J’en devins comme fou, je ne rêvais plus qu’île déserte et vie libre au sein de la nature, et me bâtissais, sous la table du salon, des cabanes avec des bûches où je restais enfermé des heures entières. […] Il fallut me retirer, et j’achevai le reste de mes études à Charlemagne, en qualité d’externe libre, titre dont j’étais extrêmement fier, et que j’avais soin d’écrire en grosses lettres au coin de ma copie. […] Il semble que le vieillard de Ferney, approchant ses rides sarcastiques des joues roses de la petite fille, lui ait inoculé, par ce baiser, la lucide raillerie, le tour enjoué et libre, la raison petillante, qui firent distinguer la femme jusqu’au bout de sa longue carrière. […] Sur le sable rouge du terrain, la brosse, comme un doigt qui trace un nom dans la poussière, avait écrit d’un jet fier et libre : Prosper Marilhat. […] Au milieu de ce contraste se trouve la ville, tout à fait en harmonie avec ce paysage bizarre, immense ramas d’édifices à toits plats sans tuiles, noircis par la fumée et couverts de poussière : de loin en loin, un édifice neuf, blanc et scintillant, jaillit de ce tas de maisons grisâtres, de ces rues étroites et noires où se remue un peuple sale quoique très-brillant et bariolé ; de cette poussière, de cette fumée bleue s’élancent vers l’air libre mille et mille minarets, comme le palmier des jardins, minarets couverts d’ornements légers à l’arabe et cerclés de leurs trois galeries de dentelles superposées.
La conversation n’avait pas toujours la même activité ni le même intérêt, mais elle était devenue libre, ce qui contribua à vivifier l’esprit d’Étienne et à lui faire poursuivre ses études avec plus de verve et de suite. […] Le rapin, il faut le croire, est libre et heureux aujourd’hui, mais il n’en était pas ainsi il y a cinquante ans. […] David, devenu membre de la Convention, n’en appuya pas moins, dans la séance du 11 novembre suivant, une pétition des artistes libres demandant la suppression des académies. […] Après que le maître eut indiqué à Pierre quelques précautions à prendre pour terminer l’ébauche commencée, il se retira en laissant Alexandre, Pierre et Étienne libres d’observer son tableau tout à l’aise. […] Vermay et Étienne ayant successivement remporté les prix, leurs camarades, après les avoir proclamés deux fois vainqueurs à leurs dépens, leur laissèrent le champ libre.
Il fut en effet dévoué dès sa première jeunesse à l’instruction publique ; renfermé dans l’exercice de ses fonctions, il vécut pauvre, obscur, mais libre et indépendant, loin du monde et de toute espèce d’intrigue, sans faire la cour à personne, sans solliciter de faveur, de récompense, de pension. […] Corneille et Racine, assujettis aux lois du code galant, n’en ont pas moins composé des chefs-d’œuvre : leurs successeurs, plus libres, peuvent se dispenser de mettre de la galanterie dans leurs pièces ; mais ils se dispensent aussi d’y mettre cette foule de beautés qui, chez Corneille et Racine, demandent grâce pour quelques fadeurs. […] Une pièce jouée depuis cent soixante ans est curieuse comme une antique ; c’est un monument historique des mœurs du temps ; le ton en est quelquefois libre et même grossier : la corruption n’était pas encore assez avancée pour que le théâtre pût être bien épuré ; on y parle des femmes Que le son d’un écu rend traitables à tous.
On était alors au plus fort de la querelle religieuse ; il n’y avait pas dix ans que Les Provinciales avaient paru : Fléchier, on le sent, les a beaucoup lues, et son ironie en profite ; mais il garde son jugement libre, et il se moque doucement des deux partis.
