Si faible, si rare que soit l’originalité véritable, si difficile qu’elle devienne par suite de la complexité croissante des tâches et des œuvres, de la division croissante du travail et du développement illimité des spécialismes et des compétences, cette originalité reste malgré tout possible : elle reste le facteur du progrès, la fleur de la culture, la raison d’être de l’effort intelligent.
Car bien misérable était la Compréhension musicale qui s’exprimait à lui, dans cet échafaudage architectonique des sons, lorsqu’il voyait les plus grands maîtres même de sa jeunesse, avec une répétition banale de phrases et de fleurs rhétoriques, avec des alternatives, rigoureusement distribuées, de force et de douceur, avec des graves introductions, et reprises, aux mesures par avance comptées, se traîner, passant sous les portes inévitables de demi-conclusions régulières, jusque le bienheureux tapage de la cadence finale.
Et l’âme, un jour, dira ces paroles : « J’ai vu qu’elles se fanaient, — ces fleurs de mes concupiscents désirs et de mes rires, — et maintenant (voici) vers le pur objet et vers le salut et vers l’authentique accomplissement elles aspirent. » Le troisième acte : — Au prélude, le morne et le frémissant qui suit les hautes luttes, qui précède les contrats définitifs.
En fait de portraits, un beau portrait de Napoléon au pont d’Arcole, par Gros, délavé dans cette huile couleur d’ambre, qu’affectionnait la peinture de Rubens, et le portrait de Denon par Prud’hon, d’un merveilleux modelage, et dont la pâleur rosée a quelque chose de la fleur d’un pastel.
Dans La Petite Dorrit, quand Arthur Clennam, au retour d’une longue absence, parcourt la sombre et décrépite maison de sa mère, c’est l’idée que ce morne édifice est tombé en léthargie qui le hante et, s’il constate que tout, dans les silencieuses chambres, est terne, c’est pour se demander à quelle fleur, quel papillon, quelle gemme sont allées les couleurs mortes au mur.
Les générations ont été fauchées dans leur fleur, au lieu de tomber dans leur maturité.
Rien de plus commun que de trouver tous les mots propres à la guerre, à l’histoire et à la morale, et d’ignorer le nom d’une fleur, d’une plante potagère ou d’un ustensile domestique ; on sait le mot latin d’un bouclier, on ne sait pas le mot latin d’un éteignoir, mot qui n’exista peutêtre pas ou qui ne nous est pas parvenu, la perte des auteurs ayant consommé avec le progrès de nos connaissances l’appauvrissement des langues anciennes.
Il y a même des mots qui ont perdu leur premiére signification, et n’ont retenu que celle qu’ils ont eue par extension : florir, florissant, se disoient autrefois des arbres et des plantes qui sont en fleurs ; aujourd’hui on dit plus ordinairement fleurir au propre et florir au figuré ; si ce n’est à l’infinitif, c’est au moins dans les autres modes de ce verbe ; alors il signifie être en crédit, en honeur, en réputation : Pétrarque florissoit vers le milieu du 14 siécle : une armée florissante, un empire florissant. " la langue grèque, dit Madame Dacier, se maintint encore assez florissante jusqu’à la prise de Constantinople, en 1453. " prince, (…), signifioit seulement autrefois, premier, principal ; mais aujourd’hui en françois il signifie, un souverain ou une persone de maison souveraine. […] » c’est-à-dire, qui chanteroit la terre émaillée de fleurs ? […] la fleur de la jeunesse ; le feu de l’amour ; l’aveuglement de l’esprit ; le fil d’un discours ; le fil des afaires. c’est par métaphore que les diférentes classes, ou considérations, ausquelles se réduit tout ce qu’on peut dire d’un sujet, sont apelées lieux comuns en rhétorique et en logique, (…).
