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1807. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Louis XVI et sa cour »

Avec Louis XVI tout seul, et sa cour est une partie de lui-même, l’historien a assez de lumière pour regarder, bien voir et conclure… L’histoire est rarement aussi claire.

1808. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Ch.-L. Livet »

Si vous les regardez sérieusement, elles sont ennuyeuses comme tout ce qui est faux.

1809. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Paix et la Trêve de Dieu »

Il est prodigieux qu’il n’ait absolument rien compris à la grandeur de la féodalité et à son action, manifeste même dans l’établissement de ces Trêves de Dieu qu’Ernest Semichon a raison de regarder comme un progrès.

1810. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Sixte-Quint et Henri IV »

Pour lui, qui n’a pas d’autre conception de la vérité politique que celle-là que le monde du Moyen Âge avait réalisée, la Réforme a introduit dans le monde moderne un mal sans compensation et sans remède, et par-delà ce mal, qui n’est pas près d’être épuisé, et qui, dans sa conviction, sera la fin de tout, non seulement il ne voit rien, mais il ne regarde même pas… Que cette tristesse désespérée ait ou n’ait pas sa raison d’exister, je ne veux point l’examiner.

1811. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Si j’avais une fille à marier ! » pp. 215-228

À force de regarder sa fille et d’attendre à l’horizon le gendre qui doit y apparaître, il ne voit plus, moraliste raccourci, les autres jeunes filles d’un monde très compliqué, très varié, plein de vocations différentes, et que le seul mariage n’explique pas comme au premier jour de la création.

1812. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Th. Carlyle » pp. 243-258

C’est Hogarth le moraliste, Hogarth pour l’inspiration, le jet, la manière de regarder les hommes et les choses ; car pour le détail, pour l’appuyé du trait, pour la netteté, pour l’ordre de la composition, ce n’est plus Hogarth, le positif et réaliste Hogarth, brutal, mais réfléchi, profondément réfléchi, et froid dans sa brutalité.

1813. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Charles d’Héricault » pp. 291-304

Et M. d’Héricault, avec son regard aigu, a regardé dans le fond de ces mains-là… Elles n’étaient pas toutes tachées de sang, mais toutes, sans exception de fange ; car c’est une fange que la lâcheté… En ce vil temps, on était plus bas que sous Marat.

1814. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Armand Carrel » pp. 15-29

Cette vie fort douloureuse et fort triste, qu’il fut toujours disposé à donner pour rien et qu’il a donnée pour moins que rien, car ce fut pour une question qui ne le regardait pas, toute cette vie fut éternellement dominée par deux impossibilités qui la rendirent intolérable.

1815. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Eugène Pelletan » pp. 203-217

Et quant à Lamartine, cet idéal du Citoyen, placé en contraste des trois autres dans toute la perfection de son personnage à la fin du livre de Pelletan, Lamartine, dont Pelletan est sorti comme les Méditations, — mais j’aime mieux les Méditations, — Pelletan s’en regarde trop comme la géniture pour ne pas se croire parricide s’il convenait d’une seule des erreurs de ce grand génie de poète égaré.

1816. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexis de Tocqueville »

Cette Correspondance, dans laquelle Tocqueville a cherché à plus d’un endroit à s’expliquer sur le sens de son ouvrage et à répondre à ceux qui persistaient à le regarder comme confus et contradictoire, atteste à quel point son esprit tout entier ressemblait à son livre.

1817. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Benjamin Constant »

Léonard de Vinci lui-même, le peintre de la terrible Joconde, une énigme humaine, comme Madame Récamier, eût brûlé ses pinceaux et sa palette de magicien sombre et de sorcier ensorcelé devant cette incompréhensible Récamier, qui n’avait pas, elle, à offrir à un peintre la physionomie inquiétante de la Joconde, de cette ogresse repue et tranquille qui sourit diaboliquement à qui la regarde et qui semble lui dire : « M’apportes-tu ton cœur à manger ?

1818. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hoffmann »

Voilà bien des années passées, et on y regarde aujourd’hui, on interroge ce succès… Certes !

1819. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VII. Vera »

Perdu dans l’abstraction où ils se perdent tous, il a dédaigné de regarder cette tête de l’homme, qui s’est déformé en tombant et dont les facultés, devenues inaptes à saisir la vérité d’une prise souveraine, ne font plus pour la prendre que de gauches mouvements.

1820. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIII. Pascal »

D’ailleurs, quand on regarde à la lettre même de ses œuvres, Pascal n’est pas si grand qu’on l’a cru pour une Critique qui n’est pas gâtée par cette admiration traditionnelle que lui, le plus fier de tous les génies, méprisait.

1821. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XX. M. de Montalembert »

Si la vue de l’auteur des Moines d’Occident s’élève ou si son style s’avise de briller, c’est qu’un autre que lui regarde par son œil et écrit par sa main !

1822. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVIII. M. Flourens »

Elle est taillée, elle, mais mince et lumineuse comme la vitre à travers laquelle vous regardez les étagères d’un Muséum, et il faut bien le dire, depuis Fontenelle, — ce léger dans la consistance, comme M. 

1823. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « MM. Delondre et Caro. Feuchtersleben et ses critiques. — L’Hygiène de l’âme » pp. 329-343

Il avait aussi remarqué que l’Apollon du Belvédère est salutaire à la santé de celui qui le contemple, et il avait beaucoup regardé l’Apollon.

1824. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « L’abbé Monnin. Le Curé d’Ars » pp. 345-359

l’égal, pour le moins, de Bossuet, de Fénelon, de sainte Thérèse, et lui donnait sans cesse cet air de prophète qui ne vient aux plus grands génies qu’à force de regarder Dieu.

1825. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Athanase Renard. Les Philosophes et la Philosophie » pp. 431-446

Il n’est point pédant comme les philosophes qu’il combat, et dont quelquefois il se moque avec une bonhomie meurtrière… Du fond de sa province, où il est peut-être resté toute sa vie, — comme Rocaché, le grand médecin des Landes, cet immense praticien, plus haut que la fortune et que la gloire, inconnu à Paris, mais regardé comme un dieu de Bordeaux à Barcelone, où il régna cinquante ans sur la santé et sur la maladie, — le Dr Athanase Renard, dont j’ignore la valeur comme médecin, apparaît dans son livre comme un robuste penseur solitaire, et ce qui étonne davantage, comme un homme de la compétence la plus éclairée sur toutes les questions d’enseignement, de méthodes et de classifications de ce temps, et comme s’il avait vécu dans le milieu philosophique où ces questions s’agitent le plus… Par ce côté, il ressemble encore à Saint-Bonnet, le grand esprit métaphysique dont le rayonnement finira un jour par tout percer, et qui aussi vivait au loin de ce que les flatteurs ou les fats de Paris appellent insolemment la Ville-lumière.

1826. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « A. P. Floquet »

Ce n’est plus là le grand portail officiel que l’imagination idéalise, cette apothéose du plafond que la postérité regarde d’en bas et admire ; ce n’est plus le Bossuet de Versailles dont la main, brillant de l’émeraude donnée dans la mort par Madame Henriette, s’étend haut de la chaire sur le front pensif ou pénitent de Louis XIV ; ni ce prélat majestueux, ce grand artiste en dignité extérieure, qui ordonnait qu’on changeât dans ses jardins de Meaux un escalier en pente adoucie, pour que les flots moirés de sa robe violette traînassent derrière lui avec une décence plus grandiose.

1827. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Guizot »

Prenez-les tous et regardez !

1828. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »

Mais où les hommes supérieurs voient et concluent, les hommes superficiels n’osent pas seulement regarder.

1829. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme Desbordes-Valmore. Poésies inédites. »

Regardez-la bien, et dites : c’est ma mère !

1830. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Auguste Barbier »

Et il y a pis que ces chutes ; car pour chuter, il faut s’élever… À y bien regarder, les Odelettes et les Silves ne sont pas des chutes.

1831. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Théodore de Banville »

Il regarde les vastes cieux, Extasié comme un bon moine, Et lourd, immobile, anxieux, Il soupire après son avoine.

1832. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Laurent Pichat »

Tu regardes avec pitié nos pauvres rêves            Et nos larmes avec dégoût.

1833. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Jean Richepin »

Excepté le bohème (Nargaud), qui est le justicier en ce roman, moral à sa manière ; excepté ce paroxyste, comme il l’appelle, dont la prose est… les vers de Richepin auxquels il a enlevé la rime ; excepté deux ou trois scènes d’amour où se retrouve un peu de l’ancien Richepin des Caresses, le roman de Madame André n’a que le spiritualisme de l’analyse, qui regarde surtout dans le cœur et qui en épingle les ténuités.

1834. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Gogol. » pp. 367-380

Écoutez cette plainte fatiguée : « Toutes les personnes, écrit Gogol à un de ses amis, toutes les personnes qui lisent, en Russie, sont persuadées que l’emploi que je fais de ma vie est de me moquer de tout homme que je regarde et d’en faire la caricature… » Bientôt cette société qu’il avait blessée par cette suite de caricatures qui forment les divers Chants de son poème des Ames mortes, les fonctionnaires de cette Chine de fonctionnaires, dont il avait dit les bassesses les petitesses, le néant, l’aristocratie puérile, les femmes, les prêtres, tout se souleva contre lui.

1835. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Ernest Feydeau »

Fondre les choses dans son œuvre ne le regarde plus probablement, et pourvu qu’elles y soient cela lui suffit sans doute.

1836. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIV. Siècles de barbarie. Renaissance des lettres. Éloges composés en latin moderne, dans le seizième et le dix-septième siècles. »

Le Barbare qui avait vaincu, c’est-à-dire, qui avait égorgé et brûlé, dédaignait des arts inutiles pour les combats ; il les regardait comme un instrument de servitude, et la vaine occupation de la mollesse ; le vaincu, esclave et avili par ses malheurs, avait perdu tout ce qui élève l’âme ; ainsi, l’éloquence et les lettres furent éclipsées.

1837. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

Je passe rapidement sur tous les discours, pour venir à celui qui a, et qui mérite en effet le plus de réputation ; c’est l’éloge funèbre de Turenne, de cet homme si célèbre, si regretté par nos aïeux, et dont nous ne prononçons pas encore le nom sans respect ; qui, dans le siècle le plus fécond en grands hommes, n’eut point de supérieur, et ne compta qu’un rival ; qui fut aussi simple qu’il était grand, aussi estimé pour sa probité que pour ses victoires ; à qui on pardonna ses fautes, parce qu’il n’eut jamais ni l’affectation de ses vertus, ni celle de ses talents ; qui, en servant Louis XIV et la France, eut souvent à combattre le ministre de Louis XIV, et fut haï de Louvois comme admiré de l’Europe ; le seul homme, depuis Henri IV, dont la mort ait été regardée comme une calamité publique par le peuple ; le seul, depuis Du Guesclin, dont la cendre ait été jugée digne d’être mêlée à la cendre des rois, et dont le mausolée attire plus nos regards que celui de beaucoup de souverains dont il est entouré, parce que la renommée suit les vertus et non les rangs, et que l’idée de la gloire est toujours supérieure à celle de la puissance.

1838. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXV. Avenir de la poésie lyrique. »

Regardez d’abord votre Europe ; voyez comme, sur la limite orientale, la barbarie se resserre et s’efface, en attendant qu’elle disparaisse.

1839. (1901) Figures et caractères

On pourrait se tromper à cette accalmie ; regardez-y de près : il y a, dans cette âme, une inquiétude maladive, une irritabilité secrète, une colère sourde que rien n’apaise. […] L’attitude humaine décrite là ne laisse pas d’être fort belle, mais on sent que le Maître regarde par-dessus l’épaule du scribe. […] Il est l’homme qui écoute sa pensée et regarde la mer. […] On pouvait supposer au moins qu’un cercle curieux regarderait un instant l’aérolithe bizarre, noir et gravé d’aucun caractère lisible, tombé là on ne sait d’où, puis que le rassemblement se disperserait. […] Certes il prétendait que ces brefs morceaux de vers ou de prose fussent considérés d’une certaine façon, que l’on ne regardait pas seulement leur valeur intrinsèque, mais encore et surtout leur valeur relative.

1840. (1927) Approximations. Deuxième série

Répondez-moi, du moins, dit enfin Mathilde du ton de voix le plus suppliant, mais sans oser regarder Julien. […] Une observation de la vie aussi juste et aussi légère n’appartient qu’à qui la regarde avec un certain détachement, à qui ne regarde pas qu’elle, — et c’est par là que Tant pis pour toi nous introduit fort avant dans le secret du charme de Gérard d’Houville. […] L’aspect le plus particulier que cette volonté assume en ses écrits, c’est qu’il semble qu’elle ne se limite pas aux sentiments et aux idées, qu’elle s’étende à tous les visages qui furent une fois regardés bien en face. […] Le doute, c’est le refus de regarder en face, c’est le clin d’yeux de l’homme qui s’abrite avec son bras d’un éclat trop vif, c’est la digression et le détourhw ». […] NdE] ; et pour en apprécier le langage il faut les prendre en elles-mêmes, jusqu’à se roidir au besoin contre certaines des pensées sur le style ; — j’entends, regarder moins aux préceptes qu’elles édictent qu’au style dont elles les édictent.

1841. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Que le lecteur regarde en lui et autour de lui ; les exemples sont si faciles à trouver qu’il est inutile d’insister. […] Par suite, il se forme des petits plis verticaux dans l’espace intersourcilier, l’œil est voilé ou tout à fait fermé, ou bien il regarde intérieurement. […] Notons cependant en passant qu’il est impossible de réfléchir en courant à toute jambes, même quand on court sans autre motif que de courir ; en faisant une ascension raide, même quand il n’y a aucun danger et qu’on ne regarde pas le paysage. […] « Nous sentons une tension dirigée en avant dans les yeux, dirigée de côté dans les oreilles et variant avec le degré de l’attention, suivant que nous regardons attentivement ou que nous écoutons attentivement quelque chose : c’est pourquoi on parle de l’effort de l’attention. […] Donc les psychologues — et ils sont nombreux — qui définissent la sensibilité « la faculté d’éprouver du plaisir et de la douleur », et qui par conséquent regardent ces deux phénomènes comme les caractères essentiels, ne descendent pas jusqu’à l’origine véritable de la vie affective.

1842. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

J’ai chaud ou j’ai froid, je suis gai ou je suis triste, je travaille ou je ne fais rien, je regarde ce qui m’entoure ou je pense à autre chose. […] L’objet a beau rester le même, j’ai beau le regarder du même côté, sous le même angle, au même jour : la vision que j’ai n’en diffère pas moins de celle que je viens d’avoir, quand ce ne serait que parce qu’elle a vieilli d’un instant. […] Si l’on pulvérise du sucre ou du sol de cuisine, qu’on y ajoute de l’huile très vieille et qu’on regarde au microscope une goutte du mélange, on aperçoit une mousse à structure alvéolaire dont la configuration ressemble, d’après certains théoriciens, à celle du protoplasme, et dans laquelle s’accomplissent en tous cas des mouvements qui rappellent beaucoup ceux de la circulation protoplasmique 11. […] Concurrence vitale et sélection naturelle ne peuvent nous être d’aucun secours pour résoudre cette partie du problème, car nous ne nous occupons pas ici de ce qui a disparu, nous regardons simplement ce qui s’est conservé. […] Mais regardons de plus près.

1843. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

On n’y regarde pas de si près. […] Mais jamais ne se seront affichées aussi impudemment que de nos jours les pratiques d’un compagnonnage mercantile, — l’un des associés assumant, pour une bouchée de pain, la totalité de la besogne, l’autre se réservant, pour l’avoir regardé faire tout, le succès et la recette. […] … À cette époque, peu éloignée d’ailleurs, je regardais avec des sentiments d’intense curiosité le cocher de fiacre lisant le Petit Journal sur son siège, ou le trottin dévorant le feuilleton du Petit Parisien en croquant un petit pain d’un sou.

1844. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

regardez-moi ! […] Aveugles et sourds, dénués et débiles, « ils regardaient et ne voyaient pas, ils écoutaient et n’entendaient pas ». […] Jamais leur volonté ne prévaudra contre l’ordre établi par Zeus. » — Les Muses de l’Hymne Homérique ne regardent pas notre espèce, du haut de l’Olympe, avec un mépris plus superbe, lorsque « se répondant avec leurs belles voix elles chantent le bonheur éternel des Dieux et les misères infinies des hommes, lesquels, ainsi qu’il plaît aux Immortels, vivent insensés et impuissants, et ne peuvent trouver un remède à la mort, ni une défense contre la vieillesse. » — Mais aux reproches des Océanides, Prométhée répond par un mot qui le met au-dessus des dieux : — « J’ai eu pitié des hommes ; c’est pourquoi on n’a pas eu pitié de moi. » — Mot sublime qui rattache son cœur d’Immortel aux entrailles humaines, qui rassemble en lui pathétiquement deux natures, et qui fait du Titan souffrant l’image prophétique du Rédempteur à venir.

1845. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

À ce point de vue, la faculté que possède l’homme et ses animaux domestiques de supporter les climats les plus divers, et le fait que d’anciennes espèces d’Éléphants et de Rhinocéros ont été capables de supporter un climat glacial, tandis que les espèces vivantes sont aujourd’hui tropicales ou subtropicales, ne doivent pas être regardés comme des anomalies, mais comme des exemples d’une flexibilité de constitution très commune qui, dans des circonstances particulières, est amenée à entrer en jeu. […] Je présume qu’en pareil cas il faut regarder comme un signe d’infériorité une spécialisation très imparfaite de chaque organe pour des fonctions particulières ; et, aussi longtemps que le même organe doit servir à des fonctions diverses, on conçoit aisément qu’il doive demeurer variable : c’est-à-dire qu’en pareil cas la sélection naturelle protège ou rejette moins minutieusement chaque petite déviation de forme, que lorsque ce même organe sert seulement à une fonction à laquelle il est spécialement et étroitement adapté. […] Mais si toutes ces espèces, sans exception, ont, au contraire, des fleurs bleues, la couleur deviendra un caractère générique, et ses variations seront regardées comme beaucoup plus extraordinaires.

1846. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Un acte que nous ne pourrions accomplir qu’à l’aide de la réflexion et de l’habitude, lorsqu’il est accompli par un animal, surtout par un animal très jeune et sans aucune expérience, ou lorsqu’il est accompli de la même manière par beaucoup d’individus sans qu’ils semblent en prévoir le but, est en général regardé comme instinctif. […] De même encore, en quelques cas, certains instincts ne peuvent être regardés comme absolument parfaits : mais comme des détails sur ce sujet et sur quelques autres analogues ne sont pas indispensables, je les supprimerai ici. […] Je ne puis donc regarder comme impossible qu’une particularité quelconque de l’organisation soit attachée exclusivement à l’état de stérilité de certains membres des sociétés d’insectes.

1847. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Mais Platon cherche dans la sagesse vulgaire d’Homère, un ornement plutôt qu’une base pour sa philosophie ; Tacite disperse la sienne à la suite des événements ; Bacon dans ce qui regarde les lois ne fait pas assez abstraction des temps et des lieux pour atteindre aux plus hautes généralités. […] Pour nous, persuadés qu’en toute chose les commencements sont simples et grossiers, nous regarderons les Zoroastre, les Hermès et les Orphées moins comme les auteurs que comme les produits et les résultats de la civilisation antique, et nous rapporterons l’origine de la société païenne au sens commun qui rapprocha les uns des autres les hommes encore stupides des premiers âges. […] Quelques admirateurs de Vico ont appuyé ces injustes accusations, qu’ils regardaient comme autant d’éloges.

1848. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Car, hors de là, regardez bien : rien ne lui vient de lui-même ; il y a toujours quelqu’un qui lui instille la chose goutte à goutte dans l’oreille, — une oreille, il est vrai, des plus nettes et des mieux purgées, comme dirait Horace. […] Chéron, de lui recueillir tout ce qu’il trouverait là-dessus ; mais il le remercia un matin et lui dit de ne plus donner suite à ses recherches, déclarant qu’un tel sujet funèbre, remis sans cesse sous ses yeux, lui devenait impossible à supporter : la mort, même en peinture, il ne pouvait la regarder fixement !

1849. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Ainsi quand à Venise, au bal de la Villa-Pisani, Gustave, qui n’y est pas allé, passant auprès d’un pavillon, entend la musique, et, monté sur un grand vase de fleurs, atteint la fenêtre pour regarder ; quand il assiste du dehors à la merveilleuse danse du schall dansée par Valérie, et qu’à la fin, enivré et hors de lui, à l’aspect de Valérie qui s’approche de la fenêtre, il colle sa lèvre sur le carreau que touche en dedans le bras de celle qu’il aime, il lui semble respirer des torrents de feu ; mais, elle, n’a rien senti, rien aperçu. […] Un peu après, quand Gustave, passant durant la nuit près de la chambre de Valérie, chastement sommeillante, ne peut résister au désir de la regarder encore une fois, et qu’il l’entend murmurer en songe les mots de Gustave et de mort, c’est là un songe officiel de roman, c’est de la fable sentimentale toute pure, couleur de 1803.

1850. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

Farcy regarda tout et n’épousa rien inconsidérément. […] « Une âme plus faible ou plus tendre accueillera peut-être celui que d’autres ont dédaigné ; d’autres discours rempliront mes souvenirs ; une autre image charmera mes tristesses rêveuses, et je ne verrai plus vos lèvres dédaigneuses et vos yeux qui ne regardent pas.

1851. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

On voit successivement s’ouvrir une fenêtre, puis une autre, comme pour entendre ces bruits et pour respirer cet air matinal embaumé par la nuit ; on aperçoit, entre les rideaux blancs des fenêtres flottant au souffle des bois, quelques charmantes têtes de jeunes filles, ou de beaux enfants qui regardent les pigeons fuyards ou les hirondelles voleter autour des corniches, dans les rayons transparents du jour. […] Si l’artiste ami regarde de là-haut ceux qui souffrent de leur génie, avec la compassion d’un homme qui a tant souffert du sien, qu’il jette un de ses regards sur cette demeure muette de Saint-Point, vide aujourd’hui de ceux qu’il aima tant, et qui ne cesseront de l’aimer eux-mêmes qu’en cessant de se souvenir.

1852. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Cette chaîne, boisée d’épaisses bruyères et de rares châtaigniers, est un amphithéâtre d’où l’on a pour spectacle, d’un côté, les neiges dentelées des Alpes, de l’autre, la vallée creuse et verte de Saint-Point, avec ses tours dorées par le soleil des soirs : site solennel, quand on s’y assied en regardant le mont Blanc ; site modeste et recueilli, quand on s’y retourne pour regarder la vallée sombre et la vieille ruine du château. […] Sur cette clairière jaunissante où Laprade et tant d’autres étaient venus se transfigurer depuis Hugo, comme sur un humble Thabor des poètes, les chênes ont été abattus, pour convertir en une poignée d’or nécessaire les rêves mille fois plus dorés qui tombaient avec leur ombre de leurs cimes ; les sentiers battus par les pieds d’amis s’effacent, le château est désert ; le cheval Saphir, qui me portait, dans les grandes journées de feu de Paris, à la défense des foyers et des familles, et que la popularité honnête soulevait quelquefois des pavés sur les bras du peuple, erre seul aujourd’hui dans le pré sous ma fenêtre, paissant en liberté l’herbe d’automne ; de temps en temps je le vois relever la tête, regarder par-dessus le buisson, écouter les chars lointains, et hennir au vent, croyant toujours que ce sont ses maîtres qui reviennent le seller et le monter pour le conduire à la victoire ; puis, détrompé par l’attente vaine, il retourne tristement brouter près des bœufs roux et des vaches blanches, à la lisière des bois qui lui versent l’ombre !

1853. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

Un soldat germain, s’élançant vers lui, l’atteignit d’un coup de son épée, soit par colère, soit plutôt pour le dérober à tant de dérisions et d’outrages, soit en cherchant à frapper le tribun ; l’arme trancha l’oreille du tribun, et le soldat fut à l’instant massacré. » XXV « Vitellius, forcé de relever la tête, par la pointe des épées qu’on lui plaçait sous le menton, était contraint, tantôt de présenter son visage aux insultes, tantôt de regarder ses propres statues s’écroulant sous ses yeux, tantôt la tribune aux harangues et la place où l’on avait tué Galba. […] Les deux sophistes restèrent longtemps muets tous les deux, soit de peur de déconseiller vainement une chose résolue, soit qu’ils fussent convaincus que les choses en étaient descendues à cette extrémité que, si Agrippine n’était pas prévenue dans sa vengeance, il ne restait à Néron qu’à périr. » XLIV « Enfin Sénèque, toujours plus soudain dans ses avis, regarde Burrhus et lui demande si l’on peut commander le meurtre aux soldats.

1854. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

On comprend alors, dès qu’il apparaît, dès qu’il parle, dès qu’il agit, ses premiers mots et ses moindres actes ; on a le pressentiment de sa présence et de son importance dans le drame, on le regarde, on le reconnaît, on s’incorpore, pour ainsi dire, d’avance avec lui. […] Quand la nature a jeté ainsi le site et l’homme dans les yeux du spectateur, et que ces yeux ont eu le temps de bien regarder et de bien se figurer le personnage qui doit parler ou agir, elle le fait se mouvoir, elle le fait parler ou agir, elle le fait commettre des actes de vertu, de politique, ou des forfaits d’ambition à travers l’événement qui se déroule.

1855. (1839) Considérations sur Werther et en général sur la poésie de notre époque pp. 430-451

Goethe cependant l’avait précédé de bien des années ; mais Goethe, dans une vie plus calme, se fit une religion de l’art, et l’auteur de Werther et de Faust, devenu un demi-dieu pour l’Allemagne, honoré des faveurs des princes, visité par les philosophes, encensé par les poètes, par les musiciens, par les peintres, par tout le monde, disparut pour laisser voir un grand artiste qui paraissait heureux, et qui, dans toute la plénitude de sa vie, au lieu de reproduire la pensée de son siècle, s’amusait à chercher curieusement l’inspiration des âges écoulés ; tandis que Byron, aux prises avec les ardentes passions de son cœur et les doutes effrayants de son esprit, en butte à la morale pédante de l’aristocratie et du protestantisme de son pays, blessé dans ses affections les plus intimes, exilé de son île, parce que son île antilibérale, antiphilosophique, antipoétique, ne pouvait ni l’estimer comme homme, ni le comprendre comme poète, menant sa vie errante de grève en grève, cherchant le souvenir des ruines, voulant vivre de lumière, et se rejetant dans la nature, comme autrefois Rousseau, fut franchement philosophe toute sa vie, ennemi des prêtres, censeur des aristocrates, admirateur de Voltaire et de Napoléon, toujours actif, toujours en tête de son siècle, mais toujours malheureux, agité comme d’une tempête perpétuelle ; en sorte qu’en lui l’homme et le poète se confondent, que sa vie intime répond à ses ouvrages ; ce qui fait de lui le type de la poésie de notre âge. » Ainsi ce que madame de Staël, qui n’avait devant les yeux que Goethe, déplorait comme étant une maladie et n’étant qu’une maladie, nous, en contemplant Byron, chez qui cette maladie est au comble, nous ne le déplorions pas moins, mais nous le regardions comme un mal nécessaire, produit d’une époque de crise et de renouvellement. […] L’Allemagne regarde Goethe comme le plus grand artiste de forme des temps modernes ; son style, particulièrement dans Werther, est considéré comme le type de la perfection classique : et pourtant il a passé longtemps pour certain en France que le style de Werther était aussi bizarre, aussi alambiqué, que les sentiments en étaient étranges.

1856. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

De là vient en partie mon inaptitude à laisser ma pensée se gouverner par la rime, inaptitude que j’ai depuis bien vivement regrettée ; car souvent le mouvement et le rythme me viennent en vers, mais une invincible association d’idées me fait écarter l’assonance, que l’on m’avait habitué à regarder comme un défaut et pour laquelle mes maîtres m’inspiraient une sorte de crainte. […] Nous nous regardions sans rien comprendre.

1857. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

. — Mais il faut regarder la contrepartie : l’action de la science sur la littérature. […] Si l’on regarde les œuvres littéraires du temps, qu’y trouve-t-on ?

1858. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Que ceux qui ne l’ont jamais aimée lui lancent des pierres pour l’empêcher d’aborder, ils sont, à la rigueur, dans leur droit ; mais un ancien amant n’a que celui de regarder du rivage, immobile et les bras croisés. […] Durieu et la comtesse, dont il emporte les fonds, se regardent déjà avec des mines allongées, lorsque la porte s’ouvre et Jean Giraud reparaît, les mains pleines de billets de banque.

1859. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

Aussi eut-il la consolation, comme je l’ai dit, de faire fondre en larmes tout son auditoire, quelque aversion qu’on eût pour Eutrope, qu’on regardait avec raison comme l’auteur de tous les maux publics et particuliers. […] Regardez, je vous prie, un Cassini et un Huyghens, qui renoncent tous deux à leur patrie qu’ils honorent, pour venir en France jouir de l’estime et des bienfaits de Louis XIV.

1860. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

Cependant ils n’ont pu ignorer que de tous les chefs-d’œuvre dont ils croient depuis cinq ou six ans avoir enrichi leur scène, aucun n’a reçu, dans les départements, cet accueil bienveillant qui les attache au répertoire, et les fait ressembler à ceux Où tout Paris en foule apporte ses suffrages, Et qui, toujours plus beaux, plus ils sont regardés, Sont au bout de vingt ans encor redemandés. […] On regarde maintenant les théâtres comme une entreprise commerciale ; eh !

1861. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

Si on ne se laissait pas démoraliser par cette renommée, si on osait regarder ses œuvres, on verrait bientôt que l’on s’est entendu un peu trop aisément et trop vite pour les trouver de grandeur et de force à honorer la tradition littéraire d’un pays. […] Dans cette partie du livre de Villemain qui concerne la poésie lyrique, tout autant que dans celle qui regarde Pindare, Villemain est l’homme de toute sa vie, de son organisation, et, il faut bien le dire, de quarante ans de succès, car Villemain a trempé dans le succès.

1862. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

………………………………………………………… Le pourceau misérable et Dieu se regardèrent. […] Déjà Victor Hugo, le père de bâtards qui devraient, quand il les regarde, lui faire honte de sa paternité, nous avait donné le prêtre amoureux, Claude Frollo ; mais, tout en le traînant dans la fange enflammée de sa passion pour une coureuse de places publiques, il lui avait gardé sur son énorme front chauve un rayon d’intelligence qui, du moins, tout coupable qu’il apparaissait, faisait reculer le mépris.

1863. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

Laissant à ce qu’elle appelle la vieille psychologie la contemplation de l’âme elle-même et la solution des problèmes métaphysiques qui s’y rattachent, elle ns regarde, ne voit l’homme que dans les faits, dans les actes, dans les œuvres de sa vie intellectuelle et morale, l’étudié par conséquent dans son histoire, sans chercher à sonder les mystères de sa nature intime. […] Quant à l’idée d’obligation qui constitue la loi morale proprement dite, Bain la regarde comme un produit de la loi écrite, par conséquent encore de l’expérience, dont la loi écrite n’est que la formule.

1864. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie militaire du général comte Friant, par le comte Friant, son fils » pp. 56-68

Regardez-moi !

1865. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française, par M. D. Nisard. Tome iv. » pp. 207-218

Au sortir de ce xviie  siècle qu’il considère comme le point le plus haut d’où l’on puisse regarder en France les choses de l’esprit (ne serait-ce pas assez de dire, les choses du goût ?)

1866. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803 » pp. 2-15

J’avais d’abord regardé les rigueurs de Mme de V… (Vintimille) comme de forme, comme une manière de passeport et un droit de péage dont elle avait cru de sa prudence de prémunir sa lettre, pour lui ouvrir tous les passades ; mais la vôtre est survenue et m’embarrasse beaucoup.

1867. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Dübner »

Villemain en tête : ont-ils jamais daigné, pour la science, regarder au-delà du Rhin ?

1868. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — II. Sur la traduction de Lucrèce, par M. de Pongerville »

“En un mot, dit M. de Pongerville, le voile qui dérobait cette antique et grande production à l’estime publique s’est tellement étendu, qu’une partie considérable du poème doit être regardée comme un monument dont nous enrichirait une découverte récente.”

1869. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

« Et les hommes se regarderont à cette lumière, et ils diront : « Nous ne connaissions ni nous ni les autres, nous ne savions pas ce que c’est que l’homme : à présent nous le savons. » « Et chacun s’aimera dans son frère, et se tiendra heureux de le servir ; et il n’y aura ni petits ni grands, à cause de l’amour qui égale tout, et toutes les familles ne seront qu’une famille, et toutes les nations qu’une nation. 

