Qu’on se figure la multitude de tours, d’images, de mouvements qui ont dû naître de ces conversations, où les sens, l’imagination, le cœur, étaient en jeu ; où l’émulation de plaire et d’étonner excitait les amours-propres ; où la critique n’était pas moins exaltée par les rivalités que le besoin de produire par l’émulation de plaire !
Mais, quelques heures après, quand le silence s’est fait autour de son bavardage, quand la nuit a recouvert ses grimaces, on peut dépouiller l’intéressante imagination du vêtement barbarement pailleté, oublier la robe de foraine dont Catulle crut embellir cette duchesse, Les autres contes sont radotages de vieille qui, pour être moins infâme dans cette conversation, n’en reste pas moins inepte.
Le Trissin, ce génie créateur qui ouvrit à sa nation la carrière de tant de genres de littérature, est aussi le premier qui ait porté la lumière jusques sur des choses qui ne sont pas du ressort de l’imagination.
L’imagination, vers tes murs élancée, Chercha le saint repos, leur long recueillement ; Mais mon âme a besoin d’un plus doux sentiment.
Laissez à notre imagination le soin de baptiser vos ouvrages, elle s’en acquittera bien.
Je voudrois que des mémoires fidéles nous apprissent à quel point l’imagination de Virgile s’échauffat et s’enrichit, lorsqu’il lut l’iliade pour la premiere fois.
Descartes exige qu’on le comprenne, et ne permet pas qu’on l’imagine ; un texte obscur se prête à toutes les interprétations, c’est-à-dire à toutes les imaginations dont il sera, non la source, mais le prétexte.
Écoutez Saint-Simon, ce grand écrivain de passion et d’imagination, quand il en parle !
Cette publication, après nous avoir découvert dans le grand Écrivain, comme ses amis l’appellent encore, le prosaïsme fondamental sous la poésie de la surface le sans esprit absolu, la nullité ou la médiocrité des aperçus, le commun insupportable de ces lettres qui tuent le poète plus ou moins artificiel qui est dans ses ouvrages, mais qui ne sort jamais ni du fond de l’âme ni du fond de la vie, cette publication met à bas, tout à coup et du même coup, le masque poétique et grandiose que Madame Sand s’était composé et sous lequel on la voyait, fantaisie errante et féconde, imagination désintéressée !
Charrière, que nous ne connaissons pas, est probablement un homme d’esprit, et d’ailleurs il a trop vécu en tête à tête de son auteur dans le vis-à-vis d’une traduction, pour ne pas savoir la différence qu’il y a entre les tablettes d’un humouriste, écrites au courant de cette plume, mi-partie d’imagination et de réalité, qui est la plume des humouristes, et des Mémoires d’un seigneur russe, daguerréotypant, pour le compte de l’Histoire, avec une inflexible exactitude, les institutions et les mœurs politiques de son pays.
Ce sujet est, en effet, un de ceux qui ont le plus remué l’imagination contemporaine et qui parfois l’ont égarée.
Au lieu du Scarron qu’il s’est nommé lui-même, sous l’analogie de quelques-unes des mêmes douleurs, — un Scarron à imagination de plus haute origine que celle de ce bouffon qui ne fut pas sublime, ce qu’il s’agissait d’être pour un poète comme Roger de Beauvoir, — le livre que voici ne nous offre que ce visage jumeau d’Alfred de Musset, qui n’est pas un masque, mais le visage vrai de Beauvoir ; car il n’imite pas Alfred de Musset, mais naturellement il lui ressemble, comme un frère brun ressemble à son frère blond, — plus idéal et plus lumineux !
Clogenson, trop longue pour que nous puissions la citer, mais où l’imagination a de ces grâces d’enfant qui joue.
Quand on est jeune, l’imagination aime assez la passion pour vouloir toujours la peindre belle et irrésistible, mais la montrer rapetissée, humiliée sous les habitudes de la vie, sacrifiée à la tyrannie de ces habitudes, et la prose de la réalité venant à bout de la dernière poésie de nos cœurs, suppose un désintéressement d’observation qui ne se voit guère que chez les hommes qui ont vécu et qui savent comme la vie est faite.
De quoi pensez-vous qu’il puisse avoir besoin, absolument besoin, pour se donner à part soi l’apparence de la supériorité sur les hommes plus intellectuels, pour se créer la joie de la vengeance accomplie, au moins pour son imagination ? […] Premier degré : ils se libèrent, ils se dégagent, en imagination d’abord, ils se reconnaissent les uns les autres, ils s’imposent. […] Si la langue ne s’effrayait d’une pareille association de mots, on pourrait affirmer qu’il possédait un bon cœur dur et, dans sa façon de jouir, une imagination baroque et corrompue qui était presque la grâce de l’innocence. […] Elle repose presque sur une fantaisie d’imagination, n’a aucun fondement solide ni dans la psychologie des hommes ni dans la psychologie des peuples. […] Ne quittons pas Nietzsche, après l’avoir tant combattu, sans reconnaître que c’est une très haute intelligence servie par une admirable imagination.
À mesure que l’observation devient plus pénétrante, que la connaissance des phénomènes se répand et se fait plus générale, les symboles se multiplient ; notre imagination, par une pente fatale, établit des relations entre ces divers symboles à l’imitation des phénomènes que notre esprit a observés. […] Cherchez à transformer l’Hymne à la joie de Beethoven en un tableau, laissez votre imagination s’exalter au moment où le poète nous montre les millions d’êtres prosternés dans la poussière, et vous vous approcherez de Dionysos. […] Le merveilleux de la Musique, c’est que, malgré ce vague, cet indéterminé, son langage s’impose à notre compréhension avec la plus impérieuse clarté ; et c’est pourquoi elle surexcite si facilement notre imagination. […] Il a suffi à la plupart que la légende leur offrit quelques tableaux d’imagination brillante, ou transportât le spectateur dans le monde des fées et des êtres fabuleux, pour qu’ils se crussent parfaitement d’accord avec Wagner ! […] Du jour où il s’en sépara, son imagination, certes extraordinaire, erra d’un objet à l’autre, sans parvenir à se fixer et à coordonner ce qu’elle créait.
Les légendes de l’Orient ne pouvaient manquer d’exercer une grande influence sur cette imagination aisément excitée, que l’érudition sanscrite des Schlegel, le Divan oriental-occidental de Goethe, les Ghazels de Rückert et de Platen avaient d’ailleurs préparée depuis longtemps à ces magies poétiques. […] Les imaginations, déjà bien excitées par elles-mêmes, se surchauffaient à la lecture de ces œuvres étrangères d’un coloris si riche, d’une fantaisie si libre et si puissante. […] “C’est certain, dit Goethe, car l’imagination plus parfaite d’un artiste nous force à nous représenter les situations comme il se les est représentées à lui-même. […] Si Shakespeare eût été notre contemporain et eût pu voir les illustrations d’Hamlet, où l’artiste a pénétré si profondément ce drame mystérieux plein d’ombres noires et de clartés livides, il aurait reconnu sur les dessins, plus vivants, plus sinistres et plus caractéristiques, les fantômes de sa propre imagination. […] Un frais souffle, venu de la Grèce traversa les imaginations, l’on respira avec délices ces fleurs au parfum enivrant qui auraient trompé les abeilles de l’Hymette.
Ils parlent à la curiosité comme les Saxons parlaient à l’enthousiasme, et détrempent dans leurs longues narrations claires et coulantes les vives couleurs des traditions germaines et bretonnes : des batailles, des surprises, des combats singuliers, des ambassades, des discours, des processions, des cérémonies, des chasses, une variété d’événements amusants, voilà ce que demande leur imagination agile et voyageuse. […] — Je crois qu’il m’est venu du ciel. — Mon amour a quitté toutes les autres femmes — et s’est posé sur Alison. » — « Avec ton amour, dit un autre, ma douce bien-aimée, tu ferais mon bonheur, — un doux baiser de ta bouche serait ma guérison119. » N’est-ce point là la vive et chaude imagination du Midi ? […] Par dévergondage d’esprit, ils pratiquent la poésie ; par légèreté d’imagination, ils jouent avec la vie : Édouard III fait bâtir à Windsor une salle et une table ronde, et dans un de ses tournois, à Londres, comme dans un conte de fées, soixante dames, assises sur des palefrois, conduisent chacun un chevalier avec une chaîne d’or. […] Je n’ai pas à conter ces poëmes, ils ne sont point anglais, ils ne sont que traduits ; mais, ici comme en France, ils pullulent, ils emplissent l’imagination de ce jeune monde, et ils vont aller s’exagérant jusqu’au moment où, tombés jusqu’aux plus bas fonds de la fadeur et de l’invraisemblance, ils sont enterrés pour toujours par Cervantès. […] L’antique langage reparaît en partie, et l’antique mètre reparaît tout à fait ; plus de rimes, mais des allitérations barbares ; plus de badinage, mais une gravité âpre, une invective soutenue, une imagination grandiose et sombre, de lourds textes latins, assénés comme par la main d’un protestant.
Son imagination lui permettait de se croire tour à tour mille êtres différents, comme fait l’enfant qui écoute une histoire. […] Mais il a vu les peintures des primitifs italiens ; il a lu les harmonieuses rêveries de Keats, les imaginations colorées de M. […] Cyriel Buysse, représentent en Hollande la littérature d’imagination. […] On ne saurait imaginer histoire plus savante, plus impartiale, ni plus complètement dépouillée de tout artifice d’imagination. […] La science, elle aussi, est œuvre d’imagination et de poésie.
Si le malheur augmente, je m’élance au sommet de la montagne, et, loin de la vue des hommes, je m’y réfugie dans un monde où je ne suis plus en leur pouvoir. » Parmi les lettres qu’on lui adressait de toutes parts, il y en avait de si romanesques, qu’on les croirait l’œuvre de l’imagination. […] Il est vrai que mon âme est jeune et que mon imagination est malheureusement passée toute fervente dans mon cœur. […] XVI Telle fut la destinée terrestre de cet homme de lettres français qui laissa dans les imaginations et dans les cœurs la trace indélébile de son talent, parce qu’il fut l’homme de lettres de la nature, et qu’il n’emprunta qu’à elle ses dessins et ses couleurs. […] Souvent son imagination lui représentait des campagnes de feu, des montagnes ardentes, où des spectres hideux erraient en l’appelant à grands cris.
Leur imagination est vive, prompte et fertile. […] si tu demandes en quelle année a été construit ce portail, je te réponds: « De dessus le portail de Désir, demande tes désirs. » Pour entendre ce dernier distique, il faut savoir qu’au lieu que, dans notre alphabet, il n’y a que sept lettres numérales, ou qui servent de chiffres, comme le V qui vaut cinq, l’X dix, l’L cinquante: l’alphabet, chez tous les Orientaux, a l’usage des nombres arithmétiques ; ainsi, par un jeu d’esprit à quoi il faut beaucoup d’imagination, ils marquent l’année d’une chose par des mots qui y ont du rapport, et qui sont composés des lettres qui fassent juste, en leur valeur d’arithmétique, le nombre des années de leur époque. […] X Après avoir émerveillé et ébloui l’imagination de ses lecteurs par ce panorama de puissance et de richesse du royaume dont on lui découvre les entrailles, Chardin passe à la religion, à la politique, aux mœurs, et nous introduit dans la vie publique et dans la vie privée de ce peuple. Ni Montesquieu qui ricane, ni Chateaubriand qui déclame n’ont compris l’Orient, parce qu’ils ont voyagé d’imagination seulement, et qu’au lieu de voir et de raconter, ils ont imaginé d’éloquentes caricatures.
» Indiana n’est pas un chef-d’œuvre ; il y a dans le livre un endroit, après la mort de Noun, après la découverte fatale qui traverse l’âme d’Indiana, après cette matinée de délire où elle arrive jusque dans la chambre de Raymon qui la repousse, — il y a là un point, une ligne de démarcation où la partie vraie, sentie, observée, du roman se termine ; le reste, qui semble d’invention presque pure, renferme encore de beaux développements, de grandes et poétiques scènes ; mais la fantaisie s’efforce de continuer la réalité, l’imagination s’est chargée de couronner l’aventure.
L’imagination et la sensibilité, quand on les possède, ont vite reconnu leurs traces, et la vraie poétique est trouvée.
Dans les premiers temps de l’humanité, la raison de l’homme étant peu développée, c’est l’imagination qui domine ; alors il parle par images figurées ; alors il faut des formes à l’expression de ses idées, de sa raison ; il croit à des causes surnaturelles : c’est le règne de la religion.
Or, depuis qu’il y a des sociétés civilisées, des littératures polies, ces littératures, soit sur le théâtre, soit dans les poésies lyriques, soit dans les autres genres d’imagination, ont vécu sur des exceptions pathétiques, passionnées, criminelles souvent, sur des amours, des séductions, des faiblesses, et les œuvres qu’on admire le plus parmi les hommes sont celles qui ont triomphé dans la forme et l’expression, dans un certain charme qui y respire, dans une certaine moralité qui résulte autant de la beauté de la production que de la conclusion expresse, ou qui même est quelquefois en sens contraire de cette conclusion littérale qu’on y pourrait voir.
La scène où le duc arrive à son tour et parle sans se douter que le chevalier écoute, est très amusante et parfaite de jeu, quoiqu’elle ramène et promène trop à plaisir l’imagination sur les impossibles erreurs de la nuit.
Nous savons que si Corneille est inégal, c’est qu’il est souvent sublime ; nous savons que si l’imagination de Molière n’est pas riche en fantaisies comme celle de Shakespeare, c’est qu’il peint la réalité comique plus fidèlement.
Calvin n’est pas poète : et l’on conçoit que le Bourguignon d’imagination chaude, de sensibilité vibrante, n’aime guère ce Picard au parler froid et précis, en qui la passion a plus de rigueur que de flamme.
… On peut avoir fait un mauvais drame, et non seulement n’être pas un sot, mais encore, par d’autres dons que ceux qui font le bon dramaturge et le bon écrivain, par un autre tour d’imagination, par l’activité, l’énergie, la bonté, par toute sa complexion et sa façon de vivre, être un individu plus intéressant et de plus de mérite que tel littérateur accompli. » Non, je ne raille point.
Émile Faguet Musset a touché au génie par la profondeur et la puissance de sa sensibilité, comme d’autres par la force de l’imagination.
Qui dira que l’histoire naturelle, l’anatomie et la physiologie comparées, l’astronomie, l’histoire et surtout l’histoire de l’esprit humain ne donnent pas au penseur des résultats aussi philosophiques que l’analyse de la mémoire, de l’imagination de l’association des idées ?
Ce sont des Philosophes qui déclament contre l’imagination & la Poésie, qui réduisent le mérite des Vers au seul mérite de la pensée, qui ont substitué, dans le style, l’emphase au naturel, l’enflure au sentiment, l’entortillage à la clarté, la glace au pathétique….
On y admire, à chaque page, un art séduisant de peindre & d’animer tous les objets, de présenter à l’imagination les détails de la Physique avec toutes les richesses de la Poésie.
La foi épure l’imagination, nous avons des poëtes.
Cependant tant d’inscriptions infâmes dont la statue de la Vénus aux belles fesses est sans cesse barbouillée dans les bosquets de Versailles ; tant d’actions dissolues avouées dans ces inscriptions, tant d’insultes faites par la débauche même à ses propres idoles ; insultes qui marquent des imaginations perdues, un mélange inexplicable de corruption et de barbarie, instruisent assez de l’impression pernicieuse de ces sortes d’ouvrages.
Même plus tard, quand les faits s’affermissent et se clarifient dans son récit, et prennent de ces certitudes qu’il n’est plus permis de discuter ; même au moment de ces merveilleux succès des Jésuites qui firent croire un jour à l’imagination européenne que la croix conquerrait l’Empire du Milieu, on s’enivrait trop d’une religieuse espérance… car trente-six mille chrétiens, au plus, sur trois cents millions d’âmes, n’étaient qu’une faible étincelle du feu qu’on croyait avoir allumé !
Elles sont toutes, ces Correspondances, au-dessous de ce que l’imagination les croyait avant qu’elles fussent publiées.
Avant d’ouvrir les deux gros volumes qu’il publie16, nous ne le connaissions pas ; mais c’est une bonne prévention, en faveur d’un homme, qu’une obscurité qui permet de tout supposer à une imagination bienveillante.
Littérairement, il est pour l’ordre contre la fantaisie ; il n’accepte l’imagination qu’avec la règle ; il n’est pas ivre de Renaissance.
Celles de Madame de Souza à la comtesse d’Albany, son amie, quoiqu’elles ne réalisent pas certainement toute l’idée que l’imagination se fait de la manière d’écrire d’une femme comme Madame de Souza, sont cependant empreintes çà et là de cette exquise personnalité qu’on avait entrevue à travers les livres délicats qu’elle a publiés.
L’imagination nous le fait entendre : « Plantez, Sire, les racines de vos enfants dans le cœur de tous les foyers domestiques.
Mais nous disons que l’imagination, ce singe de l’intelligence , comme l’appelle Schiller, nous pipe souvent avec une image.
C’est un observateur, c’est un moraliste, c’est un inventeur à tout autre titre qu’au titre de poète, c’est un historien, c’est un romancier, c’est enfin un de ces esprits marqués du caractère essentiellement moderne, qui ont fait vibrer sous leur main un grand nombre de faits, de sentiments et d’idées, et chez qui l’imagination est devenue encyclopédique comme la mémoire.
Moralité, préoccupation, métaphores, tout dans ce livre est tiré du monde artificiel des planches, l’idéal de la vie et de l’art pour tant de folles imaginations !
Pécontal possède plus que personne, mais auxquelles l’esprit de notre époque préfère le rythme, tourmenté, poli, aiguisé, affiné, savant enfin et si souvent vide ; le rythme, dernière expression de la beauté poétique, et que l’Imagination dégoûtée finira par rejeter, pour sa peine d’avoir rejeté l’âme, — comme le roi de Thulé jeta à la mer sa coupe épuisée, quand ses yeux mourants n’eurent plus de larmes pour la remplir !
Monde, personnes, choses, faits, inventions, tout cela, dans son roman, est, il faut bien le dire, sans intérêt pour l’imagination difficile, la seule qu’il faille invoquer en fait d’art ou de littérature, et on n’a point une seule fois à dire, pendant la lecture qu’on en fait : « Voilà qui est beau », mais au plus : « Voilà qui est exact », et encore de la plus facile des exactitudes.
D’autres écrivains dans différents genres, tels qu’Amyot, traducteur de Plutarque, et grand aumônier de France ; Marguerite de Valois, célèbre par sa beauté comme par son esprit, rivale de Boccace, et aïeule de Henri IV ; et ce Rabelais, qui joua la folie pour faire passer la raison ; et ce Montaigne, qui fut philosophe avec si peu de faste, et peignit ses idées avec tant d’imagination.
Leur imagination aspirait aux passions tragiques. […] Et c’est là un des plus beaux symboles que l’imagination humaine ait jamais créés. […] Elle n’a été un monstre que dans l’imagination ampoulée des poètes amis d’Auguste. […] Ces trois livres sont les trois plus beaux joyaux de cette reine de l’imagination. […] Tel est, ce semble, l’Ulysse primitif formé par l’imagination populaire.
Nous dirons Du Bartas, puis au xviiie , Delille, malgré son didactisme, Népomucène Lemercier malgré ses imaginations étranges, et André Chénier. […] Le « Symbolisme » s’il est l’extrême développement du Romantisme et du Parnasse, l’est nécessairement à travers Baudelaire disant paradoxalement et en haine précisément de la Science : « L’imagination est la plus scientifique des facultés, parce qu’elle comprend l’analogie universelle, ou cc qu’une religion mystique appelle la correspondance. »4 Si nous supprimons la contradiction : imagination et science (à moins que l’imagination vaille en ce sens, en étant promotrice d’hypothèses), et si répondons qu’analogie n’est point rapport, nous avons là toute la doctrine Symboliste, et comprises ses tendances mystiques : l’imagination personnelle créant des analogies ou correspondances, et les exprimant par séries ordonnées d’images. […] Au contraire, les théories de Mallarmé donnaient libre champ à l’imagination et leur tissu était assez lâche pour laisser filtrer les rêves les plus capricieux du dehors. […] Je rappellerai, extrait d’une de ces mêmes lettres publiées en 1907, le passage où Baudelaire, incidemment, exprime que l’Imagination, supérieure à la Science exécrée, d’établir entre les éléments du Tout des « concordances mystiques » — crée une harmonie universelle. […] L’Imagination, exercice du Moi, ne peut établir que des concordances relatives : ce Moi qui alors, composera analogiquement un univers à l’image seulement de sa sensibilité imaginative.
Certes, l’enthousiasme de Bettine pour Goethe n’est pas un enthousiasme banal : il s’harmonise avec l’imagination, avec la haute fantaisie et le sens naturaliste du grand poète de Weimar. […] Et sur ce que, cependant, l’idée de mariage revenait quelquefois entre eux et était remise sur le tapis pour l’époque qui suivrait l’établissement de ses filles, elle se prémunissait à l’avance et ne se refusait pas ce genre de plaisanterie dont Rousseau a parlé, et qui semble lui avoir dicté son dernier mot sur le « saint du faubourg Saint-Jacques », ainsi qu’elle appelait Margency : « Il a, disait-elle, l’imagination chaude et le cœur froid… Il y a dix ans, je n’avais à craindre que la rivalité de Mme d’Épinav, et elle me faisait moins de peur que celle de sainte Thérèse et de tant d’autres avec qui je n’ai pas l’avantage d’être dans une société intime. » — « Je l’aime assez, disait-elle encore, pour le préférer à tous les plaisirs, mais je ne puis adopter les siens ; je bâille en y pensant. » Ame revenue, détachée, désabusée, redisant dans sa note habituelle : « Mon cher voisin, quoi que je fasse, je suis née pour la peine ; les miennes ne font que changer d’objet » ; ou encore, en ses meilleurs instants : « J’ai éprouvé tant d’ennuis depuis que j’existe, que ce qui m’arrive de bonheur à présent me touche à peine » ; elle continua, tant qu’il lui fut permis, de s’occuper activement de Rousseau, et elle ne fut contente que lorsqu’elle eut trouvé le moyen, au milieu de toutes ses gênes et de ses assujettissements, de l’aller visiter à Motiers-Travers et de lui donner la marque la plus positive d’amitié, un voyage long, pénible, pour passer deux fois vingt-quatre heures auprès de lui. […] Son imagination se montait, sa tête se prenait : « De quelque côté que je me tourne, écrivait-il à Mme de Verdelin (3 février 1765), je ne vois que griffes pour me déchirer et que gueules ouvertes pour m’engloutir.
Pierre Croyez-vous que Mauclair ait tant d’imagination ? […] Paul Je le crois en ce sens que nos rêves sont faits de la même étoffe que nous-mêmes, L’œuvre ressemble forcément à l’imagination et à l’intelligence de l’écrivain sinon à la réalité de sa vie. […] Paul Il s’égaye alors de l’imagination du journaliste.
XII Une si vive imagination ne pouvait cependant se sevrer si jeune d’amour. […] On voit que le costume, cet écueil de tous les peintres modernes, et l’homme sont sortis du même jet de son imagination pittoresque ; ses figures naissent toutes vêtues ; il a l’inspiration du haillon comme du soulier, de la guêtre, du manteau. […] Son âme n’était pas responsable de sa main ; la nature ne l’avait pas doué ou il n’avait pas exercé en lui la force nécessaire à ces grands hommes, destinés à lutter avec ce qu’on nomme l’idéal ; l’idéal fait plus de victimes qu’on ne pense : c’est la maladie des grandes imaginations qui ont un faible cœur.
Il en est ainsi de tous les hommes à grande imagination : ils se concentrent en vieillissant dans leur cœur resserré par le temps ; ils vivaient en rêvant, ils meurent en aimant. […] Il doit à l’amitié de madame Récamier les accents du soir plus touchants que ceux du matin ; l’imagination s’éteint, l’âme s’épanche ; on sent le recueillement dans ces adieux. […] morte avant la première ride sur son beau visage et sur son esprit ; la duchesse de Maillé, âme sérieuse, qui faisait penser en l’écoutant ; son amie inséparable la duchesse de La Rochefoucauld, d’une trempe aussi forte, mais plus souple de conversation ; la princesse de Belgiojoso, belle et tragique comme la Cinci du Guide, éloquente et patricienne comme une héroïne du moyen âge de Rome ou de Milan ; mademoiselle Rachel, ressuscitant Corneille devant Hugo et Racine devant Chateaubriand ; Liszt, ce Beethoven du clavier, jetant sa poésie à gerbes de notes dans l’oreille et dans l’imagination d’un auditoire ivre de sons ; Vigny, rêveur comme son génie trop haut entre ciel et terre ; Sainte-Beuve, caprice flottant et charmant que tout le monde se flattait d’avoir fixé et qui ne se fixait pour personne ; Émile Deschamps, écrivain exquis, improvisateur léger quand il était debout, poète pathétique quand il s’asseyait, véritable pendant en homme de madame de Girardin en femme, seul capable de donner la réplique aux femmes de cour, aux femmes d’esprit comme aux hommes de génie ; M. de Fresnes, modeste comme le silence, mais roulant déjà à des hauteurs où l’art et la politique se confondent dans son jeune front de la politique et de l’art ; Ballanche, le dieu Terme de ce salon ; Aimé Martin, son compatriote de Lyon et son ami, qui y conduisait sa femme, veuve de Bernardin de Saint-Pierre et modèle de l’immortelle Virginie : il était là le plus cher de mes amis, un de ces amis qui vous comprennent tout entier et dont le souvenir est une providence que vous invoquez après leur disparition d’ici-bas dans le ciel ; Ampère, dont nous avons essayé d’esquisser le portrait multiple à coté de Ballanche, dans le même cadre ; Brifaut, esprit gâté par des succès précoces et par des femmes de cour, qui était devenu morose et grondeur contre le siècle, mais dont les épigrammes émoussées amusaient et ne blessaient pas ; M. de Latouche, esprit républicain qui exhumait André Chénier, esprit grec en France, et qui jouait, dans sa retraite de la Vallée-aux-Loups, tantôt avec Anacréon, tantôt avec Harmodius, tantôt avec Béranger, tantôt avec Chateaubriand, insoucieux de tout, hormis de renommée, mais incapable de dompter le monstre, c’est-à-dire la gloire ; enfin, une ou deux fois, le prince Louis-Napoléon, entre deux fortunes, esprit qui ne se révélait qu’en énigmes et qui offrait avec bon goût l’hommage d’un neveu de Napoléon à Chateaubriand, l’antinapoléonien converti par popularité : L’oppresseur, l’opprimé n’ont pas que même asile ; moi-même enfin, de temps en temps, quand le hasard me ramenait à Paris.
Pour des sommes très modiques qu’il faut que je gagne, parce que sans cela je mourrais de faim, je ne dis que la moitié du quart de ce que je pense… et encore je risque, à chaque phrase, d’être traîné derrière les tribunaux. » * * * — Une jeune fille de ma connaissance a eu la plus fraîche, la plus délicate, la plus poétique imagination de cœur. […] Comme c’est l’imagination de la vie et non la vie ! […] On se fait en général l’image d’un bœuf, d’un lutteur savatier, mais le vrai est plus joli, plus original que l’imagination.
le vrai, le vrai tout bête, c’est toujours plus fort que les imaginations du génie. […] Peut-être traitera-t-on de pure imagination cette mort de femme, en passant le seuil de la chambre du pape, et cependant c’est la vérité à bien peu de chose près. […] * * * — Nous trouvons les livres que nous lisons, écrits avec la plume, l’imagination, le cerveau des auteurs.
Alors des lectures immenses — il n’avait pas douze ans — des lectures de poètes, de livres d’imagination qui lui exaltaient la cervelle, des lectures fouettées de l’ivresse produite par des liqueurs chipées à la maison, des lectures promenées, des journées entières, sur des bateaux qu’il décrochait du quai. […] Après le dîner, on a fait, sur un tas de feuilles de papier, les plans d’un hôtel idéal, que la princesse ne construira jamais, mais qu’elle aime à bâtir en imagination, avec les imaginations de ses amis.
De là toutes les grandeurs inattendues de l’imagination. […] Cervantes, comme poëte, a les trois dons souverains : la création, qui produit les types, et qui recouvre de chair et d’os les idées ; l’invention, qui heurte les passions contre les événements, fait étinceler l’homme sur le destin, et produit le drame ; l’imagination, qui, soleil, met le clair-obscur partout, et, donnant le relief, fait vivre. […] Sous obscurité, subtilité et ténèbres, vous trouvez profondeur ; sous exagération, imagination ; sous monstruosité, grandeur.
On a souvent remarqué, et avec raison, que là où la nature extérieure est exubérante, gigantesque, terrible, elle affaiblit l’homme, le paralyse, le désarme, et, comme conséquences nécessaires, produit une distribution fort inégale de la richesse, un développement excessif de l’imagination et de la superstition, autant de sources de graves maladies sociales. […] Un homme a reçu de ses parens une imagination vive et prompte ; elle peut faire de lui un grand artiste ou un ignorant superstitieux : tout dépendra, au moins dans la plus large mesure, de la culture que recevra cette faculté naturelle. […] Ces muets mystérieux, si voisins ou si éloignés de lui, les uns inoffensifs, les autres terribles, son ignorante imagination les arma de pouvoirs divins.
Peut-être quelques-uns comptent-ils d’une manière analogue les coups successifs d’une cloche lointaine leur imagination se figure la cloche qui va et qui vient cette représentation de nature spatiale leur suffit pour les deux premières unités ; les autres unités suivent naturellement. […] Pour évaluer rétrospectivement le nombre des coups sonnés, j’ai essayé de reconstituer cette phrase par la pensée ; mon imagination a frappé un coup, puis deux, puis trois, et tant qu’elle n’est pas arrivée au nombre exact quatre, la sensibilité, consultée, a répondu que l’effet total différait qualitativement. […] L’imagination du rêveur, isolée du monde externe, reproduit sur de simples images et parodie à sa manière le travail qui se poursuit sans cesse, sur des idées, dans les régions plus profondes de la vie intellectuelle.
Son aïeul Guyot-Desherbiers, qui avait été jadis de robe, et avait fréquenté les idéologues, avait l’imagination poétique, l’esprit jaillissant et gai. […] A peine l’avait-il quittée, que la réalité s’effaçait de devant ses yeux ; il n’apercevait plus que la chimère enfantée par leurs imaginations enflammées. […] C’est une fête pour l’esprit de voir cette heureuse jeunesse, aux mains pleines et prodigues, lancer à la volée les images heureuses, les trouvailles d’une imagination neuve, les idées folles et charmantes ou les sensations enflammées de la vingtième année. […] C’est un doux rêve dialogué, par lequel il faut se laisser bercer sans exiger trop de logique et sans craindre de laisser vaguer son imagination. […] Leurs ombres charmantes attesteront que son imagination ne s’était pas dépeuplée de figures virginales, et que jamais l’ulcère du mépris ne rongea secrètement son âme en face de jeunes filles, qu’elles fussent paysannes ou nobles demoiselles.
Il avait de la véhémence, de la chaleur, de l’imagination et du geste. […] C’était un mystique au cœur tendre et à l’imagination fleurie. […] Que Racine à seize ans l’ait lu, lui, dans le texte, et au moins trois fois, cela prouve qu’il était déjà très fort en grec, et qu’il avait une grande fraîcheur de sensibilité et d’imagination. […] C’est une comédie héroïque et galante, très française, très conforme à l’esprit et aux imaginations du jeune roi et de la cour. […] Et il attendait qu’une belle idée s’emparât de son imagination.
« Il y a de même en littérature des héros, des auteurs, des textes, idéalisés par l’imagination de plusieurs générations de lecteurs au point de n’avoir plus qu’un rapport très vague et très lointain avec la réalité. […] Les défauts des contradictions, les bizarreries, un peu de mystérieuses ténèbres, bien loin de leur être préjudiciables, leur rendent un service vraiment vital en excitant sans fin ni terme l’intelligence et l’imagination lancées dans une carrière immense. […] Songez à nos temples nus, froids, laids, où rien ne parle à l’imagination, rien au cœur ; comparez cette laideur aux descriptions que font nos chroniques des magnificences des anciennes églises, et vous comprendrez la pauvreté d’esprit de ce pauvre Luther. […] Les épouvantes de l’enfer du Dante, les supplices, les tortures de son imagination ne sont que plaisanteries à côté des horreurs que révèle chaque compartiment. […] Pas de l’Asie, fertile cependant en imaginations fantasques, car la charpente de votre faciès est bâtie à l’européenne ; point fuyante, plutôt carrée.
