Théodore de Banville Né dans un village, arrivé presque à l’âge d’homme sans éducation et sans lettres, Albert Glatigny entrevit l’art pour la première fois sous cette forme sensible qui seule peut s’imposer aux esprits ignorants.
« Ensuite, si vous lisez ce petit Ouvrage, vous serez étonné de n’y trouver qu’un homme raisonnable, humain, philosophe même, qui combat un préjugé, qui pourroit avoir tort dans le fond, sans qu’il fût possible de lui faire le moindre reproche dans la forme ; enfin, qui n’a point cherché à justifier cette abominable catastrophe dont on le suppose le panégyriste, qui a tenu, à ce sujet, le langage d’un cœur compatissant & d’un esprit éclairé.
Vous trouverez dans l’un de la grandeur de formes et de la noblesse.
C’est cette pente qui donne à chaque civilisation son degré et sa forme, et c’est elle qu’il faut tâcher de décrire et de mesurer. […] Il y a une foi commune sous toutes ces différences de sectes ; quelle que soit la forme du protestantisme, son objet et son effet sont la culture du sens moral ; c’est par là qu’il est ici populaire ; principes et dogmes, tout l’approprie aux instincts de la nation. […] Ils ne l’aiment pas pour lui-même, ils le répriment dès qu’il veut être indépendant ; ils exigent que la raison soit chrétienne et protestante, ils la démentiraient sous une autre forme ; ils la réduisent à l’humble rôle de servante, et lui donnent pour souverain leur sens intime biblique et utilitaire. […] Les formes ne les ont point polis ; ils sortent intacts des mains de la nature, âpres dans leur hardiesse native de cœur, fidèles à ce qu’ils croient le juste, supérieurs à la contrainte. […] Il a beau avouer tout haut qu’en l’état où il est, son ennemi « désarmerait une rancune privée » ; il redouble. « Pour ma part, je ne prétends point comprendre ces prudentes formes du décorum, ces douces règles de discrétion que certaines gens essayent de concilier avec la conduite des plus grandes et des plus hasardeuses affaires.
Il fait bien ressortir l’absence de plan, les contradictions entre l’appareil didactique et certaines formes convenues d’enthousiasme : Que de tableaux divers ! […] La manière littéraire a beau changer ; les formes du style. […] Fontanes avait adroitement emprunté et prodigué les formes sacramentelles du jour : « Une grande Commune a mérité l’indignation nationale : mais qu’avec l’aveu de ses égarements vous parvienne aussi l’expression de ses douleurs et de son repentir ! […] Le bruit venait de se répandre dans Paris qu’une révolution républicaine avait éclaté à Rome et y avait changé la forme du gouvernement « A BONAPARTE. […] Il y a pourtant des endroits où il s’essaye directement, lui aussi, à l’imitation de la forme antique : il y réussit dans l’ode au jeune Pâtre, et dans quelques autres.
Jeune homme, qui vous destinez aux lettres et qui en attendez douceur et honneur, écoutez de la bouche de quelqu’un qui les connaît bien et qui les a pratiquées et aimées depuis près de cinquante ans, — écoutez et retenez en votre cœur ces conseils et cette moralité : Soyez appliqué dès votre tendre enfance aux livres et aux études ; passez votre tendre jeunesse dans l’etude encore et dans la mélancolie de rêves à demi-étouffés ; adonnez-vous dans la solitude à exprimer naïvement et hardiment ce que vous ressentez, et ambitionnez, au prix de votre douleur, de doter, s’il se peut, la poésie de votre pays de quelque veine intime, encore inexplorée ; — recherchez les plus nobles amitiés, et portez-y la bienveillance et la sincérité d’une âme ouverte et désireuse avant tout d’admirer ; versez dans la critique, émule et sœur de votre poésie, vos effusions, votre sympathie et le plus pur de votre substance ; louez, servez de votre parole, déjà écoutée, les talents nouveaux, d’abord si combattus, et ne commencez à vous retirer d’eux que du jour où eux-mêmes se retirent de la droite voie et manquent à leurs promesses ; restez alors modéré et réservé envers eux ; mettez une distance convenable, respectueuse, des années entières de réflexion et d’intervalle entre vos jeunes espérances et vos derniers regrets ; — variez sans cesse vos études, cultivez en tous sens votre intelligence, ne la cantonnez ni dans un parti, ni dans une école, ni dans une seule idée ; ouvrez-lui des jours sur tous les horizons ; portez-vous avec une sorte d’inquiétude amicale et généreuse vers tout ce qui est moins connu, vers tout ce qui mérite de l’être, et consacrez-y une curiosité exacte et en même temps émue ; — ayez de la conscience et du sérieux en tout ; évitez la vanterie et jusqu’à l’ombre du charlatanisme ; — devant les grands amours-propres tyranniques et dévorants