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49. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes pensées bizarres sur le dessin » pp. 11-18

Malgré l’ignorance des effets et des causes, et les règles de convention qui ont été les suites de cette ignorance, j’ai peine à douter qu’un artiste qui oserait négliger ces règles, pour s’assujettir à une imitation rigoureuse de la nature, ne fût souvent justifié de ses pieds trop gros, de ses jambes courtes, de ses genoux gonflés, de ses têtes lourdes et pesantes, par ce tact fin que nous tenons de l’observation continue des phénomènes, et qui nous ferait sentir une liaison secrète, un enchaînement nécessaire entre ces difformités. […] Oui, selon nos pauvres règles ; mais selon la nature ? […] Oui, d’après nos pauvres règles ; mais selon la nature ?

50. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Toutes ces règles, inutiles et nuisibles, puisqu’elles n’ajoutent rien à la beauté du vers, ont été inventées et imposées par Malherbe et par Boileau, versificateurs qui tuèrent la poésie pour deux siècles. […] Ils obtiennent avec des rimes exclusivement féminines des pièces chuchotantes, aux nuances effacées, avec des rimes exclusivement masculines des sonorités redondantes, impossibles sous le joug des anciennes règles. […] Mais pour se servir de ce vers compliqué et savant, il fallait du génie et une oreille musicale, tandis qu’avec les règles fixes, les écrivains les plus médiocres peuvent, en leur obéissant fidèlement, faire, hélas ! […] Il ne reconnaissait d’autre règle que l’usage. […] Ils prétendirent donner des règles pour écrire, comme s’il y avait d’autres règles pour cela que l’usage et le goût.

51. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Un passage du ix e livre de l’Ane d’Or d’Apulée nous rend bien sensibles ces infractions habituelles aux règles de la grammaire, qui devaient être d’usage dans le peuple. […] Ils amassent, ils rassemblent, ils inventorient les matériaux ; ils n’ont aucune idée d’une règle, d’une philologie exacte, d’une philosophie de langue. […] Dans son culte exclusif pour la langue romane du Midi, il ne put la croire sans règles et sans lois : il finit par les découvrir ; il les aurait plutôt, sans cela, inventées. […] La règle que se sont imposée ces modernes éditeurs a été, en général, de reproduire fidèlement le manuscrit qu’ils avaient sous les yeux : règle excellente, mais provisoire. […] Ampère pour avoir tenté de reconnaître et d’établir des règles de syntaxe qui eussent tiré la vieille langue de cette condition irrégulière propre aux patois.

52. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VI. Exordes. — Péroraisons. — Transitions. »

Quand on aura étudié ainsi que je viens de l’indiquer le plan et l’ordre de l’ouvrage, on n’aura pas à s’embarrasser de mettre en pratique toutes ces recettes érigées jadis en règles par les rhéteurs, et qui de leurs cahiers ont passé dans presque tous les traités sur la composition littéraire. […] On se proposera, en commençant ou en finissant, d’exposer son sujet ou de faire ressortir sa conclusion, non pas de manifester qu’on s’est conformé à de certains procédés et qu’on connaît les règles. […] Le madrigal, plus simple et plus noble en son tour… Si Boileau avait songé que tous ces genres n’avaient rien de commun que d’être des genres de poésie, et qu’ils ne se reliaient point l’un à l’autre, mais chacun à part à l’idée générale de ce second chant, destiné à exposer les règles des genres secondaires, il se serait épargné bien de la peine et n’aurait pas fait la joie de ses ennemis.

53. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre III. Montaigne »

Montaigne, en somme, fait de sa langue le même emploi que tous ses contemporains : il suit son besoin, et ne sent encore aucune règle qui l’empêche d’y satisfaire. […] Avec toutes ses grâces, il ne faut pas hésiter à dire que cette règle de vie est mauvaise et fausse. […] Sans la règle aussi, que peut-on faire ? […] En religion, il se règle sur le prince. […] En fait de style, sa règle est déjà : rien n’est beau que le vrai : et c’est par la beauté des choses qu’il estime la beauté des mots.

54. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

L’individu qui a tenté de se faire centre et maître du monde, reçoit une règle et restreint ses ambitions. […] La controverse se règle : des deux côtés, on cherche à confirmer des fidèles, plutôt qu’on n’enflamme des soldats. […] Le technique tend donc à être rejeté hors de la littérature, qui aura pour objets principaux la peinture des mœurs et la règle des mœurs ; l’une appartiendra surtout à la poésie, et, par l’autre, la philosophie et la théologie resteront des genres littéraires. […] On conçut qu’il fallait donner une autorité supérieure et un fondement rationnel à la règle des mœurs, et l’on résolut encore ce problème par la superposition du christianisme à la sagesse humaine des anciens. […] Malherbe règle ce qui peut subsister de lyrisme.

55. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

Un théâtre construit selon les règles, doit être très vaste ; il doit représenter une partie d’une place publique, le péristyle d’un palais, l’entrée d’un temple. […] Outre les principales règles de l’art dramatique, qu’on peut voir ci-après aux mots action, intrigue, intérêt, unité, et autres, on sait qu’il y a un art plus caché et plus délicat, qui règle en quelque façon tous les pas qu’on doit faire, et qui n’abandonne rien aux caprices du génie même. […] Le plan est la distribution du sujet dramatique qu’on veut traiter dans ses parties conformément aux règles du théâtre, c’est-à-dire, en actes et en scènes. […] Une des meilleures règles pour bien former un plan, c’est de diviser l’action principale en cinq parties bien distinctes, qui fassent autant de tableaux différents qui ne se confondent pas les uns dans les autres, et qui mettent une espèce d’unité dans chaque acte. […] Il faut éviter aussi d’y faire périr l’homme de bien et prospérer le méchant ; mais il faut observer la règle contraire, c’est-à-dire, que le méchant tombe dans l’infortune, et que le juste, le vertueux, pour qui on s’intéresse, passe du malheur à la prospérité.

56. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Albalat, dit la Nouvelle Revue internationale, n’a pas la prétention d’infuser le génie aux intelligences médiocres ; il a seulement voulu mettre en lumière les règles générales qui sont à la portée de toutes les intelligences. […] Il enseigne le style, non par des règles, mais par des exemples, il ne s’attarde pas à exposer la synthèse de l’art, il se livre à l’analyse anatomique des œuvres4. »‌ « J’engage M.  […] Albalat, dit la Nouvelle Revue internationale, n’a pas la prétention d’infuser le génie aux intelligences médiocres ; il a seulement voulu mettre en lumière les règles générales qui sont à la portée de toutes les intelligences. […] Mais voici l’objection qu’il me fait dans un article de la Quinzaine : « C’est une nécessité absolue pour un conseil, un précepte, une règle, que d’être indiscutable. […] Mais enfin son avis n’est que son avis, et je m’attribue le droit, ou j’émets la prétention de le discuter, et, si je le discute, si je le conteste, plus de règle ni de précepte.