« On a bien de la peine à rompre, quand on ne s’aime plus. » On en était à ce point de difficulté : M. de Nemours le trancha, et M. de La Rochefoucauld saisit avec joie une occasion d’être libre, en faisant l’offensé : « Quand nous sommes las d’aimer, nous sommes bien aises qu’on nous devienne infidèle pour nous dégager de notre fidélité. » Il fut donc bien aise, mais non pas sans mélange ni sans des retours amers : « La jalousie, il l’a dit, naît avec l’amour ; mais elle ne meurt pas toujours avec lui. » Le châtiment de ces sortes de liaisons, c’est qu’on souffre également de les porter et de les rompre.
A travers ce croisement d’idées et de sentiments, rien n’opprimait le jeu libre de la pensée et n’en forçait la direction ; les jeunes esprits avaient de quoi s’y gouverner eux-mêmes dans leur droiture et y faire leur voie.
Je ne puis m’empêcher de remarquer que cette libre éducation, si peu semblable à la discipline de plus en plus stricte d’aujourd’hui, sous laquelle on surcharge uniformément de jeunes intelligences, est peut-être celle qui a fourni de tout temps aux lettres le plus d’hommes distingués : l’esprit, à qui la bride est laissée un peu flottante, a le temps de relever la tête et de s’échapper çà et là à ses vocations naturelles.
C’est que les hommes qui en prirent la direction d’une main ferme et téméraire n’avaient donné à la démagogie aucun de ces gages et de ces complicités qui lient les hommes d’État aux excès de la multitude ; c’est surtout parce que la leçon terrible de 1793 a frappé l’esprit du peuple, et que la presse et la tribune libres avaient depuis trente années formé ce peuple par un certain apprentissage de la liberté.
Jusqu’ici j’ai méprisé le mariage, je suis arrivé à quarante ans sans que mon cœur ait battu plus vite d’une pulsation à la vue d’une femme, veuve ou fille, contadine de village ou dame de la ville ; mais l’âge vient, je suis libre, je suis riche.
Qu’on imagine l’invention libre dans la tête de Michel-Ange, les trésors de la catholicité à sa disposition, le ciseau dans sa main, le pape devant lui applaudissant à sa propre apothéose.
Par lui, la philosophie cessa pendant un demi-siècle d’être un libre exercice de la pensée.
Le problème posé devant Racine était donc celui-ci : d’une part, chercher à faire les pièces les plus agréables au public contemporain ; d’autre part, ne traiter que des sujets anciens ou étrangers… Puisque la voie n’était vraiment ouverte et libre que du côté de l’antiquité, la difficulté était de rendre cette antiquité intelligible et acceptable à la société du temps de Louis XIV et à la cour, qui donnait le ton.
C’est lui, c’est ce besoin de vie libre, et de génie indépendant qui pousse Walther à enlever Eva, et qui se retrouve plus tard quand Sachs dit au chevalier : « Montrez que le lied n’est pas de moi ».
Il me fait l’effet d’une ville libre, hantée et habitée par tous les galoupiats de l’Europe.
M. de Lamartine a jeté dans ses admirables chants élégiaques toute cette haute métaphysique sans laquelle il n’y a plus de poésie forte ; et ce que l’âme a de plus tendre et de plus douloureux s’y trouve incessamment mêlé avec ce que la pensée a de plus libre et de plus élevé.
Comme la supériorité que la société a sur lui n’est pas simplement physique, mais intellectuelle et morale, elle n’a rien à craindre du libre examen, pourvu qu’il en soit fait un juste emploi.
Nul ne sera libre de n’en pas tenir compte.
Il était, le 25, parfaitement maître libre de ses relations. […] Qu’on la laisse libre, qu’on ne lui enchaîne pas les mains ou qu’on se résigne à ce qu’elle n’accepte point les couronnes qui lui sont des menottes. […] Les femmes n’ont pas encore l’accès libre à toutes les fonctions ; les femmes n’ont pas encore la complète égalité civile avec les hommes, les femmes n’ont aucun droit politique. […] Nul n’est libre de préférer… Alors, qu’ont-ils bien voulu dire, les membres de la grande sous-commission ? […] Les nations fortes sont celles où le citoyen méprise l’argent pour lui et ne l’estime que consacré à de grandes œuvres sociales (soit nationales, soit d’associations libres).