Point de haute philosophie sans imagination ; l’observation et l’induction, qu’on a nommées les deux béquilles de la science, n’avancent pas si elles ne s’inspirent de la puissance vitale de l’imagination. […] Tout ce que l’imagination la plus malpropre a pu réunir d’images dégoûtantes en tout genre et d’expressions grossières s’y trouve rassemblé, serré, entassé. […] Et à la suite de ces vaines et vicieuses imaginations, j’allois faisant l’ingenieux à pourveoir, par cette superflue reserve, à touts inconvénients : et sçavois encores respondre à celuy qui m’alleguoit que le nombre des inconvenients estoit trop infiny. […] On sait qu’alors ils étaient peu connus, et que l’imagination avait le champ libre à leur égard. […] Voici sa définition de l’imagination : « L’imagination recueille les especes et figures des choses, tant présentes, par le service des cinq sens, qu’absentes, par le benefice du sens commun ; puis les represente, si elle veut, à l’entendement, qui les considere, examine, cuit et juge ; puis elle mesme les met en depost et conserve en la memoire, comme l’escrivain au papier, pour derechef, quand besoin sera, les tirer et extraire, ce que l’on appelle réminiscence.
Les enfants des mères ainsi attifées cheminent à côté d’elles comme des incarnations d’une des aberrations les plus intolérables qui aient jamais pris naissance dans l’imagination malade d’une pauvre vieille fille. […] Il se réjouit de son imagination, qu’il oppose au prosaïsme du philistin, et se voue avec prédilection à toutes sortes d’occupations libres qui permettent à son esprit le vagabondage illimité, tandis qu’il ne peut pas se tenir dans des fonctions bourgeoises réglées qui exigent de l’attention et un égard constant pour la réalité. […] La mobilité maladive de son esprit, l’excitabilité exagérée de son imagination amènent à sa conscience toutes sortes d’aperceptions étranges et absurdes ; il se suggère à lui-même que ces aperceptions reposent sur des perceptions réelles, et il croit à la vérité de ses folles fantaisies jusqu’à ce qu’une suggestion nouvelle, soit propre, soit émanant d’un tiers, ait chassé la précédente. […] Pour muser et rêver, pour laisser vagabonder l’imagination capricieuse dans les méandres de l’association d’idées, il faut un effort moindre ; et cet état d’âme est, par cette raison, de beaucoup préféré au dur travail de l’observation et du jugement raisonnable. […] Mallarmé est professeur d’anglais dans un lycée de Paris), et on l’admire comme un grand poète, comme le Poète, le seul, l’exclusif, et on accable de toutes les expressions de mépris qui s’offrent à l’imagination d’un aliéné en colère, les « sots », les « nigauds » qui rient de lui.
Car elle a certes existé et elle existe encore dans l’imagination des hommes. […] Mais quelle imagination ! […] quelle imagination ! […] tout n’était pas faux dans ces imaginations de Diderot et de Jean-Jacques. […] L’imagination constructive également.
C’est sous cet aspect de grand et sage aumônier qu’il resta longtemps dans les souvenirs et dans les imaginations des Italiens. […] Le mensonge par imagination est de cette même catégorie ; il ne ressortit pas du tout à l’intérêt. […] La même histoire, racontée par un homme grave et sans accent, et la même histoire racontée par un homme soupçonné d’imagination, n’est pas la même. […] Le menteur par imagination est un philosophe. […] Il mentait comme l’eau coule, par vocation ; il mentait par mouvement naturel d’imagination amusée.
Peut-être cependant tout se retrouve-t-il, se raccorde-t-il, et se remet-il enfin d’ensemble quand on songe à quel point le poète fut dépourvu d’imagination et de sensibilité. […] D’ailleurs, s’ils se défiaient de la raison, ils se défiaient bien davantage encore de l’imagination et de la sensibilité, ces deux « maîtresses d’erreur ». […] Ils ont laborieusement écrit des volumes, sur quelques lignes que l’imagination des poètes a créées en se jouant. […] Mme de Staël a eu plus d’idées, et Chateaubriand plus d’imagination. […] Il n’en est pas de même des beautés poétiques, qui appartiennent uniquement à l’imagination.
Elle ne s’aventure point sans doute et ne se hâte pas outre mesure ; mais elle recueille à temps, dans le domaine de la création et même de la fantaisie poétique, dans la littérature d’imagination et d’agrément, ce que l’opinion publique lui désigne à l’avance et lui défère. […] Il faut, à chaque instant, justifier de son droit et de son privilège en étendant sa vue, en découvrant ce qui se fait ou se tente de remarquable alentour, en ne s’enchaînant pas à des doctrines métaphysiques ou littéraires inflexibles, en s’associant, sans se faire trop prier, toute intelligence supérieure et ornée, toute imagination puissante et féconde, de quelque bord qu’elle vienne ; en n’étant point des derniers à reconnaître l’avènement des talents chers au public et applaudis, en témoignant à l’occasion de l’estime à ceux mêmes qui ne sont pas de l’ordre académique, et qui comptent pourtant dans la grande confrérie des Lettres ; en n’affectant pas absolument de les ignorer.
Du Bellay y met en contraste l’heureux poète qui brille et fleurit en Cour de France et les trois exilés, Magny, Panjas et lui-même, qui, pour s’être attachés à d’illustres patrons, sont comme relégués et échoués au loin sur les bords du Tibre ; il faut citer tout ce sonnet, qui est d’un sentiment tendre et d’une belle imagination : Ce pendant que Magny suit son grand Avanson, Panjas son cardinal, et moi le mien encore, Et que l’espoir flatteur, qui nos beaux ans dévore, Appaste nos désirs d’un friand hameçon, Tu courtises les rois, et d’un plus heureux son Chantant l’heur de Henri, qui son siècle décore, Tu t’honores toi-même, et celui qui honore L’honneur que tu lui fais par ta docte chanson Las ! […] » Même après le trait de pinceau de cette imagination merveilleuse, même après le Poète mourant de Lamartine, où la similitude du cygne est le motif dominant, le sonnet de Du Bellay peut se relire.
M. de Chateaubriand avait une grande âme, une imagination splendide, un accent antique, une conscience d’apparat et un mauvais caractère. […] Je savais bien au fond qu’on ne ressuscite ni peuple, ni nationalité, ni religion sur la terre au gré du caprice des imaginations d’orateurs ou de journalistes en quête de popularité.
Il faut une émotion au peuple pour que son cœur et son imagination s’attachent à un homme nouveau. […] La vigueur de son imagination et la pureté de son style le distinguaient de tous ceux, excepté Politien, qui vivaient alors dans sa familiarité à Florence.
Mais ni la rigueur n’en est assez concluante pour la raison, ni la liberté assez complète pour l’imagination. […] Chemin faisant il parle à chacun selon ses besoins, s’aidant pour les persuader de tout ce qu’ils voient et de tout ce qu’ils aiment, tirant ses comparaisons des usages de leur vie, de leurs habitudes domestiques, de leurs souvenirs, rendant les enseignements sensibles en y intéressant leur imagination et leur cœur.
Les traductions et les travaux de seconde main en sont des copies affaiblies et laissent toujours subsister de nombreuses lacunes que l’imagination se charge de remplir. […] Dissiper le brouillard qui, aux yeux de l’ignorant, enveloppe le monde de la pensée comme celui de la nature, substituer aux imaginations fantastiques du rêve primitif les vues claires de l’âge scientifique, telle est la fin commune vers laquelle convergent si puissamment ces deux ordres de recherches.
C’est le visionnaire de l’observation ; ses yeux grossissent et enflamment tout, le danger se reflète dans son imagination en monstrueuses images ; il a dans l’esprit cette tête de Méduse que Pallas portait sur son égide d’or. — Quel tableau que celui des Sept Chefs trempant leurs mains dans un bouclier noir où bouillonne le sang d’un bœuf égorgé, et jurant de détruire Thèbes, par toutes les Divinités du carnage ! […] L’imagination les terminerait volontiers par les croupes de bêtes fantastiques que la Fable prêtait aux premiers Titans.
Mais de loin les imaginations moqueuses se mirent en frais et en campagne. […] Le roman de Fragoletta est traversé de scènes tortueuses, insidieuses, qui inquiètent l’imagination et surprennent les sens.
Dans les fantaisies de la pure imagination, comme la rêverie ou la composition poétique, l’ordre des images ne nous est pas imposé, il est voulu et plus ou moins arbitraire ; dans la perception, il est absolument involontaire : je ne puis déplacer la perception du milieu de ses circonstances environnantes. […] À l’origine, le sentiment de reconnaissance était enveloppé dans la satisfaction même de l’appétit : l’enfant qui aspire le lait maternel, à chaque aspiration, sent la coïncidence de la sensation nouvelle avec l’image de la sensation passée ; son imagination se remplit, pour ainsi dire, de la même manière que sa bouche : on peut dire qu’ainsi il reconnaît le plaisir déjà éprouvé et le lait déjà sucé.
De l’imagination à coup d’analyse, Zadig juge d’instruction, Cyrano de Bergerac élève d’Arago. […] Et en ce meurt-de-faim, exténué d’imaginations peureuses : la terreur de la police de l’Empereur qui en veut à son existence, à son talent, à ses amours, qui l’a empêché d’être le mari d’une petite actrice entrevue au soleil des quinquets, et qui a empoisonné son amoureuse avec des mouches cantharides — son poison redouté, — et qui l’a enterré dans son jardin qu’il retourne, sans cesse, pour retrouver son cadavre.
Guizot est latitudinaire, avec quelle liberté il fait son choix entre les dogmes, laissant de côté ceux qui peuvent être les plus désagréables à l’imagination de notre siècle (le diable, les peines éternelles, le petit nombre des élus…), pour ne conserver que ce qui lui paraît le strict nécessaire, il est difficile de voir dans cette théologie choisie et triée autre chose qu’un demi-christianisme logiquement entraîné au rationalisme. […] Le dogme si enivrant pour l’imagination et pour la sensibilité d’un Dieu mort pour les hommes a attiré à lui toute la pensée et toute la foi ; l’on a oublié que ce miracle d’amour n’était possible que par un miracle de cruauté.
De la sorte, les deux choses importantes, l’époque et la situation, se retracent à l’imagination d’un seul mot, par une circonstance purement accidentelle. […] Il y a dans le caractère des Allemands une fidélité, une candeur, un scrupule, qui retiennent toujours l’imagination dans de certaines bornes.
Si le désirable n’est pas objet d’observation, mais peut et doit être déterminé par une sorte de calcul mental, aucune borne, pour ainsi dire, ne peut être assignée aux libres inventions de l’imagination à la recherche du mieux. […] Nous n’avons pas à traiter ici cette question ex professo; répondons seulement : 1° qu’elle est toute théorique, car, en fait, le type normal, l’état de santé est déjà assez difficile à réaliser et assez rarement atteint pour que nous ne nous travaillions pas l’imagination à chercher quelque chose de mieux ; 2° que ces améliorations, objectivement plus avantageuses, ne sont pas objectivement désirables pour cela ; car si elles ne répondent à aucune tendance latente ou en acte, elles n’ajouteraient rien au bonheur, et si elles répondent à quelque tendance, c’est que le type normal n’est pas réalisé; 3° enfin que, pour améliorer le type normal, il faut le connaître.
Rien n’a plu davantage à La Fontaine que cette imagination qui lui permettait d’étendre le champ de la solidarité entre les animaux. […] Ils ont peut-être trouvé une souris ou deux qu’ils avaient estropiées en déblayant le trou d’en bas, et ils ont conclu, avec une imagination qui leur fait honneur, qui leur fait d’autant plus d’honneur que La Fontaine l’a trouvée charmante et en a tiré une fable, ils ont conclu que le hibou avait établi une étable de souris au bas de son château.
C’est l’investigation scientifique, c’est le raisonnement expérimental qui combat une à une les hypothèses des idéalistes, et qui remplace les romans de pure imagination par les romans d’observation et d’expérimentation… C’est là ce qui constitue le roman expérimental : posséder le mécanisme des phénomènes chez l’homme, montrer les rouages des manifestations intellectuelles et sensuelles telles que la physiologie nous les expliquera, sous les influences de l’hérédité et des circonstances ambiantes, puis montrer l’homme vivant dans le milieu social qu’il a produit lui-même, qu’il modifie tous les jours, et au sein duquel il éprouve à son tour une transformation continue. […] J’ai la faiblesse de n’être pas pour les cités de brume et de songe, les peuples de fantôme errant par les brouillards, tout ce que le vent de l’imagination apporte et emporte.
Le fruit défendu a toujours du charme, mais il y avait encore autre chose : sa nature, dès lors, était double : « Les appétits de l’esprit ne se faisaient pas moins sentir en lui que ceux de l’imagination et des sens. » Il sortit des Pages avec un brevet d’officier.
Quand M. de Chateaubriand, bien autrement artiste que madame de Staël, voulait s’enfermer dans l’art pur, il composait son poème des Martyrs, qui ressemble si peu au monde dans lequel il vivait, qui se détache si complètement des affections et des sympathies contemporaines ; véritable épopée alexandrine, brillante, érudite, désintéressée ; hymne auguste né du loisir, de l’imagination, de l’étude, et consacrant un passé accompli ; groupe harmonieux en marbre de Carrare restitué par le plus savant ciseau moderne sur un monument des jours anciens.
Aussi, quand de l’armée arrivèrent les détails de sa mort, quand affluèrent les renseignements des témoins oculaires, Mme de Sévigné, lisant, écoutant tout avec émotion, coordonnant les détails dans son esprit si net, dressant toutes les circonstances dans son imagination si vive, ne fit que décrire à sa fille la vision intérieure qu’elle avait du fait en ses moindres particularités.
Sénèque, qui a de l’esprit et de l’imagination infiniment, lasse pourtant et ennuie souvent, faute de ce mouvement : il tâche d’en donner l’illusion, mais on sent qu’il s’agite et piétine sur place.
Puis, pour remplir l’idée qu’il se faisait de la tragédie, l’essentiel lui fit défaut, la pratique de l’observation psychologique, ou la puissance de l’imagination psychologique.
Il est donc fait en même temps d’imagination sympathique— et de défiance intellectuelle … et ainsi, il peut être la pire chose ou la meilleure : tout dépend du dosage des deux éléments qui le composent, et ce dosage dépend lui-même du tempérament de celui qui le pratique… Je suis persuadé, pour moi, qu’un dilettante sec est un homme qui aurait été plus sec encore s’il n’avait pas été dilettante.
Il faut reconnaître cependant que le tour de la narration de Jean a quelque chose de profondément différent des récits de miracles, éclos de l’imagination populaire, qui remplissent les synoptiques.
« Elle craignait extrêmement la mort, et avait ce sentiment commun avec la princesse Parthénie son amie (madame la marquise de Sablé), qui avait des frayeurs de la mort au-delà de l’imagination.
Les femmes actives et vives de l’Europe, comparées aux belles femelles oisives de l’Asie, frappaient d’ailleurs vivement l’imagination des hommes de l’Iran.
… Il y avait naturellement, en Mme Swetchine, bien avant que le Catholicisme la prît pour lui baptiser le cerveau dans sa nappe de lumière, il y avait dans cette tête, au visage un peu kalmouck, une régularité de raison qui démentait l’angle facial, et dans l’imagination de cette Russe, quelque chose de doux et de savoureusement sage que n’ont pas d’ordinaire ses compatriotes, l’opposé de leurs neiges, dont J. de Maistre nous a dit : « Qu’ils feraient sauter en l’air les citadelles, si on les bâtissait sur leurs désirs !
C’est une imagination distinguée, sans grand éclat, mais d’une jolie lueur, et dans une moyenne qu’elle ne dépasse jamais.
Nous la laisserons telle qu’elle est en toutes les imaginations, dans la grandeur de sa double force, imposante comme la bonté grave, et charmante comme la toute-puissance qui sourit.
« Boileau — a-t-il dit quelque part — était idolâtre des Anciens, et devait l’être, sans doute, par goût et par reconnaissance ; mais il se mêle toujours de la superstition dans tous les cultes, et sa délicatesse en est une preuve. » Fréron, cet inconnu au xixe siècle, était une imagination puissante, réglée par une raison plus puissante encore, et qui comprenait la critique comme Louis XIV le gouvernement.
Obligé, par le sujet même de son livre, de parler d’hommes qui n’eurent jamais nulle part, à l’exception de quatre ou cinq d’entre eux peut-être, ce haut pavé historique qui agit tant et tout d’abord sur l’imagination du lecteur, il n’a pas, selon nous, assez contenu son récit entre ces quelques hommes vraiment dignes du regard de l’histoire, et il est tombé dans les infiniment petits d’une longue suite de biographies.
Ce héros de bal masqué, tué en plein bal masqué, par une de ces permissions providentielles qui semblent l’ironie du sort et parachèvent toute une destinée, ressemblait beaucoup à ces masques qui figurent deux personnes à la fois et réunissent, dans une opposition piquante, par exemple le profil d’un bel officier, à l’étincelant uniforme et au mâle visage, et le profil d’une femme en tous ses atours, pleine de langueur ou de coquetterie… Tel il fut dans sa vie, tel il apparaît dans l’histoire, cet homme plus étrange que grand à coup sûr, mais qui prend l’imagination par son étrangeté même !
Il était, comme le portrait de ce livre l’atteste, jeune et beau, — d’une beauté presque féminine, et quoiqu’il soit mort vieux, avec des cheveux blancs, souillés et ensanglantés comme ceux de Priam, l’Imagination s’obstine à ne voir sa tête que jeune et charmante, telle qu’elle était du temps de cette Reine à laquelle il s’était dévoué, et comme si un dévouement pareil au sien ne pouvait appartenir qu’à l’enthousiasme de la jeunesse !
Vauvenargues est un esprit distingué, réfléchi, délicat, plus élevé certainement que les hommes de son temps, parce qu’il vécut à l’écart d’eux ; mais entre ces qualités et celles que lui donnait Voltaire, il y avait l’imagination et le caprice de cet esprit de vif-argent et de feu grégeois.
Mais Southey, l’épique de beauté menteuse, l’épique de vignette à la tête de ses Œuvres complètes, n’avait ni l’imagination assez grande, ni l’œil assez perçant pour être l’historien de Nelson.
Mais Southey, l’épique de beauté menteuse, l’épique de vignette à la tête de ses Œuvres complètes, n’avait ni l’imagination assez grande, ni l’œil assez perçant pour être l’historien de Nelson.
Vauvenargues est un esprit distingué, réfléchi, délicat, plus élevé certainement que les hommes de son temps, parce qu’il vécut à l’écart d’eux, mais entre ces qualités et celles que lui donnait Voltaire, il y avait l’imagination et le caprice de cet esprit de vif-argent et de feu grégeois.
Comme on voit tout ce que l’on veut dans les livres qu’on aime, l’imagination de ceux qui sont épris de l’Imitation y a mis aussi de la tendresse, mais il n’y en a pas plus que dans tous les livres d’oraison, et même il y en a beaucoup moins.
pas là une tête philosophique d’un ordre fécond et redoutable, mais c’est une imagination et une sensibilité extraordinaires, que le désespoir de mourir exalte jusqu’à la folie, mais à la plus éloquemment navrante des folies !
Catulle Mendès est certainement un des plus forts en imagination et en audace.
Or, précisément c’est ce que j’ai fait, moi, avec toute la conscience dont je suis capable, et, en fait d’aventures et d’événements créés par une imagination souveraine, voici exactement ce que j’ai trouvé : Écoutez : Le baron de Sigognac est le dernier descendant mâle de l’antique famille de ce nom, tombée du haut d’une splendeur historique dont les rayons remontaient aux croisades, dans une de ces ruines si profondes, qu’on peut les nommer une splendide pauvreté.
Paul Adam pour y exercer ses dons d’analyse, son imagination et sa verve. […] Les métaphores y sont d’une imagination brillante, un peu orientale. […] Il se console des trahisons présentes, en invoquant les grandes dames fabuleuses qui passent, richement parées, dans les parages de son imagination : Pour couronner ta tête, je voudrais Des fleurs que personne ne nomma jamais, Lavande, marjolaine, hélianthème Et la rose que le luth vanta, Et le lis sans tache que Perdita Souhaitait pour le prince de Bohême ; L’œillet, la primevère, les iris Et tous les trésors de Chloris : Gerbe serait pauvre et défaite Pour couronner sa tête. […] Il ne considérait plus la poésie comme une créature vivante, comme un paysage transverbé, comme un état d’âme réalisé, mais plutôt comme une sorte d’intermédiaire entre le poète et le lecteur, comme je ne sais quel canevas où ce dernier pouvait reconstruire et figurer les formes mêmes de son imagination personnelle. […] Tous ceux qui étaient pourris d’artisterie, qui étaient malades de littérature se sont complu, un instant, à la fréquentation de cette imagination byzantine et tourmentée ; ils ont pu goûter dans sa compagnie les plus anodines débauches de volupté cérébrale ; la jeunesse, aujourd’hui, s’est heureusement réveillée.
Sainte-Beuve a mis son imagination au service de sa foi, qu’il a brisé son vieux moule à idées profanes ; en un mot, que voulant changer son siècle, il a commencé par changer son style. […] Sa jeunesse s’exalte et se consume dans cette vie austère et monotone ; son imagination, « déjà fantasque et pervertie », rêve un bonheur qu’il ne trouve pas dans cet obscur manoir, sous l’œil du grand-père, dans ces effusions chastes et contenues d’une tendresse virginale. […] Je me suis souvent demandé, en lisant ces curieuses lettres, d’où pouvait naître cet incontestable ascendant qu’exercent les Européens sur les indigènes de l’Asie, ascendant tel que la politique bien entendue des gouvernements de ce pays consiste surtout à nous en défendre la frontière ; et j’ai pensé qu’on pouvait l’expliquer par une cause toute générale, la supériorité du bon sens sur l’imagination. […] Son bon sens triomphe précisément par le côté qui frappe l’imagination des Asiatiques, par sa fermeté, par sa soudaineté, par sa justesse. […] Ce livre est une fantasmagorie brillante, la merveilleuse fantaisie d’une imagination fertile en expédients ; mais c’est l’histoire creuse et stérile d’une abstraction ; il n’y a pas la de ces passions vraies, comme l’auteur d’Indiana excellait à les peindre autrefois, point de ces tableaux d’une vérité frappante, point de ces caractères d’un naturel exquis, point de ces figures si naïves et si franches qui ont assuré un succès si durable à ses premiers ouvrages.
Plus la physique avance, plus elle efface d’ailleurs l’individualité des corps et même des particules en lesquelles l’imagination scientifique commençait par les décomposer ; corps et corpuscules tendent à se fondre dans une interaction universelle. […] Il le retrouve dans les choses, mais il l’eût obtenu sans elles s’il eût eu l’imagination assez puissante pour pousser jusqu’au bout l’inversion de son mouvement naturel. […] De fait, quand je dis que mon eau placée sur mon réchaud va bouillir aujourd’hui comme elle faisait hier, et que cela est d’une absolue nécessité je sens confusément que mon imagination transporte le réchaud d’aujourd’hui sur celui d’hier, la casserole sur la casserole, l’eau sur l’eau, la durée qui s’écoule sur la durée qui s’écoule, et que le reste paraît dès lors devoir coïncider aussi, par la même raison qui fait que les troisièmes côtés de deux triangles qu’on superpose coïncident si les deux premiers coïncident déjà ensemble. Mais mon imagination ne procède ainsi que parce qu’elle ferme les yeux sur deux points essentiels. […] Cette hypothèse est théoriquement concevable, comme on l’a montré avec précision dans ces derniers temps ; mais, d’après les calculs de Boltzmann, elle est d’une improbabilité mathématique qui passe toute imagination et qui équivaut, pratiquement, à l’impossibilité absolue 88.
— Tel est ce double rêve, plus fou et plus audacieux, à sa manière, que les imaginations les plus effrénées des poètes lyriques. […] Il est, en outre, fort intelligent ; il a lu des livres, il s’exprime à merveille, il a une imagination et une langue de poète. […] Elle était à mes yeux comme une autre sainte Vierge plus proche de moi, plus agissante, plus intelligible, plus « amusante » enfin pour mon imagination enfantine. […] Mais elle a certainement enrichi et approvisionné pour quelques années l’imagination et la blague parisiennes. […] et quel débordement d’imagination !
Paul Bourget a une qualité d’esprit fort rare chez les écrivains voués aux œuvres d’imagination. […] Ce vieil homme jaune n’avait point d’imagination, partant point de philosophie. […] Et puis il a l’enthousiasme, l’imagination. […] Joséphin Péladan, dans ses haines comme dans ses amours, est la victime de son imagination artiste. […] Ces liseurs en plein air doivent avoir beaucoup d’imagination.
Nous avons appris un art qu’ils ignoraient ou du moins qu’ils ne pratiquaient guère : l’art de vivre dans le lointain des temps, et, par la sympathie de l’imagination, de nous faire les contemporains des civilisations disparues ; art dangereux, qui mène promptement à l’indifférence critique, au scepticisme moral ; art mortel aux convictions fortes ; art d’ailleurs et heureusement difficile, légitime toutefois dans une certaine mesure, puisqu’enfin nous lui devons quelques-unes des plus belles œuvres de ce siècle. […] C’était le triomphe de Victor Cousin que de s’abandonner de la sorte à l’impétuosité naturelle de son imagination et que d’anticiper ainsi, par une fougue d’éloquence, sur les conclusions que de plus scrupuleux, comme Sainte-Beuve, tenaient toujours en suspens. […] Lorsque vous peignez des héros… vous n’avez qu’à suivre les traits d’une imagination qui se donne l’essor… ; mais, lorsque vous peignez des hommes, il faut peindre d’après nature. » L’allusion à Corneille était là transparente, et nul alors ne s’y trompait. […] Il semble que ce soit avant tout la nouveauté d’une situation qui le frappe, une ou deux scènes à faire qui s’emparent de son imagination tyranniquement, qui la dominent, qui l’obsèdent et qui, devenues ainsi le point du drame où tout doit aboutir, vont distribuer, régler, gouverner l’économie de la pièce tout entière. […] Et tous ceux qui, sur la foi de quelque vague pressentiment ou de quelque violent appétit de jouissances, se croiront promis à quelque haute destinée, s’ils ont plus d’amour du pouvoir que de chaleur d’imagination, iront demander la gloire aux œuvres de la politique ; ou la moissonner sur les champs de bataille de la République et de l’Empire, s’ils ont moins de froide ambition calculatrice que de chaleur de cœur.
Quant à écrire de pareille encre et à colorer avec l’imagination, il ne l’aurait pas su ; mais il y a deux rôles : on a trop supprimé, dans ces derniers temps, le second.
Si, dans l’enivrement de l’âge et du patriotisme, leur imagination s’exagéra les périls et se méprit sur les remèdes, le temps et l’expérience auraient fini par tempérer cette fougue généreuse, et la Révolution eût conservé en eux des vertus civiques d’autant plus utiles qu’elles allaient devenir plus rares, et qu’on touchait à une époque de tiédeur et de corruption.
Il a tenu les hommes séparés, il les a empêchés de se concerter, il a si bien fait, qu’ils ne se connaissent plus, que chaque classe ignore l’autre classe, que chacune se fait de l’autre un portrait chimérique, chacune teignant l’autre des couleurs de son imagination, l’une composant une idylle, l’autre se forgeant un mélodrame, l’une imaginant les paysans comme des bergers sensibles, l’autre persuadée que les nobles sont d’affreux tyrans. — Par cette méconnaissance mutuelle et par cet isolement séculaire, les Français ont perdu l’habitude, l’art et la faculté d’agir ensemble.
Ce caractère dramatique, cette exacte combinaison de détails rapportés à un but unique, et placés pour produira leur plus grand effet, ce progrès constant de l’action, cette rigoureuse analyse des passions, l’appropriation merveilleuse des discours et des faits, la rapidité du développement, la précision des effets, c’est par là surtout que les Fables de La Fontaine ont réussi : si ces qualités ne sont pas plus précieuses en elles-mêmes et plus essentielles que l’imagination pittoresque et le sentiment poétique, elles sont du moins plus utiles ; si elles ne font pas l’auteur plus grand, elles contribuent plus à la fortune du livre.
Si, à certains moments, il est triste et découragé jusqu’à songer au suicide (du moins il le dit), c’est par accident et pour des motifs précis : un manque d’argent, un espoir déçu ; mais ce n’est point par l’effet d’une mélancolie générale ; d’une lassitude de lymphatique ou d’une imagination de névropathe.
Elles aident à laisser après la représentation du théâtre une notion moins concrète, plus de marge et d’imagination.
Il faudrait avoir l’imagination bien malheureuse pour ne pas trouver quelque fade plaisanterie contre un homme qui passe sa vie à déchiffrer de vieux marbres, à deviner des alphabets inconnus, à interpréter et commenter des textes qui, aux yeux de l’ignorance, ne sont que ridicules et absurdes.
L’imagination de ces trois espèces de conjurés, échauffée par la vengeance, a du se monter, à l’aide l’un de l’autre, sur le ton poëtique de Rousseau, imiter cet essor prodigieux, ce torrent de poësie dont sa bile étoit susceptible.
Ils leur préféroient, sans hésiter, l’ignorance & la platitude de Marole & de Martignac, les écarts d’imagination de Catrou, les bévues de Saint-Rémi, la froideur de Bellegarde & de Tarteron, la mauvaise grace de Dacier, l’enflure & l’esprit de systême de Sanadon, l’incorrection & le verbiage de l’abbé Bannier.
Si pourtant le sentiment religieux, comme la philosophie spiritualiste l’enseigne, n’est pas une chimère ou une illusion, si Dieu n’est pas une pure fiction de l’imagination, si l’âme humaine va naturellement et nécessairement vers l’infini ; si d’un autre côté le sentiment religieux, comme tous les autres sentiments, ne se nourrit que d’actes, si les actes religieux sont nécessairement des actes sociaux, il faut une religion, même aux philosophes.
L’imagination se forme cette idée sur le chant et sur la musique, convenable à certains personnages, suivant ce qu’on peut sçavoir du caractere de ces personnages à qui le musicien prête des airs de son invention.
On dit et on nous répète partout, que le propre du poète est de peindre, que la poésie est une peinture parlante, et d’après cette définition, il n’y a point au bas de l’Hélicon de barbouilleur qui ne se croie un Raphaël : je demanderai d’abord ce qu’on entend par peindre ; c’est sans doute représenter l’objet à l’imagination, avec la même vivacité que si on l’avait devant les yeux.
Mme Augustus Craven, qui n’a plus dans tous ces livres, écrits à froid, la palpitation de cœur qui lui tient lieu de tout dans le Récit d’une sœur, est, dans la langue, d’une indigence d’imagination véritablement lamentable.
Seule, la femme, forte en orthographe de l’école doctrinaire, pouvait, à propos du mouvement d’imagination généreuse par lequel lord Byron fut emporté vers la Grèce, écrire, sans se déferrer, dans un style d’institutrice anglaise qui a lu Wilberforce, que Byron n’avait ni la foi d’un croisé (merci de me l’apprendre), ni l’ignorante ardeur d’un jeune homme, MAIS le sentiment d’un PHILANTHROPE SAGE et ÉCLAIRÉ !
À ces esprits de vanité insensée, la Vierge Marie, invoquée sous tant de noms magnifiques dans les Litanies, apparaît surtout comme une femme ; et cette femme prend, à ces orgueilleuses d’être femmes, l’imagination et le cœur plus fort même que le Dieu-Homme ; et c’est ainsi que le bas-bleuisme se retrouve dans leur foi religieuse qu’il infecte, et qu’il fait son impertinente poussée jusque dans le ciel !
Il y a l’homme d’esprit, il y a l’homme politique, l’homme politique sceptique quelquefois dans l’histoire où, excepté l’action du caractère et de la main, il y a tant de choses qui pourraient ne pas être et qui sont indifféremment là ou là ; mais, par-dessus ces divers hommes, il y a le peintre de plume, l’écrivain d’imagination et de style, l’anti-Genevois, l’anti-Sismondi !
En effet, puisqu’un écrivain comme Michelet revenait à l’histoire personnelle et à la défroque biographique, puisqu’il abordait un sujet (les femmes) si cher aux imaginations françaises, on pouvait croire, n’est-il pas vrai ?
Elle avait subjugué l’imagination et l’opinion françaises.
Est-ce là de la pauvreté d’imagination, qui abuse d’un trait heureux et ne peint qu’une fois pour toutes ?
Eh bien, c’est là que fut l’erreur de l’imagination et de l’opinion contemporaines !
Dans les autres fragments, au contraire, dans le Voyage en Sicile, la Course au lac d’Onéida, et surtout les Quinze jours au Désert, plusieurs critiques, parmi lesquels on doit ranger Sainte-Beuve, ont annoncé qu’ils avaient découvert et cueilli un Tocqueville nouveau, à l’imagination rosée, dont personne ne pouvait se douter dans le grave publiciste américain.
Excepté dans Beppo, et dans quelques situations risquées de Juan, mais sauvées encore à force d’art (il venait delire les conteurs italiens et le caméléon qui est dans tout poète réfléchit une minute cette couleur), Byron, l’immoral Byron, comme on dit, avait l’imagination la plus chaste, et c’est là aussi un caractère charmant auquel on pense trop peu, de ce génie sans égal.
Cousin, par exemple, en 1640, et à le métamorphoser en abbé, en théologien et en successeur de Bossuet, — espèce de truc à l’aide duquel il est facile de rencontrer des analogies d’imagination assez drôlettes, — nous dirions, nous, que M.
