/ 3767
2120. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

Ceux que leur destinée approche des premières places, croient voir une preuve de mépris pour eux, dans l’espérance qu’on conçoit de franchir l’espace qui en sépare, et de se mettre par ses talents, au niveau de leur destinée. […] Les soldats jugent leur général, la nation ses administrateurs : quiconque a besoin du suffrage des autres, a mis, tout à la fois, sa vie sous la puissance du calcul et du hasard, de manière que le travail du calcul, ne peut lui répondre des chances du hasard, et que les chances du hasard, ne peuvent le dispenser du travail du calcul. Mais non, pourrait-on dire, le jugement de la multitude est impartial, puisqu’aucune passion envieuse et personnelle ne l’inspire ; son impulsion toujours vraie, doit être juste ; mais par cela même que ces mouvements sont naturels et spontanés, ils appartiennent à l’imagination ; un ridicule détruit à ses yeux l’éclat d’une vertu ; un soupçon peut la dominer par la terreur ; des promesses exagérées l’emportent sur des services prudents, les plaintes d’un seul, l’émeuvent plus fortement que la silencieuse reconnaissance du grand nombre ; enfin, mobile, parce qu’elle est passionnée ; passionnée, parce que les hommes réunis ne se communiquent qu’à l’aide de cette électricité, et ne mettent en commun que leurs sentiments ; ce ne sont pas les lumières de chacun, mais l’impulsion générale qui produit un résultat, et cette impulsion, c’est l’individu le plus exalté qui la donne. […] Par une sorte d’abstraction métaphysique, on dit souvent que la gloire vaut mieux que le bonheur ; mais cette assertion ne peut s’entendre que par les idées accessoires qu’on y attache ; on met alors en opposition les jouissances de la vie privée avec l’éclat d’une grande existence ; mais donner à quelque chose la préférence sur le bonheur, serait un contresens moral absolu.

2121. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre III. La personne humaine et l’individu physiologique » pp. 337-356

La force de la contraction musculaire est double, si le chariot traîné pèse dix mille kilogrammes au lieu de cinq mille ; la force de la chute d’eau est double, si la roue mise en révolution est deux fois plus pesante que la première. […] L’esprit extrait le fragment, mais, au même instant, reconnaît que cette extraction ou abstraction est purement fictive et que, si le fragment existe à part, c’est qu’il l’y met. […] Mais on doit ne jamais oublier ce que l’on met sous des mots pareils ; on veut dire simplement que cet être sent, imagine, pense, veut, et que, si les choses restent les mêmes, il sentira, imaginera, pensera, voudra. […] C’est pourquoi, si nous embrassons d’un regard la nature et si nous chassons de notre esprit tous les fantômes que nous avons mis entre elle et notre pensée, nous n’apercevons dans le monde que des séries simultanées d’événements successifs, chaque événement étant la condition d’un autre et en ayant un autre pour condition.

2122. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

Le prince de Léon, à l’époque où il voulut bien oublier la distance que la naissance et la fortune avaient mise entre nous, était officier des mousquetaires, et, je crois, aide de camp du roi Louis XVIII. […] Avant de nous mettre à table, nous parcourûmes en groupes ces divers cabinets. […] Les deux partis opposés mettaient beaucoup d’importance à cet engagement que je devais faire pour ou contre eux. « Prenez-y garde ! […] Ce fut dans ces hautes fonctions que la mort le surprit et parut mettre le sceau à la sainteté de sa vie.

2123. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

La grandeur des objets qui mettaient les hommes aux prises — c’était la religion avec la morale — faisait que l’actualité échauffait la poésie sans la rapetisser, la précisait sans la dessécher. […] C’était un disciple de Ronsard que ce capitaine huguenot qui, dans les loisirs forcés d’une blessure lente à guérir214, mettait au service de ses irréconciliables haines une science des vers formée par les exemples de la Pléiade et par la pratique de la poésie mignarde et galante. […] Hotman, Du Plessis-Mornay, mirent en avant les théories nouvelles : la royauté élective et la souveraineté des États, les droits de la conscience contre la loi, la légitimité de l’insurrection, et même du régicide224. […] Cependant les mêmes idées commençaient à agir sur les protestants : de larges esprits s’élevaient parmi eux, qui, revenant aux vrais principes de la première réforme, ne demandaient qu’à mettre d’accord leur conscience religieuse et leur devoir de Français au moyen des conditions posées par L’Hôpital et par Bodin.

2124. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

La direction commune semble être de mettre des idées dans la poésie, mais des idées larges qui soient l’expression de la plus intime personnalité, qui traduisent les vibrations profondes de l’être au contact des choses et devant la grande énigme de la vie. […] Ce Théâtre a été fondé pour établir l’art réaliste : grossièreté allant jusqu’à l’obscénité, puisque c’est notre erreur favorite, à nous autres Français, de croire que plus le modèle est dégoûtant, plus l’imitation est réelle, et, d’autre part, minutieuse exactitude du décor, de la mise en scène, du jeu et du débit des acteurs, voilà les deux caractères apparents que présente d’abord le Théâtre Libre. […] Sa mise en scène, à quelques détails près, a le grand mérite d’être expressive, de traduire, donc de renforcer le sentiment, l’idée, la couleur de la pièce. […] Une forte, fine psychologie, vécue et sentie, non livresque et scénique, d’où l’émotion sortait d’elle-même sans violences et sans ficelles, voilà le mérite éminent des trois œuvres principales976 qu’il a écrites, où par surcroît il a mis toutes les grâces de son esprit et sa forme exquise de style : Révoltée, d’abord, où des parties supérieures semblaient réaliser soudain le théâtre qu’on cherchait, expression intense et simple de la vie intérieure : le Député Leveau (1891), étude vraie encore, peut-être plus facile et plus grosse ; le Mariage blanc (1891), hypothèse psychologique d’une infinie délicatesse et d’une profondeur morale qui ont été méconnues.

