Alphonse Daudet Ce que l’on va rendre à la terre cet après-midi, c’est l’enveloppe mortelle d’une âme charmante, servie par les sens les plus fins et qui sut exprimer par des mots les frissons qu’elle recevait des hommes et des choses ; âme infiniment impressionnable, tendre, frémissante, aimante. […] Émile Pouvillon, cet amoureux de la terre, qui nous apporte quinze jours à peine, chaque année, ses yeux bleus de faune et d’enfant dans une bonne figure cuite d’officier et qui, le reste du temps, rêve là-bas dans son Quercy, était tout disposé à comprendre la petite pastoure visionnaire. […] Mais les montagnes, c’est la terre qui touche au ciel et qui s’y mêle déjà. […] Ce n’est qu’un paysage de la terre, allégé, angélisé, un paysage avec des fleurs, des arbres, des clochers et des noms de paroisses, et des angélus, et des cérémonies, et des processions ; et les saints et les élus continuent d’y faire ce qu’ils ont fait ici-bas, — comme les ombres des morts dans l’île des Cimmériens, avec plus de joie seulement. […] Ciel, terre, animaux et plantes, tout a une âme, comme jadis pour le bon saint François.
Les petites pagodes, les petits bergers, les petits marmousets du biscuit et de la terre cuite, voilà les idoles et les pénates de ces vierges folles. […] Elle a fait pleurer, cette agonie exquise, délicate, presque mignonne, doucement flottante entre l’amour et la prière, entre la terre et le ciel, l’agonie d’une jolie païenne qui a peur d’avoir froid dans son tombeau. […] — dit à Laïs une autre épigramme funéraire, — et voici que tu bois les eaux du Léthé ; que ton beau corps gît pressé par la terre. » — « Inexorable Pluton ! […] Terre sacrée, fais pousser, au pied de la stèle de la jolie bacchante, non des épines et des ronces, mais de tendres violettes ! […] Ce n’est pas elle qui dirait, comme la Fiamette de Boccace, que les plaisirs secrets valent mieux que des trésors cachés sous terre ; tout au contraire, elle arbore son amour, elle l’étale, elle le proclame, et marche en guerrière à son déshonneur.
Je le rends immobile, et la terre chemine. […] Parmi ce que de gens sur la terre nous sommes Il en est peu qui fort souvent Ne se plaisent d’entendre dire Qu’au livre du Destin les mortels peuvent lire. […] Et enfin — les blés sont absolument mûrs, ils sont lourds, ils traînent déjà, ils inclinent vers la terre et on vient décidément les couper. […] Mais, puisque jusqu’ici l’on ne m’a crue en rien, Dès que vous verrez que la terre Sera couverte, et qu’à leurs blés Les gens n’étant plus occupés Feront aux oisillons la guerre… ». Troisième ou quatrième saison, la fin de l’automne, alors que les paysans ou les petits paysans, les fils de villageois ne sont plus occupés à la terre et pensent à attraper les oiseaux à la pipée ou autrement.
C’est le joyeux forestier en révolte et le roi des braconniers Robin Hood, le vaillant compère, qui n’est jamais plus en gaieté, ni plus d’humeur à jouer de l’épée ou du bâton que quand le taillis est brillant et que l’herbe est haute : « Robin Hood, c’est le héros national ; saxon d’abord et armé en guerre contre les gens de loi, « contre les évêques et archevêques » ;… généreux de plus, et donnant à un pauvre chevalier ruiné des habits, un cheval et de l’argent pour racheter sa terre engagée à un abbé rapace ; compatissant d’ailleurs et bon envers le pauvre monde, recommandant à ses gens de ne pas faire de mal aux yeomen ni aux laboureurs ; mais par-dessus tout hasardeux, hardi, fier, allant tirer de l’arc sous les yeux du shérif et à sa barbe, et prompt, aux coups, soit pour les embourser, soit pour les rendre. » Partout, d’un bout à l’autre, dans tout ce livre de M. […] Il avait du Malherbe et du Boileau réunis en lui ; importation hardie, transplantation toute nouvelle en si libre terre. […] Ce livre d’une critique originale et hardie est comme un arbre venu en pleine terre et qui pousse tous ses rameaux dans le sens et au profit de la sève anglo-saxonne. […] Agrandissons-nous du côté des hautes vallées et des hautes terres, mais gardons aussi nos riants domaines.
* * * Nous devrions nommer l’éclipse de soleil une éclipse de terre. […] La puissante imagination de M. de Chateaubriand, sollicitée par tant d’émotions, ramenée vers la nature par les convulsions du monde politique, cherchant partout des démonstrations au spiritualisme, et faisant parler la terre et les cieux pour ranimer la foi religieuse, a trouvé là bien des couleurs. […] Aussi appelle-t-il lui-même ses poèmes une aurore boréale nuancée de mille couleurs qui flambe sur une terre glaciale et déserte 9. […] Ces deux îles jetées aux deux extrémités de la terre, L’une aux mers d’Annibal, l’autre aux mers de Vasco, ces deux îles que le poète décrit si sombres et si terribles, où Napoléon a pu naître et mourir, où son ombre revient régner dans les tempêtes, et où viendront, à l’appel de son ombre, tous les peuples de l’avenir, ces deux îles sont le symbole de la fortune de Napoléon.
Vous bafouez la science officielle, pauvre vieille toute courbée vers la terre et dont les doigts sales, tremblants et ridicules s’appliquent aux minutieux procédés qui font triompher les « industries manuelles ». […] Ils ne songent qu’à nous courber davantage vers la terre en nous alourdissant, nous, à qui notre pauvreté permet encore l’habitude droite et les regards dirigés vers le ciel, d’autant de besoins misérables que les riches. […] Sa phrase puissante va jusqu’à rajeunir la terre, à condition que cette vieille vieillisse encore un peu. […] Combes sera-t-il un pasteur suffisant pour nous conduire à la terre promise.
Il triompha, dans un défi, de tous les poètes de Cour, et le sultan, dans un moment d’enthousiasme, lui donna ce surnom de Ferdousi (car ce n’était pas son premier nom) ; Ferdousi veut dire l’homme du paradis, celui qui fait de la terre un paradis par l’enchantement de sa parole. […] Puisque notre lit sera la terre et que notre couche sera une brique, pourquoi planter aujourd’hui un arbre dont la racine se nourrirait de sang, dont le fruit serait la vengeance ? […] lui dit-il, la terre est sèche et froide, l’air est doux et chaud. […] Asseyons-nous tous deux à terre, et adoucissons avec du vin nos regards courroucés.
Deux heures après, je le retrouvai rouge, les veines du front gonflées, entouré de pages raturées, les volumes de M. de Biran honteusement jetés par terre, et de très-mauvaise humeur. […] Les obstinés descendaient, se meurtrissant les membres, donnantdu nez contre les murs, et tâtonnant sur la terre humide : le premier soin de M. de Biran avait été de boucher toutes les fentes et tous les soupiraux. […] Il nous échappe, parce qu’il habite dans l’abstraction pure, à cinq cents pieds au-dessus de la terre ; faites l’en descendre, et ramenez-le au détail des circonstances précises, aux cas singuliers et distincts, aux événements visibles et palpables. […] Nous avons touché la terre solide au-dessous des vapeurs trompeuses qui éblouissent les yeux vulgaires.