Trouvant, comme médecin, le mot d’Hyppel d’une vérité pleine de justesse : « L’imagination est le poumon de l’âme », il avait développé sa poitrine morale et ne craignait plus les courants d’air !
Il a une imagination aux grâces un peu pâles, mais touchantes.
D’éducation incorrigible, d’impression première plus forte que lui, Cousin est écossais, cartésien, leibnitzien, éclectique enfin, mais antiscientifique, n’ayant point de science philosophique mais une littérature philosophique, et c’est la raison pour laquelle il a une peur bleue de Hegel dès qu’il cesse de l’aimer, ce bel esprit philosophique à l’imagination infidèle !
Quelle richesse d’imagination !
Je ne crois point, pour ma part, — moi, l’adversaire de toute académie quand il s’agit d’art ou de littérature, et qui me moque de ces sociétés, affectations organisées, coteries bonnes pour tous les Vadius et les Trissotins de la terre, — je ne crois point que Jules de Gères eût besoin d’un si pauvre stimulant pour revenir à la poésie, pour réveiller la Muse qui dormait au fond de son âme comme la Nuit de Michel-Ange… Quand toutes les sociétés de sonnettistes (s’il y en a plusieurs) auraient manqué à la France, qui ne s’en doute pas, il fût retourné à la poésie, qui est son destin, de par cette imagination que la vie peut blesser, comme les dieux sont blessés dans les batailles d’Homère, mais ne meurent pas de la perte de leur sang immortel… Jules de Gères est, de nature, très au-dessus des petites sociétés littéraires dont il peut avoir la condescendance, mais il n’a aucunement besoin d’elles pour se retrouver un poète, — c’est-à-dire un solitaire, un isolé, une tour seule (il me comprendra, le poète de la Tour seule !).
José-Maria de Heredia58 I Cette Histoire d’une conquête 59 en est une sur l’imagination… Cette antique chronique d’un vieux chroniqueur oublié et à peu près inconnu en France, traduite par la fantaisie éprise d’un écrivain qui a du sang espagnol et conquérant dans les veines et la plus profonde culture de la langue française, ce récit, si différent, par les sentiments et par le ton, du ton et des sentiments de l’histoire moderne, a fait son chemin en deux temps, comme les Dieux d’Homère.
Doué de cette faculté d’analyse que j’ai appelée la moitié du critique, il avait cette imagination à couleur vive qui fait l’écrivain.
Très ressemblant toujours, quoiqu’il ait été fait au milieu de sa vie, ce portrait traduit exactement l’idée que l’Imagination prend d’Alfred de Vigny en lisant ses vers.
Certes, tout cela est assez haut, assez pur, assez lumineux, assez beau pour que l’imagination en tire des effets d’une beauté touchante ou grandiose.
La seule raison d’en douter, c’est qu’en bien des choses ces deux livres se ressemblent, et qu’il est assez rare que l’imagination se prenne deux fois au même miroir.
Avant d’avoir l’imagination catholique, il a la tradition catholique. Son imagination de poète marque cette tradition comme les lignes de peupliers marquent la nappe d’eau souterraine. […] Il prend sa revanche précisément du coté de la tradition, il met en œuvre ce qui a déjà été pensé, senti, digéré, par l’imagination chrétienne. […] L’aventure intime, tragique, la destinée incestueuse de René et d’Amélie, imposait aux imaginations des femmes une figure inspirée et inspiratrice de l’auteur. […] Son christianisme d’imagination et de beauté couronne une sensibilité et confirme une raison chrétiennes, qui avait pris forme et vie après Rousseau.
Il n’y a de gaieté qu’à être actif ; et nous n’avons d’activité que par notre imagination. […] Il considérait le gaz d’éclairage et les locomotives comme des imaginations redoutables et diaboliques. […] Il triomphe de la mort, en imagination ; et, comme son imagination réalise sa volonté de pensée, il ne distingue pas le rêve et la réalité. […] Ensuite, le conteur a toujours emprunté aux vieux livres le départ de ses imaginations. […] Avec une imagination prodigieuse, il eut le cœur médiocre, l’âme petite et vulgaire.
Les œuvres d’imagination pure, les romans d’aventure, bien que d’un art inférieur, relèveront également de cette école. […] Les lecteurs verront que le roman fait place à la réalité, et qu’il ne suffit pas de l’imagination seule pour écrire les pages suivantes, qui sont un véritable chef-d’œuvre d’expression et de vérité. […] Mon imagination n’était pourtant pas précoce ; j’avais la candeur d’une tourterelle privée, et cependant je ne pouvais regarder ce portrait sans rougir. […] L’imagination fait des rapprochements étranges. […] Le comte Léopold laissa-t-il échapper ce secret de son cœur, ou cette combinaison si naturelle et si convenable saisit-elle d’elle-même l’imagination des deux familles ?
Les tableaux, un peu allongés et distendus, qui s’étalent dans la faconde de l’historien, se réduisent, dans l’imagination du poète, à de vigoureux raccourcis. […] L’imagination du poète s’éveille. […] Le style de Gyp ressemble à ces corsages-blouses, dont la soie molle indique aux yeux un libre dessin et laisse à l’imagination une agréable liberté. […] Nous avons l’imagination vive, et, pour nous, le Devoir tout nu a une triste figure. […] Vous nous racontiez parfois quelqu’une de leurs merveilleuses aventures, et l’impression de grandeur héroïque qu’en recevait notre imagination ne s’est point effacée.
Comment les livres de Mémoires et de Souvenirs n’enchanteraient-ils pas l’imagination des hommes ? […] « Eh oui, disait-il, je n’ai pas d’imagination. […] Les deux poèmes l’Imagination et la Conversation rapportèrent à Delille 12 000 francs. […] Beaucoup sont apocryphes et font honneur à l’imagination des journalistes. […] Je l’ai supplié cent fois de mettre en valeur par l’effort et la retouche les qualités d’imagination et de verve que lui avait prodiguées la Nature
Cette idée de sauver la vie à son fils par la cérémonie du mariage, et de rendre ce qu’elle doit a son époux, en prévenant sa consommation par la mort, n’est peut-être pas un arrangement bien raisonnable ; mais ce roman de la vertu élève l’âme et flatte l’imagination ; il rappelle ce trait d’un Espagnol dont parle La Fontaine, qui brûla sa maison pour embrasser sa dame : Il est bien d’une âme espagnole, Et plus grande encore que folle. […] L’écrivain qui a de la chaleur, de l’imagination et du goût, éprouve une répugnance et une horreur naturelle pour ce travail ingrat et pénible, pour cette érudition qui ne suppose d’autre talent que celui de savoir lire. […] Peut-être l’auteur a-t-il bien fait de terminer la pièce par un récit gai, pour conserver le coloris et l’esprit du genre : l’imagination peut rire des effets de ce retour, elle n’en rirait point si l’œil le voyait. […] Si La Fontaine a bien plus d’esprit et d’imagination, s’il est plus poète, Boursault a un style mieux accommodé à la scène, plus propre à l’instruction particulière qu’Ésope tire sur-le-champ de sa fable. […] Ce qu’il y a de meilleur et de plus vrai dans la pièce de Hauteroche, c’est cet amour du jeune homme pour une inconnue qui, avant d’avoir frappé ses yeux, a déjà séduit son imagination.
Je passai, avec lui et grâce à lui, tout un été dans ce même ravissement d’imagination. […] Son seul malheur est de n’avoir pas encore trouvé ou inventé, comme Balzac ou madame Sand, un de ces vastes sujets humains où l’écrivain, réunissant à un centre commun tous les fils de son imagination, compose un tableau qui saisit tout l’homme, au lieu de faire des portraits à bordures trop étroites. […] On ne sent nulle part chez lui les bornes de son imagination. […] — C’est un poète, un poète dont l’imagination nous emporte dans les régions idéales, et maintenant on ne s’applique qu’à peindre les réalités de la vie vulgaire. […] Dans la solitude, en de telles nuits, l’imagination parcourt rapidement de vastes espaces.
Mais si la loi physique tend à revêtir pour notre imagination la forme d’un commandement quand elle atteint une certaine généralité, réciproquement un impératif qui s’adresse à tout le monde se présente un peu à nous comme une loi de la nature. […] L’habitude, servie par l’intelligence et l’imagination, introduit parmi eux une discipline qui imite de loin, par la solidarité qu’elle établit entre les individualités distinctes, l’unité d’un organisme aux cellules anastomosées. […] Mais il ne le pourrait pas, même s’il le voulait, parce que sa mémoire et son imagination vivent de ce que la société a mis en elles, parce que l’âme de la société est immanente au langage qu’il parle, et que, même si personne n’est là, même s’il ne fait que penser, il se parle encore à lui-même. […] Mais ce pouvait aussi bien être un homme que nous n’avions jamais rencontré, dont on nous avait simplement raconté la vie, et au jugement duquel nous soumettions alors en imagination notre conduite, redoutant de lui un blâme, fiers de son approbation. […] Leur exemple a fini par entraîner les autres, au moins en imagination.
C’était pour mon imagination un ancien vœu réalisé. […] Tous deux bienveillants d’imagination et optimistes par nature, tous deux larges, faciles de talent, également alors ennemis de l’affectation, et tout au plus négligés, ils n’étaient pas, au milieu de leurs nombreuses différences, sans quelque rapport d’inclination et de manière. […] Et puis l’idée du grand homme s’ajoute aussitôt à son expression simple, l’imagination du lecteur fait le reste, et l’œil ébloui met le rayon.
L’historien dont la vive imagination a ressuscité sur les lieux ces deux armées n’est plus historien ; il est combattant, soldat, général, peintre de bataille. […] Le sujet emporte l’écrivain, si ennemi de la vaine imagination, jusqu’à la poésie. […] Arrêtons-nous ici, et voyons si l’écrivain aura la constance de conduire son héros jusqu’à Waterloo, où il tombe enfin dans le sang de ses derniers compagnons d’armes pour ne plus se relever que dans l’imagination sans mémoire des peuples.
Magnin, qu’il avait peut-être fallu un peu enhardir et pousser d’abord, demeura ensuite fidèle aux impressions de cette forme de drame où l’imagination et la fantaisie jouaient un si grand rôle et s’accordaient plus d’exagérations en tous sens que la fibre française, hélas ! […] A défaut du grand et du beau, on assiste par lui à la naissance, au progrès lent, à la formation successive d’une branche des plus remarquables de la production et de l’imagination humaines.
Les malins ou les indifférents ont pu prendre ensuite ces jeux d’imagination au pied de la lettre. […] Quoi qu’il en soit, ce silence des dernières années, qui ne laisse arriver d’elle à nous, dans toute cette existence poétique, qu’un accent de passion émue et un cri d’amante, sied bien à la muse d’une femme, et l’imagination peut rêver le reste.
Son tort, si nous osons percer au dedans, est, selon nous, d’avoir trop combattu le génie actif qui s’y mêlait à l’origine, d’avoir effacé l’imagination platonique qui prêtait sa couleur aux objets et baignait à son gré les horizons. […] C’étaient souvent des saillies d’imagination philosophique, non pas sur un tel point spécial et borné, mais sur l’ensemble des choses et leur harmonie, sur la destinée future, le rôle des planètes dans l’ascension des âmes, et l’espérance de rejoindre en ces Élysées supérieurs les devanciers illustres qu’on aura le plus aimés, Platon ou Montaigne.
Mon imagination revenait s’abattre, aux approches de l’hiver, sur les tourelles natales et sur les prairies argentées de leur premier givre, à Saint-Point. […] La morale a tout à y recueillir, l’imagination n’a rien à y colorier ; les passions humaines, cette âme de l’épopée, en sont exclues ; les prédications d’un homme né dans la cabane d’un artisan et suivi de village en village par douze pauvres pêcheurs de Galilée ne sont un poème que pour les philosophes qui étudient à loisir la semence et la germination des vérités divines.
Les poèmes de Boissier échappent à cette critique générale parce qu’ils sont surtout œuvres d’imagination et de rêve. […] Il m’est pourtant impossible de passer sous silence l’autre grand mérite d’Émile Boissier : il est poète par la musique autant que par l’imagination.
L’Imagination, à ces murs dévastés, Rend leur encens, leur culte et leurs solennités, À travers tout un siècle écoute les cantiques Que la Religion chantoit sous ces portiques. […] L’Imagination de ses rapides ailes Embrasse de ces monts les neiges éternelles, Et les peuple bientôt de mille souvenirs.
[NdA] Quelqu’un, à moi de bien connu, qui fut un moment compagnon de Musset dans cette vie d’imagination et d’effréné désir, a osé encore écrire une pensée que je surprends et que je dérobe, une pensée qui exprime à souhait, et plus qu’à souhait, cette forme de déréglement et de fureur passionnée si chère à la génération dite des enfants du siècle : « Je me fais quelquefois un rêve d’Élysée ; chacun de nous va rejoindre son groupe chéri auquel il se rattache et retrouver ceux à qui il ressemble : mon groupe, à moi, je l’ai dit ailleurs, mon groupe secret est celui des adultères (moechi), de ceux qui sont tristes comme Abbadona, mystérieux et rêveurs jusqu’au sein du plaisir et pâles à jamais sous une volupté attendrie. — Musset, au contraire, a eu de bonne heure pour idéal l’orgie, la bacchanale éclatante et sacrée ; son groupe est celui de la duchesse de Berry (fille du Régent), et de cette petite Aristion de l’Anthologie qui dansait si bien et qui vidait trois coupes de suite, le front tout chargé de couronnes : “κώμοι και μανίαι, μέγα χαίρετε…” (Anthol. palat.
Il ne se parle point, il ne s’écoute guère, il ne s’interroge jamais, à moins que ce en soit pour savoir si la partie extérieure de son âme, je veux dire son goût et son imagination, sont contents, si sa pensée est arrondie, si ses phrases sont bien sonnantes, si ses images sont bien peintes, etc., observant peu si tout cela est bon ; c’est le moindre de ses soucis.
Les imaginations de ces vaillants hommes s’étaient rembrunies.
Ainsi, pour exprimer que trop souvent la pauvreté ôte à l’homme le sentiment de fierté et de dignité personnelle, Franklin disait : « Il est difficile à un sac vide de se tenir debout ; » ainsi, dans le Bonhomme Richard :« Un laboureur sur ses pieds est plus haut qu’un gentilhomme à genoux. » Comme Franklin, dont jeune il apprenait le métier à Péronne, dont plus vieux il renouvelle l’ermitage à Passy, Béranger a l’imagination du bon sens. — Un art ingénieux et délicat règne insensiblement dans la distribution du recueil, dans l’ordonnance et le mélange des matières, dans ces petits couplets personnels jetés comme des sonnets entre des pièces d’un autre ton, et surtout dans ce soin scrupuleux de faire revenir tous les noms des amis et anciens bienfaiteurs comme on ramène les noms des héros au dernier chant d’un poëme.
La seconde jeunesse me semble donc une saison très-convenable à ce genre de composition, animée qu’elle est et chaude encore, se teignant de teintes plus larges et plus changeantes au soleil de l’imagination à mesure qu’il décline au couchant, nourrie de souvenirs, se développant volontiers, reposée sans être appesantie, capable de tout comprendre.
Remarquons toutefois qu’au xive siècle, du temps de Pétrarque et de Boccace, à cette époque de grande et sérieuse renaissance, lorsqu’il s’agissait tout ensemble de retrouver l’antiquité et de fonder le moderne avenir littéraire, le but des rapprochements était haut, varié, le moyen indispensable, et le résultat heureux, tandis qu’au xvie siècle il n’était plus question que d’une flatteuse récréation du cœur et de l’esprit, propice sans doute encore au développement de certaines imaginations tendres et malades, comme celle du Tasse, mais touchant déjà de bien près aux abus des académies pédantes, à la corruption des Guarini et des Marini.
Manzoni le savait bien, lorsqu’il rappelait ce mot à Fauriel : « L’imagination, quand elle s’applique aux idées morales, se fortifie et redouble d’énergie avec l’âge au lieu de se refroidir. » Racine, après des années de silence, en sort un jour pour écrire Athalie.
Ce pauvre Louvet, à qui sir Walter Scott en veut tant, et dont l’imagination romanesque voyait aussi partout complots, machinations, arrière-pensées, arrangeait beaucoup plus habilement les choses, et mettait plus d’art à combiner son rêve.
« Ces phénomènes sont donc exactement pour lui dans la même condition que les phénomènes de la nature extérieure. » — Voilà cependant où leur logique les mène, et ils appellent cela faire de la science, et ne pas faire de l’imagination.
Mais, d’autre part, il y a dans les imaginations frappées, qui épousent éperdument un système, quelque chose d’impatient, de superbe, qui rudoie l’impartialité et la jette, bon gré mal gré, hors des gonds.
Et cependant il y a de tels hasards dans les talents, il y a de tels ressorts dans ces imaginations de poëtes, que j’aurais aimé, chez l’éminent critique, à trouver, au milieu des sévérités que j’embrasse, un mot d’exception en faveur de quelques passages du IXe livre, et notamment des discours de Labiénus et de Caton, quand il s’agit de consulter ou de ne pas consulter l’oracle de Jupiter Ammon sur l’issue des choses, sur les destinées de César et de la patrie.
Nulle idée d’une beauté noble, d’une forme pure et élégante ne vient réprimer l’instinct tout réaliste de son imagination.
La piété de son imagination grandissait dans la même mesure que l’impiété de sa pensée.
Les satisfactions qui lui sont données par l’état social actuel ne viendraient même pas à son imagination.
Quelque variée que soit l’imagination de l’homme, la nature est mille fois plus riche encore.
L’imagination des disciples s’exerça beaucoup sur ce séjour.
L’histoire de l’esprit humain est pleine de synchronismes étranges, qui font que, sans avoir communiqué entre elles, des fractions fort éloignées de l’espèce humaine arrivent en même temps à des idées et à des imaginations presque identiques.
Il souffrait et il triomphait avec ces phénomènes visibles que son imagination recouvrait d’une figure idéale.
Le cœur de l’homme a plus gagné dans ce travail que son imagination n’a perdu ; Grégoire de Nazianze en est la preuve.
Là arrivent, tous les soirs, — car la bière vient du Grand Balcon, et la femme a le don capiteux de produire autour d’elle une certaine excitation de l’esprit et de mettre les imaginations en verve, — là arrivent le peintre Hafner, le plus bredouilleur des Alsaciens ; Valentin, le dessinateur de L’Illustration ; Deshayes, le petit maître aux tonalités grises, et le blond coloriste Voillemot, avec sa tignasse d’Apollon roussi, et Galetti, et le tout jeune Servin, et d’autres, et d’autres, et c’est toute la soirée un tapage et une débauche de paroles, que de temps en temps, solennellement, le maître de la maison réprime par un « Où te crois-tu !
Il faudrait pour cette critique-là une grande imagination et une grande bonté, je veux dire une faculté d’enthousiasme toujours prête, et puis du goût, qualité rare, même dans les meilleurs, si bien qu’on n’en parle plus du tout39. » Flaubert a ici marqué excellemment les qualités des vrais critiques.
La requête présentée par le docteur Akakia à l’université de Léipsig, le décret donné par cette même université, la lettre d’un lapon Malouin, au secrétaire de l’académie, respirent encore une imagination enjouée & supérieure à toutes les maladies, à toutes les disgraces, à tous les événements de la vie.
On lui répondit que la déclamation tragique, quoique chargée, ne détruisoit point l’illusion nécessaire au spectacle ; que l’imagination des spectateurs se prêtoit à ce langage comme à la mesure, à la rime & au chant de nos opéra ; que cette supposition, une fois admise, est une source de plaisir, pourvu que l’auteur ne la pousse pas trop loin, & qu’en conservant « la sublimité du ton de la tragédie, il suive, autant qu’il est possible, la nature, & ne fasse que l’élever sans la guinder, l’aggrandir sans l’enfler, l’ennoblir sans la détruire ».
La municipalité de Poitiers avait espéré qu’en plaçant… — C’est bien : j’y songerai, dit l’Empereur, qui n’avait cependant pas un faible pour les gens d’imagination.
De sa tête active et féconde, jaillissaient les idées de liberté, revêtues de formes piquantes ; jamais il ne dit plus de ces mots qui frappent l’imagination et qui restent dans la mémoire.
Protestante de naissance, comme on sait, mais catholique d’âme et d’imagination comme les femmes bien faites, comme cet autre talent-femme, Mme de Gasparin, égarée dans le protestantisme et digne d’être de la religion de sainte Thérèse par son amour de Jésus-Christ, Mme de Staël a senti de plus en plus monter sur les ruines d’une vie si vite écroulée, la flamme d’or du sentiment religieux !
Lamennais, dans lequel l’imagination de la femme qui le peignait allumait, sur les débris des croyances qui l’avaient fait si grand, la passion impie, qui arrache les âmes à leur Dieu !
Il ne s’agit point de ses mœurs, à cette demoiselle ; elles sont excellentes… Seulement, par le fait des bonds, sauts et ressauts du roman, il se rencontre qu’elle est accusée d’avoir tué un enfant qui n’est pas lie sien, et qu’elle n’a pas tué, et qu’elle aime mieux se faire pendre que de révéler le meurtrier, lequel n’est pas son amant, À coup sûr, c’est là un acte de vertu et de vertu désintéressée, quoique ce ne soit pas celle-là à laquelle l’imagination s’attendait.
Même dans Une faiblesse de Minerve, le plus récent de ses livres, qui, du moins, témoigne de plus d’attention, d’observation et de repli que ses romans si superficiellement militaires l’intérêt principal du récit qui est l’intérêt du dénouement, repose tout entier sur une méprise encore ; sur la substitution d’une personne à une autre, espèce de tour de passe-passe, manqué dans l’imagination du lecteur, par la manière dont on le raconte.
Enfin, ces fragments d’une œuvre militaire à travers lesquels l’imagination perçoit un beau livre complet en puissance, sont signés du plus beau nom militaire qu’un homme puisse porter et que la Providence ait pu écrire, comme l’ordre de sa vocation et de sa destinée, sur le front et le cimier d’un soldat !
Montesquieu, tout majestueux président qu’il pensait rester, était d’une époque où l’amour des sens, ce diable déchaîné, secouait les plus graves, et il eut comme les autres ses aventures de boudoir ; mais, de l’imagination, comme les poètes qui aiment, il montra le peu qu’il en avait dans des madrigaux absolument et détestable ment médiocres, et dans ce poème en prose du Temple de Gnide que la marquise du Deffand appelait : « l’Apocalypse de la galanterie », parce que la pauvre diablesse aveugle ne comprenait rien à celui de Saint Jean !
Ernest Hello l’intuitif dans l’histoire (Physionomie de saints), et l’inventeur, l’homme d’imagination dans ses contes (les Contes extraordinaires).
On le bourre de toutes les connaissances positives qui mettent leur plomb sur les ailes fragiles de l’imagination et de la Rêverie, et c’est ainsi qu’on fait de ces jeunes filles les ravissants monstres d’orgueil et d’égoïsme matériel qui, à dix-huit ans, ne voient plus dans l’homme — dans l’homme, qu’on a la bêtise d’aimer en Europe, — autre chose « qu’un fait monnayé dont la valeur est nulle, s’il ne s’agit pas de la mettre en portefeuille (page 65). » Il est vrai que, pour le penseur vigoureux auquel nous avons affaire aujourd’hui, l’Orgueil est la plus haute des vertus, et l’Égoïsme matériel la plus haute des intelligences.
Ou sa présomption de jeune homme n’alla pas jusqu’à vouloir prouver qu’il était capable d’exécuter ce que les autres avaient manqué, ou son imagination fut emportée d’un autre côté, mais toujours est-il que le vide qu’il avait creusé, il ne le remplit pas.
L’imagination l’aurait remplacée.
Notre âge sans foi, corrompu presque autant qu’eux, en proie à une imagination qui est la seule faculté qui lui reste, a été dupe des qualités de ces Princes vicieux et brillants.
Il n’avait pas l’esprit svelte, musical et artiste, de Beaumarchais, mais il en avait la pétulance de répartie, l’attaque vive, le raccourci dans le coup qui le pousse plus avant, et l’imagination dans l’invective qui, comme le voile de pourpre dans les yeux du taureau, fait écumer l’adversaire.
C’est ce ton dandy, c’est ce fumet si particulièrement anglais, qui permet à Walpole de se passer impunément de tout ce qu’il n’a pas ; car, outre la chaleur absente, il n’a ni le mouvement, ni la rondeur, ni l’abandon, ni le flou, ni les grâces relevées ou tombantes, ni les flamboiements d’imagination qu’a, par exemple, le prince de Ligne, qui était un épistolier comme lui, un auteur comme lui, un châtelain comme lui, un jardinier comme lui, et qui eut le génie des lettres, quoiqu’il n’en ait pas écrit autant que lui.
Naturalisme d’abord, scepticisme ensuite, toutes les influences qui sortent, pour l’enfant, des premières impressions littéraires, des premières ivresses de son imagination ravie, M.
Pelletan, lequel, par parenthèse, est bien pittoresque et a le sang bien chaud pour être un métaphysicien, un œil retourné en dedans, comme disait l’abbé Morellet, avec une spirituelle exactitude, pose des lois absolues qu’il tire de tout ce qu’il y a de moins absolu au monde, l’analogie ; l’analogie, cette fille trompeuse de l’imagination, qui a si souvent donné le vertige aux plus fermés observateurs !
Funck Brentano, mais toutes les contradictions, les confusions, les fausses règles, les non-sens des deux sophistes anglais, y sont étalés, percés à jour, déchiquetés, pulvérisés, réduits à rien, et plus l’auteur des Sophistes contemporains accomplit et prolonge ce travail de destruction, qui, sous une autre plume que la sienne, serait ennuyeux, — non par sa faute, à lui, mais par la médiocrité même des sophistes qu’il a devant lui, — plus il rayonne d’esprit et mêle à la raison et à la profondeur une imagination charmante.
Trop péremptoirement opposé à la pensée hégélienne pour ne pas poursuivre et traquer partout cette pensée qui, si elle est quelque chose, n’est que la théorie du néant dans sa laborieuse et ténébreuse vacuité, Caro, pourtant, ne la voit pas seule rayonner dans les systèmes contemporains : « Kant, — dit-il avec une rancune légitime, — a inspiré la première défiance contre la métaphysique, c’est-à-dire contre les croyances qui dépassent les choses d’expérience. » Il n’oublie donc pas Kant, il n’oublie personne, pas même les poètes, pas même Goethe, pas même Heine, le Turlupin de génie, dans cette histoire des influences qui jouent pour l’heure sur la raison et l’imagination du monde.
Limayrac est une imagination vive et nuancée, c’est un esprit de perçant sourire, une plume qui n’appuie pas, comme le diamant qui fend la vitre, et qui, comme ce diamant qui coupe, étincelle ; il promettait donc, par quelques-unes de ses analogies avec Beyle, une notice piquante et profonde sous des airs légers, — la plus jolie manière d’être profond.
Les romans qu’il recherche, en effet, sont aussi gros que lui et doivent être bourrés de ces événements matériels assez faciles à inventer, — qui sont dans la vie comme ils pourraient bien n’y pas être, — mais qui plaisent à cette curiosité badaude qui n’a rien de commun, du reste, avec l’ardente ou délicate curiosité de l’imagination et du cœur.
Dès et par son titre, Xavier Aubryet nous avait annoncé une vengeance qu’il ne nous a pas donnée, et Albéric Second ne nous a rien promis… L’imagination n’a donc pas à lui reprocher de l’avoir trompée.
Quoi qu’il en fut des formes simples de l’hymne primitif, le rhythme dut varier bientôt et se prêter à tous les mouvements que l’élan de l’imagination, l’émotion du chant, le concert des voix, le tressaillement de la foule qui leur répond, pouvaient imprimer au poëte.
Ils le sont parce qu’ils ont peu d’imagination en dehors de celle que j’ai dite, et point du tout de raison. […] Et cet entraînement de l’imagination, cette exaltation du devoir, n’est-ce pas une forme de l’amour ? […] » N’est-ce pas le « comble » de la couleur locale, et, pour des hommes d’imagination et qui n’ont pas besoin qu’on insiste, qu’y a-t-il de plus dans Pierre Loti ? […] Camille Poucet ne donne point dans ces imaginations singulières et sombres. […] et un peu d’imagination pour se figurer les tableaux qu’ils suggèrent.
À travers tout Platon il y a lieu de prendre garde à l’ironie, au paradoxe gai, aux jeux d’une imagination qui s’amuse. […] Et pour ce qui est de mythologie, moitié dernier éditeur des philosophes mythiques qui l’ont précédé, moitié créateur et inventeur, il en fait une tout entière, il en construit une qui est intégrale, à quoi il ne manque rien et qui est à ravir l’imagination. […] Il était bon ; et celui qui est bon ne saurait éprouver aucune espèce d’envie. » Et ce sont les poètes à imagination sombre qui ont inventé la Némésis. […] Point du tout, parce que le plaisir n’est pas autre chose qu’un rêve, qu’une vision de l’imagination ou, tout au moins, pour ne rien forcer, n’est guère autre chose que cela. […] Il devient ensuite ce qu’il peut dans les imaginations des hommes.
Etait-ce l’imagination qui se refroidissait ? […] On s’est demandé si les héros de Crébillon fils et de Duclos avaient existé quelque autre part ailleurs que dans l’imagination libertine et dépravée de leurs auteurs. […] II Ce n’est point, en effet, une imagination riante que celle de Prévost, mais, au contraire, une imagination presque noire. […] et vous vous rendrez compte où la pente naturelle de son imagination emportait ce fécond romancier. […] Évidemment, son imagination aimait à se figurer de pareils spectacles ; et, avec les traits qu’il trouvait dans les récits des voyageurs, il aimait à former des tableaux de la couleur de ses pensées.
Ma timidité extraordinaire, ma gêne avec les femmes, mes violents désirs, les ardeurs d’imagination dans la première adolescence, puis l’éternelle disproportion entre la vie rêvée et la vie réelle, ma funeste pente à me séparer des goûts, des passions, des habitudes de ceux de mon âge et de mon sexe… Et voilà ! […] Tout cela rendait le voyage du Nord plein d’attrait pour les imaginations berlinoises ou berlinisantes. […] Marc Monnier (Français d’ailleurs de naissance) va s’établir à Paris « plein de verve, de ressort, de gaieté et d’imagination, avec son étoile et son balancier, son goût sûr et sa facilité féconde ». […] … Car il y a désillusion. « Les choses ne sont pas le centième de ce qu’on les rêve, quand on a de l’imagination. […] Toute la dramaturgie sémitique m’est apparue comme une œuvre d’imagination… Il me semble que ce qui me reste de toutes mes études, c’est une nouvelle phénoménologie de l’esprit, l’intuition de l’universelle métamorphose… Toute croyance spéciale est une raideur et une obtusité, mais cette consistance est nécessaire à son heure.
Aussi son imagination et sa curiosité, faute d’alibis et de débouchés contemplatifs, ne peuvent-elles se satisfaire que dans l’action. […] Et comme elles parlent à l’imagination ! […] Oui vraiment, il ne me paraît pas que le roman pur (et en art, comme partout, la pureté seule m’importe) ait à s’en occuper… Le romancier, d’ordinaire, ne fait pas suffisamment crédit à l’imagination du lecteur. » Allons-nous avoir une question du roman pur, après celle de la poésie pure, qui n’a pas fini de faire gémir les presses ? […] Nous ne serions pas fâchés de voir leur figure, ou tout au moins de savoir comment il la voit, ce qui laisserait encore le champ libre à notre imagination.
Dans le silence de la nuit, cela paraissait proche, proche, et, avec l’imagination des heures de peur et de trouble, il me semblait, un moment, que les Prussiens avaient pris le fort qui ne tirait plus, et qu’ils attaquaient le rempart. […] Ces dégoûtants vainqueurs ont embrené la France, avec tant de recherches, d’inventions, d’imaginations dans ce genre, qu’elles méritent vraiment une étude psychologique, sur le goût de ces peuples pour la chose excrémentielle. […] Allons, c’est un effet de mon imagination. […] Alors le travail de l’imagination dans le noir. […] Puis c’est une improvisation charmante de Banville, sur l’imagination de la rime, qu’a au plus haut degré Hugo ; puis c’est la nouvelle donnée par Houssaye, que la Païva s’est mariée avec le comte Henkel, le diadème de l’Impératrice sur la tête.
