Avec cette différence, que votre Christ, comme je vous l’ai déjà dit a l’air d’un noyé ou d’un supplicié, et que celui du Carrache est plein de noblesse ; que votre Vierge est froide et contournée en comparaison de celle du Carrache ; voyez l’action de cette main immobile posée sur la poitrine de son fils ; ce visage tiré ; cet air de pâmoison ; cette bouche entrouverte ; ces yeux fermés ; et cette Ste Anne, qu’en dites vous [?]
La tragedie flamande, dont le sujet est le fameux siege de Leyde que les espagnols leverent durant les premieres guerres des Païs-Bas, et laquelle, suivant la fondation d’un citoïen de cette ville, s’y répresente encore toutes les années dans le mois où l’évenement arriva, est pleine des maximes et des sentences contre les rois et contre leurs ministres qui pouvoient être à la mode dans Rome après l’expulsion des tarquins.
On remarquera que je ne parle ici que des personnes qui étudient ; car celles qui lisent principalement pour s’amuser, et en second lieu pour s’instruire (c’est l’usage cependant que les trois quarts du monde font de la lecture) aiment encore mieux les livres d’histoire dont le stile est interessant, que les livres d’histoire mal écrits, mais pleins d’exactitude et d’érudition.
Puis il s’endort et, pendant son sommeil, la guinnârou qui le protège enterre dans le sol une marmite pleine d’or.
Par parenthèse, j’oserai blâmer cette clémence, car, en frappant sur un talent faux et perverti, on raffermit l’opinion publique, ce tonneau plein de vilaines choses qu’il est toujours bon de recercler !
Un jour, nous pourrons discuter s’il n’eût pas été un plus fier génie en suivant l’intransigeante verve qu’on voit dans son livre de début, dans cet Avenir de la Science tout plein de l’ivresse des bibliothèques et des laboratoires.
Ces hommes, dont elles affirment la valeur, ne sont-ils pas, par définition, non seulement les plus complexes de tous les objets — par suite aussi ceux qui, tout en appartenant à un même genre, sont susceptibles de différer le plus les uns des autres — mais encore les seuls sujets qui, ayant la pleine conscience d’eux-mêmes, sont capables de poser les unes en face des autres leurs individualités ?
Tout plein de ces scandales criants et le cœur gros de ces iniquités, Camille Jordan écrivit une sorte de pamphlet, signé le citoyen Simon, et qui avait titre la Loi et la Religion vengées des violences commises aux portes des églises catholiques de Lyon. […] Les dernières paroles sont un vœu patriotique, non pas le vœu de l’antique Camille s’éloignant des murs de Rome, mais celui du citoyen respectueux et plein de tendresse pour son pays, même lorsqu’il est contraint de s’en bannir et qu’il a à courber la tête sous une grande iniquité publique. […] « Je remets mon billet à monsieur votre frère, qui est plein de bonté pour moi. » Les billets suivants, qui me semblent d’une date un peu postérieure, se rapportent au même ordre de sentiments : « Ce 16 avril (1812 ?). […] Cela étonnait un peu ses amis du monde et de salon, qui se demandaient comment un tel homme si doux, si plein d’aménité dans le commerce habituel, pouvait trouver à la tribune des paroles souvent si âpres et si brûlantes. […] Rendons-lui le plein et entier hommage qui lui est dû.
quand j’ai vu cette superbe fille devant moi, jolie, pleine de santé… j’ai eu la révélation qu’en elle était le salut. […] Ou l’immolation de tout l’être à la règle chrétienne, ou la pleine et libre joie de vivre ! […] » Et il lui adresse un hymne plein de pédanterie, d’hyperboles très soigneusement développées, et de douceur. […] Marcel, ouvrier graveur, et qui a lu, doit être plein de chimères, et farouche, violent même, pour les défendre. […] Pleine d’un infini désespoir, elle lui dit » : Pardonne-moi !
C’est plein d’épisodes inutiles, dont quelques-uns, mis à part, seraient intéressants. C’est plein aussi de détails ridicules. […] Le mur de leur orgueil est l’horizon sans borne Dont leur âme est l’oiseau superbe et plein de cris. […] Or, sachez que ce cœur a des « yeux pleins de larmes » et que sa « main tremble ». […] Il s’en tire par un compliment au public mondain ; à lui de rendre pleine justice au petit livre « par son approbation souveraine qui n’est jamais suspecte. » Le succès n’a pas manqué au petit livre.
Tournez et retournez vos souvenirs comme il vous plaira, c’était un naufrage, et le plus humiliant des naufrages ; la France entière était sur un radeau ; elle avait besoin, après trois années d’expédients et de misères, de se retrouver voguant à pleines voiles sous le plus noble pavillon.
Le cœur plein d’une ardente amitié, on écrit ; quand on a mis : je vous aime bien, que reste-t-il, qu’à le répéter ?
Le style est net, d’abord si la conception est nette, si l’écrivain a bien déterminé la qualité, l’étendue et le rapport de ses pensées, s’il a pleine conscience, en un mot, de ce qu’il pense et sent, ensuite s’il donne à chaque idée l’expression propre qui la découvre tout entière et clairement.