Quand on pense que cette fleur de la politesse nous vient des Goths, que le culte des femmes, le moral de l’amour et les raffinements de la galanterie ont pris naissance parmi les hordes sauvages du Nord, on est tenté de croire que ce sont des Grecs et les Romains qui étaient les barbares. […] Il choisit dans le camp de ses ennemis Salluste, les Cocceius, les Duillius, et toute la première classe de ses amis ; il devait à sa clémence les Domitius, les Messala, les Asinius, les Cicéron et toute la fleur des citoyens : Lépidus lui-même, combien de temps ne respecta-t-il pas ses jours ! […] II 19 ventôse an 11 (10 mars 1803) Dans son Commentaire de Corneille, Voltaire se hâte de passer sur les beautés comme sur des épines ; il se complaît dans les critiques, il se délecte dans les vétilles grammaticales ; on voit alors qu’il marche sur des fleurs. […] Au reste, M. de La Harpe a glorieusement réparé les omissions de Voltaire : son zèle officieux n’a rien passé à Corneille ; il l’a immolé à Racine, et ensuite il n’a couronné Racine de fleurs académiques que pour le faire tomber en sacrifice sur les autels de Voltaire, son idole.
Chez Racine, au contraire, cette même Andromaque est une grande princesse, l’ornement d’une cour galante et polie, nourrie de la fleur des idées et des sentiments les plus héroïques. […] Cette douce et intéressante bergère, qui parlait si tendrement aux moutons, aux fleurs, aux ruisseaux, change sa houlette en serpent ; c’est la furie Alecto qui distille le venin de la satire dans un méchant sonnet que celui qui en est l’objet a fait vivre. […] Son urbanité, sa finesse, son enjouement répandaient de la grâce et de la légèreté sur cette profonde érudition que ses manœuvres lui amassaient laborieusement de tous côtés ; il couvrait de fleurs les discussions les plus sèches et les plus arides. […] Il compare la fille sage à l’âne chargé de fleurs que tout le monde suit le matin, à cause de la bonne odeur qu’il exhale ; et la fille qui a perdu son honneur, au même âne, revenant le soir, et que tout le monde fuit, parce qu’au lieu de fleurs, il ne porte plus que du fumier : sur quoi Rodhope dit en riant qu’elle ne veut pas ressembler à l’âne du soir.
L’imagination est comme la fleur, la quintessence de la raison ; elle renferme la raison tout entière, et je ne sais quoi que la raison toute seule n’atteindra jamais. […] Voyez, sur l’acropole d’Athènes, s’élever les colonnes du Parthénon comme de belles vierges rangées en ordre à la procession des Panathénées ; elles portent leurs gracieux chapiteaux comme des corbeilles de fleurs. […] Nous vous dirons, si nous osons laisser parler nos vers après ceux d’André Chénier, que vous aurez réuni toutes les grandes conditions de la poésie moderne, le jour où l’on pourrait dire de votre œuvre : Beau vase athénien plein de fleurs du Calvaire.
L’important est qu’il y ait une place pour s’y rencontrer, une taverne pour s’y enivrer, un jardin pour s’y donner rendez-vous, de grands arbres qui font de l’ombre, une clairière qui laisse filtrer le soleil, un banc de mousse pour y parler d’amour, une fontaine pour s’y mirer, un parterre où cueillir des fleurs pour les mettre en bouquets à Chloris et les faire entrer dans les comparaisons. […] C’est une fleur, dont il faut jouir avec volupté. » Nous sommes fixés, et nous n’éprouverons aucune hésitation à déclarer que le beylisme est une philosophie fort courte. […] Ce raffinement malsain a reçu chez nous son expression la plus complète dans la poésie de Baudelaire : aussi, lorsque les Fleurs du Mal parurent et firent scandale, Barbey d’Aurevilly s’empressa-t-il de se ranger parmi les plus chauds partisans de leur auteur. […] Mais par vous pour Dieu ce roseau Cet oiseau, ce roseau sous cet oiseau, ce blême Oiseau sur ce pâle roseau fleuri jadis, Et pâle et sombre, spectre et spectre noir : moi-même Surrexit hodie, non plus De profundis… Avez-vous comme su, moi je l’ai, qu’il fallait Peut-être bien, sans doute, et quoique et puisqu’en somme Éprouvant tant d’estime et combien de pitié Laisser monter en nous, fleur suprême de l’homme, Franchement, simplement, largement, l’amitié.