2125. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

Je la mis dans ma poitrine en souvenir de lui79. […] Il faudrait prendre le mot « charmant », le nettoyer de sa banalité et comme le frapper à neuf ; puis, ainsi rajeuni, le mettre pour tout commentaire au bout de ces Contes, Essayons pourtant quelques remarques. […] Alphonse Daudet a ce don si rare de savoir mettre un sourire, une ironie légère aussi près que possible des larmes parfois même au beau milieu, et cela sans contraste violent ni secousse ; c’est, jusque dans l’émotion extrême, la clairvoyance qui donne à l’émotion tout son prix et fait qu’on en jouit davantage. […] C’est lui qui se met à imaginer des causeries, la nuit, entre les deux petits lits — presque deux berceaux — de Mamette et de son homme ; c’est lui qui trouve, en regardant bien, que les deux vieillards se ressemblent, et qui entrevoit dans leurs sourires fanés l’image lointaine et voilée de Maurice ; c’est lui enfin qui écrit étourdiment : « A peine le temps de casser trois assiettes, le déjeuner se trouve servi. » Comment !

2126. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

Cette contradiction laborieuse entre son caractère et son rôle mit en péril sa réputation d’honnête homme. […] S’ils ne méritent pas tout l’éloge qu’en fait Bayle, qui les met au-dessus des Commentaires de César, certainement la gloire du petit livre des Maximes leur a fait tort. […] Une blessure qu’il reçut à la bataille de la porte Saint-Antoine, et qui mit sa vie en danger, lui ôta le moyen de suivre jusqu’au bout la rébellion du prince de Condé. […] Il n’a pas voulu voir la vérité dans Pascal, parce que cette vérité, marquée de l’esprit du christianisme, n’est que la mise en état de suspicion de la raison, à laquelle Voltaire avait donné l’infaillibilité.

2127. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

Cette poésie de sensation et de hasard a eu sa gloire pleine en ce siècle — et en d’autres âges et d’autres langues elle ne se délivra pas de cette étreinte primitive, si nous mettons à part le poète latin Lucrèce. […] Mais par quoi est mise en mouvement selon cette ellipse, la Matière ? […] Et cette mathématique de l’alexandrin est si nécessaire et d’absolue logique, que tout vers plus court que lui n’en est qu’une fraction et n’est pas par lui-même un vers, et qu’un plus long n’est que le recommencement d’un autre alexandrin, mis à la suite sur même ligne par simple et naïf artifice typographique. […] Gaston Dubedat, esprit éclairé et généreux, qui mit au service de mes idées personnelles ce charmant et sévère périodique.

2128. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

Or on sait qu’en psychologie un désir9 est considéré comme l’expression consciente d’une aptitude développée, et demandant à se manifester, d’une force de l’organisme contenue et apte à être mise on jeu. […] Enfin, les monographies, les traités de psychopathologie nous renseignent sur les altérations de cet organisme normal et mettent sur la voie, par antécédent ou par analogie, des modifications qu’il peut subir. […] Pour une mise en perspective historique et théorique de l’œuvre de Ribot, voir notamment J.  […] C’est contre la méthode de « l’introspection », ou « méthode subjective », mise en avant par Jouffroy et l’école spiritualiste, que la psychologie expérimentale, descriptive et explicative, s’est construite, en Angleterre (l’école associationniste), en Allemagne (Wundt), et en France (les Idéologues, puis Taine, et Ribot).

2129. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

Et ils portent tous, même, ou presque tous, pour montrer leur détachement de la littérature, un loup d’initiales ou de pseudonymes inutiles ; comme si l’on pouvait à présent cacher quelque chose, avec les palais de cristal que les mœurs modernes, qui ont mis nos amours-propres en bouteille, ont bâtis à nos vanités, et aussi avec celle de l’auteur, ce flacon qui fermente et fait tôt ou tard sauter le bouchon ! […] Le hasard, il est vrai, le hasard des journaux, qui est bien plus abracadabrant que le hasard des livres, n’avait mis sous mes yeux que les deux premières parties du livre. […] Gustave Droz, l’auteur d’Autour d’une source, a vu dans les derniers faits miraculeux qui ont réjoui les cœurs catholiques et que des plumes catholiques ont attestés, un prétexte, non pas à discussion, mais à roman, et il a fait le sien, d’un point de vue humain qui pourrait très bien être… Il a supposé que l’ardente Spéculation moderne, qui met ses mains avides sur tout, pouvait se servir d’un miracle, ou plutôt du mirage d’un miracle, pour faire ses affaires impudemment, malhonnêtement, abominablement, et il a construit un récit dans ce sens qui pourrait être vrai, qui ne l’est pas encore dans l’histoire de nos mœurs, mais qui pourrait l’être, et en construisant ce récit — rendons-lui cette justice !  […] L’abbé Roque, épris de la comtesse de Manteigney, est certainement coupable aux yeux de Dieu, des hommes et de lui-même ; mais il combat avec fureur contre sa passion qui ne l’a égaré qu’une seule fois, mais il est dévoré de remords, mais il se met humblement au pied de la croix, mais, tout le reste de sa vie, il est irréprochable, héroïque et sublime. — Et lorsque, dans le roman de Droz où la Comédie alterne avec le Drame, Larreau, le père de la comtesse, qui dès le premier jour a visé ce prêtre pour son miracle et veut, à force de sophismes et de bagout industriel et progressif, et même religieux, le faire complice de son grotesque et abominable mensonge, le prêtre indigné, dont la colère monte devant le Seigneur, ne fléchit pas une minute dans son indignation et sa colère, — une colère terrible !

2130. (1887) La banqueroute du naturalisme

Rosny, Paul Margueritte, Lucien Descaves et Gustave Guiches, — faisons-leur le plaisir de mettre ici leurs noms, qu’on pourrait avoir oubliés, — ont publiquement protesté contre « l’exacerbation de la note ordurière » dans le roman de M.  […] C’est bien ainsi que dans le vaudeville, un effet toujours sûr, comme on dit en style de théâtre, c’est de mettre une phrase dans la bouche d’un personnage : « Tais-toi, t’as commis une faute », ou « Mon gendre, tout est rompu » ; et de la lui faire obstinément redire, pendant trois ou cinq actes, qu’elle soit d’ailleurs ou non en situation, et surtout quand elle n’y est pas. […] Zola l’ait cru mettre au moins dans ces plaisanteries où, s’exerçant pour la première fois, il est du premier coup passé maître, et qui sont sans doute, elles aussi, une étude des « fonctions du ventre », mais surtout, et de son aveu même, un a élément comique » ajouté à tant d’autres. […] Zola s’y sont mis !