. — Bref, je conçois, sans nul effort que cet homme, l’autre jour, soit monté sur cette table et qu’il y ait chanté cette chanson assassine contre une classe pleine de vices et d’égoïsme assurément (comme toutes les classes sociales sans exception), mais où il y a aussi de braves gens, et dont il se pourrait que la très modeste moyenne de vertu et de bonté ne fût pas trop inégale à la bonté et à la vertu de ceux qui réclament du plomb contre elle.
Mais je sais que sa réputation est immense, et plus européenne encore que française ; qu’il est plein d’idées, fertile en inventions, et mécanicien et chimiste presque autant que chirurgien ; qu’il s’est élevé seul, en dehors des cadres officiels et des académies, et que son exemple est excellent à une époque où nous commençons à connaître mieux le prix de l’énergie individuelle et de ses œuvres.
Et le poète plein de cachet qui fait la lecture a converti, stimulé, se donnant lui-même la discipline : c’est la vie.
Notre apprentissage dramatique a été, sans contredit, très long, plein de haltes, de tâtonnements, de chutes même ; et cette supériorité, que nous avons fini par imposer à toute l’Europe, a été conquise peu à peu et par le plus laborieux progrès.
Sans s’embarrasser d’une barrière inutile, il donna au vers ternaire le droit de cité : Il a vaincu — la Femme belle — au cœur subtil… Néoptolème — âme charmante — et chaste tête… Et sur mon cœur — qu’il pénétrait — plein de pitié… Ces braves gens — que le Journal — rend un peu sots… Quoi que j’en aie — et que je rie — ou que je pleure… Rien de meilleur — à respirer — que votre odeur… Pour supporter — tant de douleur — démesurée… Pour, disais-tu, — les encadrer — bien gentiment… Cette coupe nouvelle de vers, d’où l’on allait tirer des effets si imprévus, offrait toutes les garanties d’une réforme née viable, puisqu’elle était l’épanouissement naturel d’une idée lentement mûrie et qu’elle avait subi le contrôle à la fois du Génie et du Temps.
Boileau, l’ayant employé depuis en parlant des vers pleins de sel de Régnier, se hâta de le remplacer par ceux-ci : Heureux si ses discours, craints du chaste lecteur, Ne se sentaient des lieux où fréquentait l’auteur !
Il y a aussi un grand nombre de termes abstraits qui, quoique d’une physionomie assez barbare, nous sont indispensables, tant que le vocabulaire n’aura pas subi une réforme radicale ; dès qu’on touche aux abstractions, il faut écrire en gréco-français ; cet essai sera, et est déjà plein de mots que je répudie comme écrivain, mais sans lesquels je ne puis penser.
Comparez un moment au jardin royal de Versailles, bien nivelé, bien taillé, bien nettoyé, bien ratissé, bien sablé, tout plein de petites cascades, de petits bassins, de petits bosquets, de tritons de bronze folâtrant en cérémonie sur des océans pompés à grands frais dans la Seine, de faunes de marbre courtisant les dryades allégoriquement renfermées dans une multitude d’ifs coniques, de lauriers cylindriques, d’orangers sphériques, de myrtes elliptiques, et d’autres arbres dont la forme naturelle, trop triviale sans doute, a été gracieusement corrigée par la serpette du jardinier ; comparez ce jardin si vanté à une forêt primitive du Nouveau-Monde, avec ses arbres géants, ses hautes herbes, sa végétation profonde, ses mille oiseaux de mille couleurs, ses larges avenues où l’ombre et la lumière ne se jouent que sur de la verdure, ses sauvages harmonies, ses grands fleuves qui charrient des îles de fleurs, ses immenses cataractes qui balancent des arcs-en-ciel !
Ils se quittent ennemis jurés, Malherbe plein de mépris pour le magistrat, & le magistrat ne se possédant point dans son dépit contre Malherbe.
Tous deux polissent leurs ouvrages avec le même soin, tous deux sont pleins de goût, tous deux hardis, et pourtant naturels dans l’expression, tous deux sublimes dans la peinture de l’amour ; et, comme s’ils s’étaient suivis pas à pas, Racine fait entendre dans Esther je ne sais quelle suave mélodie, dont Virgile a pareillement rempli sa seconde églogue, mais toutefois avec la différence qui se trouve entre la voix de la jeune fille et celle de l’adolescent, entre les soupirs de l’innocence et ceux d’une passion criminelle.
Il est bon, il est beau, quoi qu’on en dise, que toutes nos actions soient pleines de Dieu, et que nous soyons sans cesse environnés de ses miracles.
Pomponius dans son histoire abrégée du droit romain caractérise cette loi par un mot plein de sens, rebus ipsis dictantibus regna condita . — Voici la formule éternelle dans laquelle l’a conçue la nature : lorsque les citoyens des démocraties ne considèrent plus que leurs intérêts particuliers, et que, pour atteindre ce but, ils tournent les forces nationales à la ruine de leur patrie, alors il s’élève un seul homme, comme Auguste chez les Romains, qui se rendant maître par la force des armes, prend pour lui tous les soins publics, et ne laisse aux sujets que le soin de leurs affaires particulières.