Il était alors dans toute la fleur de son imagination, il avait cherché son talent dans Œdipe, dans Mariamne, dans Brutus ; il le rencontra dans Zaïre. […] Corneille et Racine occupent l’esprit, nourrissent l’âme, plaisent à la raison ; Voltaire cherche à frapper l’imagination par des prestiges, qui n’éblouissent qu’un moment et ne touchent que par surprise. […] ils se pillent les uns les autres de temps immémorial ; ils reproduisent sous toutes sortes de formes les mêmes fictions ; quelquefois ils puisent dans leur imagination déréglée, et alors ils en tirent des monstres à qui la nouveauté donne beaucoup de vogue. […] Il est donc bon de juger l’auteur autant et plus que l’ouvrage ; et quand l’auteur est reconnu n’employer son esprit, son imagination et ses grâces, que pour saper les fondements de la morale et renverser les principes de l’ordre social, c’est un acte de civisme de ne témoigner qu’une bien faible estime pour cet esprit dont il abuse, pour cette imagination si perfide et ces grâces si dangereuses. […] Mais Fontenelle est simple, jamais bas et trivial ; la familiarité de son style est un négligé galant pour ses idées : c’est ce qui met une grande différence entre lui et Marivaux, qui se plaît à fagoter d’une manière burlesque ses imaginations les plus jolies, et qui habille ses épigrammes en proverbes des halles.
Seulement, il avait en lui la faculté d’en tirer, pour lui-même et pour nous, les conséquences les plus divertissantes et les plus imprévues et de donner à ses imaginations une forme brillamment littéraire. […] Balzac est un grand observateur, mais l’observation n’est chez lui que l’opération préalable, et c’est par l’imagination qu’il la complète. Il le peut, car il possède à un degré unique l’imagination du vrai, en même temps qu’il en a le sens le plus profond. […] Elle tendait à isoler l’art de la morale ou plutôt à lui donner sur elle une telle supériorité qu’elle se soumît à lui pourvu que le poète sût trouver dans le mal, soit par un jeu d’imagination, soit par observation intérieure, des éléments de beauté. […] Poe devait séduire Baudelaire, non seulement par sa qualité d’imagination, mais aussi par ses théories esthétiques, de même que ce qu’avait été la vie de Poe devait paraître à Baudelaire comme un miroir de la sienne.
Je ne sais rien de bête, comme ces aventures écrites avec l’eau sale des bidets, et je pense qu’il faut vraiment avoir du temps de reste et une bien pauvre imagination pour se monter le cerveau avec ces récits de corps de garde ou de maison publique. […] Il est sans pitié pour les imaginations aliénistes du dramaturge à la mode, et les succès de commerce ne lui disent rien qui vaille. […] Et partout est passé un peu de l’esthétique, de la vision et de l’imagination du maître. […] Je crois bien qu’il était — chose rare — arrivé à l’art par la science, car il n’y avait rien, dans le domaine de la pensée, de l’imagination, de l’activité cérébrale, dont il n’eût raisonné les origines, recherché les causes, pesé les analogies. […] Autrefois, l’amour était, dans les œuvres dites « d’imagination », l’exclusif privilège des hautes classes.
Après une longue morte-saison de l’imagination, voici que les cerveaux fermentent et fument comme la bonne terre retournée par la charrue. […] » Elle est attirée, comme malgré elle, vers les scènes effrayantes ; elle a l’imagination tragique. […] On s’accorde à reconnaître que ceux qui suivent la mode ont peu d’imagination : mais ceux qui la font en ont-ils beaucoup davantage ? […] Il me semble que la terrible efficacité de cette vie-là pour tuer le rêve, l’initiative, l’imagination, mériterait d’être indiquée. […] Il n’a eu ni profondeur, ni imagination, ni sensibilité, ni dévouement à sa pensée, ni opinion fixe sur quoi que ce soit.
Cette idée d’une descendance espagnole sourit à son imagination ; elle n’en est pas bien certaine, mais elle tâche de se le persuader, et elle convie son frère à l’aider à y croire : « Je me suis toujours sentie attirée vers l’étude de la langue espagnole, parce que Douai est tout rempli des vestiges de cette nation. — Nous-mêmes, je crois, mon bon frère, nous en sortons du côté de la mère de mon père. […] Il ne serait pourtant pas impossible que toute cette histoire touchante, ressaisie après coup par une imagination de poëte dans une mémoire d’enfant de quatre à cinq ans, eût subi dans l’intervalle quelque chose de la transformation propre aux légendes.
Un singe, un chien a nos passions, notre imagination, nos appétits ; sauf les idées abstraites, nous nous retrouvons en lui tout entiers. […] S’il friponne les gens et leur débite des contes, c’est par naturel, pour son plaisir, par besoin d’imagination, plutôt qu’avec calcul et pour son profit.
Dans Pindare, c’est l’imagination cultivée ; dans David, c’est le cœur humain inculte qui éclate. […] » Théocrite est égalé par ces images ; mais dans Théocrite l’imagination seule est satisfaite.
Le personnage de Sonia ne serait-il que la fantaisie d’une imagination déclamatoire ? […] Ce qui nous plaît, au bout du compte, dans les œuvres septentrionales, c’est l’accent, l’accent nouveau, particulier, d’idées, de sentiments, d’imaginations qui ne nous étaient point inconnus.
Au mot Morale, qu’elles ont pour maximes de s’interdire tous les dehors de l’amour vulgaire, et de rechercher J’estime par la beauté des ouvrages ou des discours ; de se donner aux plaisirs d’imagination, la réalité seule pouvant blesser la morale. […] Au fond, mademoiselle de Scudéry avait de l’esprit, de l’imagination, une âme délicate et noble.
Je chercherais par inclination à m’en faire un ami, mais il n’y a pas moyen, tout le monde court après ; et puis je songe que dans un mois cet homme aujourd’hui si populaire sera entouré de gardes, qu’on ne l’appellera que Votre Majesté : cela m’étourdit l’imagination. […] Voilà une comparaison qui est belle sans contredit7 ; il ne m’aurait pas beaucoup coûté de la filer jusqu’à la fin, mais il faut laisser travailler là-dessus votre imagination.
Ce sont là les véritables portraits dans lesquels une femme se transfigure réellement sur la toile vivante de notre imagination ; portraits dont les couleurs ne noircissent ou ne s’éraillent jamais, parce que la mémoire vit et les renouvelle sans cesse. […] On ne peut faire à cette poésie qu’un reproche, c’est d’avoir respiré un peu trop l’air des salons : l’air des salons est trop artificiel et trop tempéré pour donner à la poésie cette trempe énergique, nécessaire à l’imagination comme au caractère du talent.
La raison humaine est maintenant assez mûre pour que nous entreprenions de laborieuses recherches scientifiques, sans avoir en vue aucun but étranger capable d’agir fortement sur l’imagination, comme celui que se proposaient les astrologues ou les alchimistes. […] Quant à déterminer ce que sont en elles-mêmes cette attraction et cette pesanteur, quelles en sont les causes, ce sont des questions que nous regardons tous comme insolubles, qui ne sont plus du domaine de la philosophie positive, et que nous abandonnons avec raison à l’imagination des théologiens, ou aux subtilités des métaphysiciens.
Ne pourrait-on pas dire qu’ensuite, lorsque les enfants d’un même père se séparèrent, alors ils se partagèrent l’héritage de la langue commune selon le plus ou moins de faculté d’esprit ou d’imagination dont ils avaient été doués ? […] pourquoi ne donnerions-nous pas en même temps, par cette langue, des ailes à l’imagination et au sentiment, des méthodes sévères à la raison, des guides infaillibles à l’intelligence ?
Un jour, l’empereur Napoléon, qui voyait le fond des têtes comme il voyait le fond des cœurs, écrivait en Espagne à son frère Joseph, dont il était mécontent : « Vous avez un défaut terrible qui empêche toute action, toute décision et tout courage, c’est ce genre d’imagination qui, surtout, se fait des tableaux. […] Dans sa Tentation de saint Antoine, il fait partout ce que les enfants font sur les murs, et cela lui est d’autant plus facile que, son mur, c’est l’imagination de saint Antoine, et que sur ce mur-là il peut peindre tout ce qu’il veut : il est dans le rêve, le cauchemar, l’hallucination, la folie !
Ce poète, à travers tous les caprices de son imagination et de sa muse, ne s’est jamais relâché sur de certains points ; il a gardé, au milieu de ses autres licences, la précision du bien faire, et, comme il dit, l’amour du vert laurier.
La raison en est simple : un hasard, une surprise, une catastrophe imprévue suffit pour reporter sur le trône des princes dont le nom parle encore à bien des imaginations qui se tournent naturellement vers eux dans un jour de crise ; mais, pour s’y maintenir, pour faire une juste part entre les intérêts et les principes dont ils sont les représentants et ceux qui se sont créés sans eux ou contre eux, pour se concilier, pour rassurer la masse de la population qui, s’étant momentanément attachée à un autre drapeau, ne peut les voir revenir qu’avec crainte et défiance, il faut un mélange d’intelligence, de sagacité, de fermeté et d’adresse que bien peu d’hommes ont possédé, comme Henri IV, au degré suffisant69.
Je ne parlerai donc pas de vous cette fois, Armand Renaud, auteur des Poëmes de l’amour 25, des Caprices de boudoir 26, et en dernier lieu des Pensées tristes 27, vous qui avez déjà eu trois manières ; qui, après avoir commencé par vous inspirer aux hautes sources étrangères et par moissonner la passion en toute littérature et en tout pays ; — qui, après vous être terriblement risqué ensuite aux ardentes peintures d’une imagination aiguë et raffinée, en êtes venu à vous interroger vous-même plus à fond, à vous sentir, à fouiller en vous, à chanter vos propres chants, à pleurer vos propres larmes.
On sent, en lisant ces paroles unies et en s’approchant de près du personnage, combien il y avait peu, dans la religion toute réelle et pratique de ce temps-là, de cette poésie que nous y avons mise après coup pour accommoder l’idée à notre goût d’aujourd’hui et pour nous reprendre à la croyance par l’imagination.
L’imagination et la sensibilité, quand on les possède, ont vite reconnu leurs traces, et la vraie poétique est trouvée.
Ne cherchez pas ici le profond instinct moral que la froideur du tempérament et l’imagination sérieuse engendrent chez les Germains.
L’imagination développe, multiplie, amplifie les impressions de l’âme et leurs résonances.
Molière a-t-il été en réalité ce que Sganarelle ne fut qu’en imagination ?
Théodore de Banville a, de nature, l’imagination joyeuse.
Non seulement le style, mais l’harmonie, le mouvement, l’imagination lui manquent.
Elles enchantent l’imagination et satisfont le sens critique.
Parfois l’imagination affolée, comme dans la ballade de Zedlitz, croit assister sous les gonflements d’invisibles étendards à une tumultueuse revue de fantômes. » Forain peignait, à ce moment, un plafond commandé par je ne sais plus quelle Altesse.
Si, en effet, on a reconnu dans les écrits d’un homme un style éclatant, riche en comparaisons et en métaphores, une grande fertilité de combinaisons dramatiques, une habileté remarquable à dresser en pied un être vivant ou à brosser un paysage à grands traits, déclarer après cela que cet homme est doué d’une forte imagination, c’est au fond répéter la même chose en d’autres termes.
La plaisanterie devient âcre, mordante, la passion convulsive ; l’outrance fait partout irruption ; et, au milieu de rires éclatants et saccadés, on voit grimacer la mort qui obsède les imaginations, on entend un long gémissement qui monte du fond des âmes et qui révèle la fatigue, la souffrance d’une société anémique et hystérique.
Donnez-lui les associations que les imaginations cultivées joignent à ces sons, et il en sentira infailliblement la beauté56. » III Quand l’idée d’une action émanant de nous (cause) s’associe à l’idée d’un plaisir (effet), il se produit un état d’esprit particulier, caractérisé par la tendance à l’action et qu’on appelle proprement motif.
Les faits de conscience ayant la propriété de durer, de laisser leur trace, et de réapparaître, de là résultent la mémoire et l’imagination.
leurs imaginations ?
Un autre homme éminent, plus grand écrivain et plus puissant penseur que Carrel, apportait alors à la démocratie sa parole enflammée, son imagination amère, ardente, quelquefois si tendre et si douce, ses sombres colères, tout l’éclat de son style ; mais il ne lui apportait pas une pensée.
Alfred Jarry avec Ubu-Roi créait une formidable caricature du bourgeois qui atteignait aux cauchemars rabelaisiens et aux imaginations de Swift.
Avec un peu d’imagination et de fécondité, il s’en présente de si heureuses qu’on ne saurait y renoncer ; qu’arrive-t-il alors ?
Il est peu de cerveaux qui soient assez mal conformez pour ne pas faire un homme d’esprit ou du moins un homme d’imagination sous un certain ciel ; c’est le contraire sous un autre climat.
Quel attrait peuvent avoir pour bien des personnes du nord qui ne burent jamais une goute d’eau pure, et qui ne connoissent que par imagination le plaisir décrit par le poëte, les vers de la cinquiéme églogue de Virgile, qui font une image si pleine d’attrait du plaisir que goûte un homme accablé de fatigue à dormir sur un gazon, et le voïageur brulant de soif à se désalterer avec l’eau d’une source vive.
Enfin les melopées, par rapport à l’intention du compositeur, par rapport à l’effet qu’elles veulent produire, se peuvent diviser en melopée sistaltique, qui est celle qui nous porte à l’affliction ; en diastalstique, qui est celle qui nous égaye l’imagination, et qui nous anime ; et en melopée moïenne, qui est la melopée qui compose une melodie propre à calmer notre esprit en appaisant ses agitations.
L’imagination supplée, continuera-t-on, ce qui nous est caché, et quand nous voïons des yeux ardens de colere, nous croïons voir le reste du visage allumé du feu de cette passion.
L’âge de l’établissement du christianisme fut pour le genre humain l’âge de l’émancipation morale, qui avait succédé à celui de l’empire absolu de l’imagination.
En Amérique où l’homme est tout muscle et tout calcul, l’influence exagérée ou prépondérante de la femme ne peut avoir la même portée que chez un peuple d’imagination et de nerfs.
Jamais, dans ce temps de nerfs, d’imagination et de fièvre, où les livres que nous écrivons portent la marque de tîntes les grimaces de nos esprits, on n’a vu délivre plus calme sur un sujet pourtant qui pourrait incendier tous les cerveaux doués d’une étincelle.
Par le relief et par le mouvement, par la sensation du pittoresque et la flamme de l’imagination, teinte de guerre depuis la jeunesse, le capitaine d’Arpentigny serait un magnifique historien militaire, et nous le croirions dans un milieu plus vrai que celui qu’il s’est choisi s’il nous écrivait quelque grand épisode de l’histoire de cet Empire pour lequel il est si dur et si injuste.
Contre le merveilleux et l’incompréhensible de son histoire, à lui qui vivait il y a les trois jours de trois siècles, à lui le moderne qui touchait à Luther et à qui nous touchons, on ne pouvait opposer l’éloignement des temps et leur poésie ; la légende des religions naissantes, et l’imagination de peuples qui avaient l’imprimerie et qui étaient assez vieux pour tout discuter.
Par un procédé qui tient au genre d’imagination de l’auteur des Hommes et Dieux, il a trouvé dans Goethe des motifs de femme, dont il a fait ses femmes.
Telle est la donnée que Monselet a cru faire accepter à l’Imagination moderne, cette grande dégoûtée, mais, au demeurant, la meilleure fille du monde ; tel est le pivot sur lequel il s’amuse à faire tourner, et quelquefois avec beaucoup de souplesse de grâce, les divers épisodes d’une composition qui est au roman ce que la comédie à tiroirs est à la comédie de caractère.
C’est une imagination réverbérante, mais non féconde.
L’imagination qui en est saisie ne peut se défendre de regretter tant de choses qu’elle a perdues, de la même inspiration et du même temps.
Mais la bonne logique est une qualité que rien ne peut remplacer, et qu’on ne possède pas sans s’apercevoir qu’un homme doué, à mesure égale, de jugement et d’imagination, de véhémence et de finesse, de bel esprit et de sentiment, est un être de raison. […] « Toutes pointes, toutes imaginations qui sentent plus la chaleur d’Afrique ou d’Espagne que la lumière de Grèce ou d’Italie. » Sans doute, il y a dans Sénèque des jeux de mots, des concetti, des pointes qui me blessent autant que Saint-Évremond ; des imaginations ouvertes, dont il faut moins accuser le manque de génie que l’enthousiasme du stoïcisme, et que je voudrais, non supprimer, mais adoucir. […] Que les événements se passent à côté d’eux, ou qu’ils se soient passés il y a deux mille ans, ils y sont également présents ; leur cœur, d’intelligence avec leur imagination, franchit la distance des temps et des lieux. […] Certainement il fait plus pour obtenir le bonheur que pour éviter le malheur : son imagination se montre sans cesse occupée à exagérer l’un, et à diminuer l’autre. […] Et j’ajouterai que, si quelque terme nous manque, s’il peint à l’imagination, s’il plaît à l’oreille, je crois qu’il faut le hasarder.
Peu à peu, il ne sut guère la revoir en imagination. […] Cela lui occupe l’imagination ; mais, plus il a l’esprit en éveil, plus il tolère mal d’être inactif. […] Il pouvait, pour se contenter deux fois, écrire et des livres d’histoire et des livres d’imagination. […] N’est-ce point alors qu’il sentit que l’histoire la plus érudite réclame les secours de l’imagination ? […] La vérité suffit ; voire, elle dépasse vos imaginations.
Il a un grand besoin d’aimer et une crédulité qui le font se jeter à la tête des gens ; et ce premier mouvement de sensibilité confiante est peu à peu suivi de sensibilité défiante ; car il trouve bientôt chacune de ses idoles inférieure à l’idée que son imagination s’en était formée ; ou bien son orgueil craint très vite que l’idole ne lui rende pas son affection ou même ne se moque de lui.) […] Et, si je ne m’abuse, pour obtenir ce ton, il a fallu (Rousseau écrit cela à cinquante-cinq ans) toute une vie de timidité douloureuse dans les choses de l’amour, et de sauvagerie, et de sensibilité et d’imagination d’autant plus excitées ; il a fallu un demi-siècle de maladie, et de désir non contenté — et du génie par là-dessus. […] Et là-dessus je songe : — Voilà donc un des ouvrages les plus fameux du xviiie siècle ; celui qui a définitivement fondé la gloire de Rousseau, et qui, quarante ans après, a peut-être le plus agi (avec le Contrat social) sur la sensibilité et l’imagination des hommes. […] Mais justement ils n’y sont point (et Rousseau a voulu que ce fût leur marque à tous dans ce troisième volume) ; justement ils s’en distinguent avec éclat ; justement, dans leurs souffrances mêmes, ils jouissent de se sentir exceptionnels et d’être follement romanesques, et « tiennent infiniment, partie orgueil, partie raffinement d’imagination, à n’être pas comme les autres » (Faguet). […] Voilà, je crois bien, comment cette histoire s’est formée et développée dans l’imagination de Jean-Jacques, s’est pour ainsi dire nourrie de Jean-Jacques lui-même, presque au jour le jour, et sans un plan bien arrêté d’avance.
La gloire consiste à ébranler si fortement l’imagination, l’esprit, le cœur, la conscience de vos contemporains, qu’ils vous lèguent à leurs descendants comme leur héritage intellectuel. […] Il est continuellement exagéré ; il est continuellement dans l’outrance, c’est-à-dire dans le prolongement, opéré par l’imagination, de la réalité, donc dans une sorte de déformation systématique du réel. […] Il devrait bien, cependant, essayer au moins de s’imaginer qu’il y a plusieurs demeures dans la maison de mon père et que le drame, comme le roman, peut être la réalité fécondée et agrandie par l’imagination. […] La Fontaine de Jouvence, c’est l’Illusion ; d’une façon plus générale, c’est l’Imagination. […] « Un des arguments que l’on fait valoir contre cette hypothèse consiste à affirmer que, depuis Homère et Platon, Virgile et Horace, Corneille et Racine, le cerveau humain dans sa faculté créatrice, l’imagination, semble être restée stationnaire.
Mon extase fit éclore en moi des songes inénarrables qui meublèrent mon imagination, enrichirent ma tendresse et fortifièrent mes facultés pensantes. […] La nature s’était parée comme une femme allant à la rencontre du bien-aimé, mon âme avait pour la première fois entendu sa voix, mes yeux l’avaient admirée aussi féconde, aussi variée que mon imagination me la représentait dans mes rêves de collège dont je vous ai dit quelques mots, inhabiles à vous en expliquer l’influence, car ils ont été comme une Apocalypse où ma vie me fut figurativement prédite : chaque événement heureux ou malheureux s’y rattache par des images bizarres, liens visibles aux yeux de l’âme seulement. […] mon œil déchirait l’étoffe, je revoyais la lentille qui marquait la naissance de la jolie raie par laquelle son dos était partagé, mouche perdue dans du lait, et qui depuis le bal flamboyait toujours le soir dans ces ténèbres où semble ruisseler le sommeil des jeunes gens dont l’imagination est ardente, dont la vie est chaste.
A propos de ce second exemple, Spencer est plus heureux : il remarque que le mot grande, placé au début, éveille les associations d’idées vagues et émouvantes attachées à tout ce qui est grand et majestueux : « L’imagination est donc préparée à revêtir d’attributs nobles ce qui suivra. » A la bonne heure ; mais ce qu’il en faut conclure, c’est que la place du mot dépend de l’effet qu’on veut produire et de l’idée sur laquelle on veut insister. […] La métaphore et même le mythe sont essentiels à la formation du langage ; ils sont la démarche la plus primitive de l’imagination. […] Le chant monotone des officiants, Les réponses du peuple au prêtre, Quelquefois inarticulées, quelquefois tonnantes, L’harmonieux tressaillement des vitraux, L’orgue éclatant comme cent trompettes, Les trois cloches bourdonnant comme des ruches de grosses abeilles, Tout cet orchestre sur lequel bondissait une gamme gigantesque Montant et descendant sans cesse d’une foule à un clocher, Assourdissaient sa mémoire, son imagination, sa douleur.
Certainement, nos feuilletonistes, dont nous faisons fi, ont plus d’imagination et de largeur. […] L’imagination du public suppléait au décor absent. […] Je reconnais là les mêmes imaginations que pour les singes à la broche et le squelette dans le lit. […] Nous sommes en pleine imagination, c’est chose convenue. […] Ici, l’imagination, j’entends le rêve, la fantaisie, ne peut que vous égarer.
Extérieur ou intérieur, il y a donc toujours un objet que mon imagination se représente. […] On entend, disait Descartes, un polygone de mille côtés, quoiqu’on ne le voie pas en imagination : il suffit qu’on se représente clairement la possibilité de le construire. […] Mais on ajoutera que la représentation d’une disparition est celle d’un phénomène qui se produit dans l’espace ou tout au moins dans le temps, qu’elle implique encore, par conséquent, l’évocation d’une image, et qu’il s’agirait précisément ici de s’affranchir de l’imagination pour faire appel à l’entendement pur. […] En vain d’ailleurs on cherche ici, sous le changement, la chose qui change ; c’est toujours provisoirement, et pour satisfaire notre imagination, que nous attachons le mouvement à un mobile. […] L’idée génératrice d’un poème se développe en des milliers d’imaginations, lesquelles se matérialisent en phrases qui se déploient en mots.
Un parfum de poésie anglo-saxonne traverse le livre ; ce goût des littératures étrangères me ramène ainsi à l’enfance de l’auteur, car n’a-t-il pas appris ses lettres en anglais, et Byron, Browning, ne furent-ils point les premiers à exalter son imagination ? […] En vérité, le Diable au corps, il le doit à ses seuls souvenirs et à son imagination personnelle. […] Montfort déclare que le Bal du comte d’Orgel a été écrit par Jean Cocteau, à moins que les œuvres les plus récentes de Cocteau n’aient été composées par Radiguet, voilà qui passe l’imagination. […] L’imagination procède-t-elle ou non de la mémoire ? […] Mais ce qui frappa l’imagination de Rolland quand il vint pour la première fois à Villeneuve, ce fut moins Byron qu’on le pense.
Cet incendie, ces cieux réverbérés, cet horizon de flammes, tout ce que l’imagination attendait de cet incendie des forêts, tout ce que cherche, à voir, près de l’abreuvoir, la foule piétinante dans l’ombre ; rien, rien qu’une ligne qui semble fermer la vue avec un mauvais cordon de réverbères mi-éteints. […] Sur les coteaux d’en face, des apparences presque consistantes de constructions, comme pourrait en bâtir un caprice de l’imagination, et des nuages qui se lignent et s’architecturent presque solidement, à chaque envoi d’obus. […] Il n’y a plus d’imagination en France. […] Le siège prête à l’imagination des filous. […] La crapulerie de la garde nationale dépasse tout ce que l’imagination d’un homme bien élevé peut inventer.
. — Noblesse naturelle de l’imagination de Lamartine. — Ses premiers vers [Cf. sa Correspondance] ; — et leur ressemblance avec ceux de Chênedollé ; — mais surtout de Parny. — L’Elvire des Méditations [Cf. […] Il y faut joindre un volume de Poésies inédites, publié en 1873 ; et d’assez nombreuses poésies de jeunesse, éparses dans le premier volume de sa Correspondance ; 2º Ses Romans : Raphaël, 1849 ; — Geneviève, 1850 ; — Le Tailleur de pierres de Saint-Point, 1851 ; — Graziella, 1852 ; et [quoique d’ailleurs il s’y rencontre beaucoup de vérité mêlée à beaucoup d’imagination]. — Les Confidences, 1849 ; — et Les Nouvelles Confidences, 1851 ; 3º Son Voyage en Orient, 1832-1833 ; 4º Son Histoire des Girondins, 1847 ; — et son Histoire de la Restauration, 1852, etc. […] 3º Ses autres Œuvres, qu’on ne peut appeler ni des « œuvres d’imagination », ni pourtant des « œuvres scientifiques », c’est à savoir : L’Oiseau, 1856 ; — L’Insecte, 1857 ; — L’Amour, 1859 ; La Femme, 1860 ; — La Mer, 1861 ; — La Bible de l’humanité, 1864 ; — La Montagne, 1868, etc. […] 2º L’Écrivain ; — et, avant tout, du triple contraste de la régularité de la production avec le désordre de son existence ; — de sa fraîcheur et de sa légèreté d’imagination avec la violence de quelques-unes de ses « revendications » ; — et du caractère d’impersonnalité de son style avec l’inspiration individualiste de ses premiers romans. […] Dumas fils’]. — L’imagination, le style, et toute intention d’art y font également défaut ; — et on n’y est frappé de rien tant que de l’ignorance prodigieuse de l’auteur ; — si ce n’est de sa suffisance ; — qui sont deux legs de son « grand enfant » et de son « bon garçon de père » [Cf.
Mme de Sévigné elle-même ne semble-t-elle pas se dédoubler dans ses enfants, donnant sa ferme raison à l’une, à Mme de Grignan, sa grâce d’imagination et toute la folle du logis à l’autre, à l’étourdi chevalier ? […] Renée a donc su rendre, par un agréable enchaînement de citations, d’extraits et d’observations rapides, l’existence et le caractère de la comtesse de Soissons, de la duchesse de Mazarin, de la duchesse de Bouillon ; il nous a introduits dans cette compagnie choisie de l’hôtel de Nevers, dans ce mystérieux ménage « qui joignait les grâces de Mortemart61 et l’imagination de Mancini ».
Une telle origine de la société, et de la politique, de la souveraineté des gouvernements, n’est-elle pas le délire de l’imagination ? […] La souveraineté y flotte sans titre, sans base, sans forme, sans organe, comme un de ces nuages dans le vide auquel l’imagination ivre de métaphysique peut donner les formes et les couleurs qui lui conviennent !
Je suis mort d’aujourd’hui au monde, et voici mon tombeau, me dit-il en me montrant sa bibliothèque grecque ; j’y viens vivre avec Homère et Tacite, amis immortels des imaginations sensibles et des âmes fermes, qui nous consolent de survivre aux écroulements du temps ! […] Le premier ministre, M. de Villèle, qui gouvernait alors sagement, mais sans audace, répugnait à cette guerre et se plaisait à temporiser ; M. de Chateaubriand avait pour M. de Villèle le dédain secret des hautes imaginations pour les timides conseils ; il brûlait de la passion d’amener un congrès, bien convaincu que l’éclat de son nom forcerait M. de Villèle à l’y envoyer, et qu’une fois envoyé à Vérone, en apparence sans parti pris, il serait maître des résolutions de l’Europe.
Ma nullité avec les gens du monde dépasse toute imagination. […] Ce n’était ni la belle imagination qui assure une valeur durable à certaines œuvres de Lacordaire et de Montalembert, ni la profonde passion de Lamennais ; l’humanisme, la bonne éducation, étaient ici le but, la fin, le terme de toute chose ; la faveur des gens du monde bien élevés devenait le suprême critérium du bien.
Malgré son imagination, il n’aurait pu deviner cet ignoble luxe de dorures qui cache le spectacle, ce monde de boursiers qui cache les acteurs, et ce monde d’acteurs qui cache l’art. […] Le Journal de Bruxelles : Quel spectacle, depuis que le monde existe, a jamais été offert à l’imagination et à l’âme, qui donne d’aussi fortes et d’aussi nobles émotions que les opéras de Wagner ?
Un nouveau monde s’ouvre devant Bacchus, il entre dans l’Inde, et l’imagination grecque mêlant plus tard l’expédition divinisée d’Alexandre à cette conquête fabuleuse, en composera un cycle éblouissant. […] L’imagination des Inquisiteurs travaille sur lui au rebours des poètes de la Grèce ; elle le défigure et l’enlaidit avec rage.
Celui qu’il peint effraye, ainsi que tout ce qui sort de son imagination brûlante & noire. […] Tout y est dicté par le sentiment & par la vérité même : tout y est embelli par l’imagination la plus agréable.
J’en dirai autant de Ma retraite ; on sent ce qui fait défaut à l’aimable poète : il a plus de sentiment que d’imagination, que d’étude et de science pittoresque, que de style et d’art poétique.
Et montrant de plus, au sujet de la controverse avec Leibnitz, que Bossuet n’était entré, à aucun moment, dans l’esprit même de cet essai de conciliation chrétienne supérieure et avait prolongé, sans paraître s’en douter, un malentendu perpétuel, il se risquait à dire que cela donnait quasi raison à certains critiques délicats « qui trouvent à Bossuet l’imagination d’Homère et point d’esprit ».
On se plaint, et depuis assez de temps, qu’il ne s’élève point dans le champ de l’imagination et de l’invention proprement dite d’œuvre nouvelle, de talent nouveau du premier ordre, qui prenne aussitôt son rang et se fasse reconnaître à des signes éclatants, incontestables ; on ne saurait faire entendre cette plainte dans le monde de l’érudition et de la critique ; elle serait injuste, et l’on aurait à l’instant à vous répondre en vous citant des noms qui se sont produits depuis ces dix ou douze dernières années et qui ont acquis dès leur début une célébrité véritable.
Veyrat est une imagination poétique qui se monte.
Or ce sens de vérité est précisément ce qui, dans tous les genres, dans l’art, dans la littérature d’imagination et, ce qui nous paraît plus grave, dans les jugements publics qu’on en porte, s’est le plus dépravé aujourd’hui.
C’est qu’avec beaucoup d’imagination il est naturellement peu coloriste, et qu’il a besoin, pour arriver à une expression vivante, d’évoquer, comme par un soubresaut galvanique, les êtres de l’ancienne mythologie.
Toutes ces imaginations rentrent les unes dans les autres et finalement se réduisent à peu de chose.
Là, comme ailleurs, la méthode de Diderot consiste à suspendre sa pensée à la pensée d’autrui, en digressions à perte d’haleine ; les tableaux, les statues offrent un débouché de plus au bouillonnement interne de sentimentalité, de réflexion, d’imagination qui fermente en lui.
Grossière imagination !
La vie et la passion de Jésus, contées à sa façon par Blandine, — en un récit naïf, décousu et ardent, tout à fait convenable à la simplicité et à l’imagination passionnée d’une esclave ignorante, — décident instantanément le jeune Ponticus, ce pendant qu’Attale et Æmilia cèdent à la première exhortation de l’évêque Pothin.
Cette imagination des états de l’âme, si exclusivement dominatrice dans cette tête de songeur, est la cause que ces poèmes expriment non pas une âme individuelle et spéciale, mais l’Âme elle-même, la Psyché vagabonde et nostalgique et son dialogue immortel avec Dieu, avec l’Amour, avec la Nature.
Les efforts contradictoires de sa vie — vers la pureté et vers le plaisir — se coalisent en l’effort de sa pensée, quand sonne l’heure de lui donner la forme artistique, avec une intensité qui le met à part de tous les Modernes (à ce point de vue) et qu’il doit sans doute à sa naïve énergie de vivre… N’ayant que ses passions pour matière de son art, plus factice et plus lâche, il n’eût, comme la plupart de nos poètes français, accumulé que des rimes, sans unité d’ensemble : son instinct vital l’a sauvé, l’instinct triomphant qui n’a pas seulement soumis l’intelligence, mais qui, par un miracle, se l’est assimilée, se spiritualisant vers elle, la matérialisant vers lui, réalisant (au sens étymologique du mot) l’idéal, et puis, pour le conquérir, s’ingéniant, sans laisser jamais l’imagination se prendre à d’autres mirages que ceux de la vie elle-même, tels qu’ils sont peints par le hasard, sur le rideau de nos désirs.
Non seulement elle remplissait avec une grâce infinie, avec une grande richesse d’imagination, les rôles de première amoureuse dans la commedia dell’arte ; mais elle était poète.
