre auteur, soit effrayé des obstacles qu’il a à vaincre et du petit nombre de personnes qui restent, non pas pour lire son livre, mais pour n’être pas dans l’impossibilité de l’ouvrir.
On voyait qu’il ne poursuivait que le vrai, qu’il y employait toute sa force, qu’il n’en dépensait rien pour des intérêts étrangers, qu’il ne songeait ni à briller ni à plaire, qu’il était penseur et non orateur, qu’il se servait de la parole par occasion et non par amour de la parole.
On se dit que c’est grand dommage, quand on songe à la bonne foi, à la ferveur et au don d’expression des deux frères. […] Cette statistique est effrayante, si l’on songe avec quelle facilité, avec quelle ingéniosité aussi les profiteurs de cet infâme commerce dissimulent leur marchandise, et quelle est l’étendue de leur clientèle. […] Bien loin de songer à grever ce livre d’une taxe nouvelle, tout l’effort du législateur ne devrait-il pas consister à en alléger la confection ? […] Cette observation scientifique nous apprend qu’il y a, dans les phénomènes économiques, une interdépendance, et qu’une réforme sur un point donné a son retentissement sur des points auxquels le réformateur n’a pas songé. […] Reconstituer ce patriciat, qui donc y songerait ?
Notre sentiment littéraire s’émancipe tellement, nous songeons si peu à exercer le moindre contrôle sur nos mouvements de sympathie et d’antipathie, que nous en venons quelquefois aux confidences les plus compromettantes. […] Enhardi par son exemple, je lui dis un soir (à quoi songeais-je ce soir-là ?) […] Si l’on avait dit à Fénelon qu’un temps viendrait, où personne ne songerait à trouver ridicule la peinture que fait Aristophane d’un roi de Perse, marchant avec une armée de quarante mille hommes, pour aller sur une montagne d’or satisfaire aux infirmités de la nature365, Fénelon aurait-il cru que la postérité pût jamais avoir si mauvais goût ?
« Quelle opposition entre notre littérature du douzième siècle et celle des nations voisines. » J’arrête ici pour aujourd’hui la citation ; la méthode est bien ce que nous avons dit ; elle est doublement ce que nous avons dit ; quand par malheur l’historien parvient enfin aux frontières de son sujet, à peine réchappé de l’indéfinité, de l’infinité du circuit antérieur, il se hâte, pour parer ce coup du sort, de se jeter dans une autre indéfinité, dans une autre infinité, celle du sujet même ; à peine réchappé d’avoir absorbé une première indéfinité, une première infinité, celle du circuit, celle du parcours, et de tous ces travaux d’approche, qui avaient pour principal objet de n’approcher point, il invente, il imagine, il trouve, il feint une indéfinité nouvelle, une infinité nouvelle, celle du sujet même ; il analyse, il découpe son sujet même en autant de tranches, en autant de parcelles que faire se pourra ; il y aura des coupes, des tranches longitudinales, des tranches latérales, des tranches verticales, des tranches horizontales, des tranches obliques ; il y en aurait davantage ; mais notre espace n’a malheureusement que trois dimensions ; et comme nos images de littérature sont calquées sur nos figures de géométrie, le nombre des combinaisons est assez restreint ; tout restreint qu’il soit, nous obtenons déjà d’assez beaux résultats ; nous étudierons séparément l’homme, l’artiste, le penseur, le rêveur, le géomètre, l’écrivain, le styliste, et j’en passe, dans la même personne, dans le même auteur ; cela fera autant de chapitres ; nous nous garderons surtout de nous occuper dans le même chapitre de l’art et de l’artiste ; cela ferait un chapitre de perdu ; et si d’aventure, de male aventure nous parvenons à parcourir toutes les indéfinités, toutes les infinités de détail de tous ces chapitres, de toutes ces sections, il nous reste une ressource suprême, un dernier moyen de nous rattraper ; ayant étudié séparément l’homme, l’écrivain, l’artiste, et ainsi de suite, nous étudierons les relations de l’homme et de l’écrivain, puis de l’artiste et de l’art, et du styliste, et ainsi de suite, d’abord deux par deux, puis trois par trois, et ainsi de suite ; étant données un certain nombre de sections, formant unités, les mêmes mathématiques nous apportent les formules, et nous savons combien de combinaisons de relation peuvent s’établir ; cela fera autant de chapitres nouveaux ; et quand nous aurons fini, si jamais nous finissons, le diable soit du bonhomme s’il peut seulement ramasser ses morceaux ; que de les rassembler, il ne faut point qu’il y songe ; l’auteur a fait un jeu de patience où nulle patience ne se retrouverait. […] Incroyable naïveté savante, orgueil enfantin des doctes et des avertis ; l’humanité a presque toujours cru qu’elle venait justement de dire son dernier mot ; l’humanité a toujours pensé qu’elle était la dernière et la meilleure humanité, qu’elle avait atteint sa forme, qu’il allait falloir fermer, et songer au repos de béatitude ; ce qui est intéressant, ce qui est nouveau, ce n’est point qu’une humanité après tant d’autres, ce n’est point que l’humanité moderne ait cru, à son tour, qu’elle était la meilleure et la dernière humanité ; ce qui est intéressant, ce qui est nouveau, c’est que l’humanité moderne se croyait bien gardée contre de telles faiblesses par sa science, par l’immense amassement de ses connaissances, par la sûreté de ses méthodes ; jamais on ne vit aussi bien que la science ne fait pas la philosophie, et la vie, et la conscience ; tout armé, averti, gardé que fût le monde moderne, c’est justement dans la plus vieille erreur humaine qu’il est tombé, comme par hasard, et dans la plus commune ; les propositions les plus savamment formulées reviennent au même que les anciens premiers balbutiements ; et de même que les plus grands savants du monde, s’ils ne sont pas des cabotins, devant l’amour et devant la mort demeurent stupides et désarmés comme les derniers des misérables, ainsi la mère humanité, devenue la plus savante du monde, s’est retrouvée stupide et désarmée devant la plus vieille erreur du monde ; comme au temps des plus anciens dieux elle a mesuré les formes de civilisation atteintes, et elle a estimé que ça n’allait pas trop mal, qu’elle était, qu’elle serait la dernière et la meilleure humanité, que tout allait se figer dans la béatitude éternelle d’une humanité Dieu. […] Car c’est un avantage capital de Taine, et que nul de ses ennemis ne songerait à lui contester, qu’il est net ; il ne masque point ses ambitions ; il ne dissimule point ses prétentions ; brutal et dur, souvent grossier, et mesurant les grandeurs les plus subtiles par des unités qui ne sont point du même ordre, il a au moins les vertus de ses vices, les avantages de ses défauts, les bonnes qualités de ses mauvaises ; et quand il se trompe, il se trompe nettement, comme un honnête homme, sans fourberie, sans fausseté, sans fluidité ; lui-même il permet de mesurer ce que nous nommons ses erreurs, et par ses erreurs les erreurs du monde moderne ; et dans les erreurs qui, étant les erreurs de tout le monde moderne, lui sont communes avec Renan, il nous permet des mesures nettes que Renan ne nous permettait pas ; nous lui devons la formule et le plus éclatant exemple du circuit antérieur ; je ne puis m’empêcher de considérer le circuit antérieur, le voyage du La Fontaine, comme un magnifique exemple, comme un magnifique symbole de toute la méthode historique moderne, un symbole au seul sens que nous puissions donner à ce mot, c’est-à-dire une partie de la réalité, homogène et homothétique à un ensemble de réalité, et représentant soudain, par un agrandissement d’art et de réalité, tout cet immense ensemble de réalité ; je ne puis m’empêcher de considérer ce magnifique circuit du La Fontaine comme un grand exemple, comme un éminent cas particulier, comme un grand symbole honnête, si magnifiquement et si honnêtement composé que si quelqu’un d’autre que Taine avait voulu le faire exprès, pour la commodité de la critique et pour l’émerveillement des historiens, il n’y eût certes pas à beaucoup près aussi bien réussi ; je tiens ce tour de France pour un symbole unique ; oui c’est bien là le voyage antérieur que nous faisons tous, avant toute étude, avant tout travail, nous tous les héritiers, les tenants, la monnaie de la pensée moderne ; tous nous le faisons toujours, ce tour de France-là ; et combien de vies perdues à faire le tour des bibliothèques ; et pareillement nous devons à Taine, en ce même La Fontaine, un exemple éminent de multipartition effectuée à l’intérieur du sujet même ; et nous allons lui devoir un exemple éminent d’accomplissement final ; car ces théories qui empoignent si brutalement les ailes froissées du pauvre génie reviennent, elles aussi, elles enfin, à supposer un épuisement du détail indéfini, infini ; elles reviennent exactement à saisir, ou à la prétention de saisir, dans toute l’indéfinité, dans toute l’infinité de leur détail, toutes les opérations du génie même ; chacune de ces théories, d’apparence doctes, modestes et scolaires, en réalité recouvre une anticipation métaphysique, une usurpation théologique ; la plus humble de ces théories suppose, humble d’apparence, que l’auteur a pénétré le secret du génie, qu’il sait comment ça se fabrique, lui-même qu’il en fabriquerait, qu’il a pénétré le secret de la nature et de l’homme, c’est-à-dire, en définitive, qu’avant épuisé toute l’indéfinité, toute l’infinité du détail antérieur, toute l’indéfinité, toute l’infinité du détail intérieur, en outre il a épuisé toute l’indéfinité, toute l’infinité du détail de la création même ; la plus humble de ces théories n’est rien si elle n’est pas, en prétention, la saisie, par l’historien, par l’auteur, en pleine vie, en pleine élaboration, du génie vivant ; et pour saisir le génie, la saisie de tout un peuple, de toute une race, de tout un pays, de tout un monde.
J’arrive à Calais, je m’embarque, j’arrive à Douvres, et je me réveille comme d’un songe. […] Je ne songe qu’à m’occuper de vous, et de moi avec vous. […] Benjamin Constant voit beaucoup dès lors une jeune personne (Wilhelmina ou Minna) attachée à la duchesse régnante, et songe sérieusement à l’épouser ; il mêle d’une façon étrange ces espérances nouvelles aux souvenirs de fidélité qu’il prétend garder, et il fait du tout un hommage très-bigarré à Mme de Charrière. […] Cette catastrophe soudaine, dans laquelle Benjamin se montra un fils dévoué et ne songea plus qu’à défendre l’honneur de son nom, vint troubler et empoisonner les préliminaires et les premiers mois de son mariage, qui eut lieu au commencement de 1789.
Aussi je ne connais personne qui songe à nier les qualités de peintre de M. […] Qu’un casseur de pierres vaille, en fait d’art, un prince ou tout autre individu, c’est ce que personne ne songe à contester. […] Cette gloire est trop chère aux amis du nouveau Colomb pour que je songe à la lui dénier. […] Quelqu’un, sans songer à mal, laissa tomber le mot de réalisme ; un feuilletoniste le ramassa, et le lendemain MM.
Il faut, pour y atteindre, consentir à ne s’abandonner jamais que pour se reprendre aussitôt, à ne se livrer que pour se ressaisir, à ne s’engager nulle part sans songer au retour. […] Il faudrait lire aussi, dans le même ordre d’idées, la romance : J’écrivis un nom sur la grève, Mais le flot l’eut vite effacé… Et encore les sonnets qui ont titre : Indifférence, En lisant l’Évangile, Mortuæ, Désespoir en Dieu ; surtout celui que termine cette sentence vraiment bouddhique : Je songe qu’aucun but ne vaut aucun effort. […] … » « Ces grands écrivains que vous enviez, songez-vous quelquefois à la tragique responsabilité qu’ils ont prise en propageant leur misère intime ? […] » Après son « crime d’amour », Armand de Querne poursuit à Londres un angoissant monologue : « Mais alors, songeait-il, Dieu existerait ! […] Les uns étaient aveuglés par la scolastique régnante et n’admettaient pas même qu’on pût songer à la mettre en question : d’autres, pressentant un écroulement général, reculaient devant les périls d’une reconstruction.
Le radical le plus obstiné, le plus ardent pour les intérêts des classes moyennes, ne songe pas à détrôner l’aristocratie, au moins de ses postes officiels de représentation extérieure. Il voudrait avoir le pouvoir réel, celui de l’argent ; et laisser à l’aristocratie le pouvoir du rang et des manières, qu’il ne songe pas à lui contester. […] Vingt fois je vous ai fait voir la brute instinctive, indisciplinée, rebelle, incorrigible, et néanmoins possédant je ne sais quelle grandeur immonde qui fait réfléchir et quelle sauvage poésie qui trouble et fait songer. […] La vie amène chaque jour mille complications auxquelles nous ne songions pas, et il arrive souvent qu’une chose conçue en vue d’un but déterminé nous sert à une autre fin, nous sert même quelquefois à une double fin. […] Et qui ne voit tout de suite que la Tempête, comme le Songe d’une nuit d’été, n’est qu’une allégorie dramatique dont il s’agit de déterminer le véritable sens ?
Mézeray, qui ne songe pas au drame, nous fait cependant connaître d’abord ses personnages principaux : il les montre surtout en action, sans les trop détacher des sentiments et des intérêts plus généraux dont ils sont les chefs et les représentants, mais en laissant néanmoins à chacun sa physionomie propre.
Il s’en corrigea comme de vouloir paraître avoir trop d’esprit : il en avait bien assez sans y songer.
Cette mortelle douleur de la pieuse et vertueuse Blanche en apprenant le vœu chrétien de son fils eût pu être dissimulée par un auteur plus soigneux des convenances extérieures, par un écrivain de la classe de ceux qui font les éloges ou les oraisons funèbres ; mais Joinville, comme Homère et comme les narrateurs primitifs, dit tout, et il ne songe à rien de ce qui est pose et attitude convenue.
. — Appliquez-vous toujours. » Ce sont les formes ordinaires de ce démonstrateur chrétien qui, de ces trois choses proposées à l’orateur ancien, instruire, plaire, émouvoir, ne songe qu’à la première, méprise la seconde, et est bien sûr d’arriver à la troisième par la force même de l’enseignement et la nature pénétrante de la vérité.
Daru écrivait à Picard sur sa comédie et dans lesquelles il lui faisait les vraies objections dont l’auteur, malgré son effort, n’a pu triompher, ont à mes yeux une valeur morale et plus que littéraire, si l’on songe qu’elles sont du même homme qui, vers le même temps, disait dans une lettre de Berlin adressée à Mme Daru : « Je t’écris d’une main fatiguée de vingt-sept heures de travail. » On le comprend, c’est moins le détail des conseils et ce qu’ils pouvaient avoir de plus ou moins motivé, que le sentiment même qui les inspire, cet amour et ce culte des lettres, tendre, délicat, fidèle, élevé, que je me plais à observer et à poursuivre en M.
Ne voulant point faire de mal à son pays, il s’abstint d’user du crédit de M. de Choiseul qu’il avait en main, et ne songea à faire intervenir aucune autorité étrangère.
Et il lui cite l’exemple de Voltaire ; ne croyez pas que ce soit comme une preuve éclatante et rare de la gloire littéraire ; il le lui cite pour lui montrer le néant de cette gloire contestée et troublée des grands écrivains : « Je songe quelquefois à Voltaire, dont le goût est si vif, si brillant, si étendu, et que je vois méprisé tous les jours par des hommes qui ne sont pas dignes de lire, je ne dis pas sa Henriade, mais les préfaces de ses tragédies. » Racine, Molière, « qui sont pourtant des hommes excellents », n’ont pas été plus heureux pendant leur vie ; ils n’ont pas joui plus paisiblement de la renommée due à leurs œuvres : « Et croyez-vous que la plupart des gens de lettres n’en eussent pas cherché une autre, si leur condition l’eût permis ?
Ce journal lui fait beaucoup d’honneur en ce que, sans que l’auteur vise à aucun effet ou songe à aucun lecteur futur, on y voit clairement, naïvement, l’état perplexe de sa croyance et la force de conscience qu’il lui fallut, modéré et timide comme il était, pour résister à des assauts aussi répétés que ceux qu’on lui livrait.
