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541. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Et, maintenant, pourquoi cette différence, au moins apparente, entre l’Allemagne et les autres pays de l’Europe, entre la nation la plus forte par l’éducation et les lumières et les nations les moins avancées ? […] Très certainement, nous l’aimons et nous estimons ses lumières, mais nous savons les regarder. […] Or, comment se conduisit le héros de Hurter dans la question d’où devait sortir la gloire de son règne et sur laquelle, à ce qu’il semble, l’intérêt de l’Église était si éclatant qu’il n’était pas besoin d’être un aigle pour voir des choses d’une telle lumière ?

542. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

» Quand l’Allemagne elle-même, si longtemps nommée la douce et religieuse Allemagne, mais qui a dernièrement recommencé le dix-huitième siècle en mettant de grands mots et des obscurités d’école où le dix-huitième avait émis de petites phrases claires comme de l’eau (car il ne faut pas profaner ce mot de lumière), quand l’Allemagne elle-même attaque Dieu, elle n’y va pas de main morte. […] A-t-il de tout cela jailli une lumière, quelque grande certitude devant lesquelles, puisqu’il s’agit ici de la vie de Jésus, par exemple, la Bible et l’Évangile ne causent plus d’étonnement ? […] Seulement, « pour construire scientifiquement la théorie des premiers âges de l’humanité, il faut étudier l’enfant et le sauvage », c’est-à-dire le sens sur le contresens, la lumière sur les ténèbres, et la montée sur la descente.

543. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Vu à cette lumière, ce qui nous reste de Pindare ne doit pas encourir le reproche de monotonie tant répété par la critique vulgaire. […] chastes divinités des lieux souterrains, Terre et Mercure, et toi, roi des enfers, envoyez d’en bas cette âme à la lumière ! […] … « Dieu du sombre Adès, dieu conducteur, renvoie à la lumière Darius !

544. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La princesse Mathilde » pp. 389-400

Élevée dans le pays de la lumière, des grands horizons, des belles formes et des nobles contours, elle avait reçu l’organisation la plus propre à en profiter et à s’en inspirer : le moule en elle était en parfait accord avec le spectacle et avec les images. […] Comprendre ainsi la vie, quand on est des privilégiés du sort, accorder le moins possible aux opinions vaines, s’en remettre à l’impression vraie, à la lumière naturelle ; distribuer ce qui vous est donné en surcroît ; remplir sa part d’un rôle auguste, et mener une existence ornée, mais simple ; jouir des arts, des élégances, de la nature aussi et de l’amitié, ce n’est pas seulement avoir un beau lot, ce n’est pas seulement savoir être heureuse, c’est répandre le bonheur et cultiver l’affection autour de soi.

545. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

Nous vivons dans le climat et dans le siècle de la philosophie et de la raison ; les lumières de toutes les sciences semblent se réunir à la fois pour éclairer nos yeux et nous guider dans cet obscur labyrinthe de la vie humaine ; les plus beaux génies de tous les âges réunissent leurs leçons pour nous instruire ; d’immenses bibliothèques sont ouvertes au public ; des multitudes de collèges et d’universités nous offrent dès l’enfance l’expérience et la méditation de quatre mille ans ; l’immortalité, la gloire, la richesse et souvent les honneurs sont le prix des plus dignes dans l’art d’instruire et d’éclairer les hommes : tout concourt à perfectionner notre entendement et à prodiguer à chacun de nous tout ce qui peut former et cultiver la raison : en sommes-nous devenus meilleurs ou plus sages ? […] Sa figure, comme celle de tous les puissants mortels qui ont excité enthousiasme et colère, ainsi aperçue de loin à travers un nuage de lumière et de poussière, se transformerait à nos yeux : nous le ferions trop grand, trop beau ou trop laid, trop génie ou trop monstre.

546. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

« Et au lieu du faible crépuscule que nous appelons jour, une lumière vive et pure rayonnera d’en haut, comme un reflet de la face de Dieu. « Et les hommes se regarderont à cette lumière, et ils diront : « Nous ne connaissions ni nous ni les autres, nous ne savions pas ce que c’est que l’homme : à présent nous le savons. » « Et chacun s’aimera dans son frère, et se tiendra heureux de le servir ; et il n’y aura ni petits ni grands, à cause de l’amour qui égale tout, et toutes les familles ne seront qu’une famille, et toutes les nations qu’une nation. 

547. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre III. Les dieux »

Il faut qu’il l’aperçoive à la façon des solitaires et des vrais chrétiens, au dedans de lui-même, dans les secrets mouvements de son être, et que tous ses désirs disparaissent dans la grande lumière vague dont il est réjoui et dont il est baigné ; il faut qu’il se confie, s’abandonne et s’épanche, et que l’amour immortel qui circule à travers les créatures assoupisse ses agitations et ses inquiétudes dans la félicité tranquille où il les confond. […] Chez eux comme chez les Indiens, « le soleil qui se lève lance ses flèches d’or aux blanches nuées qui se teignent de rouge, comme si elles étaient blessées, et s’évanouissent ensuite dans la lumière, jusqu’à ce qu’enfin la lutte cesse et que le jour pose en triomphateur ses pieds rayonnants sur la nuque de la montagne »149 « Comme des bayadères assoupies vers le matin, les montagnes frissonnent dans leurs blancs peignoirs de nuages que la brise matinale soulève.

548. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre III. Association des mots entre eux et des mots avec les idées »

Lui seul entendra, chaque fois que le mot sera prononcé, certain sifflement de balle, certain amortissement de ce bruit dans la chair vivante, lui seul verra certaine grimace, certaine contorsion de l’homme qui meurt, certain geste indifférent du vieux soldat, certaine colère du vaincu, lui seul évoquera certain regard d’un ennemi rencontré dans une charge, certaine parole, certaine lumière, certain paysage : un monde d’impressions ressenties une seule fois par un seul homme surgira au son de deux syllabes banales. […] Bientôt des cordons de lumière se sont allongés à perte de vue, et le flamboiement indistinct, fourmillant du Paris populeux a surgi vers l’ouest, tandis qu’au pied des arches, le long des quais, dans les remous, le fleuve, toujours froissé, continuait son chuchotement nocturne. » Chaque fois que j’ai relu cette page, une vision se formait en moi dès les premières lignes, qui allait sans cesse se précisant et s’agrandissant, jusqu’à ce qu’au milieu j’arrivais au mot plage : alors dans ce tableau parisien surgissait soudain, crevant, déchiquetant les premières images, un paysage maritime, comme les Flamands et les Hollandais en ont tant peint, une mer houleuse et jaune, une côte basse et large, presque du même ton que la mer, de lourds bateaux, des charrettes, des moulins, un clocher lointain.

549. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Ernest Renan, le Prêtre de Némi. »

Ô lumière, qui m’as induit à t’aimer, sois maudite ! […] Seulement, à mesure que croissent nos lumières, la foi, tout en s’épurant, participe moins de la certitude, et n’est plus que ce qu’elle peut être : une aspiration passionnée.

550. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VIII. Quelques étrangères »

Certaines taches, avec du recul et de la bonne volonté, semblent belles dans leur imprécision et font rêver, comme « les fentes des murailles, la cendre du foyer, les nuages, les fanges », comme tout ce qui est lumière ou couleur affranchie du dessin et de la logique. […] Virgile, douce lumière lunaire, luit parmi des paysages tragiques que le soleil d’Homère illumina d’abord et sa clarté onduleuse en renouvelle l’aspect.

551. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre premier. L’ubiquité de la conscience et l’apparente inconscience »

D’intéressantes expériences ont montré que, si on diminue l’intensité de la lumière, toutes les couleurs, à l’exception du rouge spectral, donnent place tôt ou tard à un simple gris sans couleur distincte. […] Ainsi, dans un objet animé d’une grande vitesse, un arrêt subit transforme le mouvement de translation en chaleur et en lumière.

552. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1854 » pp. 59-74

Quelle caressante lumière ! […] … Et marchant devant moi, je revois derrière la rue sale de Paris où je vais et que je ne vois plus, quelque ruelle écaillée de chaux vive, avec son escalier rompu et déchaussé, avec le serpent noir d’un tronc de figuier rampant tordu au-dessus d’une terrasse… Et assis dans un café ; je revois la cave blanchie, les arceaux, la table où tournent lentement les poissons rouges dans la lueur du bocal, les deux grandes veilleuses endormies avec leurs sursauts de lumières qui sillonnent dans les fonds, une seconde, d’impassibles immobilités d’Arabes.

553. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface des « Burgraves » (1843) »

Comme dans toute œuvre, si sombre qu’elle soit, il faut un rayon de lumière, c’est-à-dire un rayon d’amour, il pensa encore que ce n’était point assez de crayonner le contraste des pères et des enfants, la lutte des burgraves et de l’empereur, la rencontre de la fatalité et de la Providence ; qu’il fallait peindre aussi et surtout deux cœurs qui s’aiment ; et qu’un couple chaste et dévoué, pur et touchant, placé au centre de l’œuvre, et rayonnant à travers le drame entier, devrait être l’âme de toute cette action. […] Partout où est la lumière, l’intelligence se sent chez elle et est chez elle.

554. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXV. Mme Clarisse Bader »

Mme Stern a l’orgueil sophistique de la libre penseuse, et la première des qualités de Mme Clarisse Bader, et qui fait nappe de lumière sur toutes les autres, c’est qu’elle est chrétienne, de volonté, d’aveu et d’accent… Je ne me souviens pas qu’il y ait un mot dans ses livres qu’on puisse lui reprocher au nom du christianisme offensé. […] Elle a le bon sens et le bon goût d’être chrétienne sans honte ; et parce qu’elle l’est, elle a la lucidité de cette lumière, et elle y ajoute le naturel, la simplicité, la loyauté du renseignement, l’étendue de l’érudition.

555. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ernest Hello » pp. 389-403

Je n’en connais pas qui voie les choses sous un angle de lumière plus hardiment ouvert et plus large. […] Dans les chapitres de son livre, qui n’a que des chapitres et dont l’unité n’existe que dans la personnalité très particulière de l’auteur, ceux-là qui sont intitulés : La Lumière et la Foule, Les Ténèbres et la Foule, Les Sables mouvants, Les Préjugés, Les Caractères, Les Passions et les Âmes, La Charité intellectuelle, sont de ces choses qu’il est difficile dénommer, parce qu’elles n’ont pas d’analogue en littérature… Le côté que j’oserai appeler le côté divin de cette critique, échappera sans nul doute à ceux qui ont le mépris insolent et bestial du mysticisme de l’auteur.

556. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des Pyrénées »

… On y voit des faits recueillis dans tous les courants et tous les ravins de la chronique, des masses de faits, qui tombent un peu trop les uns sur les autres comme les avalanches tombent des montagnes, des faits dans leur brutalité muette et dans les obscurités de leur mystère, mais on n’y voit point assez la lumière d’une doctrine qui les éclairerait, les ferait parler et les ferait vivre. […] Les doctrines de l’historien sont aux faits de l’histoire ce qu’est la lumière aux pierres précieuses.

557. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Sévigné » pp. 243-257

L’esprit (disait ce docteur en cette chose) a pour essentiel caractère de surprendre, d’étonner, de remuer, de déranger, de faire coup de pistolet, lumière, bruit et trouée dans les cerveaux environnants ! […] Je ne crois point au feu des yeux de madame de Sévigné ; je crois à leur lumière.

558. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IV. M. Henri Martin. Histoire de France » pp. 97-110

Nous ne dirions rien, car nous n’ignorons pas que le bonnet des masses est plutôt fait pour leur donner de la chaleur que de la lumière. […] Probablement métempsychosiste comme le sont ses maîtres, mais avec discrétion et n’ayant pas besoin de l’être expressément dans une Histoire de France, de manière à troubler le Jean Jeannot de lecteur qui ne demande qu’à grignoter sa petite touffe de thym historique ; ne lâchant le mot « transformation » qu’avec prudence, mais le risquant parfois, comme une petite lumière pour les yeux prévenus et fidèles, qui savent bien ce que veut dire cette petite lueur, M. 

559. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

Après tout ce que l’Histoire nous a apporté de notions sur Saint Louis, il fallait, puisqu’on n’apportait pas de notions nouvelles, puisque l’investigateur n’avait pas un fait inconnu à nous jeter, s’embraser au moins à la lumière et au rayonnement de la figure céleste de Saint Louis. […] « Les dogmes de la foi — dit-il encore — étaient pour Saint Louis des vérités absolues… » Et c’est ainsi qu’avec des nuances et des adoucissements, il efface de la gloire de Saint Louis, pour le faire mieux accepter à l’esprit moderne, les taches de sainteté qui sont pour nous des gouttes de lumière.

560. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « III. Donoso Cortès »

Donoso Cortès a bien parfois l’aperçu de Joseph de Maistre, mais cet aperçu n’arrive pas chez lui comme chez de Maistre, pareil à un trait de lumière qui part du fond de la pensée, au rayon visuel qui jaillit du centre de l’œil. C’est lui plutôt, Donoso, qui arrive à l’aperçu, comme à une lumière en dehors de sa pensée, et à force d’aller vers elle, de raisonnement en raisonnement.

561. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Raymond Brucker. Les Docteurs du jour devant la Famille » pp. 149-165

Vous qui voyez la lumière, De moi vous souvenez-vous ? […] ce n’est ni ces massacres de Philosophies éviscérées, ni ces replacements de l’Histoire dans la vérité de sa lumière, qui font la supériorité et l’importance, toujours actuelle, des Docteurs du jour.

562. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

En ce troisième volume, c’est tout Agrippa d’Aubigné ressuscité et mis debout de pied en cap, c’est l’Agrippa dont la Critique peut prendre exactement la mesure, l’Agrippa hors de ces ombres propices qui allongent les hommes et les statues en des contours tremblants et incertains, et replacé dans la lumière, la stricte lumière qui les raccourcit mais qui les dessine, qui les étreint, comme un collant, de sa clarté.

563. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Prosper Mérimée. » pp. 323-336

il la photographie, mais elle ne lui insinue jamais dans l’imagination cette lumière interne des vrais peintres, plus vraie que l’autre lumière, a travers laquelle ils peignent tout.

564. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Francis Wey »

Mais pour la majorité des esprits qui pensent, avant tout, à être littéraires quand ils écrivent, on peut dire qu’on est revenu de toute part maintenant au roman de moyenne proportion, qui n’a pas la prétention napoléonienne de brasser tout un monde de caractères et de passion comme Napoléon brassait les masses dans ses carrés de bataille ; à ce genre de roman, enfin, qui n’est que l’étude de l’individualité humaine et qui, sans avoir pour cela besoin d’être modeste, se contente d’une passion (tout un infini) à creuser, d’une situation à frapper de lumière et d’un caractère à faire vivre. […] Peut-être Francis Wey est-il destiné aux œuvres sans horizon, mais non sans lumière, aux œuvres qui n’embrassent pas, mais qui percent.

565. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXIII » pp. 291-293

Villemain, qui malheureusement n’avait pas toujours une volonté égale à ses lumières ; mais ce que nous n’avons jamais contesté ni méconnu, c’est qu’il est le plus grand littérateur proprement dit du temps ; c’est que s’il fallait chercher une définition précise de ce que c’est que talent, il ne faudrait pas le demander à un autre que lui ; c’est que, enfin, comme professeur en ces belles années 1826-1830, il a donné à la jeunesse et au public lettré les plus nobles fêtes de l’intelligence qui, dans ce genre de critique et d’histoire littéraire, aient jamais honoré une époque et un pays.

566. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Margueritte, Victor (1866-1942) »

Henri de Régnier ; et si les allées rectilignes en leur sévère majesté en imposent d’abord par leur charme un peu triste, la lumière des aubes et des crépuscules s’y joue à souhait et dans le même décor fait alterner de changeantes images qui sont toute la vie et l’âme du poète, projetée hors de lui et lui apparaissant par un mirage dont il n’est pas dupe sous les formes multiples de son rêve.

567. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 208-210

Ces hommes courageux, qui ont porté les lumières de la Foi chez tous les Peuples connus, n’ont pas été des hommes qu’on puisse taxer d’ignorance & de fanatisme : la plupart d’entr’eux joignoient à un zele héroïque, des talens distingués, un savoir profond, les espérances de gloire & de fortune les mieux fondées.

568. (1761) Salon de 1761 « Peinture — Pastorales et paysages de Boucher. » pp. 120-121

Personne n’entend comme Boucher l’art de la lumière et des ombres.

569. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Tout cela est trop en lumière, trop évident, trop manifeste pour des yeux non prévenus. […] » puisque l’émotion, c’est justement l’étincelle qui fait jaillir la lumière dans l’âme du poète. […] C’est la lumière de l’Orient qui pénètre et réchauffe les brumes septentrionales. […] Sans doute trouve-t-on dans ce vigoureux roman des figures centrales sur qui se concentre l’intérêt : quel est le tableau composé où, sur les premiers plans, la lumière ne vienne irradier les personnages ? […] Point de génie, avons-nous dit, mais un groupe de délicieux talents… Quoi d’étonnant si, de valeur presque égale, quelques-unes sont venues réclamer leur place dans la lumière que projette la Renommée ?

570. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LII » pp. 203-205

Vous aurez par les journaux la clôture de cette discussion générale (à la Chambre des pairs) qui aura été pleine de lumières, de talent, de maturité (M. de Montalembert à part) et qui a vivement excité l’intérêt public.

571. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Brizeux, Auguste (1803-1858) »

Mais dès que Auguste Brizeux, préoccupé de symboles, adopte le rythme ternaire des vieilles proses de nos rituels, dès qu’à force de raffinement il croit être devenu un vrai primitif, tout charme s’évanouit, toute lumière et toute clarté disparaissent : il ne reste plus que des vers martelés, ternis, énigmatiques et vides.

572. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Manuel, Eugène (1823-1901) »

Une lumière idéale enveloppe sa poésie et jette son voile d’or sur les réalités de la vie ou de la nature.

573. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VI. Des Esprits de ténèbres. »

Il nous a révélé des esprits de ténèbres, machinant sans cesse la perte du genre humain, et des esprits de lumière, uniquement occupés des moyens de le sauver.

574. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Challe  » pp. 141-142

L’enfant qui recueille sur des tablettes les dernières paroles de Socrate me paraît très beau et de caractère, et de couleur, et de simplicité, et de lumière.

575. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Parocel » pp. 255-256

Puis sous un baldaquin d’une forme circulaire une lumière divine, une vision béatifique.

576. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henriette d’Angleterre » pp. 7-9

Intellectuellement, c’est tout madame de La Fayette, avec sa douceur de regard, sa pureté de style, sa lueur de perle… Quoique fort bienvenue de cette éblouissante Henriette, qui a laissé inextinguibles dans l’Histoire l’éclair de sa vie et l’éclair de sa mort ; quoique mêlée à ces intrigues, voilées de décence, d’une cour qui commençait alors de mettre la convenance par-dessus toutes ses passions, madame de La Fayette ne nous donne pas sur les hommes et les choses de son temps des lumières bien nouvelles.

577. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

Oui, les plus grands, les plus augustes, les plus puissants de notre race, — en plein siècle de lumières, pour me servir de ta suggestive expression, mon éternel ami, — seront fiers de réaliser, d’après mon désir, le rêve que je forme et que voici : L’heure viendra, d’abord, où les rois, les empereurs victorieux de l’Occident, les princes et les ducs militaires, oublieront, au fort de leurs victoires, les vieux chants de guerre de leurs pays, pour ne célébrer ces mêmes victoires immenses et terribles — (et ceci dans le cri fulgural de toutes les fanfares de leurs armées ! […] Les prédécesseurs de Beethoven nous montraient un tableau que la lumière du jour, passant au travers de la toile, semblait éclairer : et, cependant, le dessin, la couleur n’y étaient point comparables aux œuvres du peintre ; et c’était, en somme, un art inférieur, et méprisé, comme tel, des vrais connaisseurs, et un Pseudo-Art, seulement ; et cela était fait pour égayer les fêtes aux tables des princes, pour distraire des sociétés frivoles ; et l’adresse du virtuose était la lumière la meilleure à éclairer ce tableau. Mais voici que Beethoven reproduit le même sujet dans le silence de la nuit ; voici qu’il place son tableau entre le monde de l’Apparence, et l’univers intérieur de son âme, l’univers profond où gît l’Être réel des choses ; et dans cet univers il prend la lumière qui illumine son tableau, ce clair voyant : et voilà que ce tableau vit devant nous et que nous vivons en lui, extraordinairement, et que nous habitons un deuxième univers, dont les plus immenses chefs-d’œuvre d’un Raphaël ne donnent point l’idée ! […] Maintenant, il jette un regard sur l’Apparence extérieure, qui, illuminée par sa Lumière intime, se mêle à la vision de son Âme, dans un réflexe merveilleux.

578. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

C’était les mêmes lignes, aux entrelacements énigmatiques, aux signes merveilleusement emmêlés, sous lesquelles le grand Albrecht Dürer avait reproduit le secret du monde de la Lumière et de ses formes ; créé le livre enchanté du Nécromant, qui projette sur le Microcosme la lumière du Macrocosme. […] La force revécue de ce charme, à lui propre, il l’exerce, à présent, (Andante 5/4) sous une forme adorablement douce ; il y retrouve, ravi, le signe divin de l’Innocence intérieure, et il poursuit, sans cesse, cette mélodie, avec des variations toujours nouvelles et inouïes, laissant tomber sur elle, sans arrêt, les rayons de l’Eternelle Lumière. […] En réalité, ce progrès musical extraordinaire ressemble au brusque réveil d’un rêve ; et nous éprouvons, aussitôt, le bienfaisant effet de ce réveil sur l’âme que le rêve avait, au dernier point, angoissée ; car jamais, auparavant, le musicien n’avait laissé vivre devant nous la torture du monde, si tristement infinie ; aussi fut-ce, en vérité, par un élan désespéré que le Maître, divinement pur et tout rempli de son enchantement, est entré dans ce nouveau monde de lumière, dont le sol lui a présenté aussitôt, superbement épanouie, cette mélodie longtemps cherchée, cette mélodie humaine, délicieusement douce, purement innocente. […] Ces blanches filles aux lignes tournées, mollement, dans une lumière, et cet horizon assombri, où s’avance, sonnant du cor, le héros, cela dit une gaîté où est comme une peur ; M. 

579. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Le merveilleux paysage de la forêt de Fontainebleau, dont l’idylle apparaît au milieu de l’Éducation sentimentale, est peint de même avec des types d’arbre, de petits sentiers, des clairières, des sables, des jeux de lumière dans des herbes ; le fulgurant lever de soleil à la fin du banquet des mercenaires dans le jardin d’Hamilcar, est montré en une suite d’effets particuliers à Cartilage, étincelles que l’astre met au faîte des temples et aux clairs miroirs des citernes, hennissements des chevaux de Khamon, tambourins des courtisanes sonnant dans le bois de Tanit ; et pour la nuit de lune où Salammbô profère son hymne à la déesse, ce sont encore les ombres des maisons puniques et l’accroupissement des êtres qui les hantent, les murmures de ses arbres et de ses îlots, qui sont énumérés. […] Que l’on se rappelle toutes les physionomies modernes que le romancier a mises dans notre mémoire, les camarades de Frédéric Moreau, les hôtes des Dambreux, le père Régimbard imposant, furibond et sec, Arnoux, la délicieuse héroïne du livre ; puis la figure de Madame Bovary, les grotesques, Rodolphe brutal et fort, les croquis des comices, le débonnaire aspect du mari, et les merveilleux profils de l’héroïne  toutes ces figures et ces statures sont retracées analytiquement, en traits et en attitudes ; ainsi : « Jamais Mme Bovary ne fut aussi belle qu’à cette époque… Ses paupières semblaient taillées tout exprès pour ses longs regards amoureux où la prunelle se perdait, tandis qu’un souffle fort écartait ses narines minces et relevait le coin charnu de ses lèvres qu’ombrageait à la lumière un peu de duvet noir. […] Que l’on se rappelle, pour confirmer ces notions, les scènes exactes et comme perçues de Salammbô, ou l’extrême concision des préludes descriptifs, dans la Tentation, les sobres et éclatantes phrases dans lesquelles un détail baroque ou raffiné révèle tout un temps ; le festin d’Hérode, où, dans la succession des actes, pas une page ne souligne l’énorme luxure latente des convives qu’enivre la fumée des mets et la chaude danse de l’incestueuse ballerine ; tous ces rayonnants tableaux sont peints en touches sûres et rares, ¡qui ne montrent d’un spectacle que les fortes lumières elles attitudes passionnantes. […] Félicité, la simple bonne de Mme Aubain, porte au catéchisme où elle accompagne la fille de sa maîtresse, une sensibilité délicate et tactile, jusqu’à de pareilles élévations : « Elle avait peine à imaginer sa personne ; il n’était pas seulement oiseau mais encore un feu et d’autres fois un souffle, c’est peut-être sa lumière qui voltige la nuit, au bord des marécages, son haleine qui pousse les nuées, sa voix qui rend les cloches harmonieuses ; et elle demeurait dans une adoration, jouissant de la fraîcheur des murs et de la tranquillité de l’église. » En s’accoutumant à rendre le dialogue en style indirect, Flaubert se débarrasse encore, de la nécessité des modernistes, forcés de hacher leur phrase à la mesure de paroles lâchées. […] Et l’émoi mystique de la prêtresse phénicienne s’efforçant sous les symboles des dieux et les mythes des théogonies de saisir l’essence de l’être et la signification de ses sourdes ardeurs, puis Hamilcar dans le silence diurne de la maison du Suffète-de-la-Mer, se prosternant sur le sol gazé de sable, et adorant silencieusement les Abaddirs, sous la lumière « effrayante et pacifique » du soleil, qui passe étrange par les feuilles de laitier noir des baies  d’autres scènes ou lunaires ou souterraines, sont décrites en phrases obscures, distantes, qui parlent à certains esprits une langue comme oubliée mais comprise, et suscitant dans les limbes de l’âme des émotions muettes.

580. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Fox courait avec ses culottes de cuir, et prêchait à Cromwell la lumière intérieure. […] Les autres écartent la passion comme un voile ; il l’accepte comme une lumière. […] commence l’illumination féerique des mouches luisantes, qui, par milliards de millions, font des arabesques fantasques, des fantaisies effrayantes de lumière, des grimoires de feu. […] Comme un lustre flamboyant, chargé et encombré de lumières, mais exclu de la grande salle de spectacle, il brûla en secret dans sa chambre, et, après cent cinquante ans, il éblouit encore. […] Les Mémoires de Saint-Simon sont un grand cabinet secret, où gisent entassées sous une lumière vengeresse les défroques salies et menteuses dont s’affublait l’aristocratie servile.

581. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Il compare le ciel de la Grèce à une « pluie de lumière ». […] Souvent, avant d’éclaire, la lumière aveugle. […] Il nous suffira de rapprocher René des Mémoires pour voir jaillir la lumière. […] La lumière de l’aurore eût éclairci les richesses de cette architecture compliquée. […] Guidé par ses lumières, on peut essayer de compléter ce qu’il a dit à l’aide de quelques remarques plus précises.

582. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Ils montaient d’eux-mêmes au plus haut du monde idéal ; ils voulaient contempler les extrêmes générosités, l’amour absolu ; ils ne s’étonnaient point des féeries, ils entraient sans effort dans la région que la poésie transfigure ; leurs yeux avaient besoin de sa lumière. […] Ils sont riches, ils ont tâché de se polir à la française, ils ont ajouté à la scène des décors mobiles, de la musique, des lumières, de la vraisemblance, de la commodité, toute sorte d’agréments extérieurs ; mais le cœur leur manque. […] Néanmoins Waller est d’ordinaire aimable ; une sorte de lumière brillante flotte comme une gaze autour de ses vers ; il est toujours élégant, souvent gracieux. […] Ce peu de matière laisse l’idée percer plus nettement et plus vite ; en effet, tout leur objet est de mettre cette idée en lumière : la simplicité du sujet, le progrès de l’action, la liaison des scènes, tout aboutit là. […] —  Des lumières, des lumières sur l’escalier !

583. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Plus haut, d’autres lumières entourent la première plate-forme, puis la seconde ; et, plus haut encore, très haut, luit une couronne de feu qu’on dirait suspendue dans l’air. […] Les lumières errantes des fiacres font le jour plus blême et plus froid. […] Le labarum que vous voyez au Sommet de la tour, formé par l’entrecroisement des jets de lumière électrique, est à coup sûr une image expressive, mais non point sans apprêt. […] Joignez que la lumière de la rampe affine les contours qu’elle dévore, et ne laisse voir, des visages, que les bouches sanglantes et les yeux luisants. […] Vraiment cela est sinistre, cela rappelle les imaginations d’Edgar Poe… Mais je découvre tout à coup que ce bruit vient des globes de lumière électrique.

584. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

Les gens non artistes ne connaissent pas la valeur fragmentaire des objets éclairés ; la couleur est la lumière, mais pour eux, ils n’apprécient qu’une lumière générale où s’absorbe tout ; ils ne connaissent pas la valeur d’un ton lumineux isolé, restreint à un groupe, à un coin de terre. […] Un atelier ne peut pas servir de modèle pour distribuer la lumière dans un palais. […] Le vrai de la couleur ou de la lumière est si puissant, si important, qu’à peine les plus grands peuvent y arriver. […] que devient la forme devant la sensation de la lumière, et devant le sentiment intérieur ? […] Sous la grande harmonie de la lumière il n’y a rien que de beau et digne d’être contemplé.

585. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Je ne chercherai qu’à extraire du système de nos deux auteurs — si tant est qu’ils aient tous les deux un système — ce qui pourra être mis en rapport avec notre expérience intime et ce qui recevra de celle-ci une lumière. […] Je voudrais présenter les trois grandes découvertes psychologiques dont il me semble que nous sommes redevables à Freud et montrer quelle lumière prodigieuse elles peuvent infuser dans l’étude des faits intérieurs et en particulier des sentiments. […] Freud met donc en lumière la présence dans la conscience d’une activité réductrice ou déformatrice de notre spontanéité obscure. […] Il est en face de quelque chose qui n’est pas encore et que seul il peut réaliser, puis faire entrer dans sa lumière. […] C’est un domaine qu’il n’est pas le premier à explorer, mais dans lequel il a introduit des lumières nouvelles et frappantes.

586. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gille, Valère (1867-1950) »

Ses pièces sont des tableaux délicats, fins, ambrés, pleins d’une lumière si pure, si lumineuse, que la Grèce tout entière nous apparaît dans sa splendeur première, telle que l’ont vue ses héros et ses poètes.

587. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Schuré, Édouard (1841-1929) »

Dans le mythe, au contraire, de grands types se dessinent en traits plastiques, leurs actions glorifient l’essence de l’humanité, et les vérités profondes reluisent à travers le merveilleux comme sous un voile étincelant de lumière. » Pour extraire de l’histoire le même diamant que de la légende, pour en dégager « l’essence de l’humanité », il faut donc des alambics plus puissants, un foyer plus concentré, une transmutation plus énergique… Il n’y a donc pas lien de confondre le symbolisme historique du Théâtre de l’âme avec le symbolisme légendaire du drame wagnérien.

588. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Soumet, Alexandre (1788-1845) »

Philarète Chasles Poète des derniers temps, qui semble enivré de sons et de lumière, de pensées métaphysiques qu’il transforme en images et de créations gigantesques qui le séduisent et le ravissent, nul ne ressemble plus à

589. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Chardin » pp. 220-221

Ô Chardin, ce n’est pas du blanc, du rouge, du noir que tu broies sur ta palette ; c’est la substance même des objets, c’est l’air et la lumière que tu prends à la pointe de ton pinceau, et que tu attaches sur la toile.

590. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Millet Francisque » p. 168

c’est tout ce qu’il vous plaira d’imaginer de froid, de maussade, de mal peint ; couleur, lumières, figures, arbres, eaux, montagnes, terrasses, tout est détestable.

591. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

Dans sa préface, Duclos regrette de n’avoir pu jeter plus de lumière sur la partie financière de son sujet : La politique, dit-il, la guerre, la finance, exigeraient chacune une histoire particulière et un écrivain qui eût fait son objet capital de l’étude de sa matière. […] Qui que nous soyons et dans quelque genre que la vocation ou la destinée nous ait poussés, tâchons d’être de ceux-là ; tâchons, un jour ou l’autre, d’arriver à la perfection de ce qu’il nous est donné de faire, à la réunion de toutes nos forces, à la plus haute puissance de nous-mêmes : et, comme cette heure et cet accident de grâce et de lumière n’est pas en notre pouvoir, tenons-nous prêts et montrons-nous-en dignes en y visant constamment. […] Entre ces érudits modestes qui s’ensevelissent dans les fondations d’un vieux règne et dans les monuments d’un siècle où ils deviennent ensuite d’indispensables guides (comme l’abbé Le Grand), entre ces peintres éclatants et fougueux qui mettent toute leur époque en pleine lumière et qui la retournent plus vivante à tous les regards (comme Saint-Simon), Duclos n’a suivi qu’une voie moyenne, conforme sans doute à la nature de son esprit, mais qu’il n’a rien fait pour élargir, pour décorer chemin faisant, pour marquer fortement à son empreinte et diriger vers quelque but immortel ou simplement durable : l’abbé Le Grand le surpasse dans un sens, comme dans l’autre Saint-Simon le couvre et l’efface, et comme le domine Montesquieu.

592. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Les Français, charmés de leur indépendance, se sont livrés aux plus téméraires conceptions ; ils ont détruit, mais ils ont en même temps creusé, porté la lumière dans les routes les plus obscures ; ils en ont ouvert de nouvelles et forcé les barrières élevées par le préjugé. […] Ami de la perfectibilité au début, il a fini par douter de l’utilité de la science et des avantages que retire l’homme du progrès des lumières. La Révolution naissante l’a surpris dans cette disposition morale, et l’y a bientôt confirmé : Pénétré de ces idées, dit-il, je déplorai les fatales lumières du xviiie  siècle ; et, prévoyant les malheurs qui devaient résulter de la fermentation de la lie de la nation, je me retirai dans ma terre.

593. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

n’osez-vous hasarder votre suffrage sur la foi de vos propres lumières ? […] L’abbé de Pons exhorte l’ami anonyme auquel il écrit à ne pas imiter ceux qui, charmés pour leur compte de la lecture d’un livre nouveau, changent d’avis le lendemain et se retournent en apprenant que des personnes célèbres et d’autorité sont d’un avis contraire : Non, monsieur, non, ne soyez pas infidèle à vos lumières ; osez penser par vous-même, et ne prenez point l’ordre de ces stupides érudits qui ont prêté serment de fidélité à Homère ; de ces gens sans talents et sans goût, qui ne savent pas suivre le progrès des arts et des talents dans la succession des siècles ; de ces scholiastes fanatiques qui entrent dans une espèce d’extase à la lecture de L’Iliade originale, où l’art naissant n’a pu donner qu’un essai informe, et qui n’aperçoivent pas dans les travaux de notre âge le merveilleux accroissement de ce même art. […] Il y a des mots pleins de lumière et de splendeur ; il y en a qui ont la suavité du miel.

594. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Dessaix, a, depuis, remis en lumière un poème de lui intitulé la Savoie, qui avait paru en 1572 à Annecy, dédié à Marguerite de France, sœur de Henri II et duchesse de Savoie, la charmante et spirituelle protectrice des gens d’esprit de son temps. […] … Est-il donc possible, ô misérables, que cette cruelle envie vous prenne de revoir la lumière ! […] renaître, revoir le ciel et la lumière.

595. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

Quelle que fût l’inégalité des deux lumières, l’apparence en était si peu la même, que la plus forte n’a pas éteint l’autre, et n’a servi bien plutôt qu’à la faire ressortir. […] J’ai entre les mains une ode manuscrite de lui, de 1817 ; c’est un regret de ne pouvoir atteindre au but sublime, et le sentiment exprimé de la lutte inégale avec le génie : Et, glorieux encor d’un combat téméraire, Je garde dans mes vers quelques traits de lumière Du dieu qui m’a vaincu41. […] A peine entre ces noirs créneaux Un faible rayon de lumière Jusqu’à mon cachot solitaire Pénètre à travers les barreaux.

596. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Dieu est surtout pour lui un mécanicien, un horloger, qui a calculé et réglé pour toujours la rotation des astres dans leur orbite, qui a organisé suivant les lois de la géométrie la transmission de la lumière et du son à travers l’espace, qui veille à ce que cette harmonie, cet ordre ne soient pas dérangés. […] C’est à l’art de l’historien (et l’art comme le style est éminemment personnel) de savoir faire jaillir des documents entassés la lumière et la flamme ou, si l’on veut, de transmuer la vérité en beauté. […] N’a-t-on pas comparé l’historien à un Rembrandt qui dirige les jets de lumière sur les choses essentielles et laisse dans l’ombre celles qui méritent d’y rester ?

597. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

— Je prétends que les wagnéristes ont plus que le droit, mais le devoir, de demander ou de faire la lumière. […] Le public préfère s’en rapporter à sa bêtise naturelle, qui vaut encore mieux que leurs lumières. […] — Mais, me répondit-il en souriant, si je ne ressentais, en mon âme, la lumière et l’amour vivants de cette foi chrétienne dont vous parlez, mes œuvres, qui, toutes, en témoignent, où j’incorpore mon esprit ainsi que le temps de ma vie, seraient celles d’un menteur, d’un singe ?

598. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Il s’agissait du mot fameux de Moïse au commencement de la Genèse : Dieu dit : Que la lumière soit ! et la lumière fut. […] Ainsi, en toute chose, Huet aimait mieux l’égalité et la douceur de la lumière que le trop de rayons et d’ardeur.

599. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Ces harmonies qu’il ne pouvait réaliser sur la terre dans l’ordre politique et civil, il les demanda à l’étude de la nature, et il en raconta avec consolation et délices ce qu’il en entrevoyait : « Toutes mes idées ne sont que des ombres de la nature, recueillies par une autre ombre. » Mais à ces ombres son pinceau mêlait la suavité et la lumière ; c’est assez pour sa gloire. […] C’est alors seulement qu’il y répandra ce je ne sais quoi de chaleur et de lumière qui nous en réfléchira tout le ciel. […] Pourtant on lit dans sa lettre à Mlle de Lespinasse de belles paroles, entre autres celles-ci : « Je donne aux Muses le temps qui nous est prêté, aux Muses qui consolent du passé et rassurent sur l’avenir… » Et l’éditeur de Condorcet, en citant cette parole, ne s’aperçoit pas qu’il introduit à l’instant comme un rayon de lumière et de sérénité, un coin d’azur, au milieu de ce style gris et terne des encyclopédistes.

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