D’ordinaire, le dessin de l’auteur, dans ses moindres pièces, est précis ; il dira, par exemple, à sa maîtresse au bord de la mer : « Vois-tu ceci » (grande description du golfe, du rivage), « c’est la terre ! […] Eh bien, ni le ciel ni la terre ensemble ne valent l’amour » (grande description de l’amour). […] Cette mythologie d’anges qui a succédé à celle des nymphes, les fleurs de la terre et les parfums des cieux, un excès même de charité aumônière et de petits orphelins évoqués, tout cela nous a paru, dans ces pièces, plus prodigué qu’un juste sentiment de poésie domestique n’eût songé à le faire.
Trois sortes de journaux, qui ne paraissaient pas destinés par leur nature à se faire écho l’un à l’autre, se signalent par plus d’acharnement contre ce qui porte mon nom : Un journal d’exagération religieuse, qui donnerait la tentation d’être impie si l’on ne respectait pas la piété jusque dans les aberrations du zèle ; Les revues et les journaux des partis de 1830, qui ne pardonnent pas leurs revers à ceux qui ont préservé la France et eux-mêmes des contrecoups de leur catastrophe ; Enfin un journal de sarcasme spirituel, à qui tout est bon de ce qui fait rire, même ce qui ferait pleurer les anges dans le ciel : la dérision pour ce qui est à terre. […] N’y bénit-on pas Dieu de cet arpent de terre Où l’on repose en paix sous l’arbre sédentaire, Où l’on s’éveille au moins comme on s’est endormi, Sur cette fourmilière où l’homme est la fourmi ? Enfin, autour du seuil de la hutte cachée, Ne voit-on pas toujours la terre frais bêchée Verdoyer du duvet des semis printaniers Dont les cœurs de laitue enfleront les paniers ?
Palissy surtout mériterait d’être lu plutôt que bien des auteurs de Mémoires politiques et militaires : quand il nous parle de son jardin, ou des engrais, et des terres, et des sels, et des eaux, est-il moins près de nous que celui qui nous raconte les démêlés du roi de France et de l’empereur, ou bien les amours et les intrigues d’une cour ? […] Il y a dans cet inventeur des rustiques figulines un philosophe qui jette des vues profondes auxquelles nul ne fait attention, et que la postérité s’étonnera de rencontrer chez lui, quand le progrès de la science y aura lentement ramené les hommes : ainsi cette grande idée, liée à tout un système de la nature, en même temps qu’elle est la base de l’agriculture scientifique, cette idée que, les plantes empruntant au sol les aliments qui les accroissent, pour entretenir la fécondité de la terre, il faut lui rendre l’équivalent de ce que les récoltes lui enlèvent. […] Éditions : Recette véritable par laquelle tous les hommes de la France pourront apprendre à multiplier et à augmenter leurs trésors, la Rochelle, 1563 ; Discours admirables de la nature des eaux et fontaines tant naturelles qu’artificielles, des métaux, des sels et salines, des pierres, des terres, du feu et des émaux, etc, Paris, 1580.
Emmanuel Signoret Vers dorés pour Charles Baudelaire : I La terre merveilleuse où ta proue aspira Et que tu ne conquis qu’en chantant dans les voiles. […] Et qu’il existe ou non une terre sacrée, Chaque nuit, le torrent des astres croule et crée Un continent de gemme, aux verts palmiers d’éclairs ! […] Pour consoler d’Adam la race séculaire ; Vigneron du coteau que mûrit la colère Des soleils ténébreux sur la terre penchés, Chars des Icares morts sur les chemins cherchés, Martyrs dont le mépris des sots fut le salaire ; Chercheur du feu sacré des éternels enfers, Qui plongeas dans l’horreur des abîmes ouverts Sous les pas chancelants des mornes destinées ; Je t’aime, ô contempteur des communs paradis.
L’une des pièces les mieux venues du recueil : La Terre qu’on laisse, évoquait un gars des champs s’exilant vers la ville et qui, sourd aux prières de la terre maternelle, gagnait résolument la gare d’un pas gendarmé. […] sa grossesse de grains, Plissée à pleine peau par les sillons sanguins, La Terre désaimée, ainsi qu’un Taureau meugle, Immense de douleur se hausse sur les reins !
Placés ainsi aux confins du judaïsme et presque en dehors, les pauvres Galiléens n’avaient pour relever leurs espérances qu’un passage d’Isaïe assez mal interprété 593 : « Terre de Zabulon et terre de Nephtali, Voie de la mer 594, Galilée des gentils ! […] Quelques partisans des idées messianiques avaient déjà admis que le Messie apporterait une loi nouvelle, qui serait commune à toute la terre 629.
C’est bien, c’est fini, c’est jeté bas, c’est à terre. […] Avoir cette terre ferme sous son pied, de forts gages, est une chose qui plaît. […] Les principes combinés avec la science, toute la quantité possible d’absolu introduite par degrés dans le fait, l’utopie traitée successivement par tous les modes de réalisation, par l’économie politique, par la philosophie, par la physique, par la chimie, par la dynamique, par la logique, par l’art ; l’union remplaçant peu à peu l’antagonisme et l’unité remplaçant l’union, pour religion Dieu, pour prêtre le père, pour prière la vertu, pour champ la terre, pour langue le verbe, pour loi le droit, pour moteur le devoir, pour hygiène le travail, pour économie la paix, pour canevas la vie, pour but le progrès, pour autorité la liberté, pour peuple l’homme, telle est la simplification.
La Bible, pour tout cela, n’a qu’un trait : « L’impie, dit-elle, se flétrira comme la vigne tendre, comme l’olivier qui laisse tomber sa fleur110. » « La terre, s’écrie Isaïe, chancellera comme un homme ivre : elle sera transportée comme une tente dressée pour une nuit111. » Voilà le sublime en contraste. […] On voit la terre, qui nous paraît si vaste, déployée dans les airs comme un petit pavillon, ensuite emportée avec aisance par le Dieu fort qui l’a tendue, et pour qui la durée des siècles est à peine comme une nuit rapide. […] Il dit, et il embrasse son fils, et les larmes qui coulent le long de ses joues viennent mouiller la terre ; jusqu’alors il avait eu la force de les retenir. » Nous reviendrons sur cette reconnaissance ; il faut voir auparavant celle de Joseph et de ses frères.
Alors la terre trembla… On entendit un bruit semblable au tonnerre, et ces noirs escadrons d’où jaillissaient des éclairs, comme entraînés par cette frêle aigrette blanche, s’écoulèrent comme un torrent. […] « Quand leurs fortes mains, qu’ils avaient tenues si longtemps appuyées sur la terre asservie, détournées enfin de leur spécialité par le spiritualisme chrétien, voulurent se lever vers le ciel, aussitôt la terre leur échappa !