Guérin, sans tant y songer, ressemblait mieux aux lakistes en ne visant nullement à les imiter : il n’est point chez eux de sonnet pastoral plus limpide, il n’est point dans les poétiques promenades de Cowper de plus transparent tableau, que la page qu’on vient de lire, dans sa peinture si réelle à la fois et si tendre, si distincte et si émue.
Quand une amie généreuse, mais imprudente, le sachant gêné, songea à une souscription nationale pour lui, en 1835, et commença même à faire courir des listes sans lui en parler, il fallut voir sa colère sincère.
Flousset aurait beaucoup le talent d’écrire et de peindre, d’être éloquent, comme on dit, dans le cas où il marcherait tout seul et où il aurait à composer, pour son compte, quelque morceau de sa propre étoffe ; mais aujourd’hui il ne nous donne pas le temps d’y songer : dans ce long travail d’analyse, d’extrait, de résumé et d’assemblage, il a fait preuve partout d’un excellent jugement, d’un goût sobre, d’un choix sévère, d’une fermeté de pensée et d’expression qui inspire toute confiance.
Guérin, quand il conçut le Centaure, ne songeait pas, c’est-à-dire qu’en tant qu’artiste il ne croyait pas à cette distinction des deux natures.
Il y a, dans toute collection, à considérer l’utilité et la fantaisie : il est difficile de déterminer la limite, car l’utilité ne se révèle souvent qu’au moment où l’on y songe le moins.
fit Gavarni, s’il faut la demander soi-même, je ne l’aurai jamais. » A quelques années de là, il la reçut sans avoir eu à y songer.
. — Plus d’une fois elle a passé devant les yeux de notre âme, cette barque qui porte un négrillon à la poupe et de beaux jeunes gens vêtus des sveltes costumes dont Yittore Carpaccio habille ses Magnifiques ; plus d’une fois aussi nous avons vu en songe se pencher du haut des terrasses blanches ces belles filles aux tresses d’or crespelées, aux robes de brocart d’argent, aux colliers et aux bracelets de perles, qui jettent un baiser avec une fleur au galant haussé sur la pointe du pied !
Madame Royale (ainsi nommait-on la duchesse mère qui prit en main la Régence) tint toute la première, à l’égard de son fils, une ligne de conduite très peu maternelle : elle aimait le pouvoir, elle ne haïssait pas le plaisir, elle ne songea point à élever son fils en vue d’un prochain partage et exercice de l’autorité ; elle le traita avec froideur, avec roideur, non en mère française, mais en mettant sans cesse l’étiquette entre elle et lui.
Naturellement elle aurait dû le plaindre ; mais la passion de Mme Roland, doublée et cuirassée de cette vertu dont elle se montre si fière, et encore exaltée par les orages d’alentour, ne songe qu’à l’héroïsme et sort tout à fait de la gamme naturelle.
C’est quand elle y songe le moins et là où elle est le plus naturelle ; c’est dans ses lettres à ses amis, particulièrement dans les lettres à Bosc pour lesquelles j’ai un faible.
C’était proprement une coterie, mais une coterie douce et sûre, sans ombre de tracasserie et où l’on ne songeait entre soi qu’à se complaire.
Je reconnais bien là votre cœur, et je vous remercie de toutes mes forces ; mais, pardonnez-moi, je vous en conjure, si je continue à me refuser à votre conseil de quitter : songez donc que je ne m’appartiens pas ; mon devoir est de rester où la Providence m’a placée et d’opposer mon corps, s’il le faut, aux couteaux des assassins qui voudraient arriver jusqu’au roi.
S’il fallait que le major ou major général, pour avoir action, fût tellement en rapport d’esprit et de bonne intelligence avec son chef, comme M. de La Feuillade était colonel du régiment des gardes, il s’ensuit de son refus qu’il jugeait que Catinat, devenu son major, ne serait point du tout à l’unisson avec lui ; et pour peu qu’on y songe et qu’on se rappelle le caractère connu de M. de La Feuillade, rien ne paraît alors plus naturel que ce refus de prendre Catinat pour son canal habituel et son porte-voix.
» — Et ici le duc pouvait songer confusément la mort du duc d’Enghien. — « Je crois, monseigneur, que le moment est venu… » — « Monsieur, je vais expédier un courrier à Sa Majesté l’Empereur pour le consulter à cet égard. » — J’avais manqué le but.
J’avoue que, malgré ma prédilection pour l’excellent poëte, je n’avais jamais songé jusqu’ici, ni personne non plus, je pense, à lui déférer cette représentation universelle et souveraine.
A la question de l’adresse, elle répondit oui vivement, sans avoir besoin de regarder au bureau, et avant d’y songer ; puis, s’apercevant peut-être de sa promptitude, elle remit les trois lettres en rougissant.
Crithéis, qui avait entendu parler de la bonté de ce maître d’école pour les enfants, parce qu’elle songeait d’avance sans doute à lui confier le sien quand il serait en âge, conduisit son fils par la main au seuil de Phémius.
Tandis que l’idée de la solidarité de la tribu exista, il était naturel qu’on ne songeât pas à une stricte rétribution selon les mérites de chacun.
Ce sont des coquettes avec lesquelles il faut entretenir un commerce de galanterie, et dont il ne faut jamais songer à faire ni sa femme ni son ministre. » Cela est vrai de bien des gens de lettres, de quelques-uns même de ceux que nous avons vus, de nos jours, ministres.
Mais bientôt se ravisant, et averti par la voix publique, il prétendit avoir vu en songe Ferdousi au ciel, revêtu d’une robe verte et portant au front une couronne d’émeraudes, et il se crut autorisé à lui payer le tribut qu’on accorde aux fidèles.
Et ce mot, il le lâche aussitôt sans plus songer à sa distinction entre la personne et l’ouvrage : Quelques-unes de mes expressions, dit-il encore, leur paraissent ignobles et triviales : je voudrais pouvoir trouver des mots encore plus capables de peindre la bassesse de certaines choses dont je suis obligé de parler.
On désire un appui, on se laisse charmer par l’espérance de l’avoir trouvé ; c’est un songe que les circonstances dissipent et sur qui elles font l’effet du réveil.
Mais à quoi bon un songe de plus ?
Je dis nous, car c’est en français que Frédéric a écrit, c’est en français qu’il a pensé, c’est aux Français encore qu’il songeait souvent et qu’il s’adressait pour être lu, même quand il écrivait des jugements et des récits d’actions qui étaient si peu faits pour leur être agréables.
Ce n’était pas seulement un goût naturel qui portait Frédéric vers d’Alembert : « Nous autres princes, nous avons tous l’âme intéressée, disait Frédéric, et nous ne faisons jamais de connaissances que nous n’ayons quelques vues particulières, et qui regardent directement notre profit. » Frédéric avait songé de bonne heure à attirer d’Alembert à Berlin pour le faire président de son Académie.
On est au mercredi 22 mai 1585 ; il est nuit, Montaigne veille, et il écrit au gouverneur de la province. » La lettre, qui est d’un intérêt trop particulier et trop local pour être insérée ici, peut se résumer en ces mots : Montaigne regrette l’absence du maréchal de Matignon et craint qu’elle ne se prolonge ; il le tient et le tiendra au courant de tout, et il le supplie de revenir aussitôt que les affaires le lui permettront : « Nous sommes après nos portes et gardes, et y regardons un peu plus attentivement en votre absence… S’il survient aucune nouvelle occasion et importante, je vous dépêcherai soudain homme exprès, et devez estimer que rien ne bouge si vous n’avez de mes nouvelles. » Il prie M. de Matignon de songer pourtant qu’il pourrait bien aussi n’avoir pas le temps de l’avertir, « vous suppliant de considérer que telle sorte de mouvements ont accoutumé d’être si impourvus que, s’ils devoient avenir, on me tiendra à la gorge sans me dire gare ».
Plus grande, je fus mise dans des couvents : vous savez combien j’y étais chérie de mes maîtresses et de mes compagnes, toujours par la même raison, parce que je ne songeais, du matin au soir, qu’à les servir et à les obliger.
C’est de sa prison qu’il adressait une certaine Épître à Zélis, qu’on nous donne pour la première en date de ses compositions poétiques ; il finissait en invoquant la nuit pour remède à ses maux et en appelant quelque songe consolateur ; Ô Zélis, tu ne m’entends pas, Mais j’oublierai mon infortune En la pleurant entre tes bras !
Il se distingue tellement dans la construction de ce bâtiment de Viry, que le récit qu’on en fait à Colbert dispose ce ministre à songer à lui pour le faire son commis dans la surintendance des Bâtiments du roi en 1664.
La péroraison par laquelle Mirabeau terminait sa brochure est restée célèbre dans le genre de l’invective : Pour vous, monsieur, qui, en calomniant mes intentions et mes motifs, m’avez forcé de vous traiter avec une dureté que la nature n’a mise ni dans mon esprit ni dans mon cœur ; vous, que je ne provoquai jamais, avec qui la guerre ne pouvait être ni utile ni honorable ; … croyez-moi, profitez de l’amère leçon que vous m’avez contraint de vous donner… Retirez vos éloges bien gratuits ; car, sous aucun rapport, je ne saurais vous les rendre ; retirez le pitoyable pardon que vous m’avez demandé ; reprenez jusqu’à l’insolente estime que vous osez me témoigner… Et il finit par ce conseil terrible et le plus incisif, entre hommes avides avant tout de la popularité : « Ne songez désormais qu’à mériter d’être oublié. » Beaumarchais, sous le coup de l’outrage, se tut : il avait rencontré un jouteur encore plus osé que lui, et à plus forte carrure ; il était dépassé et vaincu.
Quand, par exemple, je songe à un ami que j’ai perdu, l’image de la personne aimée se trouve subir l’action de deux séries de représentations en sens contraire, les unes tendant à la favoriser, comme le souvenir de ses qualités et de ses bienfaits, les autres à la refouler, comme le souvenir de sa mort ; il en résulte un rapport de tension et de lutte, qui est la peine.
Nous n’avons pas fait cinquante pas, que nous nous apercevons que les boutiques sont fermées — nous n’avions pas songé que nous étions le lundi de Pâques. — Enfin une boutique entrebâillée, et une paire de chenets, qu’on nous a faits 3 000 francs.
C’est à peu près comme si l’on disait : Il n’y a plus de roses, le printemps a rendu l’âme, le soleil a perdu l’habitude de se lever, parcourez tous les prés de la terre, vous n’y trouverez pas un papillon, il n’y a plus de clair de lune et le rossignol ne chante plus, le lion ne rugit plus, l’aigle ne plane plus, les Alpes et les Pyrénées s’en sont allées, il n’y a plus de belles jeunes filles et de beaux jeunes hommes, personne ne songe plus aux tombes, la mère n’aime plus son enfant, le ciel est éteint, le cœur humain est mort.
Convenez qu’il parlait en grand artiste et en homme de sens, ce Vernet, lorsqu’il disait aux élèves de l’école occupés de la caricature oui, ces plis sont grands, larges et beaux ; mais songez que vous ne les reverrez plus.
Que ceux qui pourroient songer à me répondre avant que d’avoir pensé si j’ai tort, fassent attention et même refléxion sur ce passage.
S’indigner, s’attendrir même, il n’y songe pas.
Assurément cette question valait bien la peine que Saint-Simon se la posât ; il n’y songe même pas.
Ce sera l’homme de ces Essais publiés dans la Revue d’Édimbourg, de 1820 à 1840, qu’on n’a songé à traduire en France (même les républicains) que quand Macaulay a été nommé Lord par son gouvernement, mais qui, pour être négligés et presque inconnus, n’en étaient pas moins ses meilleures œuvres.
Pendant cette relève, je songerai à la Cène et à cette nuit affreuse du Jardin des Oliviers… Si vous voulez mon sang, ô mon Dieu, je vous l’offre en union au sang de mon divin Sauveur.
Mais aujourd’hui, les rares costumes provinciaux qui subsistent en France, personne ne songe plus à les trouver ridicules ; on les aime, on les célèbre, ils font partie de la précieuse « couleur locale », et chacun sait qu’il en reste bien peu, non seulement en France, mais en Europe.
Mais vous vous ennuyez, vous voyez le beau temps par les fenêtres, et vous songez à sortir.
Puis, par réflexion, vous songez à la prendre dans votre main, et, si vous l’avez dans votre main, à la porter une seconde fois dans votre bouche.
Songeons, pour être justes, en dépit des grossières peintures échappées au chantre délicat du Moineau de Lesbie, que du même foyer est sorti le grand lyrique de Rome, demeuré tel pour le monde moderne.
Et pourtant, qui de nous s’est arrêté sous les berceaux indiens, et n’a pas aussitôt songé aux vertes forêts de l’Angleterre, et sous l’ombre des palmiers n’a pas béni les noisetiers de la terre natale, sa clairière d’aubépine, et soupiré la prière, tant de fois inutile, de pouvoir encore contempler les chênes de ses bois ?
Ce qui fut neuf en son temps est devenu cliché, et qu’on pense par exemple à l’effort qu’il faut et que bien peu font, pour nettoyer de ce noir du temps le songe d’Athalie ! […] Mais pendant trente ans, autour de Chateaubriand, les amis de Mme Récamier se sont réunis sous ce tableau de Gérard ; une Germaine idéalisée, livrée au prophétique enthousiasme, personnifie sur cette génération romantique l’empire de l’esprit et des lettres, et l’on songe à ces tableaux d’autel, avec leurs deux registres, où le cercle terrestre est dominé par le cercle de la gloire. […] Jusqu’à l’âge de quarante ans, il ne songe nullement à publier : heureux de ses fonctions au Sénat de Savoie, de sa vie de famille, de lectures, de conversations, car c’est un admirable causeur. […] Il songea longtemps qu’après les Méditations, œuvre de son printemps, les Harmonies, œuvre de son été, il trouverait les sources lyriques de son automne dans des Psaumes, soit dialogues de l’âme et de Dieu, plus près de la Bible que ceux que Victor Hugo entretiendra plusieurs années à Guernesey, mais, comme ceux-ci, testament d’une pensée qui fut toujours religieuse. […] On songe à l’Archiloque des Ïambes et au Hugo des Châtiments.
Si la littérature n’eût fait que cela, nul ne songerait aujourd’hui ni à s’en étonner, ni à s’en plaindre : c’était son droit, c’était sa mission. […] Indiana répond à Ralph qui vient de lui proposer le suicide : « J’y ai souvent songé. […] Qu’on y songe en effet : si Dieu n’est qu’une puissance aveugle, si la vie n’est qu’un problème insoluble, si l’homme ne discerne au-dessus de lui aucune loi supérieure et obligatoire, quel sens, quelle raison d’être peut avoir la liberté morale ? […] On ne songe pas plus à moraliser la fortune que l’infortune. […] On croit rêver quand on songe qu’il y a vingt ans, nous assistions, le sourire sur les lèvres, à ces absurdes horreurs, n’y voyant que d’innocents paradoxes et des jeux d’esprit sans conséquence.
Quant aux conclusions générales du cours, j’ai dit et je répète, qu’ayant toute une année devant moi pour y songer avec vous, je les laisse encore quelque temps et volontiers flotter dans le vague. […] Peut-être cependant tout se retrouve-t-il, se raccorde-t-il, et se remet-il enfin d’ensemble quand on songe à quel point le poète fut dépourvu d’imagination et de sensibilité. […] Et, comme en dehors des jansénistes, il ne restait plus que les cartésiens, c’est-à-dire les plus rationalistes des hommes, ce n’était pas les Perrault ou les Fontenelle qui pouvaient songer à faire descendre la raison du rang où Boileau l’avait mise. […] Chaque art, en effet, a ce qu’on appelle son beau spécifique ; et, quand on y songe, on serait presque tenté de dire, que le beau poétique, le beau pittoresque, le beau musical n’ont pas entre eux de commune mesure. […] Quand au surplus je songe à ceux de nos contemporains qui ont le plus vivement attaqué ces « généralisations oratoires » de la Sorbonne d’autrefois, c’est alors que je ne puis m’empêcher de trouver qu’ils sont eux-mêmes la plus éloquente réponse qu’il y ait à leurs critiques.