Il est absurde, mais plein de sens, qu’avec cette nullité psychique, Rousseau attribue à ses primitifs la « pitié ». […] C’est au contraire après 1815 que s’affirme et se généralise le désordre idéologique pour arriver avec 1830 à son plein éclat. […] Un Dieu a-t-il tracé ces signes qui apaisent en moi la tempête, qui remplissent mon pauvre cœur de bonheur et font surgir autour de moi dans une poussée pleine de mystère les forces dévoilées de la nature ? […] Il spécule sur sa lamentable chute pour lui offrir pleine mesure de jouissances et d’ambitions satisfaites. […] Un adulte entre dans la vie plein de chimères dictées par les désirs de son cœur.
Lamartine, avec un geste plein de grâce caressante, m’entoura la taille et me conduisit doucement. […] Hernani, ce bandit plein d’honneur, — Ruy Blas, ce valet sublime, — Marion Del orme, cette courtisane aimante, — Jean Valjean, ce forçat héroïque, sont construits ainsi. […] Ange plein de beauté, connaissez-vous les rides ? […] Les poètes du Parnasse adoptèrent cette doctrine dans sa pleine rigueur. […] Taine dégage sous une pleine lumière quand il met en saillie les grandes causes génératrices des œuvres d’un temps.
Et alors nous protestons avec pleine assurance. […] Sur le devant de la baraque, des paniers pleins de balles en son ou en chiffe. […] S’il n’y a pas de roman, il y a un long monologue plein d’esprit et de verve, puisque c’est M. […] On est alors comme déconcerté et fâché, et les corridors sont pleins de spectateurs grommelants. […] Plein de vie, de mouvement et de passion, il court avec un sifflement sinistre, puis brusquement éclate comme un obus.
Bossuet est plein d’exhortations à l’activité réglée. […] Quand Bossuet avait à prêcher, il se recueillait quelques heures ; puis, sortant tout à coup de cette méditation, plein de son sujet, et comme pressé par le flot de ses pensées, il écrivait à la hâte quelques lignes, pour se diriger dans l’improvisation et s’y contenir. […] Il vit pourtant, si j’en crois l’admiration dont je suis plein en écrivant ces faibles pages, et quoique, sur le fond des choses, il m’ait laissé comme il m’avait trouvé. […] Quatre lettres de Fénelon, pleines de vivacité et d’esprit, mirent d’abord le public de son côté. […] Les premières lettres sont pleines de ménagements, il est beau de voir comment s’abordent et se tâtent ces deux grands esprits.
J’en dirai autant, mais avec plus de confusion encore et de gratitude, des lettres si pleines pour la plupart, si nobles, si cordiales qu’il ne m’a pas été possible de verser au dossier des éclaircissements et que, bien à contre-cœur, j’ai dû laisser également sans réponse. […] Mieux encore qu’un long et beau contresens, son article est la réaction spontanée, massive, invincible de tout son être ; l’arrêt brusque et plein d’horreur sur le seuil d’un monde qui n’est pas le sien et dont il ne veut à aucun prix. […] … évocation, dites « allusion » je sais « suggestion » : cette terminologie quelque peu de hasard atteste la tendance, une très décisive, peut-être, qu’ait subi l’art littéraire, « elle le borne et l’exempte (p. 245) ». voici un texte court, plein et limpide. […] Comme j’aurais aimé recevoir des confidences sur l’obscur état lyrique de nos prodigieux artistes du feu dans le plein de leur enfantement ! […] Diderot raconte quelque part : j’ai connu un jeune homme plein de goût qui, avant de jeter le moindre trait sur la toile, se mettait à genoux et disait : « mon dieu, délivrez-moi du modèle. » on ne saurait trop presser le sens de cette petit histoire.
L’eau regorgeante dresse les tiges mollasses ; elles foisonnent fragiles et emplies de séve, et cette séve est incessamment renouvelée ; car les nuages grisâtres rampent sur un fond de brouillard immobile, et de loin en loin, le bord du ciel est brouillé par une averse. « Il y a encore des commons, comme aux temps de la conquête, abandonnés14, sauvages, pleins d’ajoncs et d’herbes épineuses, avec un cheval çà et là qui paît dans la solitude. […] Ils roulèrent ainsi jusqu’à ce que Beowulf aperçut près de lui, parmi les armes, une lame fortunée dans la victoire, — une vieille épée gigantesque, — fidèle de tranchant, — bonne et prête à servir, — ouvrage des géants. — Il la saisit par la poignée, — le guerrier des Scyldings ; — violent et terrible, tournoyait le glaive. — Désespérant de sa vie, — il frappa furieusement ; — il l’atteignit rudement — à l’endroit du col ; — il brisa les anneaux de l’échine, — la lame pénétra à travers toute la chair maudite. — Elle s’affaissa sur le sol, — l’épée était sanglante. — L’homme se réjouit dans son œuvre. — La lumière entra. — Il y avait une clarté dans la salle, comme lorsque du ciel, — luit doucement — la lampe du firmament. » Alors il vit Grendel mort dans un coin de la salle, et quatre de ses compagnons, ayant soulevé avec peine la tête monstrueuse, la portèrent par les cheveux jusqu’à la maison du roi.C’est là sa première œuvre, et le reste de sa vie est pareil : lorsqu’il eut régné cinquante ans dans sa terre, un dragon dont on avait dérobé le trésor sortit de la colline et vint brûler les hommes et les maisons de l’île « avec