1870. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « JULES LEFÈVRE. Confidences, poésies, 1833. » pp. 249-261

Son palais intérieur a de grandes richesses amoncelées ; les chambres du milieu ont à leurs parois des peintures émouvantes qui ne demandent que le jour du soleil pour se manifester aux yeux ; mais les vitres par où ce jour pénètre, et au travers desquelles il nous est permis de regarder, ces vitres sont ternes et grises, elles ne nous laissent saisir que des reflets brisés et des lambeaux.

1871. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — III »

Le moi qui profiterait de cette facilité trop fréquemment et avec trop d’amour, le moi qui se livrerait à la vie du dehors autrement que pour comprendre et regarder, le moi qui s’adonnerait à une pratique assidue de la nature et à de trop longues communications avec le monde matériel ; qui, franchissant le pont-levis dès le matin, s’égarerait dans ses pâturages et ses terres pour les amender, visiterait ses mines et ses canaux, dessécherait ses marais, transplanterait des troupeaux lointains pour s’enrichir de leurs toisons, croiserait des races, apprivoiserait une végétation agreste, assainirait un climat fangeux, et qui ne rentrerait au logis qu’à la nuit close, ce moi-là, selon les psychologistes, courrait grand risque d’oublier qu’il n’est pas dans les conditions essentielles de sa nature ; qu’il n’y a au fond et dans la réalité rien de commun entre cette matière et lui ; qu’il n’arrive à elle que moyennant un pont tremblant et fragile, sur la foi d’un laisser-passer arbitraire ; et qu’il ne doit pas s’attarder dans la plaine ni sur les monts, de peur des distractions trompeuses et des pièges sans nombre.

1872. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil. — I »

Quand le peuple se lève et passe, ces gens-là se jettent à plat-ventre : on les croirait morts en ces moments, si en ces moments l’on songeait à eux ; mais sitôt que le peuple en personne est passé, vite ils regardent alentour et se ravisent.

1873. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XV. De l’imagination des Anglais dans leurs poésies et leurs romans » pp. 307-323

parlez de vos joies, vous qu’une larme soudaine surprend souvent quand vous regardez autour de vous, et que rien ne frappe vos regards que des tableaux de félicité ; toutes les affections variées de la nature se pressent sur votre cœur.

1874. (1895) Histoire de la littérature française « Avant-propos »

On ne comprendrait pas que l’histoire de l’art dispensât de regarder les tableaux et les statues.

1875. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens I) MM. Albert Wolff et Émile Blavet »

Il est partout « le monsieur de l’orchestre », l’homme qui regarde pour son plaisir et ne veut pas en penser plus long.

1876. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Baudelaire, Œuvres posthumes et Correspondances inédites, précédées d’une étude biographique, par Eugène Crépet. »

Ou bien, on la regarde comme le piège universel, comme l’instrument de toute chute, et on l’adore à cause de sa funeste puissance.

1877. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVII. Romans d’histoire, d’aventures et de voyages : Gebhart, Lemaître, Radiot, Élémir Bourges, Loti » pp. 201-217

C’est avec des faiblesses traînardes ce qu’a essayé Vigny, avec une finesse un peu courte Mérimée, avec sa verve et son imagination sans loisir de regarder Victor Hugo, l’Hugo charmant de Notre-Dame de Paris, pas le feuilletonnier ténor de Quatre-vingt-treize.

1878. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre III. L’antinomie dans la vie affective » pp. 71-87

Ils regardent la sensibilité comme une forme inférieure de l’intelligence : comme une raison confuse et enveloppée (Leibnitz, Herbert).

1879. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VII. Développement des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Établir en principe que le signe pour reconnaître le pouvoir légitime est de regarder la monnaie, proclamer que l’homme parfait paye l’impôt par dédain et sans discuter, c’était détruire la république à la façon ancienne et favoriser toutes les tyrannies.

1880. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IX. Les disciples de Jésus. »

Dans le public, on le regardait comme le chef de la troupe, et c’est à lui que les préposés aux péages s’adressent pour faire acquitter les droits dus par la communauté 455.

1881. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VIII. Quelques étrangères »

Considérées comme des romans, les interminables fantaisies livresques d’Annunzio apparaissent encore plus fausses et plus puériles que les fantaisies scéniques de Hugo quand on essaie de les regarder comme des drames.

1882. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre III »

Ensuite les Grecs pourront traduire cela en grec, les Anglais en anglais, les Allemands en allemand ; cela ne nous regarde pas.

1883. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — La déclamation. » pp. 421-441

Cependant, continue-t-il, on ne doit pas regarder comme un défaut général celui de quelques particuliers.

1884. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre septième. »

Les choses d’ici bas ne me regardent plus.

1885. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre premier. Astronomie et Mathématiques. »

En mathématiques on ne doit regarder que le principe, en morale que la conséquence.

1886. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VIII. Des romans. » pp. 244-264

Aussi les Romans de Richardson, Pamela, Clarisse, Grandisson, ont été regardés chez nous comme un nouveau genre qui fournit beaucoup au touchant & au pathétique.

1887. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 2, de la musique rithmique » pp. 20-41

Mais comme cela regarde la musique proprement dite, je renvoïerai mon lecteur à ce qu’en a écrit un sçavant homme qui joint à une connoissance profonde de cette science, une grande érudition.

1888. (1860) Ceci n’est pas un livre « Le maître au lapin » pp. 5-30

. — Le dos appuyé contre un vieux tronc, les bras pendants, un homme regarde vaguement devant lui d’un œil hébété par la lourde ivresse de la mort ; un autre serre sa tête dans ses deux mains pour ne rien voir.

1889. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

On a beaucoup disserté sur le but de la comédie ; des philosophes du siècle dernier l’ont regardée comme la seule école de la sagesse ; des critiques de nos jours, au contraire, la représentent comme fatale aux mœurs et à la religion.

1890. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVIII. Souvenirs d’une Cosaque »

Et voilà le reproche que je fais à ce livre tout d’abord, — sans préjudice des autres qui viendront après, — parce que les autres regarderont plus le temps où de pareils livres se publient, que la femme ou les femmes qui osent les publier… Je ne suis pas assez niaisement pédant pour parler morale à une Cosaque qui fait sauter son désir, — comme son cheval, — par-dessus toutes les barrières, sous lesquelles les autres femmes, qui ne sont pas Cosaques, coulent parfois subtilement le leur.

1891. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXI. Mme André Léo »

Mais à dater d’un Mariage scandaleux, elle fut regardée par cette partie de l’opinion démocratique qui se croit littéraire, comme une seconde Mme Sand, — la Mme Sand de la Démocratie sévère ; par conséquent, une Mme Sand bien supérieure à la première, par le sérieux, la direction et la portée.

1892. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte du Verger de Saint-Thomas »

Ce législateur, pratique et d’une application immédiate » n’a fait du duel qu’une question d’histoire, — et peut-être, à bien y regarder, n’est-il que cela ?

1893. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ernest Hello » pp. 389-403

mais qui regarda souvent les choses humaines par-dessus son christianisme.

1894. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

L’histoire de l’antiquité, dont nous sommes la dernière page, présente aux regards de l’observateur deux grands peuples, — le peuple grec et le peuple romain, — qui tous deux mal vus longtemps, mais obstinément regardés, n’ont point été cependant assez rapprochés l’un de l’autre pour qu’on ait jusqu’ici séparé la vérité de l’erreur, et, puisque nous dépendons tant et du passé et de l’Histoire, nos devoirs de nos illusions.

1895. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

Il n’y avait rien de grand, de généreux dans Charles VIL Quand on le regarde à distance, il paraît énorme, exhaussé par les événements de son siècle.

1896. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme et l’Enfant » pp. 11-26

Il n’entend guères que la France joue à ce pastiche de dupe irressemblant et dangereux, l’imitation de la Hollande et de l’Angleterre ; et s’il nous cite ce dernier pays, c’est pour nous donner un exemple frappant de l’énorme profit qu’une nation, industrielle pourtant de nécessité et par excellence, a tiré de l’agriculture, en appliquant les plus actifs procédés d’une exploitation intelligente aux ingratitudes natives de son sol… Alphonse Jobez, il est vrai, a vu ce qu’il est impossible de ne pas voir quand on regarde l’Angleterre.

1897. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes d’Amérique » pp. 95-110

Quant aux Américains, que depuis longtemps les philosophes de l’École radicale s’obstinent à regarder comme le peuple de l’avenir qui doit renouveler tous les autres, s’ils sont peints ressemblants dans ce livre scandaleux, écrit à leur gloire, l’Europe peut être bien tranquille.

1898. (1880) Goethe et Diderot « Note : entretiens de Goethe et d’Eckermann Traduits par M. J.-N. Charles »

Il était ce que nous avons tous le droit d’être quand nous avons la faculté de regarder et de comprendre.

1899. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IV. M. Henri Martin. Histoire de France » pp. 97-110

Et c’est précisément pourquoi nous avons peut-être, en oncles prudents, le droit de regarder un peu dans l’intérieur de ce bonnet que M. 

1900. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexandre de Humboldt »

Seulement, en supposant que l’ensemble, pour être bien vu, n’y soit pas regardé de trop haut et par cela même y devienne vague, en supposant qu’on puisse être tout à la fois exact et poétique, la grandeur et la beauté de l’exactitude ne sont pas un si étonnant tour de force quand il s’agit de la Nature, qui a cela de particulièrement tout-puissant que ceux qui disent faux en en parlant sont encore poétiques, et qu’elle communique de sa grandeur jusqu’à ceux-là qui mentent sur elle !

1901. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Horace Walpole »

Il était perpétuellement occupé à se regarder dans les lettres qu’il ne cessait d’écrire ; car les lettres que nous écrivons sont nos miroirs !

1902. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

À toute force, il ne veut pas que Madame Geoffrin sorte du cadre, étroit et superficiel, d’amitié sensée et de maternité placide dans lequel l’opinion a pris, à distance, l’habitude de la regarder.

1903. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Nicolas Gogol »

Écoutez cette plainte fatiguée : « Toutes les personnes, — écrit Gogol à un de ses amis, — toutes les personnes qui lisent, en Russie, sont persuadées que l’emploi que je fais de ma vie est de me moquer de tout homme que je regarde et d’en faire la caricature… » Bientôt, cette société qu’il avait blessée par cette suite de caricatures qui forment les divers chants de son poème des Âmes mortes, les fonctionnaires de cette Chine de fonctionnaires dont il avait dit les bassesses, les petitesses, le néant, l’aristocratie puérile, les femmes, les prêtres, tout se souleva contre lui.

1904. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « III. Donoso Cortès »

Cette introduction est de la placidité pleine de force qu’ont les chrétiens, quand ils regardent deux choses tristes, — le monde et un tombeau.

1905. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVII. Saint-Bonnet »

La discussion, s’il y en a une, ne nous regarde plus.

1906. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIV. Alexandre de Humboldt »

Seulement, en supposant que l’ensemble, pour être bien vu, n’y soit pas regardé de trop haut, et par cela même y devienne vague, en supposant qu’on puisse être tout à la fois exact et poétique, la grandeur et la beauté de l’exactitude ne sont pas un si étonnant tour de force, quand il s’agit de la Nature, qui a cela de particulièrement tout-puissant, que ceux qui disent faux, en en parlant, sont encore poétiques, et qu’elle communique de sa grandeur jusqu’à ceux-là qui mentent sur elle !

1907. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIX. M. Eugène Pelletan »

On entend cela partout, et on l’accepte, comme on accepte tout, à condition de n’y pas trop regarder et de n’y pas trop comprendre.

1908. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Th. Ribot. La Philosophie de Schopenhauer » pp. 281-296

Éclairée par la connaissance de ce monde, la volonté cesse son vouloir, ne veut plus vivre, et se libère par le parfait repos. » C’est l’histoire des fakirs aux Indes, qui passent leur vie à se regarder le bout du nez, pendant que les oiseaux font leurs nids et tout ce qu’ils veulent sur leurs têtes immobiles.

1909. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Gratry »

Il n’en restera pas moins acquis comme un enseignement qui vient à temps, que cette faiseuse de découvertes, la métaphysique du xixe  siècle, représentée par une intelligence très digne d’elle, est arrivée à confesser tout simplement au nom de la science ce que la philosophie moderne regardait de fort haut, c’est-à-dire la vieille induction tirée des facultés de l’homme aux attributs de Dieu, et le grand raisonnement, mêlé de raison et de foi, des causes finales.

1910. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « E. Caro »

Excepté Vera, seul hégélien franc du collier que je connaisse, qui prend bravement Hegel et son système et qui avale le tout, — ce qui n’est pas facile, — les autres philosophes du temps ont de l’Hegel plus ou moins dans l’estomac ou dans la veine ; ils l’éructent ou le suent plus ou moins ; mais ils ne sont jamais du pur Hegel, et même ils ne voudraient pas l’être, l’orgueil anarchique des esprits étant monté si haut que personne bientôt ne voudra plus être le disciple de personne, et qu’un homme à qui vous direz qu’il est d’une École se regardera comme insulté.

1911. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Achille du Clésieux »

Une pareille opinion, dont il m’est impossible de ne pas m’étonner venant de la plume qui l’exprime, aurait peut-être sa valeur si le poème d’Armelle, au lieu de s’adresser aux âmes, une à une, dans l’intimité de chacune d’elles, était une œuvre dramatique, s’adressant à un public en masse, c’est-à-dire à cette moyenne d’esprits qui ne regardent comme vraisemblables et touchants que les sentiments dont ils sont capables.

1912. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

Le croira-t-on sans y avoir regardé ?

1913. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Arsène Houssaye » pp. 271-286

Regardez-y avec attention : Messaline, malgré le génie grossissant de son tortionnaire Juvénal, n’est pas, en somme, plus profonde que cela.

1914. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Le Sage » pp. 305-321

Il nous avait mis une visière verte pour regarder l’Espagne ensoleillée, qui nous aurait aveuglés de son âpre beauté.

1915. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Raymond Brucker » pp. 27-41

Isolé comme un chrétien dans ces temps d’épreuve pour les vrais serviteurs de Dieu, il n’est pas, comme Diderot, le centre d’une légion (le diable s’appelle parfois légion) de philosophes qui le regardent comme leur Ordonnateur en chef.

1916. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Prosper Mérimée. » pp. 323-336

Quoique la littérature française tienne pour nous, Français, la plus large place dans la littérature de notre temps, et que cet ouvrage soit plus particulièrement consacré à la littérature française, cependant, quand, dans les autres littératures contemporaines, marquera, à tort ou à raison, une œuvre ou un homme, nous les regarderons par dessus leur frontière… A quoi bon, d’ailleurs, parler de frontière ?

1917. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVI. Des éloges académiques ; des éloges des savants, par M. de Fontenelle, et de quelques autres. »

Les premiers regardent ces éloges comme une justice rendue à des citoyens utiles, ou qui ont voulu l’être ; comme une manière de plus d’honorer les arts ; comme un tribut de l’amitié entre les hommes qui ont été unis par le désir de s’instruire ; comme des matériaux pour l’histoire de l’esprit humain ; enfin, comme un encouragement et une leçon qui apprennent aux citoyens de toutes les classes que le mérite peut quelquefois tenir lieu de fortune et attirer aussi le respect.

1918. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IV. »

Souvent, du milieu des maux, ils relèvent les hommes abattus sur le sol noir de la terre ; souvent ils renversent et courbent, la tête en bas, ceux qui prospéraient ; puis arrivent de nouvelles misères ; et l’homme vague au hasard entre la vie qui lui manque et la raison d’où il s’écarte. » Ailleurs, c’est seulement un éclat d’images qui rappelle la forte poésie d’Horace et ses allégories si courtes et si vives : « Regarde, avait dit Archiloque51 : la mer profonde est soulevée dans ses flots.

1919. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

L’absence ou la ruine de la beauté est pour elle le pire des malheurs ; prolonger les années fugitives où l’homme la regarde avec amour doit être le grand effort de sa vie, la plus ardente prière qu’elle adresse en secret à Dieu. […] L’espérance d’une immortalité littéraire peut être regardée depuis la Renaissance, pour emprunter un terme au vocabulaire de la chimie, comme un succédané de la croyance éteinte ou expirante à l’immortalité personnelle des âmes. […] Un auteur vivant qui cesse de produire est aussitôt regardé comme un concurrent qui se retire de la lice et qui s’avoue vaincu34. […] À toutes les époques, on l’aurait vu regarder derrière lui, étant né avec des yeux tournés vers le passé et la moqueuse nature lui ayant fait enfourcher à rebours son pauvre Pégase, qu’il tient par la queue. […] Dante « regarde et passe » ; il nous remplit d’un vague effroi, comme une apparition spectrale, par la rigidité farouche de son esprit étroit et sombre, passionné et violent.

1920. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Ici, et dans quelques autres endroits, l’auteur, tout à sa démonstration, a oublié de regarder la vie. […] Le mari et l’amant regardent le corps gisant de leur femme… Et la pièce pourrait finir là, si le public admettait qu’une pièce pût finir dès que l’auteur n’a plus rien à nous dire d’important. […] Brandes vint à Paris, il y a sept ou huit ans, il regardait Edmond de Goncourt comme le premier des écrivains français. — Nous ne toucherons plus à son Ibsen, c’est dit ; mais à charge de revanche ! […] Au dernier acte, lorsqu’elle va chercher sous l’oreiller la lettre d’Armand pour la relire, elle en parcourt des yeux les premières lignes, puis en récite le reste sans plus regarder le papier, car elle la sait par cœur. […] C’est pourquoi je ne retiendrai, de cet acte supprimé à la représentation, que ce qui regarde l’évolution des sentiments de Jean de Sancy. — Jean reconnaît qu’il a trop présumé de ses forces en croyant qu’il saurait imiter Boussard.

1921. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Dès lors, il se fit une étude de supprimer tous les dehors de ce qu’il regardait comme une faiblesse déshonorante. […] Ils regardaient les peaux-de-truie avec concupiscence, ils palpaient le veau fauve avec volupté. […] Il regarde son crime en face et il le commet, il tue un vieil usurier. […] Nous sommes trop petits pour regarder voler les astres. […] Lorsqu’il paraissait devant ses juges, elle le regardait avec des yeux baignés de larmes.

1922. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Autran, trois sources d’inspiration principales : les souvenirs, le paysage et le drame ; les images du passé qui se mêlent à l’histoire de la mer ; les aspects toujours nouveaux, toujours infinis, qu’elle présente à qui sait la regarder ; et enfin cette portion des joies, des douleurs, des émotions humaines, qu’elle voit passer sur ses bords ou qu’elle engloutit sous ses flots. […] On dirait un prêtre d’Apollon ou de Cybèle, une sorte de Démodocus antidaté, gardien ombrageux de l’orthodoxie mythologique, et croyant, comme dit Sganarelle, que tout soit perdu, s’il laissait altérer la pureté sacerdotale des traditions et des textes au contact de nos profanes regardes et de nos idées modernes. […] En lisant le récit des travaux de ces personnages, l’explication de leurs desseins et le panégyrique de leurs actes, on se dit que, si Dieu avait prolongé au-delà des limites ordinaires leurs existences déjà si longues, ils auraient vu s’écrouler une dernière fois ce qu’ils regardaient comme l’héritage définitif de leurs labeurs, de leurs luttes et de leurs pensées. […] Quoiqu’il ait commencé à écrire avant Février 1848, on peut regarder cette Révolution comme la date précise de son avènement et de ses débuts. […] Edmond Texier est un esprit ferme et juste, sobre et fin, possédant à un haut degré le sentiment du vrai, voyant bien ce qu’il regarde, décrivant bien ce qu’il voit, et parfaitement préparé à tracer d’une plume élégante le commentaire animé, intelligent, pittoresque, des merveilles du crayon moderne, des charmants dessins chargés d’illustrer sa prose ou plutôt d’établir avec elle un échange de traits heureux, de vives silhouettes, d’amusantes figures, de types, de saillies, d’épigrammes, d’épisodes grotesques ou tristes, tour à tour racontés par le dessinateur et dessinés par l’écrivain.

1923. (1888) Poètes et romanciers

Au-dessus d’elle il y a Dieu qui nous regarde vivre avec la compassion d’un Père, n’en doutons pas. […] Dois-je exister sans être et regarder sans voir ? […] Tous ces prêtres, tous ces messies regardent effarés, livrant leurs barbes au gouffre du vent. […] Je me trompais. — Si nous regardions toute la nature avec les yeux de M.  […] On lui fait une sorte de crime d’avoir passé si légèrement sur certaines parties de sa vie intime, en particulier sur celle qui regarde ses affections.

1924. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Frappé de cette ressemblance, il s’approche pour lui adresser la parole ; mais à peine a-t-elle entendu le son de sa voix, qu’elle le regarde et s’écrie avec un accent de surprise et de tendresse que rien ne peut rendre: « Ah ! […] Dieu veut finir mes peines, puisqu’il vous inspire plus de bonté envers moi, qui vous suis étrangère, que jamais je n’en ai trouvé dans mes parents. » Je connaissais Marguerite, et, quoique je demeure à une lieue et demie d’ici, dans les bois, derrière la Montagne-Longue, je me regardais comme son voisin. […] Bientôt, tout ce qui regarde l’économie, la propreté, le soin de préparer un repas champêtre, fut du ressort de Virginie, et ses travaux étaient toujours suivis des louanges et des baisers de son frère. […] Comme ils regardaient de côté et d’autre s’ils ne trouveraient pas quelque nourriture plus solide, Virginie aperçut, parmi les arbres de la forêt, un jeune palmiste.

1925. (1902) Le critique mort jeune

Moi je dirais plutôt que je suis en face d’une fleur et le bras levé pour la cueillir ; je regarde et je ne cueille pas ; je m’éloigne, je fais cent tours dans le jardin, je reviens, je regarde encore et je m’arrête encore. […] Il se contenta d’« approuver » les esprits religieux et puis, conformément à son caractère, les regarda comme un élément, tout pareil aux autres, des diverses combinaisons qui se forment en littérature et en politique, les deux choses dont il aime le mieux disputer. […] Je regarde comme un tour de force qu’il ait réussi, par exemple, à débrouiller le chaos de Proudhon et à donner un squelette à cet invertébré. […] On lui connaît désormais une morale, qui n’éclate peut-être pas à toutes les pages de ses œuvres précédentes, mais qui, à y bien regarder, en résume les tendances et en traduit l’esprit. […] À la vérité, c’était un pur psychologue qui se regardait vivre comme Condillac observait sa statue.

1926. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

Goudot, qui a habité le Brésil pendant dix années, regarde le suc de liane épaissi comme jouant simplement le rôle d’un excipient dans lequel on introduit ensuite du venin de serpent. […] La vie suspendue revint : l’ânesse leva la tête et regarda autour d’elle ; mais, l’introduction de l’air ayant été interrompue, elle retomba dans la mort apparente. […] C’est ce qui nous explique comment l’ânesse de Watterton, qui a pu relever la tête et regarder autour d’elle, est retombée morte quand on a arrêté le soufflet qui la faisait vivre en remplaçant ses nerfs respiratoires encore engourdis. […] La vraie science ne supprime rien, elle cherche toujours et regarde en face et sans se troubler les choses qu’elle ne comprend pas encore. […] Partout, en un mot, la destruction physico-chimique est unie à l’activité fonctionnelle, et nous pouvons regarder comme un axiome physiologique la proposition suivante : toute manifestation d’un phénomène dans l’être vivant est nécessairement liée à une destruction organique.

1927. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Et comme il a le don de voir, comme il a l’habitude de regarder, non en spectateur indifférent, que satisfait le premier mensonge venu, mais en philosophe passionné de vérité, l’être humain aux prises avec les engrenages de ses passions, de ses instincts, et les fatalités de son milieu social, il est bien évident qu’il a dû rendre l’homme ressemblant à lui-même, et nous montrer, à l’éclatante lumière de son merveilleux talent, ce petit cloaque de boue — rose et parfumé, mais de boue — qu’est le cœur des mondains. […] … Une matinée qu’il pleuvait, et que nous étions réunis chez lui, à regarder la mer, à regarder la pluie tomber sur la mer, il me donna, avec une bonne grâce parfaite, non moins qu’avec une évidente sincérité, la raison de cette transformation qui me ravissait. […] que j’envie ceux sur qui n’est point passé l’âpre souffle de cet orage, et qui peuvent regarder les choses, avec le même regard qu’hier ! […] C’est plus qu’un roman, autre chose qu’un poème : c’est un livre de prophète, de voyant, mais qui sait voir singulièrement juste et singulièrement grand, quand il regarde les ténèbres de la terre, ou qu’il interroge les splendeurs du rêve futur… Est-il besoin de rappeler aux lecteurs de L’Aurore le sujet de ce livre ? […] Au milieu de la page, très noires sur un fond de soleil irradiant, des guillotines, des guillotines… — Regardez ce numéro, admira l’admirable directeur… Un de mes meilleurs assurément… Ah !

1928. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Regardons cet être lointain, qui médite en songeant à l’étincelle jaillie entre deux pierres, ou en tâtant le morceau de bois qu’un frottement a déjà échauffé. […] Il se passe dans les êtres vivants des phénomènes qui étaient regardés comme très mystérieux. […] Ils barricadent leur maison, le soir, regardent dans les coins et dans les armoires, voient partout des amants, comme Harpagon voit partout des voleurs. […] Regarde en toi-même, « Hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère », que penses-tu de la bigamie ? […] Un totem est une classe d’animaux ou de plantes à laquelle un clan, une famille se regarde comme liée par un ancêtre commun.

1929. (1925) Comment on devient écrivain

M. de Buffon regarda sa montre et demanda ses chevaux.‌ […] Pourquoi y regarder de si près, ou de si prêt ? […] Ils savent regarder autour d’eux, sans quitter leur salle à manger, sans sortir de leur maison. […] « Quelques noms, dit Israëli, ont été regardés comme présentant des auspices plus favorables que d’autres. […] L’auteur des Méditations n’avait pas tort, à la rigueur, de désapprouver sa morale et d’en signaler les inconvénients pour les enfants, qui cependant n’y regardent pas de si près.

1930. (1898) La cité antique

Nous ne manquons guère de nous tromper sur ces peuples anciens quand nous les regardons à travers les opinions et les faits de notre temps. […] Regardez les institutions des anciens sans penser à leurs croyances, vous les trouvez obscures, bizarres, inexplicables. […] Regardons une armée romaine au moment où elle se dispose au combat. […] Regardons maintenant une armée grecque, et prenons pour exemple la bataille de Platées. […] Il en avait peur et n’osait ni raisonner, ni discuter, ni regarder en face.

1931. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Le général qui, sur le champ de bataille, regarde la mort en face, se trouble devant la mascarade parlementaire des députés costumés de rouge. […] Cet art triomphait sur les scènes populaires ; involontairement les novateurs regardaient vers elles. […] Comme les écrivains du xviiie  siècle, il ne cesse de regarder du côté de l’Angleterre. […] Quand je serai las de me regarder, je fermerai ce livre, et tout sera dit. […] Il regarde dans l’âme : c’est ce que j’ai fait.

1932. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

Philoctète, Ulysse, regardent les flots et ne leur parlent pas. […] On lit dans la préface que l’auteur, au début, soumit le manuscrit de sa pièce à La Harpe, qu’on regardait alors comme l’oracle en telle matière ; et La Harpe, après avoir examiné, répondit : « Votre pièce est assez bien écrite, mais le sujet n’est nullement propre au théâtre ; s’il l’était, Voltaire ou moi nous nous en serions emparés. » Voilà bien de nos Aristarques.

1933. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

Si l’on suppose que c’est quelque Lesbie qui parle, quelque Sapho passionnée, on pourra également admirer le distique de Méléagre, dont voici le sens, privé du rhythme et de la grâce concise : « Si je regarde Théron, je vois l’Univers ; mais, si l’Univers est sous mes yeux et non pas lui, tout au contraire je ne vois rien. » Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères, Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ! […] L’une tombe penchée sur les genoux de la mère, l’autre dans ses bras, l’autre à terre, l’autre à sa mamelle ; une autre, effarée, reçoit le trait en face ; une autre, à l’encontre de la flèche, se blottit ; l’autre, d’un œil qui survit, regarde encore la lumière.

1934. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Il semble qu’il suffise de les nommer ; l’Europe moderne n’a pas d’écrivains plus grands ; et pourtant il faut regarder de près leur talent, si l’on veut bien comprendre leur puissance  Pour le ton et les façons, Montesquieu est le premier. […] Pour appliquer la satire, ils n’avaient qu’à regarder ou à se souvenir.

1935. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Regardez-la, cruels ! non pour être désarmés par sa beauté ; mais, si les pleurs l’ont flétrie, regardez-la pour contempler les traces d’une année de désespoir !

1936. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

Cet homme endure tous les maux avec l’humble résignation de la bête de somme ; il regarde le comte Pierre avec un bon sourire innocent ; il lui adresse des paroles naïves, des proverbes populaires au sens vague, empreints de résignation, de fraternité, de fatalisme surtout. […] Et, d’autre part, nous avions assurément éprouvé cet obscur frisson avant d’avoir ouvert un livre russe ou norvégien. « Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie », est une phrase qui ne date pas d’hier  Un des passages de Tolstoï où l’inquiétude du mystère est le mieux traduite, c’est apparemment quand le prince André Volkonsky, blessé à Austerlitz, est étendu sur le champ de bataille et regarde le ciel, « ce ciel lointain, élevé, éternel ».

1937. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Je le regarde comme un vrai savant, écrivais-je à mon ami du séminaire de Saint-Brieuc. […] Comme cela nous engage à regarder ce, qui passe comme n’étant pas et à supporter patiemment des peines de quelques jours, dont nous rirons dans quelques années et auxquelles nous ne penserons pas dans l’éternité !

1938. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VI. L’effort intellectuel »

On sait que certains joueurs d’échecs sont capables de conduire de front plusieurs parties sans regarder les échiquiers. […] Nous commençons par regarder danser.

1939. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — II. (Fin.) » pp. 330-342

de trier aussitôt parmi les catholiques ceux qui sont plus attachés à la royauté qu’au pape ; une bonne partie de ces catholiques sont tout prêts et s’offrent à servir, le maréchal de Biron en tête ; cela suffit : « Serénez votre visage, usez de l’esprit et du courage que Dieu vous a donnés, voici une occasion digne de vous. » La raison par laquelle il conclut est celle qui est la meilleure pour appuyer tous conseils de ce genre, et qui est le grand renfort des arguments : N’ignorez pas que vous êtes le plus fort ici ; voilà plus de deux cents gentilshommes de votre cornette dans ce jardin, tous glorieux d’être au roi ; si votre douceur accoutumée et bienséante à la dignité royale et les affaires présentes n’y contredisaient, d’un clin d’œil vous feriez sauter par les fenêtres tous ceux qui ne vous regardent point comme leur roi.

1940. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

« On m’appelle souvent un fantaisiste, me disait-il un jour, et pourtant, toute ma vie, je n’ai fait que m’appliquer à bien voir, à bien regarder la nature, à la dessiner, à la rendre, à la peindre, si je pouvais, telle que je l’ai vue. » Qu’il y ait eu des excès dans le rendu des choses réelles, je le sais et je l’ai dit quelquefois.

1941. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

Au petit rayon de clarté qui me paraît maintenant, mon esprit se développe et se met en devoir d’expliquer vos paroles, et de regarder d’un meilleur œil cette excellente fille qui a ravi votre cœur.

1942. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel » pp. 355-368

Nous sommes avec un esprit sage, prudent, modéré, doué des qualités civiles ; il a ses préférences, ses convictions ; il ne les cache pas, il les professe ; mais nous sommes aussi avec un esprit droit qui ne procède point par voies obliques ; lui du moins, en écrivant l’histoire, il ne songe à faire de niches à personne (ce qui est indigne d’esprits éclairés et mûrs, ce qui fait ressembler des hommes réputés graves, des hommes à cheveux gris et à cheveux blancs, à de vieux écoliers malins tout occupés à jouer de méchants tours à leur jeune professeur) ; il ne pense pas sans cesse à deux ou trois choses à la fois, il ne regarde pas toujours le présent ou l’avenir dans le passé : il étudie ce passé avec scrupule, avec étendue et impartialité, et il nous permet de faire avec lui, ou même sans lui, toutes sortes de réflexions sur le même sujet.

1943. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — II » pp. 161-173

Le brave La Noue, cet excellent homme de guerre du xvie  siècle, a soutenu dans ses Paradoxes militaires « qu’il est profitable à un chef de guerre d’avoir reçu une route », c’est-à-dire d’avoir, une fois dans sa vie, essuyé une déroute ou du moins un échec qui lui est une leçon ; Joubert essuya une première défaite à Corona, et cela dut lui servir : il paraît bien, d’ailleurs, qu’il avait reconnu tout d’abord, et mieux que Masséna son chef, l’importance de ce poste de Corona, qui est la clef, le point stratégique des opérations dans cette contrée du Montebaldo : Pour ce qui me regarde, dit-il, je n’osais, après ma défaite de Corona, me présenter à Bonaparte ; mais tous les volontaires avaient parlé de ma défense.