Son père mort, et aussitôt qu’entré dans sa royauté commerciale, il songe donc à épouser Juliette Nélis, mais il redoute l’accueil certain que fera madame Daliphare à la seule proposition d’une bru qui manque de la première des vertus qu’elle exige : la fortune. […] Il devient un simple Prudhomme qui, s’il fait un jour la traversée de Calais à Douvres, s’imagine complaisamment que c’est à lui, Prudhomme, que songeait Fulton en appliquant là-bas, sur l’Hudson, la vapeur à la navigation. […] Mais, au rebours, j’affirmerais sans hésitation que Flaubert avait observé la vraie madame Bovary longtemps avant de songer à faire un roman de l’histoire de la femme du praticien d’Yonville. […] Il n’est pas un de ses rêves qui soit, à proprement parler, le songe d’un malade, — si toutefois vous l’isolez de celui qui précède et de celui qui suit. […] Tout au lendemain de son mariage, il lui arrivait de songer quelquefois que c’étaient là pourtant les plus beaux jours de sa vie… Pour en goûter la douceur il eût fallu sans doute s’en aller vers ces pays à noms sonores, où les lendemains de mariage ont de plus suaves caresses. » Ce « sans doute » était-il après tout si coupable ?
Les écrivains suivaient l’éducation traditionnelle instaurée par la Renaissance et les préjugés qu’ils recevaient dès leur jeunesse, sans songer à les vérifier par la suite. […] Se désintéressant de tant de serfs et de vilains, il n’y songeait même pas. […] Aussitôt libérés de la servitude, les hommes ne songèrent, selon leurs instincts originels, qu’à abuser de leur pouvoir nouveau.
Je crois la rime inépuisable, si on ne songe pas à elle, si on n’écrit pas pour elle. […] Et puis, songez donc, qu’ayant versé dans la littérature journalière, leur plus grande peur c’est de passer pour des pédants un peu lourds. […] Ils n’ont jamais songé à supprimer la rime.
Je passerai légèrement sur un songe que j’avais eu en prison, où je vis un homme qui m’écrivit sur le front des paroles importantes, et me recommanda, pendant trois fois, de ne les faire voir à personne ; tellement qu’en m’éveillant je me trouvai le front tout noirci. […] Je vais songer à vous occuper.” » Quelques jours après, sur les instances du cardinal, le roi offrit à Benvenuto le modique traitement de 300 écus par an.
Et, s’il n’en était pas ainsi, comment expliquer que lui, Dumas, qui avait un besoin de constamment produire, et sous diverses formes, et qui était doué d’une si prodigieuse facilité de travail, n’ait jamais songé à transformer en opéra un de ses ouvrages ? […] Victor Wilder a-t-il songé tout de suite à faire une nouvelle traduction ; et, lorsque M.
Elle absorbe, pour ainsi dire, la force de toutes les erreurs qu’elle a domptées ; et le respect que l’on a accordé sans examen à toutes ces erreurs en détail, ou le donne en gros à la raison ; il se change en une servilité telle que l’on ne songe jamais à demander les lettres de créance de ce pouvoir qui a chassé les erreurs. […] Le chimiste dont la formule explique que le précipité isolé d’un composé nouveau doit peser un grain, et qui trouve que le poids est de deux grains, abandonne aussitôt le verdict de son raisonnement, et il ne songe jamais à mettre en doute le verdict de sa perception directe.
Pour percevoir l’étendue, l’enfant et l’animal n’ont qu’à ouvrir les yeux : c’est un spectacle actuel et intense, tandis que, pour le temps, c’est un « songe effacé ». […] De même qu’il y a très probablement à l’origine, malgré cette même théorie kantienne, plusieurs espaces pour l’animal, un espace tactile, un espace visuel, un espace olfactif, — et que la combinaison, la fusion de ces espaces en une représentation unique d’espace unique, uniforme, homogène, indéfini, est un perfectionnement très ultérieur, de même il y a probablement pour l’animal plusieurs temps, plusieurs fragments de durée, qu’il ne songe nullement à relier en les alignant sur une seule ligne mathématique.
Le charme de la poésie fait pardonner toutes les erreurs, & l’esprit pénétré de la beauté du style ne songe pas seulement si on le trompe. […] Sa versification sent d’ailleurs un homme accablé du poids de son entreprise, & qui paroît ne songer qu’à s’en délivrer promprement.
Je me sens assis sur une roche de diamant, quand je songe au jugement de Dieu qui fait justice au génie par l’estime du sage ! […] « Mais voici ce qui prouve que Vico est né pour la gloire de Naples et de l’Italie ; il venait de perdre tout espoir d’avancement dans sa patrie ; un autre aurait dit adieu aux lettres, se serait repenti peut-être de les avoir cultivées ; pour lui il ne songea qu’à compléter son système. » Nous ajouterons peu de choses à ce que nous avons dit sur les dernières années de Vico, et sur les malheurs qui attristèrent la fin de sa carrière.
À côté et à la suite des stances de Racan, il faut relire les derniers vers de la fable de La Fontaine, Le Songe d’un habitant du Mogol, sur l’amour de la retraite : c’en est comme la continuation dans la même nuance, dans le même langage.
On s’en moquera tant que l’on voudra ; le reste de la vie n’est que de la galanterie, de la convenance, des traités, dont la condition secrète est de songer à se quitter au moment que l’on se choisit, comme l’on dit que l’on parle de mort dans les contrats de mariage.
Le roi avait été fort malade de la goutte ; il voyait sa santé très compromise ; il songeait au prince Henri pour être après lui le conseiller de son neveu et le tuteur de l’État.
On assure que l’éditeur hésita quelque temps ; il aurait d’abord songé à d’autres noms.
Il aurait bien voulu pour récompense l’épée de connétable, cette épée de du Guesclin, trop profanée par de Luynes, enterrée avec Lesdiguières, refusée à Turenne lui-même, et que lui, Villars, poursuivit toujours ; il aurait désiré du moins (car il ne faisait pas fi des pis-aller) être nommé chef du conseil des finances, cette charge étant venue à vaquer en ce temps-là ; mais elle fut donnée au maréchal de Villeroy. « Pour moi, madame, écrivait-il à ce propos à Mme de Maintenon, je me trouve toujours trop heureux quand je songe qu’ayant le bonheur d’approcher le plus grand et le meilleur maître du monde, je ne lui rappelle pas de fâcheuses idées ; qu’il peut penser : Celui-là m’a plusieurs fois mis en péril, et cet autre m’en a tiré.
Il le prouve bien en commençant son journal en 1794 ; le printemps de cette affreuse et mémorable année, même avant qu’on puisse prévoir Thermidor, ne lui apporte que des impressions douces et paisibles ; il s’est complètement isolé de la tyrannie qui pèse sur toute la France, et il n’y songe même pas dans le lointain.
Livet d’avoir songé à procurer (c’est l’ancien mot) une nouvelle édition de ces histoires de Pellisson et de d’Olivet, en y joignant quantité de notes et de pièces qui en varient et en rafraîchissent la lecture.
Peut-être cependant, sans que je veuilleôter à son mérite, que si elle avait aimé une seule fois, leur nombre à tous en aurait été considérablement diminué… » Quelques semaines après, une liaison était nouée entre elles, et Mme Swetchine se mettait elle-même au ton de l’inévitable enchanteresse, elle feignait même d’être sous le charme, lorsqu’elle lui envoyait de Naples tes cajolantes paroles : « Je me suis sentie liée avant de songer à m’en défendre ; j’ai cédé à ce charme pénétrant, indéfinissable, qui vous assujettit même ceux dont vous ne vous souciez pas.
— Je songeais aux jours anciens, et j’avais dans l’esprit les années éternelles. » Au lieu de ce tableau à la Lesueur, Merlin nous fait assister au spectacle d’une communauté mangeante et buvante, qui appellerait le pinceau de quelque maître hollandais grotesque : « A diverses fêtes où les chartreux se réunissaient, on m’accordait la faveur insigne de manger avec eux au réfectoire.
Qu’elle songe à réparer un tort involontaire et un oubli, si pardonnable d’ailleurs, à l’égard de son père, c’est bien ; mais il y a excès.
C’est songer à sa réputation personnelle plus qu’au bien de la chose, que « d’attendre à faire en place publique ce qu’on peut faire en la chambre du Conseil, et de venir étaler en plein midi ce qu’on eût mieux fait la nuit précédente. » Il n’est pas de ceux qui pensent « que les bons règlements ne se peuvent entendre qu’au son de la trompette. » Et puis il s’exagère si peu l’honneur de ces postes secondaires !
S’il ne tient pas à vivre, se croyant condamné par elle, que du moins il songe à l’idée qu’on prendra de lui s’il succombe ; il y va de sa gloire : « Quand on le saura mort, on le croira vaincu. » La passion a ses sophismes : c’est au nom même de son père mort, de ce comte si redouté, qu’elle prétend prouver à Rodrigue qu’il est obligé de se défendre vaillamment contre un moins vaillant que ce guerrier illustre : autrement on croira que le comte valait moins que don Sanche.
Le jugement rendu par le Parlement dans l’affaire du collier fut un coup de tonnerre qui acheva de réveiller Marie-Antoinette d’un beau songe.
mais il a ses opiniâtretés, et dans le moment qu’il parle de remarcher aux ennemis, il songe à repasser l’Adda et dit qu’il n’y a que cela à faire… Au bout du compte, le roi doit être informé qu’il n’y a en vérité plus, comme l’on dit, personne au logis, et que sa pauvre tête s’échauffe, s’embarrasse et puis qu’il n’en sort rien. » En rabattant de ces vivacités d’esprit et de plume tout ce qu’on voudra, il reste bien démontré, quand on a lu les pièces, que Louis XIV avait raison d’être peu satisfait ; son armée d’Italie avait perdu confiance en son général et n’était plus conduite : « Je vous avais mandé, écrivait-il à cette même date à Catinat, que vous aviez affaire à un jeune prince entreprenant : il s’est engagé contre les règles de la guerre ; vous voulez les suivre et vous le laissez faire tout ce qu’il veut. » Ce n’est pas d’avoir remplacé Catinat, c’est de l’avoir remplacé par Villeroy qu’on peut blâmer Louis XIV.
La Mennais, dès les premiers jours de la rentrée des Bourbons, vient à Paris, où il fait imprimer l’ouvrage sur la Tradition de l’Église ; il songe surtout à y fonder quelque feuille ecclésiastique : le polémiste se déclare, et il voudrait attirer dans cette nouvelle sphère d’action son frère l’abbé Jean, cet autre lui-même.
Les correspondances de cette époque font défaut : ce n’est que vers le déclin de la vie et quand est venu l’âge du souvenir, que l’on songe à conserver les lettres.
Y a-t-il lieu, en ces temps plus graves, de songer à reconstituer quelque école artificiellement paisible et rêveuse, de tenter encore à l’horizon cette petite colonie qui nous apparut dans un mirage du matin ?
L’habileté, d’abord, et la haute prudence ont dû être employées aux choses urgentes ; quand on travaille à la pompe durant l’orage, on songe peu à ce qui semble uniquement le jeu des passagers.
Le succès du Méchant ouvrit à Gresset les portes de l’Académie ; il était donc à trente-neuf ans, en 1748, au comble, ce semble, de ses vœux et dans la plénitude de sa carrière, lorsque, sans qu’on vît bien pourquoi, il ressentit soudainement une grande lassitude et ne songea plus qu’à se retirer.
En attendant qu’elle nous réunisse, cher Fauriel, songez que nous sommes séparés, que je vous aime, et que vous me ferez un vif plaisir de m’écrire.
» Sans doute à une époque d’analyse et de retour sur soi-même, une âme d’enfant rêveur eût tiré parti de cette gêne et de ce refoulement ; mais il n’y fallait pas songer alors, et d’ailleurs l’âme de Boileau n’y eût jamais été propre.
En 1751, d’Argenson écrivait sur son journal : « Rien ne les pique aujourd’hui des nouvelles de la cour ; ils ignorent le règne… La distance devient chaque jour plus grande de la capitale à la province… On ignore ici les événements les plus marqués qui nous ont le plus frappés à Paris… Les habitants de la campagne ne sont plus que de pauvres esclaves, des bêtes de trait attachées à un joug, qui marchent comme on les fouette, qui ne se soucient et ne s’embarrassent de rien, pourvu qu’ils mangent et dorment à leurs heures733. » Ils ne se plaignent pas, « ils ne songent pas même à se plaindre734 » ; leurs maux leur semblent une chose de nature, comme l’hiver ou la grêle.
« Ô toi, que je ne connais point ; toi, dont j’ignore et le nom et la demeure, invisible Architecte de cet univers, qui m’as donné un instinct pour te sentir et refusé une raison pour te comprendre, ne serais-tu qu’un être imaginaire, que le songe doré de l’infortune ?
Il est triste de songer que les trois quarts des choses de détail que l’on cherche sont déjà trouvées, tandis que tant d’autres mines où l’on découvrirait des trésors restent sans ouvriers, par suite de la mauvaise direction du travail.
Si je vois la vertu songer trop à ses placements sur une vie éternelle, je suis tenté de lui insinuer discrètement la possibilité d’un mécompte.
Voici le songe noir !
Songez que j’ai fait un voyage éloigné, que je ne souffre pas, que si je pouvais sentir, je serais heureux et content, pourvu que vous le soyez.
Mme d’Épinay n’avait pas songé précisément à donner des Mémoires ; mais de bonne heure elle aima à écrire, à faire son journal, à retracer l’histoire de son âme.
Je sais tout ce qu’on peut dire en faveur de cette vertu respectable et charmante, alors même qu’elle songe à soi.
Je me permettrai seulement de demander si dans cette abstinence absolue de toute citation et de toute note en un genre d’ouvrage qui les réclame naturellement, si dans cette suppression exacte de tout nom propre moderne, là même où l’auteur y songe le plus et y fait allusion, si dans cette attention tout épigrammatique à ne laisser sans rectification aucune des petites erreurs d’autrui, il n’y a pas une autre sorte de pédantisme.
À propos d’une de ces querelles d’étiquette et de prérogative que Saint-Simon souleva, Louis XIV ne put s’empêcher de remarquer « que c’était une chose étrange que, depuis qu’il avait quitté le service, M. de Saint-Simon ne songeât qu’à étudier les rangs et à faire des procès à tout le monde », Saint-Simon était possédé sans doute de cette manie de classer les rangs, mais, surtout et avant tout, de la passion d’observer, de creuser les caractères, de lire sur les physionomies, de démêler le vrai et le faux des intrigues et des divers manèges, et de coucher tout cela par écrit, dans un style vif, ardent, inventé, d’un incroyable jet, et d’un relief que jamais la langue n’avait atteint jusque-là.
Théodore Leclercq n’avait qu’un parti à prendre, et il le prit sans avoir besoin d’y songer : c’était, tout en en ressentant l’influence et peut-être l’ascendant, de rester lui-même, et de ne pas lui ressembler.
Les préceptes qu’il donne pour leur plaire et les intéresser en causant, sont le résultat le plus consommé de l’expérience : Dans leur conversation, songez bien à ne les tenir jamais indifférentes ; leur âme est ennemie de cette langueur ; ou faites-vous aimer, ou flattez-les sur ce qu’elles aiment, ou faites-leur trouver en elles de quoi s’aimer mieux ; car, enfin, il leur faut de l’amour, de quelque nature qu’il puisse être ; leur cœur n’est jamais vide de cette passion.
Quant à sa carrière, on ne lui laissa pas le temps d’y songer : « On me fit entrer à douze ans, dit-il, dans le régiment des Gardes (françaises), dont le roi me promit la survivance, et je sus, à cet âge, que j’étais destiné à une fortune immense et à la plus belle place du royaume, sans être obligé de me donner la peine d’être un bon sujet. » A quatorze ans, il commença sa carrière de Richelieu et de don Juan.
Alors je compris que, dans nos moments d’émotion et de fièvre, parlant et agissant, nous étions tous laconiques et éloquents, pleins de verve et d’action, vrais poètes enfin lorsque nous n’y songions pas ; et je compris aussi qu’une muse pouvait, à force de travail et de patience, en arriver à être tout cela en y songeant.