Sans doute il eût été facile à une imagination plus active et plus exercée d’encadrer le sujet de ce roman dans une fable plus savante et plus vive, de multiplier les incidents, de nouer plus étroitement la tragédie.
Depuis que la nation juive s’était prise avec une sorte de désespoir à réfléchir sur sa destinée, l’imagination du peuple s’était reportée avec beaucoup de complaisance vers les anciens prophètes.
Il associait à son dogme du « royaume de Dieu », tout ce qui échauffait les cœurs et les imaginations.
S’il n’eût été qu’un enthousiaste, égaré par les apocalypses dont se nourrissait l’imagination populaire, il fût resté un sectaire obscur, inférieur à ceux dont il suivait les idées.
Mais après la mort de Jésus, on attacha à cette soirée un sens singulièrement solennel, et l’imagination des croyants y répandit une teinte de suave mysticité.
Je vois donc, de ce moment, l’amour pour le roi s’unir en elle à son autre besoin, celui de la considération : je vois ses deux idoles se confondre en une seule dans son cœur et dans son imagination : je vois ses deux affections dominantes se réduire à une seule passion, celle d’obtenir l’estime du roi et sa confiance.
L’imagination évoque cette marche funèbre : elle voit défiler en deux rangs, sur le rythme d’un long chant plaintif, cette procession de femmes sépulcrales, drapées de robes noires en lambeaux, les joues meurtries par leurs ongles, tenant à deux mains les vases sur lesquels pleurent leurs cheveux défaits.
Parmi les auteurs qui ont eu le plus d’influence sur M. de Lamartine, et qui ont le plus agi de bonne heure sur sa forme d’imagination, il faut mettre au premier rang Bernardin de Saint-Pierre.
Mais, en même temps que le cœur saigne et que l’imagination se flétrit, on est consolé pourtant de se sentir pour compagnon et pour guide un guerrier modeste, ferme et humain, en qui les sentiments délicats dans leur fleur ont su résister aux plus cruelles épreuves.
Mais quel rapport imaginer entre la forme ronde, carrée, ovale ou pointue du cerveau, et la mémoire, l’imagination, le jugement, le raisonnement ?
Ces faits, qu’il est inutile de multiplier, suffisent pour établir que l’hypothèse phrénologique n’avait aucun fondement sérieux dans l’expérience, et qu’elle n’était qu’une œuvre d’imagination, ou tout au moins une conjecture prématurée.
La tentation d’une victoire possible peut entraîner quelques imaginations égarées ; mais cette tentation est décevante.
Un sujet de pure imagination préviendrait le spectateur incrédule et l’empêcherait de concourir à se laisser tromper.
Bref, le repos absolu, chassé par l’entendement, est rétabli par l’imagination.
Cet art d’animer les dissertations et de mettre la philosophie en dialogue indique une verve secrète et une imagination capable de peindre aux yeux les objets.
Et surtout, « sa grâce est la plus forte », la grâce de son esprit, sa malice de singe, son joli pétillement d’imagination, et sa coquetterie, son désir tout féminin de plaire et de séduire. […] Le plaisir est pour l’esprit bien plus encore que pour l’imagination. […] Et si j’avoue ce besoin impatient de discuter la pièce avant même de l’avoir racontée, c’est que cela montre assez quelle prise elle a sur l’imagination, sur l’intelligence et sur toute l’âme. […] Franchement c’est une invention déplaisante, qui précise et accentue trop des choses sur lesquelles notre imagination aimerait mieux glisser. […] La chanson est donc tombée aux mains de spécialistes qui peuvent avoir, çà et là, quelques imaginations drolatiques, mais qui ont peu d’esprit et n’ont point de style.
Lorsque l’imagination se met à refaire l’histoire, toutes les hypothèses sont possibles. […] Le dogmatisme esthétique a été remplacé par le point de vue historique et relativiste, grâce à des informations plus sûres et à une imagination plus vive : c’est l’essentiel du romantisme et de la révolution du goût. […] Ces grands coups d’épée et ces grands voyages charment même des imaginations enfantines, qui n’en peuvent encore saisir tout le sens ni toute la beauté. […] » Et l’on a pensé que ce culte pour « deux divinités ennemies » était l’origine des incertitudes et des incohérences où se débattait son imagination inquiète. […] Il a l’imagination, la sensibilité, le lyrisme, le don de la vie.
Il s’agit, pour les faire marcher jusqu’au bout, de leur frapper l’imagination. […] Cet homme d’un si rare bon sens est aussi un homme d’imagination hardie et d’inépuisable humour. […] C’est que notre imagination fait coexister (à tort) le passé et le présent. […] Et elle peut même la dépasser si l’amant a quelque imagination, puisqu’il a pu se croire, lui, librement aimé. […] C’est un conte de Voltaire, avec plus d’imagination et moins d’âpreté ; c’est un opéra-comique de Favart, avec une fantaisie plus hardie et plus bouffonne.
L’auteur s’est plu à y exposer avec détail une partie des idées superstitieuses qui, en Russie, peuplent encore l’imagination du paysan. […] Pendant que vous suivez la lisière du bois, les yeux fixés sur votre chien, le souvenir des personnes que vous aimez, tant mortes que vivantes, vous revient à l’esprit ; des impressions depuis longtemps oubliées se raniment soudainement ; l’imagination voltige et plane comme un oiseau et vous croyez voir toutes les images que vous évoquez ainsi. […] Ce sont les Mille et une nuits de Bagdad, où leurs voisins, les Arabes et les Persans, ont versé le merveilleux de leur imagination dans des aventures qui font encore le charme enfantin du vieux monde ; mais les récits de Tourgueneff n’ont pas d’autres fées et d’autres enchanteurs que la nature et la vérité.
* * * — L’imagination du monstre, de l’animalité chimérique, l’art de peindre les peurs qui s’approchent de l’homme, le jour, avec le féroce et le reptile, la nuit, avec les apparitions troubles ; la faculté de figurer et d’incarner ces paniques de la vision et de l’illusion, dans des formes et des constructions d’êtres membrés, articulés, presque viables — c’est le génie du Japon. […] Ce que la cathédrale gothique avec ses pompes et ses richesses était à l’imagination du moyen âge, le truc l’est au rêve du titi. […] * * * — Quand la nature veut faire la volonté chez un homme, elle lui donne le tempérament de la volonté : elle le fait bilieux, elle l’arme de la dent, de l’estomac, de l’appareil dévorant de la nutrition, qui ne laisse pas chômer un instant l’activité de la machine ; et sur cette prédominance du système nutritif, elle bâtit au dedans de cet homme un positivisme inébranlable aux secousses d’imagination du nerveux, aux chocs de la passion du sanguin.
Mardi 7 mai Il vient de mourir, ces temps-ci, une sainte laïque, Mlle Nicole, qui était parvenue à se faire admettre à la Salpêtrière, pour soigner sa mère, et qui, après la mort de cette mère, cherchant l’emploi de son doux cœur aimant, avait pris la tâche de faire lire les petites idiotes, par l’ingéniosité de ses inventions, par la tendresse de ses imaginations. […] Puis Finot saute à Tolstoï, et affirme qu’il est seulement le vulgarisateur et le développeur de beaucoup d’idées, appartenant à des sectes : ainsi l’idée de la résistance au militariat, prêchée par un ancien maçon, passé apôtre, et habillé de blanc, sur le besoin, que les théories ont de parler, pour ainsi dire, physiquement à l’imagination des peuples. […] Mais un supplice d’une imagination diabolique, est celui-ci : on endort un homme avec du chloroforme, puis on lui ouvre le ventre, et on le remplit de cailloux, et on le recoud.
Ici notre tâche sera de dépouiller les faits de toutes les interprétations mystérieuses pour n’admettre que ce que l’expérience nous prouvera directement ; mais peut-être trouvera-t-on qu’on n’y aura rien perdu, et que les vérités scientifiques, quand nous pouvons les entrevoir, ne sont pas moins merveilleuses que les créations romanesques de notre imagination. […] Si en effet, abordant maintenant la partie essentielle de notre sujet, nous entrons, au moyen de l’expérimentation, dans l’analyse organique de l’extinction vitale, nous verrons que cette mort, qui nous paraît survenir d’une manière si calme et si exempte de douleur, est au contraire accompagnée des souffrances les plus atroces que l’imagination de l’homme puisse concevoir. […] Notre imagination ne saurait rien concevoir de plus malheureux que des êtres pourvus de sensation, c’est-à-dire pouvant éprouver le plaisir et la peine, quand ils sont privés du pouvoir de fuir l’un et de tendre vers l’autre. Le supplice que l’imagination des poëtes a inventé se trouve produit dans la nature par l’action du poison américain. […] Van-Helmont, le plus célèbre représentant de ces doctrines archéiques, qui allia avec le génie expérimental l’imagination la plus déréglée dans ses écarts, avait conçu toute une hiérarchie de ces principes immatériels.
Mais j’estime que j’ai quelque bon sens néanmoins et je déclare en terminant qu’en dehors de toute école, de tout système, par la seule force et le seul prestige d’une imagination des plus fécondes et des plus brûlantes, d’une érudition profonde, mais légère et souriante, avec parfois des fleurs, M. de Montesquiou a conquis et gardera l’une des plus belles places sur notre Parnasse. […] c’est la Plaine Saint-Denis — les champs catalauniques, que dis-je la steppe et le désert, neige ou sable, sans fin, horizon vague… En vain d’aimables « écrivains » ont-ils dans les échos perdus de journaux ouverts comme des moulins… à paroles — divulgué — de toutes pièces et avec des frais d’imagination vraiment extraordinaires — telles fantastiques arrestations sur d’inexistantes voies publiques par des sergents de villes fantômes, d’un être nommé P. […] qui se distrait de l’immortel Ennui dans toutes les diversions que les sens plus encore que l’imagination peuvent lui procurer : les sens surtout visuels et auditifs ! […] Lisez bien vite ou relisez l’ingénieuse légende créée de toutes pièces par l’imagination très, et très admirablement aimable du poète ! […] La divine imagination de Shakespeare l’a généralement représentée sous une forme idéalisée et impersonnelle, telle Lady Macbeth, qui figure l’Ambition, Desdémone, l’être passif, la femme modeste, Ophélie, la jeune fille, au songe chaste : toutes sont des types — et combien différentes des femmes de Racine !
Non, sans doute : autant de peintres, autant de tableaux ; autant d’imaginations, autant de miroirs ; mais l’essentiel est qu’au moins il y ait par époque un de ces grands peintres, un de ces immenses miroirs réfléchissants ; car, lui absent, il n’y aura plus de tableaux du tout ; la vie de cette époque, avec le sentiment de la réalité, aura disparu, et vous pourrez ensuite faire et composer à loisir toutes vos belles narrations avec vos pièces dites positives, et même avec vos tableaux d’histoire arrangés après coup et symétriquement, et peignés comme on en voit, ces histoires, si vraies qu’elles soient quant aux résultats politiques, seront artificielles, et on le sentira ; et vous aurez beau faire, vous ne ferez pas qu’on ait vécu dans ce temps que vous racontez. […] Je prends au hasard les premiers que je rencontre : Louville, ce gentilhomme attaché au duc d’Anjou, au futur roi d’Espagne, et qui aura bientôt un rôle politique, — Saint-Simon se sert de lui tout d’abord pour faire sa demande d’une entrevue à M. de Beauvilliers ; il raconte ce qu’est Louville, et il ajoute tout courant : « Louville étoit d’ailleurs homme d’infiniment d’esprit, et qui avec une imagination qui le rendoit toujours neuf et de la plus excellente compagnie, avoit toute la lumière et le sens des grandes affaires, et des plus solides, et des meilleurs conseils. » Louville reviendra mainte fois dans les Mémoires ; lui-même il a laissé les siens : vous pouvez les lire si vous en avez le temps ; mais, en attendant, on a sur l’homme et sur sa nuance distinctive et neuve les choses dites, les choses essentielles et fines, et comme personne autre n’aurait su nous les dire. — M. de Luxembourg a été un adversaire de Saint-Simon ; il a été sa partie devant le Parlement, après avoir été son général à l’armée ; il a été l’objet de sa première grande colère, de sa première levée de boucliers comme duc et pair.
De là cette faiblesse ou cette impuissance de la pensée spéculative, de la vraie poésie, du théâtre original, et de tous les genres qui réclament la grande curiosité libre, ou la grande imagination désintéressée. […] Avec le renouvellement universel de la pensée et de l’imagination humaine, la profonde source poétique qui avait coulé au seizième siècle s’épanche de nouveau au dix-neuvième, et une nouvelle littérature jaillit à la lumière ; la philosophie et l’histoire infiltrent leurs doctrines dans le vieil établissement ; le plus grand poëte du temps le heurte incessamment de ses malédictions et de ses sarcasmes ; de toutes parts, aujourd’hui encore, dans les sciences et dans les lettres, dans la pratique et la théorie, dans la vie privée et dans la vie publique, les plus puissants esprits essayent d’ouvrir une entrée au flot des idées continentales.
L’idée du beau, produit d’une conception tout intellectuelle, n’a rien de commun avec ces rêves bâtis d’une imagination sombre et superstitieuse. […] LXVI Je ne sens point de tristesse ici ; l’âme est légère, quoique méditative ; ma pensée embrasse l’ordre des volontés divines, des destinées humaines ; elle admire qu’il ait été donné à l’homme de s’élever si haut dans les arts et dans une civilisation matérielle ; elle conçoit que Dieu ait brisé ensuite ce moule admirable d’une pensée incomplète ; que l’unité de Dieu, reconnue enfin par Socrate dans ces mêmes lieux, ait retiré le souffle de vie de toutes ces religions qu’avait enfantées l’imagination des premiers temps ; que ces temples se soient écroulés sur leurs dieux : la pensée du Dieu unique jetée dans l’esprit humain vaut mieux que ces demeuras de marbre où l’on n’adorait que son ombre.
Mais c’est d’un nombre infini de petites sensations que dépendent l’imagination, le goût, la sensibilité, la vivacité. […] Il a considéré la législation politique comme un produit de l’histoire ; il a cru que la législation des peuples n’avait rien à demander à l’imagination ; seulement il a imaginé l’histoire.
Qui pourrait retrouver les sentiers capricieux que parcourut l’imagination des premiers hommes et les associations d’idées qui les guidèrent dans cette œuvre de production spontanée, où tantôt l’homme, tantôt la nature renouaient le fil brisé des analogies et croisaient leur action réciproque dans une indissoluble unité ? […] Mais ils ont en effet toute une littérature traditionnelle dans leurs légendes, leurs contes, leurs imaginations mythologiques, leurs cultes superstitieux, leurs poèmes flottant çà et là.
Mais ce qui nous paraissait surtout tentant à bouleverser, à renouveler au théâtre : c’était la féerie, ce domaine de la fantaisie, ce cadre de toutes les imaginations, ce tremplin pour l’envolement dans l’idéalité ! […] Avec l’évolution des genres qu’amènent les siècles, et dans laquelle est en train de passer au premier plan le roman, qu’il soit spiritualiste ou réaliste ; avec le manque prochain sur la scène française de l’irremplaçable Hugo, dont la hautaine imagination et la magnifique langue planent uniquement sur le terre-à-terre général ; avec le peu d’influence du théâtre actuel en Europe, si ce n’est dans les agences théâtrales ; avec l’endormement des auteurs en des machines usées au milieu du renouveau de toutes les branches de la littérature ; avec la diminution des facultés créatrices dans la seconde fournée de la génération dramatique contemporaine ; avec les empêchements apportés à la représentation de pièces de purs hommes de lettres ; avec de grosses subventions dont l’argent n’aide jamais un débutant ; avec l’amusante tendance du gouvernement à n’accepter de tentatives dans un ordre élevé que de gens sans talent ; avec, dans les collaborations, le doublement du poète par un auteur d’affaires ; avec le remplacement de l’ancien parterre lettré de la Comédie-Française par un public d’opéra ; avec… avec… avec des actrices qui ne sont plus guère pour la plupart que des porte-manteaux de Worth ; et encore avec des avec qui n’en finiraient pas, l’art théâtral, le grand art français du passé, l’art de Corneille, de Racine, de Molière et de Beaumarchais est destiné, dans une cinquantaine d’années tout au plus, à devenir une grossière distraction, n’ayant plus rien de commun avec l’écriture, le style, le bel esprit, quelque chose digne de prendre place entre des exercices de chiens savants et une exhibition de marionnettes à tirades.
Le cœur gonflé de désirs inassouvis, il habitait un monde vide pour lui ; pauvre et privé de plaisirs, il les épuisait par l’imagination ; il se désabusait de tout avant d’avoir usé de rien. […] Les volcans préoccupaient les imaginations : on publiait en l’an VIII deux traductions simultanées des Aventures de mon père, de Kotzebue, qui faisait fureur au théâtre.
M. de Chézy était érudit, je n’étais que poète ; il y a plus de mérite à émouvoir la science que l’imagination. […] Ou ne serait-ce point une pure illusion due au style gracieux, à l’imagination brillante du traducteur ?
Gagner sa vie en écrivant, on ne s’imagine pas la puissance de cette formule sur une imagination de jeune Français. […] Les Portugais sont toujours gais. » Je laisse à votre imagination le soin d’établir les proportions que cet événement prendrait aujourd’hui avec les interviews, la photographie et le cinéma.
Aujourd’hui, avec le nouvel état du monde, dans une société plus également morale en son milieu, nous qui ne sommes pas près de Versailles (dans le sens où l’était Saint-Cyr), il nous semble qu’il est quelquefois permis de se récréer d’un chant, d’une fleur, d’une joie d’imagination, mêlée aux choses du cœur, dans une éducation même de l’ordre le plus moral.
Antiquaire par la science et l’imagination, auteur d’un travail où, avec une rare vigueur d’analyse, il a restitué et rendu présentes les royales cités, les immenses nécropoles de l’Égypte, M.
Si sévères que nous puissions être envers celui qui s’est trahi à nous dans toutes ses contradictions morales et ses misères personnelles, n’oublions jamais ce qu’on doit d’admiration à un tel peintre, à celui qui, à ce titre, est et demeure le premier de notre âge : car c’est le même homme exprimant comme on vient de le voir toute la poésie de la Rome catholique, qui a su peindre avec un égal génie et une variété d’imagination toujours sublime la forêt vierge américaine, le désert d’Arabie, et les ruines historiques de Sparte63 !
Son petit-fils, le duc de Luynes, celui dont on nous donne aujourd’hui les Mémoires, aussi pieux que son aïeul, mais plus apaisé d’imagination, vivait en homme de grande naissance à la Cour dans la familiarité de la reine Marie Leczinska, dont la duchesse, sa seconde femme, était dame d’honneur.
C’était le séjour le plus commode à une idée unique, à un culte de l’imagination ou du cœur, et j’en avais sous les yeux trois ou quatre existant ensemble, d’un ordre tout différent.
Guerre, art, poésie, philosophie, imagination ou réalité, heureux qui trouve à quoi se prendre une dernière fois dans sa vie, entre les belles causes qui demandent et appellent l’étincelle sacrée !
. — Que s’ils y ajoutaient encore, avec l’instinct et l’intelligence des hautes origines historiques, du génie des races et des langues, le sentiment littéraire et poétique dans toute sa sève et sa première fleur, le goût et la connaissance directe des puissantes œuvres de l’imagination humaine primitive, la lecture d’Homère ou des grands poèmes indiens (je montre exprès toutes les cimes), que leur manquerait-il enfin ?
Loin de nier l’espèce de police à laquelle il se livrait, il en explique à merveille et avec esprit les difficultés dans un pays si vaste et chez un peuple à imagination vive, doué à ce degré de la faculté d’illusion : « L’établissement et la direction d’une agence assez nombreuse d’observation militaire formait alors, nous dit-il, l’une de mes plus laborieuses attributions.
Ce qu’on peut dire seulement, c’est que le comte de Clermont eut la main heureuse en rencontrant le petit Laujon, imagination aimable et fertile, qui le fournit à souhait de scènes, de ballets, de couplets, de vaudevilles, de paysanneries, de parades.
Son Altesse Sérénissime répondit tout en piss… : « Mortaigne, prenez garde de prendre votre c… pour vos chausses. » Sans doute, ajoute M. de Voyer, que ce prince sentit l’absurdité de tirer d’un point aussi éloigné que la droite le secours nécessaire à la gauche ; mais il eut la faiblesse de ne pas s’opposer à ce ridicule arrangement. » Supposez un moment en imagination que le prince de Condé, dans la gloire des journées de Rocroy et de Lens, et à la faveur d’un songe comme le figurent les poëtes épiques, aperçoive tout à coup, dans l’avenir, un de ses descendants perdant une bataille dans une telle posture et sur un tel mot, et demandez-vous ce qu’il en dira !
L’imagination voit un ciel d’une pureté parfaite ; mais quand l’œil veut en faire l’épreuve en quelque sorte, on découvre par degrés dans toutes ses parties ces vapeurs plus ou moins épaisses qui affaiblissent et décolorent les plus beaux jours, et qui les décolorent précisément afin que l’œil puisse trouver quelque repos.
Si jamais pièce réclama à bon droit chez le spectateur ce jeu quelque peu complaisant de l’imagination et du souvenir, c’est à coup sûr Bérénice ; mais cette complaisance n’exige pas un effort bien pénible, et l’on n’a pas trop à se plaindre, après tout, d’être simplement obligé, pour subir le charme, de se ressouvenir de Madame, de ces belles années d’un grand règne, des nuits enflammées et des festons où les chiffres mystérieux s’entrelaçaient.
Léonard avait dix-huit ans lorsque parut en France (1762) la traduction des Idylles de Gessner par Huber, laquelle obtint un prodigieux succès et enflamma beaucoup d’imaginations naissantes.
Voilà de quoi les chansons de toile entretenaient nos rudes aïeules : voilà ce qui enfiévrait leurs imaginations oublieuses de la pauvre et froide réalité.
Rochefort déploie, à développer l’absurde, de remarquables qualités d’ordre et de méthode et une très réelle puissance d’imagination.
Bien des détails ont été écrits l’imagination, ou du moins sans preuve, quelques-uns même en dépit de preuves opposées, sur cette rupture et sur la manière dont madame de Maintenon figura dans les premiers mouvements auxquels elle donna lieu à la cour.
Mais chacun lit avec son humeur et avec son imagination encore plus qu’avec son jugement, et ce qui est si bien raconté séduit, bien que la chose racontée soit fort laide, et que le narrateur, après le premier moment d’enthousiasme passé, ne prétende pas à l’embellir.
Le moi est prolongé par l’imagination dans un temps incertain, avec un ensemble d’activités également incertaines dans leurs effets, comme dans leur nature et dans leur degré de développement.
Je n’oserais pas contester ce tableau si saisissant et si spécieux, et qui paraît vrai dans sa généralité ; mais d’une part Gall voyait tout avec son imagination, et d’un autre côté, quand on a quelque expérience de ces questions, on sait qu’il est bien rare que les faits s’y présentent avec cette parfaite simplicité.
[Du patriotisme littéraire] À la fin du siècle dernier un jeune poète, à l’imagination enthousiaste, à la sensibilité frémissante, à l’âme vraiment lyrique, reportait son souvenir et sa pensée sur les beautés naturelles de notre pays qu’il avait parcouru en tous sens, depuis Marseille jusqu’à Paris, depuis Narbonne jusqu’à Strasbourg.
On remarquera que la même vivacité d’esprit, que le même feu d’imagination, qui fait faire par un mouvement naturel des gestes animez, variez, expressifs et caracterisez, en fait encore comprendre facilement la signification lorsqu’il est question d’entendre le sens des gestes des autres.
Elle hantait l’imagination des Barbares, par la haine d’abord et par la cupidité, puis, dès qu’ils y touchaient, par la beauté, par le passé et par ce charme indicible qui fait « un homme nouveau », selon Gœthe, de quiconque pénètre dans ses murs.
Delacroix : « l’énergie est chez lui l’aspiration de l’énergie, le rêve de l’énergie, la nostalgie d’un passé historique plutôt que la puissance de construction d’un avenir. » L’image de la cristallisation qui forme le leit-motiv du livre est à la fois le produit d’une imagination musicale, une figure de la réalité amoureuse : " il me semble, dit Stendhal dans une lettre, qu’aucune des femmes que j’ai eues ne m’a donné un moment aussi doux et aussi peu acheté que celui que je dois à la phrase de musique que je viens d’entendre. " la musique, surtout telle que la goûtait Stendhal qui n’y sentait qu’un motif de rêverie, c’est le monde et l’acte mêmes de la cristallisation parfaite, de sorte que Beyle, amoureux de second plan, simple amateur en musique, se définirait peut-être comme un cristallisateur.
que de frais d’imagination et d’esprit dans le tissu d’une pièce si simple, qui marche au but le plus sérieux par le secours des fictions les plus comiques ! […] Ces premiers aperçus font juger de la libre imagination du poète : son fantasque enjouement déguise partout le caractère sérieux de ses leçons. […] Le Plutus d’Aristophane fut composé dans ce nouveau mode : cette pièce élégante et morale montra que son auteur, en perdant ses privautés indécentes, avait conservé la vigueur de son imagination et la vivacité de son coloris. […] Ici nulle moralité qui corrige le siècle : le dialogue est plein de sel et d’esprit en pure perte ; le tout n’est qu’un jeu d’imagination, et la gaîté ne ressort que d’un fonds de bouffonnerie, puisqu’elle n’a pas partout une vérité plaisante pour fondement. […] N’est-ce pas vouloir tout compliquer, et soumet-on l’imagination à des calculs d’arithmétique ?
Le plus jeune des trois, le seul même qui fût à son vrai début, M. de Chateaubriand, en ce fameux Essai sur les Révolutions, versant à flots le torrent de son imagination encore vierge et la plénitude de ses lectures, révélait déjà, sous une forme un peu sauvage, la richesse primitive d’une nature qui sut associer plus tard bien des contraires ; d’admirables éclairs sillonnent à tout instant les sentiers qu’il complique à plaisir et qu’il entre-croise ; à travers ces rapprochements perpétuels avec l’antiquité, jaillissent des coups d’œil singulièrement justes sur les hommes du présent : lui-même, après tout, l’auteur de René comme des Études, l’éclaireur inquiet, éblouissant, le songeur infatigable, il est bien resté, jusque sous la majesté de l’âge, l’homme de ce premier écrit. […] Mais c’était à son imagination qu’il accordait ce plaisir, sans jamais laisser entamer l’idée ni la foi. […] Chez lui, l’imagination et la couleur au sein d’une haute pensée rendent à jamais présents les éternels problèmes. […] Une telle gloire, où l’imagination a sa part dans la science pour la féconder, en vaut bien une autre, ce me semble.
— Tout ce qui, dans un poème, occupe ou peut occuper immédiatement nos activités de surface, raison, imagination, sensibilité ; tout ce que le poète nous semble avoir voulu exprimer, a exprimé, en effet ; tout ce que nous disons qu’il nous suggère ; tout ce que l’analyse du grammairien ou du philosophe dégage de ce poème, tout ce qu’une traduction en conserve. […] da poetam, et sentiet quod dico. un symbole est le résultat de ces associations et de ce silence mystérieux, mais jamais ce qu’il exprime ne l’épuise. écoutons Carlyle : c’est par les symboles que l’imagination et sa mystique région des merveilles passent dans l’étroit et prosaïque domaine et font corps avec lui. « dans le symbole proprement dit », ce que nous pouvons appeler un symbole, « il y a toujours », plus ou moins distinctement et directement, " quelque incarnation, quelque révélation de l’infini " ; par lui, l’infini est obligé de s’unir au fini, de rester visible, et pour ainsi dire de rester tangible là… l’homme se trouve partout environné de symboles… " tout n’est-il pas symbole pour le voyant… ? […] Dans le chapitre où il traite des domaines de l’intelligence et de l’imagination, il cite particulièrement ces passages de ma lecture : " il semble toutefois certain que, dans cette " collaboration paradoxale (celle de l’âme et du " corps), les mots n’agissent pas seulement et " d’abord en vertu de leur beauté propre, pittoresque " ou musicale. […] L’appui que nous donne l’auteur n’est pas moins considérable, puisqu’il a séparé la logique et la raison de l’intelligence proprement dite, qu’il associe l’entendement à l’imagination.
La Sylphide de Combourg, délice pour un émoi d’enfant, demeura toujours dans cette imagination avec laquelle elle se confondait, mais devint pour l’homme la forme même de l’amertume. […] Faguet, qu’il a renouvelé l’imagination française, c’est bien, c’est vrai, mais ce n’est qu’une affirmation ; et je voudrais que la critique entrât ici dans le détail, fit par le menu son métier, m’analysât l’imagination et les images de Chateaubriand. […] Nous connaîtrions mieux Chateaubriand s’il existait moins de livres sur ses amours et s’il s’en pouvait trouver un sur la technique de son imagination. […] Lanson, serait « d’arriver à découvrir pour chaque phrase le fait, le texte ou le propos qui a mis en branle l’intelligence ou l’imagination de l’auteur ». […] Barrès, excite mon imagination.
Ce fut, tout autant, la fuite du roi à Varennes, qui excita l’imagination de nos dramatistes de la place de la Bastille et lieux circonvoisins. […] Il est constitué d’une aventure bourgeoise où il y a peu d’incidents, peu de péripéties, une part très faible donnée à l’imagination. […] Il y a un théâtre napoléonien parce qu’il y a une légende napoléonienne qui a enflammé et qui enflamme encore les imaginations populaires. […] Car, enfin, remarquez-vous la différence, au point de vue qui nous occupe, entre le théâtre d’imagination et le théâtre réaliste ? Le théâtre d’imagination frappe les esprits très vivement, les exalte, les échauffe et, finalement, il est imité par la vie.
Cet art, d’une extrême ingénuité, comme il nous paraîtrait extraordinaire si notre imagination n’y était si accoutumée. […] Dans son œuvre, on n’entreverra pas ces féeries allégoriques et emphatiques où se complaît l’imagination saxonne, les menus bocages, les molles collines où se joua la poésie hellène, n’espérez pas surtout y rencontrer ces mille fadeurs, et ces mysticités malsaines qui amollissent la pensée contemporaine. […] * * * Tels sont les derniers tableaux où se plaît l’imagination exaspérée de Verhaeren.
D’abord parce qu’ils l’aimèrent, ensuite parce qu’il ne faut pas juger ce grand poète sans imagination sur ses exclamations de café, sur ses « Sinistre ! […] Il était facile de deviner, en effet, sous la pâte douce et tranquille cette confidence, un levain de liberté donnant lieu à des intuitions de l’intelligence, à des étincellements de l’esprit, à des boutades de l’imagination auxquels les nouveaux romanciers, orientés vers une sorte d’élégie sociale, étaient étrangers. […] La vie intérieure n’a disposé que de la palette élémentaire des imaginations de bonne volonté.
Les chanoines réguliers de Domièvre en Lorraine nourrissent soixante pauvres deux fois par semaine ; il faut les conserver, dit la supplique, « par pitié et compassion pour le pauvre peuple dont la misère est au-dessus de l’imagination ; où il n’y a pas de couvents réguliers et de chanoines de leur dépendance, les pauvres crient misère56 ». […] D’ailleurs la familiarité engendre la sympathie ; on ne peut guère rester froid devant l’angoisse d’un pauvre homme, à qui, depuis vingt ans, l’on dit bonjour en passant, dont on sait la vie, qui n’est pas pour l’imagination une unité abstraite, un chiffre de statistique, mais une âme en peine et un corps souffrant. — D’autant plus que, depuis les écrits de Rousseau et des économistes, un souffle d’humanité chaque jour plus fort, plus pénétrant, plus universel, est venu attendrir les cœurs.
Les habitants, plus doués d’imagination que les Romains, s’y ressouvenaient de leur origine. […] Horace, à cette époque, penchait par imagination vers les sceptiques, par vertu vers les stoïciens ; les derniers républicains étaient stoïciens ; c’est par vertu qu’ils voulaient mourir pour conserver l’ancienne liberté romaine, mère des vertus.
C’est la philosophie de la raison pure, illuminée par l’imagination, et quelquefois égarée par elle ; c’est la plus difficile des philosophies que celle qui ne relève que du raisonnement, au lieu de relever de la foi ; car tous les hommes ont assez d’imagination pour croire ; un très petit nombre ont assez de lumières pour raisonner.
Cette intuition, d’autre part, ne mutile plus notre moi individuel comme le faisait l’intuition bergsonienne qui rejetait hors de la vie spirituelle véritable non seulement la vie sociale proprement dite, mais aussi la vie des sens et de l’imagination ; elle nous fait appréhender directement notre moi égoïste et passionné et le pose dans toute l’ardeur de son vouloir-vivre individuel en face des autres moi. […] Selon de Gobineau, la poésie des races blanches supérieures serait la poésie épique ; celle des races noires, la poésie lyrique ; la poésie grecque, mélange de poésie lyrique et de poésie épique n’a pu exister que parce que le peuple grec n’appartenait pas à la race aryane pure et qu’il entrait dans le sang grec à la fois un élément blanc et un élément noir. — La qualité intellectuelle des races blanches supérieures (races nordiques) serait la supériorité du jugement ; la race hindoue se caractériserait par l’imagination débordante et par la puissance d’abstraction ; la race jaune par le sens de l’utilité.