1944. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. »

les poëtes n’ont pas comme les peintres leur exposition annuelle où chaque curieux défile, où chaque critique est convié d’office et où, tant bien que mal, ils sont regardés et jugés.

1945. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « M. Viguier »

Et en effet, pour qui l’a vu, ses grands yeux saillants, à fleur de tête, semblaient avides de regarder et comme naturellement voués à une continuelle lecture.

1946. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET (La Confession d’un Enfant du siècle.) » pp. 202-217

Les très-jeunes gens surtout n’y regardent pas si longtemps, et sans marchander sur leurs impressions, comme les taureaux ardents qui n’aperçoivent que le voile de pourpre, ils s’y précipitent.

1947. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  premier article .  » pp. 326-341

Rappelons toutefois que si, pour certains aspects de Sophocle et d’Eschyle, nous avons été redevables au critique allemand, nous avions pris de nous-mêmes les devants pour ce qui regarde Homère : la méthode simple de le comprendre et de le traduire était déjà trouvée ; elle l’était, je le répète, par Fénelon et par M.

1948. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

La république des lettres ne s’étend point dans des lieux où elle sait qu’elle n’a que des ennemis, occupés sans cesse à désapprendre ou à oublier ce que la curiosité leur avoit fait rechercher, pour renfermer toute leur application et leur étude dans le seul livre de Jésus-Christ. » Chaque fois que l’incorrigible Nicaise recommence, Rancé réitère cette profession d’oubli : « Tous les livres dont vous me parlez ne viennent point jusqu’à nous, parce qu’on les regarde comme perdus et comme jetés dans un puits d’où il ne doit rien revenir. » Le bon abbé Nicaise ne se décourage point pourtant ; à défaut des ouvrages d’autrui, il enverra les siens propres, et il espère apprendre du moins ce qu’on en pense.

1949. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VII. Du style des écrivains et de celui des magistrats » pp. 543-562

J’oserai dire que mon père est le premier, et jusqu’à présent le plus parfait modèle de l’art d’écrire, pour les hommes publics, de ce talent d’en appeler à l’opinion, de s’aider de son secours pour soutenir le gouvernement, de ranimer dans le cœur des hommes les principes de la morale, puissance dont les magistrats doivent se regarder comme les représentai, puissance qui leur donne seule le droit de demander à la nation des sacrifices.

1950. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

Il semble ne la regarder que comme une convention et une parade.

1951. (1858) Cours familier de littérature. V « Préambule de l’année 1858. À mes lecteurs » pp. 5-29

Tu regardais la peur en face, en homme libre, Et ta haute raison rendait plus d’équilibre À mon esprit frappé de tes grands à-propos Que le bain n’en rendait à mes membres dispos !

1952. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leconte de Lisle, Charles-Marie (1818-1894) »

Le front, très haut, se gonfle au-dessus des yeux en deux bosses qui ne font guère défaut dans les têtes des hommes de génie ; les sourcils bien fournis sont très rapprochés des yeux, et ces yeux vifs, perçants, impérieux et spirituels sont comme embusqués au fond de deux cavernes sombres, d’où, avec impartialité, ils regardent passer tous les dieux.

1953. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IV. L’antinomie dans l’activité volontaire » pp. 89-108

C’est à cause des conséquences sociales de son initiative que le Stockmann d’Ibsen est regardé comme un héros.

1954. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VIII. La crise actuelle de la Physique mathématique. »

Gouy eut l’idée d’y regarder de plus près et il vit, ou crut voir, que cette explication est insoutenable, que les mouvements deviennent d’autant plus vifs que les particules sont plus petites, mais qu’ils ne sont pas influencés par le mode d’éclairage.

1955. (1890) L’avenir de la science « Préface »

La nuance fugitive, que le vieux français regardait comme une quantité négligeable, j’essayais de la fixer, au risque de tomber dans l’insaisissable.

1956. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Premières tentatives sur Jérusalem. »

À l’encontre des Pharisiens très sévères, qui marchaient voilés ou les yeux fermés, il regardait les femmes, même les païennes 625.

1957. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre I : De la méthode en psychologie »

Mais, d’un autre côté, je regarde comme une erreur tout aussi grande en principe, et plus sérieuse encore en pratique, le parti pris de s’interdire les ressources de l’analyse psychologique, et d’édifier ainsi la théorie de l’esprit sur les seules données que la physiologie peut actuellement fournir.

1958. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Évolution de la critique »

Le fait qu’il s’en occupe lui paraît suffire à indiquer qu’il les regarde comme doués de mérite ou comme significatifs, et, cette attitude attentive ou admirative une fois prise, il s’attache à résoudre les deux problèmes qu’il envisage à propos de livres et d’artistes : celui du rapport de l’auteur avec son œuvre, et celui du rapport des auteurs avec l’ensemble social dont ils font partie, questions délicates et fécondes que M. 

1959. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces diverses — Préface du « Rhin » (1842) »

Ne serait-il pas vraiment inexplicable qu’il eût passé, lui, devant ces cathédrales sans y entrer, devant ces forteresses sans y monter, devant ces ruines sans les regarder, devant ce passé sans le sonder, devant cette rêverie sans s’y plonger ?

1960. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

Elle avait donné un logement dans sa maison à La Fontaine, qu’elle regardait presque comme un animal domestique ; et après un déplacement, elle disait : Je n’ai plus, dans mon ancienne maison, que moi, mon chat, mon chien, et mon La Fontaine.

1961. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre I : Qu’est-ce qu’un fait social ? »

Quand on regarde les faits tels qu’ils sont et tels qu’ils ont toujours été, il saute aux yeux que toute éducation consiste dans un effort continu pour imposer à l’enfant des manières de voir, de sentir et d’agir auxquelles il ne serait pas spontanément arrivé.

1962. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’empire russe depuis le congrès de vienne »

Les historiens de la Russie, les vrais, les seuls, ne sont point ceux qui ont la prétention ou la volonté d’écrire, en quatre points, une histoire de l’empire russe, mais ce sont les observateurs sans missions officielles, les artistes intuitifs, les voyageurs surtout, qui, un beau matin, s’en vont regarder l’énorme sphinx au visage et reviennent nous dire ce qu’ils en ont vu.

1963. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

Humainement, historiquement, pour ceux-là qui regardent toutes choses à travers l’Histoire, l’Église peut être perdue dans le temps ; mais si elle l’est, elle est vengée !

1964. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VIII. M. de Chalambert. Histoire de la Ligue sous le règne de Henri III et de Henri IV, ou Quinze ans de l’histoire de France » pp. 195-211

Après la conversion d’Henri IV, l’insolence royaliste seule put regarder la Ligue comme vaincue, et ce vers si comiquement gascon sur un héros gascon : Il confondit Mayenne, et la Ligue, et l’Ibère, car la Ligue avait obtenu ce qu’elle avait voulu, un roi catholique, et Henri IV avait été obligé de communier, à son sacre, sous les deux espèces ; mais plus tard, de fait, oui, elle fut vaincue, et, sinon elle, qui n’existait plus, au moins cette nation qu’elle avait si grandement et si vaillamment représentée !

1965. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Théodore de Banville »

Regardez ce qui se trouve au fond de toutes les poésies contemporaines, et ôtez-le des poésies de Banville, et vous allez voir ce qui va rester !

1966. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Gustave Flaubert » pp. 61-75

Flaubert — pour laquelle les romanciers écrivent aussi, ne puisse jamais les regarder comme une femme amoureuse, pour s’en éprendre et y rêver !

1967. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Le Comte de Gobineau »

Mais regardons-les des yeux de l’esprit.

1968. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXI. De Thémiste, orateur de Constantinople, et des panégyriques qu’il composa en l’honneur de six empereurs. »

si vous vous apercevez que je vous trompe, si le moindre mensonge se mêle à mes paroles, élevez tous votre voix contre un lâche orateur ; repoussez-moi du sanctuaire de la sagesse, et ne permettez plus à celui qui l’outrage, d’oser en donner des leçons ; mais si toutes les fois que je louerai, je dis la vérité, ne regardez pas comme une vile flatterie ce qui est un juste éloge.

1969. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre II. De la métaphysique poétique » pp. 108-124

Ils parlent de celui qui regarde la conservation du genre humain, et ils ne disent rien de celui qui a rapport à la conservation des peuples en particulier.

1970. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

« Il n’y a pas d’homme, en effet, redoutable à la guerre, s’il n’est endurci à regarder le carnage sanglant et s’il n’aspire à serrer de près l’ennemi.

1971. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

L’auteur affirme des faits qu’il aurait pu observer, mais qu’il ne s’est pas donné la peine de regarder. […] Regardons d’abord les matériaux de l’histoire. […] On peut regarder les mouvements réels qui constituent le fonctionnement des organes de façon à observer la réaction réciproque des parties de l’organisme. […] Elle est entravée par des difficultés matérielles dont les théories méthodologiques ne tiennent pas compte, mais qu’il vaut mieux regarder en face pour voir si elles doivent rester insurmontables. […] On ne peut donc pas comprendre l’évolution en s’enfermant dans une branche spéciale d’histoire ; le spécialiste, pour faire l’histoire complète même de sa branche, doit regarder par-dessus sa cloison dans le champ des événements communs.

1972. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Si nous n’avons rien sur l’Espagne et l’Angleterre qui se recommande par des noms revêtus d’une pareille autorité, il ne faut pourtant pas regarder comme inutiles et sans valeur tous les travaux entrepris pour nous initier à la connaissance de ces deux pays. […] Aucun de ces personnages n’a été mêlé à sa vie ; il les a vus, il les a regardés, il s’en souvient, il nous les montre, et la pleine connaissance du milieu où il a vécu n’ajoute rien à ce que vous savez de sa nature, car il a pris soin de la poser d’avance comme prédestinée. […] Regardez une statue trouvée dans les champs de l’Attique : le lin ou la laine, disposés par une main tout à la fois savante et hardie, laissent deviner la force de l’athlète ou la beauté de la jeune canéphore. […] Regardez une statue de Bernin : le marbre est fouillé avec une merveilleuse adresse, il semble vouloir lutter de souplesse avec les tissus les plus fins ; mais le ciseau, en multipliant les caprices de la draperie, a effacé les contours du corps. […] Il n’est pas bon qu’un homme, quel qu’il soit, s’écoute penser, se regarde vivre à toute heure.

1973. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Je touche moi-même mes blessures à l’endroit où elles sont le plus mortelles, je les rouvre et je les regarde saigner. » Et cependant, en même temps, il déclare son mal insupportable. […] Ils semblaient quelquefois regarder au ciel et réfléchir le bonheur qu’ils y voyaient. […] Appuyé contre une colonne, je les ai regardés avec dédain et envie. […] Un démon grimaçait à ses côtés, tandis que lui regardait un ange monter vers la partie lumineuse du ciel. […] Ma misère intérieure gagne, je n’ose plus regarder au dedans de moi. » — « 26 août.

1974. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Or, témoins des fureurs de l’homme sacrilège, Les noirs sapins, debout sur les sommets de neige, Et les cèdres géants que le ciel baise au front, Sans comprendre, du haut des monts regarderont. […] Et enfin c’est une manière de se regarder dans un miroir à trois pans. […] Le Bidois est une excellente page de critique littéraire, de nature à faire penser, à faire réfléchir, à faire regarder les choses selon différents aspects, enfin, une page de critique littéraire qui remplit brillamment tout son office. […] D’abord, regardons ce que dit Alceste, chose sans doute importante ; — et regardons ensuite ce que les autres disent d’Alceste, ce qui est, à mon avis, plus important encore et ce à quoi on n’a pas l’air de songer. […] Regardons les dates.

1975. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Je regarde donc comme indispensable de vous présenter, pendant le court espace qui nous reste à parcourir d’ici aux vacances prochaines, pour servir d’introduction à l’exposition complète de la philosophie platonicienne avec ses antécédents et ses conséquents, une vue générale de l’histoire de la philosophie. […] En effet, regardez autour de vous, vous apercevrez partout l’empreinte de l’intelligence et de la liberté humaine. […] Nous pouvons donc regarder comme un point incontestable que ces trois termes sont distincts, mais inséparables, et qu’ils constituent à la fois une triplicité et une unité indivisible. […] Mais regardez la légion romaine : c’est une masse énorme qui, en s’ébranlant, écrase tout sur son passage, sans menacer de se dissoudre, tant elle est compacte, vaste, et pleine de ressources en elle-même. […] Il a très bien vu les rapports intimes qui rattachent l’homme à la nature, mais il a trop regardé l’homme comme l’enfant et l’écolier passif de la nature.

1976. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Ils pourront se confondre encore, puisqu’enfin toute poésie a sa source au moins dans la réalité, comme toute réalité peut devenir poétique, si l’on la regarde et qu’on la traite en poète ; mais la confusion n’en sera plus une, et le romancier saura toujours ce qu’il fait. […] On dirait, en vérité, que toutes les questions qui regardent la conduite n’ont pas d’importance à ses yeux ; que le bon usage de la volonté s’apprend par son seul exercice ; et que de méditer sur de pareils sujets ne peut servir qu’à les embrouiller. […] Regardons-y de plus près : ils ne se les sont point partagées et, pendant plus de cinquante ans, le jansénisme ne s’est pas contenté de tenir le cartésianisme en échec, il l’a véritablement surmonté. […] Mais pour ce qui regarde en particulier l’histoire du cartésianisme, il semble qu’on soit dupe d’une véritable illusion d’optique. […] Tartufe sue l’hypocrisie ; toutes les basses convoitises sont comme ramassées en lui pour en faire un monstre de laideur morale ; si comique qu’il soit, il inspire la peur, plus de dégoût peut-être encore que de peur ; pour le toucher, on voudrait des pincettes ; et, le rencontrant sur notre route, nous regarderions à l’écraser, — pour ne pas nous salir.

1977. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Tant de rapidité coûte sans doute un peu à Gandar, qui est un esprit de réflexion plus que de premier jet, qui craint toujours de n’avoir pas assez regardé, qui a besoin de repasser sur les objets, de méditer et de ruminer ses impressions pour les classer avec ordre et les fixer. […] Où est le jour où nous regarderons ensemble la Moselle des côtes de Sainte-Ruffine, et la Nied des prairies de Remilly ! […] Le plan de mes leçons est plus simple, mes analyses sont plus rapides et plus vivantes, j’ai eu le courage de jeter toutes mes notes, afin de monter en chaire avec une entière liberté d’esprit et de regarder les gens en face, et il se trouve naturellement que je dis mieux ce que je veux dire et suis mieux compris.

1978. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

D’ailleurs la politique, cet élément athénien du théâtre d’Aristophane, ne regarde plus aujourd’hui que l’érudition ; ce qui intéresse tous les hommes, c’est l’élément humain, la poésie. […] Lorsqu’on s’offre de prendre une fille sans dot, on ne doit point regarder plus avant. […] Seulement, ils regardent ces fautes comme si légères, que, loin d’en faire à Molière l’objet d’un reproche sérieux, ils l’excusent, ils le louent presque d’avoir négligé l’intrigue au profit des caractères, à peu près comme si on approuvait un peintre de s’être affranchi, dans ses tableaux, du soin de composer et de grouper toutes les figures avec art, afin de pouvoir concentrer son étude sur la ressemblance de chacune d’elles avec son modèle.

1979. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

I Les Persans, nos aînés en sagesse comme en années, regardent la vieillesse comme un don céleste qui permet à l’esprit de thésauriser plus d’intelligence et plus de vérités. […] Tu auras vu la France remise debout par l’effort de citoyens désintéressés, appelée, sans acception de parti ou de caste, à se gouverner elle-même, s’élever pendant quelques mois à une magnanime modération et à une légalité volontaire, chercher en soi-même les conditions de la liberté, sauver l’ordre, la vie des citoyens, la paix du monde, puis abdiquer déplorablement son propre règne et préférer la gloire d’un nom dynastique à sa propre dynastie républicaine, trop fatigante pour sa faiblesse ; semblable à ces souverains détrônés de nos premières races qui, laissant les ciseaux du moine dépouiller leurs fronts chevelus, regardaient du fond d’un cloître régner à leur place l’élu du camp ou le maire du palais. […] On me regardait.

1980. (1925) La fin de l’art

Je sais bien qu’il faut les regarder sur le plan de l’art, mais il m’est difficile, pour mon plaisir particulier, de séparer entièrement l’œuvre d’art de l’objet qu’elle représente. […] C’est juste, car ils enivrent de plusieurs manières, soit qu’on les respire, soit qu’on les touche ou seulement qu’on les regarde. […] Je le sais, il vaudrait mieux regarder tomber la pluie philosophiquement, mais le démon de l’ennui, de la peur de l’ennui, nous pousse, et l’on devient si lâche dès que l’on sort de ses habitudes !

1981. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Joyeuse se prend à songer, et tout à coup le colosse… est très surpris de voir ce petit homme changer de couleur et le regarder en grinçant des dents avec des yeux féroces… En ce moment, M.  […]  » Mais, quoiqu’il eût dit cette dernière phrase tout haut, dans le dos d’un sergent de ville qui regarda passer d’un œil de méfiance ce petit homme gesticulant et hochant la tête, le pauvre imaginaire ne se réveilla pas. […] Un jour de crise politique, un homme d’un certain âge, à la figure placide, se promène sur un boulevard de Paris, donnant le bras à une jeune dame, qui sans doute est sa fille ; la foule est compacte, agitée, murmurante ; mais personne n’élève la voix ; tout à coup, sans occasion qui le provoque, sans regarder personne, notre homme dit assez haut d’une voix concentrée : « Ce X… est un misérable ! 

1982. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

Mais, pour les empêcher de souligner les lettres aperçues par des mouvements d’articulation appropriés, on exigeait qu’ils répétassent constamment une certaine syllabe pendant qu’ils regardaient l’image. […] Nous dessinons « d’un trait continu », après avoir regardé le modèle ou y avoir pensé. […] Si, après avoir fixé un objet, nous détournons brusquement notre regard, nous en obtenons une image consécutive : ne devons-nous pas supposer que cette image se produisait déjà quand nous le regardions ?

1983. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

« S’il a paru autrefois des impies, — s’écrie Massillon dans son Petit Carême, — le monde lui-même les a regardés avec horreur… Mais aujourd’hui l’impiété est presque devenue un air de distinction et de gloire ; c’est un mérite qui donne accès auprès des grands, qui relève, pour ainsi dire, la bassesse du nom et de la naissance, qui donne à des hommes obscurs, auprès des princes du peuple, un privilège de familiarité. » [Cf.  […] Dans le temps même que Montesquieu mettait la dernière main à son Esprit des lois, Vauvenargues publiait son Introduction à la connaissance de l’esprit humain, 1746, et on y lisait : « Afin qu’une chose soit regardée comme un bien par toute la société, il faut qu’elle tende à l’avantage de toute la société, et afin qu’on la regarde comme un mal, il faut qu’elle tende à sa ruine : Voilà le grand caractère du bien et du mal moral. […] Plus on considère attentivement tous ces faits et plus il est difficile de voir dans la formation ou dans le développement de l’esprit encyclopédique une suite naturelle de l’esprit classique ; et plutôt on est tenté de les regarder comme étant le contraire l’un de l’autre. […] Paris, 1823-1826 ; — que nous n’avons pas d’édition des Œuvres de Rousseau que l’on puisse regarder comme définitive, ou qui soit seulement comparable aux éditions de Voltaire données par les éditeurs de Kehl [Decroix et Condorcet] ; — et par Beuchot. — [Cf. pour la bibliographie de Rousseau : Quérard, La France littéraire, VIII, 192-230]. […] Candide et l’Histoire d’un bon Bramin] ; — il n’en considère pas moins « qu’on peut les dresser à la raison comme à la folie » ; — et qu’en cela même doivent consister l’œuvre de la civilisation [Cf. ses Remarques sur les pensées de Pascal] ; — et l’objet de la société [Cf. l’A, B, C]. — C’est ce qui le sépare profondément de Rousseau ; — et bien mieux que l’opposition de leurs intérêts ; — c’est ce qui explique la violence de leurs disputes ; — Voltaire ayant toujours vu la condition des seuls progrès dont les hommes soient capables, — dans ce qui est aux yeux de Rousseau la cause de leur « dépravation ». — Cette première idée le conduit à une autre, qui est de poursuivre à outrance, — et malheureusement par tous les moyens, — tout ce qu’il trouve d’irrationnel, ou seulement de déraisonnable dans l’organisation de la société ; — et de là ses attaques à une « justice » — dont il avait lui-même éprouvé l’injustice ; — de là ses déclamations contre la guerre, — qu’il impute sans hésitation ni réflexion à des mobiles toujours bas et intéressés ; — de là ses attaques à la religion, qu’il considère à la fois comme inhumaine, irrationnelle, et « bonne pour la canaille » [Cf. à cet égard Dieu et les hommes, l’Examen de Mylord Bolingbroke, et dix autres pamphlets]. — Mais après cela, comme il est Voltaire, — c’est-à-dire trop perspicace pour ne pas savoir ce que vaut une religion comme « principe réprimant », — il croit à l’existence d’un « Dieu rémunérateur et vengeur », — qui implique la croyance à l’immortalité de l’âme ; — ainsi qu’à la Providence ; — et généralement à tout ce qui constitue la « religion naturelle » ; — y compris la confiance au « Dieu des bonnes gens » ; — avec cette arrière-pensée que, de tous les mortels, ce Dieu n’en regarde aucun avec plus de bienveillance que les amis des lumières ; — quand surtout ils écrivent en vers ; — et qu’ils font des tragédies.

1984. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

Ce fut probablement un peu avant ; elle l’eut l’année même de son mariage, et sa beauté s’en tira sans trop d’échec ; l’éclipse fut des plus passagères. « Pour ce qui regarde Mme de Longueville, dit Retz, la petite vérole lui avoit ôté la première fleur de sa beauté ; mais elle lui en avoit laissé presque tout l’éclat, et cet éclat, joint à sa qualité, à son esprit et à sa langueur qui avoit en elle un charme particulier, la rendoit une des plus aimables personnes de France. » M. de Grasse se croyait plus fidèle à son caractère d’évêque en lui écrivant, dès qu’elle fut rétablie : « Je loue Dieu de ce qu’il a conservé votre vie… Pour votre visage, un autre que moi se réjouira avec plus de bienséance qu’il n’est pas gâté. […] On peut excéder en la louant, et il est si naturel de se chercher soi-même quand on loue les autres, parce qu’il est aisé que nous nous regardions là dedans, que le meilleur est de peu louer, et d’attendre ce grand jour auquel Dieu ne rend pas seulement à chacun selon ses œuvres, mais où il louera lui-même ses saints. » Cette lettre de M. de Pontchâteau, dans sa naïveté et sa discrétion, est la plus digne oraison funèbre.

1985. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

Un homme ayant dit de mon temps : Je crois cela comme article de foi, tout le monde se mit à rire… Il y a un comité pour considérer l’état de la religion, mais cela est regardé comme ridicule. » Cinquante ans plus tard, l’esprit public s’est retourné ; « tous ceux qui ont sur leur tête un bon toit et sur leur dos un bon habit492 » ont vu la portée des nouvelles doctrines. […] À peine osent-ils se montrer dans les rues sans être hués… Comme notre nation et notre siècle sont bien autrement éclairés » qu’au temps de Luther, « on ira jusqu’où on doit aller ; on bannira tous prêtres, tout sacerdoce, toute révélation, tout mystère… » — « On n’ose plus parler pour le clergé dans les bonnes compagnies ; on est honni et regardé comme des familiers de l’inquisition… Les prêtres ont remarqué cette année une diminution de plus d’un tiers dans le nombre de leurs communiants.

1986. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

La Russie, qu’elle regarde anéantir, sans lever un bras, à Austerlitz ? […] Que la Toscane, pays le plus mûr pour la liberté, parce qu’il a été mûri par les institutions de Léopold Ier, s’affranchisse d’une dynastie qu’elle aime, mais qu’elle suspecte, et se donne les lois de son ancienne république, nous devons regarder avec respect cette résolution spontanée de Florence, et empêcher qu’une intervention autrichienne ne vienne contester ce mouvement de vie dans une terre toujours vivante.

1987. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Elle m’aperçut, et me montra du regard à son amie, qui se pencha à son tour pour regarder de mon côté. […] Je ne sais ; mais elles se retournèrent plusieurs fois pour regarder en arrière, et j’entendis, à travers le bruit des roues, quelques exclamations enjouées, qui me firent croire qu’elles avaient reconnu en moi un admirateur timide, et qu’elles riaient de mon embuscade d’enthousiasme sur un revers de fossé.

1988. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

Le roi, écarté du conseil et de la société même de sa femme, « se promenait toujours seul de côté et d’autre, dit Melvil, tout le monde voyant bien que la reine regarderait comme un crime de lui faire compagnie. » La reine d’Écosse et son mari, écrit de son côté le comte de Bedford, envoyé d’Elisabeth à la cour d’Écosse, « sont ensemble comme ci-devant, et même encore pis ; elle mange rarement avec lui ; elle n’y couche jamais : elle ne se tient point en sa compagnie, et elle n’aime point ceux qui ont de l’amitié pour lui. […] Ils se récrient, comme elle devait s’y attendre, et font entendre contre Darnley des menaces significatives de mort : « Nous vous délivrerons de ce compétiteur, lui disent-ils ; Murray ici présent, mais protestant comme nous, ne participera pas à nos mesures ; mais il nous laissera faire et regardera entre ses doigts !

1989. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

« Regardez ce gage, milords, et répondez. […] « Puis elle alla jusqu’à sa fenêtre, regarda le paisible horizon, la rivière, la prairie, le bois ; revenant au milieu de sa chambre, et jetant un coup d’œil sur son horloge appelée la Reale, elle dit : « Jeanne, l’heure est sonnée ; ils ne tarderont pas. » « À peine avait-elle prononcé ces mots, qu’Andrews, shériff du comté de Northampton, frappa une seconde fois à la porte. « Ce sont eux », dit Marie ; et comme ses femmes refusaient d’ouvrir, elle le leur ordonna doucement.

1990. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

Mais ce ne sont pas les originaux extravagants ni les imitateurs ridicules que nous avons à regarder. […] Pour bien juger la préciosité, il faut la regarder comme une discipline imposée à de fortes natures, pleines encore de sève et de fougue, grossières, brutales273.

1991. (1914) Note sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne pp. 13-101

Il y a aussi peu de peintres qui regardent que de philosophes qui pensent. […] Quand au lieu de regarder une idée en l’air, tout à coup elle est prise au sérieux, c’est cela qui est, et qui fait, une révolution.

1992. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

Il les doit toujours regarder de très haut, et si une inquiétude passe sur son visage, c’est à la seule phrase : « Elsa, veux-tu m’interroger ?  […] Je trouve que mon opinion n’intéresse, et surtout ne regarde personne.

1993. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

Pendant ce, un fantassin français, qui le regardait, sans tirer, lui criait en riant : Gros cochon ! […] Jeudi 19 octobre Aujourd’hui, chez les Sichel, je regardais la collection d’un laqueur japonais, pour les besoins de son art.

1994. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

Il est bien difficile d’être tout à fait indépendant de l’esprit de parti, de regarder du même œil et Troyens et Rutules. […] Le grand mal c’est que nos critiques regardent leur œuvre comme un libre jeu de la fantaisie, et non comme un devoir.

1995. (1920) Action, n° 3, avril 1920, Extraits

Regardons les agitations Dada par rapport à l’Epoque. […] De même dans le passage célèbre : « Il se replace dans son attitude farouche et continue de regarder avec un tremblement nerveux… » (où il désigne un caillou) le caillou a été visiblement substitué à un nom d’être.

1996. (1888) Petit glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes « Petit glossaire »

L’origine du mouvement littéraire remonte à l’apparition des Poètes maudits de Paul Verlaine (fév. 84) où il est dit dans la préface : À bien y regarder pourtant, de même que les vers de ces chers Maudits sont très posément écrits, de même leurs traits sont calmes, comme de bronze un peu de décadence, mais qu’est-ce que décadence veut bien dire au fond ? […] torvus, qui regarde de travers, d’un air menaçant.

1997. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

qui nous regarde, nous, catholiques ! […] L’auteur politique de l’histoire actuelle de Philippe II n’a pas regardé assez avant dans ce fanatisme religieux pour plonger au fond et voir clairement ce qu’il signifiait.

1998. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Le nouveau Dante n’a guère vu que l’enfer du passé dans l’histoire, mais d’y avoir regardé, fût-ce dans sa partie la plus sanglante, la plus confuse et la plus sombre, a été un bénéfice net pour son génie, peu fait pour le vague des passions modernes, les nuances des âmes délicates ou morbides et les espérances mystico-scientifiques des vieilles civilisations. […] Le pourceau misérable et Dieu se regardèrent… Un pourceau secouru pèse un monde opprimé !

1999. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

Quand le premier volume de cet Homme qui rit a paru, j’ai dit combien je m’attendais à un de ces succès arrangés, préparés, organisés par les assassins de ce Vieux de la Montagne, qui essaient de venger leur grand bonhomme comme si on l’avait insulté quand on ose le regarder d’un œil ferme et qui ne tremble pas. […] Il a commencé par innocenter l’homme dans le Borgia avant d’être pape, et cet homme-là était plus difficile à reconstituer que ne sera le pontife, vu à la lueur éternelle et pure, pour ceux qui osent le regarder, d’un irréprochable bullaire.

2000. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

La critique littéraire, avec ses respects et ses réserves, s’arrête étonnée devant de tels élans enthousiastes ; elle y regarde à deux fois avant de les contrarier.

2001. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

Cet instant passé, si elle est pure, si elle est sévère, si son cœur, même dans les ennuis et les traverses, s’interdit toutes insinuations décevantes, elle n’a plus qu’à regarder parfois en arrière, à regretter, à se soumettre, à ne vivre que dans le bonheur des siens, à espérer au delà de cette vie dans les malheurs.

2002. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Rodolphe Topffer »

Son triple talent d’observateur de caractères, de paysagiste expressif et d’humoriste folâtre, s’y croise et s’y combine presque à chaque page ; le pressentiment fatal à demi voilé s’y fait jour aussi : « Cette fois, en déposant le bâton de voyageur, nous dit-il, celui qui écrit ces lignes se doute tristement qu’il ne sera pas appelé à le reprendre de sitôt… Pour voyager avec plaisir, il faut pouvoir tout au moins regarder autour de soi sans précautions gênantes, et affronter sans souffrance le joyeux éclat du soleil.

2003. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur le sénatus-consulte »

Chacun à l’envi semblait dire : « Cela ne me regarde pas. » Et alors, si à quelqu’un des ministres bienveillants que l’on connaissait, dans une conversation de rencontre, pendant un rare quart d’heure, dans l’embrasure d’une croisée, si l’on s’échappait à dire : « Mais prenez garde !

2004. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

Les Grecs étaient peu nombreux, mais l’univers les regardait.

2005. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

Les individus des mêmes partis, liés entre eux par des intérêts d’une importante solidarité, se sont accoutumés en France à ne regarder les discours que comme le mot d’ordre qui doit rallier des soldats servant dans la même cause.

2006. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

Regardez une femme au milieu d’un bal, désirant d’être trouvée la plus jolie, et craignant de n’y pas réussir.

2007. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

Comme contre-épreuve de cette série d’observations, on regarde non plus l’œuvre, mais l’auteur, et l’on voit que chez tous les grands artistes, dans ce qu’on appelle inspiration ou génie, se rencontre toujours une impression originale fournie par un caractère de l’objet, « la vive sensation spontanée qui groupe autour de soi le cortège des idées accessoires, les remanie, les façonne, les métamorphose, et s’en sert pour se manifester ».

2008. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

Mais quand les fragments sont trop nombreux et trop petits, on a beau les regarder tous successivement, on n’a point d’idée de l’ensemble : si on colle l’œil sur chaque feuille, chaque branche, chaque racine l’une après l’autre, on ne verra pas l’arbre : il faut se reculer et le saisir d’un regard.

2009. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre I. Les théories de la Pléiade »

De là vient cette stupéfiante Préface de la Franciade, où, précisant le retentissant appel de Du Bellay, il enseigne à faire le pillage méthodique des trésors de l’antiquité, à mettre les Grecs et les Romains en coupe réglée ; où l’imitation se fait un décalque servile, matériel, irraisonné ; où sans plus regarder la nature, sans entrer non plus en contact avec l’âme des anciens, on leur arrache ce qu’ils ont d’extérieur, de relatif, de local.

2010. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

En littérature, il a la plus vaste lecture, il regarde l’étranger, et il sait le xviie  siècle.

2011. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens II) Henry Fouquier »

Et en même temps qu’il compte ses victimes, il les regarde, il les étudie, il les compare.

2012. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Barbey d’Aurevilly. »

M. d’Aurevilly regarde Lacordaire comme un prêtre insuffisant et douteux, et peu s’en faut qu’il ne taxe d’immoralité la Vie de sainte Marie-Madeleine.