Buffon ne le fait pas et n’y songe pas.
Il y met du liant ; sa phrase court comme une phrase naturelle et d’un auteur original, qui n’a pas songé à lutter et à jouter.
Il se livra de nouveau à toutes ses fureurs, et il ne songea plus à les expier par des larmes.
La reine, d’après les conseils énergiques qui lui sont donnés, et voyant les intrigues croissantes du prince de Condé et de ses alliés les Bouillon, les Vendôme et les Nevers, qui, sous prétexte de s’élever contre le maréchal d’Ancre, vont à conspirer contre elle-même et contre son fils, jusqu’à songer à le détrôner peut-être, se décide à faire arrêter le prince de Condé au Louvre.
En qualité de solitaire, nous confesse Rousseau, je suis plus sensible qu’un autre ; si j’ai quelque tort avec un ami qui vive dans le monde, il y songe un moment, et mille distractions le lui font oublier le reste de la journée ; mais rien ne me distrait sur les siens ; privé du sommeil, je m’en occupe durant la nuit entière ; seul à la promenade, je m’en occupe depuis que le soleil se lève jusqu’à ce qu’il se couche : mon cœur n’a pas un instant de relâche, et les duretés d’un ami me donnent dans un seul jour des années de douleurs.
Mes parents s’occupent et ne songent pas à leur néant, il ne les dégoûte pas, il ne leur pue pas au nez : tandis que moi je ne puis ressentir que de la haine. » Quand un homme s’abandonne à ces pensées, destructives de toute activité, il n’est plus guère bon à devenir un médecin de campagne, à peiner tranquillement dans un coin de la terre, à édifier quelque belle existence utile.
Corrigez-vous de ce faire-là ; et songez que, quoique l’ambroisie dont les dieux du paganisme s’enivraient fût une boisson très-légère, et que la vision béatifique dont nos bienheureux se repaissent soit une viande fort creuse, il n’en vient pas moins des êtres dodus, charnus, gras, solides et potelés, et que les fesses de Ganymède et les tétons de la vierge Marie doivent être aussi bons à prendre qu’à aucun giton, qu’à aucune catin de ce monde pervers.
Chaque peuple a ses conceptions, plus ou moins convaincues, sous ce rapport et nul ne songerait à proposer le recueil des fables de notre La Fontaine comme un modèle de vérité scientifique.
C’était, au contraire, un homme éminent, et qui ne perd de sa haute valeur que quand on songe aux facilités qu’offrait son époque pour être grand à bon marché.
« Quand l’historien de Jésus-Christ, dit-il, sera aussi libre dans ses appréciations que l’historien de Mahomet et de Bouddha, il ne songera pas à injurier ceux qui ne pensent pas comme lui. » Raison pitoyable !
Il y est dit encore, dans cette manière qui semble celle de Rivarol : « L’art qui songe aux applaudissements abdique.
Ce n’est pas une alliance universelle par voie diplomatique que je préconise, — car y songer même un instant serait absurde à force d’irréalité — mais une entente par voie cordiale entre les éléments homogènes épars dans le monde, en dehors de toute participation gouvernementale.
« Quand cet être si fort, si fier, si plein de lui-même, si exclusivement préoccupé de ses intérêts dans l’enceinte des cités et parmi la foule de ses semblables, se trouve par hasard jeté au milieu d’une immense nature, qu’il se trouve seul en face de ce ciel sans fin, en face de cet horizon qui s’étend au loin et au-delà duquel il y a d’autres horizons encore, au milieu de ces grandes productions de la nature qui l’écrasent, sinon par leur intelligence, du moins par leur masse ; lorsque, voyant à ses pieds, du haut d’une montagne et sous la lumière des astres, de petits villages se perdre dans de petites forêts, qui se perdent elles-mêmes dans l’étendue de la perspective, il songe que ces villages sont peuplés d’êtres infirmes comme lui, qu’il compare ces êtres et leurs misérables habitations avec la nature qui les environne, cette nature elle-même avec notre monde sur la surface duquel elle n’est qu’un point, et ce monde à son tour avec les mille autres mondes qui flottent dans les airs et auprès desquels il n’est rien : à la vue de ce spectacle, l’homme prend en pitié ses misérables passions toujours contrariées, ses misérables bonheurs qui aboutissent invariablement au dégoût. » Il se demande si la vie est bonne à quelque chose, et ce qu’il est venu faire dans le petit coin où il est perdu.
Si on songe, d’ailleurs, à cette orchestique, ou danse mêlée de chants, qui formait une des représentations de la scène antique, et si d’autre part on remarque, dans la liste non contestée des chants du poëte thébain, un ordre de poésies lié, sous le nom d’Hyporchèmes, aux danses religieuses et guerrières, on concevra sans peine que, dans la critique indigeste de Suidas, ce titre ait pu se confondre avec l’idée du drame orchestique, et que la mention en ait ainsi créé, par double emploi, un théâtre de Pindare dont l’antiquité n’avait pas ouï parler.
Mais il se rappela que l’année précédente, où il songeait au moyen d’armer les Grecs, la même musique avait éveillé son ardeur avec la même intensité, mais en la tournant du côté de ses recherches d’alors. […] La science a, de nos jours, fabriqué des corps nouveaux ; si l’art humain pouvait ainsi produire des êtres vivants au lieu de peindre la vie, il ne songerait plus, en imitant encore les types fournis par la nature, qu’à les embellir. […] Quant à la crainte que les combinaisons des notes de musique ne viennent à s’épuiser, elle n’est guère sérieuse, si on songe aux lois mathématiques des combinaisons ; grâce au rythme et au mouvement, la mélodie peut varier sans cesse ; d’autre part, l’harmonie a encore des ressources sans nombre. […] Nous songeons beaucoup moins qu’on ne pense à l’impulsion du vent, en voyant au loin errer sur la mer la voile blanche et légère d’un bateau ; le mouvement du bateau sera même d’autant plus gracieux qu’il aura l’air plus spontané, qu’il ressemblera mieux au battement d’ailes d’un oiseau, au glissement d’un goéland à la surface des flots. […] Si l’on songe que dans la seule manufacture des Gobelins se fabriquent quatorze mille nuances distinctes, on verra combien, sans l’idée et le sentiment, la langue des sons serait impuissante à côté de celle des couleurs ; de plus, la poésie ne peut guère figurer le mouvement, comme la peinture ou la sculpture.
On dirait, lorsqu’ils en parlent, que leur voix baisse et qu’ils regardent autour d’eux. « Démosthènes, dans un de ses dicours, déclare que « les profanes ne pouvaient le connaître même par ouï dire. » Pausanias, dans son Voyage, passe en se voilant la tête devant le sanctuaire d’Éleusis. « Quant à ce qui est dans l’intérieur du temple, dit-il, un songe m’a défendu de le décrire ; les non-initiés, à qui il n’est pas permis de voir cet intérieur, ne devant pas même connaître ce qu’il renferme. » On démêle cependant, parmi les images confuses que nous laisse entrevoir le récit des rites, l’emblème de l’Ame passant des ombres de la mort aux clartés de la vie future ; sa résurrection spirituelle assimilée à la renaissance du grain moissonné ; l’intuition des félicités promises aux élus. […] Le maître du monde songe à l’ensevelissement des pauvres : César, du haut du trône, jette son manteau sur le cadavre nu du misérable porté au bûcher. […] Il avait prévu cette défection de la dernière heure. « N’y aura-t-il pas quelqu’un pendant ton agonie — dit-il dans ses Pensées — qui se dira à lui-même : « Enfin, nous allons respirer, délivrés de ce pédant ; sans doute, il ne faisait de mal à aucun de nous, mais je me suis aperçu qu’en secret il nous condamnait. » Oui, songe en toi-même : je sors d’une vie où ceux qui la partageaient avec moi, pour qui j’avais tant travaillé, tant fait de vœux, pris tant de soucis, sont ceux-là qui désirent que je m’en aille et qui espèrent qu’il leur en adviendra quelque bien. » Le tribun des soldats vint lui demander son dernier mot d’ordre : « Va au soleil levant, dit-il, moi je suis à l’heure du Couchant. » Le septième jour de sa maladie, se voilant la tête, comme pour dormir, de son manteau militaire, il expira tranquillement. […] Il sculpte l’impalpable, il cisèle le songe. […] Lorsque l’ambassadeur d’Angleterre, appelé au lit de mort de Madame Henriette, lui demanda si elle était empoisonnée : — « Je ne sais, — dit Mme de Lafayette, — si elle lui dit qu’elle l’étoit, mais je sais bien qu’elle lui dit qu’il n’en falloit rien mander au roi son frère, qu’il falloit lui épargner cette douleur, et qu’il falloit surtout qu’il ne songeât point à en tirer vengeance, que le roi n’en étoit point coupable. » — Ainsi, elle ne fut pas seulement « douce envers la mort, comme elle l’était envers tout le monde », selon les paroles de Bossuet, elle fut douce encore envers le meurtre et la trahison.
Un poète italien ne songe qu’à peindre les sensations de la vie, un poète anglais veut l’anatomiser. […] On regarde du côté des grands et des princes, Quaerit opes et amicitias, inservit honori ; on cherche les honneurs et les honoraires, au lieu de ne songer qu’à l’honneur, comme on avait fait jusque-là. […] Songez à ce que doit éprouver un musicien passionné pour son art, un compositeur, homme de génie, qui devient sourd ! […] Il n’affirmait pas la beauté du Christ : il n’avait pas encore songé à la beauté de la Vierge. L’art s’était confondu avec le paganisme : aussi la religion chrétienne ne songea-t-elle d’abord qu’à le proscrire.
Sainte-Beuve l’avait nettement vu : de tous les regards jetés sur la convulsion révolutionnaire, celui du philosophe de l’Aveyron aura été le plus pénétrant. « On ne comprend bien Bonald », a-t-il dit, a que si on se le représente à sa date de 1796, en situation historique, en face des adversaires dont il est le contradicteur le plus absolu et le plus étonnant… Jamais les Condorcet en politique, les Saint-Lambert en morale, les Condillac en analyse philosophique n’ont rencontré un jouteur plus serré et plus démontant… » Préoccupé, comme il devait le déclarer exactement douze mois plus tard dans son célèbre morceau des Regrets (15 août 1852), de voir finir à tout prix la funeste aventure ouverte par l’émeute de Février, « cet état si précaire pour la France et presque déshonorant pour la civilisation d’un grand peuple », il était donc naturel que Sainte-Beuve songeât à faire appel au psychologue politique dont la doctrine pouvait encore exercer une vigoureuse action sur l’élite des esprits. […] Combien d’autres acceptent, sans songer à la vérifier, cette thèse, que l’Idéal démocratique est en progrès dans toutes les nations, alors que les faits prouvent une tendance universelle des pays qui prospèrent, vers un impérialisme militariste et par suite oligarchique ? […] La nouvelle, ainsi comprise, fait songer à certains effets, voisins, semble-t-il, du tour de force, où se complurent pourtant de célèbres artistes de la Renaissance, entre autres Mantegna. […] Tout le charme, tout le mystère du songe germanique, comme il l’a compris, comme il l’a senti ! […] C’est ainsi que de 1833 à 1848, il perdit environ quinze années à caresser le songe d’une entrée dans la diplomatie que les directeurs de journaux d’alors lui promettaient pour l’asservir à l’ingrate tâche du bulletin quotidien : « Je rirai de ces vers plus tard », écrivait-il à Trébutien en lui envoyant un poème, « quand je serai dans quelque ambassade… » Plus tard, et quand la révolution de 48 fut venue foudroyer ce premier rêve, il ne rit pas de ces vers, — ils étaient trop beaux, — mais il ne fit que changer d’illusion.
— Le beau grief, va s’écrier quelque admirateur, qu’il n’ait pas songé à vous ! […] J’y songe en entendant ceux qui ne l’ont pas et qui parlent. […] A la vérité, on ne songe pas à le comparer aux grands orateurs d’Athènes et de Rome, ni aux illustres du siècle dernier, Mirabeau, les deux Pitt, Fox, Shéridan, ni à ceux de notre temps, un Robert Peel, un Berryer, un Guizot, un Thiers, un Montalembert, un Rouher. […] Je songeais à ce que la science d’un tel homme, sa puissante méditation, auraient donné de corps au fantôme oratoire de l’illustre avocat ; combien cette image de la liberté moderne, demandant à l’antique royauté son contrepoids et sa garantie, aurait eu grand air devant nos institutions de circonstance et d’expédients, nées de cette idolâtrie du droit sans devoir, où nous a amenés l’habitude de tout recevoir de l’État, sans lui rien donner ! […] Chrétien, je ne désire que l’enterrement d’un chrétien, et je ne songe pas sans une certaine douceur mélancolique que l’Église chantera sur ma dépouille mortelle le Dies irae et le De Profundis, ces chants sublimes, que je n’ai jamais entendus aux messes des funérailles sans que mes yeux ne se mouillassent de pleurs… A Paris, 15 novembre 1879.
En somme il y a eu, ce moment-là, dans mon esprit une rencontre qui s’explique facilement par mes lectures et mes réflexions des jours précédents : peu de temps auparavant, j’avais lu une étude qui montrait que, au fond de tous les phénomènes physiques où l’on commençait à voir clair, on découvrait des ondes ; et en faisant de la botanique, en étudiant un peu la biologie générale, je voyais bien que l’individu vivant jouait le rôle d’une sorte d’onde complexe, résoluble en ondes vivantes plus simples… Je vins à songer à la loi de Malthus généralisée par Darwin, à la tendance de chaque espèce vivante à une progression indéfinie par voie de généralisation, et j’eus l’idée de remarquer que cette loi n’était pas sans analogie avec la tendance de la lumière et de la chaleur aussi bien que du son, de tous les phénomènes ondulatoires, en un mot, à rayonner sphériquement… » À côté des traces laissées par d’anciennes circonstances dont l’influence ne se démêle pas très nettement, on remarque surtout ici, dans l’invention, la réaction d’un ensemble d’idées formé peu à peu, parallèlement à des idées rivales, profitant des mêmes circonstances qu’elles, longtemps opprimées cependant et n’existant presque que d’une vie latente. […] Mais immédiatement (et je ne me proposais point cela, je songeais à une réponse indéfinie du Séraphin) les objections à lui faire m’arrivent. […] Plus nombreux qu’en hiver les glands aux pieds des chênes (en faisant claquer les glands sous mon pneumatique, route de Flassan, bordée de chênes et éclosent brusquement, mécanisme resté inaperçu, ou amenées par la rime Songe à ceux qui luttaient à l’ombre de ton glaive amené par la rime glaive qu’il fallut faire arriver pour « leur roi s’élève ». […] Tout cela, l’invention et l’exécution, se perdent en moi comme dans un beau songe très distinct… Comment maintenant, pendant mon travail, mes œuvres prennent la forme ou la manière qui caractérisent Mozart et ne ressemblent à celle d’aucun autre, cela arrive, ma foi, tout comme il se fait que mon nez est gros et crochu, le nez de Mozart, enfin, et non celui d’une autre personne ; je ne vise pas à l’originalité, et je serais bien embarrassé de définir ma manière. […] Songez donc que j’ai à tuer mes enfants et que je dois être touchante en les tuant !
Parmi les puissances coalisées, laquelle songeait à l’exilé de Hartwell ? […] » Et, s’adressant à un passant imaginaire qui n’est autre qu’elle-même : « Fuis », s’écrie-t-elle, « réfugie-toi dans une chambre bien fermée et de tendre couleur, et le remède que tu préfères, tu le prendras, que ce soit le feu de bûches, un cœur ou des livres, ou ton violon. » Et voici qu’elle est, par réaction, presque reconnaissante à la ville sans lumière d’exalter ainsi en elle l’ardeur du songe. […] A quoi peut songer ce Pensieroso du tombeau de Laurent de Médicis, effigie héroïsée de l’enseveli, sinon aux problèmes de la destinée ? […] On l’a intitulé jusqu’ici : le Songe du Chevalier, parce qu’il représente un chevalier endormi entre deux figures de femmes, debout, dont l’une serait la Vertu et l’autre le Vice. […] Pascal et l’Auvergne Dans un de ses Cahiers intimes Barrès écrit, avec la perspicace lucidité qui fut son grand don : « Pascal, ce dôme granitique et volcanique de la pensée française, cette Auvergne, unique dans la diversité intellectuelle française. » Je n’ai, pour ma part, jamais parcouru cet îlot de volcans éteints qui domine Clermont et qui va des pays de Pariou et de Côme à ceux de la Vache et de la Solas, sans songer que Pascal, enfant, a certainement été conduit par son père à travers ce paysage tragique, et que ce fut là une des premières impressions associées à l’éveil de sa pensée.