2131. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — [Introduction] » pp. 132-142

Cette argumentation, si l’on peut appeler ainsi une haute conversation littéraire, n’a pas duré moins de six heures, à peine interrompues par un léger repos, et le jour seul, en tombant, a mis fin, non au combat, mais au très agréable conflit. […] Mais des génies originaux, de puissants observateurs se sont mis à interroger et à sonder la nature ; ils ont laissé de côté les vieux livres et les explications creuses, ont considéré les faits en eux-mêmes et ont constaté les lois. […] Le Dialogue des orateurs a mis en présence et nous montre aux prises les champions des deux doctrines, les classiques et les novateurs de l’Antiquité.

2132. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « quelque temps après avoir parlé de casanova, et en abordant le livre des « pèlerins polonais » de mickiewicz. » pp. 512-524

Au clairon de la veille, à ce pressant qui vive, Maint beau rêve lointain, et sans cela dormant, S’arme, accourt, mais trop tard, et voit l’endroit fumant, Et se met avec l’aube à chanter sur la rive. […] On s’y met tout entier ; on s’en exagère la valeur dans le moment même, on en mesure l’importance au bruit, et si cela mène à mieux faire, il n’y a pas grand mal après tout. […] J’avais mis d’abord de la résistance à le suivre dans son procédé d’artiste, et je n’y étais pas entré de droit fil.

2133. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Stendhal, son journal, 1801-1814, publié par MM. Casimir Stryienski et François de Nion. »

Se regarder vivre est bon ; mais, après qu’on s’est regardé, fixer sur le papier ce qu’on a vu, s’expliquer, se commenter (à moins d’y mettre l’adorable bonne grâce et le détachement de Montaigne) ; se mirer longuement chaque soir, commencer ce travail à dix-huit ans et le continuer toute sa vie… cela suppose une manie de constatation, si je puis dire, un manque de paresse, d’abandon et d’insouciance, un goût de la vie, une énergie de volonté et d’orgueil, qui me dépassent infiniment. […] où il mettra toutes les locutions de Rabelais, Amyot, Montaigne, Malherbe, Marot, Corneille, La Fontaine, etc. » Quelques-unes de ses opinions littéraires sont intéressantes et déjà révélatrices soit de son caractère, soit de son talent futur. […] Cet oubli est un des défauts capitaux du théâtre français. » Je n’ai pas le loisir de développer ici mon impression ; mais on sent que, plus tard, le romantisme, qu’il défendra, ne sera pas tout à fait la même chose pour lui que pour les romantiques, qu’il ne mettra pas les mêmes idées sous les mêmes mots, que cette révolution littéraire ne sera à ses yeux qu’un développement naturel du génie national dans le sens de la vraie simplicité et de la franchise d’observation… L’histoire de cette seconde entreprise de Beyle est donc l’histoire d’un second échec.

2134. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXV. Mort de Jésus. »

On le revêtit de ses habits qu’on lui avait ôtés pour la parade de la tribune, et comme la cohorte avait déjà en réserve deux voleurs qu’elle devait exécuter, on réunit les trois condamnés, et le cortège se mit en marche pour le lieu de l’exécution. […] Un soldat trempa une éponge dans ce breuvage, la mit au bout d’un roseau, et la porta aux lèvres de Jésus, qui la suça 1175. […] Dans les Actes (I, 14), Marie, mère de Jésus, est mise aussi en compagnie des femmes galiléennes ; ailleurs (Évang., II, 35), Luc lui prédit qu’un glaive de douleur lui percera le cœur.

2135. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 272-292

Qu’il nous soit permis, en respectant des noms consacrés par les suffrages unanimes de tous les siecles, de mettre dans la même balance l’Iliade & l’Enéide, avec l’immortel Ouvrage du Cygne de Cambrai. […] Lambert 4 : on ne peut aller que d’absurdité en absurdité, & qu’y mettre le comble par les derniers excès de l’injustice & de l’extravagance. […] Bélisaire, que les amis de l’Auteur ont mis à côté du Télémaque.

2136. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre III : Le problème religieux »

Les philosophes auront beau mettre tous les ménagements possibles dans leurs rapports avec la religion, ils n’empêcheront pas leurs semblables de se détacher comme ils se sont détachés eux-mêmes : si vous n’avez pas la foi, pourquoi voulez-vous que je l’aie ? […] Un Dieu qui n’est qu’un objet de raisonnement et la conclusion d’un syllogisme, un Dieu qui n’est rien dans la vie, et auquel on ne pense que lorsqu’il s’agit de réfuter les athées, un tel Dieu est une pure abstraction, et je m’étonne quelquefois que l’on mette tant d’ardeur à combattre ceux qui se trompent sur ces questions lorsque dans la vie on fait une part si faible à ces croyances d’où il semble que tout doit dépendre. […] Allons-nous nous mettre à construire une religion nouvelle ?

2137. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Mathilde de Toscane »

dès la première ligne de son ouvrage, l’éloquent historien en convient, du reste : « A côté de la puissante figure de Grégoire VII, il en est une — dit-il — qui semble s’effacer d’elle-même et se mettre pieusement dans l’ombre où les historiens l’ont laissée… » Et après un rapide coup d’œil sur ce qui restait de l’empire de Charlemagne et de la domination allemande au temps de Mathilde, comme pressé et presque haletant d’arriver au grand homme qui d’un geste arrêta l’empereur et toute sa féodalité derrière lui aux portes de l’Église épouvantée, il s’adresse, dès la page 4, la question brûlante : « D’où venait cet homme qui, de son autorité, se rangea parmi les maîtres du monde, et dont le nom est un des noms les plus retentissants du passé ?  […] Je voudrais, si j’avais plus d’espace, mettre en saillie par des citations ce caractère de son livre, qui doit avoir une action sur tout le monde et peut-être sur lui-même, car on ne s’approche pas si près de la Vérité sans tomber un jour dans ses bras ! […] L’Eglise romaine a mis Grégoire au rang des saints ; partout l’idée de sa sainteté prévalut dans le peuple après sa mort.