Pierre C’est mon avis, quoique j’admire passionnément les Fleurs du mal.
La prodigalité des tables est étonnante, « non pas seulement aux jours de gala, mais dans les soupers de chaque semaine, j’ai presque dit de chaque jour » Au milieu de tous ces donneurs de fêtes, le plus illustre de tous, le président de Brosses, si grave sur les fleurs de lys, si intrépide dans ses remontrances, si laborieux280, si érudit, est un boute-en-train merveilleux, un vrai Gaulois, d’une verve étincelante, intarissable en plaisanteries salées : devant ses amis, il ôte sa perruque, sa robe et même quelque chose de plus.
L’ensemble des sensations comme possibles forme ainsi un arrière-fond permanent à une quelconque ou à plusieurs des sensations qui, à un moment donné, sont actuelles, et les possibilités sont conçues comme étant, par rapport aux sensations actuelles, dans la relation d’une cause à ses effets, ou d’une étoffe aux figures qui sont peintes dessus, ou d’une racine à sa tige, à ses feuilles et à ses fleurs, ou d’un substratum à ce qui est étendu dessus, ou, en langage transcendantal, d’une matière à sa forme.
« Comme personne ne me parlait de mes deux autres frères chéris, Jérôme et Louis, enlevés par la mort à la fleur de leur âge, je me gardais bien d’en prononcer moi-même le nom, de peur d’attrister, par quelques douloureuses réminiscences, la joie de ce beau jour.
“Les six vertus, dit Han-Tchi, sont comme l’âme du Chi-King ; aucun siècle n’a flétri les fleurs brillantes dont elles y sont couronnées, et aucun siècle n’en fera éclore d’aussi belles.”
Dans les cinquante-sept livres suivants, il y en a deux sur les différentes espèces de blés et de grains, deux sur les plantes médicinales les plus usuelles et les plus communes, un sur les herbages de cuisine, six sur les arbres à fruits, trois sur les fleurs de parterre et de jardin, quatre sur les plantes les plus communes dans les campagnes, six sur les différents arbres de toutes les provinces de l’empire (nous doutons qu’on en connaisse une cinquième partie en Europe), onze sur les oiseaux, huit sur les animaux soit domestiques, soit sauvages, huit sur les amphibies, les coquillages et les poissons, et six enfin sur les insectes.
VIII La poésie, cette fleur de l’âme, l’enivra la première.
II Un pauvre jeune conscrit de 1813, cueilli avant sa fleur, c’est-à-dire avant vingt ans, quoique boiteux, par ce hasard barbare de la conscription, pour remplacer les 500,000 hommes que nous venons de perdre sans rime ni raison nationale dans les glaces de Moscou, est amoureux d’une de ses cousines.
L’arbre des générations littéraires actuelles est engagé en lui profondément et, si nous jetons des fleurs et des fruits, n’oublions pas que nos racines y plongent.
Il s’ébahit « vu que c’est le meilleur poëte parisien qui se trouve, comment les imprimeurs de Paris et les enfants de la ville n’en ont eu plus grand soin. » II veut que les jeunes gens « cueillent ses sentences comme belles fleurs ; qu’ils contemplent l’esprit qu’il avait ; que de lui ils apprennent proprement à décrire. » Il l’estime « de tel artifice, tant plein de bonne doctrine, et tellement peinct de mille couleurs », que très-souvent il lui en fait des emprunts, et qu’il se paye, en le copiant, du soin de l’avoir édité.
Il est tout à la petite fleur qu’il découvre au pied d’un buisson, et qu’il rangera le lendemain dans son herbier.
Il est rude, abrupt, excessif, incapable de pentes adoucies, presque féroce, avec une grâce à loi qui ressemble aux fleurs des lieux farouches, moins hanté des nymphes que des euménides, du parti des Titans, parmi les déesses choisissant les sombres, et souriant sinistrement aux gorgones, fils de la terre comme Othryx et Briarée, et prêt à recommencer l’escalade contre le parvenu Jupiter.
La jeunesse en sa fleur brille sur son visage ; Son menton sur son sein descend à double étage, Et son corps, ramassé dans sa courte grosseur, Fait gémir les coussins sous sa molle épaisseur.