2013. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

Il faut se mettre à genoux avant d’oser y regarder… Je ne connais pas l’étonnant artiste.

2014. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lamartine, Alphonse de (1790-1869) »

Les femmes n’ont été pour lui que des miroirs où il s’est regardé ; il s’y est même trouvé très beau.

2015. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Seconde partie. » pp. 35-56

Ami, ne te regarde pas comme une victime préparée pour le seul bonheur d’autrui : la Nature n’a pû te sauver les peines inévitables attachées à la condition humaine ; mais vois aussi toutes les qualités dont elle t’a doué avec une magnificence digne d’elle & de toi.

2016. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre premier. La critique et la vie littéraire » pp. 1-18

Il est élémentaire de regarder avant de parler.

2017. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre I. L’intuition et la logique en Mathématiques. »

Poncelet était l’un des esprits les plus intuitifs de ce siècle ; il l’était avec passion, presque avec ostentation ; il regardait le principe de continuité comme une de ses conceptions les plus hardies, et cependant ce principe ne reposait pas sur le témoignage des sens ; c’était plutôt contredire ce témoignage que d’assimiler l’hyperbole à l’ellipse.

2018. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XV. Commencement de la légende de Jésus  Idée qu’il a lui-même de son rôle surnaturel. »

La position qu’il s’attribuait était celle d’un être surhumain, et il voulait qu’on le regardât comme ayant avec Dieu un rapport plus élevé que celui des autres hommes.

2019. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVII. Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Jésus ne regarda jamais la terre, ni les riches de la terre, ni le pouvoir matériel comme valant la peine qu’il s’en occupât.

2020. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

je vous le déclare, il n’en restera pas pierre sur pierre 948. » Il refusa de rien admirer, si ce n’est une pauvre veuve qui passait à ce moment-là, et jetait dans le tronc une petite obole : « Elle a donné plus que les autres, dit-il ; les autres ont donné de leur superflu ; elle, de son nécessaire 949. » Cette façon de regarder en critique tout ce qui se faisait à Jérusalem, de relever le pauvre qui donnait peu, de rabaisser le riche qui donnait beaucoup 950, de blâmer le clergé opulent qui ne faisait rien pour le bien du peuple, exaspéra naturellement la caste sacerdotale.

2021. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre IV : La Volonté »

Quand la connexion entre une fonction organique et les organes volontaires manque ou est très éloignée, alors l’influence volontaire n’est plus possible, comme dans le mouvement du cœur, la sécrétion du suc gastrique, l’acte de rougir ; ou, quand elle s’exerce comme chez les fakirs hindous et les faux épileptiques, on la regarde comme exceptionnelle.

2022. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVI » pp. 279-297

Je prends à tache de fixer l’attention sur cette vérité et sur la date précise de 1669, parce que postérieurement aux négociations, à la fin de 1669 et en 1670, nous voyons madame Scarron en correspondance suivie, et toute pieuse, avec un directeur spirituel, nommé Gobelin, que quelques dévotes regardaient comme un saint, mais que madame Scarron traitait comme un sot.

2023. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XV, l’Orestie. — les Choéphores. »

Regarde tes deux petits assis sur ton tombeau.

2024. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

Je vous le donne pour un véritable chevalier français, et vous pouvez désormais le regarder comme un vieux colonel. » L’héroïque figure de Ney n’a cessé de remplir et de dominer la relation qu’on vient de parcourir ; c’est par une telle parole de lui qu’il y avait convenance et gloire, en effet, à la couronner.

2025. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Dans la réfutation des préjugés, répandus contre la poësie, on n’oublia pas de répondre à celui qui fait regarder ceux qui la cultivent, comme des membres inutiles à l’état, & qui ne sont d’aucune ressource.

2026. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre II. Le cerveau chez les animaux »

En effet, tout ce que nous savons des mœurs, des habitudes, des instincts propres aux poissons, nous oblige à regarder ces animaux comme généralement inférieurs aux insectes, et à les placer fort au-dessous des fourmis et des abeilles, tandis que leur système nerveux, comme celui de tous les vertébrés, offre de nombreux caractères qui le rapprochent du système nerveux de l’homme. » De cette considération, Leuret conclut, à l’inverse de Gratiolet, « qu’il ne faut pas attribuer à la forme de la substance encéphalique une très grande importance11. » Sans sortir de l’ordre des mammifères, il est très difficile d’attribuer une valeur absolue à la forme cérébrale, car s’il est vrai que le singe a un type de cerveau tout à fait semblable à celui de l’homme, en revanche, nous dit Lyell, « l’intelligence extraordinaire du chien et de l’éléphant, quoique le type de leur cerveau s’éloigne tant de celui de l’homme, cette intelligence est là pour nous convaincre que nous sommes bien loin de comprendre la nature réelle des relations qui existent entre l’intelligence et la structure du cerveau » 12.

2027. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

Attiré, mais non enivré, esprit trop solide pour ne pas savoir résister à l’ivresse, Amédée Renée a la légèreté et l’aplomb qu’il faut pour badiner agréablement avec ces dentelles et passer outre, et, comme les femmes qu’il nous raconte touchaient à tout dans le monde de leur temps, il se rencontre qu’en ayant l’air de ne s’occuper que de cette heptarchie de nièces, il nous raconte le temps lui-même, et nous le montre par des côtés moins solennels et moins pompeux que ceux-là sous lesquels nous sommes habitués à le regarder.

2028. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Eugène Fromentin ; Maxime du Camp »

Il ne se vante pas d’être un observateur à forcer toute confiance, il ne tient pas à regarder de près les choses, aimant mieux observer mal que de ne pas respecter l’imagination en lui.

2029. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre V. Les figures de lumière »

Voici que, sans cesser de regarder, percevant donc toujours cette même durée, il voit, en imagination, les lignes doubles de lumière se dissocier en s’allongeant, la double ligne de lumière longitudinale se scinder en deux lignes de longueur inégale, l’inégalité croître avec la vitesse.

2030. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Je me juge, et je reste calme, froid, indifférent ; je suis le mort et je me regarde mort, sans que cela m’émeuve ou me trouble autrement. […] Tout cela regarde le public, à qui la langue est comme incorporée, et qui se ressent de tout ce qui la touche. […] Toujours regarder, et ne jamais voir venir ! […] Les enfants regardaient dans les yeux de leurs mères ; et les trouvant vides, sans larmes et sans pensée, ils criaient tout effrayés : Ma mère, laissez-moi ! […] Cela est plein de philosophie ; mais il faut y regarder.

2031. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome II

Celse, Ambroise Paré, etc., considéraient cette tumeur comme un abcès ; ce n’est qu’après 1665, lorsque Wharton eut donné la description du conduit de la glande sous-maxillaire, que l’on regarda cette dilatation comme résultant d’une rétention de salive : cependant Fabrice d’Aquapendente la considère encore comme une tumeur enkystée. […] Il regardait la bile comme alcaline, le suc pancréatique comme acide, et croyait qu’au contact de ces deux liquides il se développait une fermentation avec effervescence. […] Leuret et Lassaigne ont regardé cette sécrétion comme étant complétement analogue à la salive : ils disent, par exemple, que le suc pancréatique ne se coagule pas par la chaleur ; tandis que MM.  […] On comprend dès lors que si le suc pancréatique a été recueilli dans de mauvaises conditions et qu’il soit dépourvu de sa matière coagulable, il puisse être regardé comme ayant une composition chimique analogue à celle de la salive, ainsi que l’ont dit MM.  […] Au bout d’un certain temps, ce liquide ne coule plus ; si l’on regarde alors ce qui s’est passé au bout de la troisième ou de la quatrième semaine, on voit que la glande a disparu, sauf les conduits, qui sont restés souvent à peu près intacts.

2032. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Il avait gardé son costume d’ermite, et avait sa barbe et sa perruque ronde « assez mal peignée », dit-il ; le roi, la reine, la famille royale, tous les plus grands seigneurs et les plus grandes dames le regardaient comme un animal curieux : quel bonheur ! […] … On s’accoutume à s’assembler… Chacun commence à regarder les autres et à vouloir être regardé soi-même, et l’estime publique a son prix… Mais ensuite, chacun punissant le mépris qu’on lui avait témoigné, les vengeances devinrent terribles et les hommes sanguinaires et cruels. […] Lorsqu’il a parlé et qu’on le regarde, il paraît joli ; mais lorsqu’on se le rappelle, c’est toujours en laid. […] Que n’aurais-je point fait pour qu’elle daignât m’ordonner quelque chose, me regarder, me dire un seul mot ! […] Je le regardai, je regardai Julie ; tous deux se regardèrent, et me rendirent un regard si touchant que, les embrassant l’un après l’autre, je leur dis avec attendrissement : « Ils me sont aussi chers qu’à vous ! 

2033. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Mais combien plus doux nous eût été d’être l’ami de Molière, et de regarder se mouiller à peine ses yeux doux quand il racontait quelque mélancolique histoire de jeunesse ou levait, parmi les rouges verres des autres, sa tasse de petit lait, dans la villa d’Auteuil. […] Il aime, « Se faisant du bonheur avec la moindre chose », à voir se baigner dans une goutte d’eau « Un scarabée au corselet d’azur », à regarder longtemps « Une abeille en maraude au cœur d’une fleur rose ». […] Regarder en bas, c’est bien ; regarder plus haut qu’en haut, c’est mieux. […] Sainte-Beuve se borna à nous regarder de haut, comme on voit passer de loin des gens par la fenêtre. […] Regardez bien : il y a le mauvais sourire de Henri Heine dans la « fringance » de sa drôlerie hasardeuse ; regardez mieux : vous découvrirez la charogne baudelairienne au bord du chemin odorant de l’encens des chapelles.

2034. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Il la regarde en spectateur. […] N’allez pas regarder ce que Voltaire en dit dans son Commentaire sur Corneille. […] Il a regardé le monument de face et surtout de profil. […] Même sans en boire, si, jeune, vous vous regardez dans son limpide miroir, vous vous voyez vieux ; si, vieux, vous vous regardez dans ses eaux fantastiques, vous vous voyez jeune. […] Il ose dire que les personnages de sa tragédie « doivent être regardés d’un autre œil que nous ne regardons d’ordinaire les personnages que nous avons vus de près ».

2035. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

L’éducation de son esprit, comme celle de Shakespeare, a consisté à regarder, à observer et à écouter les hommes. […] Quoi qu’il dise ou qu’il fasse, Il se regarde vivre et s’écoule parler. […] Et pour donner toute son âme Regarde-t-on quel droit on a de vous charmer ? […] Il vous suffit, pour être ce que vous devez être, de regarder autour de vous et de refléter. » Un homme doit être ce que Stendhal voulait que fût un roman : « un miroir qui se promène sur une grande route ». […] Il regarde la femme qu’il désire, il a des attentions pour elle, il lui rend des soins ; il lui montre qu’il l’aime ; il ne le lui dit jamais.

2036. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

II fait paraître sa pensionnaire Myrtalé, la victime de Thalès : « Ici, Myrtalé, viens à ton tour, montre-toi, n’aie pas de honte : regarde les juges que voici comme des pères ou des frères. » (Que dites-vous de ce dernier trait ? […] La mère, un coude sur la table, regarde dans le vide. […] Alors Peutat lui dit : « Regarde ». […] Tibère écume ; il promet au généreux meurtrier des supplices inouis… Puis il regarde le cadavre de Séjan… Et il pleure, se souvenant de l’avoir aimé, et il fait grâce au bon soldat. […] Les hommes, le front penché, regardaient fixement devant eux, les paupières battantes… » Le reste du drame est d’assez grosse nourriture, mais très habilement accommodée.

2037. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

Nous lisons trop, nous entendons trop et ne regardons pas assez ! […] La première chose que nous offre son art est une loupe ; on regarde au travers, on ne se fie plus à ses yeux. […] Je voyais bien que Nietzsche voulait me dire : « Regarde, celui-là aussi a du bon !  […] Il a rougi et m’a regardé avec dignité. […] Il devient froid, en revanche, il ne nous regarde plus dès qu’il veut devenir l’héritier des classiques.

2038. (1888) Portraits de maîtres

Deux contemporains, l’un en pleine possession de la gloire, Chateaubriand, l’autre qui commençait à être regardé comme un maître et qui passait pour un terrible novateur, au dire de MM.  […] George Sand ne regarde pas ce soin comme inférieur à son génie. […] « Regarde autour de toi, regarde. […] Avec quelle tendresse de fils nous regardions, nous comptions ses plaies ! […] Depuis cette heure il a regardé la terre avec dédain.

2039. (1887) George Sand

Mais regardez de plus près dans le cœur, vous y apercevrez un sensualisme délicat ou violent qui gâte les plus nobles aspirations. […] Et quand elle regardait autour d’elle, c’était avec un regard de tendre et profonde sympathie. […] Mme Sand voit la nature, elle la regarde, elle ne l’invente pas. […] La vieille Chartreuse était d’une poésie incomparable ; la nature était admirable, grandiose et sauvage ; des aigles traversaient l’air au-dessus de leur tête ; mais le climat devenait horrible, la pluie torrentielle ; les habitants hostiles les regardaient comme des pestiférés. […] N’eussé-je que trois mots à dire d’une localité, j’aime à la regarder dans mon souvenir et à me tromper le moins que je peux. » Elle avait une manière à elle de regarder la nature, silencieusement.

2040. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Né dans un quartier du haut, habitant derrière le temple Saint-Pierre, près de la prison de l’Évêché, en cette maison même, dite de la Bourse française, où se passe toute l’Histoire de Jules, il nous a décrit, dans ce touchant ouvrage, ses premières impressions, ses rêves à la fenêtre, tandis que, par-dessus le feuillage de l’acacia, il regardait les ogives du temple, la prison d’en face et la rue solitaire. […] Longtemps je l’ai regardé comme mon contemporain ; mais depuis que j’ai compris combien plus le cours des ans ôte à ma vie qu’à la sienne, je l’envisage à la fois comme m’ayant précédé dans ce monde, et comme devant m’y survivre.

2041. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Ainsi, dans cette fin de discours, il se mit à faire un magnifique éloge de la piété tendre et sensible, puis, en regard, un non moins magnifique portrait de la vraie philosophie ; puis, au sortir de ce parallèle, il s’échappa dans une vigoureuse sortie contre le fanatisme qui, seul, trouble la paix si facile à établir, disait-il, entre les deux parties intéressées ; s’animant de plus en plus devant cet ennemi, pour le moment du moins, imaginaire, l’orateur compara tout d’un coup le fanatique ou l’hypocrite à l’incendiaire Catilina lorsqu’il vint pour s’asseoir dans le sénat de Rome et que tous les sénateurs, d’un mouvement de répulsion unanime, le délaissèrent sur son banc, seul, épouvanté et furieux de sa solitude… On se retournait, on regardait de toutes parts pour chercher cet incendiaire, car il était bien évident que, dans la pensée de Garat, ce n’était point M. de Parny. […] A considérer l’original de ce portrait, je songeais qu’il en est un peu pour nous du talent de Parny comme de ce profil, et qu’il a besoin d’être bien regardé pour qu’on en saisisse aujourd’hui le trait léger, le tour presque insensible.

2042. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

… Tantôt il fait grimper en les enlaçant aux rameaux les jeunes pousses de la vigne, et, retranchant avec sa serpette les pampres gourmands, il épargne et il greffe ceux qui doivent porter les grappes ; tantôt sur les flancs d’un vallon fermé il regarde avec complaisance ses troupeaux qui le parcourent en le remplissant de leurs mugissements ; tantôt il pétrit le miel de ses ruches dans ses amphores purifiées avec soin ; et, quand l’automne fécond commence à élever au-dessus des champs sa tête couronnée de fruits mûrs, quelle joie pour lui de récolter ces poires greffées de sa main, et ces grappes de raisin teintes de leur pourpre, pour vous en porter en hommage les prémices, ô vous, dieu des jardins, et toi, dieu des forêts qui veilles sur la borne des héritages ! […] Le soleil en naissant regarde d’abord le versant de la droite ; à gauche l’astre fugitif abaisse son char derrière leurs pentes vaporeuses.

2043. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

Pendant des heures entières je regarde ce portrait enchanteur, et je rêve un bonheur qui doit surpasser tout ce que l’imagination peut offrir de plus délicieux. […] Je regarde ces grandes montagnes qui me séparent de ce que j’aime, et je pense, comme Caraccioli, qu’une petite chambre à un troisième étage à Paris vaut mieux qu’un palais à Naples.

2044. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Mais s’il s’y oppose, comme cela arrive forcément, ses devoirs sont doubles, opposés et contradictoires selon que nous regardons en lui l’élément social ou la nature individuelle, selon que nous y considérons les autres hommes, qu’il est à un certain degré, ou l’individu différent des autres et hostile aux autres qu’il est aussi par l’autre face de sa nature. […] Mais s’il comprend ainsi les choses du point de vue social, il les sentira autrement s’il les regarde avec ses yeux d’individu sacrifié.

2045. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Regardez bien pourquoi les anciens systèmes ne peuvent plus vous satisfaire, vous verrez que c’est parce que cette idée en est profondément absente. […] Certes, ceux qui s’imaginent que l’on étudie la littérature turque au même titre que la littérature allemande, pour y trouver à admirer, ont bien raison de sourire de ceux qui y consacrent leurs veilles ou de les regarder comme de faibles esprits, incapables d’autre chose.

2046. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Rien ne s’oppose à ce que ce témoin oculaire, qui évidemment avait suivi Jésus, qui l’avait aimé et regardé de très près, qui en avait conservé une vive image, ne soit l’apôtre Pierre lui-même, comme le veut Papias. […] Les contradictions sur les temps, les lieux, les personnes étaient regardées comme insignifiantes ; car, autant on prêtait à la parole de Jésus un haut degré d’inspiration, autant on était loin d’accorder cette inspiration aux rédacteurs.

2047. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Il la regarde avec surprise, et après quelques paroles consolantes, verse sur sa tête l’eau purifiante du baptême puisée à la source. […] Elle courbe la tête jusqu’à terre et paraît sangloter ; mais ces larmes sont le premier instant de bonheur de sa vie. — Parsifal lui aussi paraît transfiguré, il regarde aux alentours : la prairie brille de rosée, les herbes et les bourgeons rayonnent d’un éclat insolite, les fleurs lui parlent avec une grâce enfantine.

2048. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

Ces trois chaires, rapprochées les unes des autres comme des stalles dans un chœur d’église, forment une façade semi-circulaire qui regarde l’orient ; en sorte que les bergers ou les chasseurs fatigués qui s’y placent et qui s’y assoient, pour se reposer à l’abri du vent, peuvent se voir obliquement les uns presque vis-à-vis des autres, et s’entretenir même à voix basse, sans que le mouvement de l’air dans ces hauts lieux emporte leurs paroles préservées du vent. […] XXIV M. de Valmont était un homme de soixante ans, d’une belle figure, mais d’un regard inquiet, fier et oblique, qui semblait toujours épier ou regarder de côté s’il n’était pas épié lui-même.

2049. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

(Elle s’approche de l’arbuste, le regarde, puis s’écrie, transportée de joie :) Miracle ! […] « Regardons à travers les branches. » (Il écarte le feuillage, et s’écrie, transporté :) « Je l’aperçois, ce charme de mes yeux !

2050. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

Après avoir traité du parallélisme des formes organiques de la période paléozoïque en diverses parties de l’Europe, ils ajoutent : « Si, surpris d’une succession si extraordinaire, nous tournons notre attention vers l’Amérique du Nord, et y découvrons une série de phénomènes analogues, nous devrons regarder comme certain que toutes ces modifications d’espèces, leur extinction et l’introduction d’espèces nouvelles, ne sauraient être uniquement ducs à des changements dans les courants marins, ou à toutes autres causes plus ou moins locales et temporaires, mais qu’elles dépendent des lois générales qui gouvernent le règne animal tout entier. » On doit à M.  […] Ainsi, les uns regardent les Sélaciens, ou Requins, comme les plus élevés dans la série des poissons, parce qu’ils s’approchent des reptiles par quelques particularités importantes de leur organisation.

2051. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

C’était plaisir et merveille d’en regarder la beauté.

2052. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Avant de nous peindre, de nous raconter le jeune homme, il nous exprime le vieillard tel qu’il se montre encore aujourd’hui à la postérité dans les austères et magnifiques portraits qui le font reconnaissable entre tous : Qui que tu sois qui regardes l’image de ce grand homme, s’écrie Saumaise, ne te semble-t-il pas, à la voir seulement, que la vertu vient au-devant de toi, et qu’elle descend des rides de ce front comme des degrés d’un théâtre ou d’un magnifique palais ?

2053. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

De plus, il avait encore deux petits flacons de ce vin grec que le marquis de Marignan lui avait laissé parvenir : Je m’en frottai un peu les mains, puis m’en lavai fort le visage, jusques à ce qu’il eût pris un peu de couleur rouge, et en bus, avec un petit morceau de pain, trois doigts, puis me regardai au miroir.

2054. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Et toutefois, hommes ou femmes de notre siècle, il nous semble que quelque chose manque à tous ces mérites si excellents et aujourd’hui si avérés : « Peu de gens, a dit Mme de Maintenon, sont assez solides pour ne regarder que le fond des choses. » Serait-ce, en effet, que nous ne serions pas assez solides ?

2055. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

Il donne beaucoup d’audiences, et travaille tout le reste du jour ; il s’est accoutumé à dicter et fait écrire à M. de Barbezieux, sous lui, toutes les lettres importantes qui regardent les affaires de la guerre.

2056. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

et par cette condamnation si bien conduite, si savamment combinée, Bossuet ne montre-t-il pas qu’il était plus théologien que prophète, et qu’il regardait plus en arrière ou à ses pieds qu’il ne voyait en avant ?

2057. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

qu’il regarde seulement autour de lui.

2058. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

Je livrais l’autre jour ces pages à l’inspection du plus sévère typographe, du plus classique en ce genre que je connaisse, qui sait voir des imperfections et des énormités là où un lecteur profane glisse couramment et se déclare satisfait ; il regarda longtemps en silence, et il ne put que dire, après avoir bien tourné et retourné : « C’est bien. » — De nombreux dessins de Gustave Doré illustrent ces Contes et les renouvellent pour ceux qui les savent le mieux.

2059. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Les académies, les chaires oratoires sont plutôt destinées à montrer la société et la littérature par les côtés spécieux et par l’endroit ; il n’est pas indispensable ni peut-être même très-utile que ceux qui ont pour fonction de déployer et de faire valoir éloquemment les belles tentures et les tapisseries, les regardent et les connaissent trop par le dessous et par l’envers : cela les gênerait.

2060. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Appelé à Erfurt en 1808, à l’époque de l’entrevue des souverains, et présenté à l’empereur le 2 octobre, l’empereur, après l’avoir regardé quelques instants avec attention, lui avait dit pour premier mot : « Vous êtes un homme. » Et lorsque, l’entretien fini, Gœthe se fut retiré, Napoléon répéta, en s’adressant à Berthier et à Daru, qui étaient présents Voilà : un « homme ! 

2061. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

Si mes blessures ne brillent pas glorieusement aux yeux de ceux qui les regardent, elles sont appréciées du moins dans l’estime de ceux qui savent où elles furent reçues, car il sied mieux au soldat d’être mort dans la bataille que libre dans la fuite.

2062. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Il faut dire ici que M. de Talleyrand, tout en profitant de sa position pour augmenter sa fortune par des moyens quelquefois peu délicats, ne s’est jamais laissé engager, même par les motifs d’intérêt les plus puissants, à favoriser des plans qu’il pouvait regarder comme destructeurs pour le repos de l’Europe.

2063. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Le génie social et civilisateur des Grecs l’a surtout gagné et lui inspire de belles paroles : « Le mot de Civilité, dit-il, ne signifiait pas seulement parmi les Grecs la douceur et la déférence mutuelle qui rend les hommes sociables ; l’homme civil n’était autre chose qu’un bon citoyen qui se regarde toujours comme membre de l’État, qui se laisse conduire par les lois et conspire avec elles au bien public sans rien entreprendre sur personne. » Le mot de Civilisation n’est pas dans Bossuet, mais il fait rendre à ce mot de Civilité tout ce qu’il peut contenir de meilleur et de plus étendu.

2064. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

Il est bientôt entré dans la circulation ; on l’emploie sans cesse, et l’on peut dire même qu’on en ferait un usage voisin de l’abus, si l’on s’en payait trop aisément et si l’on ne prenait le soin d’y regarder de temps en temps pour sortir du vague et se bien définir le sens et le but.

2065. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Quoi qu’il en soit, et de quelque manière qu’ils s’y amusassent (ce qui ne regardait qu’eux), on aurait peine à se figurer, si les faits notaient présents, que c’eût été après dix années d’une existence voluptueuse et casanière, ainsi menée au grand jour, que le ministère fût allé faire choix du comte de Clermont pour le créer général en chef d’une armée dispersée en pays ennemi et qui avait déjà usé deux maréchaux.

2066. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

Voici l’exacte vérité : j’ai gagné, dans l’espace de deux mois, non dans des maisons de jeu, mais dans la société et au Club des Échecs, regardé presque en tout temps, par la nature même de ses institutions, comme une maison particulière, environ 30,000 francs.

2067. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

Ainsi c’est toujours par une sorte d’incapacité que les autres restent enchaînés, ils ne savent pas secouer les entraves. » Cela se peut : leur talent n’est pas celui-là, et remarquez que celui qui sait, selon vous, lutter contre le sort, pourrait être plus justement regardé comme bien servi par le sort, puisque la difficulté des premiers pas à faire était justement ce qui convenait à ses moyens. 

2068. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

Mais rien n’émeut davantage que ce mélange de douleurs et de méditations, d’observations et de délire, qui représente l’homme malheureux se contemplant par la pensée, et succombant à la douleur, dirigeant son imagination sur lui-même, assez fort pour se regarder souffrir, et néanmoins incapable de porter à son âme aucun secours.

2069. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

L’esprit de parti des premiers est de meilleure foi, celui des novateurs est plus habile ; la haine des premiers est plus profonde, celle des autres est plus agissante ; les premiers s’attachent plus aux hommes, les novateurs davantage aux choses ; les premiers sont plus implacables, les seconds plus meurtriers ; les premiers regardent leurs adversaires comme des impies, les seconds les considèrent comme des obstacles, en sorte que les premiers détestent par sentiment, tandis que les autres détruisent par calcul, et qu’il y a moins de paix à espérer des partisans des anciens préjugés, et plus à redouter de la guerre faite par leurs ennemis.

2070. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

J’ai vu une personne qui, en causant, en chantant, écrit, sans regarder son papier, des phrases suivies et même des pages entières, sans avoir conscience de ce qu’elle écrit.

2071. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

Regardez ses chats, ses lapins, ses chèvres, son héron : il dessine avec une précision, une vie étonnantes, la forme extérieure de l’animal, silhouette, attitudes, démarche.

2072. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

Nous n’avons pas fini encore : il nous faut regarder hors de la littérature.

2073. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

Regardez-y de près : cette étude des transformations d’un vieux récit populaire contient comme un raccourci de l’histoire des religions.

2074. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

C’est un être humain qui ne s’est jamais regardé moralement en face et qui a vécu dans l’étourdissement comme la presque totalité de son espèce.

2075. (1894) Propos de littérature « Chapitre III » pp. 50-68

Vielé-Griffin regarde plus immédiatement autour de lui ; sans la copier, en la résumant par des traits significatifs, c’est dans la vivante nature qu’il trouve les formes de ses symboles et les paysages dont elles s’environnent.

2076. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre X. La commedia dell’arte en France pendant la jeunesse de Molière » pp. 160-190

Regardez donc favorablement, ô très ridicule héros, ce combat scolastique, et, par vos effroyables grimaces, défendez-moi de celles de nos trop critiques savants.

2077. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

Non, plus je regarde, et moins je vois, alentour, de versificateurs à système.

2078. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VII. L’antinomie pédagogique » pp. 135-157

Durkheim regarde comme la condition essentielle de la vie en société.

2079. (1890) L’avenir de la science « XII »

Je regarde pourtant comme à peu près perdu pour l’acquisition des données positives le temps qu’on donne à cette lecture.

2080. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

Le manque, total de prosélytisme religieux et philosophique chez les Romains de cette époque leur faisait regarder le dévouement à la vérité comme une chimère.

2081. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

A bien regarder les choses, les esprits de bonne foi reconnaîtront vite que plusieurs de nos compositeurs « arrivés » ont été vaillamment soutenus, jusqu’au succès décisif, par l’unanimité des wagnériens, avec lesquels ils ne se défendaient point — alors — de marcher et de faire campagne.

2082. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

Lorsqu’un des misérables ouvriers dont il nous dit l’effort infinitésimal quitte la loupe et oublie sa minuscule besogne bien « contemporaine » pour regarder un peu autour de lui et penser un peu le monde, M. 

2083. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Madame Récamier. » pp. 121-137

Ève, dans sa première fleur de jeunesse, est en face du serpent qui lui montre la pomme : elle la regarde, elle se retourne à demi vers Adam, elle a l’air de le consulter.

2084. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Poésies nouvelles de M. Alfred de Musset. (Bibliothèque Charpentier, 1850.) » pp. 294-310

Le voilà, regardez, devinez-lui sa vie.

2085. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre troisième. L’appétition »

Au moment où un éclair jaillit de la nue, nous avons beau regarder dans notre conscience, nous n’y trouvons rien qui explique pourquoi nous avons la sensation de lumière soudaine.

2086. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

Nous insisterons même fort peu sur chaque article, parce qu’il n’est rien de plus connu que ce qui regarde Despréaux.

2087. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

  La troisième dispute regarde cette question, encore indécise, s’il ne seroit pas plus avantageux de lire un sermon que de le prêcher de mémoire.

2088. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

Au reste, peut-être n’y regardait-il pas de si près ; peut-être croyait-il que, tant que l’âme éprouve des sentimens, elle peut les énoncer avec franchise.

2089. (1759) Observations sur l’art de traduire en général, et sur cet essai de traduction en particulier

Préjugé de traducteur à part, comme il est sans comparaison le plus grand historien de l’antiquité, il est aussi celui dont il y a le plus à recueillir ; mais ce que j’offre aujourd’hui suffira, ce me semble, pour faire connaître les différents genres de beautés dont on trouve le modèle dans cet auteur incomparable, qui a peint les hommes avec tant d’énergie, de finesse et de vérité, les événements touchants d’une manière si pathétique, la vertu avec tant de sentiment ; qui posséda dans un si haut degré la véritable éloquence, le talent de dire simplement de grandes choses, et qu’on doit regarder comme un des meilleurs maîtres de morale, par la triste, mais utile connaissance des hommes, qu’on peut acquérir par la lecture de ses ouvrages.

2090. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Et l’on ne regardait pas non plus à faire de longs titres, pour mieux expliquer ses intentions.

2091. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

D’ailleurs c’est une chose assez naturelle que, sur la limite de deux ères, l’une qui commence et l’autre qui finit, il se trouve des hommes pourvus, comme le Janus de la fable, de deux faces, l’une pour regarder ce qui a été, et en tirer les derniers enseignements, l’autre pour considérer ce qui s’avance, et en prévoir les résultats.

2092. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIX. Mme Louise Colet »

Le capitaine d’Arpentigny, l’auteur d’un livre charmant sur la physionomie de la Main, et dans son temps, la plus élégante cravache des Gardes du Corps, oublia qu’il en avait une, ce jour-là, et couvrit du mépris le plus miséricordieux et le plus gai cette Furie… C’est à travers ces attitudes — légendaires déjà — qu’on verra toujours Mme Colet, quand on s’avisera de la regarder.

2093. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

Stapfer, qui y a regardé, prouve que le reproche de Byron n’a pas le moindre fondement, et que personne n’a le droit de l’articuler.

2094. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

D’ailleurs, à y regarder de près, la littérature italienne de 1870 à nos jours est infiniment compliquée et contradictoire.

2095. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

Voilà une occasion de regarder de près une de ces images fraîches au moment même où elle descend dans le mécanisme de notre pensée et s’incorpore à l’habitude de notre langage.

2096. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Nation impétueuse et légère, ardente à ses plaisirs, occupée toujours du présent, oubliant bientôt le passé, parlant de tout, et ne s’affectant de rien, elle regarde avec indifférence tout ce qui est grand ; et quelquefois un ridicule est tout le salaire d’une action généreuse, ou d’un service rendu à l’État et à nous.

2097. (1885) L’Art romantique

et il regarde couler le fleuve de la vitalité, si majestueux et si brillant. […] Je suis ainsi conduit à regarder la parure comme un des signes de la noblesse primitive de l’âme humaine. […] Est-il bien sûr même qu’ils regardent ? […] Regarde et vois si je te suis fidèle jusqu’à la mort !  […] Mais l’effet moral n’en a pas moins été produit, et je regarde ce coup d’œil comme un bon présage.