2138. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire de la Révolution »

Et l’on ne doit plus s’étonner que les détails de ces soixante années prodigieuses, l’auteur des Soixante ans croie — comme cet enfant qui s’imaginait faire tenir l’océan dans une coquille d’huître  — les mettre dans le creux de sa main, en en oubliant la moitié ! […] Évidemment, l’homme qui se sert de cette plume-là et sait partager, en la racontant, l’impatience de sang et de fierté des hommes qui furent les ennemis de sa cause, est fait pour autre chose que pour être un fataliste historique et rester l’écrivain qui, par amour du style, ne trouve rien de mieux que de mettre le mot « trombe » à la place du mot Dieu ! […] Il a essayé de mettre son cœur dans sa tête, — au physique comme au moral un diable de mouvement peu aisé.

2139. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Sixte-Quint et Henri IV »

En effet, si la Réforme est une destruction, et une destruction abominablement criminelle, surtout au point de vue des idées et de la conscience modernes, puisque cette destruction n’était pas seulement celle d’une certaine organisation, mais de l’organisation de la majorité d’un peuple, brisée par la minorité, Henri IV, qui fut le plus près d’un tel événement et qui pouvait le mieux élever une digue contre le fleuve, Henri IV a, dans cette destruction, la main qu’il n’y a pas mise pour l’empêcher, en supposant (supposition pure !) qu’il n’y en ait pas mis une autre… Henri IV a donc commis là bien évidemment une des plus grandes fautes que souverain pût commettre, même la question religieuse écartée, que l’Histoire cependant n’écartera pas, car, je le dis, en regardant bien en face les révolutions futures, ou du moins le chemin par lequel elles peuvent venir, les gouvernements doivent toujours venir à bout, quand ils le voudront, eux qui sont la force organisée, de la force qui ne l’est pas… Segretain a par des exemples nombreux et frappants fait toucher du doigt dans son histoire la bévue des gouvernements du xvie  siècle qui précédèrent celui de Henri IV, lequel paracheva et fixa les conséquences de cette énorme faute, en la commettant à son tour ; et on se demande vraiment pourquoi, en lisant Segretain, qui nous met en lumière une chose qu’avant lui on n’avait pas assez vue, ce qui prouve son extrême bonne foi et son désir de justice : c’est qu’à toutes les époques de sa vie Henri IV, quelles qu’aient été ses apostasies, avait toujours été au fond de sa pensée plus catholique que protestant ! […] Au milieu des raisonnements politiques, appuyés de faits, qui sont le fond de cet ouvrage, évidemment écrit pour des lettrés qui savent ou doivent savoir l’histoire, et où il n’y a jamais le terre-à-terre d’une narration, se dressent, peintes, deux à trois figures, auxquelles l’auteur attache l’éclair qu’il a mis à la figure de Henri IV, ce sensé, qui n’eut jamais, en faisant le huguenot, une seule des passions huguenotes, qui voyait clair en se cachant, et honora toujours l’Église, même quand il l’insultait !

2140. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Si j’avais une fille à marier ! » pp. 215-228

, à tous ces messieurs Jourdain de lecteurs qui aiment que, dès le début, un auteur leur frappe, sans façon, sur la cuisse, et leur dise à la bonne franquette : « Mettez-vous là, mon gendre, et dînez avec moi ! » Et c’est aussi pour y mettre un gendre — à dîner avec soi — que Weill l’a écrite, puisqu’il s’agit dans son livre de fille à marier ! […] L’étiquette à mettre sur la philosophie ou les philosophies de Weill m’est bien indifférente, mais ce qui me cause presque de l’horreur dans ce livre dont je me promettais tant de joie, c’est la radicale impiété que j’y trouve, malgré l’âme honnête que j’y sens ; c’est enfin l’extinction, et l’extinction la plus complète, du sentiment chrétien, — de ce sentiment par lequel Weill, l’ingrat, est encore tout ce qu’il est quand il a raison contre l’immoralité de ce temps !

2141. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme au XVIIIe siècle » pp. 309-323

Quoiqu’ils y eussent vu pourtant aussi, avec une masse trop forte, et, selon moi, exagérée de vertus et de sentiments individuels, les corruptions, les dépravations et les abominations de ce temps d’une immoralité à côté de laquelle peut-être rien ne peut être mis, sans déchet, dans l’histoire du monde, il n’en résultait pas moins, de l’effet prismatique de leur livre, que, tout compte fait, le xviiie  siècle était une époque qui valait mieux que ce qu’on en croyait et que ce qu’il en fallait croire. […] quand une femme frappe dans le cœur d’une autre, la blessure est incurable…” Elles font éclater le déshonneur dans les familles comme un coup de foudre : elles mettent aux mains des hommes les querelles et les épées qui tuent. […] Après Laclos vient de Sade, sous la plume de MM. de Goncourt ; de Sade, dont ils ne disent qu’un mot et qui suffit : « Il vint pour mettre, avec le sang des guillotines, la Terreur dans l’Amour… C’en est assez, — ajoutent-ils, — ne descendons pas plus bas, ne fouillons pas plus loin dans les entrailles pourries du xviiie  siècle.

2142. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XX. M. de Montalembert »

leur naturelle encadrure dans la simple vignette d’un missel, deux à trois figures, comme celles de saint Benoît, de saint Grégoire, de saint Colomban, lesquelles, de grandeur, répugnent à entrer dans le cercle étranglant d’un médaillon, et qui, si on ose les y mettre, le font éclater ! […] Mais, le fond orthodoxe du livre mis de côté, il reste aux yeux de la Critique littéraire… tout le livre, et le livre ne satisfait ni le critique ni même le chrétien, qui sait ce que peut être la prédication d’un livre bien fait. […] Légendes, peintures, réfutations, miracles racontés de manière à couper l’insolent sifflet des rieurs, aperçus, domination petite ou grande de l’histoire de quelque côté que ce soit, rien n’appartient en propre et en premier à M. de Montalembert, si ce n’est ce qui appartient toujours à tout homme dans tout livre, — le style qu’il y met.