Certes, quand on songe au rôle que joue le système nerveux (même sensori-moteur) comme régulateur de la vie organique, on peut se demander si dans cet échange de bons procédés entre lui et le reste du corps, il est véritablement un maître que le corps servirait. […] On ne s’en étonnera pas si l’on songe à la destination de notre entendement. […] Quand on songe à l’intérêt capital, pressant et constant, que nous avons à conserver nos corps et à élever nos âmes, aux facilités spéciales qui sont données ici à chacun pour expérimenter sans cesse sur lui-même et sur autrui, au dommage palpable par lequel se manifeste et se paie la défectuosité d’une pratique médicale ou pédagogique, on demeure confondu de la grossièreté et surtout de la persistance des erreurs.
Il y a d’ailleurs, indépendamment de toute conjecture, une idée vraie et neuve dans son livre, c’est de ressaisir à distance l’histoire de la conversation, d’en noter l’empire en France, de reconnaître et de suivre à côté de la littérature régulière cette collaboration insensible des femmes, à laquelle on avait trop peu songé jusque-là.
On est tenté de croire que M. de Meilhan a songé à lui dans ce portrait d’Aladin qui nous représente assez bien son propre idéal et ce qu’il aurait voulu être dans la jeunesse : Aladin était éloquent, passionné pour la liberté ; il était épris de la gloire et sentait qu’on ne pouvait s’élever dans une cour qu’en rampant, et que l’assiduité tenait lieu de mérite.
Il estime que le malheur de la plupart des hommes provient d’inquiétude, et de cette poursuite éternelle de quelque chose d’autre, au lieu de jouir de ce qu’on a : « Les hommes, dit-il, sont toujours in via et jamais in mansione. » Il attribue cette inquiétude à l’exemple, à l’imitation, à des causes étrangères à la nature de l’homme : « C’est une mauvaise et extraordinaire habitude, croit-il, dont nous pouvons être corrigés par le progrès de la raison universelle, comme on l’a été de la superstition et de quantité d’habitudes barbares et de façons de penser peu approfondies. » Pour lui, il est heureux et content de vivre ; il lui semble assister à un beau spectacle, à un joli songe ; si l’envie prend parfois au spectateur de faire l’acteur, c’est une faute, on est sifflé (il en sait quelque chose), et l’on s’en repent.
Tout l’honneur de l’avoir conjuré revient à Villars, à sa fermeté, à son choix d’un bon poste, à sa sagesse à s’y maintenir, à l’esprit excellent dont il avait animé ses troupes, et qui fit perdre à l’adversaire l’idée qu’on les pût entamer. « Mes affaires, par le parti que vous avez obligé le duc de Marlborough de prendre, lui écrivait Louis XIV satisfait, sont au meilleur état que je les pouvais désirer ; il ne faut songer qu’à les maintenir jusqu’à la fin de la campagne ; si elle était heureuse, je pourrais disposer les choses de manière à la finir par quelque entreprise considérable. » Marlborough, en s’éloignant, crut devoir s’excuser auprès de Villars même (une bien haute marque d’estime) de n’avoir pas plus fait ; il lui fit dire, par un trompette français qui s’en revenait au camp, qu’il le priait de croire que ce n’était pas sa faute s’il ne l’avait pas attaqué ; qu’il se retirait plein de douleur de n’avoir pu se mesurer avec lui, et que c’était le prince de Bade qui lui avait manqué de parole.
Nous ne songions pas au lendemain, nous ne pouvions y croire ; depuis 1793 nous progressions toujours : nous n’avions donc pas d’arrière-pensée.
Réduit souvent par sa faute à de tristes extrémités et amené, bien que jeune, à songer à sa dernière heure, Villon suppose qu’il fait son testament (il y en a deux de lui, le grand et le petit, sans compter un codicille), et dans cette supposition il lègue à ses amis tout ce qu’un pauvre diable qui n’a pas un sou vaillant peut donner ; parmi ses legs, il y a bon nombre de lays ou de ballades, et il a dû penser au jeu de mots : C’est à un poète une idée singulièrement originale et touchante, nous dit d’abord M.
La difficulté est bien plutôt de s’isoler, de se défendre du trop d’information qui, de droite ou de gauche, n’est qu’une distraction perpétuelle ; mais, à Weimar, Gœthe avait dû songer de bonne heure à la meilleure manière d’entretenir et de renouveler régulièrement l’activité, le mouvement dont il sentait le besoin, — la seule chose qui lui ait un peu manqué.
Ils sont comme l’aimable et trop sensitif Charles Lamb, qui le matin, au lieu de s’éveiller et de se lever avec l’alouette, aimait mieux prolonger entre ses rideaux le songe ou le demi-sommeil, et faire dès à présent, comme il disait, alliance avec les Ombres.
Comme l’ombre d’un songe, au bout de peu d’instans Ce qui charme s’en va, ce qui fait peine reste : La rose vit une heure, et le cyprès cent ans.
Dès que vint l’âge des grammairiens, des rhéteurs, des critiques, et, après la grande moisson faite, on dut songer en Grèce à rassembler un tel choix de jolies poésies, d’épigrammes ou inscriptions en vers, de petites pièces qui couraient risque de se perdre si on ne les rattachait par un fil.
Dans ce simple récit, il se montre, sans y songer, tout à son avantage.
J’avais songé, par une sorte de compensation bien due, à réunir d’autre part autour d’elle quelques-uns des noms dont elle eut le plus à se louer, bon nombre des êtres bienfaisants et secourables qu’elle avait rencontrés sur sa route, et qui lui avaient été une consolation, une douceur et un réconfort au milieu de ses maux ; — et M.
Mais les imiter en latin, comme la plupart le faisaient de son temps, — comme Salmon Macrin, de Loudun, le faisait avec succès, — c’était retomber dans l’ornière et mériter le reproche qu’Horace s’adresse à lui-même ou se fait adresser en songe par Romulus, d’avoir voulu commencer par faire des vers grecs ; c’était porter, comme on dit, l’eau à la rivière et le bois à la forêt.
Il dut y songer à deux fois et se recueillir pour accommoder et accorder ses propres pensées avec ce mode d’expression fin, éclatant et poli, dont l’idée si longtemps éclipsée était enfin retrouvée pour ne plus se perdre, et qui rayonnait avec diversité en vingt types immortels ; il fit, en présence des Grecs et des Latins, ce que les Latins avaient déjà fait en présence des Grecs : il choisit, il s’ingénia, il combina.
Un des amis de Victor, qui assistait à la séance, courut à la pension Cordier avertir le quasi-lauréat, qui était en train d’une partie de barres et ne songeait plus à sa pièce.
Un oracle d’Égypte, un songe l’exécute.
Et Trimalcion et Apicius, dans leurs digestions épicuriennes, auraient songé à en acheter un, pour être quelque chose.
La description du Bocage, dans le troisième chapitre, était toute de lui ; la préface en prévenait le lecteur, sans quoi on n’eût point songé à isoler le morceau, tant le tout se fondait avec goût et courait avec une grâce sévère.
Eynard et les pièces qu’il produit, de ce besoin et aussi de ce talent inné de Mme de Krüdner, et combien elle s’entend de bonne heure à la mise en scène du sentiment : j’en suis presque effrayé à certains endroits, quand je songe à combien de choses cet art secret a pu se mêler insensiblement depuis, sans qu’elle-même s’en rendît peut-être bien compte.
Nous n’y songeons pas, habitués que nous sommes aux tons intenses de nos coloristes modernes : la couleur de Boileau nous paraît bien terne.
Je songe à ce que nous dit M. le duc d’Aumale du recueil de poésies latines que le duc d’Anguien offrait à son père en termes si élégants, et j’ai peur que recueil et dédicace ne soient partis des mêmes mains. « Le Père Pelletier, nous confesse avec esprit M. le duc d’Aumale, eut peut-être plus de part que son élève à la composition du recueil.
La Bruyère, moins sublime, en effet, que Pascal, et moins profond que La Rochefoucauld, songe plus à s’approprier au public, et s’accoutume à ne regarder les choses que jusqu’où la vue des autres peut le suivre.
Je n’y aurais jamais songé, si je n’avais pas appris d’avance, par le moyen que nous venons de voir, à distinguer les changements d’état des changements de position, c’est-à-dire si mon œil était immobile.
Est-il bien certain que dans les chansons de Béranger le gouvernement de la Restauration eût songé à poursuivre la gaudriole, si elle n’eût été assaisonnée de satire politique ?
Loin que l’on songe à lui, il suffit que des mots se trouvent dans sa bouche pour être suspects de grossièreté.
Un soir, à la tombée du crépuscule, assis dans le salon déjà sombre, devant le jardin, — comme de rares paroles, entre de longs silences, venaient d’être échangées, sans avoir troublé le recueillement où nous nous plaisions, — je demandai, sans vains préambules, à Wagner, si c’était pour ainsi dire, artificiellement — (à force de science et de puissance intellectuelle, en un mot) — qu’il était parvenu à pénétrer son œuvre, Rienzi, Tannhæuser, Lohengrin, le Vaisseau Fantôme, les Maîtres Chanteurs même — et le Parsifal auquel il songeait déjà — de cette si haute impression de mysticité qui en émanait, — bref, si, en dehors de toute croyance personnelle, il s’était trouvé assez libre-penseur, assez indépendant de conscience, pour n’être chrétien qu’autant que les sujets de ses drames-lyriques le nécessitaient ; s’il regardait, enfin, le Christianisme, du même regard que ces mythes scandinaves dont il avait si magnifiquement fait revivre le symbolisme en ses Niebelungen.
Quand une revue anglaise l’attaqua, il le défendit et par toutes sortes de raisons auxquelles Manzoni n’avait certes pas songé.
C’est chez elles, parmi celles qui ont écrit, qu’on trouverait le plus sûrement des témoignages de cette familiarité décente, de cette moquerie fine, et de cette aisance à tout dire, qui remplit d’autant plus les conditions des anciens, qu’elles-mêmes n’y songeaient pas.
qu’il songe à ma dette !
Ce n’est pas que les gens qui savent les choses ne connaissent bien que la nature toute seule ne pourrait lui avoir ouvert l’esprit au point qu’elle l’a, mais c’est qu’elle songe tellement à demeurer dans la bienséance de son sexe, qu’elle ne parle presque jamais que de ce que les dames doivent parler.
Il ne manquera rien à mon bonheur, si mon jardin et ma solitude contribuent à me faire songer plus que jamais aux choses du ciel : « Quae sursum sunt sapite, non quae super terram » (Mettez votre esprit à ce qui est de là-haut, non à ce qui est sur la terre).
— Mais, maman, c’était en Bretagne cela… puis tu n’étais pas malade… Songe donc que, l’autre jour, il a fallu donner 50 sous, chez le pharmacien, pour une portion.
Précisément parce que nous identifions le beau avec l’agréable intellectuel, nous ne pouvons songer à l’identifier avec l’utile, qui diffère si souvent de l’agréable même.
Je songeai à la giroflée qui trempait dans un verre sur la table et dont l’odeur me parut si étrange.
Celui qui n’a égard en écrivant qu’au goût de son siècle, songe plus à sa personne qu’à ses écrits : il faut toujours tendre à la perfection, et alors cette justice qui nous est quelquefois refusée par nos contemporains, la postérité sait nous la rendre.
« Nos aînés ont préconisé le culte de l’irréel, l’art du songe, la recherche du frisson nouveau.
L’homme de génie ne doit craindre de tomber dans un style faible et négligé, que lorsqu’il n’est point soutenu par sa matière ; c’est alors qu’il doit songer à l’élocution et s’en occuper ; dès qu’il aura de grandes choses à dire, son élocution sera telle qu’elle doit être sans qu’il y pense.
Thierry n’y songe même pas dans cette Apocalypse de Rome, dont les Barbares ne sont pas absolument d’aveugles coopérateurs !
Saint-Hilaire songeât à la sienne.
Ailleurs, dans un chant d’amour universel, les chênes répètent un quatrain fait par les quatre vents, les loups songent près des louves, l’arbre redit pour son compte les devises qu’on lui a confiées, les vieux antres pensifs clignent leurs gros sourcils et font la bouche en cœur. […] N’est-il pas triste de songer qu’une différence de date dans la mort du poète aurait déterminé une différence complète d’appréciation chez plusieurs de ces écrivains, si empressés à la critique, aujourd’hui, et qui l’eussent été également à l’éloge, en d’autres temps ? […] Il finit toujours avant que l’on songe même à s’apercevoir qu’il y a longtemps qu’il a commencé. […] Heureuse d’avoir fini au plus beau moment du songe, qui seul put lui donner la force de supporter cinquante ans de misère et de larmes ! […] Le Mal, qui épie jalousement chaque astre aspirant à la vie, songe à lui composer, de toutes les infortunes qu’il peut concevoir, le plus sombre destin.
Que cet autre par les effets Songe à remonter à leurs causes. […] Il faut songer à plaire dans les ouvrages qui ne sont pas faits pour instruire, & même, quand on le peut, dans ceux qui ont pour but l’instruction. […] Je ne vis plus ni Palais, ni Génie ; je me retrouvai seul chez moi, écrivant ce que j’avais vu, ou cru voir ; car tout ceci pourrait bien n’être qu’un songe. Il m’en resta, cependant, un nouveau desir d’arriver à la gloire ; autre espece de songe plus dangereux que le premier. […] Elle n’y songeait pas ; mais cette réflexion l’oblige à se jetter dans Compiegne.
De ceux que nous apprenons amoureusement, nous n’avons jamais songé à recevoir de doctrine pédagogique. […] Puisque vous me sollicitez de m’expliquer, je n’admets que l’art pour l’idée et dès lors j’alourdis mes romans de toute la métaphysique que suscite le sujet, méprisant trop le public pour songer un instant à son plaisir : et fémininement satisfait de rester difficile à lire comme à aborder. […] Songez-vous à ceci, que dans l’art d’écrire, à cette heure, on pense à tout excepté à la beauté ? […] J’y ai songé souvent avec une infinie tristesse. […] songez-y !
Ici il ne faut pas lui demander, dans l’inspiration qui l’anime et le transporte, autre chose que du patriotisme et de la poésie : l’humanité, la tolérance, les impartialités équitables de l’histoire, qui, tout balancé, conclura de même, mais qui fait la part des vaincus, viendront après, plus tard, lorsqu’on aura le loisir d’y songer. […] Eût-il songé à dire pareille chose, à établir une telle route royale, s’il n’avait eu que des noms de poètes français pour la jalonner ?
Après avoir essayé de retracer l’enivrement d’un cœur de poète à l’entrée de la vie, Joseph continue en ces mots : Songe charmant, douce espérance ! […] je retombe en tristesse ; Je songe à mes longs jours passés avec vitesse, Turbulents, sans bonheur, perdus pour le devoir, Et je pense, ô mon Dieu !
Des dessins de Férogio, une charmante esquisse d’Hébert, un blond Baudry, une Nuit de Rousseau, qui est comme le « Songe d’une nuit d’été » de Fontainebleau, des Chassériau, des fleurs de Saint-Jean, une Macbeth de Delacroix ; enfin, deux petits tableaux de femmes nues, dont le faire va de Devosge à Devéria, — deux tableaux du maître, chez lequel Gautier apprit la peinture au faubourg Saint-Antoine. […] * * * — Songe-t-on au sort d’un curé d’une de ces paroisses de France où l’on fait six liards à la quête de la grand-messe, le dimanche ?
