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1523. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Et là-dessus comme il me parle d’un délicieux dessin qu’il vient d’acquérir, dessin représentant un vieillard au milieu d’objets d’art, prenant une prise de tabac au coin de sa cheminée, et dont il ignore le nom, je lui dis : « Ça doit être ça », et je lui tends le premier volume des Mémoires du baron de Besenval, où il y a en tête une vignette de son portrait dans son cabinet, d’après Danloux. […] » Jeudi 1er mai Une journée, où dans le silence plus grand que celui des autres jours, on tend l’oreille à des bruits de fusillade… on n’entend rien… alors la pensée va à Vienne, à Berlin, à Saint-Pétersbourg, à toutes les capitales de l’Europe, où se fait la promenade hostile à la pièce de cent sous. […] Et c’est vraiment curieux de l’étudier en sa tendre spécialité, dans quelques toiles qu’il n’a pas encore vendues, et dans un nombre immense de dessins qu’il dit être la représentation de gestes intimes, et qui sont d’admirables études de mains enveloppantes de mères, et de têtes de téteurs, où dans ces visages vaguement mamelonnés, il n’y a que les méplats du bout du nez, des lèvres, et la valeur de la prunelle, et où, sans apparence de linéature, c’est le dessin photographique du momaque, et la configuration cabossée de son crâne.

1524. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

À peine si mademoiselle Madelon cite Clélie, ou voyage en barque dorée sur le Fleuve de Tendre, et voilà nos déesses en haillons, et nos furies en falbalas qui parlent, sans frémir, la langue horrible du Père Duchêne et de Danton ! […] D’avoir tendu une main secourable à tous les petits beaux-esprits qui ont tenté, chez vous, la comédie, malingres génies que j’ai fait grandir sous mon souffle ; renommées chancelantes que j’ai appuyées de ma renommée ; gloires éphémères que j’ai abritées sous ma gloire… des êtres qui ont vécu par moi, de par moi, qui mourront avant moi ! […] Scribe à dater du jour où ce charmant esprit avait imaginé de couvrir d’un voile, et de charger d’un nuage, les deux beaux yeux de Valérie, afin que bientôt le voile tombant rendit une force inattendue à ce regard, perçant comme l’esprit, et tendre comme l’amour.

1525. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Il n’a point entendu la voix puissamment tendre qui dit l’irrésistible : Pourquoi donc me persécutes-tu ? […] et sans la tendre admiration de Paul Féval, et peut-être sa reconnaissance d’âme sauvée, Brucker courait probablement la chance d’être aujourd’hui tout à fait oublié. […] C’est Brucker, le prédicateur, avec ses impétuosités de converti, ses beaux mépris du monde, ses brusqueries tendres, sa bonhomie sublime ou plaisante, sa poignante sensibilité, sa mordante gaîté qui caressait encore lorsqu’elle mordait, son faste d’humilité, car parfois, Diogène chrétien, il affectait l’orgueil de l’humilité contre l’orgueil philosophique, et son inattendu dans le paradoxe qui terrassait l’idée connue et commune et vous rasait si près de terre un sot !

1526. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Croce ; sans doute, au sens propre du mot, il n’y a pas plus de spontanéité dans la création artistique et intellectuelle qu’il n’y en a dans la génération physique ; tous les phénomènes sont les effets nécessaires d’une combinaison de causes ; mais puisque, chez l’homme en particulier, ces causes et combinaisons infiniment variées nous échappent, nous pouvons fort bien en pratique parler de spontanéité, pour opposer, au processus certain des quelques éléments que le chimiste combine dans une cornue, le mystère de l’âme humaine qui tend à la liberté par un effort de volonté consciente. […] Or, comme on a supprimé le truc trop facile des confidents, il faut recourir, pour l’exposition, aux amies et amis indiscrets, aux serviteurs bavards ; tout cela potine et caquette dans une salle de bal, autour d’une table à thé ou d’un jeu de puzzle (qui tend à remplacer le whist), ou entre deux coups de balais ; et puisque tout se passe « comme dans la vie », c’est par de longs méandres qu’on arrive au but ; c’est du temps perdu pour l’action, et c’est un éparpillement de comparses qui nuit à la psychologie des personnages essentiels. […] mais cet élément relatif est presque insignifiant dans leur œuvre qui tend consciemment à la durée et à l’universel.

1527. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Ces querelles, qui tendent à établir l’égalité, sont le plus puissant moyen d’agrandir les républiques. […] Les riches ne considèrent plus leur fortune comme un moyen de supériorité légale, mais comme un instrument de tyrannie ; le peuple qui sous les gouvernements héroïques ne réclamait que l’égalité, veut maintenant dominer à son tour ; il ne manque pas de chefs ambitieux qui lui présentent des lois populaires, des lois qui tendent à enrichir les pauvres. […] Ainsi les hommes isolés encore veulent le plaisir brutal, et il en résulte la sainteté des mariages et l’institution de la famille ; — les pères de famille veulent abuser de leur pouvoir sur leurs serviteurs, et la cité prend naissance ; — l’ordre dominateur des nobles veut opprimer les plébéiens, et il subit la servitude de la loi, qui fait la liberté du peuple ; — le peuple libre tend à secouer le frein de la loi, et il est assujetti à un monarque ; — le monarque croit assurer son trône en dégradant ses sujets par la corruption, et il ne fait que les préparer à porter le joug d’un peuple plus vaillant ; — enfin quand les nations cherchent à se détruire elles-mêmes, elles sont dispersées dans les solitudes… et le phénix de la société renaît de ses cendres.