qui croient que tout leur est dû, gardez constamment la seconde ligne : maintenez votre indépendance et votre humble dignité ; prêtez-vous pour un temps, s’il le faut, mais ne vous aliénez pas ; — n’approchez des personnages le plus en renom et le plus en crédit de votre temps, de ceux qui ont en main le pouvoir, qu’avec une modestie décente et digne ; acceptez peu, ne demandez rien ; tenez-vous à votre place, content d’observer ; mais payez quelquefois par les bonnes grâces de l’esprit ce que la fortune injuste vous a refusé de rendre sous une autre forme plus commode et moins délicate ; — voyez la société et ce qu’on appelle le monde pour en faire profiter les lettres ; cultivez les lettres en vue du monde, et en tâchant de leur donner le tour et l’agrément sans lequel elles ne vivent pas ; cédez parfois, si le cœur vous en dit, si une douce violence vous y oblige, à une complaisance aimable et de bon goût, jamais à l’intérêt ni au grossier trafic des amours-propres ; restez judicieux et clairvoyant jusque dans vos faiblesses, et si vous ne dites pas tout le vrai, n’écrivez jamais le faux ; — que la fatigue n’aille à aucun moment vous saisir ; ne vous croyez jamais arrivé ; à l’âge où d’autres se reposent, redoublez de courage et d’ardeur ; recommencez comme un débutant, courez une seconde et une troisième carrière, renouvelez-vous ; donnez au public, jour par jour, le résultat clair et manifeste de vos lectures, de vos comparaisons amassées, de vos jugements plus mûris et plus vrais ; faites que la vérité elle-même profite de la perte de vos illusions ; ne craignez pas de vous prodiguer ainsi et de livrer la mesure de votre force aux confrères du même métier qui savent le poids continu d’une œuvre fréquente, en apparence si légère… Et tout cela pour qu’approchant du terme, du but final où l’estime publique est la seule couronne, les jours où l’on parlera de vous avec le moins de passion et de haine, et où l’on se croira très clément et indulgent, dans une feuille tirée à des milliers d’exemplaires et qui s’adresse à tout un peuple de lecteurs qui ne vous ont pas lu, qui ne vous liront jamais, qui ne vous connaissent que de nom, vous serviez à défrayer les gaietés et, pour dire le mot, les gamineries d’un loustic libéral appelé Taxile Delord.
Lisez encore ces choses, ni poèmes en prose (titre et forme bien affadis depuis ces maîtres, Aloysius Bertrand, Charles Baudelaire, Stéphane Mallarmé, Arthur Rimbaud), ni contes, ni récits, ni même histoires, le Hareng saur, angélique enfantillage justement célèbre, et le Meuble, que j’ai toutes raisons d’environner de sympathies même intrinsèques pour ainsi parler, l’ayant possédé, ce meuble, du temps où je possédais quelque chose au soleil de tout le monde.
Nul mieux que lui ne conclut une strophe un peu burlesque, soigneusement découpée en ses principales parcelles rythmiques par un majestueux ternaire, et souvent le sérieux de la forme est complice de la drôlerie du fond pour exciter l’éclat de rire, ou plutôt le sourire, car c’est à susciter ce sourire que vise M.
Oui, cette forme curieuse, bizarre, ce jouet charmant, mais qui n’est qu’un jouet, est le mode préféré, que dis-je ?
Mais quelle maîtrise de forme en somme, et quelles joies inavouées parfois, à rouvrir ce « livre précieux de haine comme un écrin, aux poisons »… [La Vogue (1899).]
Comme si ces antinomies de la forme et du fonds n’avaient chance de se résoudre !
Taine, un chapitre de Roodbu sur la peinture, les recherches de Posnettbv sur la littérature de clan, de Parker sur l’origine des sentiments que nous associons à certaines couleurs, de Rentonbw et de Bainbx sur les formes du style.
Un corps de savants qui se forme de lui-même, ainsi que la société des hommes s’est formée, celle-ci pour lutter avec plus d’avantage contre la nature, celui-là par le même instinct ou le même besoin : la supériorité avouée des efforts réunis contre l’ignorance.
Excepté une certaine aristocratie de forme que nous aimons à retrouver dans leur livre, il n’y a rien, du moins pour nous, dans leur histoire, qui indique l’énergie d’une pensée arrêtée et approfondie et l’enthousiasme ou la fermeté d’une conviction.
C’est en sortant de cette mêlée, que Moncrif forme le projet d’écrire l’Histoire des Chats. […] Mais à la fin je les comparais aux chats qui ne sont peut-être qu’une belle forme souple. […] Sans doute la forme n’y est pas très élégante, mais la connaissance et l’amour du sujet y sont. […] Par contre, le drame shakespearien est imparfait et brouillé dans sa forme, assujetti sans doute aux procédés de l’époque. Or, c’est cette forme imparfaite qui fît pousser le cri d’enthousiasme.