des vagues de feu. » Alors le refuge des comtes — commanda qu’on lui fît — « un bouclier bigarré — tout de fer », sachant bien qu’un bouclier en bois de tilleul ne suffirait pas contre la flamme. « Le prince des anneaux — était trop fier — pour chercher la grande bête volante — avec une troupe, — avec beaucoup d’hommes. — Il ne craignait pas pour lui-même cette bataille. — Il ne faisait point cas — de l’inimitié du ver, — de son labeur, ni de sa valeur. » Et cependant il était triste et allait contre sa volonté, car « sa destinée était proche. » Il vit une caverne, « un enfoncement sous la terre — près de la vague de l’Océan, — près du clapotement de l’eau, — qui au dedans était pleine — d’ornements en relief et de bracelets. — Il s’assit sur le promontoire, — le roi rude à la guerre, — et dit adieu — aux compagnons de son foyer » ; car, quoique vieux, il voulait s’exposer pour eux, « être le gardien de son peuple. » Il cria, et le dragon vint jetant du feu ; la lame ne mordit point sur son corps, et le roi fut enveloppé dans la flamme. […] Les monstres scandinaves, les Iotes ennemis des Ases ne se sont point évanouis ; seulement ils descendent de Caïn, et des géants noyés par le déluge64 ; l’enfer nouveau est presque le Nastrond antique, « mortellement glacé, plein d’aigles sanglants et de serpents pâles » ; et le formidable jour du jugement dernier, où tout croulera en poussière pour faire place à un monde plus pur, ressemble à la destruction finale de l’Edda, à « ce crépuscule des dieux », qui s’achèvera par une renaissance victorieuse, et par une joie éternelle « sous un soleil plus beau. » Par cette conformité naturelle, ils se sont trouvés capables de faire des poëmes religieux qui sont de véritables poëmes ; on n’est puissant dans les œuvres de l’esprit que par la sincérité du sentiment personnel et original. […] Car quiconque, avec une pleine volonté, tourne son âme vers les vices qu’il avait auparavant quittés, et les pratique, ils lui agréent pleinement, il ne pense jamais à les quitter, et il perd tout son ancien bien, si derechef il ne s’amende. » Le sermon est approprié à son auditoire de thanes ; les Danois, qu’Alfred venait de convertir par l’épée, avaient besoin d’une morale claire. […] Un d’entre eux, cet Adlhem, parent du roi Ina, qui sur le pont de la ville chantait à la fois des ballades profanes et des hymnes sacrées, trop imbu de la poésie nationale pour imiter simplement les modèles antiques, décora les vers latins et la prose latine de toute « la pompe anglaise72. » Vous diriez d’un barbare qui arrache une flûte aux mains exercées d’un artiste du palais d’Auguste, pour y souffler à pleine poitrine comme dans une trompe mugissante d’auroch.
Ce dernier trait de caractère a fourni à l’auteur une de ses meilleures études ; elle est intitulée les Chanteurs, et, ainsi que son titre l’indique, nous y assistons à un concert champêtre qui est plein d’intérêt. […] Arcadi Pavlitch leur accorda, en passant, un signe de tête plein de dignité. […] Pénotchkine se leva, fit tomber, par un mouvement fort pittoresque, le manteau qui était jeté sur ses épaules, et mit pied à terre en promenant autour de lui un regard plein de bienveillance. […] Gour, les amabilités inconvenantes de son intendant, les sottes espiègleries des deux mauvais garnements, tes élèves ; et s’il t’arrivait parfois de laisser lire sur tes lèvres un sourire plein d’amertume, lorsque tu étais obligé de remplir les capricieuses exigences de leur mère, jamais cette tyrannie ne t’arracha le moindre murmure. […] Combien l’homme ranimé par la fraîche haleine du printemps se sent dispos et plein de vigueur !
D’où vient donc la décadence dans laquelle est tombé le Théâtre-Français, si florissant, si plein de vie en 1828, si misérable et si languissant en 1844 ? […] C’était une excellente arme aux mains de M. le commissaire du roi que Mlle Rachel ; son talent tout antique, plein de froide majesté, de sobre passion et de sourde ironie, remarquable par une diction irréprochable bien plutôt que par des accents du cœur, devait reproduire d’une manière satisfaisante les types grecs et romains de la littérature du xviie siècle, poétiques figures qui semblent moins empruntées à la nature vivante qu’à l’atelier du statuaire ; mais aussi ce talent monocorde devait échouer lorsqu’elle essayerait de représenter les créations pittoresques, excentriques ou passionnées du xixe siècle. […] Son poème est plein de beaux vers dans la plus mauvaise acception du mot. […] Buloz, et il lui rend pleine justice. […] Buloz craint, comme il le dit dans la Revue de Paris, de voir déborder le trop plein de ma fabrication littéraire qu’il me prendra jamais l’idée de les donner.
Puis sa vieillesse, pleine de sève et d’imagination, l’avait mûri d’années sans l’énerver d’esprit. […] Quand Marat et lui se coudoyaient à la Convention, ils échangeaient des regards pleins d’injure et de mépris mutuels : “Lâche hypocrite ! […] Je n’avais pas assez sondé alors moi-même le creux vide de ces axiomes ; plein de Platon et de Fénelon à cette époque, je n’avais pas assez lu Aristote et Montesquieu, ces maîtres du vrai en politique.