2143. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVIII. M. Flourens »

Elle ne ressemble pas au bloc de cristal qui absorbe le jour qu’il renverra plus tard quand il sera taillé et mis sous son arc de lumière. […] Non seulement il est spiritualiste, puisqu’il est cartésien, et nous avouons que jamais ce spiritualisme-là ne nous a paru très formidable et très auguste ; mais il est chrétien, et il a toujours mis sa science derrière le christianisme, ce qui est sa place, malgré les rébellions insolentes de quelques savants ! […] Il a mis la plus belle rose de son jardin des Plantes au corsage un peu épais de la Science, et il en ferait bien d’autres !

2144. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « L’abbé Monnin. Le Curé d’Ars » pp. 345-359

Malheureusement, étreint dans cet étau d’un seul chapitre, nous ne pouvons donner comme il faudrait une juste idée de cette merveilleuse expression que Dieu ne cessa jamais de mettre sur les lèvres de son serviteur. […] Malgré deux ou trois efforts qu’il fît un jour pour s’ôter de la place où Dieu l’avait mis aux regards du monde comme un pont du ciel qu’il lui avait jeté, malgré la tentation qui le prit de la pénitence au désert, du silence ardent des Chartreuses et de la contemplation rigide et extatique en Dieu des grands Solitaires, Dieu ne permit point au serviteur qu’il s’était choisi d’être autre chose qu’un grand confesseur, et je dirai plus : le confesseur au dix-neuvième siècle. […] Dieu, qui se joue de tout et qui veut nous montrer combien toute apparence est vaine, n’avait-il pas mis le cœur de son meilleur ami derrière les traits de son ennemi le plus implacable ?

2145. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Victor Cousin »

Parti de la philosophie, écossaise, cette pauvre doctrine aphone du sens commun, pour arriver plus tard aux raucités et aux embrouillements de ventriloques de gens comme Kant et Hegel, qu’on n’entendait guères alors que dans leur patrie, Cousin mit toujours une expression, peu sincère, mais éclatante, au service de divers systèmes qu’après tout il vulgarisa. […] Car l’auteur qui l’a revu et qui le prend à sa charge devant le public y a mis certainement toute sa force de tête, qu’il soit une vérité ou un mensonge, et si c’est un mensonge il en aura, certes ! mis plus.

2146. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Jules de Gères »

A son exemple et sans son talent, — talent très spécial et qu’ailleurs j’ai jugé45, tout le monde s’est mis à sonnettiser. […] Le sonnet n’en est pas moins de la poésie en petit pot, comme on disait autrefois du rouge que se mettaient les femmes… C’était du petit pot. […] je ne demande pas mieux que de le reconnaître, il y en a plusieurs, dans ce recueil, que Joséphin Soulary, qui a fait du sonnet son incommutable majorat, serait heureux d’avoir signés ; mais ce n’est point les Cinq dizains de sonnets que Gères met en premier dans l’énoncé de son titre qui sont l’honneur de son volume.

2147. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Musset »

Et pour garantie de sa vérité, de la sincérité de son renseignement, de son intimité dévoilée, le nom de Paul de Musset, comme une signature, mis par-dessus le nom d’Alfred de Musset ! […] Les éditeurs n’ont pas été créés et mis au monde pour faire les affaires  du génie. […] Mais, à côté du chaut inspiré, il avait mis sa prose inspirée, — à côté de sa poésie, son histoire… Dans ses Memoranda, dans sa Correspondance, partout où s’est abattu le bec d’aigle de sa terrible plume, Byron s’est raconté, analysé, perscruté, dans sa vie autant que dans son âme.

2148. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme de Girardin. Œuvres complètes, — Les Poésies. »

Mme de Staël, ce grand poète en prose, — comme on peut l’être en prose, — qui avait fait chanter Corinne, n’existait plus… Tout à coup, comme pour nous consoler de cette perte et pour la réparer, se mit à jaillir dans la vie (le mot n’est pas trop fort pour dire l’impétuosité de cette jeunesse) une jeune fille qui, elle, chantait de vraies poésies, car elle parlait cette langue des vers que rien, dans l’ordre poétique, ne peut remplacer. […] C’est une épitaphe très bien faite que cette Notice, mise sur ce monument des Œuvres complètes, — un tombeau ! […] Dans tout ce qu’elle écrit, il y a de la harpe, de cet instrument suranné et comédien où, quand on les avait beaux, on mettait ses bras en espalier.

2149. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Auguste Barbier »

Les Méditations de Lamartine avaient mis leurs mains chastes et mélancoliques autour de tous les cœurs, mais, malgré un accent adorable, Les Méditations, même dans leurs parties les plus fières : l’Épître à Byron, L’Enthousiasme, Le Désespoir, n’avaient point eu ce ravissement sur l’imagination qu’eurent les premiers vers d’Auguste Barbier. […] Il y a des talents qui s’élèvent et qui tombent, mais qui mettent du temps et des efforts à s’élever et à tomber ; qui, en raison de la force qui les éleva, se retiennent dans leur chute et planent encore à différentes hauteurs, avant de définitivement sombrer. […] Lui, le Juvénal de 1830, il semblait avoir été créé et mis au monde de toute éternité pour pondre ces versiculets fadasses que les confiseurs paient un louis le mille à leurs faiseurs et qu’ils roulent autour de leurs bonbons… et c’était cela qui était effrayant !

2150. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iv »

C’est un fait puissant, qui met dans leur patriotisme un ferment spécial. « Depuis un demi-siècle, me dit un pasteur d’origine alsacienne, nos âmes d’exilés souffrent comme d’une impiété des divisions de notre pays qui prolongeaient les souffrance de l’Alsace et semblaient même les négliger. » Pour la délivrance, il fallait mettre au-dessus de tout l’idée de patrie. […] Cette prière, d’une grandeur paisible, où il avait mis ses dernières pensées, le petit soldat la répétait si souvent que la sœur catholique qui le soignait la recueillit et l’envoya à la famille en deuil.