L’homme est tellement fait pour le deuil, la tristesse, le désastre ; sa destinée est si bien l’inachèvement en toutes choses, que les grands efforts, les grands caractères, le génie, répandus en pure perte sur cette terre qui boit tout indifféremment, le sang et les larmes, nous prennent le cœur bien plus que le succès, les résultats éclatants, les fortunes ! […] À elle, comme aux États, dont elle est l’expression oublieuse ou reconnaissante, il faut que l’on remplisse les mains avec de l’or ou de la terre pour qu’elle se souvienne qu’on est mort pour lui en donner. […] « En effet, — continue Goethe, — c’est dans la forme que l’homme avait en quittant la terre qu’il se promène parmi les ombres, et c’est ainsi qu’Achille se présente toujours à nous comme un jeune homme éternel. » 10.
Tels durent se trouver les fondateurs de la civilisation païenne, lorsqu’un siècle ou deux après le déluge, la terre desséchée forma de nouveaux orages, et que la foudre se fit entendre. […] Le premier acte libre des hommes fut d’abandonner la vie vagabonde qu’ils menaient dans la vaste forêt qui couvrait la terre, et de s’accoutumer à une vie sédentaire, si opposée à leurs habitudes. — Le troisième genre de propriété fut celle de droit naturel. Les premiers hommes qui abandonnaient la vie vagabonde occupèrent des terres et y restèrent longtemps ; ils en devinrent seigneurs par droit d’occupation et de longue possession.
C'est comme une terre peu grasse naturellement et peu féconde, une terre fine, un peu maigre, que la culture et des engrais successifs ont amendée et comme formée, et qui sur sa couche délicate, à l’abri des vents et moyennant des murailles bien exposées, porte d’aimables fleurs et des fruits assez savoureux.
Theuriet, mais je sais que nul n’aime les champs d’un meilleur cœur ; qu’il y a, dans un très grand nombre de ses pages, une douceur qui s’insinue en moi, et qu’il me fait adorer la terre natale. […] » — Je sais que nul romancier, pas même George Sand, n’a su mêler aussi étroitement la vie des hommes et la vie de la terre sans absorber l’une dans l’autre ; ni mieux entrelacer l’histoire fugitive des passions humaines et l’éternelle histoire des saisons et des travaux rustiques Je sais aussi que rien n’est plus charmant que ses jeunes filles ; car, tandis que la campagne les fait simples et saines, la solitude les fait un peu rêveuses et capables de sentiments profonds La solitude, soit aux champs, soit dans les petites villes silencieuses, nul n’a mieux vu que M.
La qualité du fruit que les graines produisent, dépend principalement de la qualité de la terre où elles sont semées. La plus chetive donne un bon fruit dans une terre excellente.
À peine l’a-t-il risquée que le railleur d’Adam en invente dix mille d’une seule fois, après le refroidissement de la terre en fusion de Buffon, d’abord essayés, puis réussis. […] de la putréfaction et de la moisissure de la terre ?
Arrachée du solde sa patrie, sa famille s’est replantée dans des terres propices, et les boutures disjointes de l’arbre déraciné ont repoussé dans plusieurs pays. […] Mais pour cela il aurait fallu battre la terre avec la figure de son héros.
Ce sont des républicains comme les autres, des paysans très vrais, très étudiés, très sus, — des terriens acharnés qui ne pensent qu’à la terre, heureusement pour eux et pour nous ! […] Comme Antée, il faut qu’il ait sous les pieds ce morceau de terre sacrée pour être fort… Malgré son talent herculéen de peintre, Cladel perdrait la moitié de sa palette s’il ne peignait pas son pays, ou si ce pays perdait lui-même ses mœurs, ses saveurs séculaires, sa puissante originalité.
Il s’endormit à terre, un peu au-dessus de la route. […] Horace s’est souvenu de cette légende, lorsqu’il raconte « que sur le Vultur Apulien, en dehors de la terre d’Apulie, sa nourrice, comme il gisait enfant, accablé par le jeu et le sommeil, de fabuleuses colombes le couvrirent d’un vert feuillage.
La terre est le marche-pied de ce grand Dieu, le ciel est son vêtement. […] Pour réprimander les grands qui s’approprient les communaux par des enclos, il leur fait le détail des nécessités du paysan, sans le moindre souci des convenances ; c’est qu’il ne s’agit point ici de garder des convenances, mais de produire des convictions. « Une terre à labour a besoin de moutons, car il leur faut des moutons pour fumer leur terre, s’ils veulent qu’elle porte du grain ; en effet, s’ils n’ont point de moutons pour les aider à engraisser leur terre, ils n’auront que du pauvre blé et maigre. […] Les hommes de la cinquième monarchie croyaient que le Christ allait descendre pour régner en personne sur la terre, pendant mille ans, avec les saints pour ministres. […] En cette terre le soleil brille nuit et jour. […] Mais tout opprimés et insultés qu’ils étaient, leur œuvre se continuait d’elle-même et sans bruit sous terre ; car le modèle idéal qu’ils avaient érigé était, après tout, celui que suggérait le climat et que réclamait la race.
L’homme, jeté au milieu de cet univers, sans savoir d’où il vient, où il va, pourquoi il souffre, pourquoi même il existe, quelle récompense ou quelle peine recevront les longues agitations de sa vie : assiégé des contradictions de ses semblables, qui lui disent, les uns qu’il y a un Dieu, auteur profond et conséquent de toutes choses, les autres qu’il n’y en a pas ; ceux-ci, qu’il y a un bien, un mal, qui doivent servir de règle à sa conduite ; ceux-là, qu’il n’y a ni bien ni mal, que ce sont là les inventions intéressées des grands de la terre ; l’homme, au milieu de ces contradictions, éprouve le besoin impérieux, irrésistible, de se faire sur tous ces objets une croyance arrêtée. […] Mais ce soldat, dans sa position naturelle et simple de premier magistrat de la République française, n’avait point d’égal sur la terre, même sur les trônes les plus élevés. […] Il faut se détacher de terre quand on veut écrire la vérité sur les hommes ; la philosophie de l’histoire est à la hauteur des observatoires d’où l’on contemple les astres. […] N’avez-vous pas de riches appointements, un hôtel, des terres ? […] J’ai 40 000 francs d’appointements, une maison, une terre qui valent 3 ou 400 000 francs, je ne sais.