Elle a la forme qu’on veut lui donner. […] Je reconnais, cependant, que rajeunir par la forme (et celle de M. […] Ils ont voulu dire que la première forme de l’amour (1º), sa forme générale, l’attrait pour le sexe, c’était là ce que le mari devait avoir pour sa femme et devait lui montrer. […] La lâcheté qui prend pour forme le mensonge est quelquefois, est souvent, non pas seulement une politesse, mais un acte de bonté. […] L’Académie de Peinture et de Sculpture renaît sous la forme et sous le nom de Classe des Beaux-Arts.
Il faut du temps pour renouveler une forme d’art, et il y a des périodes où ça ne va pas. […] La forme convenable à une action dramatique de ce genre, le « moule » nécessaire, c’était le moule de Racine. […] Ce sont d’admirables morceaux, et d’une forme où M. […] D’où une œuvre très particulière, simple au fond, assez complexe et contrastée dans la forme. […] Or, de ces deux formes de l’inévitable lutte pour la vie, la forme quotidienne et éparse et la forme exceptionnelle et ramassée, on peut soutenir que ce n’est pas celle-ci qui est la plus ignoble.
Georges Rodenbach Ils sont exquis de sentiment, de vocabulaire, d’image, ces vers choisis au hasard dans un livre soigné, et d’un métier sur de lui-même, qui, sans rompre avec toute la tradition d’une prosodie fondée en raison, profite des acquêts nouveaux, aère l’alexandrin, ductilise le sonnet, embrume la rime jusqu’à l’assonance ; et ce n’est pas un des moindres charmes de ce poème que la netteté des impressions et des pensées en une forme fluide et flottante, comme qui dirait des figures de géométrie faites avec de la fumée.
Ce n’est pas un sentiment : c’est un poids réel, une douleur causée par un je ne sais quoi de caché, d’invisible, mais que l’on doit pouvoir arracher de la plaie comme un trait de la blessure… Aussi le remords pour Caïn prend-il la forme d’un œil qui brille au fond des cieux, et qui demeure fixé sur le meurtrier.
Il ne commandera pas non plus au respect, parce qu’il ne sut pas — ou ne voulut pas — donner à son art la forme impeccable devant laquelle s’agenouillent si dévotement les jeunes, qui sont de si charmants et de si vains poètes.
Les passions veulent être attaqués dans leur germe ; il faut les suivre sous toutes les formes qu’elles prennent, les forcer dans tous les retranchemens, les opposer elles-mêmes à elles-mêmes, & les confondre dans les ressources qu’elles emploient pour se justifier.
Ainsi le petit nombre de personnes que ce genre d’études intéresse pourra comparer, et pour la forme et pour le fond, les trois manières de l’auteur à trois époques différentes, rapprochées, et en quelque sorte confrontées dans le même volume.
Parmi les artistes qui, sous toute forme et dans toute œuvre, arrivent à ce degré de profondeur et d’intensité qui est plus que la vie et qui en constitue l’idéal, il y a ceux qui ont tiré à eux toute cette magnifique couverture du nom de poètes et qui l’ont gardé pour eux seuls.
Son amusement, sa création, c’est de regarder autour de lui, au hasard, et de noter le vrai sous forme concise et piquante. […] Elle sait s’y créer une forme, comme on dit. […] Sa forme sera moins vive que par le passé, moins incisivement paradoxale, moins insouciante avec légère ironie. […] Elle n’aimait pas l’art avant tout, et voyait le fond plutôt que la forme, préférant la pensée moderne à la beauté antique.
D’autres fois c’était un combat singulier en forme, dont tout le reste de la société était tranquille spectateur. […] Les magistrats eux-mêmes ne brûlent que pour la forme […] Lorsque paraît l’estampe publiée au profit des Calas, « toute la France, et même toute l’Europe, s’empresse de souscrire, l’impératrice de Russie, pour 5 000 livres532. » — « L’agriculture, l’économie, les réformes, la philosophie, écrit Walpole, sont de bon ton, même à la cour. » — Le président Dupaty ayant fait un mémoire pour trois innocents condamnés à la « roue », on ne parle plus que de cela dans le monde ; « ces conversations de société, dit une correspondante de Gustave III533, ne sont plus oiseuses, puisque c’est par elles que l’opinion publique se forme. […] Les formes de l’édifice restant intactes, nous ne voyions pas qu’on le minait en dedans.
Les vérités d’évidence, qui ont survécu aux vicissitudes du cartésianisme philosophique, doivent être comptées parmi les plus nobles conquêtes de l’esprit humain, sous la forme de l’esprit français. […] Cette croyance ne dépend ni du pays, ni du temps, ni des religions établies, ni de la forme des sociétés, bien qu’elle puisse s’accommoder de toutes ces circonstances. […] Depuis la Renaissance, les plus grands esprits ne sont que des érudits de génie, et l’esprit français se forme, se discipline, s’enrichit, à l’école des idées et des souvenirs des deux antiquités. […] C’est cet homme qui se fait une taille pour toutes les formes d’habit ; qui imite tout ce qui plaît ; qui se règle en toutes choses par la réputation plutôt que par la raison.
fait Flaubert, parce qu’il faudrait avoir trouvé la forme et la manière de s’en servir. […] Je me trouvais à Lucerne, regardant du haut du pont, près d’une femme accoudée à mes côtés, sur le parapet, des canards qui ont une tache, en forme d’amande sur la tête. […] Il me semblait entendre un très charmant et très méchant fou, venant dire à notre table, sous une forme quelconque, leurs vérités à nos seigneurs les démocrates. […] Il est en moi le rêve de faire un livre, qui, sous la forme d’un journal, s’appellerait « Un an au Japon », et un livre encore plus senti que peint.