Enfin, placé entre le mépris de Modeste et la crainte d’offenser la duchesse de Chaulieu, sa tendre protectrice, le poète prend son parti en brave, et laisse le champ libre à ses adversaires. […] Il se trouva libre et put user de son indépendance en étudiant des hommes dont le mérite était moins rebelle à sa bonne volonté de faire briller tout ce qu’il touche.
Ce sont chez le duc de Nevers des soupers délicieux et libres avec Chaulieu et La Fare, avec le grand prieur de Vendôme, tous libertins de mœurs et d’esprit qui côtoient le grand siècle sans en être, et n’attendent que la Régence.
Je comprends très bien que Victor Hugo, plus libre, plus plein de loisirs que moi, ait été tenté par ce seul sujet, véritablement digne de l’homme, par ce poème, terrible et touchant à l’invraisemblable, de la misère des êtres humains : seulement je ne comprends pas autant pourquoi il fait de cette souffrance universelle des êtres un sujet d’amertume, de critique acerbe, d’accusation contre la société.
. — « Mon bon cousin, disait-elle au duc de Guise, celuy que j’ay le plus cher au monde, je vous dis adieu, estant preste par injuste jugement d’estre mise à mort, telle que personne de nostre race, grasces à Dieu, n’a jamays receue, et moins une de ma qualité ; mais mon bon cousin, louez-en Dieu, car j’estois inutile au monde en la cause de Dieu et de son Église, estant en l’estat où j’estois ; et j’espère que ma mort tesmoignera ma constance en la foy, et promptitude de mourir pour le maintien et restauration de l’Église catholique en ceste infortunée isle ; et, bien que jamais bourreau n’ait mis la main en nostre sang, n’en ayez honte, mon amy, car le jugement des hérétiques et ennemys de l’Église, et qui n’ont nulle jurisdiction sur moy, royne libre, est profitable devant Dieu aux enfants de son Église ; si je leur adhérois, je n’aurois ce coup.
Il n’y a sûrement pas un établissement au monde où l’élève soit plus libre.
Comme penseur, il aura déblayé le terrain encombré et inculte avant lui ; il aura facilité à ceux qui le suivront les voies à suivre pour l’art libre et un tout ensemble.
Au milieu de la libre mythologie hellénique, elle introduit un Ordre presque monastique, ayant sa règle et sa discipline, ses rituels et ses pénitences, qui prétend l’épurer et la réformer.
Ce mot de spontanéité n’a aucun sens intelligible : Kant ne peut prétendre que l’entendement crée en toute liberté les formes qu’il applique aux choses et les rapports qu’il établit entre elles ; d’autre part, il n’admet pas que l’application de l’esprit dans l’attention soit libre ; que signifie alors la spontanéité ?
Leurs romans sont presque toujours des livres « libres ».
Celles de Dancourt, de Le Grand, de Régnard & de Molière, sont trop libres quelquefois, & même obscènes.
… Cette pauvre vieille libre pensée mourante d’une triste maladie pédiculaire.
Le raide, le tout fait, le mécanique, par opposition au souple, au continuellement changeant, au vivant, la distraction par opposition à l’attention, enfin l’automatisme par opposition à l’activité libre, voilà, en somme, ce que le rire souligne et voudrait corriger.
Aux flots de tes discours Gonflés de faux sanglots j’ai laissé libre cours ; Je n’aurais pas subi l’affront de cette boue, Si le roi ne l’avait exigé, je l’avoue ; Et, suivant ton désir, si j’élève la voix, C’est pour que son écho réveille dans ces bois Et dresse contre toi les justes Euménides Qui ne laissent pas vivre en paix les parricides. […] Libre à chacun d’agir à sa guise. […] Elle a toujours voulu que son union avec la France fût une collaboration et une association libre. […] C’est de vive voix que vous me permettrez, s’il y a lieu, de poursuivre une discussion où je sais tous les risques que je cours, mais où je compte parmi mes avantages celui de m’adresser à l’esprit critique le plus ouvert et le plus libre, et, au cas où je me tromperais, à l’homme le plus capable de me redresser utilement. — G.