2151. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIV. Siècles de barbarie. Renaissance des lettres. Éloges composés en latin moderne, dans le seizième et le dix-septième siècles. »

D’ailleurs, l’oppression, le malheur, les guerres renaissantes, les haines si actives entre des voisins jaloux, haines d’autant plus vives, qu’ils avaient moins de forces pour se nuire, mettaient partout des barrières, et empêchaient la communication. […] On sent bien qu’en leur parlant à eux-mêmes, il n’était guère possible de les mettre moins haut. […] Amie et disciple de Descartes, liée avec tous les savants de l’Europe, mécontente des intrigues et des petites passions qui trop souvent entourent les princes, on sait combien elle mettait l’art de s’éclairer, au-dessus des étiquettes et des cérémonies des cours.

2152. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVIII » pp. 158-163

Je vous avais dit à la date du 3 décembre : « mettez 400 pèlerins en tout et vous aurez le chiffre » ; depuis, ce chiffre a grossi ; quelques retardataires se sont émus et, comme on est badaud dans tous les temps, on s’est mis à vouloir faire le voyage de Londres puisque d’autres l’avaient fait.

2153. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre premier. Préliminaires » pp. 1-8

Quand les matériaux sont rassemblés de toutes parts, préparés, dégrossis, et qu’il n’y a plus qu’à les mettre en place, l’homme de génie vient à l’heure favorable, il leur imprime le mouvement et la vie ; et les éléments épars se disposent et s’élèvent en édifices. […] Jusqu’à la mort de Molière et au-delà, Français et Italiens se firent concurrence, s’imitèrent, s’empruntèrent réciproquement ce qu’ils avaient de meilleur, rivalisèrent dans les fêtes de cour, où ils étaient fréquemment réunis et mis en présence.

2154. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 196-203

Quel Homme de goût ne mettra pas ses Réflexions sur les divers Génies du Peuple Romain, au dessus de tout ce que ce Littérateur Géometre a écrit dans les cinq volumes de Mélanges qu’il a publiés ? […] Quand il fallut se mettre en campagne, la gloire & l'intérêt réveillerent Annibal, qui reprit sa premiere vigueur & se retrouva lui-même ; mais il ne retrouva plus la même armée ; il n'y avoit plus que de la mollesse & de la nonchalance, & s'il falloit souffrir la moindre nécessité, on regrettoit l'abondance de Capoue ».

2155. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Introduction »

Le monde « existerait là, dehors, tout réel objectivement et sans notre concours ; puis il arriverait à pénétrer, par une simple impression sur les sens, dans notre tête, où, comme là dehors, il se mettrait à exister une seconde fois ». […] Le monde, conclut Schopenhauer, l’objet de la connaissance, c’est « ma représentation » ; l’étendue, le temps, la causalité, ma pensée les met dans le monde, organise le chaos des phénomènes selon sa propre loi et prononce le fiat lux.

2156. (1889) L’art au point de vue sociologique « Préface de l’auteur »

Préface de l’auteur La tâche la plus haute du dix-neuvième siècle a été, semble-t-il, de mettre en relief le côté social de, l’individu humain et en général de l’être animé, qui avait été trop négligé par le matérialisme à forme égoïste du siècle précédent. […] La religion enveloppe une cosmologie embryonnaire, en même temps qu’une morale plus ou moins pure, et, enfin, elle est essentiellement un essai pour réconcilier l’une avec l’autre, pour mettre d’accord nos aspirations morales et même sensibles avec les lois du monde qui régissent la vie et la mort.

2157. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Clément Marot, et deux poëtes décriés, Sagon & La Huéterie. » pp. 105-113

Informé des obstacles que de vils rimailleurs vouloient mettre à son retour en France, il sentit sa bile s’allumer, & répondit aux lettres anti-Marotiques, par une plaisanterie, sous le titre de Fripelippes. […] Mais Sagon, la Huéterie & leurs partisans y grimpent avec tant de peine, qu’Honneur, désespérant de les voir arriver, s’étoit déjà mis à table avec Marot, lorsqu’enfin ils paroissent.

2158. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre deuxième. »

Tant pis ; une bonne fable ne doit offrir qu’une seule moralité, et la mettre dans toute son évidence. […] Cette fantaisie de chasser doit être trop fréquente chez le lion pour qu’il y ait de la justesse à employer cette expression, se mit en tête ; ce mot semble indiquer une fantaisie nouvelle ou du moins assez rare.

2159. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre ix »

Le plus grand nombre furent mises en commun. […] Rien n’est plus capable de niveler les classes que des angoisses partagées, toutes choses mises en commun, et la mort continuellement affrontée ensemble.

2160. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XII. Des panégyriques ou éloges des princes vivants. »

Peut-être il eût été à souhaiter qu’au moment où le premier orateur se présenta pour prononcer le premier panégyrique devant un prince, même vertueux, un citoyen plein de courage se mît tout à coup entre le prince et l’orateur, et élevant sa voix avec force, s’écriât : « Prince, qu’oses-tu permettre, et que vas-tu entendre ? […] On trouva bientôt l’époque trop reculée ; de vingt ans on la mit à dix, ensuite à cinq.

2161. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Addition au second livre. Explication historique de la Mythologie » pp. 389-392

Dans l’état de famille, les fruits spontanés de la terre ne suffisant plus, les hommes mettent le feu aux forêts et commencent à cultiver la terre. […] Ce culte consista originairement à mettre le feu aux forêts et à immoler sur les terres cultivées les vagabonds, les impies qui en franchissaient les limites sacrées, Saturni hostiæ.

2162. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre deuxième. Troubles et désagrégations de la conscience. L’hypnotisme et les idées-forces »

C’est ce que Bertrand avait déjà fait observer ; c’est ce que Lehmann a mis en pleine lumière. […] Soulevez le bras d’un cataleptique, if conserve son altitude ; mettez-le en mouvement, il continue ce mouvement. […] Pierre Janet a mis dans sa bouche du sel, du poivre ou du sucre. […] Faites résonner un diapason : un autre diapason, à l’unisson du premier, se mettra à résonner. […] Au contraire, le somnambulisme met-il l’étouffoir sur les notes principales, toutes les notes subconscientes deviennent seules conscientes.