La simplicité est une limite idéale, la complexité et même l’infinité est le réel : l’imagination seule s’efforce de la réduire en points et en atomes, comme aussi en monades. […] L’employé lit les degrés de pesanteur dans son imagination.
La seconde était une tragédie d’imagination imitée de Zaïre, et dont le sujet était pris dans les croisades. […] Quelles scènes illuminées m’apparaissaient toutes pleines des personnages créés par mon imagination !
. — Vous voyez souvent un homme qui me trompera bien s’il devient jamais compilateur ; il a deux talents qui s’opposent à cette lourde et accablante profession : de l’imagination et de la paresse.
Il avait une langue pure, facile et pleine, une perception vive et pénétrante de la nature, un tour d’imagination assez romanesque, et un sentiment exquis de critique littéraire : il aurait pu se porter sur plus d’un sujet qui eût du corps, s’y reposer du moins et s’y refaire dans les intervalles de ses soliloques psychologiques trop prolongés.
Il est sensible qu’ils s’adressent à des imaginations un peu neuves et comme d’enfants, et qu’ils en tiennent eux-mêmes.
S’il a l’esprit sérieux, il le dérobe souvent, il a l’enfance de l’imagination ; la langue de son temps y prête, et il en use comme d’un privilège qui lui serait singulier.
Bien de jeunes imaginations, bien des spéculations studieuses, bien des intrigues aussi, ménagées de longue main, étaient dirigées dans cette espérance.
Sa mémoire est riche en images que son imagination embellit ; son discours est plein d’enthousiasme ; il ne récite pas, mais il peint.
. — Pascal, au génie sévère et à l’imagination sombre, le connaît peu ; il en parle comme de l’auteur d’un beau roman, il ne voit en lui que le père des mensonges.
L’ode de La Solitude est restée longtemps la peinture expressive et fidèle de quantité de vieux châteaux perdus dans les forêts druidiques, et prêtant aux rêves et aux imaginations bizarres : Je suis ici, écrivait du fond du Maine M. de Lassay vers 1695, dans un château, au milieu des bois, qui est si vieux qu’on dit dans le pays que ce sont les fées qui l’ont bâti.
Aujourd’hui c’est la sœur de ce poète, et en tout digne de lui par l’imagination comme par le cœur, qui, morte à son tour, vient livrer, par les soins d’amis pieux, le parfum de son âme et de ses secrets épanchements.
Le géomètre, qui a le génie des hautes sphères et l’imagination froidement sereine dans l’étendue, n’a pas été lui-même sans se représenter quelquefois Newton ou Lagrange dans la méditation d’un problème.
Faux goût de pointe, d’épigramme, de galanterie froide, venu des derniers troubadours, et le plus contraire à l’imagination vraie et au génie de la poésie.
C’est une loi en effet : chez les nations qui n’avaient pas l’imprimerie, sous les gouvernements qui n’avaient pas leur Moniteur, il arrivait très vite que les personnages glorieux qui avaient frappé l’imagination des peuples et remué le monde, livrés au courant de la tradition et au hasard des récits sans fin, se dénaturaient et devenaient des types purement poétiques.
Il avait tenté une conciliation, impossible, je le veux, mais la plus élevée, la plus faite pour complaire à de nobles cœurs, à des imaginations généreuses et religieuses.
Saussure est de ces esprits parfaits qui unissent dans une haute et juste mesure les éléments les plus différents, l’exactitude du physicien, le jugement froid de l’observateur, la sagacité du philosophe, l’amour et le culte de la nature, l’imagination qui l’embrasse ; avec cela, n’accordant rien à l’effet, à la couleur, à l’enthousiasme ; et quand il devient peintre, n’y arrivant que par la force du dessin, par la pureté de la ligne, la clarté de l’expression, et, comme il sied au savant sévère, avec simplicité21.
On reprochait à Aristote d’avoir secouru un homme qui ne le méritait pas : « Ce n’est pas l’homme que j’ai secouru, répondit-il, c’est l’humanité souffrante. » L’imagination de Platon avait fait plus et semblait s’être portée spontanément au-devant du christianisme : on le voit, dans un de ses dialogues, se plaire à figurer en face du parfait hypocrite, honoré et triomphant, le modèle de l’homme juste, simple, généreux, qui veut être bon et non le paraître : « Dépouillons-le de tout, excepté de la justice, disait un des personnages du dialogue, et rendons le contraste parfait entre cet homme et l’autre : sans être jamais coupable, qu’il passe pour le plus scélérat des hommes ; que son attachement à la justice soit mis à l’épreuve de l’infamie et de ses plus cruelles conséquences et que jusqu’à la mort il marche d’un pas ferme, toujours vertueux, et paraissant toujours criminel… Le juste, tel que je l’ai représenté, sera fouetté, mis à la torture, chargé de fers ; on lui brûlera les yeux à la fin, après avoir souffert tous les maux, il sera mis en croix… » C’est une vraie curiosité que ce passage de Platon, et même, à le replacer en son lieu et à n’y chercher que ce qui y est, c’est-à-dire une supposition à l’appui d’un raisonnement, sans onction d’ailleurs et sans rien d’ému ni de particulièrement éloquent, ce n’est qu’une curiosité.
Si Charles-Édouard avait disparu aussitôt après son illustre aventure, si le vaisseau qui le ramena en France s’était abîmé au retour dans une tempête, on aurait eu une étoile de plus dans ce qu’on peut appeler la mythologie de l’histoire, une de ces jeunes destinées lumineuses et rapides comme l’éclair, et sur lesquelles l’imagination des hommes brode longuement ensuite à plaisir.
Il avait fait depuis longtemps ce vœu d’imagination qu’il lui semblait réaliser en ce moment : Je veux aller un jour sur un faîte sublime, Dans quelque vieux couvent penché sur un abîme, Où je n’entendrai plus aucun bruit des vivants ; Sur quelque Sinaï, sur un Horeb en flamme, Où l’Éternel descend, pour se montrer à l’âme, Vêtu de la foudre et des vents !
La seconde édition des Essais de Morale et de Politique (1809) contenait de plus une Vie de Mathieu Molé, où se mêlent avec convenance, à une manière nette et tout à fait saine, quelques traits d’imagination et de sentiment : « Pendant que Troie était en flammes, écrit l’auteur en commençant, peu de gens ont imité le pieux Énée ; pour moi, moins heureux que lui, je n’ai pu sauver mon père, mais je ne me suis jamais séparé de mes dieux domestiques. » Les dernières pages offrent quelque chose de méditatif, une sorte de reflet détourné, mais sensible, du jeune contemporain de René : « Au terme de sa carrière, dit-il de son grand-aïeul, on ne vit point se réveiller en lui ces regrets si ordinaires aux vieillards.
Pour écrire avec génie, il faut penser avec génie ; pour bien écrire, il suffit d’une certaine dose de sens, d’imagination et de goût.
Je ne sais si c’est réel ou une imagination des sens, mais sans cesse il nous faut nous laver les mains.
Aussi l’exaltation qui commence ne sera guère qu’une ébullition de la cervelle, et l’idylle presque entière se jouera dans les salons Voici donc la littérature, le théâtre, la peinture et tous les arts qui entrent dans la voie sentimentale pour fournir à l’imagination échauffée une pâture factice303.
La beauté du prince de Léon se grava tellement dans mon imagination, que, deux ans après, je m’en souvenais encore.
Regardez cet original et puissant marquis de Mirabeau527 : je le nomme d’autant plus volontiers qu’il a des parties de grand écrivain, dans son style âpre, tourmenté, obscur, débordant d’imagination et de passion.
Aussi de curieuses tendances s’indiquent-elles dans la jeunesse : après plusieurs générations de savants et de struggle-for-lifers, nous avons vu paraître des générations en qui le culte de la science n’est pas amoindri sans doute, et qui ne professent pas non plus le hautain renoncement, mais qui ont enfin, au moins dans l’imagination, par saillies d’intention, par bouffées de bonne volonté, la religion de la morale.
Il est excellent et je me félicite de constater qu’un volume de ce genre abstrait peut témoigner autant d’imagination et davantage d’intelligence que les légendes les plus forcenées.
Il ne trouve pas de traits vifs pour peindre des intrigues où il s’était vu si tiraillé, et il n’a du cardinal de Retz ni l’imagination qui ressuscite les choses passées, ni la vanité qui ranime les souvenirs personnels.
Albert Trachsel, l’architecte des Fêtes réelles, y ouvrait dans l’imagination de ses auditeurs des horizons de songe, multipliés par la féerie des perspectives.
L’imagination et l’hallucination d’une sainte Thérèse, par exemple, ne sont ici pour rien.
Mais, vaincue dans l’ordre réel et sous l’empire du fait ou même sous celui de la raison inexorable, la belle reine a tout regagné dans le domaine de l’imagination et de la pitié.
Le monde, pour elle, se présentait comme partagé nettement en deux, les bons et les méchants : les méchants, c’est-à-dire tout ce que l’imagination humaine, dans les heures de paix et de régularité sociale, ose à peine se représenter à nu, la brutalité dans toute sa grossièreté et sa bassesse, le vice et l’envie dans toute l’ivresse ignoble de leur triomphe et dans la cruauté de leurs raffinements ; les bons, c’est-à-dire quelques-uns, touchés, pleurant, timides, adoucissant le mal à la dérobée et se cachant.
C’est ce que je me dis toutes les fois que j’ai douceur et surabondance de mélancolie. » Notez qu’il n’écrivait ainsi en prose que parce qu’il était foncièrement poète par l’imagination et par le cœur.
La science chez lui est inventive, et il la rend familière : « Un singulier bonheur d’induction, a dit sir Humphry Davy, guide toutes ses recherches, et par de très petits moyens il établit de très grandes vérités. » Il ne se retient point dans ses conjectures et dans ses hypothèses, toutes les fois qu’il s’en présente de naturelles à son imagination, et il s’en est permis de fort hardies pour l’explication de certains grands phénomènes de la nature, mais sans y attacher d’autre importance que celle qu’on peut accorder à des conjectures et à des théories spéculatives.
Usant d’une imagination adroite et subtile, il s’emploie à donnera tous ses goûts une nourriture facticement convenable, présente à ses yeux des spectacles combinés, substitue les évocations de l’odorat à l’excercice de la vue, et remplace par les similitudes du goût certaines sensations de l’ouïe, pare son esprit de tout ce que la peinture, les lettres latines et françaises ont d’œuvres raffinées, supérieures ou décadentes, oscille dans sa recherche d’une doctrine qui systématise son hypocondrie, entre l’ascétisme morose des mystiques et l’absolu renoncement des pessimistes allemands.
Un enfant voit osciller une lampe ou tomber une pomme : c’est un jeu pour ses sens et pour son imagination ; pour un Galilée, pour un Newton, ces deux phénomènes ne sont que les signes des lois générales et universelles.
Une invention purement raisonnable, dit le grand Corneille, peut être très mauvaise ; une invention théâtrale que la raison condamne dans l’examen, peut faire un très grand effet : c’est que l’imagination émanée de la grandeur du spectacle se demande rarement compte de son plaisir.
Si j’avais eu à composer un tableau pour une chambre criminelle, espèce d’inquisition d’où le crime intrépide, subtil, hardi s’échappe quelquefois par les formes, qui immolent d’autres fois l’innocence timide, effrayée, alarmée ; au lieu d’inviter des hommes, devenus cruels par habitude, à redoubler de férocité par le spectacle hideux des monstres qu’ils ont à détruire, j’aurais feuilleté l’histoire ; au défaut de l’histoire, j’aurais creusé mon imagination jusqu’à ce que j’en eusse tiré quelques traits capables de les inviter à la commisération, à la méfiance, à faire sentir la faiblesse de l’homme, l’atrocité des peines capitales et le prix de la vie.
… L’imagination, qu’est-ce que c’est que ça ?
Pour pouvoir lire une pièce, il faut avoir été assez souvent au théâtre ; car il faut, en lisant une pièce, la voir, la voir des yeux de l’imagination telle qu’on la verrait sur un théâtre.
On citerait, à la douzaine, des romans qui ont souillé des imaginations, troublé des cervelles et des cœurs, et qui renferment quatre pages finales de la plus belle envolée, d’une philosophie acceptable et même excellente.
Jamais non plus, pas même dans Pot-Bouille, cet étrange observateur des mœurs de son temps ne s’était ainsi moqué de son public, jamais il n’avait substitué plus audacieusement à la réalité les visions obscènes ou grotesques de son imagination échauffée.
— J’ai tracé un triangle particulier, déterminé, contingent, périssable, ABC, pour retenir mon imagination et préciser mes idées.
C’était comme une revanche de son imagination sur l’étroitesse de sa vie privée. […] On pourrait pousser le parallèle ; noter, par exemple, que, dans les pièces de Corneille et de Rotrou, et dans les romans de Mlle de Scudéry d’une part, — et dans les drames et romans de Hugo, de Sand et de Dumas d’autre part, — presque tous les personnages se ressemblent entre eux, comme étant tous fils de la pure imagination, et de l’imagination propre à toute une époque ; au lieu que la variété commence avec la vérité, d’une part chez Racine et Molière, de l’autre chez nos dramaturges et romanciers naturalistes… Pauvre vieux Corneille ! […] Prises au sérieux, ces imaginations-là ont créé l’épopée. […] Car il y a d’abord les juifs de la haute finance internationale, lès rois de l’or, plus puissants que les porte-sceptres ; il y a ce légendaire « Rothschild », dont la destinée revêt, dans l’imagination du peuple, un caractère presque fantastique, et qui, au fait, n’existe peut-être pas. […] Nous-mêmes, qui avons autour de quarante ans, il y a des jeunes gens de trente ans qui nous considèrent avec pitié et mépris, comme les types d’une humanité abolie, cependant que, de notre côté, nous demeurons stupides à leurs discours et à leurs imaginations.
» Avec cela le désir de plaire, de séduire, la folie de promettre, un mépris presque oriental de la femme, et une aptitude au mensonge qui vient d’une imagination débordante, d’une incontinence de parole bien plus que d’une âme fausse et à combinaisons. […] Ce que Daudet a voulu peindre, c’est plutôt, selon nous, une passion d’imagination. Du reste « l’imagination » pourrait être le sous-titre de son livre, si la mode était encore aux sous-titres. […] L’imagination de Bettina travaille et s’exalte. […] L’imagination des inquisiteurs travaille sur lui au rebours des poètes de la Grèce ; elle le défigure et l’enlaidit avec rage.
il a vu, mieux que personne, en ce temps-ci, à quoi tient l’intelligence humaine, et dans quel abîme peut tomber l’imagination livrée à ses propres forces ! […] Tous les excès, tous les contrastes sont contenus dans cette œuvre de la malice et de l’imagination d’un poète sans frein, et sans mœurs. […] La comédie grecque, autant pour le moins que la tragédie, était la fille des yeux et des sens, de l’imagination et de l’esprit. […] Dieu n’a pas voulu que cet homme ne fût qu’un vil bouffon, avec tant de verve, d’éclat, d’imagination et d’esprit. […] Cette fois, ce qui arrive à toutes les suites, l’esprit a beaucoup baissé, l’imagination s’est affaiblie, le style surtout est réduit à rien.
Mais, dans nos temps modernes, depuis que Dante et Pétrarque ont paru, le lyrisme, c’est la poésie personnelle ou individuelle, c’est l’expression du Moi du poète, c’est le monde réfléchi d’abord, et ensuite rétracté par son imagination. […] Il a comme éteint l’éclat de l’imagination : — « il avait aversion pour les fictions poétiques, nous disent ses biographes, et en lisant à Henri IV une élégie de Régnier où il feint que la France s’éleva en l’air pour se plaindre à Jupiter du misérable état où elle était pendant la Ligue, il demandait à Régnier en quel temps cela était arrivé, qu’il avait toujours demeuré en France depuis cinquante ans, et qu’il ne s’était point aperçu qu’elle se fût enlevée hors de sa place ». — Mais n’oublie-t-on pas, quand on le lui reproche, que tout cela n’a pas été sans quelque compensation ; et, si le gain avait peut-être balancé la perle, ne conviendrait-il pas d’atténuer la sévérité du jugement qu’on porte sur son un œuvre ? […] Mais, pour sa supposition d’une société purement laïque, elle a si fort épouvanté l’imagination de Rousseau, qu’en vérité le citoyen de Genève a comme employé ou consacré toutes les ressources de sa rhétorique à ruiner le principe de la philosophie de Bayle. […] Effet bizarre des raisonnements des hommes — qu’une doctrine, qui s’était proposé de rétablir la religion dans ses droits sur l’imagination, se retournât ainsi contre elle-même, et, de son propre fonds, suscitât, pour ainsi dire, l’idée sans doute la moins analogue à son premier objet, — effet bizarre, mais effet certain, et effet naturel, si l’on y veut songer ! […] Nous avons dit, ou plutôt Garat nous a dit la petite révolution que ces livres aujourd’hui peu lus avaient opérées dans les esprits ; comment, par quel heureux artifice de méthode et de langage à la loi, sans rien sacrifier de la dignité de l’érudition ou de la science, ils les avaient mises à la portée des belles dames ; quelles perspectives enfin ils avaient ouvertes et de quelles inquiétudes nouvelles ils avaient comme animé les imaginations.
Voilà comment, peu à peu, je suis venu à bout de cette œuvre de ténèbres, et bien m’en a pris d’avoir été fidèle à tout ce que j’aimais ; bien m’en a pris de n’avoir juré par aucun maître, et d’avoir obéi uniquement aux convictions de mon esprit, aux penchants de mon cœur, n’acceptant pas d’autre volonté et d’autre caprice que les volontés et les caprices d’une imagination qui avait pris les habitudes les plus calmes et les plus régulières. […] — Heureux cependant le roi de France, heureux le feuilleton qui rencontrent, en leur chemin, beaucoup de ces hommes « qui ne sont bons que pour les plaisirs de l’imagination, de l’esprit et du cœur ! […] Voilà un pauvre homme qui est le martyr de son imagination, qui se livre en pâture à tous les charlatans qui l’entourent, dont sa femme se moque et qu’elle vole sans pitié. […] Tout ce que l’imagination la plus fraîche a pu réunir de sentiments les plus délicats, Molière l’a jeté à profusion dans cette petite pièce. […] Fabre a trouvé les personnages de sa comédie dans les indignations de Jean-Jacques ; mais comme Fabre était, lui aussi, de son côté, quoique dans une sphère moins élevée, une imagination active, un esprit ardent, un sophiste puissant, il s’est trouvé que cette idée du citoyen de Genève, jetée au hasard, dans un moment de caprice et de mauvaise humeur, s’est fécondée dans la tête de Fabre, qui a fini par faire une admirable comédie de ces quelques lignes que je vous ai citées plus haut.
Observateur superficiel des mœurs de son temps, écrivain abondant, facile, harmonieux, mais inégal et négligé, ce que Prévost a de plus original et de plus communicatif, c’est sa promptitude à s’émouvoir de ses propres imaginations. […] Qui donc a dit à ce propos, qu’étant « une disposition compagne de la faiblesse des organes, suite de la mobilité du diaphragme, de la vivacité de l’imagination, de la délicatesse des nerfs, qui incline à compatir, à frissonner, à craindre, à admirer, à pleurer, à s’évanouir, à secourir, à crier, à fuir, à perdre la raison, à n’avoir aucune idée précise du vrai, du bon, du beau, à être injuste, à être fou », la sensibilité, pour toutes ces raisons, n’était que la « caractéristique de la bonté de l’âme et de la médiocrité du génie » ? […] Mais la vérité, c’est qu’en s’emparant de cette idée de « nature » Rousseau en a saisi toutes les conséquences, y compris celles que l’imagination trop prompte et trop fuligineuse de Diderot n’avait point vues ; il l’a faite sienne, vraiment sienne, uniquement sienne à sa date ; et réchauffant alors de l’ardeur de ses rancunes, de ses haines, de son orgueil, l’enrichissant, pour ainsi parler, de sa propre substance, et lui communiquant la flamme de son éloquence et de sa passion, il lui a donné un degré d’importance et une vertu de contagion qu’elle n’avait jamais encore eus. […] Le Romancier. — Les Effets surprenants de la sympathie, 1713-1714 ; — La Voiture embourbée, 1714 ; — et, à cette occasion, de la pauvreté d’imagination de Marivaux ; — la Vie de Marianne, 1731-1741 ; — et Le Paysan parvenu, 1735-1736. — Caractères essentiels des romans de Marivaux. — Ce sont des romans réalistes ; — par la condition des personnages, — ordinairement bourgeois ou même au-dessous du bourgeois ; — par la simplicité de l’intrigue ; — par la fidélité de la peinture de la vie commune […] Desnoiresterres, Épicuriens et lettrés au xviiie siècle, 1879]. — Voyages de Buffon, 1730-1732 [Cf. sa Correspondance]. — Son premier Mémoire à l’Académie des sciences ; — sa nomination d’adjoint dans la section de mécanique ; — et sa traduction de la Statique des végétaux de Haies, 1735 ; — sa nomination d’« Intendant du Jardin du Roi », 1739 ; — il se tourne tout entier du côté de l’histoire naturelle ; — où il apporte, avec la liberté d’esprit et l’étendue de curiosité d’un homme de son temps, — l’équilibre de son tempérament bourguignon ; — qui n’est pas sans quelques analogies avec celui de Bossuet ; — son génie d’assimilation ; — l’ampleur de son imagination ; — et la noblesse de son style. — Les trois premiers volumes de l’Histoire naturelle.
J’y reviendrai, mais je vais vous le dire en deux mots : c’est que, à l’exception de leur histoire, la littérature de la Chine est pauvre et médiocre ; ils n’ont que de la raison et peu d’imagination. […] La France le compense par mille chefs-d’œuvre d’imagination et de raison ; son génie a plutôt les formes du drame, parce que ce génie est surtout en action.
Quand le père trouvait dans ces volumes certains passages qui pouvaient être dangereux à l’imagination d’une jeune personne, il lui suffisait d’y mettre une marque pour en interdire la lecture ; l’épée de l’ange exterminateur n’aurait pas été plus sûre d’être obéie ; la jeune fille s’arrêtait et passait aux pages non interdites. […] et quelle admirable imagination !
Les deux premières m’étaient d’autres fois venues à la pensée, et je les avais toujours écartées ; mais cette fois elles s’étaient si profondément fixées dans mon imagination, qu’il fallut bien en jeter l’esquisse sur le papier, avec la conviction et l’espoir que j’en resterais là. […] Je travaillai peu et mal jusqu’à la fin du mois d’août, où la présence tant désirée de mon amie fit évanouir tous ces maux d’une imagination mécontente et enflammée.
Des cailloux furent lancés contre ses vitres : l’imagination du philosophe lui représenta toute une foule ardente à le lapider. […] L’imagination de Rousseau, qui déforme tout, n’a point, en somme, déformé la nature.
À force de se chanter à eux-mêmes, de s’exalter en tant qu’individus, de s’opposer au monde et de se disperser, en s’arrêtant au jeu des apparences, dans l’éparpillement de la sensibilité, ils ne se sont plus tenus dans la mesure, et ils ont vécu et œuvré sans parvenir à se dégager de cette forêt touffue et prodigieuse qui est l’imagination d’une jeunesse ardente. […] Elle n’est rien, si l’on n’y ajoute la sensibilité et l’instinct, l’imagination créatrice, le don de la vie.
Rousseau, quand il était sous le charme d’une amitié naissante, Hume disait des Confessions, alors en projet : « Je pense que Rousseau a sérieusement l’intention de faire de lui-même un portrait véritable ; mais je pense en même temps que personne ne se connaît moins que lui111. » Il en donne pour preuve ses imaginations sur sa santé. […] L’imagination qui, dans tout le reste, lui a gâté le réel, ici le lui rend plus aimable.
« L’on peut dire de René Ghil comme du grand précurseur romantique : Il a renouvelé l’imagination, la matière poétique Française… « Il est le poète épique et lyrique du Cosmisme, de l’Ecoulement des Choses, des grands Etres indivis, stellaires et telluriques, des Espèces, de l’Humanité, des Races, des Peuples, des Morales, des Systèmes, des Sociologies améliorantes. […] René Ghil qui exalte optimistement la science, Verhaeren a dû d’éprouver — à travers son tempérament farouche et son imagination héroïque et tragique — tout ce qu’il pouvait y avoir de beauté à célébrer l’orgueil humain, en départ de conquête, au-devant des inconnus menaçants, et à le célébrer en rythmes indépendants et souples.
Septembre Le défectueux de l’imagination, c’est que ses créations sont rigoureusement logiques. […] La fraîche imagination que ces pensées de jeunes filles courant le ciel et l’espace, à la patte d’un oiseau !
Cette salle, cette chambre, est le musée le plus complet de glaives, de chevalets, de fauteuils capitonnés de pointes, de brodequins à vis, de poires d’angoisse, de toutes les imaginations d’une mécanique meurtrière, pour faire, savamment et diversement, souffrir la chair humaine. […] J’espère que ce travail méprisable sera l’engrenage, qui me rejettera dans le travail du style et de l’imagination.
Emporté par son imagination, Hugo, le converti de 1830, se figurait les opinions de sa mère, non telles qu’elles avaient été, mais telles que les besoins de son excuse les exigeaient. […] Il faut lire Rouge et Noir pour comprendre à quel point Napoléon s’empara de l’imagination des hommes de vouloir et de pouvoir.
Vers la fin de sa vie, il aimait à s’y reporter en imagination, et il regrettait quelquefois cette cellule où il avait passé dans la ferveur d’une paix mystique une ou deux saisons heureuses2.
Arrivée à Versailles au moment où l’astre de La Vallière déclinait et s’éclipsait, ayant vu les dernières années brillantes, elle entre peu dans cet ordre délicat et qui était fait pour flatter l’imagination : mais sans y entendre finesse, et tout uniment par sa franchise, elle nous découvre à nu la seconde partie du règne sous son aspect humain et très humain, naturel, et, pour tout dire, matériel.
Jamais il ne se vit de curiosité plus vive, plus éveillée, plus enjouée, plus universelle ; jamais la vie extérieure avec tous ses accidents ne se peignit dans une imagination plus ouverte, plus avide, plus franchement amusée que la sienne : En ma jeunesse, dit-il en des vers que je traduis le plus légèrement que je peux, j’étois tel que je m’ébattois volontiers, et tel que j’étois, encore le suis-je aujourd’hui.
Ces jeunes princes, objets de tant de vœux et d’espérances et qui n’ont pas vécu, tous ceux à qui la voix du peuple comme celle du poète a pu dire : « … S’il t’est donné de vaincre les destins ennemis, tu seras Marcellus » ; ces figures inachevées que souvent l’imagination couronne, posent en passant un problème que les esprits les plus sérieux et les moins chimériques peuvent méditer au moins un instant.
tout le monde verrait et jugerait ; peut-être, au grand jour, l’impression serait autre et se réduirait ; peut-être Buffon, qui se réservait aux grandes choses et qui ne montait son imagination et son talent qu’à haute fin, n’est-il coupable que d’avoir écrit des lettres trop ordinaires.
Qui ne sent pas cette délicatesse n’est pas fait non plus pour sentir le genre d’influence que put avoir ce jeune prince sur l’imagination vaste et l’esprit si sensé de Bossuet.
Dans ce pays d’Auvergne, du pied de cette montagne illustrée par les expériences de Pascal, Ramond nota les variations du baromètre, multiplia les observations et les mesures en tous sens, et perfectionna cette branche de la physique avec une patience et un besoin d’exactitude rigoureuse qui s’alliait en lui à l’imagination la plus brillante.
À celle nouvelle, il éprouva une impression soudaine et qu’il a rendue bien énergiquement ; tout son sang se glaça, en écoutant le gentilhomme qui lui faisait ce récit : « S’il m’eût donné, dit-il, deux coups de dague, je crois que je n’eusse point saigné ; car le cœur me serra et fit mal d’ouïr ces nouvelles ; et demeurai plus de trois nuits en cette peur, m’éveillant sur le songe de la perte. » Il se représentait la scène du conseil, sa promesse solennelle de la victoire, la conséquence incalculable dont une défaite eût été pour la France, et dans ce prompt tableau que son imagination frappée lui développa tout d’un coup, cet homme intrépide retrouva la peur à laquelle il était fermé par tout autre côté.
La plus calamiteuse et fragile de toutes les créatures, c’est l’homme, et quant et quant la plus orgueilleuse : elle se sent et se voit logée ici parmi la bourbe et le fient du monde, attachée et clouée à la pire, plus morte et croupie partie de l’univers, au dernier étage du logis et le plus éloigné de la voûte céleste, avec les animaux de la pire condition des trois (espèces) ; et se va plantant par imagination au-dessus du cercle de la lune, et ramenant le ciel sous ses pieds… Dans Charron Liv.
Henri n’était pas inconstant, en effet, par débauche d’imagination ni par caprice raffiné ; il l’était tout simplement à la gauloise, par promptitude des sens et selon l’occasion ; mais il avait besoin à travers tout d’une fidélité et d’une habitude au logis, d’être père et d’en jouir, de s’ébattre autour d’un berceau ou sur un tapis avec des enfants.
La Bruyère, chargé de raccommoder ces petites déchirures, écrivait à Santeul, ou le chapitrait quelquefois dans l’embrasure d’une croisée ; mais Santeul était difficile à former, et il fallait toujours en revenir sur son compte à cette conclusion du grand moraliste et du censeur amical, qui lui disait : « Je vous ai fort bien défini la première fois : vous êtes le plus beau génie du monde et la plus fertile imagination qu’il soit possible de concevoir ; mais pour les moeurs et les manières, vous êtes un enfant de douze ans et demi. » Cette insigne faveur de Santeul à Chantilly faisait grand bruit dans la rue Saint-Jacques et ailleurs, et ne laissait pas de donner quelque jalousie : « Santeul est fier, Santeul nous néglige depuis que des altesses lui font la cour ; il ne daigne plus venir même à Bâville, il ne s’abaisse plus jusqu’à nous. » Ainsi disait-on en bien des lieux.
Ce n’est pas à dire qu’avec plus de ressources et d’imagination il n’eût pu être un poète de Renaissance tout autrement vif, inventif et léger.
Quoi qu’il en soit, il est, par le rare assemblage de ses mérites, une des figures originales de notre histoire ; et, quand pour le distinguer des autres de son nom et pour caractériser ce dernier mâle de sa race, quelques-uns continueraient de l’appeler par habitude le grand duc de Rohan, il n’y aurait pas de quoi étonner : à l’étudier de près et sans prévention dans ses labeurs et ses vicissitudes, je doute que l’expression vienne aujourd’hui à personne ; mais, la trouvant consacrée, on l’accepte, on la respecte, on y voit l’achèvement et comme la réflexion idéale de ses qualités dans l’imagination de ses contemporains, cette exagération assez naturelle qui compense justement peut-être tant d’autres choses qui de loin nous échappent, et on ne réclame pas.
Toute femme qu’elle est (notez-le bien), elle n’a pas de nerfs, de vapeurs, ni de ces nuages qui passent ; elle n’a pas cette imagination qui grossit les objets : sur un fond de santé forte, d’humeur heureuse et peut-être d’indifférence, il y a un esprit ferme, adroit et actif, de vives qualités disponibles, dressées de bonne heure à la grande vie, au train des cours, et qui cherchent leur aliment et leur plaisir dans le démêlé des intérêts, dans le maniement des ressorts, dans l’influence et la représentation continue.
. — Oui, ennuyeux tant que vous voudrez ; ils parlaient de ce qu’ils ne savaient pas bien, ils entreprenaient un jeune homme qui y était peu propre, ils allaient comme sont allés si souvent nos théoriciens prêcheurs, tout droit devant eux et à tort et à travers ; mais l’idée pourtant, l’idée française d’une histoire suisse à faire, — du besoin qu’on avait d’une histoire suisse, — restait attachée à l’imagination et enfoncée dans l’esprit de Bonstetten ; il emportait sans y songer l’aiguillon ; et lorsque trois ans après, il rencontre Jean de Muller au seuil de sa magnanime entreprise, mais encore incertain sur la forme, sur l’étendue, sur la plénitude du dessein, Bonstetten se souvient à l’instant et se sert de l’aiguillon qu’il a reçu, et, devenu prêcheur à son tour, il pousse, excite et soutient son ami dans la grande carrière.
C’est ce qui est arrivé au cardinal de Retz, le prince de ces narrateurs brillants qui mettent partout la vie et chez qui, à tout coup, l’imagination fait tableau.
Que. si, à cette périlleuse disposition d’esprit et d’âme, vous ajoutez une tournure d’imagination mystique, funèbre, apocalyptique, sujette aux terreurs, vous comprendrez qu’il avait en lui les ferments qui produisent aisément le fanatisme.
D’un côté, l’imagination et la fée : de l’autre, la raison qui sait être piquante, et le conseil.