La politesse des officiers de cette jeune armée, en opposition avec la grossièreté des représentants du peuple, lui avait paru le modèle de la politesse du nouveau régime. « L’absence des formes de convention semblait mettre dans tout son jour la bienveillance et la bonté de ces jeunes héros. » Il avait recueilli de la bouche des soldats quelques-unes de ces paroles patriotiques et simples qui leur sont familières dans les journées immortelles, et qui lui étaient allées au cœur ; aussi Bonstetten, revenant à Paris, jouissait des changements accomplis, mais ne s’en étonnait pas. […] Les gens qui en manquent admirent votre savoir ; peu voient l’esprit et le bon esprit qu’il y a, et presque personne ne veut rendre justice au style français, parce que presque tous ont le sentiment que ce style est étranger à Genève, où l’on manque de goût et, à peu d’exceptions près, du talent d’écrire, que vous avez éminemment. — Le talent de bien écrire vient de l’âme ; ses formes se prennent dans la société. […] Après cette imitation, il faut franchir le pas et devenir original dans sa forme nationale.
Descendants des Romains, ou du moins enfants d’adoption de la race latine, cette race initiée elle-même au culte du beau par les Grecs, nous avons à embrasser, à comprendre, à ne jamais déserter l’héritage de ces maîtres et de ces pères illustres, héritage qui, depuis Homère jusqu’au dernier des classiques d’hier (s’il y a eu hier un classique71), forme le plus clair et le plus solide de notre fonds intellectuel. […] J’y ai bien souvent rêvé, messieurs, et je me suis demandé, sous toutes les formes et en prenant quantité d’exemples particuliers, en me mettant à tous les points de vue ce qu’il en aurait été de la destinée moderne littéraire (pour n’envisager que celle-là), si la bataille de Marathon avait été perdue et la Grèce assujettie, asservie, écrasée avant le siècle de Périclès, lors même qu'elle aurait gardé dans son lointain la large et incomparable beauté de ses premiers grands poètes de l’Ionie, — mais sans le foyer réflecteur d’Athènes. […] Il y eut un jour où la grandeur biblique et la beauté hellénique se rencontrèrent, se fondirent et se mêlèrent d’esprit et de forme dans une haute simplicité ; et quand nous parlons aujourd’hui de la tradition et de ce qui ferait faute, si elle avait manqué, de ce qui serait absent dans les fonds les plus suaves, dans les plus nobles fresques de la mémoire humaine, nous avons le droit de dire, à des titres également incontestables : Quoi ?
Sa forme d’esprit était la plus contraire à la leur et tout à fait inverse. […] La légèreté de forme, dans les Lettres persanes, en avait dérobé le sérieux. […] J’accepte, monsieur, cette nomination, qui me vaut une élection dans les formes, et comme la plus grande joie que j’aurais serait d’être d’un corps dont vous êtes, j’en suis dès que vous m’avez nommé, et cet in petto me plaît plus que la chose même… Vos lettres ne manqueront pas de faire du bruit ; mon nom sera mêlé avec le vôtre ; on dira que vous m’avez jugé digne d’être un jour académicien : n’en est-ce pas plus cent fois que je ne mérite ?
Et s’il était séant de sortir un moment en idée de cette enceinte et du cercle même de la patrie, s’il était possible de se considérer et de se juger du dehors, j’ajouterais hardiment : Il était juste que, chez la nation réputée la plus aimable et qui est certainement la plus sociable entre toutes, la vertu se traduisît sous cette forme attrayante et douce ; qu’elle y reçût solennellement ces hommages émus et gracieux. […] C’est assez pour cette fois, Messieurs ; les autres noms, avec leurs titres, se liront dans le livret qui sera distribué. — Vertu, beau nom, admirable chose, respectable sous toutes ses formes et dans toutes ses variétés ! En France, dans le pays de la sociabilité, il est tout simple, je le répète, que la plus aimable, la plus bienfaisante des vertus soit couronnée ; mais la vertu, sous ses formes réelles, elle est à chaque pas ; elle échappe aux couronnes, de même qu’elle se rencontre à qui la cherche, à qui sait l’observer, virile, courageuse, terrestre, travailleuse, contribuant à la civilisation et à la richesse générale, à la sueur de son front et par ses peines ; s’appliquant à tout, vaillante au progrès, servant la société dans l’humilité, la docilité et le silence, parfois aussi dans la lutte et le combat ; — oui, parfois (si l’on se transporte dans l’ordre de la pensée et des idées), sachant et osant protester contre la société même, lui résister en face, et résignée dès lors à tous les sacrifices, à toutes les privations et aux ignominies peut-être, en vue de la vérité.