Un homme qui a bien vécu se sent plus libre dans sa solution : l’est-il davantage ? […] Victor Hugo qui se présente à son tour, avec une audace presque militaire, son patriotique amour pour une France libre et glorieuse, sa vive sympathie pour une jeunesse dont il est un des chefs éclatants ; mais en même temps, par ses opinions premières, par les affections de son adolescence, qu’il a consacrées dans plus d’une ode mémorable, le poète était lié au passé qui finit, et avait à le saluer d’un adieu douloureux en s’en détachant.
Çà et là, de loin en loin, apparaît la trace d’une protestation, un talent libre et grand qui n’est plus dans le goût du siècle. […] La première forme que la Gaule revêt dans votre esprit est celle d’une personne de grande allure, libre, puissante, de forme robuste et dégagée, la fille bien découplée des forêts, la femme sauvage et guerrière, dont la voix était écoutée dans les conseils de la patrie.
Elles mettent un peu de folie dans le monde ; elles soufflètent le billet de banque sur les deux joues ; elles sont le caprice lâché, nu, libre et vainqueur dans le monde des notaires et des épiciers de morale à faux poids201. […] Pour le poète qui nous occupe, cette civilisation fut la dernière éducatrice, la plus importante peut-être qui ait pesé sur son avenir philosophique et littéraire ; elle lui donna le sujet de plusieurs ouvrages que l’on ne compte pas parmi les moins élevés ; elle lui montra surtout la direction définitive où sa pensée, libre d’entraves, devait se développer et se mouvoir. […] Dès qu’il laisse le champ libre au vagabondage de sa rêverie, c’est par bonds désordonnés qu’elle s’enlève immédiatement vers les espaces inaccessibles jusqu’à des conceptions qui effleurent presque les extravagances des hallucinés. […] Quand l’auteur laisse parler son inspiration franche et libre, sans essayer de pasticher ses prédécesseurs, ou bien il écrit les Ballades joyeuses et les Odes funambulesques, ou bien il cisèle ses poésies néo-helléniques et ses courtes nouvelles pseudo-modernes, plus riches de couleur et de lumière que de philosophie et d’observation.
A peine libre, Alceste a dit : « Maintenant à l’autre fripon. […] Du temps du Théâtre libre, à Paris, de 1890 à 1900, on joua une pièce dont j’ai également oublié le nom, dont le sommaire était ceci : Un jeune homme tient des propos dénigrants sur la religion, puis sur la morale, puis — nous sommes au temps de la guerre d’Espagne (1823) — contre le patriotisme et il chante les vers de Béranger : Brav’ soldats, v’là l’ord’ du jour : Garde à vous ! […] L’auteur avait voulu expérimenter jusqu’à quel point précis le public du Théâtre libre était anarchiste et il y avait très bien réussi. […] Regnard, un des moins libres, n’est pas le moins dangereux.
Et tout à coup, on apprenait, par des articles de journaux auxquels on refusa d’abord toute créance, que nous renoncions, d’un cœur léger, à un héritage conquis, depuis des siècles ; nous quittions un poste d’honneur ; nous manquions à nos engagements… Quand les marins de l’amiral Conrad rentrèrent précipitamment dans leurs canots pour prendre le large et laisser le champ libre aux boulets et aux obus de l’escadre anglaise, de pauvres gens leur disaient, surpris et consternés : « Est-ce que vous partez pour ne plus revenir ? […] Gabriel Bonvalot était déjà en quête de terres vierges, d’étoiles nouvelles, d’horizons qui ne fussent pas limités par des tuyaux de cheminées et d’hommes inconnus, qui fussent exempts de snobisme et libres des servitudes de l’habit noir. […] La conscience, que Jean-Jacques Rousseau appelait, comme vous savez, une « immortelle et céleste voix, guide assuré d’un être ignorant et borné, mais intelligent et libre », ne jette dans les plaines du Tibet, que des clartés incertaines. […] L’aiguilleur a tourné le disque ; la voie est libre ; il ne tient qu’à nous de sortir tout à fait des guinguettes suburbaines où nous étions empêtrés et piétinants, et d’aller de l’avant vers les clartés errantes que nous voyons poindre à l’horizon.