2098. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

Je pense que ce judicieux observateur, esprit trop vaste pour être exclusif, n’eût pas regardé ces ouvrages comme des monstres ; mais que, soigneux de constater ce qu’ils sont et ce qu’ils valent, il eût mentionné une espèce de plus, et nous en eût révélé les règles. […] Nous allons voir d’autres raisons de convenance diriger Virgile en son choix dans un siècle où la fureur d’une politique conquérante et les excès des dissensions civiles faisaient regarder la guerre comme le plus horrible fléau et soupirer tous les cœurs du désir d’une heureuse paix. […] « Quelques-uns, nous dit-il très bien, croient que la structure de l’Énéide est défectueuse en ce point, et qu’elle contient des épisodes qu’on peut regarder plutôt comme des excroissances que comme des parties de l’action. […] Le poète, par un de ces traits sublimes qui lui sont fréquents, peint cette ombre frémissante elle-même à la vue de sa dépouille livide et déchirée qu’elle regarde en reculant, et dans laquelle elle ne rentre qu’avec effroi. […] Je pense que vous regardez comme superficiels tant de traités de littérature qui rebattent les errements de la rhétorique, et négligent la morale que ses leçons nous apprennent à revêtir de formes séduisantes qui lui prêtent des charmes.

2099. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Il faudrait avoir une raison bien épurée pour regarder comme un autre homme le grand seigneur, dans son superbe sérail, environné de quarante mille janissaires. » Pascal dit encore : « Toute notre dignité consiste en la pensée. […] « Le protestantisme, par l’exclusion de l’ascétisme et de ce qui en est le centre, le côté méritoire du célibat, a renoncé proprement à la substance intime du christianisme et ne peut être ainsi regardé que comme un rameau détaché de ce tronc. […] Et croyons que la mort, dont on nous a fait si longtemps un épouvantail, est vraiment, au contraire, une libératrice ; ce qui nous permettra de la regarder fixement, de vaincre ce que la peur que nous en avons mêlé de lâcheté dans tous nos actes, et de la braver au besoin. […] Si vous y regardez d’assez près, vous verrez qu’au fond, ce que l’on attaque sous le nom de rhétorique, c’est tout ce qu’il y a de moyens pour persuader aux hommes les choses qui ne se démontrent point. […] Le plus renommé des conquérants regardait Homère comme un maître qui lui apprenait à régner.

2100. (1911) Nos directions

Regardons-y de près. […] Ils m’écoutent et ils pensent ce que je dis : ils me regardent et j’entre dans leur âme comme dans une maison vide. […] Il faut que l’échange se fasse, dût Sir Thomas acheter à Laine sa femme, « Regardez ça ! […] Il ne sait regarder aucun sujet en face, avec ce tremblement, avec cet amour exclusif qui rend le véritable poète si humble, si prêt à renoncer aux plus glorieux de ses dons, pour mieux habiter son sujet ! […] Tu sauras que, suivant certaines étymologies, musarder veut dire « avoir le museau en l’air », ce qui est bien le fait du poète, lequel, comme on sait, regarde tellement là-haut, que souvent il trébuche et se jette dans des trous.

2101. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Contentez-vous de composer, et laissez l’action théâtrale à quelqu’un de vos camarades : cela vous fera plus d’honneur dans le public qui regardera vos acteurs comme vos gagistes ; vos acteurs d’ailleurs, qui ne sont pas des plus souples avec vous, sentiront mieux votre supériorité […] La raison la lui faisoit regarder comme une personne que sa conduite rendoit indigne des caresses d’un honnête homme. […] Lord Southampton, étant arrivé dans la ville, dépêcha son page à l’hôtellerie : « Tu vas aller, lui dit-il en l’envoyant, dans la chambre commune ; là, regarde attentivement tous les visages : les uns, remarque-le bien, te paraîtront ressembler à des figures d’animaux moins nobles, les autres à des figures d’animaux plus nobles ; cherche toujours jusqu’à ce que tu aies rencontré un visage qui ne te paraisse ressembler à rien autre qu’à un visage humain.

2102. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Consterné de cet aspect, je regarde mon jeune avocat : « Les phrases élégantes que vous nous débitez, me dit-il, sont bonnes à être récitées dans une assemblée solennelle ; mais comment ne savez-vous pas qu’en petit comité il faut au moins une apparence de raison et de bonne foi ? […] Depuis que M. de Châteaubriand a défendu la religion comme jolie, d’autres hommes avec plus de succès ont défendu les rois comme utiles au bonheur des peuples, comme nécessaires dans notre état de civilisation : le Français ne passe pas sa vie au Forum comme le Grec ou le Romain, il regarde même le jury comme une corvée, etc. […] Du jour que les rois n’ont plus été regardés comme des êtres envoyés d’en haut, tels que Philippe II et Louis XIV ; du jour qu’un insolent a prouvé qu’ils étaient utiles, leur mérite a été sujet à discussion, et la comédie a dû abandonner pour toujours les plaisanteries sur les courtisans.

2103. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Puis tout à coup, il jette dans un sourire : « Mais regardez donc Zézé ? […] Dimanche 3 mai En mon grenier, ce matin, je regardais dans une bouteille de bronze, à la forme élancée, au long col, à la patine sombre, et dont toute l’ornementation est faite, d’une mouche posée sur le noir métal, je regardais, sans en pouvoir détacher mes yeux, une dragonne, cette fleur turgide et déchiquetée, aux stries rouges dans son étoilement jaune impérial, une fleur qui a l’air d’un rinceau de décor, d’une astragale en train de fleurir.

2104. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IV : Sélection naturelle »

On aurait pu s’attendre à ce que les plantes qui ont réussi à se naturaliser en une contrée quelconque fussent en général étroitement alliées aux indigènes ; car celles-ci sont communément regardées comme spécialement adaptées à leur propre patrie, et même comme créées pour elle ; mais l’expérience prouve tout le contraire. […] Je ne saurais résoudre complétement ce problème ; et, comme nous n’avons aucun fait pour nous guider dans la recherche d’une solution, on peut regarder toute spéculation sur ce sujet comme oiseuse et sans base. […] Elle tend au perfectionnement de chaque créature vivante, par rapport à ses conditions de vie organiques ou inorganiques, et, conséquemment, dans la plupart des cas, à ce qu’on doit regarder comme un progrès de l’organisation.

2105. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Mais faites que ce mouvement sur elle-même soit supprimé, et qu’elle regarde toujours fixement l’astre : voilà que vous avez une terre à moitié torréfiée, sans saisons, sans rosée et sans lune. […] Jamais il n’eut une parole ni une pensée pour rien demander en retour de son entier dévouement : le plaisir de regarder et d’écouter lui suffisait.

2106. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

… Rien n’est doux et brillant comme de regarder à distance nos jeunes années malheureuses à travers ce prisme qu’on appelle une larme. […] Il se trouve mêlé, plus on y regarde, à toutes les brillantes formes d’essai, à tous les déguisements du romantisme.

2107. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

Rousseau est parvenu à se faire regarder ; c’est un sauvage sublime, un ilote de la pensée, que la société admet dans ses salons pour le voir avec curiosité et pour l’entendre avec complaisance blasphémer avec un éloquent délire contre la pensée même qui fait son existence, sa force et sa gloire. […] Ce sont les éclaireurs des nations qui marchent en avant ou qui regardent en arrière, pour leur enseigner le droit chemin à parcourir ou le chemin déjà parcouru, afin de bien orienter la colonne humaine.

2108. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Entre la vie et l’éternité, on se sent homme si on regarde Socrate, on se sent dieu quand on l’écoute. […] Elle gouverne tous les éléments dont on prétend qu’elle est composée, leur résiste pendant presque toute la vie, et les dompte de toutes les manières, réprimant les unes durement et avec douleur, comme dans la gymnastique et la médecine ; réprimant les autres plus doucement, gourmandant ceux-ci, avertissant ceux-là ; parlant au désir, à la colère, à la crainte, comme à des choses d’une nature étrangère : ce qu’Homère nous a représenté dans l’Odyssée, où Ulysse, se frappant la poitrine, gourmande ainsi son cœur : — Souffre ceci, mon cœur ; tu as souffert des choses plus dures. » On voit par cette citation, et par mille autres citations d’Homère dans la bouche de Socrate, que ce philosophe était bien éloigné de l’opinion sophistique de Platon proscrivant les poètes de la République, mais qu’au contraire Socrate regardait Homère comme le poète des sages, et comme le révélateur accompli de toute philosophie, de toute morale et de toute politique dans ses vers, miroir sans tache de l’univers physique, métaphysique et moral de son temps.

2109. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Et la différence artistique est non moins marquée : En ses opéras, Wagner reste librettiste d’opéra, content avec une esquisse de poème au lieu d’un poème développé, avec une ébauche littéraire, hâtée, confuse, incorrecte, un récit de fait-divers, au lieu de la précise et complète analyse du roman ; le spectacle est celui de l’opéra, dialogues d’interlocuteurs qui ne se regardent point, brillants défilés ; enfin, musicien d’opéra, Wagner emploie, — génialement, — une forme étriquée, et, — mélancoliquement, — il renonce aux richesses symphoniques de l’étude passionnelle… Mais, en ses drames, il est poète, avec les subtilités, les grandeurs, et les affinements des purement poètes ; son drame existe, littérairement, comme un roman dialogué ; — et il est le musicien révélateur de l’essence musicale, et son orchestre a appris à exprimer, — clairement (pour la première fois), — les ineffables intimités des âmes. […] Alors il comprend les raisons du cauchemar : il regarde en soi-même, se connaît la seule cause ; il est libre, et le Prisonnier de la Caverne devient le Mage Divin.

2110. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Ils se regardent, et leurs yeux s’envoient comme un flot de pensées, mille choses anciennes, confuses et profondes… » D’autres scènes, l’apparition d’Hélène Ennoia, le culte des Ophites, se passent en demi-ténèbres, et apparaissent vagues et passagères comme des songes, persuasives comme des hallucinations. […] Je regarde comme très secondaire le détail technique, le renseignement local, enfin le côté historique et exact des choses.

2111. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

Il s’assoit sur le rivage élevé des mers, comme dit Homère, et il demeure seul, immobile et muet, à regarder et à écouter les flots ; et s’il essaye, en présence d’un tel spectacle, de se parler à lui-même, il cherche involontairement une langue qui lui rappelle la grandeur, la profondeur, la mobilité, le sommeil, le réveil, la colère, le mugissement, la cadence de l’élément dont son âme, à force d’émotions montées de l’abîme à ses sens, contracte un moment l’infini. […] « Prédestinés l’un à l’autre », dit le poète, « ils ne s’étonnent pas de se voir pour la première fois ; ils semblent s’être vus toujours ; ils ne se reconnaissent pas, ils se connaissent ; ils se regardent immobiles et ravis, avec ce charmant sourire qui dit : Nous ne commençons pas, nous continuons de nous aimer. » Cependant le cruel message sort des lèvres de Nala.

2112. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

L’influence des circonstances extérieures a été souvent surmontée et vaincue, ici par la volonté de certains individus d’élite en ce qui les regardait eux-mêmes, là, pour les masses, par les gouvernemens et les institutions. […] Pourquoi donc a-t-on regardé les propositions arithmétiques comme des propositions analytiques ?

2113. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

Même à l’égard des Chiens domestiques du monde entier, que je regarde comme descendus de plusieurs espèces sauvages, on ne saurait douter que là encore il ne se soit produit une somme immense de variations héréditaires. […] Peut-être que le premier Pigeon Grosse-Gorge ne gonflait pas son jabot plus que le Turbit ne gonfle maintenant la partie supérieure de son œsophage, habitude regardée avec indifférence par les amateurs comme n’étant pas dans les caractères de la race.

2114. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Regarde-moi, ô dispensateur de la vie spirituelle ! regarde cette âme suppliante qui est à toi, et qui, du milieu de la terre, tente l’ascension des hauteurs idéales.

2115. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Les députés vinrent au monastère où ils furent beaucoup regardés de maintes gens qui jamais ne les avaient vus.

2116. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

Il n’a plus été lu qu’à la légère et feuilleté à peine par des générations qui n’y regardaient pas de si près.

2117. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

Or il y a longtemps que j’ai regardé l’ancienne dynastie des brachmanes comme cette nation primitive.

2118. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

En ne considérant même ce pèlerinage que dans le sens philosophique, n’a-t-on pas quelques réflexions satisfaisantes à faire dans un lieu où la faible et souffrante humanité vient chercher des secours contre les maux de l’âme, un lieu que les consciences effrayées regardent comme un port assuré contre les orages qui les tourmentent, où l’infortuné dévoré de scrupules trouve contre des remords, peut-être imaginaires et factices, des remèdes sûrs, et par cela même précieux ?

2119. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Pour mon compte, sans être un M. de Saint-Germain, c’est l’illusion que je me fais quelquefois, quand les yeux fermés je rouvre les scènes et les perspectives de ma mémoire : car enfin ce temps qui a précédé notre naissance, ce xviiie  siècle tout entier, nous le savons, avec un peu de bonne volonté et de lecture, tout autant que si nous y avions assisté en personne et réellement vécu : Mme d’Épinay, Marmontel, Duclos, tant d’autres nous y ont introduits ; nous pourrions entrer à toute heure dans un salon quelconque et n’y être pas trop dépaysés ; et même, après quelques instants de silence pour nous mettre au fait de l’entretien, nous pourrions risquer notre mot sans nous trahir et sans être regardés en étrangers.

2120. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Voilà ce qui me semble candidement de lui pour ce qui regarde son mérite dans la poésie française.

2121. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Je ne saurais accorder non plus que le plus parfait style en histoire doive être si limpide, si incolore, qu’il ressemble à la grande glace de l’exposition, qui laisse voir tous les objets au-delà sans qu’on la voie elle-même ; car remarquez, encore une fois, que les faits de l’histoire ne sont pas tout existants et tout disposés avec ordre indépendamment de celui qui les regarde.

2122. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

La rhétorique regarde Buchanan le docte : pour ce qui est de Saint-Amant, Saint-Évremond lui reconnaît de la naïveté, en en regrettant l’abus et le faux emploi.

2123. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

Je regardais avec charme la verdure des blés, les arbres qui bourgeonnent le long des fossés qui se tapissent d’herbes et de fleurettes comme ceux du Cayla.

2124. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Et pourtant que de contradictions traversent ces jugements si absolus et si tranchants, à y regarder de près !

2125. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Guizot, a besoin d’y regarder à deux fois. » Un mot charmant de Louis-Philippe est celui qu’il dit à la reine Victoria au château d’Eu, dans le jardin potager ; il avait offert à la reine une pêche, elle ne savait comment la peler.

2126. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Ce fut, à s’en tenir à l’intérieur de la lice et à ne pas regarder aux conséquences du dehors, un tournoi des plus satisfaisants, un assaut brillant et des mieux conduits : d’un côté, tous les princes de la parole, tous les chefs de file des nuances de l’opposition et des couleurs même les plus contraires, avec un major-général plus actif, plus infatigable que ne le fut jamais le prince Berthier, et qui allait donnant le mot d’ordre dans tous les rangs15 : ce mot d’ordre, c’est qu’on n’avait pas le gouvernement parlementaire dans sa force et dans sa vérité ; car remarquez que, tant qu’on a eu en France ce gouvernement, ceux mêmes qui le regrettent le plus hautement aujourd’hui niaient qu’on le possédât tel qu’il devait être et allaient criant partout : « Nous ne l’avons pas ! 

2127. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Elle n’y regardait pas, non plus que le vaillant soldat ne s’arrête aux morts dans la bataille, et elle continuait de travailler.

2128. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Je n’ai point suivi le maître dans les plans et programmes de lectures sérieuses et graduées qu’il propose, à mesure que l’éducation avance : peu de grammaire, pas de rhétorique formelle ni dogmatique, et la logique ajournée ; mais la jurisprudence positive, historique, l’histoire elle-même, la lecture directe des auteurs, c’est ce qu’il conseille, indiquant chacun de ces auteurs alors en usage, le désignant au passage d’un trait juste, et sur les sujets et pour les époques les plus éloignées de cette « ingénue Antiquité » qu’il préfère, montrant qu’il sait comprendre tout ce qu’il regarde, même l’âge de fer et le Moyen-Age, et qu’il est un guide non trompeur, évitant partout sans doute l’accablement et la sécheresse, mais de trop de goût pour aller mettre des fleurs là où il n’en vient pas.

2129. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Mais il est de ces fragments, de ces accidents heureux d’art et d’étude, qui, n’ayant rien à démêler avec les œuvres triomphales, n’en existent pas moins sous le soleil : — un rien, un rêve, une histoire de cœur et d’amour, une vue de nature, une promenade près de la mare où se baignent des canards et qu’illumine un rayon charmant, — et ce que je voyais l’autre jour encore à l’exposition du boulevard des Italiens, une vue de Blanchisserie hollandaise, par Ruisdaël, le Moulin d’Hobbema, ou un simple chemin de campagne regardé et rendu à une certaine heure du soir par un pauvre diable de paysagiste français nommé Michel, qui avait le sentiment et l’amour des choses simples.

2130. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Ville heureuse où l’on est dispensé d’avoir du bonheur, où il suffit d’être et de se sentir habiter ; qui fait plaisir, comme on le disait autrefois d’Athènes, rien qu’à regarder ; où l’on voit juste plus naturellement qu’ailleurs, où l’on ne s’exagère rien, où l’on ne se fait des monstres de rien ; où l’on respire, pour ainsi dire, avec l’air, même ce qu’on ne sait pas, où l’on n’est pas étranger même à ce qu’on ignore ; centre unique de ressources et de liberté, où la solitude est possible, où la société est commode et toujours voisine, où l’on est à cent lieues ou à deux pas ; où une seule matinée embrasse et satisfait toutes les curiosités, toutes les variétés de désirs ; où le plus sauvage, s’il est repris du besoin des hommes, n’a qu’à traverser les ponts, à parcourir cette zone brillante qui s’étend de la Madeleine au Gymnase ; et là, en quelques instants, il a tout retrouvé, il a tout vu, il s’est retrempé en plein courant, il a ressenti les plus vifs stimulants de la vie, il a compris la vraie philosophie parisienne, cette facilité, cette grâce à vivre, même au milieu du travail, cette sagesse rapide qui consiste à savoir profiter d’une heure de soleil !

2131. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

. — C’est fin, c’est malin ; si tu regardes et si tu copies ce que tu vois, tu pourras bien faire.

2132. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

Tunis, la vieille ennemie de Carthage et plus vieille que la métropole, se tient là en face d’elle et de ses murs, « accroupie dans la fange au bord de l’eau, comme une bête venimeuse qui la regarde », et qui lui veut mal de mort.

2133. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Il n’a certainement pas pris la peine de regarder autour de lui, de faire quelques pas, soit dans l’Acropole, soit dans la ville, avant de porter un jugement sur un édifice dont il ne connaît ni la destination sacrée, ni la place.

2134. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

Railler l’idéal, ce serait là le défaut de Cervantes ; mais ce défaut n’est qu’apparent ; regardez bien : ce sourire a une larme ; en réalité, Cervantes est pour Don Quichotte comme Molière est pour Alceste.

2135. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

Son sujet, dans sa simplicité même, est double : il s’agit de présenter et de fixer dans la mémoire deux suites, celle de la Religion et celle des Empires : « Et comme la Religion et le Gouvernement politique sont les deux points sur lesquels roulent les choses humaines, voir ce qui regarde ces choses renfermé dans un abrégé et en découvrir par ce moyen tout l’ordre et toute la suite, c’est comprendre dans sa pensée tout ce qu’il y a de grand parmi les hommes et tenir, pour ainsi dire, le fil de toutes les affaires de l’univers. » Jamais prétention plus haute ne fut plus magnifiquement et plus simplement exprimée : c’est celle, ni plus ni moins, d’un vicaire de Dieu dans l’histoire.

2136. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

J’ai continué, l’intérêt a redoublé, j’ai regardé la signature : le piquant article, vers ou prose, scène de mœurs, esquisse populaire, réalité prise sur le fait, gaieté légère où brille une larme, était signé Ch.

2137. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Boulay-Paty, nous te saluons une dernière fois, brave et digne poëte, fidèle jusqu’à la fin au vœu de toute ta vie, qui as eu, même en expirant, le rêve et l’illusion de la postérité, comme si cette postérité avait le temps de s’arrêter un moment, de se retourner, de regarder quiconque ne la suit point au pas de course ou ne la précède pas !

2138. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

L’auteur avait d’abord écrit ainsi cette phrase : « Les rois de France, Sire, ont toujours regardé l’amour des Français comme d’un prix égal à leurs plus grands bienfaits. » Cette Dédicace, avant d’être imprimée, fut soumise à Louis XVIII qui la lut et qui se donna le plaisir de faire remarquer que le mot de bienfaits, trop rapproché, rimait avec Français, et que de plus ce membre de phrase : comme d’un prix égal à leurs plus grands bienfaits, faisait un vers alexandrin dans une phrase de prose, ce qui est réputé un défaut.

2139. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

L’auteur de Bertrand et Raton, lequel, il est vrai, n’y regardait pas tout à fait de si près, et qui n’a accepté, en matière de difficultés, que l’indispensable, a réussi à faire rire.

2140. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

., dans la strophe que vous me citez de mon Ode à la Fortune ; et je vous avoue, puisque vous approuvez la manière dont je me suis approprié la pensée de cet ancien, que je m’en sais meilleur gré que si j’en étois l’auteur, par la raison que c’est l’expression seule qui fait le poëte, et non la pensée, qui appartient au philosophe et à l’orateur, comme à lui. » L’aveu est formel ; on conçoit maintenant que Saurin ait dit qu’il ne regardait Rousseau que comme le premier entre les plagiaires.

2141. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

Ce serait une forte objection contre le système de progression dans les lumières, qu’un si long cours d’années, qu’une portion si considérable des temps qui nous sont connus, pendant lesquels le grand œuvre de la perfectibilité semblerait avoir reculé ; mais cette objection, que je regarderais comme toute puissante si elle était fondée, peut se réfuter d’une manière simple.

2142. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

Dans les monarchies aristocratiquement constituées, la multitude se plaît quelquefois, par un esprit dominateur, à relever celui que le hasard a délaissé ; mais ce même esprit ne lui permet pas d’abandonner ses droits sur l’existence qu’elle a créée, le peuple regarde cette existence comme l’œuvre de ses mains ; et si le sort, la superstition, la magie, une puissance, enfin, indépendante des hommes, n’entre pas dans la destinée de celui, qui dans un état monarchique doit son élévation à l’opinion du peuple, il ne conservera pas longtemps une gloire que les suffrages seuls récompensent et créent, qui puise à la même source son existence et son éclat ; le peuple ne soutiendra pas son ouvrage, et ne se prosternera pas devant une force dont il se sent le principal appui.

2143. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

Bref les matérialistes nient le texte, et les spiritualistes regardent comme incompréhensible le lien du texte et de la traduction. — Nous n’avons point procédé de même, et notre minutieuse analyse nous a conduit à une solution nouvelle.

2144. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

Le dix-huitième siècle philosophique n’admettait même pas la sincérité des fondateurs de religions, et les regardait tous comme des jongleurs.

2145. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

Regardons les créateurs modernes : tous nous donneront un exemple de sobre tenue, de pauvreté fière et nette, de vie travailleuse, ordonnée, saine, de discrétion dans le geste et le discours, d’élégance et de distinction nées du seul sentiment de porter en soi une grande âme.

2146. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

Qu’ils regardent ou non aux portières, la diligence roule.

2147. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

L’hypocrisie des pharisiens, qui en priant tournaient la tête pour voir si on les regardait, qui faisaient leurs aumônes avec fracas, et mettaient sur leurs habits des signes qui les faisaient reconnaître pour personnes pieuses, toutes ces simagrées de la fausse dévotion le révoltaient. « Ils ont reçu leur récompense, disait-il ; pour toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ne sache pas ce que fait ta droite, afin que ton aumône reste dans le secret, et alors ton Père, qui voit dans le secret, te la rendra 252.

2148. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

.) — à bien regarder ce passage de la Vie de M. 

2149. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

[NdA] Goethe, qui est si favorable à la libre diversité des génies et qui croit tout développement légitime pourvu qu’on atteigne à la fin de l’art, a comparé ingénieusement le Parnasse au mont Serrat en Catalogne, lequel est ou était tout peuplé d’ermites et dont chaque dentelure recelait son pieux anachorète : « Le Parnasse, dit-il, est un mont Serrat qui admet quantité d’établissements à ses divers étages : laissez chacun aller et regarder autour de lui, et il trouvera quelque place à sa convenance, que ce soit un sommet ou un coin de rocher. »

2150. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

Elle nous regardait quelquefois avec une pitié qui faisait tressaillir.

2151. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

Et vous, mon ami, vous regardez le berceau de votre petit enfant, et sa mère et sa grand-mère, et vos deux aînés Paul et Virginie : votre cœur s’attendrit et jouit.

2152. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Les hostilités s’allument, le sang a coulé ; il perd sa dernière étincelle d’affection pour l’antique patrie de ses pères : on ne voit plus dans tous ses actes et toutes ses pensées que l’homme et le citoyen du continent nouveau, de cet empire jeune, émancipé, immense, dont il est l’un des premiers à signer l’acte d’indépendance et à présager les grandeurs, sans plus vouloir regarder en arrière, ni reculer jamais.

2153. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre I : De la méthode en général »

Observer, c’est choisir, car celui qui regarde tout à la fois n’observe pas.

2154. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

En effet, on peut dire en ce sens que tout objet de science est une chose, sauf, peut-être, les objets mathématiques ; car, pour ce qui est de ces derniers, comme nous les construisons nous-mêmes depuis les plus simples jusqu’aux plus complexes, il suffit, pour savoir ce qu’ils sont, de regarder au-dedans de nous et d’analyser intérieurement le processus mental d’où ils résultent.

2155. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

On la regarde d’un air railleur quand elle traverse la place, et nos ennemis se frottent les mains, en chuchotant, sur le pas de leurs portes ; la pauvre fille est bien malheureuse.

2156. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Je cite plus volontiers les poètes que les politiques, parce que je regarde les poètes comme les véritables annalistes du genre humain, et que les politiques ou les philosophes sont trop souvent des hommes séduits par des théories sans fondement et sans fécondité.

2157. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Voyez, dans une même patrie, les gens de la plaine et ceux de la montagne, ceux qui communiquent, par tout leur être, avec le sol rocheux, l’air sec, avec les bruyères, avec les grands flamboiements de soleil sur des surfaces arides ; regardez à côté et étudiez ceux que la vie enferme dans l’ombre moite des forêts ; observez le visage des mêmes travailleurs qui change avec les saisons, la couleur de leurs paroles ou de leurs yeux qui varie plus d’une fois en un jour, et dites si nous ne sommes pas un peu les sujets de ce monde que nous dominons par la pensée ?

2158. (1903) Considérations sur quelques écoles poétiques contemporaines pp. 3-31

Ceux-là ne regardent pas le Parnasse de travers.

2159. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Aucune classe aujourd’hui ne regarde l’État comme son domaine propre ; c’est une gloire pour la raison et c’est un progrès de la justice de l’avoir restitué à son légitime propriétaire, à la nation.

2160. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VII : Théorie de la raison par M. Cousin »

Au lieu de faire des raisonnements, regardons des faits.

2161. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

Si le lecteur daigne regarder autour de lui, il verra cent exemples de ces vocations contrariées par les circonstances, de ces esprits prématurés ou tardifs, de ces hommes de talent qui eussent été des hommes de génie s’ils étaient venus à temps.

2162. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

La peur des coups se joignant à la gourmandise d’un enfant craintif pour une belle femme, ses yeux la supplièrent de regarder. […] Son imagination perdue de délices, énuclée la réalité de tout élément résistant ou hostile ; elle éteint les mille yeux durs, méchants ou ironiques, avec lesquels la nature et la société regardent l’individu. […] Sur un sentier de rocher, au bord de l’abîme, l’instinct nous avertit de regarder fermement devant nous. […] C’est bien le dieu qui dans les transports qu’il fait naître regarde froidement opérer sa divinité. […] L’esprit romantique a une irrépressible tendance à s’émerveiller, s’extasier, s’indigner, s’épouvanter, qui regarde peu à la qualité des occasions, et d’où il tire, sur tout propos, une inépuisable disponibilité de pathétique.

2163. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Il divinise tout ce qu’il regarde. […] Or, regardez autour de vous. […] disent les maris, ce n’est qu’une fille, cela ne nous regarde pas ». […] Devant le château. — Pelléas et Mélisande regardent, au crépuscule, les bateaux sortir de la rade. […] … Je n’ose plus regarder… Oh !

2164. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Les êtres flottants, sortis de leur fonction ordinaire, qu’ils sont passionnants à regarder, à soupçonner ! […] Nous écoutons, Auric et moi. » Et vous pensez si je pris vite le parti de ne plus regarder que Jean Cocteau qui est bien le seul, parmi les jeunes écrivains, qui sache encore éblouir en parlant ! […] Je me souviens que peu après, m’exaltant à l’Ambroisienne avec les ardeurs d’un provincial devant les dessins de Léonard qui font l’honneur de Milan, il me tira par la manche et m’entraîna dans un escalier, parce qu’un gardien me regardait. […] Ces Anglais sont bien émouvants à regarder vivre ; malheureux, ils mettent un masque d’humour ; ils méprisent l’exagération, et Dieu sait si la guerre leur donnait l’occasion de la redouter ! […] C’était être un peu égoïste, se regarder avec amitié dans sa glace, feindre de ne pas s’y reconnaître, embrasser cet inconnu.

2165. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

On regarde toute autorité spirituelle moins comme un obstacle à sa croyance que comme un obstacle à la croyance qu’on pourrait avoir si l’on s’avisait d’en avoir une. […] Par exemple, la civilisation est l’art de mourir de faim, perfectionné à miracle. — Regardez ces quatre hommes qui passent. […] Il ne devrait pas regarder ’Sans rougir une ruche ou une fourmilière. […] Le progrès scientifique a paru contraire aux doctrines chrétiennes, le catholicisme l’a regardé de mauvais œil et s’en est tenu là. […] Il ne s’agissait pas de regarder, mais de fonder.

2166. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Selon César et en y joignant ce que dit Strabon qui le complète, il y avait donc trois peuples ou races parlant trois langues principales primitives dans la Gaule antérieurement à la domination romaine : 1° les Aquitains (qui habitaient l’espace triangulaire compris entre le cours de la Garonne et la moitié occidentale de la chaîne des Pyrénées) parlaient une langue qui se rapprochait fort de l’ibère ou de l’espagnol d’alors ; 2° les Celtes qui parlaient une autre langue très-distincte étaient principalement concentrés entre la Garonne et la Seine ; 3° les tribus belges ou gauloises qui parlaient une langue regardée comme distincte par César, mais certainement moins différente de la celtique que de l’aquitaine, occupaient tout l’espace de la rive droite de la Seine à la rive gauche du Rhin et à l’Océan. […] Edélestand Du Méril, qui a publié lui-même des ouvrages approfondis sur le moyen âge français et bas-latin, et qui a regardé de très-près à toutes ces questions d’origines, a exprimé des doutes, et soutenu que tenter d’appliquer à notre vieux français cette rigueur grammaticale, cette précision philologique, vouloir en traiter les textes manuscrits comme l’on a fait les livres venus de l’antiquité, c’était rapprocher des choses profondément dissemblables, c’était faire une création rétroactive, supposer aux monuments du vieux français une pureté systématique qui lui est le plus étrangère, et chercher, dans ce qui est de soi informe et variable à l’infini, un ordre et une règle qu’on peut y mettre à toute force, mais qui ne s’y trouvent point35.

2167. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Aristote s’enfonce ainsi au cœur même de la question du mouvement, et il résout ce problème si obscur par les principes qu’il a posés antérieurement et qu’il regarde comme indubitables. […] Les abeilles vivent six ans ; quelques-unes vont jusqu’à sept : on regarde comme heureux qu’une ruche dure neuf ou dix ans.

2168. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Il tient pour téméraire, et en certains cas pour puéril, de vouloir développer les âmes des personnages qu’on n’a pas connus, et de regarder les événements comme des caractères avec lesquels on peut lire sûrement dans le fond des cœurs. […] Où Quintilien, parlant de l’affection que le maître doit porter à ses élèves, dit : « Qu’il prenne avant tout des sentiments de père pour ses disciples, et qu’il se regarde comme tenant la place de ceux qui lui ont confié leurs enfants31 », Rollin traduit : « Qu’il prenne avant tout et par-dessus tout la place de père », substituant le père aux personnes innommées de Quintilien, et ajoutant les mots par-dessus tout, qui transforment le conseil en un appel de cœur.

2169. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Les auteurs regardaient désormais le monde au microscope, au risque de prendre pour un caractère un ridicule plusieurs fois grossi. […] Si l’on s’y trompe, c’est faute d’y regarder d’assez près.