Ainsi, en renonçant au théâtre, dès vingt ans il se dit : « Tu es un homme de style, toi, et non dramatique. » On verra pourtant qu’il garda jusqu’au bout et introduisit dans sa chanson quelque chose de la forme du drame. […] Il ne différait des autres chansonniers, ses confrères, que par la perfection de la forme, l’invention colorée des détails et le jet de la veine. […] Ce cadre voulu, cette forme essentielle et sensible, cette réalisation instantanée de sa chanson, cet éclair qui ne jaillit que quand l’idée, l’image et le refrain se rencontrent en un, Béranger l’obtient rarement du premier coup.
Cousin s’est donc levé, disions-nous, et il a exprimé quelque chose d’approchant et en des termes bien meilleurs, bien plus persuasifs, on le supposera sans peine ; mais nous ne croyons pas trahir sa pensée en la produisant sous cette forme ; et voilà la période philologique qui commence. […] On forme un comité d’amis ; le duc de Roannez est le plus zélé pour la mémoire de son cher Pascal, mais il ne prend rien sur lui, quoiqu’on ait pu dire, et c’est M. […] Il est, à coup sûr, plus littéraire, plus artiste, plus sensible aux beautés de la forme, et j’ajouterai, plus insoucieux du résultat.
Il reste toujours à expliquer l’existence, sous la forme d’un dieu comme sous celle du monde. » Albert Samain n’a pas mis son espoir dans le ciel vide. […] C’est le monstre éclos, comme dit Albert Samain : Au ciel supérieur des formes plus subtiles. […] C’est « l’Éros aux formes frêles et saintes d’androgyne divin » qui hante les nuits de Tinan ; le Parsifal qu’escorte le bruit triomphal des trompettes de Wagner.
Les contes d’autrefois, les fabliaux ainsi que les romans, depuis ceux de la Table ronde jusqu’à ceux qui s’étalent sous des couvertures neuves dans les vitrines des libraires, ont aussi de mille manières exploité la mine inépuisable que leur offrent des sentiments toujours les mêmes et cependant toujours nouveaux par la forme qu’ils prennent aux différentes époques. Elle s’est étrangement diversifiée, cette forme. […] Et, autre forme de la même idée, un chevalier et sa dame pouvaient fort bien se marier chacun de son côté et avoir chacun, dans son ménage, beaucoup d’enfants, sans briser le lien idéal qui les avait unis.
Mais aussi la combinaison de ces éléments éternels varie incessamment ; vices et vertus changent suivant les temps et de forme et d’intensité ; la moralité dans l’humanité et même dans une seule nation a son va-et-vient, sa hausse et sa baisse, autrement dit son évolution. […] Elle forme ainsi un ensemble très complexe. […] Dans ce qui reste après cette grave amputation, l’écrivain est condamné au perpétuel dilettantisme, qui jongle avec les opinions et dit tour à tour blanc et noir ; impassible, il risque de composer des ouvrages qui ont le froid et le poli de la glace ; détache de la lutte des idées, il est réduit au souci exclusif de la forme ; forcé de s’abstenir en toute question qui touche à la vie profonde de la nation, il s’abâtardit en une sorte de veulerie et de lâcheté intellectuelles ; il en arrive à fabriquer de jolis riens, des bibelots de décadence, flacons ciselés où ne demeure plus une goutte de liqueur, plus un atome de parfum ni de pensée.
. — Et le philosophe Montaigne, en son temps, embrassant d’un coup d’œil ces grandes révolutions radicales qui ont la prétention de faire table rase et de tout rebâtir à neuf, disait : Rien ne presse un État que l’innovation ; le changement donne leur forme à l’injustice et à la tyrannie. […] La forme seule de la majesté qu’ils flattent a changé : l’un de ces rois n’a qu’une tête, l’autre en a cinq cent mille. […] La politique d’André Chénier dans son ensemble se définirait donc pour nous très nettement en ces termes : Ce n’est point une action concertée et suivie, c’est une protestation individuelle, logique de forme, lyrique de source et de jet, la protestation d’un honnête homme qui brave à la fois ceux qu’il réfute, et ne craint pas d’appeler sur lui le glaive.
Il nous dit que la géométrie devrait être la forme des choses dans l’espace. Il nous parle des choses qui, n’ayant que deux qualités, comme la fièvre ou la musique : l’intensité et le temps, — marqués par un bâton montant et descendant sur un plan fixe, — devraient écrire leur forme. […] » C’est tout un renversement de la géométrie qu’il nous indique… Les géomètres ne sont que des arpenteurs qui mesurent à un cheveu près la distance de la terre au soleil ; mais ce cheveu, qui n’est rien pour nous, est énorme comparé par nous à l’acarus du bourdon… La géométrie mal baptisée : mesure de la terre : ce n’est pas de mesure qu’il s’agit, « c’est de faire connaître, c’est de donner la forme de la durée et de l’intensité des choses. » Et redescendant brusquement à terre, il termine la conversation par un charmant portrait en quatre mots de son vieil ami Chandellier, ce comique mélancolique aux cheveux blancs et tout plein au fond de vignettes de romances.