Un gouvernement, dont un membre a osé écrire qu’Homère était à mettre au rancart, et que Le Misanthrope de Molière manquait de gaieté, apparaît au bourgeois, plus épouvantant, plus subversif, plus antisocial, que si ce gouvernement décrétait, le même jour, l’abolition de l’hérédité, et le remplacement du mariage par l’union libre. […] Le passage est encore libre, à la rigueur, mais je n’ai pas la volonté de m’en aller. […] Ai-je touché à la vie libre et occupée de ce que j’aime ?
Saint-Simon, libre et vacant, et, sauf la faveur avec le roi perdue sans remède, nageant d’ailleurs en pleine cour, sur bien des récifs cachés, mais sans rien d’une disgrâce apparente, intimement lié avec plusieurs des ministres d’État, était plus que personne en position et à l’affût pour tout savoir et pour tout écrire.
XIV Ai-je besoin de noter le sophisme au milieu de ce pêle-mêle éblouissant de vérités et d’erreurs, où l’homme coupable se croit le droit de conclure à la condamnation de cette pauvre société, et le droit de haïr l’homme social parce qu’il ne se sent pas capable d’être assez libre si la société ne lui fait pas place pour le droit qu’il rêve et pour l’indépendance qu’il convoite ?
Musset est exquis dans l’œuvre courte, libre, où sa fantaisie peut errer à l’aise, se reposant et repartant quand il lui plaît : le conte, l’épître (tournée en méditation, ou distribuée en strophes lyriques), voilà où il excelle.
Outre un tour plus libre, plus dégagé, sans que le tissu du style en soit moins serré, ni les rapports des mots aux choses moins exacts que dans Descartes, il y a de tous les styles dans le style de Pascal, parce qu’il y a de tous les hommes dans l’écrivain.
Notre vulgarité d’aperçus nous permet à peine d’imaginer combien un tel état différait du nôtre, quelle prodigieuse activité recélaient ces organisations neuves et vives, ces consciences obscures et puissantes, laissant un plein jeu libre à toute l’énergie native de leur ressort.
Il n’y a plus de république d’hommes libres ; il n’y a plus que des rois issus d’un sang lourd, des majestés dont tu sourirais.
Nous entendîmes là, dans ce salon d’art et de libre pensée, M.
L’égoïsme est demeuré la vertu bourgeoise par excellence : il est le produit nécessaire du système économique et de la libre concurrence, qui déchaînent et entretiennent dans la société capitaliste la guerre de tous contre tous sans trêve ni merci.
» s’écrie-t-il en strophes lyriques ; je puis donc maintenant donner un libre cours à mes désirs !
Voyez la femelle du cokila : avant de prendre son vol libre et vagabond dans les airs, ne dépose-t-elle pas ses œufs dans un nid étranger, laissant à d’autres oiseaux le soin de faire éclore et d’élever ses petits ?
Ainsi, si nous faisons jeûner le corps, l’esprit en sera plus dégagé & plus libre.
Cela ne veut pas dire, encore une fois, que l’action libre soit l’action capricieuse, déraisonnable. […] Au contraire, une conduite vraiment nôtre est celle d’une volonté qui ne cherche pas à contrefaire l’intelligence et qui, restant elle-même c’est-à-dire évoluant, aboutit par voie de maturation graduelle à des actes que l’intelligence pourra résoudre indéfiniment en éléments intelligibles sans y arriver jamais complètement : l’acte libre est incommensurable avec l’idée, et sa « rationalité » doit se définir par cette incommensurabilité même, qui permet d’y trouver autant d’intelligibilité qu’on voudra.