Il s’ensuit que les premières terres émergées, éparses à fleur d’eau dans des mers presque partout également profondes, n’ont pu donner lieu qu’à de premiers dépôts très lentement formés.
Alors nous avons cru voir l’action sortir de ses antécédents par une évolution sui generis, de telle sorte qu’on retrouve dans cette action les antécédents qui l’expliquent, et qu’elle y ajoute pourtant quelque chose d’absolument nouveau, étant en progrès sur eux comme le fruit sur la fleur.
Ma délicate sagesse n’aime pas cette indécence ex professo, et je me dis : « Voilà un fou bien dégoûtant qu’on devrait enfermer avec les fous de Bicêtre. » Et quand on me dira : « L’original Rétif de La Bretonne, le bouillant Rétif, etc. », je penserai : C’est un siècle bien malheureux que celui où on prend la saleté pour du génie, la crapule pour de l’originalité, et des excréments pour des fleurs. […] « Mon entrée chez celle-ci fait tableau : imaginez une chambre tapissée de rose avec des rideaux bleus, une table avec une écritoire, du papier avec une bordure de fleurs, deux plumes neuves précisément au milieu, et un crayon bien taillé entre ces deux plumes, un canapé avec une foule de petits nœuds bleu de ciel, quelques tasses de porcelaine bien blanche, à petites roses, deux ou trois petits bustes dans un coin ; j’étais impatient de savoir si la personne était ce que cet assemblage promettait.
Les marches couvertes de parures, d’écharpes, de plumes, de fleurs, de rubans ; les marches étincelantes de bijoux, de regards, de sourires, d’épaules qui se cachent, ressemblaient à ces larges gradins de nos serres-chaudes, où sont échelonnées mille plantes précieuses, des couleurs les plus vives et de l’aspect le plus éblouissant. […] puis tout disparut, comme si un tourbillon avait raflé les fleurs de ce parterre !
Dans cent ans les soldats seront des laboureurs, Les généraux seront les chefs de nos usines, Avec tous les canons, on fera des machines, Et sur tous les remparts, on sèmera des fleurs. […] À les en croire, cette fine fleur de poésie que les artistes s’efforcent de lui imprimer dans la reproduction des objets, et que l’on nomme l’idéal, n’est et ne peut être qu’une vaine subtilité dont les résultats sont plus ou moins puérils, et qui, en somme n’a rien à voir avec l’art.
Si la « merveille » du Cid, chose invraisemblable, avait éclaté subitement sans être annoncée ni préparée par une série d’œuvres de début, et si, chose possible, Corneille était mort après ce coup d’essai et de maître à la fois, en pleine fleur de la jeunesse et du talent, il est permis de croire que non seulement Corneille, mais le Cid lui-même n’aurait pas l’importance que nous lui voyons. […] Un sceptique d’une exquise modernité, tel que Renan, est aussi inconcevable en plein moyen âge qu’un hippopotame au pôle nord ; il fallait, pour faire éclore une telle fleur d’esprit, le fumier amoncelé de plusieurs siècles de culture. […] Il est naturel d’éprouver le regret poétique du passé, un vif attrait de l’imagination pour telle ou telle époque lointaine, que la distance idéalise ; mais quand on parle d’un écrivain, d’un orateur venu trop tard au monde, ce regret ne peut guère offrir de sens que s’il est limité à une période de deux ou trois générations au plus : or, comment croire que jamais homme dans la fleur de la jeunesse ou la maturité de l’âge ait vraiment eu envie, si la chose se pouvait faire, d’être métamorphosé en aïeul ?
ou bien encore, entre les Orientales et les Poèmes barbares, entre les Martyrs et Salammbô, entre les Méditations et les Fleurs du mal, quels rapports y a-t-il ? […] On dirait un bouquet de fleurs de rhétorique, et encore parmi lesquelles un véritable Hugolâtre, qui serait un peu le juge en même temps que le dévot de son Dieu, lui reprocherait d’en avoir mis de trop insignifiantes, mais surtout de trop vieilles et de trop fanées. […] et ne pensera-t-on pas que peut-être elles y eussent assez heureusement remplacé quelques « fleurs quelques « étoiles », et quelques « oiseaux » ? […] Et, en effet, s’ils y consentaient, ils mentiraient à leur formule, puisque, si les « fumiers » sont dans la nature, les fleurs, sans doute, y sont aussi ; les parfums, si les « relents y sont ; l’esprit enfin comme la matière, et la pensée comme la sensation.