2170. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Ces objections sont d’autant plus sérieuses que je reconnais tout le premier que la science, pour arriver à ce degré où elle offre à l’âme un aliment religieux et moral, doit s’élever au-dessus du niveau vulgaire, que l’éducation scientifique ordinaire est ici complètement insuffisante, qu’il faut, pour réaliser cet idéal, une vie entière consacrée à l’étude, un ascétisme scientifique de tous les instants et le plus complet renoncement aux plaisirs, aux affaires et aux intérêts de ce monde, que non seulement l’homme ignorant est radicalement incapable de comprendre le premier mot de ce système de vie, mais que même l’immense majorité de ceux qu’on regarde comme instruits et cultivés est dans l’incapacité absolue d’y atteindre. […] Ces soupçons n’atteignent jamais ceux qu’on regarde comme d’une autre espèce et avec lesquels on a définitivement renoncé à se comparer.

2171. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

C’est ce dernier cas surtout qui nous regarde ici. […] Là où en allemand il y a « l’épée », il y a ici « — culaire »… Et l’orchestre nous renvoie l’écho attendrissant : « — culaire. » Pour la modulation, on regardera, par exemple, la phrase lente de Sieglinde : « Mir allein weckte das Auge süss sehnenden Harm.

2172. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

L’animal regarde derrière un miroir pour voir ce qui s’y trouve ; nous regardons ainsi derrière chaque fait : nous lui cherchons un fait qui le précède.

2173. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Il répète et rabâche amoureusement cette phrase : De la forme naît l’idée, une phrase que lui a dite, ce matin, Flaubert, et qu’il regarde comme la formule suprême de l’école, et qu’il veut qu’on grave sur les murs. […] — Enfin, tu sais bien, chose… chose… Juliette met la main devant son front, comme une personne qui regarde au loin, et cligne des yeux pour voir si elle n’aperçoit pas ce monsieur sur le grand chemin de ses souvenirs.

2174. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

Il en ressort… nous nous regardons… un regard mutuel et profond, où chacun tâte l’autre… Du sang plein la figure, plein l’œil. […] À la représentation du couteau de cuisine qui a servi à tuer la femme, une expression indéfinissable d’un œil qui se voile sous des cils d’albinos : expression sournoise d’un regard clignotant qui regarde, sans vouloir voir.

2175. (1894) Textes critiques

Filiger La banalité de la mode étant à qui parle d’art de répondre qu’il vaut mieux vivre (ce qui serait peut-être admirable si compris, mais tel quel, sans plus de conscience, gratté de la table de Faust, se redit depuis bien longtemps), il est permis, nos serfs pouvant suffisamment cette chose, d’exister dès maintenant en l’éternité, d’en faire de notre mieux provision, et de la regarder chez ceux qui l’ont su mettre en cage surtout discolore de la nôtre. […] Jésus mort repose sur l’herbe, le haut du corps soutenu par Joseph d’Arimathie ; la Vierge11, stupide de douleur, s’est pris le visage dans les mains et regarde son fils ; la tête du Mauvais Larron, du haut de la croix, semble un soleil noir.

2176. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Il regarda donc pendant longtemps et jusqu’au vertige dans la profondeur de son âme, de sa foi, de ses amours, de ses haines, de ses vengeances, et il se dit : « Je ferai voir l’invisible, et je le rendrai si visible, par la puissance de ma foi et par la vigueur de mes pinceaux, que la terre et le ciel sembleront s’ouvrir aux yeux des hommes, et que je jouirai d’abord en ce temps, puis, par anticipation, dans l’éternité, de cette justice éternelle qui sera à la fois ma félicité et ma vengeance. […] Nous savons bien que nous choquons, en parlant ainsi, toute une école littéraire récente (en France comme en Italie) ; cette école s’acharne sur le poème du Dante sans parvenir à le comprendre, comme les mangeurs d’opium, en Orient, s’acharnent à regarder le firmament pour y découvrir Dieu.

2177. (1926) L’esprit contre la raison

Le culte des apparences, les préoccupations techniques certes étaient moins angoissantes et nous savons très bien comment, à l’exemple de tel ou tel animal qui peut tomber en sommeil s’il regarde longtemps un point fixe, les réalistes d’une part et, à leur suite, les esthètesac qui n’avaient d’yeux que pour les attitudes, d’oreilles que pour les mots, d’attention que pour les objets, ne se dédiaient ainsi à tout cet attirail que par un confus mais réel désir de somnolence. […] Et nous regardons, vengés enfin des minutes lentes, des cœurs tièdes, des mains raisonnables.

2178. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

Tout en s’ennuyant de ne rien faire, le prince de Ligne a son quartier à Iassy ; il y voit les boyards et les femmes des boyards, les belles Moldaves, les indolentes Phanariotes, les Grecques à demi asiatiques qu’il décrit avec leur grâce, leur nonchaloir et leurs danses : « On se fait des mines, on se sépare presque, on se retient, on s’approche, je ne sais comment ; on se regarde, on s’entend, on se devine, on a l’air de s’aimer… Cette danse-là me paraît fort raisonnable. » On y voit les jolies femmes de Iassy recevant le ton de Constantinople et préoccupées de l’idéal de beauté turque, qui consiste à être grasse et à avoir du ventre.

2179. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

De plus, elle était peu connue, du moins en ce qui regarde l’administration intérieure, et c’est un grand bonheur de votre sujet que ces mystères de la police vénitienne que vous avez eus à pénétrer pour les mettre ensuite au grand jour.

2180. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Il voudrait le voir s’émanciper enfin, ne plus être soumis toujours ni docile à l’excès et subordonné ; il l’excite à prendre sur lui et à user de toute l’étendue des pouvoirs qu’il a en main, pour le bien du service : « Un prince sérieux, accoutumé à l’application, qui s’est donné à la vertu depuis longtemps, et qui achève sa troisième campagne à l’âge de vingt-sept ans commencés, ne peut être regardé comme étant trop jeune pour décider. » Le duc de Bourgogne lui répond avec calme, avec douceur, peut-être même avec raison sur certains détails, mais sans entrer dans l’esprit du conseil qui lui est donné ; et, quand il a tout expliqué et froidement, un scrupule d’un autre genre le prend, et il dit à Fénelon dans une espèce de post-scriptum : « Je me sers de cette occasion pour vous demander si vous ne croyez pas qu’il soit absolument mal de loger dans une abbaye de filles : c’est le cas où je me trouve.

2181. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Buffon, qui avait la vue courte et qui n’usait pas du microscope, de même qu’il regardait peu les plantes, méprisait assez les insectes.

2182. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Mon auteur est savant pour moi : les matières sont toutes digérées ; l’invention et la disposition ne me regardent pas : je n’ai qu’à m’énoncer.

2183. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

Target avait présidé le tiers état de Paris (c’est-à-dire la réunion des électeurs) ; je me regardais comme incapable de m’en acquitter avec la même distinction.

2184. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

Ainsi échouent, disait-il encore en y revenant après bien des années, et non toutefois sans quelque amertume, ainsi échouent les plus nobles entreprises, conçues par une minorité éclairée et généreuse qui a oublié de regarder sur ses derrières, a compté les hommes au lieu de les peser, et ne sait pas qu’en dernière analyse les nations ne seront jamais gouvernées que comme elles sont faites.

2185. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Et pourtant, ayant été refusé pour son âge, qui le rendait impropre aux austérités, par le prieur de la Chartreuse de Paris d’abord, comme aussi par le provincial des célestins vers qui ensuite il se tourna, on le voit plein d’inquiétude et de scrupule jusqu’à ce que des docteurs autorisés l’aient rassuré et lui aient dit qu’il pouvait, en conscience, se regarder comme relevé de son vœu.

2186. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Il a poussé ses qualités jusqu’aux défauts mais, considéré tout entier par les côtés qu’admire la raison et par ceux que condamne la morale ; regardé, en un mot, des hauteurs de l’histoire, et non par les dessous d’une chronique méticuleuse, Henri IV ne sera jamais haïssable. » — Ainsi Henri IV, somme toute, n’est pas haïssable !

2187. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Santeul était plus enflé, du Périer plus modeste ; il se voyait en celui-ci une certaine couleur d’antiquité, laquelle, à y bien regarder, se découvrait avec bien plus d’éclat dans les poèmes de Petit ; et ce dernier était de plus un esprit orné et imbu de toutes sortes de lettres… Quant à Santeul et à du Périer, si le hasard me les amenait parfois (et il ne me les amenait que trop souvent), tout à l’instant chez moi retentissait du bruit de leurs vers ; et comme le premier surtout, se tenant, comme on dit, sur un pied, faisait mille vers à l’heure et coulait plein de limon, vous l’auriez exactement comparé à ce Camille Querno dont s’amusait le grand pape Léon X ; qui obtint de lui le titre et les insignes d’archipoète, et qu’on saluait comme décoré d’une couronne de choux, de pampre et de laurier.

2188. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — I » pp. 57-75

Il a exprimé cela admirablement dans une épître à son ami Jean Galland, principal du collège de Boncourt ; il lui dit : Comme on voit en septembre aux tonneaux angevins Bouillir en écumant la jeunesse des vins, Qui, chaude en son berceau, à toute force gronde Et voudroit tout d’un coup sortir hors de sa bonde, Ardente, impatiente, et n’a point de repos De s’enfler, d’écumer, de jaillir à gros flots, Tant que le froid hiver lui ait dompté sa force6, Rembarrant sa puissance aux berceaux d’une écorce : Ainsi la poésie, en la jeune saison, Bouillonne dans nos cœurs… Mais quand vient l’âge de trente-cinq ou quarante ans (c’est la limite qu’il assigne), le sang se refroidit ; adieu la muse et les belles chansons : Nos lauriers sont séchés, et le train de nos vers Se présente à nos yeux boileux et de travers : Toujours quelque malheur en marchant les retards, Et comme par dépit la muse les regarde.

2189. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Je considère bien le péril auquel je me trouve, mais je vous prie aussi de regarder le vôtre.

2190. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Les premières lettres de Frédéric à son frère Henri, et qui se rapportent à l’extrême jeunesse de celui-ci, nous le montrent assez dissipé, rappelé à l’ordre par le jeune roi, et tiède dès lors et très froid à son égard : Le peu d’amitié que vous me témoignez dans toutes les occasions, lui écrivait Frédéric (1746), ne m’excite pas à faire de nouveaux efforts de tendresse en faveur d’un frère qui a si peu de retour pour moi… Il faut, si vous m’aimez, que votre amitié soit métaphysique, car je n’ai jamais vu aimer les gens de la sorte, sans les regarder, sans leur parler, sans leur donner le moindre signe d’affection.

2191. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

Et si l’on regarde à la nature des méchants propos qui sont restés attachés au nom de cette dame, on admire la délicatesse du peintre d’avoir ainsi loué une femme qui avait eu les plus odieux démêlés avec son mari et qui avait été chansonnée.

2192. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

Si, au lieu de regarder du parterre, on se suppose déjà au paradis, le point de vue est renversé, et, à tout moment, il en est ainsi chez Mme Swetchine.

2193. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Œuvres complètes d’Hyppolyte Rigault avec notice de M. Saint-Marc Girardin. »

Il n’avait aucun entraînement, nul abandon de jeunesse, et semblait de bonne heure fort préoccupé du but : ses camarades, dans l’idée qu’ils avaient de sa prévoyance, disaient de lui qu’il ne regardait pas à droite ni à gauche au hasard, qu’il ne faisait rien indifféremment.

2194. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

L’ordre et le rang dans la liste ne me regardent pas.

2195. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

C’est un contemplatif armé de couleurs et de sons, mais las et ennuyé du spectacle même, comme si regarder était déjà trop accorder à l’action.

2196. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

Chateaubriand, dans une visite qu’il fit à Coppet en 1805, avait été également frappé de cette idée exaltée de malheur, qui lui parut disproportionnée et en contradiction avec la beauté du séjour : « Elle se regardait comme la plus malheureuse des femmes dans un exil dont j’aurais été ravi. » Mais la souffrance est là où on la ressent.

2197. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Il ne pétille pas seulement d’esprit, mais de pensées, et de pensées qui nous regardent.

2198. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

C’est absolument comme si je voulais me comparer avec Shakspeare qui ne s’est pas fait non plus, et qui cependant est un être d’une nature plus élevée, que je ne regarde que d’en bas, et que je ne peux que vénérer. » Ce sont les jugements d’un tel homme sur la littérature française qu’il nous est précieux et intéressant de recueillir.

2199. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Que tous ceux qui auront à nommer le Paradis le regardent et l’indiquent de la main. » Ce n’est pas tout : indépendamment des acteurs proprement dits, il y a un lecteur et un chœur, comme, si l’on était dans l’église.

2200. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Il eut l’honneur, en juillet 1690, de recevoir et de régaler à son passage le roi Jacques détrôné et fugitif, qui avait pris sa route par Caen : il fut très-frappé de l’air indifférent, passif, de ce roi opiniâtre,« qui paraissait aussi insensible au mauvais état de ses affaires que si elles ne le regardaient point ; qui racontait ce qu’il en savait en riant et sans aucune altération. » Le roi Jacques se flattait à cette date, que « le peuple anglais était entièrement dans ses intérêts » ; et il imputait tout le mal au prince d’Orange et aux troupes étrangères que l’usurpateur avait fait passer en Angleterre.

2201. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

le côté politique, le caractère des personnages, le génie du peuple, les aspects par lesquels l’histoire particulière de ce peuple navigateur, et civilisateur à sa manière, regarde l’histoire générale et intéresse le grand courant de la civilisation, sont sacrifiés ici ou entièrement subordonnés au côté descriptif exorbitant, à un dilettantisme qui, ne trouvant à s’appliquer qu’à de rares débris, est forcé de les exagérer.

2202. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

J’ai dit qu’il était journaliste jusqu’au bout des ongles ; il aimait les périls et les difficultés du métier ; une de ses maximes était : « On ne dit bien que ce qui est difficile à dire. » — Quand on lui présentait et qu’on lui lisait un article, ce qu’il fallait regarder pour savoir son avis, ce n’était pas son visage, c’était sa tabatière.

2203. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

En vérité, il ne faut qu’une cabane dans un séjour d’apparition où nous ne sommes que des Ombres occupées à en voir passer d’autres, et où les mots d’établissement, de projets, de gloire, de grandeurs, ne peuvent exciter que la pitié. » Et tout à coup, une autre fois, à propos de la mort ou de la maladie de quelques membres de l’Académie, Condillac, Watelet, M. de Beauvau : « Mon ami, je regarde nos quarante fauteuils comme quarante tombes qui se pressent les unes contre les autres. » Mais ceci tourne à l’imagination funèbre et devient trop effrayant.

2204. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

Mais ce que vous passez de temps à travailler vous-même, si vous l’employiez à surveiller votre monde, vous y gagneriez. » A ces observations hasardées d’un ton de bonté, avec intérêt, Ménédème répond d’abord sèchement : « Chrémès, vos affaires vous laissent-elles donc assez de temps de reste pour vous occuper de celles des autres et de ce qui ne vous regarde en rien ? 

2205. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

regardez la nature.

2206. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

L’art suprême, aujourd’hui, consisterait non à sacrifier l’une des deux critiques à l’autre, mais à savoir les combiner, s’il se peut, et, après avoir tout regardé avec l’œil de l’analyse, à réagir, à se remettre au point de vue et à retrouver l’admiration, non plus exagérée, grossie, et à tout propos, mais encore élevée et féconde.

2207. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée, par M. le chevalier Alfred d’Arneth et à ce propos de la guerre de 1778 »

Après quinze ans de paix, il est permis à de vieux guerriers, qui se sont mesurés dans des luttes de géants, d’y regarder à deux fois et de ne plus se sentir le même élan ni la même vigueur.

2208. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

Didot, qui y a regardé de près, des modifications orthographiques dans cinq mille mots, c’est-à-dire dans le quart au moins du vocabulaire entier.

2209. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

Il en résultait que les aimables hôtes de Verberie couraient en costume dès le matin, au grand étonnement des paysans qui regardaient par-dessus la baie, et ils avaient l’air de jouer la bergerie tout le jour.

2210. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

… Que les hommes ne jugent pas avec trop de confiance, comme celui qui compte sur les blés aux champs avant qu’ils soient mûrs ; car j’ai vu le buisson, à demi mort et tout glacé pendant l’hiver, se couronner de roses au printemps ; et j’ai vu le vaisseau, qui avait traversé rapidement la mer durant tout le voyage, périr à la fin, juste à l’entrée du port… Celui-là peut se relever, celui-ci peut tomber. » À regarder d’un coup d’œil général le talent et l’œuvre de M. de Lamartine, il semble que le plus haut point de son développement lyrique se trouve dans ses Harmonies.

2211. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

Mais, ainsi que je l’ai posé en commençant, depuis trois ou quatre années, les choses politiques s’étant graduellement apaisées ou affaissées en ce qu’elles avaient d’habituellement imminent et absorbant, on a le loisir, on se regarde ; rien ne s’est recomposé littérairement et avec le feu des premières œuvres ; du moins les individus se retrouvent, s’essayent ; il y a une sorte de retour des uns à leurs anciens travaux, il y a persistance et perfectionnement chez d’autres, un peu de désabusement chez tous, mais en somme une disposition assez favorable et qui s’intéresse avec assez de sincérité.

2212. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Il en a ignoré ou dédaigné tout un autre côté, par lequel le dernier règne regardait les précédents, côté qui certes n’est pas le moins original, et que Saint-Simon nous dévoile aujourd’hui.

2213. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Placé à l’entrée de nos deux principaux siècles littéraires, il leur tourne le dos et regarde le seizième ; il y tend la main aux aïeux gaulois, à Montaigne, à Ronsard, à Rabelais, de même qu’André Chénier, jeté à l’issue de ces deux mêmes siècles classiques, tend déjà les bras au nôtre, et semble le frère aîné des poètes nouveaux.

2214. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

La législation, qu’on doit regarder comme une branche de la philosophie, fut portée au plus haut point de perfection à Rome avant qu’il y eût des poètes.

2215. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

L’urbanité des mœurs peut seule adoucir les aspérités de l’esprit de parti ; elle permet de se voir longtemps avant de s’aimer, de se parler longtemps avant qu’on soit d’accord ; et par degrés, cette aversion profonde qu’on ressentait pour l’homme que l’on n’avait jamais abordé, cette aversion s’affaiblit par les rapports de conversation, d’égards, de prévenance, qui raniment la sympathie, et font trouver enfin son semblable dans celui qu’on regardait comme son ennemi.

2216. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

CXLVII, résumé. « Un lecteur sage s’apercevra aisément qu’il ne doit croire que les grands événements qui ont quelque vraisemblance, et regarder en pitié toutes les fables dont le fanatisme, l’esprit romanesque, la crédulité ont chargé dans tous les temps la scène du monde. » 340.

2217. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

Et je le croirais : il a regardé la vie en mouvement, en travail.

2218. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Il tourne le dos à son siècle, qui regarde vers l’Angleterre : pour lui, c’est à l’Espagne qu’il s’adresse.

2219. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

Regardez-le dans sa carrière politique : jamais le sentiment ne lui a arraché un discours, inspiré un acte ; tout en lui est d’un politique qui observe et calcule.

2220. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

Regardez-les passer !

2221. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre premier. La contradiction de l’homme » pp. 1-27

Pour comprendre celle-ci, considérons ceux de ses préceptes qui ne regardent que nous, ou plutôt supposons que les prescriptions de la morale individuelle ne concernent que l’individu.

2222. (1890) L’avenir de la science « V »

La science doit donc poursuivre son chemin, sans regarder qui elle heurte.

2223. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Mais voilà que, du fond de la scène, sort une chèvre qui, après avoir regardé avec étonnement l’assistance, va en bêlant vers les amants.

2224. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

À chaque chapitre, il dresse de pénibles échafaudages psychologiques pour laisser tomber au milieu, en guise de monument neuf, quelque grain de sable mille fois roulé par la banalité de la vague, telle cette pensée si difficile à conquérir : Quand un passant se retourne pour regarder une femme, « elle est toujours flattée de cet effet, le passant fût-il bossu, bancroche ou manchot, et quand bien même elle porterait comme Madame de Candale, un des grands noms historiques de France ! 

2225. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

A M. de Fondette, l’adolescent ébloui qui la regarde, du fond de sa timidité embrasée, comme un ver luisant amoureux d’un astre, elle donne un rendez-vous, sous le balcon de sa fenêtre, qui s’entrouvrira.

2226. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Il continue de développer cette idée d’une doctrine secrète qu’il faut réserver pour soi et pour le petit nombre : En ce qui vous regarde, mon ami, croyez-moi, vous êtes né, pour votre bonheur, trop tôt de quelques siècles.

2227. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

J’ai dit qu’il y a deux aspects du siècle ou règne de Louis XIV, l’aspect apparent, imposant et noble, et le revers, le fond, plus naturel, trop naturel, et où il ne faut pas trop regarder ; ajoutons seulement qu’à une certaine heure, et au plus beau moment du règne, deux hommes montrèrent, en plus d’une œuvre, ce que pouvait le génie en unissant les deux tons, en rompant en visière au solennel, et en faisant parler hautement et dignement la nature : ces deux hommes sont Molière et La Fontaine.

2228. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

C’est qu’en effet Mazarin bien vu, et regardé de près comme si nous étions ses contemporains, avait de ces dons qui, dès qu’ils entraient en jeu, permettaient difficilement de lui échapper.

2229. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

On peut donc regarder l’existence des idoles populaires et des charlatans en chef comme étant irrévocablement finie.

2230. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

On raconte que Bossuet l’étant allé voir, lui dit : « On vous a regardé jusqu’ici, monsieur, comme un esprit fort ; songez à détromper le public par des discours sincères et religieux. » — « Il est plus à propos que je me taise, répondit Patru mourant ; on ne parle dans ses derniers moments que par faiblesse ou par vanité. » Il mourut le 16 janvier 1681, à l’âge de soixante-dix-sept ans.

2231. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

À y regarder de près cependant, il y a là des choses que n’a pu dire l’Empereur.

2232. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Mais, répliqua La Fontaine, si les rois sont maîtres de nos biens, de nos vies et de tout, il faut qu’ils aient droit de nous regarder comme des fourmis à leur égard, et je me rends si vous me faites voir que cela soit autorisé par l’Écriture. — Hé quoi !

2233. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

Si je regarde attentivement dans la rue, je n’entends pas quelqu’un qui m’appelle à côté de moi ; si je suis occupé à quelque travail, je n’entends pas la pendule sonner.

2234. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Eh bien, si je regarde autour de nous, et si je considère les principaux événements de l’histoire du monde depuis le Contrat social, il me semble que le principe de la souveraineté sort de plus en plus de l’utopie pour entrer dans la réalité des faits.

2235. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

Un autre critérium à juger la fiction et par conséquent à en jouir davantage si elle est bonne, c’est de regarder en nous-mêmes.

2236. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Si nous parcourions toute la série d’idées que peut faite naître le sujet qui nous occupe, nous verrions que le duel, reste de nos anciennes mœurs, s’est conservé intact dans nos mœurs nouvelles, mais qu’il commence à sortir de la sphère des opinions ; que l’institution du jury, réclamée par nos opinions, et regardée avec raison comme le fondement de toutes nos garanties sociales et de nos libertés actuelles, n’est point entrée dans nos mœurs, puisque nous obéissons avec tant de répugnance à la loi qui nous impose le devoir de juger nos pairs, puisque les jugements rendus dans le sanctuaire de la justice, sous la responsabilité de la conscience des jurés, sont attaqués ouvertement, et discutés comme nous discutons tout ; nous verrions enfin que si nous n’étions pas soutenus par l’esprit de parti, nous nous acquitterions de nos fonctions d’électeurs avec une négligence que l’on prévoit déjà pour l’avenir.

2237. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

L’un d’eux nous disait : « Il a voulu glorifier la femme, et quand on aura lu son livre, on sera quinze jours sans pouvoir en regarder une.

2238. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

Vigny, ce grand coupable aux yeux qui l’aiment, ne devait plus jamais retrouver que quelques flocons tombés des ailes de l’Ange qui s’en était allé pendant que son poète regardait la terre, et vous le verrez tout à l’heure.

2239. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

La chose, cependant, n’est point certaine, et lorsqu’on regarde autour de soi, un signe fâcheux donne à penser.

2240. (1900) La culture des idées

La plupart des vérités qui courent le monde (les vérités sont très coureuses) peuvent être regardées comme des lieux communs, c’est-à-dire des associations d’idées communes à un grand nombre d’hommes et que presque aucun de ces hommes n’oserait briser de propos délibéré. […] Il y eut là, au seul point de vue intellectuel, un effort considérable d’abstraction qu’on ne peut s’empêcher d’admirer quand on regarde froidement fonctionner la machine cérébrale. […] Il ne s’agit pas qu’un poète dise l’impression que lui fait la vie : il faut qu’il regarde Racine et qu’il escalade la montagne. […] À une certaine hauteur au-dessus des psychologies moyennes on regarde comme des faits du même ordre le Pater Noster et l’Oraison à Sainte Apolline contre le mal de dents. […] que la chair est triste) et je n’en ai pas rencontré un seul qui m’apprît quelque chose de nouveau, quelque chose qu’ignorerait un homme qui a vécu et qui a regardé la vie des autres hommes.

2241. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

Elle m’a dit des vers d’une énergie remarquable comme un bouquet à Iris ; c’est gracieux à regarder ; mais il me semble que, pour aimer, il faut peut-être ce visage, mais sûrement un autre esprit. — Je range donc cette passion de vous avec celle de Mlle Hulot. […] Nature saine et droite, s’il regardait avec tant de complaisance tout ce qui avait quinze ans et la fille même de Mme de Krüdner, une douce beauté, sans doute c’est qu’il pensait déjà à des affections régulières et justes, au mariage qui devait bientôt, près d’une autre personne, le fixer et l’enchaîner125. […] — Certes je n’ai pas besoin de vous dire que cela ne vous regarde pas.

2242. (1927) André Gide pp. 8-126

Il s’arrête au bord du fleuve du temps, regarde les apparences qui s’y réflètent, qui passent et fuient, et recommencent toujours, comme si elles s’efforçaient vers une perfection première et malheureusement perdue. […] Le malheureux pasteur qui regardait l’état de joie comme obligatoire pour un chrétien, en est bientôt rudement précipité dans l’affreuse détresse. […] Regardera-t-on cela comme le témoignage d’une âme tendre et comme un joli raffinement sentimental ?

2243. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Et voilà ce que des hommes d’esprit ont regardé comme définitif ; voilà ce qu’ils ont paré du langage mystique du constitutionalisme ! […] et regardez-vous comme le dernier terme des lumières et de la raison de réduire trente-deux millions d’hommes à une existence purement phénoménale ? […] Toute cette fermentation de la mort pour engendrer la vie, toute cette agitation inquiète et sombre, hagarde et comme insensée, qui a lieu à ces époques, principalement dans la sphère des idées politiques et dans l’art, peut tromper celui qui n’y regarde pas de près ; il peut prendre les phénomènes qui se passent sous ses yeux pour de la vie, son époque pour une époque semblable aux périodes antérieures.

2244. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

« Chacun regarde devant soi, moi je regarde dedans moi, je n’ai affaire qu’à moi, je me considère, je me contrôle, je me goûte, … Les autres vont toujours ailleurs… Nemo in se tentat descendere ; moi, je me roule en moi-même. » Et par la comparaison que je fais des autres et de moi, pourrait-il ajouter, je ne me connais pas seulement moi-même, je connais aussi les autres, je me fais quelque image de cette générale et commune humanité dont je suis avec eux ou dont ils sont comme moi. […] Par des chemins différents, tous ces écrits, d’origine et de caractères si divers, tendent ensemble à deux ou trois fins : dont la première est de rendre à la morale éternelle quelque chose au moins de son ancien empire ; la deuxième, de soustraire l’esprit français à des influences étrangères que l’on regarde alors bien moins comme des entraves à sa liberté que comme les causes de sa corruption ; et la troisième enfin, d’imposer à l’individu, dans l’intérêt commun de la société, les qualités ou les vertus dont il ne se soucierait pas pour lui-même.

2245. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

Nous regardions. […] Derrière son comptoir où les brocs de vin épandaient un arôme âcre et lourd  les manches retroussées, le « patron » me regardait, interrogateur. […] Frappant de sa canne, le genou malade, il marchait péniblement, et tout à coup il s’arrêta, me regarda : — Ça vous épate ? […] J’emprunte cet échantillon au maître des maîtres, à celui qui regarde de haut Joséphin lui-même. […] Quand on regarde de près, c’est là son critérium. 

2246. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Je ris pendant des heures de cette complication d’extravagances, et quand je me regarde dans le miroir, je me dis, non pas : « Ah ! […] On est si occupé à me regarder, qu’on ne se donne pas la peine de me répondre. […] Benjamin Constant survint, il me regardait écrire, prenait intérêt à mes feuilles, corrigeait quelquefois la ponctuation, se moquait de quelques vers alexandrins qui se glissaient parfois dans ma prose. […] Désormais toutes les pages où vous vous livrerez à cette défiance et à cette modestie d’acquit, je les regarderai comme blanches, et je me dirai : Mme de Charrière m’aime encore assez pour me faire savoir qu’elle ne m’a pas oublié entièrement, et pour cela elle a proprement plié une feuille de papier blanc et l’a cachetée du petit Persée ; je lui en suis bien obligé, mais je suis bien fâché qu’elle n’ait rien eu à m’écrire, et que du papier blanc soit la marque de souvenir qu’elle ait cru devoir m’envoyer.

2247. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Complexe chair offerte à la virilité, Femme, amphore profonde et douce où dort la joie,  Toi que l’amour renverse et meurtrit, blanche proie,  Œuf douloureux où gît notre pérennité, Femme qui perds la vie au soir où ta jeunesse Trépasse, et qui survis, pour des jours superflus,  Te débattant, passé qu’on ne regarde plus,  Dans le noir du Destin où ton être se blesse, Humanité sans force, endurante moitié Du monde, ô camarade éternelle, ô moi-même,  Femme, Femme, qui donc te dira que je t’aime D’un cœur si gros d’amour, et si lourd de pitié ! […] Je note, comme tout à fait expressive à cet égard, dans la série des Femmes, cette pièce intitulée : Esclaves, qui serait un chef-d’œuvre si toutes les touches n’en rappelaient un trop illustre modèle : Avec nos regards nus sur la réalité, Que ne transfigura l’arc-en-ciel d’aucun prisme, Nous regardons marcher votre morne héroïsme, Grelottant en hiver et suant en été, Vous, compagnes de ceux que mange la fabrique, Vous, épouses qu’on bat, et vous, maigres catins, Sans fards dont rehausser vos pauvres sens éteints, Qu’assaille le désir brutal comme une trique… Enceintes de misère, enceintes de laideur, Vos flancs couvent l’horreur des races accroupies, Qui vivront comme vous, loin de nos utopies, L’esclavage éternel et muet du malheur. […] Ce mot dont on use, dont on abuse à notre époque : « Un tel est arrivé », n’a pas de sens à y regarder de près, puisqu’il implique négation du mouvement, et que par définition la vie est un perpétuel mouvement, une lutte ininterrompue. […] elle pleure et se regarde pleurer : c’est l’actrice qui va jouer son rôle et prépare ses effets.

2248. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Tous les hommes compétents s’accordent à regarder comme médiocres l’érudition et la sagacité de l’auteur ; ils ne lui attribuent pas une connaissance bien profonde de l’antiquité grecque et latine, des Pères de l’Église, des littératures de l’Europe moderne, ni surtout un amour bien courageux pour l’analyse poussée à ses dernières limites ; mais ils ne peuvent contester la valeur pittoresque de son langage ; ils ne peuvent lire sans admiration Atala et René. […] Si M. de Chateaubriand, au lieu de jouer à l’Académie des inscriptions, se fût sérieusement occupé à regarder le pays qu’il avait sous les yeux, les Martyrs vivraient et l’Itinéraire serait un voyage. […] Il voit, il regarde et il montre les deux faces de la vie, l’égoïsme et l’exaltation, l’abnégation et l’amour de soi, la prudence et l’entraînement, l’aveuglement et la clairvoyance. […] Dans cette involontaire initiation, chacun donne et reçoit dans la même mesure ; celui qui se montre et celui qui regarde, celui qui interroge et celui qui répond, s’enrichissent dans une proportion égale, et n’ont rien à regretter dans leur générosité. […] Ils prennent le seul parti sage : ils se taisent et regardent.