2163. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre I. De la sélection des images, pour la représentation. Le rôle du corps »

J’aperçois des nerfs afférents qui transmettent des ébranlements aux centres nerveux, puis des nerfs efférents qui partent du centre, conduisent des ébranlements à la périphérie, et mettent en mouvement les parties du corps ou le corps tout entier. […] S’il est image, cette image ne pourra donner que ce qu’on y aura mis, et puisqu’elle est, par hypothèse, l’image de mon corps seulement, il serait absurde d’en vouloir tirer celle de tout l’univers. […] Mais qui ne voit que, dans l’hypothèse même où nous nous sommes placés, nos sens auront également besoin d’éducation, — non pas, sans doute, pour s’accorder avec les choses, mais pour se mettre d’accord entre eux ? […] Veut-on mettre cette argumentation sous une autre forme ? […] On va donc prendre la sensation au point où le sens commun la localise, l’en extraire, la rapprocher du cerveau, dont elle paraît dépendre plus encore que du nerf ; et on aboutirait ainsi, logiquement, à la mettre dans le cerveau.

2164. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

C’est de mettre l’expérience absolument en dehors de la méthode philosophique. […] Cette dernière n’agit que si un choc vient la mettre en mouvement. […] Nous y mettons un ordre factice qui nous permet de les comprendre. […] Je le mets sur l’un d’eux. […] Si nous l’y trouvons, c’est que nous l’y avons mise à tort.

2165. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

Des hommes moins détachés qu’eux de tout amour-propre auraient triomphé le jour où le maître de ces brillants paradoxes, Lamennais, qui les avait presque argués d’hérésie et de froideur pour le Saint-Siège, devint lui-même hérétique et se mit à traiter l’Église de Rome de tombeau des âmes et de mère d’erreurs. […] Pinault eût été mon véritable maître, si, par le plus étrange des travers, il n’eût mis une sorte de rage à dissimuler et à fausser les plus belles parties de son génie. […] Sur la question de l’état ecclésiastique, il mettait toujours beaucoup de discrétion. […] À Saint-Sulpice, en effet, je fus mis en face de la Bible et des sources du christianisme ; je dirai, dans le prochain récit, l’ardeur avec laquelle je me mis à cette étude et comment, par une série de déductions critiques qui s’imposèrent à mon esprit, les bases de ma vie, telle que je l’avais comprise jusque-là, furent totalement renversées. […]  » Le septième volume de l’édition de cet ouvrage, que j’ai sous les yeux, est intitulé : la Théorie du Bonheur, ou l’Art de se rendre heureux mis à la portée de tous les Hommes, faisant suite au Comte de Valmont.

2166. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

Au cœur mystérieux des noires sapinières, Les pâtres, comme nous, dans leurs beaux yeux profonds Mirent le mouvement des astres sur les monts, Assis au seuil fumeux des cabanes de pierres. […] Mets ton châle sur tes épaules grelottantes. […] C’est elle, cette terre, qui met de l’ordre dans son esprit. […] Jammes, quand on se met à ta fenêtre, on voit Des villas et des champs, l’horizon et les neiges ; En mai tu lis des vers dehors, à demi-voix, L’azur du ciel remplit les chéneaux de ton toit… Demeure harmonieuse, ami, vous reverrai-je ? […]                    Et, dans l’éternité, La mort n’en mettra pas moins d’accord leur envie                    Avec ta vanité.

2167. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

On comprit qu’en littérature, comme en physique, il faut aller du fait à la loi, et l’on se mit à étudier les productions de l’intelligence. […] Le philosophe refuse de mettre « l’art au service de la religion et de la morale. […] Mettons en relief cette vérité trop plate. […] Aujourd’hui on met de tout dans l’examen d’un livre ou d’une comédie ; on y glisse des anecdotes, des souvenirs personnels, des citations de Tibulle, de Virgile : peut-être bientôt, par amour de la nouveauté, y mettra-t-on même de la critique. […] Mettez à la place de l’homme excellent et matinal un critique dédaigneux et peu vigilant ; peut-être l’auteur de Henri III serait-il aujourd’hui, grâce à ses talents, un fort estimable chef de bureau.

2168. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Les jeunes commerçants se mettent rapidement en état de parler cinq ou six langues. » Les ouvriers, en quelques mois, deviennent capables d’exercer un métier même difficile. […] L’esprit si net qui, pour les mettre à sa portée, leur a ôté l’infinité et le mystère, reconnaît en eux ses créatures et s’amuse des mythes qu’il a faits. […] Agésilas, pour encourager ses hommes, fit un jour dépouiller les Perses prisonniers ; à la vue de ces chairs blanches et molles, les Grecs se mirent à rire, et marchèrent en avant, pleins de dédain pour leurs ennemis. […] La galère sacrée se mettait en mouvement, portant à son mat le voile de Pallas que des jeunes filles, nourries dans l’Erechtheion, lui avaient brodé. […] J’ai de la toile à voile et mon cousin Jean a des cordages : nous nous mettrons ensemble. — Qui est-ce qui commandera ?

2169. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Il avait, d’ailleurs, à sa disposition un moyen plus doux de mettre fin à son désespoir. […] En tout cas, je ne sache pas que ses admirateurs eux-mêmes aient jamais été tentés de la mettre en pratique. […] Comme d’autres, il s’est mis à récriminer contre la société, à vanter la nature. […] Lorsque j’entrai au service, je m’ennuyais dans mes garnisons ; je me mis à lire des romans, et cette lecture m’intéressa vivement. […] Certaines gens ne se lassaient pas de mettre leur gloire à paraître profondément tristes.

2170. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

Il n’a pas mis assez d’humanité douloureuse et assez d’âme dans ses exercices de rhétorique et les boniments antithétiques débités sous le masque d’un Ézéchiel, d’un prédicant ou d’un tribun. […] Chaque poète, tour à tour, devient pour moi le poète par excellence, dans les moments où il me met en communion avec son génie. […] Il avait du génie, avec un grand G, et cela nous mettra d’accord. […] Et d’autre part, les six noms qu’il groupe contrebalancent, et davantage, tous les autres qu’on pourrait mettre dans le plateau opposé. […] J’approuve qu’on ait mis leur statue sur des places publiques ; mais je ne souffrirais pas leur buste dans mon cabinet, sur ma table de travail, à côté de la photographie de ma bonne amie.