Et quel sinistre été de ton flanc souterrain, Cybèle, tout à coup jaillit en fleurs d’airain ? […] Trône au fond, élevé sur cinq marches, divans, ou ce que vous voudrez d’analogue, à droite ou à gauche, massifs de fleurs et d’arbustes, etc.
Une certaine fleur de jeunesse brille sur leurs ouvrages, et une grâce plus vive chez les uns, moindre chez les autres, mais sensible chez tous ; c’est par elle que leurs écrits subsistent encore. » Quelques traits de ce jugement pourraient se rapporter à nos chroniqueurs, l’uniformité de langage, la naïveté, la crédulité ; mais, sans compter cette grâce dont parle le critique grec, et dont notre moyen âge n’approchait guère, il faut se souvenir que ces chroniqueurs de la Grèce sont fort loin d’Hérodote. […] Mais qu’on le lise avec soin, on y sentira une expression pleine de vie, qui non seulement anime de beaux épisodes et de riches descriptions, mais qui souvent s’introduit même dans l’argumentation la plus sèche, et la couvre de fleurs inattendues. […] Ce qui ne saurait se feindre, c’est une première fleur de naturel qui appartient aux langues jeunes encore, et que l’art ne peut ni leur conserver ni leur rendre. […] Gertrude, jetant des fleurs sur le corps d’Ophélie, excite l’attendrissement malgré son crime. […] Le délicieux Éden est pour lui la vallée d’Henna, témoin des larmes de Proserpine ; et les fleurs de la poésie antique en font toute la parure.
Il se retournait, animé d’une fleur magnifique, écrasant de ses ironies les mieux frappées, de ses moralités les plus hautaines, la badauderie qu’il avait ameutée sournoisement. […] Un cœur précocement fané, un esprit désabusé et averti, s’il en fut, cherchant dans les convulsions un équivalent de la passion, dévoré du scrupule de son cynisme, y mêlant une naïveté, comme une fleur qui s’enrage à vivre dans ce dessèchement total, n’est-ce pas là le thème perpétuel de la comédie douloureuse à laquelle on assiste, sur quelque point qu’on lève le voile, de l’existence intime de Benjamin Constant, aujourd’hui d’ailleurs livrée à tous les yeux et bien étrangement applaudie de nos générations. […] Mais si l’étrange Lucile a fourni au poète l’élément vaporeux et lunaire où apparaît Velléda, les fleurs de sa tête et de sa ceinture, il avait pu lui-même, tant qu’il avait voulu, observer sa propre puissance dans les égarements de femmes « désespérées et ravies ». […] Il y a des instants où le voyant passer avec vous au milieu de nos fêtes, tous les deux si pâle et si graves, si distraits au milieu de la danse qui tournoie, des femmes qui rient et des fleurs qui volent ; il me semble que seuls parmi nous tous vous pouvez vous comprendre125.
L’intensité de ces récits rustiques devait ravir un homme comme Daudet, qui avait lui aussi vécu en province, aimé le village, la terre, les paysans, « Que de fois, dit son fils Léon, avons-nous parlé ensemble de ce Bonnet, de ce don extraordinaire d’expressions, de cette richesse de vocabulaire qui lui jette à pleine brassées des mots de race venus du sol avec les fleurs et les fruits que cueillent les émotions naïves de la légende. […] Abeille attique, il se contentait du suc des fleurs. […] Il y aura des fleurs. — Oui, dit le catholique Baragnon, votre enterrement sera très beau. […] Le cercueil, disparaissant sous les fleurs, fut enlevé en arrivant dans la salle du four crématoire.