2249. (1903) Le problème de l’avenir latin

Le monde regarde avec stupeur. […] C’est parce que je ne regarde pas uniquement les hautes œuvres de la civilisation, les sommets et les fleurs, mais l’ensemble, c’est à dire les membres, les muscles, les mains, la vigueur, les branches et le tronc de l’arbre social. […] Spectacle admirable à coup sûr : mais qu’on regarde aussi la masse, c’est à dire la presque totalité… C’est alors que l’écart apparaît formidable et que la misère intérieure se découvre. […] Vérité à l’appui de laquelle il n’est presque pas besoin d’autres témoignages que les traits caractéristiques relevés aux pages qui précèdent et qui, sous l’apparence d’un paradoxe, ne peut être qu’acceptée par celui qui regarde froidement et directement.‌ […] César nous dît que « le Gaulois n’osait pas regarder le Germain en face » ; à cette époque le Gaulois avait donc perdu déjà une part de ses qualités natives au contact du milieu ibère — comme plus tard le Franc au contact du milieu gallo-romain, — et aussi par suite du climat, sur cette terre latine où les peuples ne semblent descendre tour à tour que pour ¡y perdre leurs vertus ethniques et s’abâtardir.

2250. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

regarde ! […] Ne les regarde pas ! […] Il regarde Tiburce d’un œil attendri, il s’aperçoit qu’en effet le garçon né paye pas de mine ; il le tâte : « Ces pauvres petits bras ! […] Regardez autour de vous : la réalité est pleine de surprises. […] Henri Fèvre de n’avoir pas toujours su rendre le vrai vraisemblable, du moins en ce qui regarde le rôle de Mme Lepape.

2251. (1876) Romanciers contemporains

Les agneaux, les tout petits, ceux qui sont nés dans le voyage et n’ont jamais vu la ferme, regardent autour d’eux avec étonnement. […] « Tête nue, il regarde la nuit noire. […] Assurément nul n’est moins classique que cet écrivain qu’irrite tout joug, qu’exaspèrent les traditions des grands siècles et qui s’est maintes fois vanté de regarder seulement devant lui et de ne jamais daigner jeter un regard en arrière. […] La vieille servante regardait un des cierges d’un air inquiet. […] Un moineau vint se poser au bord d’un trou ; il regarda, puis s’envola ; mais il reparut presque aussitôt, et, d’un vol silencieux, s’abattit entre les bancs, devant l’autel de la Vierge.

2252. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Au commencement de 1606, rassuré sur ce chapitre des biens, il fut fait et reçu duc de Sully, et c’est sous ce nom que la postérité s’est accoutumée à le regarder.

2253. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

Un des morceaux enfin dont on se souvient, et qu’on a souvent cité, est celui où Gibbon, venant de terminer à Lausanne dans son jardin les dernières lignes de sa grande Histoire, pose la plume, fait quelques tours dans son berceau d’acacias, se prend à regarder le ciel, la lune alors resplendissante, le beau lac où elle se réfléchit, et à dire un adieu mélancolique à l’ouvrage qui lui a été, durant tant d’années, un si bon et si agréable compagnon.

2254. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

Cette scène d’arrivée et de débarquement en vue de l’ennemi est vive chez Joinville, et pleine de couleur : Le jeudi après Pentecôte arriva le roi devant Damiette, et trouvâmes là toute l’armée du Soudan sur la rive de la mer, de très belles gens à regarder ; car le Soudan porte les armes (armoiries) d’or, sur lesquelles le soleil frappait, qui faisait les armes resplendir.

2255. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Ce fut le 10 décembre 1683, dans la maison professe des Jésuites, que Bourdaloue prononça cette première oraison funèbre : il y parlait de l’hérésie, contre laquelle on n’avait pas pris encore les dernières mesures violentes, avec modération et avec une charité réelle : À Dieu ne plaise que j’aie la pensée de faire ici aucun reproche à ceux que l’erreur ni le schisme ne m’empêchent point de regarder comme mes frères, et pour le salut desquels je voudrais, au sens de saint Paul, être moi-même anathème !

2256. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

Les décrets de l’Empereur par lesquels il lui conférait ces hautes missions sont conçus en des termes qui sont de beaux titres de noblesse : « Prenant entière confiance dans le zèle et la fidélité à notre service du sieur Daru, membre de notre Conseil d’État…, lui donnons plein et absolu pouvoir… ; promettant d’approuver tous les actes qu’il aura passés…, de regarder comme valides et irrévocables toutes les opérations qu’il aura terminées, etc. » (Décret d’Erfurt du 11 octobre 1808, et aussi celui de Dresde du 22 juillet 1807.)

2257. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

regarde de quel côté tu penches vivant. » La morale prochaine et directe de cet article sur La Fare, c’est qu’il ne faut pas se faire exprès toute sa doctrine et la porter du côté où l’on penche ; il faut qu’elle nous soit un contrepoids en effet, non un poids de plus ajouté à celui de notre tempérament, de nos sens et de nos secrètes faiblesses, comme si nous avions peur de ne pas tomber assez tôt.

2258. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Après avoir relevé la fadeur et le vague des tons, quelques beaux vers perdus dans une foule de vers communs, la vie champêtre vue de trop loin, regardée de trop haut, sans étude et sans connaissance assez précise, il se demande comment M. de Saint-Lambert, qui passe une partie de sa vie à la campagne, n’a pas mieux vu, n’a pas mieux saisi et rendu tant de scènes réelles, de circonstances familières et frappantes : Pourquoi M. de Saint-Lambert n’a-t-il pas trouvé tout cela avant moi ?

2259. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

Regardons en haut : comment se fait-il que nous ignorions si aisément ce qu’on peut appeler la géographie des cieux ?

2260. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Les devanciers déjà vieux doivent ce premier témoignage d’estime aux hommes nouveaux qui comptent, de les regarder et de les bien connaître.

2261. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

On a beau dire et faire pour la rassurer, pour la calmer ; Mme de Choiseul a beau lui insinuer ses excellents préceptes de sagesse pratique : « En fait de bonheur, il ne faut pas chercher le pourquoi ni regarder au comment ; le meilleur et le plus sûr est de le prendre comme il vient.

2262. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Heureux qui regarde, du haut de la montagne, le lion bondir et rugir dans la plaine, sans qu’il vienne à passer un voyageur ou une gazelle !

2263. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

Que ceux qui négligent le soin de leur salut me le disent : n’est-ce pas là un exemple suffisant pour que chacun regarde comme il vit, et comment il doit mourir ? 

2264. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire. »

Je me suis regardé, en imitant ce caractère, comme un peintre religieux qui travaille à un tableau d’autel.

2265. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

Pour moi, j’avoue que mes prévisions, quand je regarde de ce côté de l’avenir, sont bien souvent tristes et sombres.

2266. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

Mais personne, je le répète, ne rendit en ce temps un plus réel et plus signalé service à la langue que ce grammairien médiocrement philosophe, excellemment pratique, sage, avisé, poli, scrupuleux, dont on plaisante quelquefois, mais qu’on estime dès qu’on y regarde d’un peu près.

2267. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

Le duc de Savoie, après avoir regardé autour de lui en Europe et ne voyant aucun moyen présent et actuel de résister à l’injonction, prend le parti de céder et d’obéir.

2268. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Mais on n’y regarde plus de si près, chacun prêche ouvertement pour son saint, pour sa qualité ou son défaut, pour son tempérament.

2269. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Sa Majesté regarderait comme un des succès les plus heureux de l’expédition qu’elle pût être terminée sans qu’il en eût coûté la vie à un seul homme. » C’est touchant, c’est honorable dans son principe ; mais, faut-il le dire ?

2270. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite et fin.) »

La Noblesse crut dans le premier instant à un triomphe ; les gentilshommes, en quittant la séance, allèrent chez la reine qui leur présenta son dernier fils, le nouveau Dauphin, et leur dit : « Je le confie à la Noblesse ; je lui apprendrai à la chérir, à la regarder toujours comme le plus ferme appui du trône. » Cependant, après que le roi était sorti, suivi de la Noblesse et d’une partie du Clergé, la séance continuait ; Mirabeau lançait à M. de Dreux-Brézé le mot mémorable ; l’Assemblée s’enhardissait, s’investissait du pouvoir et faisait acte de souveraineté.

2271. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat. »

Us se sont regardés comme des hommes perdus et déshonorés, s’ils paraissaient si promptement consentir à une entière dépouille de leur maître.

2272. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

mais la jeunesse sait nous enflammer, et nous aimons mieux regarder le poëme comme un tout, le sentir comme un tout avec délices. » Il disait encore, mais cette fois en prose et en cherchant à se rendre compte à lui-même de cette réaction involontaire, de ce va-et-vient dans ses impressions : « Parmi les livres qui m’occupèrent (1820), je citerai les Prolégomènes de Wolf.

2273. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Chassé incontinent du séminaire, moins pour avoir regardé la jambe de Jeanneton que pour avoir touché, dans sa prison, aux confitures du chanoine, le pauvre Jasmin accourt au logis ce même jour de mardi gras.

2274. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

Il avait gravé au fond du cœur l’antique programme d’Horace : « Quem tu, Melpomene, semel… Celui, ô Melpomène, que tu as regardé d’un œil d’amour au berceau, celui-là, il ne sera ni lutteur aux jeux de Corinthe, ni vainqueur aux courses d’Élide, ni général triomphateur au Capitole ; mais il aimera les belles eaux de Tibur, et il trouvera la gloire par des vers nés à l’ombre des bois. » Et dans le cas présent d’ailleurs, il y avait mieux, il y avait de quoi tenter et retenir toute l’ambition d’une âme de poëte.

2275. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

On le regardait comme bientôt capable, malgré sa tendre jeunesse, d’enseigner lui-même dans l’école et de succéder un jour à Phémius.

2276. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Si l’on regarde les exemples contradictoires que j’ai rassemblés, on verra peut-être surgir quelques indications.

2277. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Il en faudrait dire autant, pour le xve  siècle, du Livre des quinze joyes du mariage, et en général des œuvres de nos conteurs satiriques où ils ont bien voulu regarder, au lieu de l’anecdote et des individus, les figures en quelque sorte schématiques des divers états de la vie et des divers tempéraments de l’homme.

2278. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

Ils ne savent que regarder les Grecs, Sénèque, les Italiens et les modernes latins qui reflètent Sénèque : depuis qu’un déplorable contresens de l’humanisme italien a donné à Sénèque les honneurs de la représentation, ce tragique de salon a tyrannisé la scène ; les Grecs, moins prochains, moins accessibles, n’ont été vus qu’à travers son œuvre.

2279. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XI. L’antinomie sociologique » pp. 223-252

Ce mélange peut paraître difficilement intelligible à qui regarde les choses du point de vue de la pure logique intellectuelle, de la logique fondée sur le principe de contradiction.

2280. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

Juda avait sans doute bien d’autres principes, que Josèphe, toujours attentif à ne pas compromettre ses coreligionnaires, passe à dessein sous silence ; car on ne comprendrait pas que pour une idée aussi simple, l’historien juif lui donnât une place parmi les philosophes de sa nation et le regardât comme le fondateur d’une quatrième école, parallèle à celles des Pharisiens, des Sadducéens, des Esséniens.

2281. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Pensées, essais, maximes, et correspondance de M. Joubert. (2 vol.) » pp. 159-178

Royer-Collard, appartient à la seconde classe de ces esprits, à ceux qui regardent en haut et produisent surtout en dedans ?

2282. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Je laisse à cette grande renommée d’Érasme la gloire de la science et de l’esprit, mais je ne cesserai jamais de revendiquer sous ce nom le droit du bon sens fin et mitigé, de la raison qui regarde, qui observe, qui choisit, qui ne veut point paraître croire plus qu’elle ne croit ; en un mot, je ne cesserai jamais, en face des philosophies altières et devant la foi même armée du talent, de stipuler le droit, je ne dis pas des tièdes, mais des neutres.

2283. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

Joubert a très bien dit de lui et de son style qui affecte le nombre oratoire : « Le style de Dussault est un agréable ramage, où l’on ne peut démêler aucun air déterminé. » Des quatre critiques mentionnés ici, et sous son extérieur orné, Dussault, quand on y regarde, paraît le plus faible.

2284. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

Je viens de regarder d’assez près à cette relation de Walpole et de Mme Du Deffand, et je trouve qu’en général on n’est pas juste envers tous deux.

2285. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

Elle insiste fort sur la direction positive qu’il faut se tracer et suivre, sans regret, sans repentir, sans plus regarder en arrière une fois qu’on s’est dit d’aller ; il faut partir d’où l’on est et vouloir ce qu’on veut : « Décidons-nous, dit-elle en concluant, sur la route que nous voulons prendre pour passer notre vie, et tâchons de la semer de fleurs. » Tâchons, en effet ; mais cet effort se marque trop, et ce propos si déterminé de semer des fleurs est tout fait pour les empêcher d’éclore.

2286. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Il les voyait, il causait avec eux, il vous les citait à tout propos comme des personnages de son intimité et de la vôtre ; il les avait si puissamment et si distinctement créés en chair et en os, qu’une fois posés et mis en action, eux et lui ne s’étaient plus quittés : tous ces personnages l’entouraient, et, aux moments d’enthousiasme, se mettaient à faire cercle autour de lui et à l’entraîner dans cette immense ronde de la comédie humaine qui nous donne un peu le vertige, rien qu’à la regarder en passant, qui le donnait à son auteur tout le premier.

2287. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Florian. (Fables illustrées.) » pp. 229-248

Voltaire se montra si aimable pour lui, qu’il fut bientôt, de toutes les personnes de la maison, celle avec qui Florianet se plaisait le plus : Souvent il me faisait placer auprès de lui à table ; et, tandis que beaucoup de personnages qui se croyaient importants, et qui venaient souper chez Lope de Vega pour soutenir cette importance, le regardaient et l’écoutaient, Lope (c’est le nom qu’il donne partout à Voltaire dans le léger déguisement de ses Mémoires) se plaisait à causer avec un enfant.

2288. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

À peine investi par la confiance de Henri III de la charge d’avocat général du roi en la Cour des comptes, il en usa pour s’opposer à certain enregistrement d’édit qu’il croyait inique ; et, comme il arriva qu’une grande princesse qu’il vit peu après lui fit part du mécontentement du roi, si bien disposé pour lui auparavant, Pasquier répondit, en se ressouvenant de son ancienne courtoisie galante et de sa poésie de jeunesse pour corriger la sévérité de son procédé, que ce n’étaient là que brouilleries et querelles d’amant et maîtresse ; que « l’issue de ceci serait telle que d’un amoureux, lequel, ayant été éconduit par sa dame, s’en va infiniment mal content, mais qui, revenant peu après à soi, l’aime, respecte et honore davantage » ; et qu’ainsi le roi l’en regarderait bientôt de meilleur œil que devant. — C’est dans ce haut esprit de dévouement que Pasquier ne craignit pas de s’opposer à Henri IV lui-même pour l’enregistrement d’un édit qui allait à démembrer la Cour des comptes, et cela pendant le séjour du Parlement à Tours, c’est-à-dire pendant que les magistrats loyaux partageaient les fortunes diverses du Béarnais et son exil de Paris.

2289. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

Rulhière, de retour de ses voyages dans le Nord, vivait donc à Paris sur le meilleur pied, très goûté pour des opuscules qu’on regardait comme une faveur de pouvoir entendre, pour de jolis vers tels que L’À-propos, Le Don du contre-temps, qu’il récitait avec des applaudissements sûrs, pour des épigrammes très mordantes qu’il laissait courir et qu’il n’avouait pas, mais dont il avait tout l’honneur.

2290. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Je suis persuadé, continuai-je, que les jardins des rois ne sont si grands et si spacieux, qu’afin que tous leurs enfants puissent s’y promener. » Il sourit à ce discours, et dans ce même temps la plupart des jardiniers des Tuileries s’étant présentés devant lui, il leur demanda si le peuple ne faisait pas bien du dégât dans leur jardin : « Point du tout, monseigneur, répondirent-ils presque tous en même temps, ils se contentent de s’y promener et de regarder. » — « Ces messieurs, repris-je, y trouvent même leur compte, car l’herbe ne croît pas si aisément dans les allées. » M. 

2291. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Ils devraient, ce me semble, laisser leurs disputes jusqu’à ce que la paix générale fût faite, et ensuite recommencer leurs guerres civiles, s’arracher leurs bonnets de la tête, s’ils en avaient envie ; mais présentement nous avons des choses plus sérieuses ; et, pour moi, j’ai si fort regardé ces deux partis avec indifférence, que je n’ai pas voulu presque en entendre parler, et je cherche toujours mes confesseurs exempts de haine ou d’amitié pour eux.

2292. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

On le trouve très remarquable cependant, à y regarder de près, dès cette première partie un peu contrainte de sa rédaction au National et avant les événements de Juillet, depuis l’article sur la mort de Rabbe, qui est dans le premier numéro (3 janvier 1830), jusqu’à celui sur Vandamme, qui est du 23 juillet.

2293. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

Dès ce temps-là, il fallait regarder de bien près à la manière dont on s’y prenait avec Courier, de peur de le fâcher, même en le louant.

2294. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

Depuis vingt-cinq ans, le point de vue en ce qui regarde Boileau a fort changé.

2295. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Mais, après avoir ainsi conclu en un trait qui rappelle Shakespeare et qu’aurait envié Schiller, il prolonge sa pensée, et il l’aurait gâtée si elle pouvait l’être : « On connut bientôt après, ajoute-t-il, qu’un mort ne mord point, et que l’affection des hommes ne regarde point ce qui n’est plus. » Ainsi donc, il faut en prendre son parti avec Richelieu et s’attendre à du mauvais goût, à des longueurs, à des métaphores souvent heureuses et grandes, souvent aussi hasardées et désagréables.

2296. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

Et Daudet de s’écrier : « Moi, ça été huit jours une plénitude de la vie, pendant laquelle j’aurais embrassé les arbres… Puis, une nuit, sans avertissement, sans douleur, je me suis senti quelque chose de fade et de gluant dans la bouche — et il fait le geste d’en retirer une limace — et après ce caillot, trois fois des flots de sang qui ont rempli mon lit… Oui, c’était une déchirure du poumon… et depuis ce temps je ne puis cracher dans mon mouchoir, sans regarder s’il n’y a pas de ce sacré sang ! 

2297. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

Je tombai sur ces vers puissants et sereins4 : — « La religion n’est pas de se tourner sans cesse vers la pierre voilée, ni de s’approcher de tous les autels, ni de se jeter à terre prosterné, ni de lever les mains devant les demeures des dieux, ni d’arroser les temples de beaucoup de sang des bêtes, ni d’accumuler les vœux sur les vœux, mais de tout regarder avec une âme tranquille. » — Je m’arrêtai pensif, puis je me remis à lire.

2298. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

Je suis persuadé et sûr, quant à ce qui me regarde, que l’influence de la musique nous amena à la perception d’une forme poétique, à la fois plus fluide et précise, et que les sensations musicales de la jeunesse, (non seulement Wagner, mais Beethoven et Schumann) influèrent sur ma conception du vers lorsque je fus capable d’articuler une chanson personnelle.

2299. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Elle croira que les bourgeois de la seconde moitié du siècle étaient des vases de pureté, comme nous croyons que Pyrrhus y regardait à deux fois avant de faire subir à ses captives, fût-ce à Andromaque, le sort réservé autrefois aux belles femmes des héros morts.

2300. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre V. Séductions pour la compréhension de la psychologie indigène. — Conclusion »

Chez eux ils regardent comme les plus beaux et les plus belles ceux dont les traits du visage et la couleur de la peau se rapprochent le plus de la race blanche ».

2301. (1892) L’anarchie littéraire pp. 5-32

Parfois il regarde passer les femmes, les petites femmes aux formes voluptueuses : trop soucieux de son hygiène pour négliger la culture du sixième sens, il estime qu’en l’état actuel de notre civilisation, l’amour est une des plus utiles fonctions de l’organisme… ………………………………………………………………………………………………………… « Dans ses heures de loisir il rime ces vers d’une harmonie si moderne qu’il a recueillis en deux recueils intitulés Le Signe et Les Chairs profanes.

2302. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

Livrée aux préjugés orgueilleux de l’esprit moderne, mais sans conviction réfléchie et profonde, elle a, entre le Catholicisme et le Protestantisme de ce temps dont elle écrit l’histoire, — entre Philippe II et Guillaume d’Orange — l’impartialité de l’indifférence ; car elle regarde les choses religieuses au point de vue de cette Libre-Pensée qui dit, comme les Médecins de Molière, que « tout est changé » quand il n’y a rien de changé !

2303. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

On ne regarde pas trente ans impunément sous des mots pour voir ce qu’ils cachent, fût-on l’esprit le plus robuste, le plus capable d’entrer dans le courant de la grande observation humaine et de produire des livres vivants.

2304. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Le soleil est sain à ceux qui peuvent le regarder, et les vrais aigles n’ont pas de ces taies sur les yeux !

2305. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Baudelaire  »

Il y a le poète très railleur et presque mystificateur connu sous le nom de Charles Baudelaire, lequel regarde par-dessus le livre l’effet dudit livre sur le bon public.

2306. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Wordsworth qui, moins local que Brizeux, a peint comme lui des paysans, des colporteurs, des charretiers, des mendiants, des fileuses, des femmes qui vont au lavoir, tous ces êtres de réalité naturelle, pittoresque et charmante, plus près que nous de la poésie des choses, Wordsworth a des manières de les regarder très-nouvelles, et nous nous permettrons de dire : très-inventées, car on invente pour arriver au vrai.

2307. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

Les Couche-tout-nuds d’Eugène Sue et de tant d’autres romanciers de cette époque, où le talent, quand on en a, regarde plus en bas qu’en haut, sont des types usés à force de s’en servir, et il faut toute la flamme d’expression de M. 

2308. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

A ne regarder que le don seulement, comme un homme qui s’obstine à n’appartenir à aucun parti, je ne puis pas dire que je ne sois point relativement satisfait. […] Qu’un professeur enseigne Kant ou enseigne Spencer, cela vous sera à peu près indifférent ; qu’un professeur enseigne Danton ou enseigne Robespierre, vous n’y regarderez pas de très près. […] Ceci regarde surtout le gouvernement et aussi les parlementaires en tant que contrôlant, surveillant et inspirant le travail administratif du gouvernement. […] Tant que le peuple regardera avec colère du côté du monastère et du côté de l’église, il ne regardera pas trop du côté de nos propriétés ou du côté du grand livre. […] Ils ne votent pas. » Un député ou un aspirant député ne regarde jamais que dans sa circonscription.

2309. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Alors enfin il comprend les raisons du cauchemar : il regarde en soi-même, se reconnaît la seule Cause. […] Et voici revenus les raisonnements habituels : le rêveur regarde, réfléchit ; son émotion a disparu. […] Cette vanité, désormais, lui donnera une incessante préoccupation ; à travers elle, il fera son métier d’Hamlet, qui est à se regarder vivre. […] Alors le jeune pâtre regarda de nouveau dans les yeux la princesse Marysia ; et puis il lui ordonna de dire, en latin, le nom et les caractères de la maladie dont souffrait son auguste père. […] Mais ce n’est jamais sans dommage qu’un jeune berger regarde longtemps dans les yeux une douce princesse plus belle que les mûres.

2310. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

En deux bonds, je fus près de l’homme… je l’appelai ; il ne bougea pas… Ma balle lui avait traversé le cou, au-dessous de l’oreille, et le sang coulait d’une veine rompue avec un bruit de glou-glou, s’étalait en marge rouge, poissait déjà à sa barbe… Je lui tâtai la poitrine à la place du cœur : le cœur ne battait plus… Alors, je le soulevai davantage, maintenant sa tête sur mes genoux, et, tout à coup, je vis ses deux yeux, ses deux yeux clairs, qui me regardaient tristement, sans une larme, sans un reproche, ses deux yeux qui semblaient vivants ! […] Les « dames de la société » regardaient ailleurs, pour ne la point saluer, quand elle passait. […] Mais, et sauf dans Le Père, où il est vraiment supérieur à lui-même, on n’y sent point autre chose que l’acuité d’un œil qui détaille et inventorie, et qui proprement regarde sans être affecté. […] Regardez avec attention : dans le roman, dans la poésie, au théâtre, partout le spectacle se ressemble. […] Le boute-selle sonnait sur toutes les lèvres dans les écuries ; et ainsi qu’elles l’eussent fait si leurs maris s’en étaient allés à une guerre véritable, les femmes silencieusement regardaient ces préparatifs avec des yeux douloureux, car probablement le gars se défendrait.

2311. (1899) Arabesques pp. 1-223

Plusieurs ont regardé autour d’eux, et ils donnent le résultat de leurs premières expériences. […] Appuyé contre le bouleau dont le feuillage palpitait doucement autour de moi, je regardais les genêts onduler au vent du soir et j’écoutais chanter les oiseaux. […] Voir : porter ses yeux comme des miroirs Où la féerie du monde se déroule ; Assister aux matins, aux midis, aux soirs, À la pompe des nuits, à la fête des jours ; Regarder un rayon, un insecte, une source, Une ombre, un nuage ; tout voir. […] Victor Margueritte, officier démissionnaire, tant mieux pour lui et pour nous, célèbre l’océan splendide, et les cieux embrasés qui s’y mirent : Hume le vent salé qui te fouette d’écume Et regarde : sous l’or éclatant des pressoirs, Un vin tiède ruisselle à l’occident qui fume, Et, sanglante, la mer moutonne dans la brume, La mer où le soleil se couche tous les soirs ! […] Mais Épictète comme Marc-Aurèle ne voulaient pas vivre ; ils se regardaient mourir.

2312. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Ne regardons pas trop la blonde suppléante ; elle est vraiment par trop gentille et que bonne pour nous ! […] Des vues de Seine et dans la Seine ses aspects verts et roses et noirs d’eau, des barres rouges de soleil et des ombres tendres et opaques d’îlots et de berges, des fluctuations frissonnantes ou ce que l’Anglais dénomme sweeping et ce que je traduirais mal, par traînantes… Son nouveau volume s’ouvre par une peinture du Rhin à Bâle que je sens admirablement ressemblante moi qui n’ai vu le fleuve, là, sanglant, qu’au pont de Kehl : « Sans qu’on se lasse de regarder ce qu’on ne saurait fixer, le Rhin glisse dans une reposante lueur ses ondes qui se délissent et chuchotent, ses tourbillons, ses moires… » Et la magistrale description qui commence par ceci : « Le Rhin, à Bâle, passe tel qu’un torrent de silence et un souffle, son eau figure une chrysolhite glaceuse. […] C’est moi qui fume cette cigarette… et qui regarde les danseuses tourner, et pourtant c’est moi-même que je vois à travers la fumée de la cigarette. […] Socrate aimait à s’entourer de figures idéales et se plaisait à les regarder. […] Mais ça ne vous regarde pas. — L’intérêt de ceci est de vous faire savoir que Verlaine a réalisé toutes les promesses contenues au cours de ce petit travail : Amour et Bonheur, ainsi que Parallèlement ont paru, plus un quatrième volume de vers catholiques, Liturgies intimes, et quatre petits livres « galants » : Chansons pour Elle, Odes en son honneur, Élégies, Dans les Limbes, puis Dédicaces, livre amical.

2313. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Il le regardait, à ses mardis, s’arrêter sous ses regards en un bassin curieux, lui révéler sa profondeur, le sens de son courant. […] Il regardait comme l’honneur suprême du poète de réaliser exactement ce qu’il avait voulu. […] Il envisage la littérature ordinaire, la syntaxe de tous, la somme de clichés dont nous vivons, comme il regarde la femme naturelle, sorte de vin commun par-delà lequel son imagination évoque la liqueur d’or, l’essence précieuse ; et le langage courant emploie à son sujet l’image la plus exacte lorsqu’il parle de poésie alambiquée. […] Au fait pourquoi ne pas la regarder aussi de ce point de vue ? […] Et Gautier, sur Baudelaire, écrivait dans sa préface des Fleurs du Mal ces lignes qui, de façon exacte, pourraient s’appliquer à Mallarmé : « Son esprit n’était ni en mots, ni en traits, mais il voyait les choses d’un point de vue particulier qui en changeait les lignés comme celles des objets que l’on regarde à vol d’oiseau ou en plafond, et il saisissait des rapports inappréciables pour d’autres, et dont la bizarrerie logique vous frappait ».

2314. (1911) Études pp. 9-261

Mais elles regardent ensemble vers moi. […] Matisse peint à part des choses ; non pas sans les regarder, mais en se retirant d’elles à quelques pas. […] Le chrétien se voit seul en présence de Dieu : Et il regarde face-à-face avec tranquillité, dans la force et dans la plénitude de son cœur205.   Vous êtes ici avec moi, et je m’en vais faire à loisir pour vous seul un beau cantique, comme un pasteur sur le Carmel qui regarde un petit nuage206. […] Ou bien nous dirons : la trace que laisse ce livre dans notre souvenir ressemble au dernier geste d’Alissa : Un instant elle me regarda, tout à la fois me retenant et m’écartant d’elle, les bras tendus et les mains sur mes épaules, les yeux emplis d’un indicible amour337.

2315. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

La France ne se levait pas à sa voix : elle le regardait comme on regarde un gladiateur bien lutter et bien mourir ; mais elle avait séparé sa fortune de la sienne.

2316. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

Je me regarderais maintenant comme trop heureux si je pouvais seulement, sans crainte du poison, étancher à satiété la soif qui me consume, et, comme l’homme de la condition la plus vulgaire, passer mes jours en paix, mais libre, dans quelque pauvre chaumière de paysan ! […] « Pleins de colère, la honte sur le front, épuisés de lassitude, ils reviennent à leur poste : tels, après une chasse longue et pénible, des chiens qui ont perdu dans les bois la trace de la bête qu’ils poursuivaient, reviennent haletants, l’œil morne et la tête baissée : cependant la princesse fuit toujours ; craintive, éperdue, elle n’ose regarder en arrière si on la suit encore.

2317. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVe entretien. Ossian fils de Fingal »

Campbell, auteur d’un ouvrage savant et classique, regarde comme hors de doute que les poëmes attribués à Ossian existaient, et étaient généralement connus dans la haute Écosse avant que Macpherson essayât pour la première fois de les traduire ; qu’ils n’étaient de son invention ni dans leur entier ni dans leurs parties principales ; qu’ils n’étaient nullement le produit d’une fraude littéraire, mais que le traducteur, aidé de quelques coopérateurs, les avait recueillis et arrangés dans une forme systématique, et les avait ainsi traduits et offerts au public. […] » IV Il existe en Écosse une Académie ou Société, sous le titre de Highland Society, dont les travaux ont pour objet tout ce qui regarde les antiquités, l’histoire et la littérature écossaises.

2318. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Enfin mes compliments à Antoine, et mes plaintes sur ce que je ne l’ai pas trouvé assez applaudi au troisième acte, sont reçus par un : « Ça ne nous regarde pas, nous faisons notre petite affaire, voilà tout !  […] Le gardien regardait en l’air : « Oh !

2319. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Avec Carnot, ce curieux mélange de puritanisme et de bucolique ; avec Pichegru, ce héros qui déshonore son casque en le tendant à l’argent de la trahison ; avec La Révellière-Lépeaux, ce Quasimodo de la cathédrale sans cloches de la théophilanthropie et dont Cassagnac nous a levé une empreinte si dédaigneusement burlesque ; avec madame de Staël, qui ne l’éblouit pas et qu’il sait regarder dans ses beaux yeux sans perdre la fermeté d’un homme qui juge une femme et sait la placer un peu au-dessous de sa gloire, Cassagnac nous a donné un Babeuf qu’on ne connaissait pas, et qu’il faudra désormais apprendre quand il s’agira d’en parler. […] Supérieur à force de bon sens dès qu’il regarde le fait, Granier de Cassagnac nous a tracé du règne de Louis-Philippe, non pas le récit (on dit qu’il doit le donner plus tard, année par année), mais un résumé qui peut très bien l’en dispenser.

2320. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

il le traduisit de manière à ce que son père lui-même, qui le regardait écrire par-dessus son épaule, bien souvent n’aurait pas fait mieux. […] Quand on regarde fixement pour le dissiper l’espèce de mirage qu’une langue étrangère jette sur une idée qui paraîtrait commune dans la langue qu’on a l’habitude de parler, on finit par voir ce qu’on ne voyait pas d’abord : c’est à quel point, en somme, les critiques de Shakespeare sont petits.

2321. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Qu’on regarde le dernier manuscrit de Madame Bovary : Flaubert l’avait mis au net, après des années de travail ; s’il l’avait publié tel quel, nous n’aurions rien à y redire, et pourtant il l’a couvert de ratures, et sa forme dernière nous semble la seule possible. […] III. — La tragédie, une forme du genre dramatique En parlant des conventions du théâtre, j’ai écrit (ci-dessus, p. 59) : « À y regarder de près, c’est bien la tragédie du xviie  siècle qui, malgré ses artifices, a cédé le moins aux habiletés, aux contingences matérielles ; et c’est pourquoi la vérité durable y resplendit aujourd’hui encore, simple et nue. » Je ne voudrais pas qu’on vit là un éloge absolu de la tragédie, aux dépens du drame tel que le conçoit notre goût moderne ; pourtant c’est dans un dessein précis que j’ai écrit ces mots ; il est utile de les développer ici.