Cicéron fut jugé digne de la mort ; il la reçut en héros et en philosophe, certain de la vengeance du ciel et de la terre. […] J’ai visité moi-même ce champ de bataille de Philippes où Brutus et Cassius s’étaient campés autour d’un mamelon de terre et de rocher qui ressemble à une citadelle naturelle, entre les montagnes de la haute Macédoine et la vallée de l’Hèbre, qui roula les membres d’Orphée, l’Horace divin. […] Que le reste, docile troupeau sans courage et sans espoir, s’endorme auprès de ses foyers exécrés ; nous, hommes de cœur, laissons aux femmes les regrets de la patrie et volons au-delà des mers d’Italie… » Suit une description séduisante de cette terre imaginaire où tous les dons de la terre et du ciel les consoleront de l’ingrate patrie. On croit lire les descriptions fabuleuses du Champ d’Asile, sous le ciel d’Amérique, vers lequel les derniers généraux de Bonaparte, en 1816, appelaient leurs soldats laboureurs par toutes les images de la fécondité de la terre et de la sérénité des cieux. […] Le temps ne change pas autant les choses sur la terre qu’on le croit ; il ne change guère que les noms ; deux mille ans, c’est un battement d’ailes dans son vol ; si Horace renaissait, il connaîtrait tout, excepté sa langue et ses dieux.
Il signale aussi le changement curieux, arrivé chez les paysans de son département, qui lorsqu’ils n’avaient pas le sol, étaient des conservateurs forcenés, et qui, maintenant qu’ils possèdent des terres et de l’argent, sont socialistes. […] À cette marche de Huysmans, Raffaëlli opposait la marche appuyée sur la plante du pied du Norvégien Thaulow, cette marche pesante et dandinante sur la terre, d’un marin marchant sur le pont d’un navire. […] Son esquisse en terre, après son premier travail, il la moule, et établit son médaillon fini, sur une suite d’épreuves semblables à des états d’eaux-fortes, et quelquefois, il va à six moulages. […] Ce que j’ai dit pour les gros ouvrages de la terre, devient tous les jours, plus vrai. […] Le féroce, dans un déboulement, ventre à terre, du haut d’une colline, pareil au nuage noir d’un orage, est traité avec une furia de travail, dans une noyade d’encre de Chine, qui lui donne une parenté avec les tigres de Delacroix.
Sur terre, s’opère une incessante ascension des êtres vers des formes supérieures. […] L’un est celui que nous avons sur la terre où nous vivons. […] doux et monotone, et elle écrit : « C’est une existence qui coule à terre, qui filtre par ce tamis d’étoffe et de crin ! […] C’est le parfum pénétrant des feuilles mortes qui fermentent, de la terre où la sève bouillonne. […] Un tremblement de terre vient de détruire une ville et d’engloutir des milliers d’hommes.
Flatterie et caresse de la femme qui reparaît sous l’auteur, qui sait comme avec chacun il convient de s’y prendre, et que nous avons toujours, sur notre douce terre de France, les bras ouverts pour accueillir ceux qui nous viennent de loin. […] Mais ce n’est pas user, c’est abuser, c’est pousser jusqu’à l’indiscrétion, que nous offrir une paraphrase aussi transparente du célèbre morceau où Atala mourante s’écrie : « Tantôt j’aurais voulu être avec toi la seule créature vivante sur la terre. […] Peut-être viendra-t-on dire : Origines normandes… donc nature qui se rattache toute à la terre et radicalement dénuée d’Idéalisme. […] Tellement inhérente à notre race que cette douce Terre de France se présente à nos yeux sous l’aspect d’un vaste champ d’entraînement, où concurrents de catégories diverses prennent leur mesure et préparent leur victoire. […] Une telle poésie serait impossible en terre germanique, et j’imagine qu’elle doit paraître incompréhensible à ceux qui n’y furent pas préparés par une identique formation.
C’est évidemment pour lui la seconde condition de la santé familiale que ces intimes épousailles de l’homme et de la terre. […] » Cette action réciproque de l’homme sur la terre et de la terre sur l’homme, prolongez-la durant plusieurs générations, fixez-en les résultats dans des coutumes, et le domaine maintenu dans son indivision pour l’unicité de l’héritier devient le corps vivant de la famille. […] Ces aïeux eux-mêmes avaient duré sur un certain coin de la terre. […] Ce coin de terre, lui non plus, n’était pas isolé. […] Cette Allemagne d’avant l’hégémonie prussienne était à la fois la terre choisie de l’esprit critique et celle des légendes.
Cette frêle existence, monsieur, s’est glissée comme à regret sur la terre au son des cloches d’une révolution qui devait la faire tourbillonner avec elle. […] Vous en avez eu le courage tranquille, et je vous écoutais vraiment comme je ferais au jugement dernier… Je vous écoutais, monsieur, car on a lu devant moi votre analyse de ces livres imparfaits, inutiles même, si quelque chose l’est sur la terre, et que vous avez lus patiemment en y appuyant votre pensée et votre âme pour en extraire quelque chose à aimer, à louer et à plaindre ! […] En adressant ses Essais à M. de Latour, avec une demande de souscription, Mme Valmore débutait par cet apologue à la manière du poète persan Saadi, dont elle avait lu quelque chose et que, disait-elle, elle adorait : « Monsieur, « Il est dit dans un livre qu’un pauvre oiseau jeté à terre et roulé dans le vent de l’orage fut relevé par une créature charitable et puissante, qui lui remit son aile malade comme eût fait Dieu lui-même ; après quoi l’oiseau retourna où vont les oiseaux, au ciel et aux orages. […] — Je n’ose pas plus que toi-même appuyer sur la terrible épreuve qui est maintenant accomplie sur la terre. […] On ne peut plus trouver un grenier qu’au prix de douze ou quatorze cents francs… La terre où nous sommes a le vertige.
M. de Chateaubriand, qui a eu l’initiative en tant de choses, l’a eue aussi par ses orages intérieurs et par les vicissitudes de doute et de croyance qui sont aujourd’hui le secret de tant de jeunes destinées. « Quand les semences de la religion, dit-il en un endroit de ses Mémoires, germèrent la première fois dans mon âme, je m’épanouissais comme une terre vierge qui, délivrée de ses ronces, porte sa première moisson. Survint une bise aride et glacée, et la terre se dessécha. […] Il eut titre le Chevalier ; son frère, le comte de Combourg (car le père de M. de Chateaubriand avait racheté l’ancienne terre de Combourg du maréchal de Duras), était destiné à être conseiller au parlement de Rennes ; le chevalier devait entrer, suivant l’usage des cadets en Bretagne, dans la marine royale. […] On ne souhaite plus le retour des mois riants à la terre ; on le craint plutôt. […] On le voulut sauver en lui filant une corde : « Je suis prisonnier sur parole, » s’écrie-t-il du milieu des flots ; et il revient à terre, où il est fusillé avec Sombreuil. — Gesril, vous êtes mort en héros, vous avez égalé Régulus et surpassé d’Assas ; et qui connaît votre nom cependant ?