Lacordaire, et là où son imagination et son trop de science s’égarent, il n’est pas beaucoup plus déraisonnable que lui.
Sa Majesté a permis à la reine de ne se coucher plus qu’à dis heures et demie, et de monter à cheval quand elle voudra, quoique cela soit entièrement contre l’usage. » Mais n’allez pas vous figurer pourtant de bien grandes joies ; ne laissez pas courir votre imagination ; prêtez l’oreille, écoutez l’ironie fine : « On se trouve toujours bien du changement de la camarera-mayor.
Quand Bettina, dès la première ou la seconde entrevue avec Gœthe qu’elle aimait depuis longtemps en imagination, se livrait auprès de lui à des caresses d’enfant et à des échappées de folle vigne en fleur, l’auguste et indulgent contemplateur se contentait, de temps en temps, de la rappeler à la raison et de lui dire : « Du calme, du calme !
Il répudiait la sécheresse des formes protestantes ; il paraissait croire à une réunion future, et à l’amiable, de toutes les communions chrétiennes ; en un mot, comme tous les vrais critiques que travaille une grande activité d’esprit et d’imagination, il était en train, sans s’en douter, de passer en réalité par la disposition et l’état moral qui lui avait manqué jusqu’alors, afin d’être ensuite tout à fait en mesure de s’en rendre compte et de le comprendre.
Les vieux souvenirs de cette race sont pour moi plus qu’un curieux sujet d’étude ; c’est la région où mon imagination s’est toujours plu à errer, et où j’aime à me réfugier comme dans une idéale patrie… Ô pères de la tribu obscure au foyer de laquelle je puisai la foi à l’invisible, humble clan de laboureurs et de marins à qui je dois d’avoir conservé la vigueur de mon âme en un pays éteint, en un siècle sans espérance, vous errâtes sans doute sur ces mers enchantées où notre père Brandan chercha la terre de promission ; vous contemplâtes les vertes îles dont les herbes se baignaient dans les flots ; vous parcourûtes avec saint Patrice les cercles de ce monde que nos yeux ne savent plus voir.
Comme de telles représentations devaient alimenter et fortifier les âmes croyantes, remplir leur imagination, satisfaire à leur besoin de sensibilité !
Cet honnête homme à imagination ardente, et qui n’admettait guère qu’on pût sentir et penser autrement que lui-même, lui arracha une phrase par laquelle on supplia formellement le roi de s’en tenir à la clémence pour le passé et d’y mettre un terme, eu laissant cours à la justice et à la sévérité des lois pour l’avenir.
Il semble presque impossible, au point de vue de l’art et en prétendant conserver l’intérêt du récit, d’opérer une réduction quelconque de ce grand drame, consacré dans les imaginations par l’admirable liturgie du Moyen-Age et par tant de chefs-d’œuvre du pinceau.
Demain, le fatal demain, est déjà venu… Mais que l’on juge pourtant de l’effet instantané d’une telle parole de l’Empereur, d’un tel coup d’éperon sur une jeune imagination ardente et enthousiaste.
Ponsard reprend en sous-œuvre la tragédie, et son succès de bon. sens est un nouvel échec à la cause de l’imagination pure.
Il prête à ses vieux héros tout ce qu’il a de noble dans l’imagination, et vous diriez qu’il se défend l’usage de son propre bien, comme s’il n’était pas digne de s’en servir. » Tout cela admis et reconnu, il restera vrai d’accorder à M.
Et par exemple, pour ne prendre qu’un trait du caractère national, nous sommes un peuple qui se plaît ou s’est beaucoup plu à la guerre, qui aime le clairon et le pompon ; cela diminue sans doute, mais peut-on agir et raisonner absolument comme si cela n’était plus, comme si cette forme de notre imagination et tout notre tempérament étaient changés subitement, du soir au matin, comme si le tempérament et les intérêts des nations rivales ou jalouses avaient changé aussi ?
Appartenant à la vieille race de gentilshommes ruraux que n’avaient pas atteints la corruption de Cour et l’élégance des vices inhérents à Versailles ou même nés bien auparavant à Fontainebleau et à Chambord dès le règne de François Ier, il déplorait la perte d’un état de choses, où la grande propriété, la famille, la religion, les mœurs étaient garanties ; il avait l’imagination et le souvenir remplis des tableaux d’une vie simple, régulière, patriarcale, frugale, antique, et il demandait au Pouvoir royal restauré de rétablir de son plein gré et de toute sa force ce qu’il avait laissé perdre par sa faute, ce qu’il avait compromis et entraîné avec lui dans une ruine commune.
La nécessité d’une bonne contenance, d’une conduite mesurée et d’une circonspection habituelle dans une société d’un ordre supérieur, redressa tous mes écarts d’imagination et calma une vivacité de caractère qui, sans ce secours, m’eût conduit fréquemment à l’étourderie.
Condillac montre en outre que toute perception, souvenir, idée, imagination, jugement, raisonnement, connaissance, a pour éléments actuels des sensations proprement dites ou des sensations renaissantes ; nos plus hautes idées n’ont pas d’autres matériaux ; car elles se réduisent à des signes qui sont eux-mêmes des sensations d’un certain genre.
Renan941 a le charme, la grâce, l’imagination, l’ironie, la souplesse délicieuse de l’intelligence, la richesse éblouissante des idées : peintre exquis de paysages, pénétrant analyseur d’âmes, penseur profond ; ce sont qualités et séductions que nul ne conteste à son œuvre.
Elle a passé dans le monde comme une de ces vives et rapides apparitions que l’imagination des contemporains se plaît à embellir.
Heureusement, dans l’Histoire de la Restauration il a affaire, je ne dirai pas à des souvenirs plus présents, car il se souvient peu et il a la mémoire docile à son imagination, mais il a affaire à de plus honnêtes gens, à des personnages plus dignes en général de ses couleurs.
Elles laissent en arrière d’elles tous les systèmes de liberté connus : elles enivrent l’imagination des sots, en même temps qu’elles allument les passions populaires.
Portalis qualifiait ce décret du 3 Brumaire « un véritable Code révolutionnaire sur l’état des personnes. » Il montrait que le régime révolutionnaire avait dû être détruit par la Constitution : « Et au lieu de cela, c’est la Constitution que l’on veut mettre sous la tutelle du régime révolutionnaire. » La suite et l’enchaînement régulier de la discussion s’animait chemin faisant, sur ses lèvres, d’expressions heureuses à force de justesse : « Avec la facilité que l’on a, disait-il, d’inscrire qui l’on veut sur des listes, on peut à chaque instant faire de nouvelles émissions d’émigrés. » Il demandait pour la Constitution de la patience et du temps : « Il faut que l’on se plie insensiblement au joug de la félicité publique. » Il observait que jamais nation ne devient libre quand l’Assemblée qui la représente ne procède ainsi que par des coups d’autorité : « Les institutions forment les hommes, si les hommes sont fidèles aux institutions ; mais si nous conservons l’habitude de révolutionner, rien ne pourra jamais s’établir, et nos décrets ne seront jamais que des piliers flottants au milieu d’une mer orageuse. » On entrevoit par ces passages que Portalis n’était pas dénué d’une certaine imagination sobre et grave qui convenait à la nature et à l’ordre de ses idées législatrices.
Oui, sans doute, on le sent bien à la lecture, il a manqué quelque chose à cette éloquence ; cet œil ne lançait point d’étincelles ni d’éclairs ; cette voix n’avait point d’éclats sonores, ni de ce qui vibre à distance ; mais du moins un sentiment juste, équitable, pénétré, animait cette gravité douce et abondante ; une imagination tempérée y jetait plutôt de la lumière que de la couleur ; parfois la finesse et une certaine grâce d’ironie n’y manquaient pas ; l’humanité surtout, avec la justice, en était l’âme, et cet orateur au ton sage avait en lui toutes les piétés.
On y voit déjà toutes ses qualités, une imagination naturelle et gaie, un style clair et piquant, surtout l’art si difficile de conduire une action et d’enchaîner les scènes.
Cette pièce des Folies est celle où Regnard a le plus développé peut-être sa qualité dominante : l’imagination dans la gaieté.
Votre intelligence, ils la dépassent ; votre imagination, ils lui font mal aux yeux ; votre conscience, ils la questionnent et la fouillent ; vos entrailles, ils les tordent ; votre cœur, ils le brisent ; votre âme, ils l’emportent.
Tocqueville est le premier qui, regardant la démocratie comme bonne en elle-même et inévitable, ait su voir qu’elle pouvait conduire au despotisme aussi bien qu’à la liberté : observation vulgaire chez tous les publicistes de l’antiquité, et cent fois vérifiée dans les petites républiques de la Grèce, mais qui, appliquée à toute la surface du monde civilisé, inspire à l’entendement et à l’imagination une singulière impression de religieux effroi.
Mais cet homme de grande bonne foi, de parfaite bonne volonté, avait d’un seul coup fourni à nos adversaires, dans À rebours, d’après quelques aimables dilettantes, et surtout d’après son imagination tourmentée et grossissante, de quoi nous persifler longtemps.
Fervaques est de nature, d’imagination et d’attitude, de la bande à Balzac, de cette bande élégante et piaffeuse dont était Rusticoli de la Palférine, par exemple.
Possédant une imagination et une langue d’une richesse extraordinaire, une sensibilisé et une originalité exceptionnelles, observateur et psychologue de premier ordre, d’une activité, d’une universalité étonnante, le moindre spectacle de nature le fait vibrer tout entier.
En vain mon enfance et ses poétiques impressions, ma jeunesse et ses religieux souvenirs, la majesté, l’antiquité, l’autorité de cette foi qu’on m’avait enseignée, toute ma mémoire, toute mon imagination, toute mon âme s’étaient soulevées et révoltées contre cette invasion d’une incrédulité qui les blessait profondément ; mon cœur n’avait pu défendre ma raison… Je n’oublierai jamais la soirée de décembre où le voile qui me dérobait à moi-même ma propre incrédulité fut déchiré.
Il n’a guère pour adversaires déclarés que des hommes pleins de bonhomie qui rédigent le calendrier et le bréviaire d’une religion future, ou des hommes pleins d’imagination qui fabriquent des épopées philosophiques en prose.
Après cette menace à moi-même, je mis mon soin à irriter mon imagination, de telle sorte que les cinq cents vers environ qui manquaient était parachevés à la première heure de l’année 1900. […] La Chartreuse de Parme grisait mon cœur, et Le Rouge et le Noir (l’élégant Jean de Mitty ne nous avait point encore rendu Lucien Leuven), remplissait mon imagination. […] Son feuillage agité nous parle doucement ; notre imagination l’associe sans cesse à quelque blanche fontaine, à quelque onde transparente : populus in fluviis . […] Les grenouilles Plus je vieillis, plus mon imagination empiète sur mes yeux. […] » Nous rîmes de mes imaginations.
L’inégalité des conditions, la rigueur incessante du sort pour le grand nombre, le scandale de la richesse avec tous les vices chez quelques-uns, l’iniquité, la tyrannie des gouvernants et des maîtres, tout ce chaos enfin qui pèse si atrocement sur nos âmes et sur notre imagination, à nous que la Philosophie du Dix-Huitième Siècle et la Révolution ont émancipés du passé en esprit, mais non pas en fait ; ce chaos, dis-je, n’existait pas pour l’homme qui portait gravée dans son cœur, dès ses premiers pas dans la vie, la solution chrétienne. […] Son imagination lui retrace des hommes noirs qui ont pris son enfance malléable et crédule, et lui ont gravé dans la tête des idées superstitieuses ou des débris de vérités antiques dont eux-mêmes n’avaient plus le sens. […] Et toi, Goethef, après avoir dit deux fois la terrible pensée de ton siècle8, tu sembles avoir voulu t’arracher au tourment qui t’obsédait, en remontant les âges, te contentant de promener ton imagination passive de siècle en siècle, et de répondre comme un écho à tous les poètes des temps passés.
Quel historien contemporain, quel petit-fils, quel petit-neveu du vieil homme ne reculera de saisissement devant de telles affirmations, devant de telles présomptions, devant cet admirable et tranquille orgueil, devant ces certitudes et ces limitations ; une humanité Dieu, si parfaitement emplie de sa mémoire totale qu’elle n’a plus rien à connaître désormais ; une humanité Dieu, arrêtée comme un Dieu dans la contemplation de sa totale connaissance, ayant si complètement, si parfaitement épuisé le détail du réel qu’elle est arrivée au bout, et qu’elle s’y tient ; qui au besoin, parmi les historiens du temps présent, ne désavouera les ambitions de l’aïeul et qui ne les traitera de chimères et d’imaginations feintes ; qui ne les reniera, car nous n’avons pas toujours le courage d’avouer nos aïeux, de déclarer nos origines, et de qui nous sommes nés, et d’où nous descendons ; les jeunes gens d’aujourd’hui ne reconnaissent pas toujours les grands ancêtres ; ce ne sont point les pères qui ne reconnaissent pas leurs fils, mais les fils qui ne reconnaissent pas leurs pères ; et comme nos politiciens bourgeois ne reconnaissent pas volontiers leurs grands ancêtres de la révolution française, ainsi nos modestes historiens ne reconnaissent pas toujours leurs grands ancêtres de la révolution mentale moderne, les innovateurs des méthodes historiques, les créateurs du monde intellectuel moderne ; et puis, depuis le temps des grands vieux, nous avons reçu de rudes avertissements ; pour deux raisons, l’une recouvrant l’autre, nul aujourd’hui n’avancerait que toute l’histoire du monde est sur le point d’aboutir, nul aujourd’hui, de tous les historiens, ne souscrirait aux anticipations aventurées, aux grandes ambitions pleines de Renan. […] Nous parlons d’une intime transfusion, grâce à laquelle les forces que la nature a dirigées vers des opérations différentes seraient employées à une même fin. » Ces rêves, ces imaginations nous paraissent aujourd’hui monstrueuses, peut-être parce qu’elles sont monstrueuses en effet, surtout parce que les sciences naturelles ont depuis continué à marcher, et parce que de toutes parts nous avons reçu de la réalité de rudes avertissements ; nul aujourd’hui, de tous les historiens modernes, et de tous les savants, ne les endosserait ; et non seulement il n’est personne aujourd’hui qui ne les renie, mais il n’est personne au fond qui n’en veuille à l’ancien d’avoir aussi honteusement montré sa pensée de derrière la tête ; nous au contraire, qui n’avons aucun honneur professionnel engagé dans ce débat, remercions Renan d’avoir, à la fin de sa pleine carrière, à l’âge où l’homme fait son compte et sa caisse et le bilan de sa vie et la liquidation de sa pensée, achevé de nous éclairer sur les lointains arrière-plans de ses rêves ; par lui, en lui nous pouvons saisir enfin toute l’orientation de la pensée moderne, son désir secret, son rêve occulte. […] Il a fallu la vue intérieure des caractères, la précision, l’énergie, la tristesse anglaise, la fougue, l’imagination, le paganisme de la Renaissance pour produire un Shakespeare.
Ils veulent dire tous les deux que, dans la nature, notre imagination ne trouve jamais de satisfaction entière ; que rien de naturel, en aucun genre, n’épuise l’idée que nous nous formons de sa perfection ; et qu’ainsi nous y pouvons toujours ajouter quelque chose de notre fonds. […] La valeur littéraire du Roman. — Abondance, richesse et complexité de l’imagination de Rabelais ; — et que possédant au plus haut degré le don de voir, celui de peindre, et celui de conter, — il a eu même le don d’inventer de véritables mythes. — Allégorie, Mythe et Symbole. — L’humour de Rabelais. — Le don du rire. — Le style de Rabelais, et qu’il convient de distinguer deux époques dans son style ; — dont la première est la meilleure. — De quelques procédés de Rabelais. — Le don de l’invention verbale ; — comment Rabelais s’y laisse entraîner ; — et, en s’y abandonnant, s’élève parfois jusqu’au lyrisme. — Qu’il ne semble pas que Rabelais ait fait école, et pourquoi ? […] — Qualités des tragédies de Garnier : — noblesse de son imagination ; — son style est celui de l’école de Ronsard. — Comment d’ailleurs il s’est trompé sur la nature de l’action dramatique ; — sur les moyens d’intéresser le public ; — et sur le choix de ses modèles.
Le vieux palotin se contentait, il est vrai, de jongler avec des Montmertre, à tel point inoffensifs que, mis à bout par ce défaut d’imagination, et, en même temps, tout pénétré de Jarry dont on venait de rééditer Ubu roi, je murmurai, malgré moi, Montmerdre. […] Les appels du libéralisme au sentiment du pittoresque, les pétitions en faveur des monuments historiques, les lois pour la conservation desdits monuments — pour la conservation tout court, sans plus, faudrait-il dire — on sait ce qui se cache sous ces précautions oratoires, et, comment, dans la tanière préservée, reviendront rôder ces êtres en dehors du temps et de l’espace créés par les clergés et nourris par l’imagination des foules ignorantes et opprimées, dont, Engels déclare qu’ils ne sont que les produits d’une fantaisie maladive, les subterfuges de l’idéalisme philosophique, les mauvais produits d’un mauvais régime social af. […] De l’imagination même (toujours le prétexte de l’humanisme et des humanités) n’a-t-on pas exigé qu’elle se contente de broder, rebroder et rebroder encore des arabesques autour des thèmes anciens. […] André Breton, Manifeste du surréalisme, Éditions du Sagittaire, 1924 : « La seule imagination me rend compte de ce qui peut être, et c’est assez pour lever un peu le terrible interdit ; assez aussi pour que je m’abandonne à elle sans crainte de me tromper. » (NdE) av.
Or, ce Roland est dans l’histoire comme s’il n’était point ; tel qu’il demeure en notre vénération enthousiaste, il a été créé tout entier par l’imagination populaire et par l’invention poétique, ces sœurs ! […] Il y eut Chateaubriand, qui procède de Milton et de Klopstock ; Chateaubriand, vaste, bien ordonné, déversant en noble langue de notre pays, comme entre de rectilignes digues, une imagination majestueuse comme un beau fleuve, grossie de confluents étrangers. […] Il a été dans l’ode, dans le drame, dans l’épopée, la plus haute, la plus large, la plus extraordinairement féconde des imaginations. […] Misérable confusion entre les choses du cœur, qui appartiennent à tous, et la rare faculté de les exprimer idéalisées par l’imagination ! […] C’est à ces imaginations séduisantes et vaines, disparaissantes, que fait songer la poésie de Jules Laforgue, — libellule envolée en parfums, diaphane frémissement d’ailes presque invisibles, qui ne se pose point.
A ceci que le principe de l’exactitude documentaire y gouverne souverainement l’imagination de l’écrivain. […] Quel éclat cette antique doctrine allait revêtir, comprise et sentie par cette vivante imagination et traduite dans cette prose d’un charme si prenant, tous ses lecteurs le savent. […] Mais il l’a acceptée avec une imagination et une facture épique. […] La férocité d’El Verdugo cesse d’être le caprice sanglant d’une imagination échauffée. […] Si Musset n’a pas la richesse d’imagination de Heine, quel charme il a, que ne possède pas l’autre, par son tact exquis même dans le libertinage, par son humanité si pathétique même dans l’égarement !
Cette quantité d’actes de clémence et de générosité que Henri IV prodiguait envers les vaincus se résumèrent bientôt après dans l’imagination populaire sous la forme de cette anecdote touchante et un peu fabuleuse.
En tous ces passages, Mézeray montre qu’il sait préférer le vrai tout simple et tout naturel à ce que l’imagination est tentée d’accepter pour agrandir les faits.
Une imagination plus forte qu’aimable ; une mémoire vaste et qui retient tout.
Il se fit là tout d’un coup comme un réveil de la licence, des intrigues et de l’émancipation en tous sens qui s’était vue au xvie siècle ; toutes les imaginations, toutes les ambitions étaient en campagne : Il est aisé de comprendre, nous dit La Fare, comme quoi chacun alors par son industrie pouvait contribuer à sa fortune et à celle des autres : aussi les gens que j’ai connus, restés de ce temps-là, étaient la plupart d’une ambition qui se montrait à leur première vue, ardents à entrer dans les intrigues, artificieux dans leurs discours, et tout cela avec de l’esprit et du courage.
Ces trois ou quatre points, sur lesquels il veut attirer son attention d’homme à jeun, sont précisément les divers degrés d’impression et de sensation, puis de jugement et de raisonnement, de réflexions générales ; la conception que nous avons du passé, du présent et de l’avenir ; la faculté de retour et de considération interne sur nous-mêmes ; l’invention et la découverte des hautes vérités ; tant de sublimes imaginations des beaux génies, « une infinité de pensées enfin, si grandes et si vastes, et si éloignées de la matière qu’on ne sait presque par quelle porte elles sont entrées dans notre esprit », toutes choses qui restent à jamais inexplicables pour une philosophie atomistique et tout épicurienne.
Ajoutons vite (car ceci n’est point une biographie que nous prétendons esquisser, et nous ne voulons que faire connaître l’homme et le poète par ses traits principaux) que dès que Cowper s’aperçut que la présence de lady Austen pouvait à la longue chagriner Mme Unwin, et que l’aimable fée apportait dans le commerce habituel un principe trop vif de sensibilité ou de susceptibilité, propre à troubler leurs âmes unies, il n’hésita point une minute ; et sans effort solennel, sans coquetterie, par une simple lettre irrévocable, il sacrifia l’agréable et le charmant au nécessaire, et l’imagination tendre à l’immuable amitié.
Partout vous faites voir d’heureuses applications de l’Écriture, de doctes citations des pères ; vous les possédez tous, et s’il y en a quelqu’un qui se présente à vous plus ordinairement que les autres (Tertullien sans doute), c’est par la sympathie des imaginations sublimes que la nature n’accorde qu’à ses favoris.
C’est ainsi encore que sur lui, sur sa propre race, sur les qualités et les défauts des siens, de son frère, de sa femme (passe encore), mais aussi de sa fille, de son fils, sur le plus ou moins de sensibilité de celui-ci, sur son absence d’imagination, ses bornes d’esprit et de talent, et son « raccourcissement de génie », il dit et écrit tout ce qu’il a observé, tout ce qu’il pense ou qu’il conjecture, sauf à être lu de quelques-uns des intéressés et notamment de son fils même, après sa mort.
Besenval, qui n’était pas des mieux avec lui, nous l’a montré au naturel dans deux ou trois circonstances. « Extrêmement gai, d’une imagination où tout se peignait du côté plaisant, insouciant sur tout, hors sur son crédit et sur l’espèce de gens à mettre en place, qu’il n’aurait voulu que de sa façon et dans sa dépendance ; toute affaire lui offrait matière à plaisanterie, et tout individu à sarcasme. » Il se moquait de ceux qui travaillaient pour lui et avec qui il traitait, et ne cessait de leur chercher des ridicules.
En s’installant à Ferney, Voltaire s’était donc emporté tout entier lui-même, avec son imagination et ses caprices, avec tous ses principes d’agitation et d’inquiétude.
Aussi aimerais-je que, lorsqu’on écrit sur un auteur (et j’entends surtout parler d’un poète ou d’un artiste, d’un auteur de sentiment ou d’imagination), on se le figurât présent et écoutant ce que nous en disons.
» Ici nous retrouvons quelques-unes des idées particulières et, si l’on veut, des préventions de Vauvenargues, un reste de gentilhomme, ou plutôt un commencement de grand homme ambitieux, qui aimerait mieux franchement être Richelieu que Raphaël, avoir des poètes pour le célébrer que d’être lui-même un poète ; qui aimerait mieux être Achille qu’Homère : « Quant aux livres d’agrément, ose-t-il dire, ils ne devraient point sortir d’une plume un peu orgueilleuse, quelque génie qu’ils demandent ou qu’ils prouvent. » Il ne permet tout au plus la poésie à un homme de condition et de ce qu’il appelle vertu, que « parce que ce génie suppose nécessairement une imagination très vive, ou, en d’autres termes, une extrême fécondité, qui met l’âme et la vie dans l’expression, et qui donne à nos paroles cette éloquence naturelle qui est peut-être le seul talent utile à tous les états, à toutes les affaires, et presque à tous les plaisirs ; le seul talent qui soit senti de tous les hommes en général, quoique avec différents degrés ; le talent, par conséquent, qu’on doit le plus cultiver, pour, plaire et pour réussir. » Ainsi la poésie, il ne l’avoue et ne la pardonne qu’à titre de cousine germaine de l’éloquence, et qu’autant qu’elle le ramène encore à une de ces grandes arènes qui lui plaisent, à l’antique Agora ou au Forum, ou à un congrès de Munster, en un mot à une action directe sur les hommes.
Alors nous voyons tout en noir, hommes et choses… Mais employons-nous l’encre de notre écritoire à noircir du papier, aussitôt notre esprit se rassérène ; notre imagination se purge, et, nos œuvres fussent-elles œuvres de misanthrope, notre humeur, charmée par le travail, ferme cette plaie dont vous vous plaignez.
La fortune m’a fait naître le plus pauvre gentilhomme de France ; mais, en récompense, elle m’a honoré d’un cœur sincère, si exempt de toutes sortes de friponneries qu’il n’en peut même souffrir l’imagination sans horreur. » Honneur et vertu !
je t’accepterai encore, et, s’il fallait opter, je te préférerais même ainsi, pauvre et médiocre, mais prise sur le fait, mais sincère, à toutes les chimères brillantes, aux fantaisies, aux imaginations les plus folles ou les plus fines, — oui, aux Quatre Facardins eux-mêmes, — parce qu’il y a en-toi la source, le fond humain et naturel duquel tout jaillit à son heure, et, un attrait de vérité, parfois un inattendu touchant, que rien ne vaut et ne rachète.
Mais venir soutenir qu’un morceau tout à fait inconnu jusqu’ici, — ou très peu connu, même en admettant qu’il ait couru et circulé en quelques mains vers 1649, — enlève à Pascal l’honneur d’avoir le premier dégagé la langue et va désormais s’introduire comme de droit, dans l’histoire de notre littérature, entre le Discours de la Méthode et les Provinciales, c’est vraiment imposer ses imaginations à un public trop docile ; c’est trop magnifiquement traiter La Rochefoucauld comme auteur, après l’avoir tant dénigré dans sa vie, au moral.
Jamais il n’a fait une figure sans en avoir ridée nette dans son imagination ; il a le bonhomme dans la tête.
L’imagination s’en mêle et ne se tiendra probablement pas encore pour vaincue.
« Ces préparatifs peuvent n’avoir rien d’horrible, lorsque l’homme, altéré par la haine ou le ressentiment, a soif de la vengeance ; mais, lorsque le cœur est sans fiel et que l’imagination n’a pas usé toutes les douces émotions, il faut, pour ne pas s’effrayer de la pensée toujours affreuse d’un duel, toute la force d’un préjugé qui résiste aux lois mêmes qui le condamnent. » Le duel, malgré sa menace, n’a rien ici de fratricide : le pistolet à la main, Émile fait des excuses à Édouard ; un témoin s’en étonne à haute voix plus qu’il ne convient, et c’est lui qu’Émile choisit à l’instant pour adversaire, priant Édouard lui-même de lui servir de témoin.
Les publications qu’il multiplia dans ces années montrent à quel point Cervantes, désormais affranchi de tout autre occupation, était redevenu un pur homme de lettres, vidant ses portefeuilles, ouvrant une dernière fois tous ses casiers, tous ses tiroirs, et surtout ceux d’une imagination restée si enjouée et si jeune.
Ce goût, cette sensibilité si éveillée, si soudaine, suppose bien de l’imagination derrière.
Lorsqu’il a eu à parler de Mme Roland, comme s’il s’agissait avant tout de la disculper et de la défendre, il a essayé de diminuer son rôle actif auprès de son mari et sa part virile d’influence : il s’est refusé également à admettre qu’il se fût logé dans ce cœur de femme aucun sentiment autre que le conjugal et le légitime, ni aucune passion romanesque : « Écoutez-les, disait-il hier encore, en s’adressant par la pensée aux différents historiens ses prédécesseurs et en les indiquant du geste tour à tour : ceux-là, soit admiration sincère pour le mérite de Mme Roland, soit désir de rabaisser celui des hommes qui l’entouraient, voient dans la femme du ministre la tête qui dirige et son mari et les législateurs qui le fréquentent, et répétant un mot célèbre : Mme Roland, disent-ils, est l’homme du parti de la Gironde ; — ceux-ci, habitués à se laisser aller à l’imagination du romancier ou du poète, transforment l’être qu’ils ont créé en nouvelle Armide, fascinant du charme de ses paroles ou de la douceur de son sourire ceux qu’elle réunit dans ses salons ou qu’elle convie à sa table ; — d’autres enfin, scrutateurs indiscrets de la vie privée, se placeront entre la jeune femme et son vieux mari, commenteront de cent façons un mot jeté au hasard par cette femme, chercheront à pénétrer jusqu’aux plus secrets sentiments de son âme, compteront les pulsations de son cœur agité, selon que telle ou telle image, tel ou tel souvenir l’impressionne, et montreront sous un voile transparent l’être vers lequel s’élancent sa pensée et ses soupirs ; car à leur roman il faut de l’amour. » Et il ajoute, plein de confiance dans le témoignage qu’il invoque : « Mme Roland a raconté elle-même avec une simplicité charmante ce qu’elle a pensé, ce qu’elle a senti, ce qu’elle a dit, ce qu’elle a fait. » Eh bien !
S’ils faisaient défaut, quelque historien à imagination ardente et prompt à la réaction pourrait venir un jour, qui traiterait ces premiers débuts à la légère et les sacrifierait d’un trait de plume, ennuyé d’entendre appeler Aristide le Juste.
Pour moi, j’avouerai que c’est le contraire qui me frappe : il me semble, à tout moment, reconnaître en elle, en la lisant, une Genevoise émancipée, une calviniste qui se met en fête et en frais d’imagination, une formaliste qui fait éclater son moule.
Sainte-Croix, le premier, sur la seule annonce du système de Wolf et avant même de le bien connaître10, s’était empressé de crier au paradoxe, et dès 1797 il avait dit : « Il ne faut que sentir et obéir à sa propre imagination, sans aucun effort d’esprit, pour être intimement convaincu que l’Iliade et l’Odyssée sont sorties toutes deux aussi entières de la tête d’Homère que Minerve du cerveau de Jupiter.
Saint-Simon mérite de se tirer de toutes ces critiques mieux encore que Retz, qui s’en tire pourtant ; il s’est donné plus de peine pour être vrai, il est moins à la merci de son imagination ou, lorsqu’il s’y abandonne, on le voit ; il est plus naïf.
Toutes les têtes exaltées, les imaginations ardentes, les intrigants de toute espèce, les hommes à projets et à espérances, y affluaient et cherchaient à pénétrer, les uns jusqu’à l’empereur Alexandre, les autres au moins jusqu’à M. de Talleyrand.
Sa femme, née dans la même condition que lui, mais d’esprit naturel, d’imagination, et d’un parler pittoresque, sa femme, qui d’abord était ennemie jurée des vers et lui cachait plumes et papier, maintenant qu’elle sait le prix de la rime, lui offre toujours, d’un air gracieux, la plume la plus fine et le papier le plus doux : « Courage !
remy, qui, jeune, ne trouva pas à ouvrir sa voie dans les tentatives d’alors, et qui dissipa ses premiers efforts dans les conceptions les plus hasardées, fit preuve, à un certain moment, d’une volonté forte et d’un bien rare courage : il rompit brusquement avec cette imagination qui ne lui répondait pas, avec ce passé qu’il avait fini par réprouver ; il aborda les études sévères, les hautes sources du savoir et du goût, et il en sortit après plusieurs années comme régénéré.
Ce qui manque, c’est du calme et de la fraîcheur, c’est quelque belle eau pure qui guérisse nos palais échauffés. » Cette qualité de fraîcheur et de délicatesse, cette limpidité dans l’émotion, cette sobriété dans la parole, ces nuances adoucies et reposées, en disparaissant presque partout de la vie actuelle et des œuvres d’imagination qui s’y produisent, deviennent d’autant plus précieuses là où on les rencontre en arrière, et dans les ouvrages aimables qui en sont les derniers reflets.
Entre toutes les scènes si finement assorties et enchaînées, la principale, la plus saillante, celle du milieu, quand, un soir d’été, à Faverange, pendant une conversation de commerce des grains, Édouard aperçoit Mme de Nevers au balcon, le profil détaché sur le bleu du ciel, et dans la vapeur d’un jasmin avec laquelle elle se confond, cette scène de fleurs données, reprises, de pleurs étouffés et de chaste aveu, réalise un rêve adolescent qui se reproduit à chaque génération successive ; il n’y manque rien ; c’est bien dans ce cadre choisi que tout jeune homme invente et désire le premier aveu : sentiment, dessin, langue, il y a là une page adoptée d’avance par des milliers d’imaginations et de cœurs, une page qui, venue au temps de la Princesse de Clèves, en une littérature moins encombrée, aurait certitude d’être immortelle.
Comment colorerait-il de nuances convenables ses portraits et ses tableaux, si, au lieu de palette dans l’imagination, il n’a qu’un peu d’encre au bout de sa plume ?