Il semblait qu’une joie sortait du ciel, de l’eau, de l’arbre, de la terre, avec les rayons, et disait, dans le cœur, aux oiseaux, aux animaux, aux jeunes gens et aux jeunes filles : « Enivrez-vous, voilà la coupe de la vie toute pleine. » Dans ces moments-là, monsieur, on se sentait, de mon temps, soulevé pour ainsi dire de terre, comme par un ressort élastique sous les pieds. […] Chapitre IV LXXIX L’aveugle, après avoir bu une goutte de mon rosoglio dans ma gourde, reprit le récit juste où la veuve l’avait interrompu …………………………………………………………………………………………………………………………………………… — Quand Hyeronimo remonta de Lucques le soir, bien avant dans la nuit, à la cabane, il nous raconta que les messieurs de Lucques avaient été pleins d’honnêteté et de caresses pour lui pendant tout le chemin, qu’ils s’étaient arrêtés dans toutes les osteries des gros villages qu’ils avaient rencontrés pour s’y rafraîchir d’un verre de vin, d’une grappe de raisin, d’un morceau de caccia-cavallo, sorte de fromage dur et brillant, comme un caillou du Cerchio, et que partout on l’avait forcé de se mettre à table avec eux et de boire comme un homme, jusqu’à ce que les yeux lui tournassent dans la tête et la langue dans la bouche, comme pour le faire babiller à plaisir sur Fior d’Aliza, sa cousine ; sur Léna, sa tante ; sur l’aveugle et sur sa famille. […] Tout à coup Hyeronimo s’aperçut que les feuilles de la vigne jaunissaient et rougissaient comme des joues de malade, avant que les raisins eussent achevé de rougir ; que les branches se détachaient des murs comme des mains qui ne se retiennent plus par les ongles à la corniche, et que les grappes, elles-mêmes mortes, commençaient à se rider avant d’être pleines, et ne prenaient plus ni suc ni couleur dans les sarments détendus.
C’est un vers plein d’ingénuité par où commence un sonnet très tendre. […] Et me voici Plein d’une humble prière, encor qu’un trouble immense Brouille l’espoir que votre voix me révéla, Et j’aspire en tremblant. […] Il n’exprime presque jamais des moments de conscience pleine ni de raison entière.
Ce significatif roman est plein des plus délirants cris d’orgueil intellectuel et moral qu’on ait jamais poussés Et la Dame de la mer, c’est Jacques, sauf le dénouement. […] — Les Idées de Madame Aubray et Denise, ces deux pièces d’esprit vraiment évangélique, nous veulent persuader que, dans de certaines conditions, un honnête homme peut et doit, en dépit de prétendues convenances, épouser une fille séduite, et séduite par un autre que lui Dans la Femme de Claude, un homme, après avoir prié Dieu, se met avec sérénité au-dessus des codes humains, et substitue son tonnerre à celui de Dieu même, dans la lutte engagée par la conscience contre les deux grandes puissances mauvaises qui perdent le monde moderne : la luxure et l’argent, ou, plus expressément, la spéculation financière L’Ami des femmes, la Princesse Georges, l’Étrangère, Francillon reposent sur la même conception du mariage que la Dame de la mer ou Maison de poupée Et si vous voulez des orgueilleuses, des insurgées démoniaques, Mme de Terremonde, et mistress Clarkson, et Césarine ne le cèdent point, ce me semble, à Hedda Gabler Bref, le théâtre de Dumas, comme celui d’Ibsen, est plein de consciences ou qui cherchent une règle, ou qui, ayant trouvé la règle intérieure, l’opposent à la règle écrite, ou enfin qui secouent toutes les règles, écrites ou non. […] De cette inquiétude, Hugo est plein, il en déborde.
Mais c’était décidément un de ces malheureux qui passent leur vie à « se raviser », un eautontimôroumenos ingénieux et plein d’imprévu. […] Il me semble que je les ai reçues trois fois, tant mon âme en est pleine ! […] Dumas est plein de chaleur et de zèle, et sa femme m’a prise en goût tout à fait… J’ai vu Bocage chez Mlle Mars, il a été d’une grâce et d’une chaleur toutes romantiques… » Tout cela dans la même lettre !
, les bras étendus et prêts à courir au secours. » « Toutes ces peintures vivantes, ajoute-t-il, formées par des acteurs pleins de feu et d’âme, pourraient donner quelque idée de la terreur et de la pitié. » Ainsi la terreur et la pitié, au lieu de naître et de s’accroître à mesure que la pièce se noue, ne sont plus que des secousses subites et inattendues, provoquées par des effets de théâtre. Ce besoin d’acteurs pleins d’âme et de feu pour des peintures vivantes, trahit le penchant croissant du poète à chercher l’effet du poème dans le secours de ceux qui l’interprètent. […] Mais il aimait surtout à se donner des images de sa belle âme dans les personnages qu’il inventait, et il les croyait vivants parce qu’il les avait animés de tous les bons sentiments dont il était plein.