Voilà la prophétie de ce philosophe en train d’organiser Dieu pour plus tard ; de ce Nostradamus qui nous fait des almanachs du monde à dix mille ou à vingt mille années de distance, lesquels almanachs enfoncent à quatre cents pieds sous terre celui que Condorcet, ce Jocrisse humanitaire, intitulait : L’esquisse des progrès de l’esprit humain. […] Le mandarinisme des Instituts gouvernera la terre. […] Renan, qui est un mandarin actuel, nous annonce un moment où la planète la Terre n’appartiendra plus qu’à un corps constitué de Mandarins ou à un Mandarin unique, qui pourra tout, parce qu’il saura tout, et qu’avec sa science il pourra faire sauter la mappemonde, si elle s’avise de lui résister. […] Renan, qui l’appelle le meilleur des princes ayant jamais régné sur terre pour l’honneur et le bonheur du genre humain, et la quintessence rectifiée de la pure essence des Antonins, après laquelle il aurait fallu briser le flacon, car c’était le Commode incommode, le monstrueux Commode qui était au fond, n’a trouvé rien de mieux à faire que d’entourer des arabesques de son admiration et de son style les Pensées dans lesquelles Marc-Aurèle nous a révélé les supériorités de sa belle âme, une de ces âmes à la Boissier, qui pouvaient dispenser le monde de la morale chrétienne si elles avaient pondu et multiplié. […] Ce qui importe, à moi, plus que ces détails, qui, d’ailleurs, passent trop vite sous nos yeux pour que nous puissions constater la valeur de chacun des grains de poussière qui composent cet incroyable tourbillon d’idées religieuses que l’avènement du Christianisme avait fait lever par toute la terre ; ce qui m’importe, à moi, c’est le nombre de ces idées religieuses !
Nous avons déjà tant de peine à rendre l’aspect extérieur d’une terre étrangère, à comprendre à moitié les usages de ses habitants, leurs plaisirs, leur politesse et le goût particulier qu’ils trouvent à la vie ! […] Ils ne comprennent rien à l’énigme de la terre. […] Il faut un siège en règle pour conquérir ce héros défiant, et c’est la cordialité seule qui fait parler ce silencieux, l’habitude de faire partie du même horizon restreint, d’être rencontré par lui au détour des routes et surtout la lente persuasion qu’on aime la terre, comme lui, depuis le trèfle d’en bas, depuis la graine non germée, jusqu’au nid de pie qui fleurit noir au sommet des vieux chênes. […] Avez-vous songé quelquefois au frémissement invisible qui doit faire trembler une bouture de jeune arbre, quand le premier fil de racine, perçant l’écorce, rencontre la terre et, avec la terre, la vie ; quand une goutte de sève, une seconde, une autre encore, monte dans la tige demi-morte ?
Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre. […] La douleur est notre loi sur la terre, subissons-la d’un cœur viril. […] Ton soleil est lugubre et la terre est horrible. […] Mais cette échelle vient de plus loin que la terre. […] Les deux principes se disputent la Terre qui vient de naître.
Ses séjours à terre ne sont que des escales. […] À terre, les marins se reconnaissent aisément à la démarche. […] Il a trop le sens du vrai pour nous donner jamais le pendant de la Terre. […] Ils couraient en quête d’un livre et ils allaient le demander à la « terre inspiratrice ». […] Il le faut lire là-bas, dans sa terre natale, comme il faut manger certains fruits à l’arbre même.
Il m’était resté sur la tête une certaine splendeur qui s’y voyait surtout le matin, au lever du soleil, ou à son coucher, et encore mieux lorsque la terre était couverte de rosée. […] Sous la figure de la Terre, j’avais mis toutes sortes d’animaux qu’elle enfante ; sous celle de la Mer, les poissons qu’elle nourrit. […] « Or admirons, dit Cellini, la justice de Dieu, qui ne laisse rien d’impuni sur la terre. […] Je fis des amas de bois de pin, je revêtis de terre convenable la carcasse de ma statue, et je l’armai de bons ferrements ; enfin, je préparai tout pour me mettre en état de la jeter en fonte. […] Je me mis à table avec ma bonne famille, dont la joie était revenue avec la mienne, et qui avait remplacé par de la poterie de terre tous les plats d’étain que j’avais jetés dans le feu.
est-ce cet Alexandre sur qui la terre entière a les yeux ? […] La terre tourne, mais les vérités ne changent pas de place. […] Si les sophismes de Platon ou de Rousseau pouvaient être adoptés par la majorité des mortels, la terre entière ne serait pas assez grande pour emprisonner l’humanité folle dans un Bedlam universel ! […] Le premier de ces principes est le commerce : la terre, l’exploitation des bois, des mines, les métiers admirablement définis et analysés, la spéculation sur les grains qui avait enrichi Thalès de Milet. […] « Cette influence de l’égalité des biens sur l’association politique a été comprise par quelques-uns des anciens législateurs ; témoin Solon dans ses lois, témoin la loi qui interdit l’acquisition illimitée des terres.
Swift ne put supporter plus d’une année la médiocrité de cette vie, et surtout cet isolement complet de son intelligence, qui lui fit toujours considérer l’Irlande comme une terre d’exil. […] Swift se retrouva donc dans cette « terre d’exil », et bien que sa condition y fût très supportable, la perte de toute influence politique, la nécessité de renoncer à toute ambition, l’éloignement offensant que lui montrait la population protestante, animée contre les Tories et contre les Stuarts, rendirent très pénibles les premiers moments de sa chute. […] Cet homme a mis une taxe de 17 sh. par livre, sur le peuple d’Irlande ; une taxe qui frappe non seulement les terres, mais l’intérêt de l’argent, les marchandises, les manufactures, le salaire des manœuvres, des domestiques… Boutiquiers, prenez garde à vous44. […] Laputa est le théâtre décourageant et ridicule de nos sciences, de nos inventions, de nos efforts pour rendre le séjour de la terre plus supportable, et abaisse les plus nobles occupations de l’esprit humain. […] Il avait écrit à Pope en 1726 : « Aller en Angleterre, serait une chose excellente, si elle n’était toujours accompagnée de cette vilaine circonstance qu’il faut retourner en Irlande. » Il retourna dans cette terre d’exil, en 1727, pour n’en plus sortir.
Qu’elle est aérienne et légère cette voûte grâcieuse, et pourtant auguste et vénérable comme celle, de la nef consacrée qui retentit de pieux cantiques ; tandis qu’au-dessous la terre tachetée de lueurs changeantes semble mobile comme une onde ridée par le vent ! […] Le second chant du poème est tout entier consacré aux malheurs publics ou plutôt encore aux calamités physiques et naturelles qui éclatèrent alors (1781-1783) par d’affreux ouragans, par des tremblements de terre soit à la Jamaïque et dans les îles adjacentes, soit plus tard en Sicile et autres lieux. […] Mon oreille est blessée, mon âme est malade de ce que j’apprends chaque jour des maux et des outrages dont la terre est remplie. […] … Ce chant, pour justifier son titre, traite des fleurs, des travaux du jardinage : « Qui aime un jardin aime aussi une serre. » Il y a des préceptes tout particuliers sur l’art d’élever les courges ; le poète y parle d’après sa propre expérience, et comme quelqu’un qui a mis la main à la bêche et à la terre.