Pour moi, qui suis de ceux qui sont accoutumés à se glorifier de courir en une libre et vague carrière, j’ai toujours regretté, je l’avoue, qu’on ne pût y introduire quelque motif d’action plus précis, plus déterminé.
Ballanche ce qu’il a dit de la pensée humaine en général ; son idée s’émancipa de cette forme de la Restauration où elle avait voulu trouver asile, et, devenue plus libre, elle plana dans des cercles indéfinis.
Pétrone, parlant d’un poëme de la Guerre civile, en esquisse largement la poétique en ces termes : « Il ne s’agit pas, dit-il, de comprendre en vers tout le récit des faits, les historiens y réussiront beaucoup mieux ; mais il faut, par de merveilleux détours, par l’emploi des divinités, et moyennant tout un torrent de fables heureuses, que le libre génie du poëte se fasse jour et se précipite de manière qu’on sente partout le souffle sacré, et nullement le scrupule d’un circonspect récit qui ne marche qu’à couvert des témoignages102. » On se ressouvient involontairement de cette recommandation en lisant les Argonautes ; non certes que les fables et les prodiges y fassent défaut : ils sortent de terre à chaque pas ; mais ici ces fables et ces prodiges sont, en quelque sorte, la suite des faits mêmes, et il ne s’y rencontre aucune machine supérieure, aucune invention dominante et imprévue, pour donner au poëme son tour, son impulsion, sa composition particulière.
On y lit ces mots souvent cités :« Vous êtes en Provence, ma belle ; vos heures sont libres, et votre tête encore plus ; le goût d’écrire vous dure encore pour tout le monde ; il m’est passé pour tout le monde ; et si j’avois un amant qui voulût de mes lettres tous les matins, je romprois avec lui. » Mme de La Fayette était très-vraie et très-franche ; il fallait la croire sur parole 110 :« Elle n’auroit pas donné le moindre titre à qui que ce fût, si elle n’eût été persuadée qu’il le méritoit ; et c’est ce qui a fait dire à quelqu’un qu’elle étoit sèche, quoiqu’elle fût délicate111. » Mme de Maintenon, avec qui Mme de La Fayette avait eu liaison étroite, était d’un esprit aussi merveilleusement droit, mais d’un caractère moins franc ; aussi judicieuse, mais moins vraie ; et cette différence dut contribuer à leur refroidissement.
»169 Libre à Lessing d’admirer cette concision.
Elle avait tant vu familièrement la célébrité et la passion, qui n’avaient pas fait le bonheur de sa mère, qu’elle avait appris dès l’enfance à n’estimer que la vertu ; mais cette vertu était libre et grande, une vertu antique ; sa religion ne rétrécissait rien de ses pensées, sa foi donnait à sa physionomie une expression grave comme celle des femmes qui sortent des temples où elles ont eu commerce avec Dieu ; elle sortait à toute heure de l’infini.
« — Étais-je libre, oui ou non, d’en faire ce que bon me semblait ?
. — « Tandis que nous percevons l’augmentation ou la diminution de chaleur ou de lumière, a dit le naturaliste allemand Nægeli, nous ne savons pas si l’air dans lequel nous respirons contient ou non de l’électricité libre, si cette électricité est positive ou négative. » Toutefois, dans les journées d’orage, nous avons une vague sensation de lourdeur et de tension, qui n’a rien de bien spécifique.
Lachelier distingue trois idées pures de l’être, dont « la plus haute, naît d’un libre vouloir et n’est réellement que liberté ». « Cette idée, ajoute-t-il, n’a pas, à proprement parler, d’image sensible ; mais elle se réalise dans la pensée appliquée ou empirique, qui réfléchit sur la conscience sensible et affirme l’existence des éléments qui la constituent. » Ainsi naissent les formes à priori.
* * * — Il semble que dans la création du monde, Dieu n’a pas été libre et tout-puissant.