Son caractère naturaliste, et la condition de la vraisemblance imposée aux écrivains, rendent compte de ce qu’ont parfois les œuvres d’un peu sévère et sec, et de médiocrement flatteur pour l’imagination.
C’est à cause de cela qu’ils nous entrent si avant dans l’imagination et qu’ils nous restent dans la mémoire.
Je sais bien que, grâce à Dieu, sa puissante imagination vivifie ses vieilles notes et ses souvenirs défraîchis et qu’il invente terriblement !
. — Dans l’humanité primitive, l’imagination règne en maîtresse et son pouvoir d’illusion est à son maximum.
Le coup de soleil qui suivit le 18 Brumaire s’était fait sentir mieux qu’ailleurs dans ce coin du monde : on aimait, on adoptait avec bonheur tout génie, tout talent nouveau ; on en jouissait comme d’un enchanteur ; l’imagination avait refleuri, et on aurait pu inscrire sur la porte du lieu le mot de M.
Cependant, à travers ces jeux d’une imagination agréable, il se nourrissait de tout temps de lectures solides, et il aiguisait en silence son jugement.
Tout à côté de Mme de Sévigné, avec moins d’imagination dans le style et de génie de détail, mais avec une invention poétique et romanesque pleine de tendresse, et une légèreté, une justesse d’expression incomparable, on trouve Mme de La Fayette.
Dans un moment elle s’exagère les périls ; son imagination va jusqu’à se représenter Voltaire peu en sûreté même en Hollande : « Je ne sais, écrit-elle à d’Argental, si vous daignerez me rassurer sur cette crainte, vous penserez que je deviens folle.
Par exemple, ces ameublements riches et bizarres, où il entassait au gré de son imagination les chefs-d’œuvre de vingt pays et de vingt époques, devenaient une réalité après coup ; on copiait avec exactitude ce qui nous semblait à nous un rêve d’artiste millionnaire ; on se meublait à la Balzac.
Voulant caractériser le génie trop vaste, trop remuant, du cardinal Alberoni, et son imagination trop fougueuse : « Qu’on eût donné deux mondes comme le nôtre, dit-il, à bouleverser au cardinal Alberoni, il en aurait encore demandé un troisième. » Les portraits des personnages qu’il a connus et maniés sont emportés de main de maître, et comme par un homme qui était habile ou même enclin à saisir les vices ou les ridicules.
Il sentait à ravir la gaieté de cette imagination brillante.
Lui, il est comme Socrate, qui ne se considérait pas comme citoyen d’une seule ville, mais du monde ; il embrasse d’une imagination pleine et étendue l’universalité des pays et des âges ; il juge plus équitablement les maux mêmes dont il est témoin et victime : À voir nos guerres civiles, qui ne crie, remarque-t-il, que cette machine se bouleverse et que le jour du Jugement nous prend au collet ?
Mme Du Deffand, qui est littérairement de la même école, a très bien rendu l’effet que font les lettres de Mme de Maintenon, et on ne saurait mieux les définir : Ses lettres sont réfléchies, dit-elle ; il y a beaucoup d’esprit, d’un style fort simple ; mais elles ne sont point animées, et il s’en faut beaucoup qu’elles soient aussi agréables que celles de Mme de Sévigné ; tout est passion, tout est en action dans celles de cette dernière : elle prend part à tout, tout l’affecte, tout l’intéresse ; Mme de Maintenon, tout au contraire, raconte les plus grands événements, où elle jouait un rôle, avec le plus parfait sang-froid ; on voit qu’elle n’aimait ni le roi, ni ses amis, ni ses parents, ni même sa place ; sans sentiment, sans imagination, elle ne se fait point d’illusions, elle connaît la valeur intrinsèque de toutes choses ; elle s’ennuie de la vie, et elle dit : « Il n’y a que la mort qui termine nettement les chagrins et les malheurs… » Il me reste de cette lecture beaucoup d’opinion de son esprit, peu d’estime de son cœur, et nul goût pour sa personne ; mais, je le dis, je persiste à ne la pas croire fausse.
Le trait malin, proverbial, les alliances heureuses de noms et d’idées, la concision élégante, tout ce qui constitue le genre moral tempéré et en fait l’ornement, s’y trouve placé avec art, et il n’y manque vraiment qu’un souffle poétique moins sec et plus coloré, quand l’auteur tente de s’élever et de nous peindre, par exemple, le temple de l’Opinion promené dans les airs sur les nuages : c’est ici que l’on sent le défaut d’ailes et d’imagination véritable, l’absente de mollesse, de fraîcheur et de charme, comme dans toute la poésie de ce temps-là.
La critique, à chaque renouvellement de régime, peut essayer et combiner des programmes qu’elle croit utiles ; elle peut proposer et recomposer ses plans d’une littérature studieuse et réparatrice, c’est son droit comme son devoir ; mais l’imagination, la fleur, l’inspiration de la passion et du sentiment, lui échappent ; cela naît et recommence comme il plaît à Dieu, et ne se conseille pas.
« On n’avait jamais vu prendre un si grand vol. » Mme des Ursins, qui avait de l’imagination et qu’on nous dit un peu sujette à l’éblouissement, put avoir en ces mois de faveur quelque accès d’ivresse ; mais surtout, et en même temps qu’elle déployait les trésors de sa conversation continuelle et intarissable, elle apprécia vivement l’esprit du roi.
Cette petite scène, fort bien racontée par Mme de Maintenon, et que j’abrège un peu, va frapper à son tour l’imagination émue de Mme des Ursins et s’y réfléchir avec une réverbération qui la rendra plus vive : vu dans ce miroir, l’objet prendra plus de mouvement et de relief que dans la réalité même.
M. d’Antin avait pour Louis XIV de ces imaginations galantes qu’il n’était permis d’avoir, même alors, en France, que pour une maîtresse.
Ces termes abstraits et doctrinaires étaient alors reçus, et je ne les relève chez un des bons écrivains de l’école historique que parce que les chefs de cette école et lui-même se montraient alors des plus sévères contre les écrivains qui appartenaient à l’école qu’on appelait d’imagination, et qu’ils se considéraient par rapport à ceux-ci comme infiniment plus classiques.
La seconde période, de 1669 à 1677, comprend le satirique encore, mais qui de plus en plus s’apaise, qui a des ménagements à garder d’ailleurs en s’établissant dans la gloire ; déjà sur un bon pied à la Cour ; qui devient plus sagement critique dans tous les sens, législateur du Parnasse en son Art poétique, et aussi plus philosophe dans sa vue agrandie de l’homme (Épître à Guilleragues), capable de délicieux loisir et des jouissances variées des champs (Épître à M. de Lamoignon), et dont l’imagination reposée et nullement refroidie sait combiner et inventer des tableaux désintéressés, d’une forme profonde dans leur badinage, et d’un ingénieux poussé à la perfection suprême, à l’art immortel.
Le premier grand projet littéraire du jeune homme, cet idéal suprême qui ne prend bien qu’une fois dans notre imagination, comme le parfait amour ne prend peut-être qu’une seule fois dans notre cœur, se forma pour de Brosses sous le regard et sous l’influence du président Bouhier.
On a un tableau ironique comme en aurait pu tracer un Philippe de Commynes, et il le termine par ces considérations si dignes de lui, de l’homme resté, en tout temps, royal : Je reconnus en cette occasion que tout parti composé de plusieurs corps qui n’ont aucune liaison que celle que leur donne la légèreté de leurs esprits…, n’a pas grande subsistance ; que ce qui ne se maintient que par une autorité précaire n’est pas de grande durée ; que ceux qui combattent contre une puissance légitime sont à demi défaits par leur imagination ; que les pensées qui leur viennent, qu’ils ne sont pas seulement exposés au hasard de perdre la vie par les armes, mais, qui plus est, par les voies de la justice s’ils sont pris, leur représentant des bourreaux au même temps qu’ils affrontent les ennemis, rendent la partie fort inégale, y ayant peu de courages assez serrés pour passer par-dessus ces considérations avec autant de résolution que s’ils ne les connaissaient pas.
Le roman et le drame se sont mainte fois exercés, comme c’était leur droit, sur cette captivité de Madrid et sur ces entrevues de François Ier et de sa sœur qui prêtaient à l’imagination ; mais la lecture de ces simples lettres si dévouées montre les sentiments à nu et en dit plus que tout.
Cette Italie qu’il croyait, après sa rénovation, reprendre un élan, et redevenir quelque peu l’Italie du xvie siècle, il constate tristement qu’elle imite maintenant les États-Unis, et est obligé de déclarer que les vrais et désintéressés savants qu’elle possède encore, sont des savants de la vieille génération : « On sait très bien, dit-il, comment se fait une vocation, c’est par l’action sur l’imagination des enfants, des jeunes gens, du rôle que joue dans les conversations autour d’eux, un individu de leur famille ou de leur connaissance.
La strophe, l’épopée, le drame, la palpitation tumultueuse de l’homme, l’explosion de l’amour, l’irradiation de l’imagination, toute cette nuée avec ses éclairs, la passion, le mystérieux mot Nombre régit tout cela, ainsi que la géométrie et l’arithmétique.
Il cherchait la vérité générale, non l’exception, et, au milieu des fantaisies d’une brillante imagination, son esprit fixait un type réel.
La conception courante d’après laquelle les choses auxquelles s’est adressé le culte ont toujours été celles qui frappaient le plus l’imagination des hommes est contredite par l’histoire.
Les êtres surnaturels se distinguent par les traits, le caractère, les mœurs, l’apparence physique que leur prête l’imagination des conteurs ; les hommes d’après leurs professions, certaines de celles-ci étant plus souvent mises en scène que les autres66.
Si l’association produit ses effets utiles quelquefois, c’est dans des contes où l’imagination cherche moins à serrer la réalité que dans les fables123 (au point de vue de l’action, sinon des personnages).
Chacun, selon son tempérament, par le livre, sur la scène ou avec le journal, eût concouru à former dans le domaine de l’éducation, cette synthèse d’action révolutionnaire sans laquelle on ne peut réaliser que de rares progrès partiels. » J’en fus tout simplement pour mes frais d’imagination.
Chez nous et chez nos voisins est un recueil de fragments littéraires, très dignes de cette tête qui, tout en produisant des livres d’imagination et des créations romanesques, a montré des aptitudes critiques de la plus brillante supériorité.
Cet aïeul du réalisme étudiait donc la province principalement dans sa très riche imagination et dans les histoires qu’on lui racontait.
Chacun tremble pour l’être cher qui n’est pas là, et l’imagination parcourt, en une seconde, avec une effroyable vitesse dépassant celle de la lumière, toutes les séries de catastrophes possibles et impossibles. […] Car son esprit n’était pas incolore comme celui des gens purement spirituels à la façon de Voltaire, de Chamfort et de Stendhal ; il s’y mêlait beaucoup d’imagination, de poésie et de pittoresque. […] Quand un sujet se présentait à l’imagination de Pliloxène Boyer, sa vaste érudition dans toutes les langues mettait à son service une immense quantité de matériaux. […] Baudelaire a naturalisé en France cet esprit d’une imagination si savamment bizarre près de qui Hoffmann n’est plus que le Paul de Kock du fantastique. […] L’imagination est effrayée du travail qu’exige un pareil système.
Voltaire a commencé cette révolution dans les produits de l’imagination et de la pensée. […] » Puis l’historien ajoute : Que l’on dise que cet homme manque d’imagination ! […] Jules Janin, à bout d’imagination, a quitté son chêne et qu’il est revenu de la campagne. […] Ceci est vraiment la parole d’un homme qui saura rester libre en dépit des flots et des abîmes qui l’entourent d’un infranchissable rempart ; enfin, quel plus grand spectacle a jamais frappé l’imagination des simples mortels que le Prométhée enchaîné et défiant le courroux de Jupiter ? […] Il y en avait pour toutes les fortunes, pour toutes les imaginations, pour tous les esprits.
Le cadavre sanglant de prince assassiné se présente à leur imagination : ils doutent s’ils n’ont pas commis un forfait, ils se troublent, ils s’effrayent ; leurs têtes sont étonnées. […] Quel spectacle pour l’imagination, que le possesseur d’une richesse immense, tourmenté par la soif, par la faim, et par la terreur, pire que le besoin ; errant dans ses magnifiques jardins, et réduit à la condition indigente des animaux ! […] Lorsqu’un peuple les désire, l’imagination agitée par le malheur, et s’attachant à tout ce qui semble lui en promettre la fin, invente et lie des événements qui n’ont aucun rapport entre eux. […] Échappé du collége depuis quatre à cinq ans, et, grâce à l’éducation que vous y aviez reçue, à peine assez instruit pour lire Tacite un peu couramment ; sans lumières, sans la moindre expérience de la vie, ni des personnes, ni des alternatives effrayantes où la perfidie de notre destinée nous engage, ni de la difficulté de marcher d’un pas assuré sur la ligne étroite qui sépare le bien du mal, vous n’écoutez que votre imagination bouillante, et vous jugez l’homme d’après un modèle fantastique dont l’usage du monde et votre propre péril ne tarderont pas à vous détromper. […] Nous nous arrêtons avec intérêt devant les portraits des hommes célèbres ou fameux ; nous cherchons à y démêler quelques traits caractéristiques de leur héroïsme ou de leur scélératesse, et il est rare que notre imagination ne nous serve pas à souhait.
Il est évident que nous avons affaire à une imagination extrêmement vive et allante et qui réagit parfois un peu trop vite aux premières indications de l’expérience. […] Autrement dit : la rupture par l’imagination du centre de gravité de nos complexes sentimentaux. […] Vous vous rappelez comment la vraie Duchesse de Guermantes vient se substituer à celle qu’il s’aperçoit qu’il avait construite par l’imagination et qui avait un visage en tapisserie. […] À n’importe quel moment que nous la considérions, notre âme totale n’a qu’une valeur presque fictive, malgré le nombreux bilan de ses richesses, car tantôt les unes, tantôt les autres sont indisponibles, qu’il s’agisse d’ailleurs de richesses effectives aussi bien que de celles de l’imagination, et pour moi par exemple tout autant que de l’ancien nom de Guermantes, de celles combien plus graves, du souvenir vrai de ma grand-mère. […] Mais je dois m’arrêter, content si j’ai pu vous faire soupeser l’extraordinaire richesse de cette œuvre, son caractère volumineux et pour reprendre une expression que Proust applique aux imaginations de Swann amoureux « cette sorte de douceur surabondante et de densité mystérieuse », qui en font le premier charme.
Et l’on citera surtout comme obstacle à la poésie — que d’aucuns proclament morte définitivement — les progrès de l’arrivisme contemporain et l’extension sans cesse croissante du matérialisme — lesquels précisément s’opposent à tout succès des œuvres d’imagination. […] Ainsi s’est établie à l’âge métaphysique une vaste encyclopédie de la soi-disant connaissance, produit intégral de notre imagination et qui ne correspond à aucun fait. […] Y a-t-il tant de honte à nous vouloir ce que nous sommes au fond de nous et que nous ne pouvons pas changer, ce que nous avons toujours été, mais en silence, malgré nos dérèglements et nos imaginations fantaisistes.
Vous auriez trop peur de souiller et d’enflammer son imagination sans éclairer beaucoup sa conscience. […] Inversement, le livre d’imagination vertueux peut avoir de très bons effets sur les âmes simples, mais irriter les hommes intelligents et cultivés, soit par ce qu’il contiendra de faux, soit parce qu’il aura d’ennuyeux, et l’on conviendra bien qu’il y a peu d’ouvrages qui fatiguent plus de la vertu que la Nouvelle Héloïse. […] On ne les suit plus qu’avec le seul plaisir esthétique que peuvent donner les produits d’une imagination débridée. Et de même qu’on pourrait se plaire aux actes du héros fantastique dont je parlais tout à l’heure, mais seulement d’un plaisir d’imagination amusée et sans songer ni à approuver ni à désapprouver, de même avec les Géronte et les Scapin on s’amuse par la partie fantaisiste de l’esprit, par le goût de l’imprévu drôle ou de l’énormité burlesque, sans songer qu’on ait affaire à des hommes, en dehors de toute appréciation, sans imaginer même qu’il puisse y avoir place à l’approbation ou au blâme. […] A un certain degré de bouffonnerie, le comique n’a pas la même source qu’il avait auparavant ; il procède de l’imagination et non plus de l’observation et dès lors n’ayant plus la même valeur morale, ou plutôt n’en ayant plus aucune, il n’est ni moralisant ni démoralisant ; il est au point de vue moral neutre et inoffensif, et dans une étude sur Molière moraliste ou immoraliste, il ne faut pas faire entrer les Fourberies de Scapin.
Il ouvre Vidal-Lablache ou Schrader, et son imagination s’élance à travers les montagnes et les vallées. […] Quelques-unes, très jeunes, de conscience tendre et d’imagination vive, prirent le voile avec une adorable naïveté de pensionnaires, sans trop savoir pourquoi, souvent pour suivre une amie à qui les unissait une affection exaltée. […] L’Orient a illuminé pour toujours son imagination et sa parole. […] Il y a longtemps que la sagesse vulgaire poursuit de ses griefs et de ses huées les hommes d’imagination et de sentiment, surtout les poètes lyriques. […] Malgré les rhumatismes dont il était perclus et les blessures dont saignait sa vanité, il avait trop d’esprit pour ne pas aimer la vie, et trop peu d’imagination pour déguiser et rendre supportable à son regard l’horreur de la mort.
Les psychologues et les symbolistes me semblent des frères, à peu près jumeaux ; les différences qui les séparent tiennent surtout, je crois, à des différences de tempérament et d’imagination. […] Qu’il prenne sa plume : à quelque suggestion personnelle qu’il obéisse en écrivant spontanément des imaginations, toujours elles porteront, puisqu’elles émanent de la vie même, le beau signe de Vérité. […] Moi seul, j’existe, — ceci n’est que la part frivole de mon imagination. […] La Beauté, châtiée, qui rôde parmi l’imagination humaine, lui sussure sa nostalgie. […] Dans tous les siècles, il y a toujours eu à l’état latent, derrière la littérature officielle, parallèlement à la littérature d’imagination, une littérature d’observation.
Le vrai à peine touché t’interdit à nous, ô imagination chérie ; notre esprit se retire de toi pour toujours ; les années viennent nous soustraire à ton premier pouvoir si plein de prodiges, et la consolation de nos chagrins périt. […] Quant au cri de Brutus, il le considère volontiers comme le dernier soupir de l’antiquité tout entière, au moment où va expirer l’âge de l’imagination.
En choisissant avec prédilection des noms peu connus ou déjà oubliés, et hors de la grande route battue, nous obéissons donc à ce goût de cœur et de fantaisie qui fait produire à d’autres, plus heureux d’imagination, tant de nouvelles et de romans. […] On eut beau la rassurer, l’auteur du roman eut beau lui écrire pour prendre les choses sur le compte de son imagination, pour l’informer avec serment qu’il n’avait en rien songé à elle, elle imprima tout cela ; et, en dépit ou à l’aide de tant d’attestations, il resta prouvé pour le public de ce temps-là que l’anecdote du roman était bien au fond l’histoire de la réclamante.
Je lui fis part de mes avis ; il y ajouta les siens, il me dit ensuite qu’il allait passer quinze ou vingt jours à Saint-Germain ; que je lui fisse, pendant ce temps-là, un dessin, le plus beau que je pourrais imaginer, pour orner ce château, qui était ce qui lui plaisait le plus dans son royaume ; qu’il me priait d’y employer toute mon imagination et mon talent. […] Je fis ensuite creuser une fosse, dans laquelle je la fis transporter avec toutes les précautions possibles, et selon toutes les règles de l’art, ou celles que me dicta mon expérience ou mon imagination ; et, lorsque j’eus donné toutes mes instructions à mes travailleurs et à mes ouvriers, je me tournai du côté de mon fourneau, que j’avais fait remplir de cuivre et d’étain, selon les proportions.
La Providence n’a pas permis que le philosophe de la raison pure servît de texte aux erreurs de la mémoire ou aux écarts de l’imagination populaire. […] L’imagination n’y est pour rien, tout est en faits.
De douces images traversaient de temps en temps son imagination. — Dans un de ses rêves il dit : « Voyez… voyez cette belle tête de femme… avec ses boucles noires… un coloris splendide… sur un fond noir… » À un autre moment, voyant sur le sol une feuille de papier, il demanda : « Pourquoi laisse-t-on par terre une lettre de Schiller ? […] La paix se fait ; il profite de ses loisirs pour voyager en Suisse et en Italie, sur cette terre où les orangers fleurissent ; il y enrichit son cœur et son imagination des plus chères et des plus vives images.
Mais déjà, j’ose le dire, l’objet de Swift était rempli ; il avait exercé sur mon imagination enfantine l’influence qu’il voulait produire sur celle des hommes ; le miel dont il avait entouré sa coupe me l’avait fait vider tout entière. […] En un mot, la raison nous défend seule contre des récits auxquels l’imagination se rend sans efforts, et, selon le langage des philosophes, c’est à priori que nous refusons d’y croire.
Transporter ainsi à l’aide de l’impérieux ascendant de l’art, l’esprit d’un public frivole, en dehors des bornes qu’il pose généralement à son imagination, faire naître en lui une joie vraie dans un attristement réel, grâce à l’entraînement de la spiritualité et des plus hautes aspirations de notre être, n’est ce point une des plus belles victoires dont il ait été donné aux poètes et aux artistes d’ambitionner la gloire ? […] Le principe fondamental de cette révolution fut la distinction des deux substances dont l’une est l’âme, la pure raison, capable du vrai, belle et divine : tandis que les sens relevaient de l’autre substance ; et d’eux venait toute erreur, les mauvaises imaginations qui aveuglent, les choses sensibles, viles et méprisables.
Elle a pour elle, l’éclat de l’histoire et l’éclat du théâtre ; elle a la poésie et le roman ; l’Encyclopédie et l’Évangile, l’opéra-comique et la cathédrale ; elle est en deçà de toute imagination, elle est au-delà de tous les arts, au-dessus de tous les royaumes, au niveau de tous les crimes, au niveau de toutes les grandeurs. […] Mais les femmes elles-mêmes ont manqué à Marivaux ; les femmes, de nos jours, ont imité les hommes du jour ; elles se sont livrées à toutes sortes d’imaginations furibondes, à toutes sortes de paradoxes exécrables ; elles ont fait de la poésie érotique, elles ont fait de l’esprit boursouflé, elles ont fait de la critique sentimentale, elles ont déclamé, elles ont plaidé, elles ont fondé des religions, elles ont criblé de pétitions la Chambre des Pairs, elles ont arrangé l’histoire à la taille de leurs petites passions, elles ont essayé de toutes les tristes choses viriles : pas une d’elles n’a voulu se souvenir que la causerie, une causerie fine, agaçante, spirituelle, est surtout le partage des femmes, que le ciel les a faites pour parler aux hommes, non pas du haut de la chaire, de la tribune ou du théâtre, tout simplement, assises dans un fauteuil.
Si Béranger avait eu à parler à l’imagination enthousiaste et poétique des Grecs du Péloponèse ou de l’Archipel, il aurait composé quelques-uns de ces chants de klephtes, de matelots ou de pasteurs, qui célèbrent des brigandages héroïques, des pirateries féroces, des martyres fanatiques, des amours naïfs et tragiques, tels que les Chants populaires de la Grèce moderne, renaissance d’Homère et de Théocrite, en contiennent par milliers aujourd’hui ; poèmes épiques et naïfs en miniature, qui attestent, même sous la grotte du brigand, sous la tente du berger, sous la voile du corsaire, la fécondité et la beauté de l’imagination indélébile du peuple homérique.
Le contraste AB sera donc déclaré égal au contraste BC quand notre imagination, aidée de notre mémoire, interposera de part et d’autre le même nombre de points de repère. […] Il faudrait ensuite avoir établi qu’on retrouve dans une teinte grise donnée les teintes inférieures par lesquelles notre imagination a passé pour évaluer l’intensité objective de la source de lumière.
Le piquant, c’est qu’il ne démasque son intention que dans les derniers vers de la pièce : rien jusque-là n’avertit que ces peintures vives et riantes ne soient qu’un transport de l’imagination et un caprice de l’esprit chez celui qui s’y livre.
Pourtant la popularité de Henri IV prenait dans les imaginations et s’étendait de jour en jour, comme en représailles de la gloire de Louis XIV, et il lui fallait un second, un conseiller, un fidèle : ce ne pouvait être que Sully.
Et dans quelles circonstances repaissaient-ils ainsi l’imagination du pauvre ?
Toujours l’imagination vive et vraie !
Mais au moment où ce défaut sommeille, en ces instants reposés où il redevient Italien, Milanais, ou Parisien du bon temps ; quand il se trouve dans un cercle de gens qui l’entendent, et de la bienveillance de qui il est sûr (car ce moqueur à la prompte attaque avait, notez-le, un secret besoin de bienveillance), l’esprit de Beyle, tranquillisé du côté de son faible, se joue en saillies vives, en aperçus hardis, heureux et gais, et en parlant des arts, de leur charme pour l’imagination, et de leur divine influence pour la félicité des délicats, il laisse même entrevoir je ne sais quoi de doux et de tendre dans ses sentiments, ou du moins l’éclair d’une mélancolie rapide : Un salon de huit ou dix personnes aimables, a-t-il dit, où la conversation est gaie, anecdotique et où l’on prend du punch léger à minuit et demi73, est l’endroit du monde où je me trouve le mieux.
Dès que sa goutte était passée, son cerveau lui paraissait, dit-on, plus dégagé qu’auparavant, son imagination plus nette et plus pure ; il se sentait alors plus en train d’étudier, et singulièrement démangé de l’envie de produire et de mettre en œuvre toutes les belles matières qu’il avait amassées.
ne demandons point à Richelieu ce goût exact et sobre qui est assez celui de Rohan : Richelieu a de l’imagination, et il la montre ; il a de la littérature, et il en affecte.
Mais pour que cette idée de métempsychose de Montaigne à elle fût autre chose qu’un compliment de l’amitié, il aurait fallu à Mme de Créqui ce qu’elle n’avait, ni elle, ni aucune des femmes distinguées de ce grand monde et de cette société accomplie mais finissante, la fertilité, la fraîcheur de détail, l’imagination.
L’influence de M. de Chateaubriand (juge d’ailleurs assez équitable de Voltaire), celle de Mme de Staël, c’est-à-dire de Rousseau toujours, le réveil d’une philosophie spiritualiste et respectueuse pour la nature humaine, l’action aussi de la renaissance religieuse qui atteignait au moins les imaginations quand ce n’était pas les cœurs, l’influence littéraire enfin qui soufflait tantôt de la patrie de Goethe et de Schiller, tantôt de celle de Shakespeare, de Walter Scott et de Byron, ces diverses causes générales avaient fort agi sur plusieurs d’entre nous, jusque dans nos premières lectures de Voltaire.
Il se contente de tout ce qui se présente à son imagination, quelque absurde qu’il puisse être, et se complaît dans les chimères qu’il s’est formées comme dans les sentiments les plus réguliers.
Le peuple est triste, sans aucune imagination, sans esprit même, avide d’argent, ce qui est le caractère dominant des Anglais… » Ainsi parlait du pays, dont son défunt mari avait prétendu être le roi légitime, cette femme de trente-neuf ans, mûre désormais, une vraie femme du XVIIIe siècle, et des meilleures, sensible et sensée.
Une imagination forte et sobre nous transporte à l’action et nous fait tout voir de nos yeux, tout ce qui importe et rien que ce qui importe : « Cette obscure clarté qui tombe des étoiles, Enfin, avec le flux, nous fit voir trente voiles ; L’onde s’enflait dessous, et d’un commun effort Les Maures et la mer entrèrent dans le port.
Je le dis tout d’abord, ils sont peu agréables à lire, quoique très essentiels pour la connaissance intime et profonde de La Mennais, ils n’offrent à première vue rien qui flatte, rien qui réponde aux désirs de l’imagination.
S’il avait eu, comme Chateaubriand, le goût des contrastes, son imagination aurait eu beau jeu à se déployer par la comparaison de son succès personnel à Londres en 1830 et de la souveraine considération dont il jouissait, avec l’accueil si défavorable (pour ne pas dire pis) qui lui avait été fait trente-huit années auparavant en janvier 1792, lorsqu’il y était venu chargé d’une mission secrète de la part d’un gouvernement décrié que le choix qu’on faisait de lui décriait encore davantage41.
Il y a deux sortes de poëtes : ceux qui sont capables d’invention, d’art à proprement parler, doués d’imagination, de conception en sus de leur sensibilité ; qui possèdent cet organe applicable à divers sujets, qu’on nomme le talent : et il y a ceux en qui ce talent n’est nullement distinct de la sensibilité personnelle, et qui, par une confusion un peu débile mais touchante, ne sont poëtes qu’en tant qu’amants et présentement affectés.
Ce n’est pas du tout un poëte, si l’on réserve ce titre aux êtres fortement doués d’imagination et d’âme : son Lutrin toutefois nous révèle un talent capable d’invention, et surtout des beautés pittoresques de détail.
Les philosophes se servirent de ces idées des peuples pour sanctifier de bonnes lois par le sceau de la religion, et le polythéisme, rendu sacré par le temps, embelli du charme de la poésie et de la pompe des fêtes, favorisé par les passions du cœur et l’adresse des prêtres, atteignit, vers le siècle de Thémistocle et d’Aristide, à son plus haut point d’influence et de solidité. » XXXVI Après les deux romans d’Atala et de René, il en ébaucha un troisième : le Dernier des Abencérages ; mais, à l’exception de l’incomparable romance : Combien j’ai douce souvenance, ce roman, entièrement d’imagination, ne fut qu’un roman français sans vérité et sans succès, très-inférieur aux deux autres.
Leconte de Lisle et Taine m’ont permis de montrer quelques exemplaires des effets produits par la science sur des imaginations et des sensibilités diverses.
Brunetière, qui n’en nie point la force, l’appelle non sans malice « l’épicuréisme de l’imagination ».
quand la vie est si courte et qu’il s’y présente tant de choses sérieuses, ne vaudrait-il pas mieux prêter l’oreille aux mille voix du cœur et de l’imagination et goûter les délices du sentiment religieux, que de gaspiller ainsi une vie qui ne repasse plus et qui, si on l’a perdue, est perdue pour l’éternité ?
On s’accordera, je pense, à reconnaître qu’une description de Théophile Gautier est saisissante pour les yeux ; que la Nuit d’Octobre est émouvante ; qu’un roman de Voltaire fait penser ; que le Qu’il mourût du vieil Horace est d’une héroïque vigueur ; que le Corbeau d’Edgar Poe emporte l’imagination bien au-delà du monde réel.
Alphonse Daudet, qui avait, quand il voulait, une vision si originale des gens et des choses, les a vues parfois à travers les lunettes de Dickens ; Alexandre Dumas père a dans le vaste fleuve de son imagination débordante absorbé quelques petits ruisseaux ; André Chénier, qui fut un vrai poète, fut aussi par endroits un arrangeur industrieux de centons antiques.
L’imagination humaine a fait un plus grand prodige en tirant d’un bâton le type de Prométhée.
L’imagination suit les Danaïdes dans cette sombre voie, par-delà leur crime, et jusqu’aux Enfers.
Respectons, honorons donc la libéralité naturelle et raisonnée de Mme Geoffrin ; mais reconnaissons toutefois qu’il manque à toute cette bonté et à cette bienfaisance une certaine flamme céleste, comme il manque à tout cet esprit et à cet art social du xviiie siècle une fleur d’imagination et de poésie, un fond de lumière également céleste.
Mais c’est là une complaisance de l’imagination nationale et populaire qui voudrait, après coup, rendre Jeanne infaillible.
Elle ne citait jamais pour citer, mais ce qu’il fallait lui revenait juste à propos et s’appliquait avec nouveauté à la circonstance : il y avait de l’imagination jusque dans sa mémoire.
À tout instant, des expressions heureuses, trouvées, ce qu’on peut appeler l’imagination dans le style, s’y montre et s’y joue, ni plus ni moins que si l’auteur était chez soi et s’animait, chemin faisant, de sa propre pensée.
Le ministre, de même, semblait par son adresse faire un bon usage des malédictions publiques ; il s’en servait pour acquérir auprès de la reine le mérite de souffrir pour elle… On sent, dans ces passages et dans tout le courant du style de Mme de Motteville, une imagination naturelle et poétique, sans trop de saillie, et telle qu’il seyait à la nièce de l’aimable poète Bertaut.
Gourville, c’est l’homme à expédients, à moyens, à invention ; il a de l’imagination, mais sans chimère ; rien ne l’embarrasse : il n’est pas de ceux qui engendrent le doute et le scrupule.
Ses goûts étaient ceux d’un honnête homme qui avait du mouvement dans l’imagination, du trait dans l’esprit, et de bons sentiments dans le cœur.
La conscience et les opérations intellectuelles, abstraction, généralisation, induction, déduction, association des idées et imagination, sont suffisantes pour expliquer l’origine de l’idée du parfait.