Il s’agit d’indiquer que Mme Swetchine, retirée alors dans ses terres, manqua Mme de Staël au passage de cette dernière en Russie (1811), et que lorsqu’elle revint à Pétersbourg, elle ne l’y trouva plus ; voici comment M. de Falloux s’exprime : « Lorsque Mme Swetchine fut ramenée au centre habituelde son existence, elle n’y trouva plus qu’un brillant souvenir. » Il y en a, dit Pascal, qui masquent la nature : ils ne disent point Paris, mais la capitale du royaume ; ils ne disent point Pétersbourg, mais le centre habituel de l’existence. […] Ces lettres de la jeunesse de Mme Swetchine nous révèlent une âme ardente, impétueuse, que la difficulté, l’âpreté même de l’effort moral tente et convie, et qui ne s’est jetée vers Dieu avec tant de passion que de peur de se laisser prendre trop vivement aux choses de la terre. […] Mme Swetchine voulait un Paradis à souhait, au complet, et qui rassemblât les plus délicates félicités de la terre. […] Je crois bien qu’il faut se garder de juger les choses du Ciel par celles de la terre ; mais celles-ci n’en sont-elles pas une ombre, un écho ?
Voici le premier de ces morceaux, sur les Champs ou les plaines ; après avoir montré les avantages que présente le val de Nievole pour tout ce qui est des terres arrosables et des potagers, l’auteur ajoute : « Le reste de la plaine du val de Nievole mérite encore d’être compté parmi les sols les plus fertiles de la Toscane ; l’œil du cultivateur est cependant étonné, en la parcourant, de n’y voir ni prés ni pâturages, ni presque aucune récolte destinée à la nourriture du bétail. » « Mais il ne peut s’arrêter sur cette idée ; son attention est entraînée, son admiration est commandée par le tableau d’abondance que la campagne étale autour de lui, par l’étonnante variété de productions et de récoltes, qui frappe ses yeux de toutes parts. En quelque lieu qu’il s’arrête, sur quelque métairie qu’il porte ses regards, il voit tout ensemble devant lui, la vigne qui, élégamment suspendue en contre-espalier autour de chaque champ, l’environne de ses festons ; les peupliers, rapprochés les uns des autres, qui lui prêtent l’appui de leur tronc, et dont les cimes s’élèvent au-dessus d’elles ; l’herbe, qui croît au pied de ces élégants contre-espaliers et qui gazonne les bords des nombreux fossés, destinés à l’écoulement des eaux ; les mûriers qui, plantés sur deux lignes au milieu des champs, et à une distance assez grande pour ne pas les offusquer de leur ombre, dominent les moissons ; les arbres fruitiers qui, çà et là, sont entremêlés aux peupliers et à la vigne ; les blés de Turquie qui, s’élevant à six ou huit pieds au-dessus de terre, entourent leurs magnifiques épis de la plus riche verdure ; les trèfles annuels dont les fleurs incarnates se penchent sur leur épais feuillage ; les lupins dont le coup d’œil noirâtre et l’abondante végétation contraste avec la souplesse, l’élégance et la légèreté des seigles non moins vigoureux qu’eux et qui s’élèvent au-dessus de la tête des moissonneurs ; enfin, les blés dont les longs épis dorés sont agités par les vents et rappellent par leurs ondulations le doux mouvement des vagues d’un beau lac. » Le second morceau consacré aux Collines est comme un pendant au tableau des plaines ; celles-ci, dans aucun pays, ne peuvent plaire aux yeux que par l’abondance et la fertilité qui les caractérise. […] La montagne est étincelante ; si l’on abaisse les regards sur quelque vallon, il forme un lac de lumière ; la terre entière paraît électrisée et pétillé de toutes parts. » « L’hiver, auquel la neige est inconnue, présente aussi ses beautés : le gazon conserve sa verdure ; il est même émaillé de fleurs dont quelques-unes mériteraient une place dans les jardins, comme différentes anémones, toutes les espèces de narcisses, les jacinthes, les ellébores, etc. […] Il ne lui reste que peu d’attachements intimes sur la terre, et, hors de Paris, elle se trouve exilée de ce qui remplace pour elle sa famille aussi bien que son pays.
Tous les dimanches, aux prônes, il se crie des lieutenances et des sous-lieutenances (de saints) : à tant la lieutenance de saint Pierre Si le paysan tarde à mettre le prix, vite un éloge de saint Pierre, et mes paysans de monter à l’envi736. » — À ces cerveaux tout primitifs, vides d’idées et peuplés d’images, il faut des idoles sur la terre comme dans le ciel. « Je ne doutais nullement, dit Rétif de la Bretonne737, que le roi ne pût légalement obliger tout homme à me donner sa femme ou sa fille, et tout mon village (Sacy en Bourgogne) pensait comme moi. » Il n’y a pas de place en de pareilles têtes pour les conceptions abstraites, pour la notion de l’ordre social ; ils le subissent, rien de plus. « La grosse masse du peuple, écrit Gouverneur Morris en 1789738, n’a pour religion que ses prêtres, pour loi que ses supérieurs, pour morale que son intérêt ; voilà les créatures qui, menées par des curés ivres, sont maintenant sur le grand chemin de la liberté ; et le premier usage qu’elles en font, c’est de s’insurger de toutes parts parce qu’il y a disette. » Comment pourrait-il en être autrement ? […] Une fois plantée dans cette terre inculte et féconde, elle y végète, elle s’y transforme, elle se développe en excroissances sauvages, en feuillages sombres, en fruits vénéneux. […] Terray, chassant sur sa terre avec deux officiers, rencontre sept braconniers qui tirent sur le gibier à leurs yeux et bientôt tirent sur eux-mêmes : M. […] On rappelle les exploits de Mandrin en 1754756, sa troupe de cent cinquante hommes qui apporte des ballots de contrebande et ne rançonne que les commis, ses quatre expéditions qui durent sept mois à travers la Franche-Comté, le Lyonnais, le Bourbonnais, l’Auvergne et la Bourgogne, les vingt-sept villes où il entre sans résistance, délivre les détenus et vend ses marchandises ; il fallut, pour le vaincre, former un camp devant Valence et envoyer 2 000 hommes ; on ne le prit que par trahison, et encore aujourd’hui des familles du pays s’honorent de sa parenté, disant qu’il fut un libérateur Nul symptôme plus grave : quand le peuple préfère les ennemis de la loi aux défenseurs de la loi, la société se décompose et les vers s’y mettent Ajoutez à ceux-ci les vrais brigands, assassins et voleurs. « En 1782, la justice prévôtale de Montargis instruit le procès de Hulin et de plus de 200 de ses complices qui, depuis dix ans, par des entreprises combinées, désolaient une partie du royaume757. » — Mercier compte en France « une armée de plus de 10 000 brigands et vagabonds », contre lesquels la maréchaussée, composée de 3 756 hommes, est toujours en marche. « Tous les jours on se plaint, dit l’assemblée provinciale de la Haute-Guyenne, qu’il n’y ait aucune police dans la campagne. » Le seigneur absent n’y veille pas ; ses juges et officiers de justice se gardent bien d’instrumenter gratuitement contre un criminel insolvable, et « ses terres deviennent l’asile de tous les scélérats du canton758 » Ainsi chaque abus enfante un danger, la négligence mal placée comme la rigueur excessive, la féodalité relâchée comme la monarchie trop tendue.