Mais ces précautions ne pouvaient regarder que les précieuses subalternes, qui avaient pu se croire atteintes par l’auteur, et c’est ce que Molière a eu l’attention de faire en séparant les intérêts des véritables précieuses, des précieuses ridicules, c’est-à-dire les honnêtes femmes beaux-esprits, des hypocrites pleines d’affectation. […] On faisait assaut d’impromptus et de madrigaux ; on a des recueils pleins de ces fadaises. […] et n’est-ce pas une étrange témérité de supposer offensive pour la maison de Rambouillet une pièce qui, dirigée contre les peckes, est pleine de sel, de verve et de comique, et qui serait un contresens fort plat d’un bout à l’autre si elle avait la direction qu’on lui suppose ?
Imaginons donc le dieu tel qu’il nous le montre, sa chlamyde volante sur l’épaule, les yeux pleins d’une splendeur terrible, la lèvre soulevée d’un dégoût divin, dans ce rayonnement de colère sereine qui fait songer, devant sa statue, à la foudre éclatant au sein d’un ciel pur. […] Voici venir Pallas Athéné, debout sur son quadrige aérien, telle qu’on la voit dans ses grandes images, le front pur et les yeux lucides, la bouche arquée d’un sourire sévère, le visage plein d’une bonté majestueuse. […] Le démagogue Éphialte, dont Platon disait « qu’il versait la licence toute pure, à pleine coupe au peuple », réclamait son abolition.
Tant que celles-ci sont jeunes, brillantes, adulées, celles-là rampent à leurs pieds superbes, avec la câlinerie perfide d’un serpent familier ; mais que la vogue, la maladie ou la ruine renversent ces fortunes éphémères, et vous les verrez s’enfuir, les mains pleines. […] » — Penchons-nous encore, comme font les bergers d’Arcadie, dans le tableau du Poussin, pour lire la fine inscription gravée par Philodème sur l’urne légère d’une danseuse : — « Ici gît le corps délicat de Tryphée, petite colombe, la fleur des lascives hétaïres, dont les ébats et les causeries étaient pleins d’enjouement ; qui, plus qu’aucune autre, aima les orgies que célèbrent les femmes ; qui, trois fois de suite, vidait, d’un trait, la coupe de vin pur. […] Ce doit être un portrait que cette tête charmante, pleine de compassion ingénue et de sainte bonté.
Il veut faire un éleveur de roi, d’un fils de démocrate, que deux franciscains vont chercher dans un hôtel du quartier Latin, à l’escalier plein de filles en savates. […] Or la rue en question était alors pleine de filles, faisant le trottoir. […] Lundi 11 novembre J’avais été plein de sagesse à cette exposition, je n’avais rien acheté, mais là rien, pas même un objet de dix sous.
Que tout ce role est plein de nuance délicate que personne n’avait connues jusqu’alors, plein d’un pathétique pénétrant dont il n’y avait aucun exemple ! […] Ses épigrammes (car il en fit, quoiqu’il fût honnête et vertueux, et l’on peut se moquer des sots quand ils sont méchans, précisément parce que l’on n’est ni l’un ni l’autre), ses épigrammes, pleines de sel et de finesse, sont encore remarquables par l’élégance et la pureté de style dans un genre où l’on a cru souvent pouvoir s’en dispenser.
Son âme, chargée de premiers mouvements, était pleine d’explosion ; dans les éruptions de son cœur elle brisait tout, elle faisait scène, elle choquait les scrupules ; elle scandalisait les pusillanimités de salon : c’était son seul tort ; mais ce tort était racheté par tant de vigueur de sentiment et par tant d’élégance de conversation, qu’on lui pardonnait tout, et qu’on finissait par aimer en elle jusqu’à ses défauts. […] ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… Il y trouve, ravi, des solitudes vertes, Dont l’agneau broute en paix le tapis velouté, Des vergers pleins de dons, des chaumières ouvertes À l’hospitalité ; Des coteaux de velours, d’ombrageuses vallées, Et des lacs étoilés des feux du firmament, Dont les barques sortant des anses reculées Rident le flot dormant. […] La mère et la fille logeaient à cette époque dans un petit entresol humide et bas de la rue Gaillon, carrefour de rues qui vont des Tuileries au boulevard, pleines de bruit, de mouvement et de boue.
Les livres des théologiens sont pleins de tableaux où le vice est non pas légèrement indiqué, mais fouillé jusque dans ses plus mystérieuses profondeurs, disséqué jusque dans ses libres les plus honteuses. Une sainte, trois fois canonisée par l’Église, sainte Brigitte, a bien osé nous montrer Jésus-Christ offrant à Satan une grâce pleine et entière, sous la condition d’une parole de repentir, et l’invincible orgueilleux se refusant à ces charges de la clémence divine ! […] Voici ce qu’écrivait en 1822, dans le Journal des Débats, Hoffmann, — non pas le fantastique, mais l’auteur des Rendez-vous bourgeois, — à propos d’une édition nouvelle de Régnier : « Dans plusieurs cantons de la Normandie, j’ai entendu désigner une jeune fille très honnête par un mot qui ferait dresser les cheveux, s’il était prononcé devant le public plein de pudeur de la capitale.