Je ne parle que de ceux qui, nourris dans la lecture des Fleurs du mal, et dans l’admiration du portrait que Stendhal a tracé de lui-même sous le nom de Julien Sorel, n’ont demandé à l’art que de leur être un instrument de volupté solitaire, et l’ont ainsi confondu, non seulement avec sa perversion — optimi corruptio pessima , — mais avec le dévergondage ou de la débauche de l’esprit. […] 2º Le rôle de Baudelaire ; — et qu’il est tout à fait posthume. — Les Fleurs du mal elles-mêmes auraient passé presque inaperçues, — sans l’espèce de condamnation qui leur valut dans leur nouveauté une popularité de mauvais aloi. — Mais sa mort, en 1867, ayant ramené l’attention sur Baudelaire, — et levé le scrupule que beaucoup de gens eussent eu de son vivant à se dire son admirateur ou son disciple, — c’est à partir de ce moment qu’il a exercé, — et qu’il exerce encore une influence réelle, — dont on peut réduire l’action à trois points. — Il a réalisé cette poésie morbide, — qu’avait rêvée Sainte-Beuve au temps de sa jeunesse, — et dont le principe est l’orgueil d’avoir quelque maladie plus rare ou plus monstrueuse. — Il a découvert ainsi et exprimé quelques rapports, — dont le caractère maladif est relevé par l’acuité des sensations qu’ils procurent ; — et aussi par la brutalité même des mots dont on a besoin pour les exprimer. — Et enfin, en s’attachant à l’expression de ces rapports, — il a inauguré le symbolisme contemporain ; — si ce symbolisme consiste essentiellement dans le mélange confus du mysticisme et de la sensualité. — La question qui se pose d’ailleurs sur ces « innovations » — est de savoir jusqu’à quel point l’auteur en fut sincère — et si toute une école n’a pas été la dupe d’un dangereux mystificateur. 3º Les Œuvres. — En dehors de ses traductions d’Edgar Poe, Histoires extraordinaires, 1856 ; — Nouvelles histoires extraordinaires, 1857 ; — Histoires grotesques et sérieuses, 1865 ; — et de ses Fleurs du mal, 1857 ; on ne voit rien de Baudelaire qui mérite encore d’être signalé, si ce n’est ses Paradis artificiels ; — et quelques « Notices », très étudiées, qu’il a écrites pour le Recueil des poètes français d’Eugène Crépet.
Il fait bondir la chèvre et mugir la génisse ; Et les oiseaux des bois, sous son rayon propice, Célèbrent à l’envi leur bonheur le plus vif Par mille tours joyeux : mais toi, seul et pensif, Tu vois tout à l’écart, sans te joindre à la bande, Sans ta part d’allégresse en leur commune offrande ; Tu chantes seulement : ainsi fuit le meilleur, Le plus beau de l’année et de ta vie en fleur.
Ce n’est pas la famille des Montaigu, ni celle des Capulet qui nous importe ; c’est Juliette, c’est Roméo, c’est leur amour « infini comme la mer », mais semblable aussi à une fleur fugitive éclose dans la vallée de ce monde, épanouie le matin, et brisée à midi par l’orage.
XXXI Quant aux mœurs des deux peuples combattant par leurs chevaliers, elles sont barbares dans le combat et chrétiennes dans les négociations, et après la victoire, l’honneur que nous croyons une fleur de vertu moderne, y dépasse presque les habitudes des armées de nos temps.
On montrait, longtemps après cette funeste histoire, le berceau entouré de fleurs, et rafraîchi par un ruisseau, où Swift et Vanessa venaient souvent s’asseoir avec des livres et passaient de longues heures, toujours trop courtes pour l’amante délaissée.
Il semble que la Vénus du musicien soit la descendante de la Luxuria du poète, de la blanche Belluaire, macérée de parfums, qui écrase ses victimes sous le coup d’énervantes fleurs ; il semble que la Vénus wagnérienne attire et capte comme la plus dangereuse des déités de Prudence, celle dont cet écrivain religieux n’écrit qu’en tremblant le nom : Sodomita Libido.