Ce qui est touchant et vraiment sublime, c’est que l’inspiration première de cette humble enfant, la source de son illusion si peu mensongère, ce fut l’immense pitié qu’elle ressentait pour cette terre de France et pour ce Dauphin persécuté qui en était l’image. […] Elle lui répondait qu’elle était trop empêchée au fait de la guerre pour le satisfaire sur l’heure : « Mais quand vous saurez que je serai à Paris, envoyez un message par devers moi, et je vous ferai savoir tout au vrai auquel vous devrez croire, et ce que j’en aurai su par le conseil de mon droiturier et souverain Seigneur, le Roi de tout le monde. » De telles lettres, produites dans le procès, venaient directement à l’appui de l’accusation qu’on lui intentait, d’avoir prétendu usurper l’office des anges de Dieu et de ses vicaires sur la terre. […] Et plût à Dieu que je fusse assez heureuse, quand je finirai mes jours, pour pouvoir être inhumée dans cette terre ! […] Shakespeare fait dire admirablement à son Hamlet : « Il y a plus de choses au ciel et sur la terre qu’il n’en est rêvé dans votre philosophie. » Mais, à lire attentivement les pièces, et même en tenant compte des difficultés constatées par M.
Arrivé à cette première grande division, animal, végétal et minéral, il en viendra à distinguer dans le règne animal les animaux qui vivent sur la terre d’avec ceux qui demeurent dans l’eau ou ceux qui s’élèvent dans l’air : Ensuite mettons-nous à la place de cet homme, continue Buffon, ou supposons qu’il ait acquis autant de connaissance et qu’il ait autant d’expérience que nous en avons, il viendra à juger des objets de l’histoire naturelle par les rapports qu’ils auront avec lui ; ceux qui lui seront les plus nécessaires, les plus utiles, tiendront le premier rang ; par exemple, il donnera la préférence dans l’ordre des animaux au cheval, au chien, au bœuf, etc. […] Dans un Discours sur la théorie de la terre, il cherchait à déterminer au préalable la structure et le mode de formation de ce globe terrestre, théâtre de la vie des animaux et de la végétation des plantes ; il cherchait, d’après les grands faits géologiques alors connus, à en fixer les révolutions successives dès l’origine jusqu’à son état de consistance et de composition actuelle. […] Il y reprenait les anciennes idées de son premier volume sur la théorie de la terre, et les présentait dans un jour plus complet et avec des combinaisons, je n’ose dire avec des vraisemblances nouvelles. […] « Où étiez-vous, disait Dieu à Job, lorsque je jetais les fondements de la terre ?
Car, sans point de doute, elle étoit proprement ce que Platon appelle une ville bouillante, ayant premièrement été fondée par hommes les plus courageux et les plus belliqueux du monde qui, de tous côtés, avec une audace désespérée, s’étoient illec (là) jetés et assemblés : et depuis s’étoit accrue et fortifiée par armes et guerres continuelles, tout ainsi que les pilotis que l’on fiche dedans terre, plus on les secoue et plus on les affermit et les fait-on entrer plus avant. Parquoi Numa, pensant bien que ce n’étoit pas petite ne légère entreprise que de vouloir adoucir et ranger à vie pacifique un peuple si haut à la main, si fier et si farouche, il se servit de l’aide des dieux, amollissant petit à petit et attiédissant cette fierté de courage et cette ardeur de combattre, par sacrifices, fêtes, danses et processions ordinaires que il célébroit lui-même… Et plus loin, marquant que, durant le règne de Numa, le temple de Janus, qui ne s’ouvrait qu’en temps de guerre, ne fut jamais ouvert une seule journée, mais qu’il demeura fermé continuellement l’espace de quarante-trois ans entiers : Tant étoient, dit-il, toutes occasions de guerre et partout éteintes et amorties : à cause que, non seulement à Rome, le peuple se trouva amolli et adouci par l’exemple de la justice, clémence et bonté du roi, mais aussi aux villes d’alenviron commença une merveilleuse mutation de mœurs, ne plus ne moins que si c’eût été quelque douce haleine d’un vent salubre et gracieux qui leur eût soufflé du côté de Rome pour les rafraîchir : et se coula tout doucement ès cœurs des hommes un désir de vivre en paix, de labourer la terre, d’élever des enfants en repos et tranquillité, et de servir et honorer les dieux : de manière que par toute l’Italie n’y avoit que fêtes, jeux, sacrifices et banquets. […] par l’aimable saint François de Sales, si on se l’imagine un seul moment jeune, non encore saint, helléniste et amoureux : Et sur le commencement du printemps, que la neige se fondoit, la terre se découvroit et l’herbe dessous poignoit ; les autres pasteurs menèrent leurs bètes aux champs : mais devant tous Daphnis et Chloé, comme ceux qui servoient à un bien plus grand pasteur ; et incontinent s’en coururent droit à la caverne des Nymphes, et de là au pin sous lequel étoit l’image de Pan, et puis dessous le chène où ils s’assirent en regardant paitre leurs troupeaux… puis allèrent chercher des fleurs, pour faire des chapeaux aux images (le bon Amyot, par piété, n’a osé dire : pour faire des couronnes aux dieux), mais elles ne faisoient encore que commencer à poindre par la douceur du petit béat de Zéphyre qui ouvroit la terre, et la chaleur du soleil qui les échauffoit. » Si vous croyez que ce petit béat de Zéphyre soit dans le grec, vous vous trompez fort ; c’est Amyot qui lui prête ainsi de cette gentillesse et de cette grâce d’ange, en revanche sans doute de ce qu’il n’a osé tout à côté appeler Pan et les Nymphes sauvages des dieux.
Après vingt ans d’absence ou de négligence, en rentrant dans l’héritage paternel, il a à défendre ses intérêts, à regagner ce qu’il a perdu par la mauvaise foi du paysan ; ses voisins ont empiété tant qu’ils ont pu sur lui et lui ont rogné ses terres ; ses fermiers le paient mal, ses marchands de bois ne le paient pas du tout ; il chicane, il menace, il montre qu’il n’est pas homme « à se laisser manger la laine sur le dos » ; enfin, aux champs comme ailleurs, et plus qu’ailleurs, il retrouve la même espèce humaine qui obéit à ses intérêts, à ses cupidités, tant qu’elle peut et aussi longtemps qu’on la laisse faire. […] Il y avait alors dans le pays une bande noire qui achetait les grandes terres et les vieux châteaux, qui démolissait les uns et morcelait les autres. Les antiquaires, les artistes, les poètes la maudissaient et la chargeaient d’exécration : lui, il l’absout et peu s’en faut qu’il ne la bénisse : car cette bande noire qui brise et pulvérise la terre, en met les morceaux à la portée d’un chacun, et, en faisant des propriétaires, elle fait, selon lui, d’honnêtes gens, c’est-à-dire des gens intéressés à l’ordre, à la paix, à la justice. […] J’ai quelquefois pensé qu’à cette époque où Courier se servait de ces instruments et de ces prétextes rustiques pour en faire des malices exquises aux gens d’en haut, il y avait en France un autre vrai laboureur et vieux soldat, que je ne donne pas comme un modèle d’atticisme, et qui aurait peu, je crois, goûté Longus, mais qui voulait sans rire l’amélioration du labour et de la terre, et le bien-être du laboureur en lui-même.