57. (1904) La foi nouvelle du poète et sa doctrine. L’intégralisme (manifeste de la Revue bleue) pp. 83-87

Le vers, quel qu’il soit, en tant qu’élément de cette forme de langage, ne se peut définir que par les règles de sa construction. Quelles sont ces règles ? […] Ces règles sont-elles liées aux lois physiologiques de l’ouïe, de l’instinct et aussi de notre race ? […] Nous conviendrons donc que le poète, s’il est vraiment poète, a le droit de se faire sa règle à soi-même. […] Quant au rythme, nous l’avons dit plus haut, il n’a avec les règles prosodiques que des rapports de maître à serviteur.

58. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre I : Qu’est-ce qu’un fait social ? »

Si j’essaye de violer les règles du droit, elles réagissent contre moi de manière à empêcher mon acte s’il en est temps, ou à l’annuler et à le rétablir sous sa forme normale s’il est accompli et réparable, ou à me le faire expier s’il ne peut être réparé autrement. […] Alors même que, en fait, je puis m’affranchir de ces règles et les violer avec succès, ce n’est jamais sans être obligé de lutter contre elles. […] Cependant, comme les exemples que nous venons le citer (règles juridiques, morales, dogmes religieux, systèmes financiers, etc.), consistent tous en croyances et en pratiques constituées, on pourrait, d’après ce qui précède, croire qu’il n’y a de fait social que là où il y a organisation définie. […] Telle est l’origine et la nature des règles juridiques, morales, des aphorismes et des dictons populaires, des articles de foi où les sectes religieuses ou politiques condensent leurs croyances, des codes de goût que dressent les écoles littéraires, etc. […] Mais une règle juridique est un arrangement non moins permanent qu’un type d’architecture et, pourtant, c’est un fait physiologique.

59. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Guarini, et Jason de Nores. » pp. 130-138

C’étoit un de ces hommes infatués d’Aristote, qui discutent tout & ne sentent rien, qui n’imaginent pas qu’on puisse laisser jamais les règles & les sentiers battus. […] Cet écrivain eut été plus judicieux, si, loin d’assigner des entraves au génie, de tant parler des règles établies, de crier qu’elles étoient toutes violées dans le Berger fidèle, il eut relevé les vrais défauts de cette pastorale. […] Il prêchoit avec plus de force que la première fois l’observation des grandes règles Aristotéliciennes, & disoit des injures au poëte chéri de la nation.

60. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence en général. » pp. 177-192

Ne faut-il pas entendre uniquement que c’est à l’orateur à prendre pour règle les dispositions des auditeurs, ou bien le dégré de leurs lumières ? […] Il ne vouloit pas qu’on multipliât les règles, qu’on accablât l’esprit, & qu’on le rebutât à force de préceptes. […] Ce censeur, judicieux à d’autres égards, ne vouloit pas comprendre que la voie qu’il recommandoit étoit la plus longue ; qu’on n’avoit que trop entassé de tout temps des puérilités pédantesques dans la tête d’un jeune homme qui veut se former à l’éloquence ; que les exemples en disent plus que les maîtres ; qu’un seul morceau choisi de Démosthène, de Cicéron & de Bossuet, rend plus éloquent celui qui est né avec du génie, que toutes les règles & tous les préceptes d’Aristote, de Cicéron, de Quintilien & de tous leurs commentateurs. […] On prouveroit, par ce raisonnement, s’il étoit juste, que la peinture n’est pas un art, puisque les règles ne donnent point le génie au peintre.

61. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Un choix s’impose à tout instant ; nous optons naturellement pour ce qui est conforme à la règle. […] Mais l’utilité de la règle lui vient alors uniquement, par ricochet, du fait qu’on se soumet à elle. […] Il en résulte que, dans les premières, chaque règle est imposée par la nature, elle est nécessaire ; tandis que dans les autres une seule chose est naturelle, la nécessité d’une règle. […] Règle et règlement, rectitude et régularité, sont des mots qui désignent la ligne droite. […] Ce travail a abouti à formuler des règles et à dessiner un idéal : ce sera vivre moralement que de suivre ces règles, que de se conformer à cet idéal.

62. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

Je n’ai point à entreprendre ici de faire œuvre de logicien, ni à exposer dans le détail les règles et le mécanisme de raisonnement. […] Ou bien on se presse trop de généraliser ; par légèreté, par impatience, on ne se donne pas la peine de ramasser un grand nombre d’observations, et sur deux ou trois exemples, sur un seul parfois, et qu’on n’étudie pas à fond, on pose une règle générale qui se trouve fausse. […] Elle est toute de convention, et elle n’a assurément pas plus de vérité que celle de l’Allemand naïf, à la tête carrée, aux grands pieds et à la longue pipe, buvant des chopes et dissertant sur l’idéal et l’infini, se gavant de choucroute et volant des pendules, pour être, en fin de compte, roué de coups par un sous-officier imberbe4. » On se tiendra donc en garde contre de pareilles tentations, et avant de faire aucune induction, avant de poser une loi ou une règle, avant de rien généraliser, on s’assurera qu’on travaille bien sur une réalité, et non sur un fantôme, que les faits d’abord existent ; on aura soin ensuite de ne rien négliger dans les faits qu’on aura reconnus, de tenir compte de tous les éléments qui les composent, de n’y rien ajouter ni retrancher arbitrairement. […] Mais cette règle n’est pas encore générale, et l’observation vient de nouveau la rectifier. […] Il faut lire et méditer là-dessus les règles que donne Pascal dans son fragment de L’Art de persuader : nul n’a mieux connu que lui l’art de raisonner, nul n’a mieux raisonné.

63. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre V. L’antinomie esthétique » pp. 109-129

Aujourd’hui la législation n’intervient plus pour imposer des règles aux artistes ou pour sévir contre les œuvres d’art non conformistes, comme cela avait lieu aux temps où l’art avait une fonction religieuse et sociale. […] L’art classique représente la règle, l’ordre, la discipline, l’idée du gouvernement en art. Et certes, la règle, l’ordre, l’autorité en art ne sont pas la même chose que la règle, l’ordre, l’idée de gouvernement en politique et en sociologie. […] L’art classique est un art où l’originalité de l’artiste se subordonne volontairement à des règles étroites.

64. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre I. L’intuition et la logique en Mathématiques. »

Tous quatre doivent être attribués à l’intuition, et cependant le premier est l’énoncé d’une des règles de la logique formelle ; le second est un véritable jugement synthétique a priori, c’est le fondement de l’induction mathématique rigoureuse ; le troisième est un appel à l’imagination ; le quatrième est une définition déguisée. […] Si vous assistez à une partie d’échecs, il ne vous suffira pas, pour comprendre la partie, de savoir les règles de la marche des pièces. Cela vous permettrait seulement de reconnaître que chaque coup a été joué conformément à ces règles et cet avantage aurait vraiment bien peu de prix. […] Comprendre la partie, c’est tout autre chose ; c’est savoir pourquoi le joueur avance telle pièce plutôt que telle autre qu’il aurait pu faire mouvoir sans violer les règles du jeu. […] Croit-on d’abord que ces logiciens ont toujours procédé du général au particulier, comme les règles de la logique formelle semblaient les y obliger ?

65. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

Je puis seulement formuler ma conviction que c’est une règle de haute généralité. […] Mais que l’extension de cette règle ne soit pas limitée à des différences purement sexuelles, c’est ce que prouve avec toute évidence l’étude des Cirripèdes hermaphrodites. […] Comme les oiseaux dans une même contrée ne varient que dans de très étroites limites, je leur ai prêté une attention particulière, et j’ai trouvé que la même règle s’étendait à toute cette classe. […] Il serait presque superflu d’adjoindre des preuves à cette règle de la variabilité supérieure des caractères spécifiques, relativement à l’invariabilité reconnue des caractères génériques. […] En effet, les Gallinacés, les Cerfs, les Moutons confirment cette règle.

66. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Celui qui a fait « un sonnet achevé » ne pouvait rien faire de plus en fait de sonnet, comme, selon Descartes, un enfant qui a fait une addition dans les règles peut être assuré d’avoir trouvé tout ce que l’esprit humain était capable de trouver relativement à la somme qu’il cherchait. […] Indépendamment des lois générales de la langue et du vers et des lois particulières des genres, la création poétique, de quelque nature qu’elle soit, doit observer certaines règles très fines, qui aident à dégager la nature et assurent le plaisir du lecteur. Mais ces règles, il ne suffit pas de les apprendre pour les appliquer : c’est ici qu’il faut surtout le génie et le goût naturels. […] La règle est de dire ce qu’il faut, rien que ce qu’il faut. […] Enfin la grande règle, sans laquelle toutes les règles ne servent à rien, c’est le travail : il faut patiemment, laborieusement, chercher, refaire, corriger, effacer ; la perfection est le prix d’une lutte longue et douloureuse par laquelle la matière rebelle est soumise à l’art inexorable.

67. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

La langue de la tragédie allemande n’est point astreinte à des règles aussi délicates, aussi dédaigneuses que la nôtre. […] Plus les écrivains d’une nation ont pour but exclusif de faire effet, plus ils doivent être assujettis à des règles sévères. […] Contre un pareil principe, il faut des règles fixes, qui empêchent les écrivains de frapper tellement fort qu’ils ne frappent plus juste du tout. […] Je ne veux point entrer ici dans un examen approfondi de la règle des unités. […] La seule règle que je me sois imposée a été de ne rien faire entrer dans le rôle de Thécla qui ne fût d’accord avec l’intention poétique de l’auteur original.

68. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIX. Progression croissante d’enthousiasme et d’exaltation. »

La même chose fût arrivée dans l’ordre de saint François, si cet ordre avait réussi dans sa prétention de devenir la règle de la société humaine tout entière. […] On dirait un « Ordre » constitué par les règles les plus austères. […] Les sociétés chrétiennes auront deux règles morales, l’une médiocrement héroïque pour le commun des hommes, l’autre exaltée jusqu’à l’excès pour l’homme parfait ; et l’homme parfait, ce sera le moine assujetti à des règles qui ont la prétention de réaliser l’idéal évangélique.

69. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VII. De la propriété des termes. — Répétition des mots. — Synonymes. — Du langage noble »

— Du langage noble La propriété des termes est, à vrai dire, l’unique et universelle règle du style : celle où tout se résume et qui contient tout. C’est, comme dit Molière, la grande règle de toutes les règles.

70. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — Note relative à l’article Villehardouin. » p. 527

Sans doute l’orthographe, comme la prononciation, était extrêmement variable au Moyen Âge ; mais même à cette époque reculée n’y avait-il pas certaines règles de grammaire, certaines manières de dire et d’écrire, qui étaient réputées les bonnes et les préférables ? […] Voilà, ce me semble, un mea culpa par lequel je romps avec l’école de la routine et des à-peu-près et je me mets en règle avec la jeune science philologique.

71. (1763) Salon de 1763 « Sculptures et gravures — Vassé »

Pour bien juger d’une statue, c’est une règle assez sûre que de se mettre à sa place. Pour bien juger de l’ajustement d’un homme ou d’une femme, c’est aussi une règle assez sûre que de les transporter sur la toile.

72. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

Il était évident désormais, à voir ces deux colonnes debout, isolées, d’un orgueil et d’un aspect triompha], qu’on était entré dans une voie vraiment moderne, et qu’après un temps d’anarchie et de confusion, on visait à la règle et à l’unité dans la grandeur. […] Il n’est nullement d’avis d’épurer, de retrancher sans motif, de faire le dégoûté à tout propos ; si vous lui demandez ce qu’il préfère, il vous le dira nettement et en fera même une de ses règles : « Un mot ancien, qui est encore dans la vigueur de l’usage, est incomparablement meilleur à écrire qu’un tout nouveau qui signifie la même chose. […] Il insiste sur ce qu’il y a de juste, et de nécessaire en même temps, à se ranger à la discipline, à la règle commune et à ce qui prévaut, à ne pas faire bande à part en telle matière contre le sentiment universel. […] Vaugelas ne s’en tient pas au pur relevé des mots et à l’enregistrement des locutions qui lui ont été fournies par le bon usage : il a quelques règles qui sont pour lui le résultat de l’observation et d’une comparaison attentive. […] Il sera toujours vrai aussi que les règles que je donne pour la netteté du langage ou du style subsisteront sans jamais recevoir de changement. » Encore une fois, il est évident qu’à cette date il s’est passé un grand fait sensible et manifeste à tous ; que tous ceux qui étudiaient et pratiquaient la langue ont eu conscience de sa formation définitive, de son entrée dans l’âge adulte et de sa pleine virilité.

73. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Mais, de plus, Boileau et Racine, et La Fontaine, et Molière étaient des artistes : ce que n’étaient ni les Chapelain, ni les Scudéry, ni les Desmarets, ni les Cotin, ni tous les prétentieux rédacteurs d’emphatiques épopées, ni tous les ingénieux rimeurs de petits vers, ni tous les pédants qui estimaient que l’usage des règles, par une vertu secrète, suffit sans la matière et sans le génie à la perfection des œuvres, ni enfin tous les inspirés qui écrivaient en courant, sans réflexion et sans retouches, au hasard de leur fantaisie. […] Ils prennent les lois et les règles comme des conditions données à leur activité, comme une sorte de cahier des charges imposé à l’artiste qui entreprend de faire une œuvre, tout au plus comme une méthode qui permet d’obtenir économiquement et sûrement la plus grande somme de perfection. Et pour Boileau, les règles ne sont pas autre chose : des moyens, non le but. […] Aristote et Horace d’abord, et Quintilien et Longin, tous ceux qui, en grec ou en latin, avaient donné les règles de la poésie ou de l’art d’écrire : Boileau les avait lus, médités, s’en était nourri ; Quintilien et Longin l’avaient aidé à se former un idéal de style et d’élocution. […] Mais Boileau ne s’en tenait pas aux théoriciens ; il s’instruisait directement aux œuvres, d’après lesquelles les théories ont été dressées, et sa sincérité d’admiration, la perpétuelle direction de sa pensée qui y va toujours spontanément chercher sa règle, nous témoignent évidemment qu’en dépit de certaines timidités de goût et de quelques gaucheries d’expression, Boileau comprenait et sentait les anciens comme il faut.

74. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Mais faut-il donc attendre que la secte du Romantisme (car c’est ainsi qu’on l’appelle), entraînée elle-même au-delà du but où elle tend, si toutefois elle se propose un but, en vienne jusque-là, qu’elle mette en problème toutes nos règles, insulte à tous nos chefs-d’œuvre, et pervertisse, par d’illégitimes succès, cette masse flottante d’opinions dont toujours la fortune dispose ? […] Un Anglais du seizième siècle, génie sublime et inculte, ignorant les règles du théâtre, et les suppléant par tous ces artifices qu’un heureux instinct suggère, avait, dans ses drames monstrueux, étendu indéfiniment l’espace et la durée, renfermé des lieux et des années sans nombre, confondu les conditions et les langages, méconnu ou violé le costume distinctif des époques et des contrées diverses ; mais, observateur attentif et peintre fidèle de la nature, il avait répandu, dans ses compositions désordonnées et gigantesques, une foule de ces traits naïfs, profonds, énergiques, qui peignent tout un siècle, révèlent tout un caractère, trahissent toute une passion. […] Pour oser en offrir quelques-unes au jugement et au goût des artisans de nos faubourgs, il fallut les réduire aux proportions, les assujettir aux règles et aux bienséances de notre scène. […] Si je pouvais me croire le droit de leur adresser quelques avis, je leur dirais : Laissez enfin pour morts ces héros de la Grèce et de Rome, que nos poignards tragiques ont épuisés de sang ; faites revivre les personnages des âges chrétiens et chevaleresques : mais gardez-vous d’appliquer à ces sujets d’un temps barbare, les règles d’une poétique plus barbare encore, et n’imitez pas ce peintre de nos jours, qui voudrait représenter les princes et les guerriers du dixième siècle, dans le style gothique des vitraux de leurs chapelles, ou du marbre de leurs tombeaux. […] Évitez tous ces excès, toutes ces fautes ; donnez carrière à votre génie, mais en lui laissant le frein salutaire des règles ; et la Littérature française, sans renoncer à donner des lois à l’Europe civilisée, pour aller prendre des leçons des Bructères et des Sicambres ; sans abandonner son climat doux et varié, pour s’enfoncer dans l’atmosphère brumeuse de la Grande-Bretagne ou de la Germanie, pourra voir encore de beaux jours se lever sur elle, et de nouvelles merveilles grossir l’inestimable trésor de ses chefs-d’œuvre.

75. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre IV. L’unification des sociétés »

si elle n’a pas la charge de veiller tant à leurs intérêts communs qu’à leurs droits individuels, et par suite la capacité tant d’édicter que de faire respecter des règles générales ? […] En même temps que la domination étrangère, c’est la règle générale dans tout l’Orient, rappelle S.  […] Ainsi les exceptions à la règle que l’histoire de la plupart des nations occidentales nous avait invités à poser se montrent discutables et explicables ; il reste vrai que d’une façon générale, l’unification sociale marche de pair avec l’égalitarisme. […] Distant de ses sujets et peu soucieux de leurs distinctions collectives, le pouvoir unique a une tendance à procéder par principe et par règles générales217. […] Toute la philosophie politique de notre xviiie  siècle pense qu’il convient de substituer « des règles simples et élémentaires, puisées dans la raison et la loi naturelle, aux coutumes compliquées et traditionnelles ».

76. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIX. De la littérature pendant le siècle de Louis XIV » pp. 379-388

C’est dans le cercle resserré d’un petit nombre d’hommes supérieurs, soit par leur éducation, soit par leur mérite, que les règles et le goût du style peuvent se conserver. […] La peinture de l’amour, sous le règne de Louis XIV, était aussi soumise à quelques règles reçues. […] Je développerai dans une note de la seconde Partie de cet ouvrage quelles règles il me semble raisonnable d’adopter aujourd’hui relativement aux mots nouveaux.

77. (1887) Discours et conférences « Discours à l’Association des étudiants »

Mon opinion est que la règle morale et légale du mariage sera changée. […] Ayez une règle absolue : c’est de suivre la France, c’est-à-dire la légalité, malgré toutes les objections, toutes les répugnances, toutes les antipathies. […] Mettez-vous toujours en règle avec la patrie.

78. (1759) Observations sur l’art de traduire en général, et sur cet essai de traduction en particulier

Ceux de nos bons écrivains qui se sont exercés avec succès dans l’art de traduire, auraient plus de droit de s’ériger en législateurs ; mais ils ont mieux fait que de transcrire des règles, ils ont donné des exemples. […] Dans tous les genres de littérature, la raison a fait un petit nombre de règles, le caprice les a étendues, et le pédantisme en a forgé des fers que le préjugé respecte, et que le talent n’ose briser. […] Cette règle, si utile, au progrès de la littérature, doit s’étendre, ce me semble, non seulement aux ouvrages originaux, mais aux ouvrages d’imitation même, tels que sont les traductions. […] On ne doit donc pas se faire une règle de traduire littéralement, dans les endroits même ou le génie des langues ne paraît pas s’y opposer, quand la traduction sera d’ailleurs sèche, dure et sans harmonie. […] C’est la règle qu’on recommande le plus, mais qu’on pratique le moins, et sur l’observation de laquelle les lecteurs même ont le plus d’indulgence.