Il accomplissait ainsi son travail logique sur une image hallucinatoire, mais parfaitement exacte, de la page écrite : « il remplaçait la vue par le raisonnement. » Pour représenter par comparaison le mécanisme du raisonnement et son rôle prépondérant dans la conscience, on a cité ces fleurs que le froid dessine peu à peu sur les vitres des chambres en congelant notre haleine ; elles ont beau offrir les formes les plus variées, elles ne sont que la mise en œuvre d’une même loi.
. — D’ailleurs il est bien choisi, ajouta notre mère, car je connais peu de scènes, à la campagne, plus animées, plus gaies et plus pittoresques que la conduite du linge de la famille par le char à mules ou à bœufs au lavoir, que les jeunes filles aux bras et aux jambes nues foulant le linge dans l’écume bleue du ruisseau azuré par le savon, et que les draps blancs étalés sur les arbustes du pré comme des tentes où le vent s’engouffre, en y faisant pleuvoir les fleurs d’églantier ou d’aubépine. » XXI La lecture de tous les chants se continua ainsi pendant quinze jours d’une saison sans nuages.
Mais il y a loin de cet attachement à la cité, groupement encore placé sous l’invocation du dieu qui l’assistera dans les combats, au patriotisme qui est une vertu de paix autant que de guerre, qui peut se teinter de mysticité mais qui ne mêle à sa religion aucun calcul, qui couvre un grand pays et soulève une nation, qui aspire à lui ce qu’il y a de meilleur dans les âmes, enfin qui s’est composé lentement, pieusement, avec des souvenirs et des espérances, avec de la poésie et de l’amour, avec un peu de toutes les beautés morales qui sont sous le ciel, comme le miel avec les fleurs.
Cet enchaînement est de fait chez toutes les Nations, & la vraie raison n’en est pas clairement démontrée, sinon que l’homme commence par sentir, & que, dès qu’il sent, il ne tarde pas à raisonner ses sensations ; le monde moral ressemble peut-être au monde physique, où les fleurs précèdent constamment les fruits ; & voilà de quoi réconcilier les farouches ennemis des grâces, avec les légers sectateurs de la brillante Littérature. […] Que ne se persuade-t-il plutôt qu’un Roi n’est pas toujours Roi, qu’il est homme par intervalles ; que le hisser perpétuellement sur le cothurne, c’est comme si on le couchoit dans son lit, le manteau royal à fleurs d’or sur le dos, les brodequins aux pieds & la couronne en tête ?
Qu’elle tende bien ainsi, tout naturellement, à prendre aux yeux de l’homme une forme humaine, cela n’est pas douteux ; mais, si la mythologie est un produit de la nature, c’en est le produit tardif, comme la plante à fleurs, et les débuts de la religion ont été plus modestes. […] A un dieu, qui regarderait d’en haut, le tout paraîtrait indivisible, comme la confiance des fleurs qui s’ouvrent au printemps.
Jourdain disant à son tailleur, qui lui apporte un habit avec des fleurs brodées sur le pas : « Les personnes de qualité portent les fleurs sur en bas ? […] Mais ce contraste entre sa destinée malheureuse et sa sensibilité, c’est toute la mélancolie des Fleurs du mal !
En voici quelques exemples : Mais je me sens jaloux de tout ce qui te touche, dit l’amoureux Pyrame à son amie Thisbé, dans la tragi-comédie du poète Théophile, Les fleurs que sous tes pas tous les chemins produisent Dans l’honneur qu’elles ont de te plaire me nuisent ; Si je pouvais complaire à mon jaloux dessein, J’empêcherais tes yeux de regarder ton sein ; Ton ombre suit ton corps de trop près, ce me semble… et Balzac, à son tour, dans la lettre au cardinal de la Valette, si souvent citée : « Présentement, au mois où nous sommes, je cherche tous les remèdes imaginables .contre la violence de la chaleur. […] Élève de Fontanes et de Luce de Lancival, on peut regretter encore qu’il y ait trop de rhétorique dans son éloquence, une volonté trop étudiée de plaire, trop de fleurs aujourd’hui fanées, qui n’étaient déjà pas fraîches, en 1828. […] Les œuvres n’y étaient plus classées ou cataloguées seulement, comme des fleurs dans un herbier, comme des tableaux dans un musée, comme des cercueils dans un hypogée.