Il fallait, de plus, apprendre à toute la terre ce que les savants et les historiens savaient seuls, c’est que, depuis plus de cent ans, d’énormes manuscrits, laissés par un homme de génie et dont la gloire a ce côté grandiose et pur d’avoir été posthume, confisqués par l’État et traités comme de vieilles momies égyptiennes, dormaient d’un sommeil qu’on pouvait croire éternel, sous leurs tristes pyramides de cartons incommunicables, au ministère des affaires étrangères, qu’on avait bien le droit d’appeler, à ce propos, des affaires étranges ! […] Les manuscrits de Saint-Simon, enlevés par ordre, furent portés aux Archives, comme on porte en terre, et ils y restèrent comme on reste en terre. […] Pas plus coupable en cela que tous les ambitieux de la terre : — César, Napoléon, Richelieu, qui ont, tous, leur sac d’hypocrisies et de bassesses, et furent à de certains jours assassins de la fierté dans leur propre cœur, c’est-à-dire de ce qu’il y a de plus beau dans le cœur des hommes, — pas plus coupable, mais pas plus grand !
Aujourd’hui l’homme d’un coin de terre civilisé peut concevoir que son semblable existe sous d’autres cieux. […] On sait combien sont solidaires les marchés financiers et industriels, de quelle importance est le transit maritime, quel chiffre énorme de voyageurs transportent les express internationaux, le nombre des communications postales qui s’échangent entre tous pays ; il est évident que ces financiers, ces industriels, ces voyageurs de terre et de mer, ces correspondants, s’ils sont d’esprit clairvoyant et libres de préjugés, doivent posséder du nationalisme, une conception toute autre que celle de l’homme solitaire, borné au cercle minuscule de son activité locale. […] Depuis la découverte de l’Amérique et la circumnavigation de la Terre, nul fait n’eut plus d’importance dans l’histoire des hommes. Colomb, Magellan, El Cano avaient constaté, les premiers, l’unité matérielle de la terre, mais la future unité normale que désiraient les philosophes n’eut un commencement de réalisation qu’au jour où des travailleurs anglais, français, allemands, oubliant la différence d’origine et se comprenant les uns les autres malgré la diversité du langage, se réunirent pour ne former qu’une seule et même nation, au mépris de tous les gouvernements respectifs. »48 C’est dans le même but que furent instituées tant d’autres associations permanentes ou temporaires dont le principe se résume toujours en ceci : constituer un groupe autour d’une idée par-delà les groupements nationaux.
La terre fouillée a révélé des créations englouties ; sa surface est l’ossuaire de cinq ou six mondes, et les étages de ses couches ne sont que des lits entassés de cercueils. « On s’est convaincu qu’il fut un temps où la nature n’avait su produire à sa surface que des végétaux, végétaux immenses auprès desquels les nôtres ne sont que des pygmées, et qui ne couvraient de leur ombre aucun être animé. […] Vous savez qu’à la seconde création, parmi les grandes herbes et sous le dôme de ces forêts gigantesques, on vit se dérouler de monstrueux reptiles, premiers essais d’organisation animale, premiers propriétaires de cette terre, dont ils étaient les seuls habitants. La nature brisa cette création, et dans la suivante elle jeta sur la terre des quadrupèdes dont les espèces n’existent plus, animaux informes, grossièrement organisés, qui ne pouvaient vivre et se reproduire qu’avec peine, et ne semblaient que la première ébauche d’un ouvrier malhabile84. La nature brisa encore cette création, comme elle avait fait des autres, et d’essai en essai, allant du plus imparfait au plus parfait, elle arriva à cette dernière création qui mit pour la première fois l’homme sur la terre… Pourquoi le jour ne viendrait-il pas aussi où notre race sera effacée et où nos ossements déterrés ne sembleront aux espèces vivantes que des ébauches grossières d’une nature qui s’efface ?
Sur l’École française d’Athènes On a récemment parlé d’un projet qui honorerait à la fois le Gouvernement français et le Gouvernement grec : il s’agirait d’établir un lien régulier entre l’Université de France et la patrie renaissante des Hellènes, de mettre en rapport l’étude du grec en France avec cette étude refleurie au sein même de la Grèce, d’instituer en un mot une sorte de concordat littéraire entre notre pays latin et la terre d’Athènes. […] On pourrait, ce semble, commencer simplement, ne fonder qu’un assez petit nombre de places d’élèves ; l’essentiel serait de commencer, et de se confier pour le développement à une terre qui a toujours rendu au centuple ce qu’on y a semé de généreux.
Depuis ce temps, fier et blessé dans sa candeur, le poète s’en retourna vivre sur cette terre d’Italie dont il aimait l’air, la lumière et la noble beauté. […] Les vrais, les dignes chefs du mouvement littéraire n’ont pas encore poussé le cri d’alarme, et il est permis de croire que la terre ne va pas tout à l’heure manquer sous nos pieds.
Mais il menace toujours de détrôner Jupiter ou d’enflammer le monde aux éclairs de son épée, et, par ces hyperboles que son imagination enfante, il conserve son amour-propre dans la douce persuasion de son invincible vaillance : il ne peut être mis à l’épreuve sur de tels desseins ; s’il parlait terre à terre, il perdrait l’illusion de son héroïsme au premier choc de la réalité.
La première elle a senti ce qu’il y a de grandeur et de poésie dans sa simplicité, dans sa patience, dans sa communion avec la Terre ; elle a goûté les archaïsmes, les lenteurs, les images et la saveur du terroir de sa langue colorée ; elle a été frappée de la profondeur et de la ténacité tranquille de ses sentiments et de ses passions ; elle l’a montré amoureux du sol, âpre au travail et au gain, prudent, défiant, mais de sens droit, très épris de justice et ouvert au mystérieux… Ce que nous devons encore à George Sand, c’est presque un renouvellement (à force de sincérité) du sentiment de la nature. […] Elle vit vraiment de la vie de la terre, et cela sans s’y appliquer.
Il s’étend au-delà des bornes de la terre. […] Ayant commencé, un jour, de lire le panégyrique de Trajan, il ne l’acheva point, & le jetta par terre de dépit.
Je lui garantis l’entreprise de toutes les chapelles de Ste Reine et autres lieux tant en France qu’ailleurs, où les paysans malheureux aiment mieux mendier dans les grandes villes que de rester dans leurs villages à cultiver des terres où ils déposeraient leur sueur et qui ne rendraient pas un épi pour les nourrir ; à moins qu’il n’aime mieux exercer les deux métiers à la fois, faire la curiosité et la montrer. […] Le casque s’est séparé de la tête, et il est à terre au-dessous.