79. (1913) Le bovarysme « Avertissement »

Il résulte de cette croyance que toute constatation de fait tend, en langage humain, à se formuler en règle morale ; car l’illusion engendrée par le reflet de l’activité dans la conscience est si forte qu’elle domine les formes du langage et qu’elle a laissé dans les mots son empreinte. […] On n’a pas cru qu’il fût possible de se soustraire entièrement à cette fatalité de nos habitudes mentales et il a paru suffisant d’avertir que le véritable but de cette étude est ailleurs, que l’on ne s’y est proposé d’autre objet que celui-ci : mettre entre les mains de quelques-uns un appareil d’optique mentale, une lorgnette de spectacle qui permette de s’intéresser au jeu du phénomène humain par la connaissance de quelques-unes des règles qui l’ordonnent.

80. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

Voilà un poète, dit-on, qui, pour faire des chefs-d’œuvre, ne connaît qu’un secret : être bien raisonnable, bien sage, bien obéissant aux règles. […] Mais, on l’a vu, Boileau n’a jamais pris dans son tempérament particulier la règle de l’art. […] Mais il n’en faut pas conclure qu’il réduise la poésie au métier, ni qu’il estime que les règles sont les agents mécaniques de la perfection : il nous a dit assez nettement sa pensée dans les premiers vers de l’Art poétique, dont on s’obstine toujours à ne pas tenir compte. […] Mais c’est la raison cartésienne, dominatrice et directrice de l’âme humaine, dont elle règle toutes les facultés sans en empêcher aucune : c’est celle qui, par essence, distingue le vrai du faux. […] Boileau s’embarrasse parfois entre l’actualité et l’antiquité, et définissant mal leur rapport, établit des règles ou arbitraires ou fausses, qui même nous semblent contradictoires à l’esprit de sa doctrine, et restreignent ou infirment l’excellent principe de l’imitation de la nature.

81. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Avec La Harpe et Geoffroy, elle est purement dogmatique et grammaticale : ils se demandent si les « règles » sont observées sans éprouver ces règles elles-mêmes et ils joignent à cela la critique du style. […] Sarcey pour un critique doctrinaire qui croit à la valeur absolue de certaines règles sans en avoir éprouvé les fondements ; mais, de sa vie, il n’a fait autre chose que les éprouver. […] Sarcey part de ces deux principes incontestables : 1° Le théâtre est un genre particulier, soumis à certaines règles nécessaires qui dérivent de sa nature même ; 2° Les pièces de théâtre sont faites pour être jouées, et non pas devant une poignée de délicats, mais devant de nombreuses assemblées d’hommes et de femmes. […] Je n’ai fait que constater par des expériences sans nombre à quelles conditions naturelles et nécessaires est soumise l’œuvre dramatique et ce qu’elle doit être pour plaire au public, car c’est là, comme dit l’autre, la grande règle des règles. […] Je ne tenterai même pas d’esquisser la seconde : tout me fuirait entre les doigts et je serais fort embarrassé de fonder des règles sur des caprices de dégoûtés.

82. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

Soit donc qu’il s’agisse de règles pour la conduite, ou de peintures de l’homme, nous sommes, au premier degré, juges compétents de la vérité du sermon. […] Que cachent tous ces mystères, sinon les origines sacrées de toutes les règles des mœurs ? […] La foi dans la morale chrétienne, comme science de l’homme et comme règle des mœurs, est le principe commun aux immortels devanciers de Vauvenargues. […] Dans ces quatre grands moralistes, ce qui fait l’autorité, c’est une règle uniforme, et cette règle est comme un corps de prescriptions contre les passions. […] Car enfin quelle est dans Vauvenargues la règle du devoir ?

83. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Du Plessys, Maurice (1864-1924) »

S’il y paraît à quelques réminiscences décadentes, nous n’en revendiquons pas moins cette œuvre pour issue de la règle romane, et c’est à juste titre que sa couverture s’orne la première de l’image de la Déesse où, pour nous, s’identifient la Pallas grecque et la Minerve latine. […] Il s’élance, à sa suite, dans les régions du pur lyrisme, et l’audace règle seule son vol aventureux.

84. (1763) Salon de 1763 « Peintures — De Machy » pp. 242-243

Je ne fais aucun cas des ouvrages auxquels on est sûr de réussir, en se conformant aux règles. C’est le mérite, non de l’artiste, mais des règles.

85. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

Ainsi, c’est une règle presque générale que l’Académie, après un temps où elle était complètement de niveau avec l’opinion littéraire extérieure et où elle en représentait les aspects les plus en vue et les plus florissants, baisse ensuite ou retarde un peu. […] Quatre ans après, lorsqu’on eut reçu le cardinal Dubois, on s’était mis en règle avec le présent, on n’en aurait plus été à chasser pour si peu l’abbé de Saint-Pierre. […] Les lettres patentes de 1635, et le projet qui avait précédé, exprimaient en termes très nets le but des études et l’objet des travaux de l’Académie ; l’espoir « que notre langue, plus parfaite déjà que pas une des autres vivantes, pourrait bien enfin succéder à la latine, comme la latine à la grecque, si on prenait plus de soin qu’on n’avait fait jusques ici de l’élocution, qui n’était pas à la vérité toute l’éloquence, mais qui en faisait une fort bonne et fort considérable partie » ; que, pour cet effet, il fallait en établir des règles certaines ; premièrement établir un usage certain des mots, régler les termes et les phrases par un ample Dictionnaire et une Grammaire exacte qui lui donneraient une partie des ornements qui lui manquaient, et qu’ensuite elle pourrait acquérir le reste par une Rhétorique et une Poétique que l’on composerait pour servir de règle à ceux qui voudraient écrire en vers et en prose : que, de cette sorte, on rendrait le langage français non seulement élégant, mais capable de traiter tous les arts et toutes les sciences, à commencer par le plus noble des arts, qui est l’éloquence, etc., etc. […] On a l’élan, l’ardeur, le coup de main, mais la critique à côté, la règle et double règle, le lendemain de ce qui a paru une imprudence.

86. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

La statuaire repose spécialement sûr l’anatomie et la physiologie ; la peinture, sur l’anatomie, la physiologie et l’optique ; l’architecture, sur l’optique (la règle d’or, etc.) ; la musique, sur la physiologie et l’acoustique ; la poésie, sur la dont les métrique, lois les plus générales se rattachent assurément à l’acoustique et à la physiologie. […] Si donc l’art en venait à n’avoir plus d’autre fin que de charmer les yeux et les oreilles, il pourrait se réduire un jour à un système de règles techniques, à une question de savoir-faire, ou même de savoir pur et simple. […] Les règles de la sensation agréable sont des limites pour l’art ; le rôle du génie dans l’art est précisément de reculer sans cesse ces limites et pour cela de paraître parfois violer les règles. […] Toutes les règles concernant ce nouvel objet de l’art aboutissent à déterminer dans quelles conditions se produit l’émotion sympathique ou antipathique. […] Ce qui fait qu’il est si difficile d’établir des règles fixes dans la critique d’art, c’est que l’objet suprême de l’art n’est pas fixe : la vie sociale est sans cesse en évolution ; nous ne savons jamais au juste ce que sera demain l’humanité.

87. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

C’est alors que les règles seraient de véritables entraves pour le génie. […] L’Académicien. — Vous êtes singuliers, vous autres philosophes modernes ; vous blâmez les poétiques, parce que, dites-vous, elles enchaînent le génie ; et actuellement vous voudriez que la règle de l’unité de temps, pour être plausible, fût appliquée par nous avec toute la rigueur et toute l’exactitude des mathématiques. […] Chénier, Lemercier, Delavigne, eussent osé s’affranchir des règles dont on a reconnu l’absurdité depuis Racine, ils nous auraient donné mieux que Tibère, Agamemnon ou les Vêpres siciliennes. […] S’il vivait de nos jours, et qu’il osât suivre les règles nouvelles, il ferait cent fois mieux qu’Iphigénie.

88. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre III. Besoin d’institutions nouvelles » pp. 67-85

Combien de fois, depuis trois ans, n’avons-nous pas déjà changé de règle pour les élections ! et cependant qu’y a-t-il de plus fondamental qu’une semblable règle ? […] La loi est la règle fixe et universelle ; son niveau pèse sur les choses et sur les êtres en général, et non sur les individus en particulier. […] Les costumes et les règles de ces ordres rappelaient les différents âges de la religion, et, par conséquent, de la société.

89. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

De longs monologues, des chœurs, une vaine application de toutes les règles de ce grand art ; rien n’y manque de tout ce qui peut s’emprunter. […] Aussi, avant d’écrire une comédie, j’enferme les règles sous six clefs, et mets dehors Plante et Térence, pour que leur voix ne s’élève pas contre moi ; car la vérité crie dans les livres muets. […] Tantôt Corneille commente en homme de génie les règles de la critique ancienne ; tantôt il en établit lui-même de nouvelles, tirées d’une connaissance encore plus profonde de l’homme. […] Théoricien admirable, Corneille ne fait pas de règles pour excuser ses fautes. En même temps qu’il donnait, sous la forme de règles, le secret des beautés de son théâtre, en critiquant ses propres défauts il donnait le secret des beautés qui lui ont manqué.

90. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VIII : Hybridité »

Les règles et conclusions qui vont suivre sont presque toutes extraites de l’admirable ouvrage de Gærtner sur l’hybridation des plantes. Je me suis efforcé, autant qu’il m’a été possible, de déterminer jusqu’à quel point ces règles s’appliquent aux espèces animales ; et, considérant combien nous savons peu de choses à l’égard des animaux hybrides, j’ai été surpris de trouver que ces mêmes règles gouvernent généralement les deux règnes du monde organisé. […] Avec les quelques réserves que je vais faire, j’admets pleinement que telle est en effet la règle très générale. […] Mais, autant que je puis le savoir, cette règle est établie sur une seule expérience, et semble en opposition directe avec les résultats de quelques-unes des expériences de Kœlreuter. […] Ces diverses règles paraissent être également applicables aux animaux.

91. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

Tantôt hardie comme le génie, impérieuse comme la loi, elle s’élevait d’un bond au type normal de chaque genre, et en traçait d’une main ferme les règles inviolables. […] L’esprit général de l’époque moderne est de substituer le vrai en soi à la règle conventionnelle, la raison à l’autorité. […] La raison disait : La règle écrite n’est pas la loi ; elle n’en est que la traduction plus ou moins exacte. […] Racine s’est montré libre malgré les règles : c’est un exemple dangereux. […] C’est la pierre de touche que La Bruyère nous offre pour distinguer le bon du mauvais : « Quand une lecture vous élève l’esprit et qu’elle vous inspire des sentiments nobles et courageux, ne cherchez pas d’autre règle pour juger de l’ouvrage ; il est bon et fait de main d’ouvrier. » Mais pour appliquer cette règle excellente, il faut une âme capable de nobles émotions.

92. (1890) Nouvelles questions de critique

Gaston Paris en convient, heurte toutes les règles, la question est donc de savoir ce que valent ces règles et quel en est le vrai fondement. […] Une fort bonne règle, que M.  […] d’après quels principes ou quels règles ? […] « Une règle capitale des anciens rhéteurs, dit à ce propos M.  […] Ils ont ainsi, pour l’avenir, émancipé la poésie de quelques règles aussi tyranniques en leur genre que le pouvait être jadis, pour nos auteurs dramatiques, la règle des trois unités.

93. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Tisseur (Les frères Barthélémy, Jean, Alexandre et Clair) »

Ce volume donne : d’abord de sévères poèmes antiques, puis des rêves intimes, des notations philosophiques ; — puis une seconde série où se retrouveront les mêmes inspirations, mais exprimées avec moins de rigidité et d’heureux manquements aux règles surannées (et même ridicules) de la poésie classico-romantique, — règles faites pour une langue dont la prononciation a varié.

94. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Préface »

Il me sembla donc que, sans rejeter inconsidérément les observations (qualifiées mal à propos de règles) grammaticales, il fallait du moins ajouter un nouveau principe à ceux qui guident l’étude des langues, le principe esthétique. […] Je n’ai à ma disposition ni lois ni règles, ni principes peut-être ; je n’apporte rien qu’un sentiment esthétique assez violent et quelques notions historiques : voilà ce que je jette au hasard dans la grande cuve où fermente la langue de demain.

95. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

Corneille apprit surtout qu’il y avait des règles dont il ne s’était pas douté à Rouen, et qui agitaient vivement les cervelles à Paris : de rester durant les cinq actes au même lieu ou d’en sortir, d’être ou de n’être pas dans les vingt-quatre heures, etc. […] La querelle du Cid, en l’arrêtant dès son premier pas, en le forçant de revenir sur lui-même et de confronter son œuvre avec les règles, lui dérangea pour l’avenir cette croissance prolongée et pleine de hasards, cette sorte de végétation sourde et puissante à laquelle la nature semblait l’avoir destiné. Il s’effaroucha, il s’indigna d’abord des chicanes de la critique ; mais il réfléchit beaucoup intérieurement aux règles et préceptes qu’on lui imposait, et il finit par s’y accommoder et par y croire. […] Quand il y avait pourtant nécessité absolue que l’action se passât en deux lieux différents, voici l’expédient qu’imaginait Corneille pour éluder la règle : « C’étoit que ces deux lieux n’eussent point besoin de diverses décorations, et qu’aucun des deux ne fût jamais nommé, mais seulement le lieu général où tous les deux sont compris, comme Paris, Rome ; Lyon, Constantinople, etc. […] Le même cours des planètes Règle nos jours et nos nuits : On m’a vu ce que vous êtes, Vous serez ce que je suis.

96. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Comme ses contemporains, il se soumet sans peine aux règles venues de l’antiquité ; seulement sa soumission est spontanée et il n’oublie pas plus que Molière ou Racine que « la grande règle de toutes les règles est de plaire183 ». […] Huet, évêque d’Avranches, écrit sur le roman une lettre-préface, et c’est pour imposer des règles au roman. […] L’exposé des principaux caractères qui distinguent l’époque peut trouver sa place après ce travail préliminaire : théories régnantes, usages ou règles acceptés, conceptions du monde couramment admises, transformations subies par la langue, qui est l’instrument commun à tous ceux qui parlent ou écrivent, peuvent terminer cette partie générale. […] Au temps de Boileau, par exemple, il est admis que l’élégie, l’ode, la comédie, la tragédie ont chacune leur existence individuelle et leurs règles spéciales.

97. (1694) Des ouvrages de l’esprit

Quand une lecture vous élève l’esprit, et qu’elle vous inspire des sentiments nobles et courageux, ne cherchez pas une autre règle pour juger l’ouvrage ; il est bon, et fait de main d’ouvrier. […] Ces caractères, dit-on, sont naturels : ainsi, par cette règle, on occupera bientôt tout l’amphithéâtre d’un laquais qui siffle, d’un malade dans sa garde-robe, d’un homme ivre qui dort ou qui vomit : y a-t-il rien de plus naturel ? […] Ce qu’il y a de plus beau, de plus noble et de plus impérieux dans la raison, est manié par le premier ; et par l’autre, ce qu’il y a de plus flatteur et de plus délicat dans la passion : ce sont dans celui-là des maximes, des règles, des préceptes ; et dans celui-ci, du goût et des sentiments : l’on est plus occupé aux pièces de Corneille ; l’on est plus ébranlé et plus attendri à celles de Racine : Corneille est plus moral ; Racine plus naturel : il semble que l’un imite Sophocle, et que l’autre doit plus à Euripide. […] Les esprits vifs, pleins de feu, et qu’une vaste imagination emporte hors des règles et de la justesse, ne peuvent s’assouvir de l’hyperbole. […] Il y a des artisans ou des habiles dont l’esprit est aussi vaste que l’art et la science qu’ils professent ; ils lui rendent avec avantage, par le génie et par l’invention ce qu’ils tiennent d’elle et de ses principes ; ils sortent de l’art pour l’ennoblir, s’écartent des règles, si elles ne les conduisent pas au grand et au sublime ; ils marchent seuls et sans compagnie, mais ils vont fort haut et pénètrent fort loin, toujours sûrs et confirmés par le succès des avantages que l’on tire quelquefois de l’irrégularité.

98. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mon mot sur l’architecture » pp. 70-76

N’aurait-on pas fait de la science des conditions, des caractères, des passions, des organisations diverses, une petite affaire de règle et de compas ? […] Cette influence peut devenir imperceptible ; mais elle n’en est pas moins réelle : Combien de règles et de productions qui ne doivent notre aveu qu’à notre paresse, notre inexpérience, notre ignorance et nos mauvais yeux ! Et puis, pour en revenir à la peinture d’où nous sommes partis, souvenons-nous sans cesse de la règle d’Horace : Pictoribus atque poetis Quidlibet audendi semper fuit aequa potestas ; Sed non ut placidis coeant immitia, non ut Serpentes avibus geminentur.

99. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VII. D’Isocrate et de ses éloges. »

ou bien un philosophe qui était tout à la fois physicien, géomètre, naturaliste, politique, dialecticien, qui avait porté l’analyse dans toutes les opérations de l’esprit, assigné l’origine et la marche de nos idées, cherché dans les passions humaines toutes les règles de l’éloquence et du goût, et en qui le concours et l’union de toutes ces connaissances devaient former un esprit vaste et une imagination qui agrandissait tous les arts en réfléchissant leur lumière les uns sur les autres, ne devait-il pas en effet avoir moins d’estime pour un orateur qui avait plus d’harmonie que d’idées, et pour un maître d’éloquence qui savait mieux les règles de l’art, que l’origine et le fondement des arts même et des règles ?

100. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Ils veulent être les premiers dans leur opinion. — Méfiez-vous aussi des critiques qui arrivent, la règle et le compas à la main, jaugeant et toisant une comédie ainsi qu’ils feraient un bâtiment. « Vous êtes de plaisantes gens avec vos règles dont vous embarrassez les ignorants, et nous étourdissez tous les jours ! Il semble à vous ouïr parler que les règles de l’art soient les plus grands mystères du monde, et cependant ce ne sont que quelques observations aisées que le bon sens a faites sur ce qui peut ôter le plaisir que l’on prend à ces sortes de poèmes. […] Je voudrais bien savoir si la grande règle de toutes les règles n’est pas de plaire, et si une pièce de théâtre qui a attrapé son but, n’a pas suivi un bon chemin ? […] il faudrait tout citer de cette rhétorique en action) : « J’ai remarqué une chose de ces messieurs-là, c’est que ceux qui parlent le plus de règles et qui les savent mieux que les autres, font des comédies que personne ne trouve belles.

101. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux Mais la constitution des espèces est avant tout un moyen de grouper les faits pour en faciliter l’interprétation ; la morphologie sociale est un acheminement à la partie vraiment explicative de la science. […] La règle is pater est quem justae nuptiae declarant est matériellement restée dans notre code ce qu’elle était dans le vieux droit romain. […] Nous arrivons donc à la règle suivante : La cause déterminante d’un fait social doit être cherchée parmi les faits sociaux antécédents, et non parmi les états de la conscience individuelle. […] C’est parce que les sociologues ont souvent méconnu cette règle et considéré les phénomènes sociaux d’un point de vue trop psychologique, que leurs théories paraissent à de nombreux esprits trop vagues, trop flottantes, trop éloignées de la nature spéciale des choses qu’ils croient expliquer. […] Les règles que nous venons d’exposer permettraient, au contraire, de faire une sociologie qui verrait dans l’esprit de discipline la condition essentielle de toute vie en commun, tout en le fondant en raison et en vérité.

102. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux »

Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux Puisqu’un fait social ne peut être qualifié de normal ou d’anormal que par rapport à une espèce sociale déterminée, ce qui précède implique qu’une branche de la sociologie est consacrée à la constitution de ces espèces et à leur classification. […] N’est-ce pas une règle de ne s’élever au général qu’après avoir observé le particulier et tout le particulier ? […] III Ces règles répondent implicitement à une question que le lecteur s’est peut-être posée en nous voyant parler d’espèces sociales comme s’il y en avait, sans en avoir directement établi l’existence. […] Il est de règle, en effet, que les sociétés engendrées soient d’une autre espèce que les sociétés génératrices, parce que ces dernières, en se combinant, donnent naissance à des arrangements tout à fait nouveaux.

103. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

« Vous ne nous parlez, s’écriera-t-on, que de sentiments : où sont les principes, où sont les règles dans Jean-Jacques Rousseau ?  […] J’accorde d’ailleurs que la règle manque dans Jean-Jacques Rousseau. […] De quelle règle de Boileau peut-on faire sortir la poésie de Lamartine ou les romans de George Sand ? […] Enfin comment veut-on que le génie soit soumis à des règles, puisque ces règles sont faites précisément après coup et d’après les œuvres du génie ?

104. (1762) Réflexions sur l’ode

Chacun fait ainsi des règles d’après ce qu’il sent, ou plutôt d’après ce qu’il peut. Mais pourquoi tant faire de règles ? […] Vous en verrez d’excellentes, chacune en leur genre, comme l’ode à la Fortune et l’ode à la Veuve, dont le caractère est absolument différent, quant aux idées, quant au style, quant à la nature même des stances et de la mesure ; et vous viendrez après cela nous tracer des règles.

105. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

Le quidquid principi placuit était leur règle, que le prince d’ailleurs fût le monarque ou le peuple : despotisme de part et d’autre. […] Il mériterait, suivant moi, d’être traité à part, car enfin nous ne prenons ni l’un ni l’autre au pied de la lettre, et comme règle de morale publique, de rendre à César ce que nous lui devons, sans examiner quel est César, et quel est le droit et la limite de sa créance sur nous. […] Fidèles aux règles prescrites par Bacon, elles varient l’expérience, la transportent, la renversent, la prolongent ou la suspendent ; procédant par exclusion et élimination, elles rejettent tantôt un élément, tantôt un autre ; souvent même elles s’abandonnent à ce que Bacon appelle les hasards de l’expérience, sortes experimenti, comme pour voir ce qui en arrivera ; et c’est ce qu’on appelle les révolutions Les publicistes recueillent les résultats de ces expériences si bien préparées ; ils constatent et comparent les faits : ils en forment des lois. […] Cette manière d’entendre la politique pourrait avoir des inconvénients entre les mains d’un esprit corrompu, comme Machiavel, ou un peu trop indifférent, comme Aristote et quelquefois Montesquieu ; car, en se contentant d’observer comment les hommes agissent, on peut oublier comment ils devraient agir, et prendre leur conduite habituelle pour règle et pour mesure du juste et du droit. […] « Le plus grand péril des démocraties, c’est l’affaiblissement et la ruine de l’individualité humaine. » D’où il tire cette règle pratique : « Tout ce qui relève l’individu est sain. » Sa morale était conforme à sa politique : c’était la morale stoïcienne, la morale de l’effort et de la volonté.

106. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

De ces deux règles absolues la seconde seulement a été niée (à peine) par les romantiques, puis par Verlaine, parnassien de transition. […] Le poète, qui se croyait tenu à de certaines règles typographiques, s’est dégagé de ces règles et aussi de la rime obligatoire ; au lieu de chercher, par la rime, à donner l’illusion qu’il perpétuait la tradition de l’alexandrin, il se libère et d’un usage absurde et du souci de duper l’oreille ; maintenant il coupe le vers, non plus au commandement du nombre Douze, mais quand le sens s’y prête, d’accord avec un rythme secret et propre à dire une émotion particulière ; s’il use de la rime ou de l’assonance, c’est en vue soit de renforcer le rythme, soit de donner à la pensée une signification plus musicale. […] L’accent reste fixe ou se déplace selon des règles qui n’ont jamais été étudiées, mais que le poète applique inconsciemment. […] Kahn, et seuls, car il serait malhonnête de juger une œuvre d’après les règles qui n’ont pas guidé son élaboration.

107. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

En un mot, lire avec réflexion, lire pour comprendre et de façon à comprendre, lire pour se donner non seulement des impressions fortes, ou des impressions multiples, mais pour acquérir une intelligence claire, précise et distincte des textes, c’est une chose qui ne se fait pas toute seule — si vous exceptez quelques individus qui seront toujours, en tout, au-dessus de toutes les règles et de toutes les pédagogies, et qui, tout de même, auront profit à ne pas les ignorer ; c’est une chose qui s’apprend ; et c’est la chose qu’on apprend par l’exercice de l’explication de textes. […] On ne saurait soumettre cet exercice à des règles trop sévères. […] Certaines règles de précision et de probité intellectuelles, on ne saurait trop le répéter, se retrouveront à tous les étages, et dans toutes les directions de l’explication de textes. […] Dans une étude récente sur la Vie morale selon les Essais de Montaigne (Revue des Deux Mondes, 1er-15 février 1924), j’ai essayé de distinguer nettement la pensée de Montaigne, telle qu’elle peut apparaître quand on l’étudie historiquement selon les règles d’une exacte critique, et l’interprétation qu’une conscience d’aujourd’hui, se plaçant dans une attitude analogue à celle de Montaigne, mais développant sans embarras ou dépassant selon les besoins et selon les lumières du temps présent les indications des Essais, pourrait en tirer pour l’usage présent de la vie.

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