2322. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Au milieu de ce qu’on regardait comme mon délire, je devins de quelque intérêt pour des gens aimant le bien ; j’en fus aimé et estimé.

2323. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Pendant son agonie, elle devint beaucoup plus belle qu’elle n’avait été dans le temps de sa meilleure santé ; mais c’était une beauté toute céleste qui inspirait de la dévotion, et nous la regardâmes mourir avec ravissement… La langue de Saint-Cyr forme une nuance à part dans celle du siècle de Louis XIV ; Mme de Caylus en est la fleur mondaine ; on sent qu’Esther y a passé, et Fénelon également.

2324. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Daru dont il était parent, il regardait à mille choses, à un opéra de Cimarosa ou de Mozart, à un tableau, à une statue, à toute production neuve et belle, au génie divers des nations ; et tout bas il réagissait contre la sienne, contre cette nation française dont il était bien fort en croyant la juger, contre le goût français qu’il prétendait raviver et régénérer, du moins en causant : c’était là être bien Français encore.

2325. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

Nous avons vu de nos jours de ces hommes d’esprit, témoins de tout, consultés sur tout, qui faisaient au besoin les mots spirituels des grands jours et des circonstances d’apparat ; qui écrivaient sous main les discours, les déclarations solennelles, et quelquefois rédigeaient des chartes : ces hommes-là ont trop vu, trop regardé la tapisserie par l’envers ; ils ne prennent les choses ni les personnages bien au sérieux, et ne s’y prennent pas trop eux-mêmes ; éclairés d’ailleurs, serviables, indulgents, d’un amour-propre aussi commode que d’autres l’ont ombrageux et cruel.

2326. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

Si l’on y regarde bien, il en est plus ou moins toujours ainsi : à chaque époque, quelles que soient les réputations régnantes et les vogues qui paraissent tout envahir, il y a toujours dans la diversité des esprits un nombre suffisant de contradicteurs, de critiques qui voient juste ; seulement, ils n’écrivent pas, on ne les imprime pas, ou quand ils écrivent, ils écrivent souvent mal, hors de portée et hors de saison, ils mêlent à leurs vérités des choses inutiles, ils sont à contretemps, comme l’est ici ce sieur de Girac qui s’en va dire la vérité sur Voiture, mais en latin, ou, quand il écrira ensuite en français, qui la dira dans un style chargé de latinismes et à la mode du xvie  siècle.

2327. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Mémoires ou journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guetté. Tomes iii et iv· » pp. 285-303

Ennuyé de perdre là mon temps à voir faire des grimaces, je profitai du moment qu’il regarda de mon côté, qui était celui de la porte : je m’avançai, lui mis le livre en main en lui faisant un court compliment ; à quoi, sans me dire un seul petit mot de M. de Meaux, il me répondit par cette dureté : « Vous m’avez bien pressé », o pour me reprocher mes paroles de ma précédente visite, où certainement je n’avais pas tort de lui avoir dit que les imprimeurs pressaient, parce que le livre était demandé et attendu avec impatience par le public… Je me retirai sans répliquer, bien résolu de ne paraître jamais, si je puis, à ce spectacle.

2328. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

Par cela seul que l’ancienne et première école des Chapelain, des Des Maretz, vécut son cours de nature et se prolongea dans ses choix, Boileau ne fut jamais complètement chez lui à l’Académie ; il ne fut jamais content d’elle ; il n’avait guère que des épigrammes quand il en parlait ; il était presque de l’avis de Mme de Maintenon, à qui l’on reprochait de ne pas la regarder « comme un corps sérieux43 ».

2329. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Le maniement des hommes, le tact, ne fut jamais sa qualité distinctive : Moi qui écris ceci, dit-il quelque part, j’ai pensé être détrôné en intendance, ou du moins j’ai été dégoûté de gouverner davantage par un hôtel de ville d’une grande ville où je voulais leur plus grand bien ; mais j’y allais, étant jeune alors, sans flegme ni expérience, avec brutalité et offense contre le torrent ; je respectais mal leurs usages ; je ne regardais pas leur bien patrimonial comme étant à eux ; je maltraitais le prévôt qui était l’homme du peuple, quoiqu’un coquin.

2330. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite et fin.) »

Murray, frère de lord Elibank : « Je n’eus, dit-il, des yeux et des oreilles que pour regarder Mme de Boufflers et l’écouter ; tout ce qu’elle me disait me paraissait tourné différemment de ce que disaient les autres : je n’ai vu qu’elle qui ne perdît rien de son naturel, en ayant toujours de l’esprit. » Elle projetait d’aller à Londres aussitôt la paix faite, et elle mit ce projet à exécution.

2331. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

Plus on regarde dans la vie de cet archevêque, et plus on y découvre de maîtresses ; c’est le cas de tous les libertins.

2332. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

Catinat écrivait au roi au mois d’octobre 1694, en insistant sur la nécessité d’assurer ses communications : « Il ne faut plus regarder les Barbets comme les simples Vaudois retirés dans les montagnes : c’est un grand nombre de sujets de Sa Majesté, des vagabonds de toute nation, des déserteurs de ses troupes, qui n’ont ni feu ni lieu, ni établissement, bien armés, bien vêtus, qui pendant douze lieues peuvent entreprendre sur vos convois, sur vos entrepôts. » Il écrivait encore au roi le 25 mars 1695 : « On peut détruire les habitations des Barbets, on ne réduira jamais les Barbets ».

2333. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

Sur ce point seul ne suivez ni l’exemple ni les conseils de la famille ; c’est à vous à donner le ton à Versailles ; vous avez parfaitement réussi ; Dieu vous a comblée de tant de grâces, de tant de douceur et de docilité, que tout le monde doit vous aimer : c’est, un don de Dieu, il faut le conserver, ne point vous en glorifier, mais le conserver soigneusement pour votre propre bonheur, et pour celui de tous ceux qui vous appartiennent. (1er novembre 1770.) » Une des recommandations continuelles de Marie-Thérèse à sa fille et qui reviennent sans cesse et jusqu’à satiété, c’est, après celles qui regardent la santé et la vocation à être mère, de se garder des coteries, des apartés, des sociétés privées où le sans-façon domine, de ne jamais oublier qu’on est un personnage en vue, exposé sur un théâtre, ayant un rôle à remplir ; de ne se relâcher en rien, de se surveiller soi-même en tout, dans les petites choses comme dans les grandes ; de mépriser le qu’en dira-t-on, mais aussi de ne point prêter à de justes reproches.

2334. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

Necker, « il ne disait rien et regardait le plafond, suivant son habitude » ; et l’on a cru remarquer en effet que d’ordinaire l’horizontalité de son front était en raison directe de l’incertitude de son esprit90.

2335. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

Quant aux passions naturelles à la jeunesse, il se les interdit de bonne heure et les supprima ; si l’on essaie de regarder de ce côté, on entrevoit qu’il en a senti seulement la violence et l’âpreté, non la tendresse.

2336. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

Jay estime, que les anciens rédacteurs du Constitutionnel et du Mercure ont connu ; que plusieurs littérateurs de cinquante ans regardent comme aussi ingénieux que modeste ; dont les femmes ont lu le livre de l’Amour, un peu sur la foi du titre, et que les jeunes gens de notre âge se rappellent peut-être avoir vu figurer dans quelque réquisitoire sous la Restauration ; — M. de Sénancour a eu, à tous égards, une de ces destinées fatigantes, malencontreuses, entravées, qui, pour être venues ingratement et s’être heurtées en chemin, se tiennent pourtant debout à force de vertu, et se construisent à elles-mêmes leur inflexible harmonie, leur convenance majestueuse.

2337. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

L’idée de l’ancienne élégie de l’Indiscret est reprise dans Réveil, et le premier mouvement a toute la secousse d’un effroi ressenti : C’est qu’ils parlaient de toi, quand, loin du cercle assise, Mon livre trop pesant tomba sur mes genoux ; C’est qu’ils me regardaient, quand mon âme indécise Osa braver ton nom qui passait entre nous.

2338. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

Jean-Jacques, M. de Chateaubriand, Benjamin Constant et Mme de Staël, essayant de s’exprimer en vers, m’ont toujours fait l’effet de Minerve, qui, voulant jouer de la flûte au bord d’une fontaine, s’y regarde et se voit si laide, qu’elle jette de dépit la flûte au fond des eaux.

2339. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

En guise d’Esther et d’Athalie, il couva le Parrain magnifique et le Gazetin, deux pauvretés qu’il regardait comme ses chefs-d’œuvre, et qui sont à Vert-Vert ce que Campistron est à Racine lui-même.

2340. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

Pendant que je me moque d’elle avec vous, je lui écris, de temps en temps, par honnêteté, de tendres ou pompeux galimatias, et, si quelqu’un comparait mes lettres à elle avec mes lettres sur elle, on me regarderait avec raison comme un fou méchant et faux.

2341. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Si cette lettre désirée arrive durant un dîner de famille, on ne peut s’empêcher de l’ouvrir aussitôt, devant tous ; on oublie qu’on n’est pas seule, les larmes coulent, et les bons parents de sourire, et la grand’mère de dire le mot de toutes les pensées : « Si tu avais un mari et des enfants, cette amitié disparaîtrait bientôt, et tu oublierais Mlle Cannet. » Et la jeune fille, racontant à ravir cette scène domestique, se révolte, comme bien l’on pense, à une telle idée : « Il me surprend de voir tant de gens regarder l’amitié comme un sentiment frivole ou chimérique.

2342. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

Il est alerte, comme les gens de sa nation, ennuyé quand on le maintient longtemps dans le même ton, prompt à regarder l’envers des choses, disposé à terminer un acte d’admiration par un bon mot.

2343. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

Regardez, de grâce, en vous et autour de vous : vous verrez qu’il y a autre chose au monde.

2344. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VIII. La question de gout ce qui reste en dehors de la science » pp. 84-103

Il faut regarder l’obstacle en face et l’aborder de front.

2345. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

Il sied encore de regarder dans l’intérieur même de la France les provinces où subsiste une autre langue que celle de la capitale ; à certains moments les patois, ces parents pauvres, prêtent des mots à la sœur plus riche et plus brillante qui les éclipse ; la Bretagne, demeurée fidèle à l’idiome des ancêtres, fut au moyen âge un des chemins par lesquels ont pénétré dans nos romans les vieilles légendes celtiques ; en notre siècle, la résurrection d’une poésie en langue d’oc n’a pas été sans effet sur l’inspiration des poètes du Midi qui ont écrit en français.

2346. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

S’il regarde intérieurement, il voit que les deux extrémités de cette chaîne qui forme la conscience sont hors de sa portée ; il ne peut se rappeler quand ou comment la conscience a commencé, et l’état de conscience qui existe à chaque moment, il ne peut l’examiner, car, ce n’est que quand un état de conscience est déjà passé qu’il peut devenir l’objet de la pensée, et jamais pendant qu’il passe.

2347. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

Il n’avait que quatre yeux tout à l’heure, « pour regarder ceux qui le nourrissaient » ; il en ouvre mille maintenant, « pour tout voir et tout protéger ».

2348. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

je n’ai qu’une de ces figures qu’on regarde à deux fois.

2349. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

Elle s’éprit d’elle à l’instant, ou mieux, elles s’éprirent l’une de l’autre, et on le conçoit ; si on ne regarde qu’au mérite des esprits, il n’arrive guère souvent que le hasard en mette aux prises de plus distingués.

2350. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Elle était si contente de son lot, qu’elle regardait le savoir comme une chose très inutile pour une femme.

2351. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

On se rappelle involontairement ce magnifique début des Pensées : Que l’homme contemple donc la nature entière dans sa haute et pleine majesté ; qu’il éloigne sa vue des objets bas qui l’environnent ; qu’il regarde cette éclatante lumière mise comme une lampe éternelle pour éclairer l’univers ; que la terre lui paraisse comme un point au prix du vaste tour que cet astre décrit… Au lieu de ces expressions amples et véritablement augustes, Fontenelle, en parlant de l’ordonnance céleste, n’emploie volontiers que des images et des comparaisons rapetissantes.

2352. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Saint-Évremond ne croit en rien à l’avenir, et toutes ses espérances, comme tous ses bonheurs, se terminent pour lui au moment prochain ou présent : « Je n’ai pas en vue la réputation, dit-il… je regarde une chose plus essentielle, c’est la vie, dont huit jours valent mieux que huit siècles de gloire après la mort… Il n’y a personne qui fasse plus de cas de la jeunesse que moi… Vivez ; la vie est bonne quand elle est sans douleur. » Lui, qui a si bien pénétré le génie des Romains, voilà pourtant ce qui lui a manqué peut-être pour être leur peintre durable et définitif ; il a laissé cet honneur à Montesquieu.

2353. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

C’est justice, quand on y regarde bien.

2354. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Dans une des premières scènes de la Fronde, au Parlement (11 janvier 1649), racontant la manière dont il fait enlever le commandement des troupes au duc d’Elbeuf pour le faire décerner au prince de Conti, il montre M. de Longueville, puis M. de Bouillon, puis le maréchal de La Mothe, entrant chacun l’un après l’autre dans la salle, et recommençant, chaque fois, à déclarer leur adhésion au choix du prince de Conti et à y donner les mains en ce qui les regardait : « Nous avions concerté, dit-il, de ne faire paraître sur le théâtre ces personnages que l’un après l’autre, parce que nous avions considéré que rien ne touche et n’émeut tant les peuples, et même les compagnies, qui tiennent toujours beaucoup du peuple, que la variété des spectacles. » Dans tous ces passages, Retz se montre ouvertement dans ses récits comme un auteur ou un impresario habile, qui monte sa pièce.

2355. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Il y a pourtant d’assez belles scènes et très vraies d’observation et d’analyse quand ce jeune homme, à qui l’on a caché sa naissance, paraît pour la première fois dans la maison de sa bienfaitrice, et que celle-ci l’observe avec amour, jalousie et honte, tandis que le père, debout et respectueux, placé derrière, le regarde avec fierté.

2356. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Il voudrait que son fils, au lieu de s’arrêter en chemin, et de regarder autour de lui et au-dessous de lui, ceux qui valent moins, reportât ses regards plus haut : Pensez plutôt à ceux qu’on a le plus sujet d’estimer et d’admirer dans les siècles passés, qui d’une fortune particulière ou d’une puissance très médiocre, par la seule force de leur mérite, sont venus à fonder de grands empires, ont passé comme des éclairs d’une partie du monde à l’autre, charmé toute la terre par leurs grandes qualités, et laissé depuis tant de siècles une longue et éternelle mémoire d’eux-mêmes, qui semble, au lieu de se détruire, s’augmenter et se fortifier tous les jours par le temps.

2357. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

À force même de regarder de son coin et d’observer, il trouvait des mots politiques assez forts et assez pénétrants.

2358. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Courez-vous dans votre carrière, ils voudront que vous regardiez toutes les pierres que les fourmis ont mises sur votre chemin.

2359. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

Si vous êtes laborieux, vous ne mourrez jamais de faim : car la faim peut bien regarder à la porte de l’homme qui travaille, mais elle n’ose y entrer.

2360. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Bien que ce premier ministère assez obscur, séparé du second, si glorieux, par un intervalle de sept ans, n’ait duré que cinq mois (31 octobre 1616-24 avril 1617), on y découvre déjà, à y regarder de près, les traits distincts de la politique de Richelieu, l’application vigoureuse de ses principes aux mêmes maux qu’il guérira plus tard, et l’efficacité commençante des mêmes remèdes qui étaient sur le point d’opérer quand l’assassinat du maréchal d’Ancre vint tout rompre et tout remettre en suspens.

2361. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

c’est une certaine façon compliquée, un peu subtile, un peu hautaine, de prendre et de présenter les choses, qui n’est pas à l’usage des esprits ordinaires, ni même des esprits très naturels ; c’est le procédé de gens habitués à regarder intuitivement (comme ils disent quelquefois) au-dedans de leur pensée, plutôt qu’à mettre la tête à la fenêtre et à laisser courir leur parole au-dehors.

2362. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

» — Un jour, au coin d’une rue, heurté par un cavalier maladroit, Arnault se retourne et parle haut ; une altercation s’ensuit ; les passants regardent, et le cavalier, se piquant d’honneur, lui dit en lui présentant sa carte : « Au reste, voilà mon adresse. » — « Votre adresse, reprend Arnault, gardez-la pour conduire votre cheval. » Et chacun de rire.

2363. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

De là la lassitude où ne tarde pas à tomber quiconque regarde la vie en pur dilettante, y cherchant seulement des impressions, des motifs de reproductions esthétiques et pour ainsi dire de croquis.

2364. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

Mais il a le don suprême de la vie, il sait souffler sur un être et faire que les tempes battent, que les yeux regardent, que les muscles se tendent.

2365. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre III : Concurrence vitale »

Lorsqu’on observe la nature, il est de la dernière nécessité d’avoir toujours présent à l’esprit que chaque être organisé qui vit autour de nous doit être regardé comme s’efforçant dans toute la mesure de son pouvoir de multiplier son espèce ; que chaque individu ne vit qu’en raison d’un combat livré à quelque période de sa vie et dont il est sorti vainqueur ; et qu’une loi de destruction inévitable décime, soit les jeunes, soit les vieux, à chaque génération successive, ou seulement à des intervalles périodiques.

2366. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

Louis XV mourut, la Révolution vint, l’empereur brilla et s’éteignit comme l’éclair du canon, et les manuscrits de Saint-Simon, ensevelis dans leurs cartons, et y restant gardés comme des odalisques par des eunuques qui ne pensaient même pas à regarder la beauté de ce qu’ils gardaient par un trou de serrure quelconque, attestèrent l’étrange amour que les gouvernements ont toujours eu pour les lettres en France !

2367. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’inter-nationalisme »

Et en effet, si l’on regarde au fond des choses, tous les hommes de bien sont inconsciemment ou consciemment solidaires, et les coquins, les brutes et les hypocrites toujours isolés, c’est-à-dire en perpétuelle menace de conflits. « Ceux qui recherchent le bien, aurait dit Antisthène, sont amis les uns des autres » Rien de plus juste, en effet.

2368. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre I. La demi-relativité »

Un personnage attaché au système S, apercevant S′ et fixant son attention sur une seconde d’horloge de S′ au moment précis du dédoublement, verrait la seconde de S s’allonger sur S′ comme un fil élastique qu’on tire, comme un trait qu’on regarde à la loupe.

2369. (1903) Propos de théâtre. Première série

À de pareils moments, où les yeux, l’oreille et l’âme sont également enchantés, où l’on ne sait s’il faut s’appliquer davantage, à regarder les physionomies et attitudes, à écouter les rythmes, ou à comprendre les intentions multiples et toutes justes que l’acteur met dans les vers qu’il dit, on voudrait que tous ceux qu’on aime fussent là pour être ravis, et que tous ceux qui aiment l’art fussent là pour comprendre, pour s’instruire, pour pénétrer plus avant dans le mystère d’une grande âme, révélée par le génie d’un grand poète, une seconde fois révélée par le génie d’un grand artiste. […] Pharnace va épouser la fille du roi des Parthes, et le suivre avec les troupes de ce nouvel allié. — Pharnace refuse. « Je comprends ce refus, s’écrie Mithridate ; tu repousses cet hymen, parce que tu aimes la reine. — Regardez plutôt à côté de vous, répond Pharnace, Xipharès aime la reine et en est aimé. » « Que croire ? […] Ne regardez pas ailleurs. […] Ils veulent obstinément une même chose, le regard intérieur toujours fixé sur elle, incapables de regarder plus loin, de s’arrêter en deçà, de reculer, ou de s’en distraire. […] À les voir je prévois l’orgueil intraitable du féodal, sa fidélité au serment, son respect de la maison qui lui est une sorte de temple, où il ne fera jamais chose vile ; et quand il est sur le point peut-être de s’avilir ou de s’adoucir, je vois les portraits qui le regardent.

2370. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

Nous regardons donc comme équivalentes les diverses expressions qui précèdent, et le mot déterminisme les résume toutes. […] En médecine, on peut aussi s’élever aux généralités les plus abstraites, soit que, se plaçant au point de vue du naturaliste, on regarde les maladies comme des espèces morbides qu’il s’agit de définir et de classer nosologiquement, soit que, partant du point de vue physiologique, on considère que la maladie n’existe pas en ce sens qu’elle ne serait qu’un cas particulier de l’état physiologique. […] Sous ce rapport la physiologie, qui est la science des êtres vivants la plus difficile et la plus élevée, ne saurait être regardée comme un démembrement de la médecine ou de la zoologie, pas plus que la physique et la chimie ne sont un démembrement de la géologie ou de la minéralogie. […] Je regardai l’état des organes et des liquides. […] J’ai dit, en effet, qu’il ne faut jamais rien négliger dans l’observation des faits, et je regarde comme une règle indispensable de critique expérimentale (P. 237) de ne jamais admettre sans preuve l’existence d’une cause d’erreur dans une expérience, et de chercher toujours à se rendre raison de toutes les circonstances anormales qu’on observe.

2371. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Si le Voyage aux Pyrénées fait parfois l’effet d’un exercice de virtuosité descriptive semblable aux exercices de doigté d’un violoniste, si la description semble n’y avoir souvent d’autre but qu’elle-même ; regardez y bien, vous verrez même ici la description aboutir presque toujours à une idée philosophique ou historique. […] Il regarde le célibat des prêtres comme un attentat contre la vie, la doctrine du péché originel comme un blasphème contre l’enfance, la distinction des élus et des damnés, du ciel et de l’enfer, comme une injure à la bonté de Dieu. […] Il ne put jamais regarder qu’un petit nombre de points, d’objets à la fois ; mais son imagination s’en emparait avec une force inouïe et finissait par y voir un monde. […] Il se regardait comme le révélateur de l’âme de la France, « de son génie pacifique et vraiment humain. » — « Que ce soit là ma part dans l’avenir d’avoir, non pas atteint, mais marqué le but de l’histoire… Thierry y voyait une narration et M.  […] Sans doute il a regardé comme un devoir de se suffire à lui-même pour ne pas être à charge à sa mère, mais il n’a jamais écrit une ligne, ni donné une leçon par besoin d’argent.

2372. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Voyez, écoutez, regardez ! […] » » Quant aux auteurs de toutes ces belles choses, ils voient et ils voient très bien et très juste ; jugez plutôt : « Couché sur ma fenêtre, il m’est, à regarder ces choses, et les jupes qui passent, et le monde qui va, il m’est un bonheur rond et hébété… » « Mon imagination se fige. […] Paul de Saint-Victor, enfourchant sa prose caparaçonnée d’écarlate, me fait l’effet d’un homme qui monterait à cheval, non dans l’intention d’aller quelque part, mais uniquement pour le plaisir de regarder le sabot de sa monture qui sonne sur le pavé et en fait jaillir des étincelles. […] Sans m’arrêter aux idées qui ont cours là-dessus, et qui sont à la faculté de raisonner ce que sont à la nécessité de l’échange les gros sous, qu’on fait circuler de main en main, sans y regarder de trop près, — je me demande : Qu’est-ce que la comédie ?

2373. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

Qu’on y regarde de près : on verra que ce que le primitif explique ici par une cause « surnaturelle », ce n’est pas l’effet physique, c’est sa signification humaine, c’est son importance pour l’homme et plus particulièrement pour un certain homme déterminé, celui que la pierre écrase. […] Il y a, d’un côté, ce qui obéit à l’action de la main et de l’outil, ce qu’on peut prévoir, ce dont on est sûr : cette partie de l’univers est conçue physiquement, en attendant qu’elle le soit mathématiquement ; elle apparaît comme un enchaînement de causes et d’effets, ou en tout cas elle est traitée comme telle ; peu importe que la représentation soit indistincte, à peine consciente ; elle peut ne pas s’expliciter, mais, pour savoir ce qu’implicitemeut, l’intelligence pense, il suffit de regarder ce qu’elle fait. […] Mais comme il ne voit, en tout cas ne regarde, que ce qui peut satisfaire ses besoins, comme les choses n’existent pour lui que dans la mesure où il usera d’elles, il se comporte évidemment comme si tout était combiné dans la nature en vue de son bien et dans l’intérêt de son espèce. […] A un dieu, qui regarderait d’en haut, le tout paraîtrait indivisible, comme la confiance des fleurs qui s’ouvrent au printemps.

2374. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

Ils fondent leur opinion sur ce qu’ils appellent « l’accord naturel de la pensée et des choses », principe qu’ils regardent comme nécessaire et inné. […] Chez les modernes, au contraire, on considère séparément la masse et le mouvement, que l’on regarde comme indépendants l’un de l’autre. […] L’action réflexe qui le caractérise a deux faces : l’une, qui regarde la physique et la chimie ; l’autre, qui n’a pas d’analogue dans les objets de ces sciences. […] Ce sont là peut-être des données en partie impénétrables à l’analyse et irréductibles ; mais, à y regarder de près, les sciences inférieures supposent déjà de telles données.

2375. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

Je partis pour cela d’une loi ou d’une idée, si vous voulez, généralement admise, à savoir, que le grand sympathique est un nerf qui suit les artères, et se rend aux organes glandulaires, pour servir surtout à l’accomplissement des phénomènes chimiques que l’on regarde comme la source de la chaleur animale. […] Messieurs, Nous avons dit, dans la dernière séance, que l’on n’était point autorisé scientifiquement à regarder la physiologie et la pathologie comme deux domaines distincts où se passent des phénomènes de nature essentiellement différente. […] On ne pouvait donc plus, dès cette époque, regarder l’existence de cette substance dans le canal intestinal comme provenant d’une altération des fonctions digestives. […] Il faut, en effet, Messieurs, quand on veut édifier une théorie, rechercher non pas ce qui peut la confirmer, mais il faut surtout regarder ce qui peut la détruire, car elle ne sera valable qu’autant que les preuves et les contre-épreuves seront données. […] Mais les théories, qui se regardent comme l’expression absolue et définitive de la réalité, répugnent à voir les faits qui les contredisent et persistent dans leur aveuglement.

2376. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Si je pouvais complaire à mon jaloux dessein J’empêcherais tes yeux de regarder ton sein. […] Cependant, de retour à Paris, et placé sous la protection de Monsieur, frère du roi, rassuré sur l’avenir, il regarde, il observe, il songe. […] Regardez-y donc d’un peu près, ou plutôt de très près : c’est à peine si la langue de Racine, en tant que langue, a moins vieilli que celle de Corneille : Ah ! […] Or, au commencement du xviiie  siècle, le roman, vous le savez, prenait justement conscience de lui-même… Roman de mœurs avec Gil Blas, roman d’amour ou de passion avec Manon Lescaut, roman psychologique avec Marianne, le roman, d’un genre inférieur qu’il avait été jusqu’alors, et regardé comme uniquement bon à divertir les enfants et les femmes, s’élevait à la dignité d’un genre littéraire. […] Regardons-y de plus près, la ressemblance paraît plus étroite : Zénobie, c’est Pauline ; Arsame, c’est Xipharès ; Pharasmane, c’est Mithridate ; et ces vers sont de Phèdre : Vous verrai-je toujours les yeux remplis de larmes, Par d’éternels transports remplir mon cœur d’alarmes !

2377. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

Amaury se jette dans cette fange, sans regarder la place où il tombe ; il s’y plonge tout entier, sans ivresse, sans remords, poussé par un instinct aveugle et brutal. […] Ainsi, dans le Mhairwarra, tandis que les habitudes civiles pliaient sous le joug, les mœurs domestiques, les préjugés de la famille ont résisté ; là une femme est un être impur que les hommes regardent à peine comme appartenant à leur espèce. […] Le mari demeure une partie de l’année à Paris, éloigné de sa femme ; et quand il vient à Monteregale, il y prend le costume d’un étudiant, vit à l’auberge et passe son temps à feuilleter des livres, à regarder l’eau couler, et à fumer des cigares au Soleil-d’Or.

2378. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

Le premier se prolonge dans le second, mais il ne peut s’y prolonger sans se distraire de sa direction, comme il arriverait à un sauteur qui, pour franchir l’obstacle, serait obligé d’en détourner les yeux et de se regarder lui-même. […] Ainsi va s’ouvrir aux yeux de l’intelligence, qui regardait dehors, tout un monde intérieur, le spectacle de ses propres opérations. […] C’est tout ce qu’on peut apercevoir, en effet, quand on ne regarde que les machines.

2379. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

Le genre d’observations qui est propre à Duclos est sensé, rapide, mais d’une nature très sobre : J’ai cru devoir donner, dit-il, une idée de l’état de la France et de la cour de Charles VII, pour faire mieux entendre ce qui regarde son successeur : on verra que Louis XI, né et élevé au milieu de ces désordres, en sentit les funestes effets.

2380. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Quand le soleil, sur les six heures du soir, commençait à perdre la force de ses rayons, on nous menait promener vers le champ des moissonneurs, et ma mère y venait aussi bien souvent elle-même, ayant toujours mes sœurs et quelques-unes de mes tantes avec elle… Elles s’allaient toutes reposer en quelque bel endroit d’où elles prenaient plaisir de regarder la récolte, tandis que nous autres enfants, sans avoir besoin de ce repos, nous allions nous mêler parmi les moissonneurs, et, prenant même leurs faucilles, nous essayions de couper les blés comme eux… Après la moisson, les paysans choisissaient un jour de fête pour s’assembler et faire un petit festin qu’ils appelaient l’oison de métive (c’est le mot de la province) ; à quoi ils conviaient non seulement leurs amis, mais encore leurs maîtres, qui les comblaient de joie s’ils se donnaient la peine d’y aller.

2381. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Après une nuit passée, en dépit de la cloche du couvre-feu, dans quelque taverne du voisinage, la tête encore lourde de l’orgie de la veille, ne lui était-il jamais arrivé sur le seuil de se sentir renaître au souffle matinal qui lui arrivait, tout frais, à la figure, de ces champs de blé, de ces vergers et de ces pampres échelonnés le long de la pente qui regardait Gentilly, Fontenay et Meudon !

2382. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

C’est une faute de français ou plutôt contre la grammaire ; mais dans ces styles parlés on n’y regarde pas de si près, et l’on n’en reste que mieux dans le génie de la langue.

2383. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Regardez au contraire, dans ce beau portrait de Napoléon III par Flandrin, comment le peintre s’y est pris avec le pantalon rouge de l’auguste modèle !

2384. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Je trouve fort singulier que vous vous mêliez de mon mariage qui ne vous regarde pas, et je ne sais pourquoi vous prétendez que mon père me marie plutôt avec l’une qu’avec l’autre.

2385. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

C’est un ogre lascif qui dans ses bras infâmes A son repaire affreux porte sept jeunes femmes ; Renaud de Montauban, illustre paladin, Le suit l’épée au poing : lui, d’un air de dédain, Le regarde d’en haut ; son œil sanglant et louche, Son crâne chauve et plat, son nez rouge, sa bouche Qui ricane et s’entr’ouvre ainsi qu’un gouffre noir, Le rendent de tout point très singulier à voir : Surprises dans le bain, les sept femmes sont nues ; Leurs contours veloutés, leurs formes ingénues Et leur coloris frais comme un rêve au printemps, Leurs cheveux en désordre et sur leur cou flottans, La terreur qui se peint dans leurs yeux pleins de larmes Me paraissent vraiment admirables ; les armes Du paladin Renaud faites d’acier bruni, Étoilé de clous d’or, sont du plus beau fini : Un panache s’agite au cimier de son casque, D’un dessin à la fois élégant et fantasque ; Sa visière est levée, et sur son corselet Un rayon de soleil jette un brillant reflet.

2386. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Ce fut même ce sentiment de réparation qui l’obligea à prendre sur elle et à se remettre à regarder dans ces documents de famille, en exprimant à M. 

2387. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

 Toutes les considérations, disait-il encore, que l’on peut me représenter là-dessus me sont connues ; mais, en vérité, elles regardent plutôt les successeurs que les vivants. » Il resta donc ce qu’il était, célibataire et philosophe, « génie libre et sans façon ».

2388. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Tant qu’il sera éveillé et près de vous, regardez-le.

2389. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

Les colonels, à la tête de régiments et menant des troupes, regardaient d’un certain œil les adjudants-commandants d’état-major, colonels par assimilation : de leur côté, ces officiers supérieurs d’état-major tenaient à se dire colonels.

2390. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Prouvez à l’Europe que vous êtes pénétrés de cette vérité, et vos voisins de l’Est, aussi bien que ceux de l’Ouest, y regarderont à deux fois avant de violer vos vallées.

2391. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

On chemine, comme en temps de guerre, sur un terrain remué, et il y faut regarder sans cesse.

2392. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

Tandis que la nuit embaumée Nous dérobe aux yeux des humains, Viens, regarde, ô ma Bien-aimée, Ces Cieux, livre de nos destins.

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