Tandis que les anatomistes d’aujourd’hui emploient dans leurs planches la photographie directe ou la photogravure, visant à l’exactitude la plus scrupuleuse dans la reproduction de la nature, les anatomistes des seizième, dix-septième, et même dix-huitième siècles, — qui étaient cependant des savants et non des artistes, — ne songeaient dans leurs dessins qu’à un à peu près offrant un effet esthétique et une symétrie superficielle ; ils figuraient des artères, des veines, des orifices quand l’aspect général leur paraissait plus convenable ainsi. […] Supposons que le mont Athos ait été sculpté, selon le plan d’Alexandre, en une colossale statue humaine. « Les paysans qui eussent ramassé les broussailles dans son oreille n’eussent pas plus songé que les boucs qui y broutaient à chercher là une forme aux traits humains ; et je mets en fait qu’il leur eût fallu aller à cinq milles de là pour que l’image géante éclatât à leurs regards en plein profil humain, nez et menton distincts, bouche murmurant des rythmes silencieux vers le ciel et nourrie au soir du sang des soleils ; grand torse, main qui eût épanché perpétuellement la largesse d’un fleuve sur les pâturages de la contrée.
On sait cependant combien les deux sexes diffèrent parfois l’un de l’autre, et par les caractères les plus importants : chez certains Cirripèdes adultes, c’est à peine si les mâles et les hermaphrodites possèdent un seul attribut en commun, et, cependant, personne ne songerait à les séparer. […] D’après ce même principe, si l’on se souvient que, lorsque des organes s’atrophient, soit par défaut d’exercice, soit par sélection naturelle, ce ne peut être en général qu’à une période de la vie où l’être organisé doit pourvoir à ses besoins ; et si l’on songe d’autre part quelle est la force du principe d’hérédité, l’existence d’organes rudimentaires, de même que leur avortement complet, résultant de leur lente résorption, ne nous offre plus aucune difficulté particulière, et leur présence aurait même pu être prévue.
Songez à ce qui précède et que les parnassiens seuls méritent cette appellation. […] Le titre pédant de mon livre me plaît, me faisant songer aux mystiques, qui ont perçu le ciel à travers eux-mêmes et leur âme, réfléchie par les choses.
On songea alors à fixer la prononciation, & à la faciliter aux étrangers ; ce qui arriva, poursuit cet Auteur, un peu avant le tems de Ciceron. […] Il seroit à souhaiter que chacun de ces alphabets eut été dressé par des personnes habiles, après un examen raisonnable ; il y auroit alors moins de contradictions choquantes entre la maniere d’écrire & la maniere de prononcer, & l’on apprendroit plus facilement à lire les langues étrangeres : mais dans le tems de la naissance des alphabets, après je ne sai quelles révolutions, & même avant l’invention de l’Imprimerie, les copistes & les lecteurs étoient bien moins communs qu’ils ne le sont devenus depuis ; les hommes n’étoient occupés que de leurs besoins, de leur sûreté & de leur bieu-être, & ne s’avisoient guere de songer à la perfection & à la justesse de l’art d’écrire ; & l’on peut dire que cet art ne doit sa naissance & ses progres qu’à cette sorte de génie, ou de goût épidémique qui produit quelquefois tant d’effets surprenans parmi les hommes.
Elle songea donc sérieusement à faire un plein usage de ses facultés, de ses talents, à ne pas s’abattre ; et, puisqu’il était temps et que le soleil s’inclinait à peine, son génie se résolut à marcher fièrement dans les années du milieu : « Relevons-nous enfin, s’écriait-elle en sa préface du livre tant cité, relevons-nous sous le poids de l’existence ; ne donnons pas à nos injustes ennemis et à nos amis ingrats le triomphe d’avoir abattu nos facultés intellectuelles. […] Capelle, qui avait succédé à M. de Barante père révoqué, lui insinuait d’écrire quelque chose sur le roi de Rome ; un mot lui eût aplani tous les chemins, ouvert toutes les capitales : elle n’y songea pas un seul instant, et, dans sa saillie toujours prompte, elle ne trouvait à souhaiter à l’enfant qu’une bonne nourrice. […] Elle siéra d’autant mieux en ce moment qu’un récent souvenir funèbre se doit mêler à cette figure immortelle de Corinne, et qu’on songe inévitablement, en s’occupant de Mme de Staël, à ce que vient de ravir un tombeau.
Songez plutôt à l’indiscutable chef-d’œuvre : lorsque Maillart, juge d’enfer, menoit à Montfaulcon Semblançay l’âme rendre… le poète des châtiments ne fera pas mieux. […] — je ne puis songer à publier ni même à discuter les articles, les lettres qu’a provoqués jusqu’ici notre enquête magnifique. […] « le chant doit produire de l’enchantement. » il faut pour qu’un spectacle soit beau, qu’on croie imaginer ce qu’on y entend, ce qu’on y voit, et que tout nous y semble un beau songe. les arts ont pour mérite unique, et tous doivent avoir pour but, de faire imaginer des âmes par le moyen des corps.
Relisons là-dessus la deuxième partie de Gil Blas ; elle est datée de 1725 ; on y voit un laquais devenir « par de sales emplois » l’arbitre de la monarchie espagnole ; et si nous étions tentés de méconnaître la valeur « documentaire », la signification politique, la portée sociale du roman, songeons quels étaient hier encore les maîtres effectifs de l’Europe : un Dubois, le fils de l’apothicaire de Brive-la-Gaillarde, ou un Alberoni, le fils du jardinier de Parme ! […] Mais songeons surtout au renversement opéré dans les conditions par le système de Law, 1716-1721, et que rien de pareil ne s’était vu jusque-là. […] Mais voici qu’en revanche, après ces Mémoires dont la verve excite la jalousie de Voltaire, — et auxquels, pour être classiques, il ne manque en vérité que d’être de bon goût, et surtout de bon ton, — il s’avise de reprendre, lui troisième, le sujet des Folles amoureuses et de L’École des femmes, le tuteur de l’ancienne comédie, dupé par l’éternelle ingénue ; il l’encadre dans le décor espagnol, celui du roman de Le Sage, du théâtre de Scarron, et en l’écoutant on songe à Gil Blas : c’est le Barbier de Séville, 1775. […] III. — Denis Diderot [Langres, 1713 ; † 1784, Paris] La famille de Diderot ; — premières études de Diderot, Langres et Paris [collège d’Harcourt] ; — son refus d’être médecin, avocat ou procureur ; — et sa brouille avec sa famille. — Sa jeunesse besogneuse ; — il se met aux gages des libraires ; donne des leçons de mathématiques ; — et songe même à se faire acteur. — Ses « tours de page » [Cf.
Mais je veux dire le résultat capital de tout l’effort de sa vie, parce que ce résultat est sous les yeux, parce qu’il est infiniment instructif et que personne ne songe à le faire remarquer. […] Cet aimable chef d’orchestre à physionomie singulière, qui réalisait pour moi seul, peut-être, l’enchantement du Songe d’une nuit d’été, en pleine réalité bête d’une soirée parisienne, j’aurais voulu l’embrasser pour le bonheur qu’il me donnait. […] Ses poésies sont souvent amères et, plus d’une fois, on y rencontre de ces mots qui font songer à de terribles et mystérieux déchirements d’entrailles. […] Songez donc ! […] Porté comme je l’étais par ma sensation sur le rebord crépusculaire de la vie normale, je ne pus me défendre, en dépit des différences les plus énormes et les plus essentielles, de songer au désespéré Henri Heine à propos de Rollinat.
On jouit de tout avec une sérénité charmante, des arts, de la nature, des amitiés ; une coiffure, une robe, ne vous font pas manquer l’ouverture du Prophète, et l’on peut se promener dans les bois sans songer aux rendez-vous, ni aux dieux sylvains. […] Et qui eût songé à lui en vouloir de négligences forcées et d’oublis apparents, lorsqu’on voyait les résultats de ses fuites ou de ses réclusions ? […] Cette idée nous serrait le cœur et nous osions à peine songer à l’affreux désespoir qui suivrait une telle séparation. […] Peut-être préférait-il Diderot à Shakespeare et lisait-il plus volontiers le Neveu de Rameau que Comme il vous plaira ou la Tempête ou le Songe d’une nuit d’été. […] Quelquefois, Sylvain tenait embrassé le fût rugueux d’un chêne ; mais qui songerait à être jalouse d’un arbre ?
Si nous parlons de la religion ou de l’État, ce n’est qu’historiquement, sans songer à réformation ou à sédition.
Je ne l’ai jamais vu distrait d’une affaire par une autre, sortant de celle qu’il discute pour songer à celle qu’il vient de discuter ou à laquelle il va travailler.
mais songez que c’était au début.
Virgile est un doux nom, cher à l’oreille et au cœur de tous : il est devenu tel à travers les âges ; il s’est francisé sous cette forme, et nul ne peut songer à nous le ravir : mais en latin il est bien certain que le nom est P.
Mme Récamier songea aussitôt à présenter Mme Valmore au choix de M. de Montmorency ; mais de sa part à elle, on se heurta à une délicatesse.
» À partir de ce moment (décembre 1813), il ne songea plus qu’à servir les intérêts de la Suisse, sa patrie, auprès de l’empereur Alexandre.
De son côté, ce métayer ne songe qu’à vivre avec le moins de travail possible, à mettre le plus de terrain qu’il peut en dépaître ou pacages, attendu que le produit provenant du croît du bétail ne lui coûte aucun travail.
C’est pour cela qu’on songe à lui et qu’on le fait venir la première fois au camp, afin d’amuser et de calmer la maladie mentale du roi.
La cérémonie était commencée quand François Pazzi et Bandini, voyant que l’une des principales victimes, Julien, était en retard et manquait au sacrifice, allèrent au-devant de lui pour presser sa marche, et l’ayant trouvé en chemin, affectèrent l’enjouement et la familiarité d’anciens compagnons de plaisirs, pour le prier de se rendre à l’église et pour tâter, en l’embrassant, s’il n’avait point de cuirasse sous ses habits ; ils badinèrent même avec lui en entrant dans l’église, pour prévenir tout soupçon et l’empêcher de songer à revenir sur ses pas.
Si l’on songe que de ces 150 pièces, 61 nous sont connues par le recueil imprimé du British Muséum, et 72 par le manuscrit La Vallière, que les premières semblent s’être jouées dans la région lyonnaise, et les autres en Normandie, qu’enfin la plupart de ces pièces ne sont pas, dans leur forme conservée, antérieures au xvie siècle, on concevra qu’il n’y a guère d’induction à tirer, de l’ensemble des œuvres que nous avons, sur révolution du théâtre comique.
Elle n’avait pas songé d’abord à cette grandeur.
De ses doigts légers comme un songe, il toucha mes prunelles ; mes prunelles s’ouvrirent voyantes comme celles d’un aiglon effarouché ; il toucha mes oreilles, elles se remplirent de bruits et de rumeurs, et je compris l’architecture des cieux et le vol des anges au-dessus des monts, et la voie des essaims d’animaux marins sous les ondes, et le travail souterrain de la plante qui germe.
Ce sont là au succès d’invincibles obstacles ; il faut ne pas penser ou ne pas dire sa pensée ; il faut user tellement sa personnalité, qu’on n’existe plus ; songer toujours à dire, non pas ce qui est, mais ce qu’il convient de dire ; s’enfermer en un mot dans un cercle mort de conventions et de mensonges officiels.
Il ne songe pas à imposer ses goûts et sa volonté.
Ce n’est plus que le fantôme d’un songe errant au grand jour. » Les apprêts de fête qui remplissent la cité devraient les réjouir et ils les attristent ; ils se défient de la victoire qu’elles annoncent : les dieux, s’ils l’ont permise, la feront sans doute payer cher. — Il y a dix ans, au jour du départ de l’armée marchant contre Troie, un aigle blanc et un aigle noir s’abattirent sur une hase pleine, dans la cour du palais d’Argos, et ils mangèrent avec elle la portée que couvaient ses flancs.
. — C’était la fragile image d’un songe : il ne cause pas le plus léger trouble. » La Grèce connut peu la mélancolie ; une éducation héroïque, admirablement impartiale entre la culture du corps et de l’âme, y détruisait en germe ses premiers symptômes.
Elle se laisse courtiser par Léopold, rit de ses galanteries et leur donne gaiement la réplique, sans songer à mal.
» Et Lionnette lui répondra : — « Il faut dire qu’il m’aime aussi, c’est son excuse. » Elle aurait dû se dire cela, songer à cette excuse, avant de se laisser emporter par la crise de folie furieuse dont nous venons de voir les accès.
M. de Chateaubriand, dès 1814, est impatient, et il s’étonne, il se pique que tout d’abord on ne vienne pas à lui comme à l’homme nécessaire : « J’avais été mis si fort à l’écart, dit-il, que je songeais à me retirer en Suisse. » Et il montre Louis XVIII comme jaloux et déjà dégoûté de lui, et Monsieur (le comte d’Artois) comme n’ayant jamais rien lu du Génie du christianisme.
Le Dialogue se termine ici : la marquise demande encore à en reparler ; elle essaie de ne pas consentir au projet aventureux qui la charme ; elle lance d’une voix touchée une dernière et faible défense : « Songez que je ne vous permets rien, que je veux vous parler, que, si vous faites la moindre démarche sans mon aveu, je ne vous reverrai de ma vie. » Mais que de chemin en un jour !
Flaubert, l’ennemi des illustrations, songe aujourd’hui à l’illustration de sa féerie, avec des dessins de peintres — et non de dessinateurs, dit-il avec mépris.
Leur lumière faisait songer à la face de Caïn.
En 1835, il n’a pas songé à ce problème ; en 1848, il l’a vu, mais de trop près : il était alors trop assiégé par les faits et trop découragé pour l’examiner avec le désintéressement du penseur et du savant.
Vos désirs inconnus, sous l’arceau triomphal, Dont votre esprit en songe arrondissait la voûte, Passent assis en croupe au dos de leur cheval.
La Fontaine, vendu par la disparition ou l’éloignement de ses anciens amis à son vrai tempérament, n’écrit plus guère que des Contes ; et quels Contes, si l’on songe qu’il a passé la soixantaine ! […] Cousin, Société française au xviie siècle] ; — 2º des épisodes contemporains, comme dans sa Clélie, l’histoire de Scaurus et de Lydiane (Scarron et Françoise d’Aubigné) ; le songe d’Hésiode (tableau de la littérature) ; la description du pays de Tendre ; — et 3º une politesse ou une galanterie très supérieure à celles de La Calprenède et de Gomberville. — Finesse de quelques analyses. — Les romans de Mlle de Scudéry sont des romans « psychologiques ». […] Qu’il n’y a pas un « seul » fragment des Pensées qui ne tende à établir quelqu’une des propositions précédentes ; — mais que, pour bien s’en rendre compte, il faut songer que, dans la pensée de Pascal, son apologie était à la fois dirigée contre les libertins, — contrôles philosophes, — contre les Jésuites, — et contre les Juifs. — Importance de cette observation. — De la valeur apologétique actuelle des Pensées de Pascal. — [Cf. […] — Le pensionnaire du surintendant Fouquet, 1657. — Sonnets, Madrigaux et Ballades. — Le poème d’Adonis [Cf. l’Adonis de Shakespeare], 1658. — Le Songe de Vaux, 1658 ; — l’Élégie aux nymphes de Vaux, 1661. — Liaison de La Fontaine avec Molière, Boileau et Racine [Cf. le Prologue de Psyché ; et Scherer, « Le Cabaret du Mouton blanc », dans ses Études critiques]. — Il passe de la protection de Fouquet sous celle de la duchesse de Bouillon [Cf. […] I et II, Paris, 1867]. — Les Maximes sur la comédie, 1693. — L’affaire du quiétisme. — Comment Bossuet s’y est trouvé mêlé sans y avoir songé. — Importance de la question, et comment elle s’est compliquée d’une question politique [Cf.