Je causais de cette toilette, ce soir, quand une vieille femme s’est mise à dire : « Que l’hydrothérapie avait tué la pudeur chez la jeune génération féminine, que le barbotage dans l’eau, à l’instar d’un canard, que l’habitude journalière de se montrer à sa femme de chambre, entièrement nue, diminuaient, tous les jours, l’effarouchement que les femmes d’autrefois éprouvaient à monter trop de leur peau ou de leurs formes. […] Alors les notes du supplément… et mon volume paraîtra au commencement de 1881… Je me mets aussitôt à un volume de contes… le genre n’a pas un grand succès… mais je suis tourmenté par deux ou trois idées à formes courtes. […] Un cabaret dans un terrain vague de Vaugirard, à l’entrée des carrières, devenues des champignonnières, et tout étincelant de beaux cuivres, de reflets de bouteilles aux formes trapues, d’un tas de vieilleries bien luisantes, qui semblaient le mobilier retrouvé d’une auberge de l’ancienne France… Là-dedans, un cuisinier, qui faisait un poulet sauté, une matelote, un certain plat de champignons, comme nul cuisinier au monde, et qui, vous apportait à voir des aquarelles de gazons émaillés de fleurettes, naïves et précieuses, comme ces tapis de fleurs que les Primitifs étalent sous les pieds de leurs martyres, et puis qui, tirant un orgue d’un vieux bahut, servait aux gens appréciant sa cuisine, des airs séraphiques.
Addisson écrivit en forme pour prouver que ce Poëme égaloit ceux de Virgile & d’Homére. […] Ses Drames sont monstrueux pour la forme, sans unité dans le dessein, sans moralité dans l’action, sans bienséance dans les détails. […] Les changemens que le traducteur a fait à beaucoup de piéces, rend la lecture des ouvrages anglois beaucoup moins désagréable ; mais cette réforme empêche qu’on ne se forme une idée juste de la Poésie angloise.
Dans le second seulement, un sens provisoire est immédiatement conçu sous la forme d’une traduction incomplète ou inexacte. […] Le travail que nous avons fait dans notre enfance se révèle à nous, nous redevenons enfants, toutes les fois que nous inventons une idée nouvelle ou que nous cherchons à mieux dire, ou à dire pour un nouveau public sous une autre forme, ce que nous pensons depuis longtemps. […] Mais elle lui est plus intimement unie que les autres signes ; une fois les habitudes de l’âme solidement constituées, l’idée n’apparaît plus guère sans signe intérieur, ni le signe intérieur sans son idée ; l’idée complétée par le signe forme une sorte de molécule, dont la conscience ne distingue pas les éléments constitutifs.
L’auteur demandait qu’on essayât, peu à peu, de substituer aux fantaisies puériles et dénuées d’art des feuilletonistes quelques œuvres recommandables par le mérite du fond et de la forme. […] Et ceci révèle l’amour spécial et caractéristique qui dort au fond de la plupart d’entre nous. » En France, et sous des formes très différentes, j’ai retrouvé l’expression de la même idée. […] Autour de moi, des abricotiers, non pas grêles et difformes comme ceux de nos vergers, mais des arbres de haute venue, aux formes pleines, aux feuilles luisantes et groupées en corbeilles ouvertes, couvraient le sol de leur ombre étoilée.
La poésie pour lui est ailleurs : elle a quitté les déserts, elle s’est transportée et répandue en tous lieux, en tous sujets ; elle se retrouve sous forme détournée et animée dans l’histoire, dans l’érudition, dans la critique, dans l’art appliqué à tout, dans la reconstruction vivante du passé, dans la conception des langues et des origines humaines, dans les perspectives mêmes de la science et de la civilisation future : elle a diminué d’autant dans sa source première, individuelle ; celle-ci n’est plus qu’un torrent solitaire, une cascade monotone, quand tout le pays alentour, au loin, est arrosé, fécondé et vivifié d’une eau courante, souterraine, universelle. […] Habile à la forme, il ne dédaigne pas l’idée, et, parmi les idées, il n’en adopte point d’exclusive.
« Je vous souhaite, mon Révérend Père, une parfaite santé et beaucoup de contentement, et je forme ce souhait avec la même sincérité de cœur que vous m’avez connue lorsque nous demeurions sous le même toit. […] Qu’ils les déguisent après cela sous toutes sortes de formes, je leur aurai beaucoup d’obligation s’ils peuvent contribuer à augmenter mon repentir. » On ne peut certes rien de plus humble et de plus fait pour désarmer ; cette action criminelle commise à Londres, et qui n’empêchait pas le coupable d’y séjourner, était, je l’espère, quelque délit amoureux, un de ces crimes qui, après tout, laissent subsister l’honnête homme261.