2171. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

La liberté Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi la question de la liberté met aux prises ces deux systèmes opposés de la nature, mécanisme et dynamisme. […] il semble que nous tenions à sauvegarder le principe du mécanisme, et à nous mettre en règle avec les lois de l’association des idées. […] Il y met en balance les plaisirs et les peines, comme autant de termes auxquels on pourrait attribuer, au moins par abstraction, une existence propre. […] On la mettra au point O ; on dira que le moi, arrivé en O, et devant deux partis à prendre, hésite, délibère, et opte enfin pour l’un d’eux. […] Nous nous trouvons donc ici dans la même position où se place l’astronome, quand il embrasse dans une seule aperception l’orbite qu’une planète mettra plusieurs années à parcourir.

2172. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Cet inconscient, il nous le fait voir, il nous met constamment en contact avec lui. […] Si elle me l’avait confié, j’aurais mis à assurer sa réalisation une ardeur que personne autant qu’Albertine n’eût pu m’inspirer. […] Je crois qu’il exagère beaucoup cette sorte d’inconvénients, mais il met tout de même le doigt sur une des lacunes de la psychologie de Proust. […] Mais je vous indique seulement l’idée, n’ayant pas le temps de la mettre au point. […] Aussitôt il se mit à diriger de doux et compliqués reproches vers Céleste, qui aurait dû le prévenir, qui savait pourtant bien que l’escalier était repeint, etc.

2173. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires relatifs à la Révolution française. Le Vieux Cordelier, par Camille Desmoulins ; Les Causes secrètes ou 9 thermidor, par Villate ; Précis du 9 thermidor, par Ch.-A. Méda, Gendarme »

La loi des suspects y est amèrement censurée, et, qui pis est, ridiculisée ; l’immoralité d’Hébert y est mise à nu, et le danger de l’exagération révolutionnaire vivement signalé. […] En s’arrachant aux principes immuables, et se livrant à toute la fougue de leurs passions, ils altérèrent leur nature, l’habituèrent à une sorte de crise permanente, et la mirent comme en dehors des règles éternelles.

2174. (1874) Premiers lundis. Tome II « Dupin Aîné. Réception à l’Académie française »

Dupin brille plutôt par la promptitude que par la finesse ; là où sa verve n’est pas de mise, il n’a rien d’ingénieux pour y suppléer. […] Arrivant à parler de lui-même et de l’éloquence de barreau et de tribune, l’orateur, que la froideur de l’auditoire semblait de plus en plus gagner, s’est retrouvé un moment : il caractérisait l’improvisation, il la montrait inégale, incorrecte peut-être, mais indispensable, irrésistible dans les luttes publiques, toujours sur la brèche, le glaive acéré et nu : « L’orateur, s’est-il écrié alors, n’a pas un cahier à la main, il ne lit pas, son œil ne suit pas des lignes, son geste n’y est pas enchaîné ; mais il vit, il regarde, il s’anime de l’impression universelle, etc., etc. » Et, tout en parlant ainsi, son doigt froissait le papier, son regard le dédaignait, et, l’oubliant durant quelques minutes, il s’est mis à lancer de rapides étincelles que le public lui a rendues en longs applaudissements.

2175. (1875) Premiers lundis. Tome III « Émile Augier : Un Homme de bien »

Les jeunes gens du jour ont ce travers commun D’affubler leur candeur d’un vêtement d’emprunt, De faire les lurons à qui rien n’en impose, Et dont l’œil voit d’abord le fond de toute chose ; De ne pas sembler neufs sottement occupés, Ils mettent de l’orgueil à se croire trompés, Perdant ainsi, pour feindre un peu d’expérience, La douceur d’être jeune et d’avoir confiance ! C’est là du bon style ; mais il est fâcheux encore que toutes les saines pensées et les maximes justes de la pièce se trouvent rejetées dans la bouche de ce triste Féline, et qu’elles s’y trouvent (notez-le), non pas comme des ressorts de son rôle, mais à titre même de choses justes ; il devient ainsi par moments une manière d’Ariste véritable ; c’est Tartufe et Cléante mis en un, s’il est permis d’amener ici ces grands noms

2176. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre X. De la simplicité du style »

Les femmes qui pensent ou qui font du style ressemblent fort aux écoliers : et de là vient que, dans notre littérature, celles qui n’ont pas cru faire œuvre d’écrivains, se sont mises au-dessus des autres. […] Distinction chimérique, qui met dans les mots ce qui doit être dans les choses.

2177. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Introduction » pp. 2-6

Sa fonction principale est, en effet, de renseigner et de guider la foule, d’opérer pour elle un premier triage dans la masse de la production courante, de lui désigner ce qui mérite d’être mis à part. […] Sur la porte par où l’on y pénètre devrait se lire cette inscription : Vous qui entrez ici, mettez bas toute passion autre que l’amour de la Vérité d’abord et de la Beauté ensuite.

2178. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 348-356

C’étoit peu de se pénétrer de l’esprit des Institutions humaines, de les considérer dans le but qu’elles se proposent, d’en calculer les inconvéniens & l’utilité : il falloit interroger les Législateurs eux-mêmes, se mettre à leur place, développer ce qu’ils ne laissoient qu’entrevoir, analyser les divers rapports que les Loix ont entre elles & avec tout ce qui tient à l’homme, expliquer enfin les motifs de leur établissement. […] Semblable à un Architecte, qui, sur les débris informes d’un édifice miné, en traceroit le plan, en dessineroit les proportions, en sentiroit les beautés & les défauts, & assigneroit, sur les plus foibles indices, la cause de sa chute : son génie, par d’heureuses combinaisons, a ranimé les objets effacés, a rappelé ceux qui avoient disparu, en a recréé de nouveaux, pour achever le tableau qu’il vouloit mettre sous les yeux.

/ 3767