Baron, âgé pour lors de neuf à dix ans, était dans la troupe de la Raisin, à qui Molière venait de prêter sa salle par humanité : il vit le jeune comédien, devina son talent, l’invita à souper, et le fit coucher chez lui : qu’on se figure la surprise de cet enfant quand, à son réveil, on lui apporta un habit magnifique ; il crut être bercé par un songe agréable, surtout lorsque Molière lui fit présent de six louis, en lui recommandant de ne les dépenser qu’à ses plaisirs, et qu’il lui montra l’ordre par lequel le roi lui permettait de quitter la troupe de la Raisin pour entrer dans celle de son bienfaiteur. […] Je prie sincèrement mes juges de me condamner, si j’ai tort ; et je le désire presque, lorsque je songe que l’élite des comédiens, ceux qu’on regarde comme les apôtres du goût, peuvent, dans leurs missions fréquentes, égarer les acteurs, les spectateurs de nos provinces ; et puis, comment compter sur la tradition ? […] Éblouis sans doute par le titre des Amants magnifiques, ils n’ont pas songé qu’un plaisant de cour, un astrologue, n’étaient guère propres à lui valoir cette réputation de pièce héroïque. […] Autre imitation, à laquelle personne n’a songé, je pense, et je suis tenté de m’écrier fièrement, comme monsieur de Francaleu, dans La Métromanie : J’ai surpris telle rime !
Clotilde, dans la grande salle assoupie, allaite son enfant, le dernier fruit du grand arbre humain des Rougon, et toute alanguie d’amour, toute baignée d’extase, elle soupire et elle songe, bercée par la tiède odeur du printemps : « Quel serait-il, l’enfant ? […] Saint-Georges de Bouhélier, votre maître, pour qui j’ai d’ailleurs une grande estime littéraire, plus artificielles, plus exagérées que ce poème du chevalier, dans le merveilleux Tel qu’en songe, de M.
Si l’on songe à ce qu’il fallait de libre et généreuse humeur chez Boileau pour la dire, de bon sens et de bon vouloir chez Louis XIV pour la goûter, on reconnaît que, des deux côtés, dans ce noble commerce, le mérite fut égal. […] Préface de Bérénice : « Ils ne songent pas qu’au contraire toute l’invention consiste à faire quelque chose de rien, et que tout ce grand nombre d’incidents a toujours été le refuge des poètes qui ne sentaient dans leur génie ni assez d’abondance ni assez de force pour attacher durant cinq actes leurs spectateurs par une action simple, soutenue de la violence des passions, de la beauté des sentiments et de l’élégance de l’expression. » 214.
Elle ajoute, qu’habitant Paris depuis des années, elle n’a jamais songé à voir le survivant des deux frères, mais que bien des fois elle a été s’agenouiller sur la tombe du mort, et que vendredi, tout en se réjouissant des honneurs qui me seront rendus, et tout en me plaignant de les recevoir tout seul, elle retournera au cimetière. […] À onze heures, Sarah Bernhardt accoudée sur le marbre de la cheminée du grand salon, lit nonchalamment, avec sa voix d’or, à travers une face-à-main, l’Hommage à Edmond de Goncourt de Robert de Montesquiou : Les paons blancs réveillés par la Faustin qui rêve, Glissent en notre esprit avec moins de douceurs Que la grâce de vos héroïnes sans trêve, Maître : Marthe, Renée, et Manette et leurs sœurs, ……………………………………………………… Les paons blancs évoqués par la Faustin qui songe.
. — Le Songe d’une nuit de doute, suivi de plusieurs poèmes, Paris, Soc. du Mercure de France, 1902. — La Prairie en Fleurs, poésies (rééd. de Aux Écoutes, Fables Renaissance, Le Chemin des ombres heureuses, etc.), Mercure de France, 1904, in-18. — Le Servage, roman. […] Lemerre, 1899. — Le Songe de l’Amour, id.
Quelques-unes de ces difficultés sont si graves, que moi-même, encore aujourd’hui, lorsque j’y songe, j’en suis parfois presque ébranlé. […] Pour acquérir la conscience parfaite de notre profonde ignorance à ce sujet, il suffit de songer aux différences qui distinguent nos races domestiques de différentes contrées, et surtout des contrées les moins civilisées, où la sélection systématique de l’homme a eu peu d’action.
Songez donc un peu, l’homme du Deux-Décembre occupait le trône ainsi que la chaste Eugénie ! […] Il fait, en même temps, rire et songer.
Il est étonnant que la troupe n’ait pas plutôt songé à faire une pareille acquisition pour son théâtre. […] Décidé, par le pape, cordelier réformé, il ne songea plus qu’à remplir sa mission. […] Ils songèrent aussitôt à se faire connoître dans Paris. […] Écrivain foible & diffus, en Latin comme en François, sans agrément, sans correction & sans clarté : on ne songe guères aujourd’hui à le lire. […] Le saint troupeau de prosélytes ne songea qu’à se précautionner contre l’orage qu’ils prévoyoient devoir fondre sur eux.
Songe-t-on qu’il y a des gens condamnés à se nourrir de si peu ? […] Pendant qu’il parlait, qu’il parlait, comme devait parler Rabelais, je songeais à l’injustice de la rémunération dans l’art. […] Victor Hugo que je rencontre, tenant son petit-fils à la main, est en train de dire à un ami : « Je crois qu’il sera prudent de songer à un petit ravitaillement. » Enfin, au boulevard Montmartre, je trouve affichés les noms du nouveau gouvernement, des noms si inconnus, que cela ressemble à une mystification. […] Je songe à ma vocation de peintre, à ma vocation d’élève de l’école des chartes, brisées plus tard par la volonté de ma mère.
On s’étonne de voir Charron songer à élever un édifice de morale sur une base pareille, et offrir une foule de préceptes à une créature exclusivement formée de tels éléments. […] Après avoir vivement repoussé l’imputation de les avoir lui-même livrées, il ajoute : « J’ai peint, à la vérité, d’après nature ; mais je n’ai pas toujours songé à peindre celui-ci ou celle-là dans mon livre des Mœurs.
Or, s’il a suffi du passage de Rabindranath Tagore pour que le téléphone de notre poétesse devînt un fleuve d’amour, il y a tout à parier, qu’elle ne songe qu’à jouer la fée des eaux romantiques. […] Tous les mâles de cette ruche, sans doute, ne songent point à devenir époux de la reine, mais, depuis la plus haute antiquité, jusqu’à cette très chrétienne année 1932, les idolâtres de Vénus ou de la Vierge Marie, s’ils ne se livrent à propos de pomme ou d’Immaculée Conception à quelque petite guerre7 entendent, au moins, trouver en eux des champs de bataille moraux. […] Les sciences sociale et morale se contentent de démonter théoriquement un monde, sans même songer à un nouvel et meilleur assemblage des pièces détachées.
Pour mon compte, je viens de subir une rude épreuve contre laquelle je me roidissais depuis bien longtemps ; elle m’a confirmé dans la pensée que rien n’est plus fatal à un artiste que son éloignement de la multitude et du froissement du monde : l’isolement ne laisse prendre aucun repos à sa pensée dominante ; son sommeil même ne lui procure plus le moindre délassement ; une seule idée le domine sans cesse : elle l’use et l’énerve à force d’y songer, et, au bout du compte, il finit par ne plus savoir où il en est, faute d’objet de comparaison d’une part, et de l’autre parce qu’il ne rencontre plus sur sa route cet imprévu qui donne à chacun de nous la connaissance de sa force. » « Je suis convaincu, mon cher ami, que l’affaiblissement dans lequel je suis tombé est prématuré, que si les circonstances déplorables qui depuis une année ont changé mes rapports avec la société32 ne s’étaient pas présentées, je suis persuadé, dis-je, qu’il m’aurait été possible de soutenir plus longtemps le rang que mes travaux m’avaient assigné.
Certainement tout étranger de distinction qui parle le français comme sa langue, arrivant dans la capitale, après les curiosités les plus voyantes et les visites les plus pressées, quand il en viendra au fin des choses, quand, son gros appétit apaisé, il n’aura plus à songer qu’aux friandises du dessert, demandera : « À quand une séance de l’Académie française ?
Le poëte, sans songer à mal, insulte au hasard, en passant, du haut de son char de feu.
Mais, nonobstant ces avertissements, ces misérables, sans songer à chercher le sentier heureux, sans s’en informer, et comme s’ils le connoissoient parfaitement, se mettent hardiment en chemin.
Quelle administration Devant ce débiteur qui manifestement devient insolvable, tous les gens qui, de près ou de loin, sont engagés dans ses affaires, se consultent avec alarme, et ils sont innombrables, banquiers, négociants, fabricants, employés, prêteurs de toute espèce et de tout degré : au premier rang les rentiers, qui ont mis chez lui tout leur avoir en viager et qui seront à l’aumône s’il ne leur paye pas chaque année les 44 millions qu’il leur doit, les industriels et marchands, qui lui ont confié leur honneur commercial et auraient horreur de faillir par contre-coup ; derrière ceux-ci, leurs créanciers, leurs commis, leurs ouvriers, leurs proches, bref la plus grande partie de la classe laborieuse et paisible, qui jusqu’ici obéissait sans murmure et ne songeait point à contrôler le régime établi.
Telle est l’histoire du réveil ; tout à l’heure, je songeais en rêve que j’étais dans une atmosphère brûlante ; je m’éveille, j’ai la sensation de demi-fraîcheur et de demi-tiédeur ordinaire ; cette sensation de froid contredit l’image de la sensation de chaud, et, grâce à cet accolement, l’image apparaît telle qu’elle est, c’est-à-dire comme simple image. — Mais si, par un dérangement quelconque, les petites sonneries continuent à faire tinter la grosse cloche, ce qui est l’état de l’halluciné qui voit un personnage absent, si la grosse cloche répète d’elle-même ses tintements, ce qui arrive dans les hallucinations qui suivent l’usage prolongé du microscope, l’issue est autre.
Il fut à lui-même sa première pensée : toutes les fois qu’il y eut à choisir entre sa patrie et lui, il ne songea qu’à lui-même ; il prit le décorum pour l’honneur, et l’honneur pour la vertu.
Un poison inconnu se mêlait à tous mes sentiments… Je suis un pénible songe… Je m’ennuie de la vie ; l’ennui m’a toujours dévoré ; ce qui intéresse les autres hommes ne me touche point… En Europe, en Amérique, la société et la nature m’ont lassé. » Eudore nous révèle encore et toujours la même personnalité, assez délicatement localisée à l’aide des Confessions de saint Augustin, où Chateaubriand trouvait une forme historique appropriée à son âme inquiète : mais à chaque instant la fiction se déchire, et Eudore découvre l’auteur.
Ailleurs, quand Mayenne avoue qu’il a toujours songé à faire quelque chose de bon pour lui et les siens, n’a-t-il pas pu croire, dans la bonne foi de sa cupidité, que c’était un juste prix de ce qu’il avait fait pour la Ligue ?
Tel est cependant l'Homme, dont la plus grande partie de la Nation a fait son Idole, & qu'on a encensé, sur ses derniers jours, au point de ne pas craindre de le rendre ridicule, en le couronnant & lui décernant sur un Théatre public, les honneurs de l'Apothéose ; tel est cependant l'Homme qu'on a préconisé, célébré, honoré avec enthousiasme, & à qui on s'est proposé très-sérieusement d'élever des statues, sans songer que dans l'Antiquité, & chez tous les Peuples sages, cet honneur n'a jamais été que le prix des vertus héroïques, ou des services rendus à la Patrie.
Qu’il relise Virgile, le chantre de la Phénicienne Didon, et le Carthaginois Térence, peintre si doux de la sympathie humaine ; qu’il songe à ces paroles si tendres, si profondes : sunt lacrymæ rerum , et qu’il achève le vers en le méditant : mentem mortalia tangunt .
L’Oracle leur parlait pendant leur sommeil, sous la forme d’un songe propice ou funeste.
Tandis qu’il travaillait obscurément et incognito à quelque journal, il préparait une petite comédie en vers, et songeait au concours de l’Académie française.
Pour lui, il songe à réformer la langue comme le reste ; et même c’est par là, selon lui, qu’il faudrait commencer ; car une découverte qu’il croit avoir faite, c’est que « nos langues sont plus savantes que nos idées, c’est-à-dire annoncent des idées, des connaissances qui n’existent pas, et qui cependant fixent tous les jours les efforts d’une quantité prodigieuse de scrutateurs. » Ces scrutateurs se repaissent tant bien que mal de ce qui leur apparaît sous forme d’expressions consacrées.
Quand le petit enfant fixe les yeux pour la première fois sur le visage humain, qui sait s’il n’éprouve pas le vague sentiment d’une chose qui n’est pas absolument nouvelle et qu’il a vue comme dans un songe ?
* * * Il faut songer à des choses de la vie courante, à des envois de lettres.
Qu’on songe à tout ce qu’il y a dans cette phrase.
Elle me fait songer à cette fillette qu’un jour de pluie, sous le toit de chaume qui dégoutte, je voyais s’amuser à recevoir chaque goutte d’eau dans son dé : le vent du ciel chasse au loin les gouttelettes, et l’enfant tend son dé, patiente, et le petit dé n’est pas encore plein.
Je ne songe plus qu’à recueillir les souvenirs de ma vie politique et les raisons de ma foi.
» n’auraient-ils pas dû l’avertir et la faire songer quand elle a voulu publier le second ?
Et, en effet, même parmi ceux qui plongèrent avec la sensualité la plus brûlante ou la corruption la plus froidement réfléchie en cet étrange livre, où Michelet a fait de l’amour dans la femme quelque chose d’inférieur à ce que Cabanis faisait, dans la cerveau de l’homme, de la pensée, personne n’a jamais songé, que je sache, à conclure au philosophique la vérité des idées d’un homme, de nature fort peu philosophe, qui, pour avoir regardé, par hasard ou par curiosité, sur une table de dissection, a voulu substituer à la spiritualité humaine et à son mystère de basses origines matérielles, et tirer de l’obscène même le sentimental !
J’ai la faiblesse de n’être pas pour les cités de brume et de songe, les peuples de fantôme errant par les brouillards, tout ce que le vent de l’imagination apporte et emporte.
Puis, sans plus songer à elle, il croit l’Asie vaincue ; et, apostrophant, comme le prophète, la nouvelle Tyr et ses vaisseaux détruits, il s’écrie : « Ceux qui ont vu ta force brisée et la mer libre et dégagée des forêts de navires qui troublaient ses ondes, en voyant ta mort honteuse, diront de tes débris errants : Qui donc a eu tant de puissance contre la terrible Asie ?
Quand on parcourt les longues et curieuses galeries de cette critique, son vaste et brillant musée de portraits, on ne songe pas même à se demander si ceux qu’ils représentent ont été bons ou mauvais, tant ils vivent, tant ils semblent avoir eu droit et raison d’être ce qu’ils ont été, tant il paraît impossible qu’ils aient pu être autre chose ; c’est l’esprit humain dans ses variétés infinies, mais toujours l’esprit humain. […] Ces jolies dames n’avaient pas songé que ces romans et ces livres qu’elles laissaient traîner dans leurs boudoirs et sur leurs tables de nuit, leurs femmes de chambre les lisaient, et qu’en imitant leurs modes on se faisait une distinction d’imiter aussi leur hardiesse de sentiments et de mœurs. […] Dans cette saine vie de gentleman farmer, il a pris sérieusement goût à la nature et aux occupations rustiques, et sa rêverie se mêlant à son travail, il a fait, au jour le jour, presque sans y songer, en marchant le long de ses pièces de blés ou de ses haies d’aubépine en fleur, le Poëme des champs, qui a sur tous les ouvrages de ce genre l’avantage de sentir le foin vert plus que l’huile de la lampe. […] C’est un Grec né deux mille ans trop tard, et quand nous le vîmes pour la première fois, il nous fit songer à ce dernier prêtre d’Apollon que Julien rencontra dans un petit dème de l’Attique, allant, faute de mieux, sacrifier une oie sur l’autel demi-écroulé de son dieu tombé en désuétude. […] Avant la fin du Songe de Camille, la chaleur avait passé dans la salle.