Lorsqu’après une page de narration écrite en vers si faussement nommés prosaïques, se trouve une suite de beaux vers d’inspiration, pleins et cadencés, comme ceux de l’ancienne école ; ils se détachent avec bien plus de grâce et de noblesse, et l’effet en est bien plus puissant. […] Lemercier est un poème non-seulement très intéressant et très philosophique, mais encore plein de beautés de style ; nous dirons avec beaucoup plus de monde, que l’Académie française a oublié M. […] Jules de Rességuier me l’a demandé dans une des plus charmantes pièces de ses Tableaux poétiques, l a Bayadère, composition pleine d’harmonie, de couleur et de nouveauté : on concevra qu’il m’était plus aisé de lui obéir que de lui répondre.
Vous l’avez vu naguère au bord de vos fontaines Qui, sans craindre du sort les faveurs incertaines, Plein d’éclat, plein de gloire, adoré des mortels, Recevait des honneurs qu’on ne doit qu’aux autels. […] Lorsque sur cette mer on vogue à pleines voiles, Qu’on croit avoir pour soi le vent et les étoiles, Il est bien malaisé de régler ses désirs !
Remarquez, de plus, que l’ordre des corps célestes est immuable et que les destinées humaines sont changeantes et pleines de péripéties. […] Vous savez comme la fin de la fable est rapidement menée, brusquement précipitée ; la nature devient hostile, l’atmosphère est pleine de clameurs, l’univers semble s’acharner contre les êtres, contre les animaux et contre les végétaux ; l’orgueilleux est brisé et l’humble se tire d’affaire ; le calme revient. […] Il est plein de l’antiquité, je lui en fais mon compliment, mais c’est toujours au point de vue strict de l’antiquité qu’il examine tout effort littéraire.
Il était lui-même d’une complexion délicate qui fit longtemps craindre pour ses jours ; il fut soigné, moins par sa mère un peu indifférente, ce semble, que par une tante maternelle pleine d’affection et de mérite. […] [NdA] Je crains toujours dans ces portraits de pousser à la caricature, ce qui pour quelques-uns des personnages serait facile, mais ce qui est plein d’inconvénients et ce qui dérange pour le lecteur la vraie proportion des choses.
Cette princesse pleine de mérite et d’esprit, l’aînée de Frédéric et sa vraie sœur par la pensée et par l’âme, mariée au prince héréditaire de Bareith, et peu à sa place dans cette petite cour, se mit un jour, pour se désennuyer, à écrire toutes les peines, toutes les persécutions domestiques qu’elle avait éprouvées avant et même depuis son mariage. […] Douée de la plus heureuse intelligence, d’un esprit plein de lumière et de saillies, d’une mémoire merveilleuse, de bons et droits sentiments, d’une belle âme faite pour la vertu, jolie dans sa jeunesse avant que le mal l’eût détruite, et ornée de grâces naturelles, elle fut pourtant dès l’enfance une des personnes les plus malheureuses, les plus cruellement maltraitées qui se puissent voir dans aucune classe de la société (je n’excepte pas la plus inférieure), et elle eut de tout temps une existence souffrante et tourmentée, avec bien peu de doux moments.
« M. de Besenval, a dit le vicomte de Ségur, héritier et premier éditeur de ses Mémoires, joignait à la taille la plus imposante une figure pleine de charmes dans sa jeunesse, et de dignité dans un âge avancé. » Son organisation était forte et robuste, en même temps que fine et distinguée. […] Besenval était ami de Crébillon fils, et il le consultait sur ses essais littéraires, il fit même un roman dans le genre de l’auteur à la mode, qu’il admirait : ici il aurait pu lui donner des mémoires, et, pour marquer l’époque dans son plein, c’est assurément mieux qu’un roman de Crébillon que ces deux chapitres de Besenval.
Mais l’homme dur et rigide, l’homme tout d’une pièce, plein de maximes sévères, enivré de sa vertu, esclave des vieilles idées qu’il n’a point approfondies, ennemi de la liberté, je le fuis et je le déteste… Un homme haut et ardent, inflexible dans le malheur, facile dans le commerce, extrême dans ses passions, humain par-dessus toutes choses, avec une liberté sans bornes dans l’esprit et dans le cœur, me plaît par-dessus tout ; j’y joins, par réflexion, un esprit souple et flexible, et la force de se vaincre quand cela est nécessaire : car il ne dépend pas de nous d’être paisible et modéré, de n’être pas violent, de n’être pas extrême, mais il faut tâcher d’être bon, d’adoucir son caractère, de calmer ses passions, de posséder son âme, d’écarter les haines injustes, d’attendrir son humeur autant que cela est en nous, et, quand on ne le peut pas, de sauver du moins son esprit du désordre de son cœur, d’affranchir ses jugements de la tyrannie des passions, d’être libre dans ses idées, lors même qu’on est esclave dans sa conduite. […] La correspondance entre Vauvenargues et Mirabeau, dans sa nouveauté d’aujourd’hui, est donc une intéressante lecture, profitable et pleine de sens ; elle agite beaucoup d’idées, provoque bien des observations contraires, pose au naturel les deux personnages, ajoute à notre bonne opinion de l’un, et ne laisse pas du tout une mauvaise opinion de l’autre.