Ils attendaient la fleur et le fruit. » En vérité, l’on ne saurait accueillir plus gentiment les brutalités d’un mauvais écrivain. […] » Ses légers amis n’insisteront pas et garderont un fidèle souvenir à l’un des poètes les plus originaux et adroits de notre temps ; ils reliront, pour se consoler, dix volumes de lui, tout parfumés les uns de l’odeur des leurs fraîches, les autres de l’odeur des fleurs fanées, tout embaumés de rêverie et de littérature. […] Si elle y manque, elle est ingrate, elle que nous avons appris à considérer comme la plus fine et exquise merveille de la civilisation, la plus jolie fleur de l’âme qui s’éloigne de la barbarie. […] J’en aime plusieurs passages relatifs à l’industrie des parfums, à la cueillette des fleurs et au supplice des roses qui endurent la « puissance mécanicienne ».
Rosette (c’est le nom de la jeune fille) sait très-bien disputer et garder à travers maint péril la fleur de rosier qu’elle ne doit donner qu’à l’hymen ; un jeune berger, en définitive, l’emporte sur un vieillard chargé de pommes d’or et sur un bel esprit qui est d’une Académie.
Lorsque vient le lendemain, on ramasse le fruit d’hier, mais on n’a pas eu la fleur ; et ce fruit même, on ne l’a pas vu, on ne l’a pas cueilli sur l’arbre dans son velouté et dans sa fraîcheur de duvet.
La vie n’est pas semblable à ces fontaines d’Auvergne, pleines de sédiments impurs, qui pétrifient ce qu’on leur jette, et qui, au lieu d’une fleur ou d’un fruit, vous rendent une pierre.
On amène l’enfant sur un brancard orné de feuillages et de fleurs, sorte de pavois rustique, et Barras lui baise respectueusement la main et l’assure de son dévouement profond, quoique éventuel… Voilà bien de la variété, bien de l’agrément, bien de l’esprit, bien de l’ingéniosité, et, semble-t-il, tout ce qu’il faut pour plaire.
Nous n’allons point de fleurs parfumer son chemin ; Il nous trouve partout les armes à la main16 Je suis très sensible à ce qu’il y a de force et d’élévation dans ces idées, de variété, de nombre, de justesse dans cette diction : ce n’est pas là pourtant que j’aurais deviné le caractère du génie de Racine.
C’est ce même ciel dont tout le Télémaque est éclairé, c’est cette présence du génie grec à toutes les pages, ce sont toutes ces images agréables ou sérieuses par lesquelles l’antiquité nous a initiés à la connaissance de la vie, qui donnent un mérite d’éternelle nouveauté à ce livre charmant, espèce de vase antique où la main de Fénelon semble avoir composé un bouquet des plus belles fleurs de la Grèce.
Le lait, les légumes que vous allez manger se sont mis en route comme vous vous couchiez, ainsi que les fleurs qui vont vous réjouir, et si ces choses viennent de plus loin que les environs de Paris, assez souvent il faut qu’à leur arrivée très matinale il se trouve des hommes pour les recevoir et les distribuer.
L’entassement des matières éjectées aurait depuis fait émerger d’endroit en endroit une île de lave, bâtie sur les flancs d’autres roches cachées sous les eaux, comme les îles de corail se sont elles-mêmes élevées sur ces cratères à fleur d’eau.
La botanique, afin de mieux définir l’immense règne végétal, compose même de la foule des plantes et des fleurs une quantité de familles qu’elle range d’après leurs attributs, pour les mieux remarquer. […] Leur expression ne doit être que nette, correcte et vraie, car s’ils y recherchent une politesse affectée et trop de fleurs de rhétorique, ils détruisent la confiance et l’attention, et prennent des grâces puériles, nuisibles à la gravité de leur profession : par cette vanité, ils perdent le titre de docte et n’acquièrent pas celui de littérateur. […] Toutes les fleurs semées dans la rhétorique des Romains se raniment sur la nouvelle terre où les transplante son soin judicieux.