… J’ai été souper à la Maison d’Or, avec une fille… là, tout à fait une belle fille… une désintéressée comme moi… nous ne songions qu’à faire rire les gens, que nous avions autour de nous, avec l’argent de ma poche… Le lendemain… un matin tout rose… n’a-t-elle pas eu la fantaisie de conduire elle-même… Elle était la fille d’un cocher… et installée sur le siège, — elle nous a menés jusqu’à la Bastille, d’un train, d’un train ! […] Pour les Baux, pour Lamanon, pour ces endroits que j’appellerai de leur vrai nom, du nom de paysages historiques, et que dégrade et modifie, chaque jour, l’action meurtrière de la nature, ou la recherche de la pierre de construction par l’homme, comment ne s’est-il pas trouvé un préfet, un administrateur intelligent, qui ait songé à les faire reproduire dans une série de grandes photographies, et en faire un musée dans le chef-lieu du département ?
Je refuse, mais je ne puis m’empêcher de songer à tous les gens, que l’acceptation aurait mis à mes pieds, au respect, que j’aurais conquis dans la maison de la princesse, enfin à la facilité, avec laquelle j’aurais trouvé des éditeurs, pour illustrer La Maison d’un artiste, Madame Gervaisais, etc., etc. […] Jeudi 14 juillet L’aide injecteur de Brown-Séquard disait, que les cobayes s’épuisant, on avait songé aux testicules des taureaux, mais qu’on avait appris que les toréadors les mangeaient, pour se donner de la vigueur et du jarret.
Ce fait s’explique si l’on songe que toutes les espèces éteintes ont vécu à des époques de plus en plus reculées, où les rameaux généalogiques étaient de moins en moins divergents. […] Mais, comme je l’ai déjà dit dans mon Introduction, nul ne doit s’étonner qu’il reste encore beaucoup de choses inexpliquées sur l’origine des espèces, si l’on songe à notre profonde ignorance concernant les relations mutuelles des habitants du monde, durant les époques successives de son histoire.
Après les nominalistes et tous les philosophes qu’avait frappés l’association des termes généraux avec les notions générales, Condillac avait insisté sur le même fait, mais en logicien plutôt qu’en psychologue, et sans songer à distinguer la parole intérieure de la parole extérieure : « Tout l’art de raisonner se réduit à l’art de bien parler ; — une science bien traitée n’est qu’une langue bien faite ; — toute méthode analytique de la pensée est une langue ; — nous pensons par les langues » tels sont ses principaux aphorismes ; Rousseau, lui, envisageant la pensée et ses expressions comme deux successions parallèles, esquissait une vraie description psychologique quand il disait : « L’esprit ne saisit (les idées dont l’objet n’est pas sensible) que par des propositions : car sitôt que l’imagination s’arrête, l’esprit ne marche plus qu’à l’aide du discours. » Sur la question des origines, Condillac avait soutenu, après l’oratorien Richard Simon29 3 et avec la grande majorité des philosophes du xviiie siècle et des idéologues, l’invention humaine de la parole, ou, en d’autres termes, la création de l’expression de la pensée par les seules forces naturelles de la pensée : à quoi Rousseau répondait : « La parole paraît avoir été fort nécessaire pour établir l’usage de la parole. » D’autre part, et dès avant ses recherches sur le langage, de Bonald était d’instinct partisan des vérités immuables ; et, disposé comme il l’était à voir dans le progrès une illusion coupable, dans le devenir une forme inférieure de la réalité, une déchéance de l’être, il avait été facilement mis par le P. […] On peut songer aussi à identifier l’activité avec l’innovation verbale, la passivité avec la simple remémoration ; à première vue, l’invention seule semble impliquer un certain degré d’effort mental ; mais quelquefois nous nous remémorons avec peine, et souvent nous inventons sans effort : il n’est pas besoin pour cela d’être inspiré ; quand nous lisons un texte pour la première fois, la suite des mots intérieurement prononcés est une combinaison nouvelle de souvenirs anciens, et pourtant nous n’avons conscience d’aucun effort.
C’est-à-dire, qu’on ne songe guére à faire l’amour quand on n’a pas dequoi vivre. […] Il y a des pièces allégoriques en prose et en vers : les auteurs de ces ouvrages ont prétendu qu’on leur donat un sens allégorique ; mais dans les histoires, et dans les autres ouvrages dans lesquels il ne paroit pas que l’auteur ait songé à l’allégorie, il est inutile d’y en chercher. […] Quelques auteurs ont trouvé une image des révolutions arivées à la langue latine, dans la statue que Nabuchodonosor vit en songe ; ils trouvent dans ce songe une allégorie de ce qui devoit ariver à la langue latine.
Celui-ci, dit l’auteur d’une préface qu’on trouve à la tête des dialogues de M. de Fenelon sur l’éloquence, ne songe en vrai philosophe qu’à donner de la force à ses raisonnemens, & n’affecte jamais d’autre langage que celui d’une conversation ordinaire ; tout est net, simple, familier. […] & l’on songe à des fêtes. […] Dans Tibulle, le portrait d’Apollon qu’il voit en songe ; dans Properce, la peinture des champs élisées ; dans Ovide, le triomphe de l’amour, le chef-d’oeuvre de ses élégies, sont des tableaux ravissans : & c’est ainsi que l’élégie doit être parée de la main des graces toutes les fois qu’elle n’est pas animée par la passion, ou attendrie par le sentiment. […] C’est un beau songe, dira-t-on. Hé joüit-on jamais de sa gloire autrement qu’en songe ?
Ou plutôt il ignore tout cela ; il ne songe qu’à se plonger dans l’ivresse sereine de ces hauts lieux, à remercier l’Auteur, à bénir sur la montagne pendant le bouleversement de la terre, sur la montagne où sa vallée est pendue au rocher comme un nid, et offerte au soleil comme une corbeille.
il songe peut-être à trop de personnes en écrivant ; en voulant tout concilier, il se tient lui-même en échec, il s’émousse à dessein quelquefois.
quel songe n’est point sorti de ce cœur si triste !
La première parole du toucheur de bœufs fut le nom de la Jumelle. « Ce n’est pas la chute » dit-il, « qui m’a fait mourir, c’est l’idée que tout mon contentement n’était qu’un songe. » Pour bien le convaincre que le consentement du père et celui de la fiancée étaient sérieux, la Jumelle et son père le ramenèrent, en le soutenant du bras, coucher dans leur grange.
Il n’avait jamais songé jusque-là à se faire un mérite de ce hasard qui l’avait lié à cette époque avec les Girondins ; il parlait peu ; il n’écrivait rien.
I Causons à l’ombre de ce dernier bouquet de chênes de la colline de Saint-Point, puisqu’un véritable soleil d’Athènes luit aujourd’hui sur cette vallée de Gaules, fait grincer la cigale d’Attique dans les joncs desséchés des bords de la Valouze, comme je les ai entendues autrefois dans les lits poudreux du Céphyse, et puisque la lumière ardente du midi répercutée et rejaillissante de ces roches grises, en faisant nager et onduler dans l’éther les cimes dentelées de ces montagnes, me fait songer, autant que ce livre ouvert sur mes genoux, à cette lumière dorée de la Grèce.
Je m’enfonce en toutes ces choses, et quand je songe à tout ce que j’avais mis de bonheur dans un être qui n’est plus maintenant qu’en souvenir, j’en éprouve une inénarrable tristesse, et j’en apprends à ne faire fond sur aucune vie ni sur rien.
J’en sortais souvent seul, le matin, pour aller, dans les hautes montagnes de ce pays enchanté, chercher des points de vue et des paysages ; je ne m’attendais certainement pas à rencontrer de point de vue sur le cœur humain, ni des poèmes en nature ou en action qui me feraient penser toute ma vie, comme à un songe, à la plus divine figure et à la plus mélancolique aventure qu’un poème eût jamais fait lever devant moi.
Charles X ne l’aimait pas et ne songeait point à le rappeler à la tête des affaires, où il le croyait dangereux.
On trouvait au fond des pots les idées hardies ou plaisantes ; d’insolentes facéties, comme le Chapelain décoiffé, et la Métamorphose de la perruque de Chapelain en astre, naissaient comme d’elles-mêmes après boire ; et si l’on examinait souvent quelque point de doctrine, la raison d’un usage ou d’une règle, si ce fut vraisemblablement dans ces conversations autour de la table que nos écrivains prirent conscience de leur rôle, et que Boileau exerça sur leur génie une sorte de direction salutaire par la droiture de son sens critique, il ne faut pas oublier que ces bons compagnons faisaient une besogne sérieuse très peu sérieusement, sans morgue dogmatique, sans tapage et sans pose, n’ayant l’air de songer et ne songeant en effet qu’à se divertir.
Pour les poètes français du Midi qu’elle attristerait, qu’ils se consolent et qu’ils espèrent en pensant que la Nature elle-même a ses fantaisies et qu’elle ne répugne pas aux exceptions — et je songe à notre cher Moréas qui nous vient d’Athènes pour entrer dans la lignée de nos grands classiques. »
Nous entendons partout se plaindre du petit nombre de bons lecteurs : comment se fait-il alors que personne ne songe à acquérir un talent dont l’absence paraît si regrettable ?
C’est là son objet : tirer des lettres un enseignement pratique, songer moins à conduire l’esprit que le cœur, prendre plus de souci de la morale que de l’esthétique.
dit Tristan, qui devina qu’on les observait, je songe à quitter le royaume ; c’est le seul moyen d’échapper aux méchants propos qu’ils ne cessent de tenir sur moi.
Vogl en a encore un peu ; Madame Vogl n’en a plus du tout : l’indignation était générale parmi les étrangers ; Madame Vogl est, certes, une excellente artiste et fut une excellente chanteuse ; mais on ne peut laisser que tout un rôle comme celui de Brünnhilde soit annulé par l’absolue insuffisance vocale d’une actrice ; l’administration de l’Opéra de Munich y devrait songer autrement, aux prochaines représentations wagnériennes il y aura des désertions.
Le sujet hypnotisé « copie automatiquement le mouvement de mon bras, et moi je copie volontairement un dessin : c’est que le sujet fait l’acte uniquement parce qu’il pense à l’image de cet acte et sans juger qu’il fait un acte semblable au mien ; moi, je copie en pensant à la ressemblance, et à cause d’elle159. » Le sujet prononce telles paroles parce qu’elles traversent son esprit, sans songer à autre chose ; nous, nous parlons ainsi parce que nous jugeons que cela est vrai.
Quand on dit, sans trop y songer : un héros, un vieillard, une jeune fille, une mère, nous apercevons vaguement quelque chose de fort net et de fort simple.
La meilleure preuve que la révolution était une explosion d’idée bien plus qu’une réforme administrative, fiscale, ou politique, c’est que la révolution alors ne songeait pas même à répudier la dynastie ou la monarchie.
Après y avoir bien songé, je crois en avoir trouvé le moyen ; c’est une idée qui paraîtra singulière d’abord, peut-être une utopie, que je crois devoir soumettre à vous, à tous les auteurs, à tous les amateurs du théâtre, et surtout au gouvernement.
Ferrari, avait songé à écrire une histoire, en forme, de la raison d’État ?
Cet homme a pour prison l’ignominie immense …………… cette tour à la hauteur d’un songe.
Daunou ne songeait plus à se replacer tout à fait à l’Oratoire, mais n’importe ; on ne parle point ainsi d’une époque où l’on aurait été décidément malheureux. […] Sa conversation avait gardé son caractère de sobriété et de douce malice : « Dans une de mes insomnies, disait-il, je suis arrivé à trouver la seule vraie définition qui convienne à notre gouvernement parlementaire : c’est un gouvernement dans lequel les députés font et défont les ministres, lesquels font et défont les députés. » Je ne donne, bien entendu, ce mot-là que comme le songe d’un malade. — Quand il vit ses derniers moments approcher, il voulut tout régler sur sa propre dépouille, conformément à ses principes immuables, et sans la moindre concession aux coutumes, aux bienséances plus ou moins sincères que d’ordinaire à cette heure on n’élude pas.
Notre fondateur d’empires arriva dans cette ville, avec un écu dans sa poche: il est vrai qu’uniquement touché de sa grandeur future, il ne songeait guère à sa misère présente. […] Aussitôt chacun songe à retrouver ses bagages, et les domestiques font approcher les yswoschtschiki, espèce de traîneaux qui rendent à Moscou les mêmes services que les fiacres rendent à Paris.
Songe, malheureux, que puisque nous avons perdu les joies du ciel, au moins nous faut-il celles de l’enfer. […] Par quelle fatalité se peut-il que la société ne repose que sur la lutte et l’égoïsme, qu’elle fasse une loi à chacun de ne songer qu’à lui-même, que le malheur de l’un soit exploité avidement par l’autre, que les riches y vivent somptueusement de la faim des misérables, que les méchants y dominent sur les bons, que les plus généreux ne puissent la plupart du temps enrichir et avancer l’Humanité qu’au prix de leurs souffrances, que les sages soient gouvernés par les insensés, qu’un sexe tout entier soit encore tenu dans l’abaissement, et qu’il y ait encore sous une apparence de liberté une multitude innombrable d’esclaves ?
Ce genre consiste dans la noblesse des caractères, dans l’élévation des sentiments, dans une grandeur idéale ; on y songe moins à inspirer la terreur et la pitié qu’à exciter l’admiration. […] Corneille, aveuglé par la passion de son art, admet tous les sujets tirés de l’Évangile et de la Bible, sans songer que la plupart sont impraticables, et qu’en les traitant on déshonore tout à la fois le théâtre et l’Écriture sainte. […] Un illustre écrivain tel que Corneille a dû songer à se satisfaire lui-même plutôt qu’à satisfaire ceux-ci ou ceux-là ; il a dû s’occuper de sa gloire et de la postérité plutôt que des caprices de tels ou tels ; il a dû suivre son goût et son génie, au lieu de se conformer aux désirs bizarres, de quelques gens fantasques. […] L’auteur de Zaïre et d’Alzire, qui dans ses compositions ne songe qu’à frapper fort, et semble fouler aux pieds le bon sens, devient un partisan scrupuleux de la plus étroite vraisemblance, quand il examine le plan de Rodogune ; il se demande à lui-même : La proposition que fait Cléopâtre de donner le trône à qui assassinera Rodogune, est-elle raisonnable ?
Après les épanchements lyriques et les confidences qui avaient resserré l’union des poëtes, après les feux des Orientales, entremêlés du trépas de Madame de Soubise et des jeux de la Frégate la Sérieuse, les plus forts songèrent au théâtre, à cette arène où la poésie peut arriver au public face à face, en le prenant par ses sensations, en le domptant.
Des coups d’une force et d’une portée extraordinaires sont lancés, en passant et comme sans y songer, contre les institutions régnantes, contre le catholicisme altéré qui, « dans l’état présent où est l’Europe, ne peut subsister cinq cents ans », contre la monarchie gâtée qui fait jeûner les citoyens utiles pour engraisser les courtisans parasites466.
Prince épuisé et dépopularisé par quatre ans de lutte inégale avec la nation, livré vingt fois à la merci du peuple, sans crédit sur les soldats ; caractère dont on avait si souvent sondé la témérité et l’indécision, descendu d’humiliation en humiliation et degré par degré du haut de son trône dans la prison, Louis XVI était l’unique prince de sa race à qui il ne fût pas possible de songer à régner.
Tu le vois, la route s’abrège, le but approche, songe à ta conscience et confesse-toi.”
Je restai si longtemps agenouillé sur cette pierre et absorbé dans mon culte de jeune homme, pour le chantre de l’ingrate Léonora, que le frère fut contraint à me rappeler l’heure, et qu’au moment où je sortis de l’église pour cueillir une feuille de l’oranger de Saint-Onufrio, la dernière lueur du soleil s’était éteinte sur les cimes les plus élevées des monts de la Sabine ; en rentrant lentement à mon logement par les rues ténébreuses de Rome, je songeai que le plus touchant poème du Tasse serait le poème de sa propre vie, s’il se rencontrait un poète égal à lui pour l’écrire.
« Cette hauteur fait frémir quand on songe que l’Italie est fréquemment agitée de tremblements de terre, que le sol de Rome est volcanique, et qu’un instant peut nous priver du plus beau monument qui existe.