Il continuait de vivre et de jouer sous ces mille formes que lui dictait un secret instinct ; le crayon jouait sous ses doigts, et la saillie accompagnait le crayon, comme un air qu’on sait suit naturellement les paroles. […] Il y a quelques défauts dans la forme, dans le style, et nous les dirons sincèrement.
« Je sais, disait-il, à ce sujet au Dr Cabanès, je sais qu’on me reproche de mettre trop de complaisance à m’étudier, et ce reproche, nos voisins les Anglais, qui sont si bien renseignés sur notre littérature, me l’ont signifié sous une forme bien inattendue : un caricaturiste de là-bas a imaginé de me représenter faisant des grimaces, des contorsions devant une glace et les notant sur le papier. […] « Il prenait d’ailleurs plaisir à conter toutes ses angoisses devant le moindre mouvement à faire, le transport de sa chaise à son lit, le plus petit choc prenant tout le suraigu douloureux d’une opération chirurgicale, et ses terreurs, chaque soir, devant la nuit qui venait, et le besoin impérieux, apeuré, qu’il avait de ce tic-tac d’une pendule. »47 La neurasthénie à forme cérébrale, pour être d’allure moins suppliciante, est tout aussi féconde.
Nos grands écrivains ont mis dans leurs vers les richesses de notre siècle ; mais toutes les formes de la poésie, tout ce qui constitue l’essence de cet art, nous l’empruntons de la littérature antique, parce qu’il est impossible, je le répète, de dépasser une certaine borne dans les arts, même dans le premier de tous, la poésie. […] Le paganisme des Grecs était l’une des principales causes de la perfection de leur goût dans les arts ; ces dieux, toujours près des hommes, et néanmoins toujours au-dessus d’eux, consacraient l’élégance et la beauté des formes dans tous les genres de tableaux.
D’autres sans inquiétudes sur eux-mêmes, mais ne voulant point blesser les souvenirs de quelques-uns de leurs auditeurs, n’osaient parler avec enthousiasme de la justice et de l’équité ; ils essayaient de présenter la morale avec détour, de lui donner la forme de l’utilité politique, de voiler les principes, de transiger à la fois avec l’orgueil et les remords qui s’avertissent mutuellement de leurs irritables intérêts. […] Le raisonnement, dans ses formes didactiques, ne suffit point pour défendre la liberté dans toutes les circonstances ; lorsqu’il faut braver un danger quelconque pour prendre une résolution généreuse, l’éloquence est seule assez puissante pour donner l’impulsion nécessaire dans les grands périls.
. — Quel que soit le raisonnement que nous fassions sur des nombres et des grandeurs, il consiste toujours à aller d’un équivalent jusqu’à un autre équivalent par une série d’équivalents intermédiaires, à remplacer des grandeurs par les nombres qui les expriment, une forme par l’équation qui lui correspond, une quantité faite par une quantité en voie de formation dont celle-là est la limite, un mouvement et une force par une ligne qui les représente. […] Si une page est manuscrite, nous en comprenons le sens plus difficilement que si elle est imprimée ; notre attention se porte en partie sur la forme extérieure des caractères, au lieu de se porter tout entière sur le sens qu’ils ont ; nous remarquons dans ces signes, non plus seulement leur emploi, mais encore leurs particularités personnelles.
L’intelligence exacte du vocabulaire et de la syntaxe de l’auteur, dans la page qu’on a choisie, n’est pas nécessaire seulement pour fixer le sens littéral, mais elle prépare la connaissance fine des nuances de l’idée ou de la forme. […] Ils n’eurent qu’à interroger leurs élèves ; et ils constatèrent que le don de réfléchir sur les impressions d’une lecture, d’aller au-delà du sens littéral pour jouir de toute la force d’une pensée ou de toute la beauté d’une forme, n’était pas un don inné chez la plupart, que, dans la lecture, comme en tout, la nature humaine fuyait la peine, et qu’il fallait exercer les enfants et les jeunes gens à user de toute leur intelligence.
Les efforts contradictoires de sa vie — vers la pureté et vers le plaisir — se coalisent en l’effort de sa pensée, quand sonne l’heure de lui donner la forme artistique, avec une intensité qui le met à part de tous les Modernes (à ce point de vue) et qu’il doit sans doute à sa naïve énergie de vivre… N’ayant que ses passions pour matière de son art, plus factice et plus lâche, il n’eût, comme la plupart de nos poètes français, accumulé que des rimes, sans unité d’ensemble : son instinct vital l’a sauvé, l’instinct triomphant qui n’a pas seulement soumis l’intelligence, mais qui, par un miracle, se l’est assimilée, se spiritualisant vers elle, la matérialisant vers lui, réalisant (au sens étymologique du mot) l’idéal, et puis, pour le conquérir, s’ingéniant, sans laisser jamais l’imagination se prendre à d’autres mirages que ceux de la vie elle-même, tels qu’ils sont peints par le hasard, sur le rideau de nos désirs. […] Verlaine restera, en effet, un poète de l’amour et le témoin des formes que ce sentiment a revêtues chez nous.