. — « Otez-nous, m’écrit à ce sujet quelqu’un qui l’a bien connu et qu’indigne cette prétention d’orthodoxie singulière en pareil cas, ôtez-nous ce Béranger cafard à sa manière, triste et bête, ennuyeux comme Grandisson ; rendez-nous ce malin, ce taquin, qui emportait la pièce et offensait tous ses amis, et se les attachait toutefois et leur restait fidèle ; cet homme capricieux, compliqué et faible aussi, plein des passions de la vie, timide par instants, ambitieux par éclairs, souvent redoutable, charmant presque toujours. […] A une personne qui avait pensé à lui le jour de sa naissance, il écrivait de Passy (28 août 1833) ce remerciement plein de sensibilité et d’une pieuse reconnaissance envers le Ciel : « A l’instant où j’ai reçu votre aimable lettre, je réfléchissais à mon arrivée dans ce monde : il était trois heures, moment de ma naissance il y a cinquante-trois ans ; vous le voyez, votre lettre ne pouvait arriver mieux.
Ce besoin et ce droit se personnifient dans la figure et dans l’âme de Louis XIV, qui, plein de son objet, put excéder sans doute et vouloir dépasser le but, mais qui en définitive l’a atteint, et, même après toutes ses fautes et ses grands désastres, n’a rien perdu d’essentiel de ce qu’il nous avait une fois acquis. […] Ce n’est pas à réussir sur l’heure et pour un jour qu’il vise, comme cela suffit aux charlatans, c’est à s’acquérir l’estime des connaisseurs et de ceux qui en jugeront plus tard à l’usage : « Ce n’est pas ici un jeu d’enfants, écrivait-il à propos de ce même Dunkerque, et j’aimerais mieux perdre la vie que d’entendre dire un jour de moi ce que j’entends des gens qui m’ont devancé. » Plein de bonnes raisons, et de celles qu’il donne, et de celles qu’il garde par devers lui dans un art qui a ses secrets, il s’impatiente et s’irrite même des chicanes et des objections qu’on élève quand il a le dos tourné ; il s’en plaint au ministre et d’un ton parfois un peu brusque.
Tout cela est bien conduit ; un air d’hilarité mal contenue qu’il remarque de temps en temps sur les visages de la foule tempère à peine l’effroi croissant de l’accusé ; mais lorsque, invité par le magistrat à soulever le manteau qui recouvre le cadavre des victimes, il se trouve n’avoir transpercé que des outres pleines de vin, — des outres qui étaient, il est vrai, enchantées ce soir-là, — un rire frénétique, inextinguible, éclate et monte jusqu’aux cieux. […] Venez, pleines de zèle et d’empressement, secourir une jeune beauté, épouse de l’Amour. » À l’instant, comme des vagues, s’agitent en se précipitant les unes à la suite des autres ces peuplades à six pieds.
Etait-il possible en 1801, comme l’abbé de Pradt l’expose, comme Napoléon lui-même semble depuis l’avoir reconnu, d’adopter un autre mode que celui du Concordat, une manière moins solennelle, moins éclatante, mais plus neuve, plus hardie dans sa simplicité, rentrant moins dans les anciennes ornières, constituant « une liberté protectrice et non directrice », et qui aurait suffi à donner pleine satisfaction alors à la religion et à la majeure partie de la société, sans être grosse des périls et des conflits qui succédèrent ? […] Un médecin célèbre et bienveillant donnait en ce temps-là des déjeuners du dimanche : il était médecin du roi et, au sortir de ces déjeuners, il allait, tout plein d’anecdotes et muni des propos du jour, les raconter à son royal malade que cela amusait d’autant plus que les propos étaient plus gais et plus salés.
Les espérances ambitieuses du prélat durent se renouveler pourtant et s’irriter à chaque vacance des Sceaux ; il les convoitait encore de plus belle à la mort de Le Tellier, en 1685, et Saint-Simon, dans la revue qu’il fait à cette occasion des prétendants divers, a dit admirablement de lui45 : « Harlay, archevêque de Paris, né avec tous les talents du corps et de l’esprit, et, s’il n’avait eu que les derniers, le plus grand prélat de l’Église, devait s’être fait tout ce qu’il était ; mais de tels talents poussent toujours leur homme, et, quand les mœurs n’y répondent pas, ils ne font qu’aigrir l’ambition ; sa faveur et sa capacité le faisaient aspirer au ministère ; les affaires du Clergé, d’une part, et du roi, de l’autre, avec Rome, lui avaient donné des espérances ; il comptait que les Sceaux l’y porteraient et combleraient son autorité en attendant ; c’eût été un grand chancelier ; il ne pouvait être médiocre en rien, et cela même était redouté par le roi pour son cabinet, et encore plus par ses ministres. » Tout le portrait de l’homme est dans ces quelques lignes de Saint-Simon ; il y est en germe et ramassé comme tout l’arbre est dans le bourgeon trop plein qui crève de suc et de sève. […] Et si on le considère en lui-même, c’est un personnage, sinon un caractère, tout plein de belles qualités, avec un seul défaut, capital il est vrai, et qui finit par dominer trop insolemment et par éclipser le reste.
» Muni de l’inventaire et plein des souvenirs du xviie siècle qu’il a étudié dans toutes ses branches, M. […] Moland nous dépeint au sortir de là, le Molière âgé de trente-six ans, rompu au métier, maître enfin de son art et avec la pleine conscience de son génie, est bien celui que nous connaissons et que tout Paris va applaudir : « Si l’apprentissage était rude, nous dit le judicieux critique, il était aussi merveilleusement propre à former l’auteur comique.