Il fixe alors cette vaste étendue du Ciel, cette immense Nature, qui, fiere dans toutes ses productions n’a point fait d’esclaves, elle n’a point bâti de murs, elle n’a point forgé de chaînes ; cet oiseau qui sur une aîle hardie, franchit l’espace, cet animal des bois qui erre sans guide au gré de son instinct, l’ouragan qui passe, tout parle éloquemment à son cœur, & il apperçoit au milieu de l’Univers la liberté, & il s’écrie : c’est à toi que j’adresse mes vœux, ame des nobles travaux, mere des vertus & des talens ; toi qui formes les ames vigoureuses, les esprits élevés & lumineux ; toi qui ne faisant point d’opprimé, ne fais point d’oppresseur ; toi dont la main sacrée grave dans le cœur de l’homme le caractère primitif de la Justice ; c’est à toi que je voue mes jours, conduis mes pas & ma langue ; je le sens, tu éleveras ma pensée, tu la rendras digne de l’Univers. […] Ce sera lui qui étendra les idées des autres hommes, qui sous la forme du sentiment, développera les pensées qui reposoient au fond de leurs cœurs, & qui placera sur leurs lévres cette expression juste & facile dont il leur aura donné l’exemple.
Il tient pour superfétative toute forme de jugement : « À quoi bon, dit-il, étiqueter, classer ? […] Je me rappelle aussi une phrase très belle de Sainte-Beuve, qu’il est toujours flatteur de s’appliquer : « Il y a la race des hommes qui, lorsqu’ils découvrent autour d’eux un vice, une sottise ou littéraire ou morale, gardent le secret et ne songent qu’à s’en servir et à en profiter doucement dans la vie par des flatteries ou des alliances ; c’est le grand nombre, — et pourtant il y a la race de ceux qui, voyant ce faux et ce convenu hypocrite, n’ont pas de cesse que, sous une forme ou sous une autre, la vérité, comme ils la sentent, ne soit sortie et proférée : qu’il s’agisse de rimes ou même de choses un peu plus sérieuses, soyons de ceux-là. » 1.
Il faut se rappeler que, dans les idées juives, antipathiques à l’art et à la mythologie, la simple forme de l’homme avait une supériorité sur celle des chérubs et des animaux fantastiques que l’imagination du peuple, depuis qu’elle avait subi l’influence de l’Assyrie, supposait rangés autour de la divine majesté. […] Le lac a cinq ou six lieues de long sur trois ou quatre de large ; quoique offrant l’apparence d’un ovale assez régulier, il forme, à partir de Tibériade jusqu’à l’entrée du Jourdain, une sorte de golfe, dont la courbe mesure environ trois lieues.
Rien de plus commun que le désaccord des appréciations humaines sur les grandeurs, forces, poids, formes, couleurs… S’il en est ainsi pour les objets des sens externes, quelle raison avons-nous de croire que le sens interne est plus exact ? […] « La forme de la volition où il y a motif, mais sans aptitude à l’accomplir, est le Désir », ch.
Heureux de formes, heureux de cœur, heureux de caractère, la vie avait écrit bonheur, force et santé sur tout mon être. […] Parmi les auteurs qui ont eu le plus d’influence sur M. de Lamartine, et qui ont le plus agi de bonne heure sur sa forme d’imagination, il faut mettre au premier rang Bernardin de Saint-Pierre.
Après tout, on n’a jamais tant d’efforts à faire en France pour revenir à cette netteté, car elle n’est pas seulement de forme chez nous, elle constitue le fond de la langue et de l’esprit de notre nation ; elle en a été la disposition et la qualité évidente durant des siècles, et, au milieu de tout ce qui s’est fait pour l’altérer, on en retrouverait encore de nombreux et d’excellents témoignages aujourd’hui. […] Cette déclamation dont nous souffrons aujourd’hui, a pris bien des formes depuis près d’un siècle ; elle a eu ses renouvellements de couleurs tous les vingt-cinq ans ; mais elle date en premier lieu de Rousseau.
Dans le premier, on établit que la poësie est un des plus grands fléaux dont le genre humain puisse être affligé ; qu’elle est directement contraire aux bonnes mœurs, & à la tranquillité des états, à leur forme de gouvernement, aux sages loix, aux usages respectables, à la religion, au commerce, enfin à tous les arts utiles. […] On s’est aussi dégoûté, & avec raison, de voir la nature forcée sous des formes bisarres.
Cent femmes de formes diverses peuvent recevoir le même éloge ; mais il n’en était pas ainsi chez les Grecs. […] Mais il suffit de savoir que tous les corps et tous les aspects d’un corps ne sont pas également beaux : voilà pour les formes.