1528. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Quand je dis célébrer, je n’entends pas cette louange uniforme et banale qui tend à grandir et à exhausser un personnage au-delà du vrai ; la meilleure oraison funèbre, la seule digne des gens d’esprit qui en sont l’objet, est celle qui, sans rien surfaire, va dégager et indiquer en eux, au milieu de bien des qualités confuses, le trait distinctif et saillant de leur physionomie. […] Chaque fois, vers neuf heures du soir, il me laissait un moment pour aller assister au coucher de sa grand-mère, à laquelle il consacra jusqu’à la fin les soins les plus respectueux et les plus tendres.

1529. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

Nous signalons surtout au lecteur la pièce adressée à un ami victime de l’amour ; elle est sublime de gravité tendre et d’accent à la fois viril et ému. […] « Une âme plus faible ou plus tendre accueillera peut-être celui que d’autres ont dédaigné ; d’autres discours rempliront mes souvenirs ; une autre image charmera mes tristesses rêveuses, et je ne verrai plus vos lèvres dédaigneuses et vos yeux qui ne regardent pas.

1530. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIe entretien. Poésie lyrique » pp. 161-223

Didier remit l’aiguillon en donnant gravement à son petit frère tous les préceptes et toutes les traditions du métier, avec de tendres instructions sur les caractères divers de ses quatre bœufs : comme quoi celui-ci regimbait si on le piquait à l’épaule ; comme quoi celui-là était plus sensible à la voix qu’à l’aiguillon ; comme quoi le roux avait besoin d’entendre toujours chanter ou siffler autour de lui pour reprendre cœur à l’ouvrage ; comme quoi le blanc était si apprivoisé et si doux qu’on pouvait s’accouder en sûreté, pour se reposer, sur son joug, entre ses deux cornes, sans qu’il secouât seulement la tête pour chasser les mouches, tant il avait peur de blesser un enfant ! […] La Jumelle, assise sur le banc de sa porte, écoutait d’en haut le chant de son fiancé ; elle entendit sa chute et les cris d’effroi ; elle accourut les pieds nus et tout saignants, sa coiffe restée aux branches du chemin, ses cheveux épars, les bras tendus.

1531. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Alain, médecin et commensal du prince de Talleyrand pendant dix ans, aussi tendre et aussi vertueux que savant. […] XIII Son petit livre rappelle au premier coup d’œil ces poètes condensés en sonnets d’or et d’ivoire qui, tels que Pétrarque, Michel-Ange, Filicaïa, Monti, incrustent une idée forte, un sentiment patriotique, une larme amoureuse dans un petit nombre de vers robustes, gracieux ou tendres, vers polis comme l’ivoire, que ces poètes miniaturistes façonnent non pour le temps, mais pour l’éternité.

1532. (1860) Cours familier de littérature. X « LXe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 401-463

On y tendit résolument ; M.  […] Tous les efforts de M. de Talleyrand au congrès de Vienne ne tendent qu’à neutraliser cette mauvaise humeur de l’Autriche.

1533. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Il avait été élevé par une mère et par des sœurs chrétiennes ; tout ce qu’il y avait de tendre dans son âme était chrétien. Ses premiers exils en Amérique, son émigration, ses misères, même en Angleterre, avaient été subis sous l’influence des sentiments chrétiens ; les grands spectacles de la solitude, du ciel, de la mer, des forêts, des fleuves, des cascades, qui l’avaient frappé dans son voyage, étaient empreints de cette couleur ; il les avait reflétés dans Atala et dans René, ses premières ébauches ; il avait pensé, il avait rêvé en chrétien ; sa haine même, si naturelle, contre les persécutions et les martyres des croyances de sa jeunesse leur avait donné quelque chose de tendre comme les souvenirs de la demeure paternelle, de sacré comme le foyer de ses pères ; tout son cœur et toute son imagination étaient restés ainsi de la religion du Christ.

1534. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Mais tous ces Boileau, à en juger par les trois ou quatre individus de la famille que nous connaissons bien, tous ces Boileau n’étaient pas tendres, et notre poète, en particulier, n’était assurément pas né très sensible ni très délicat : aussi ne s’étiola-t-il pas, pas plus qu’il ne se renfrogna, dans le délaissement de ses premières années. […] Il est singulier que, de Racine et de Boileau, Mme de Montespan, la maîtresse sensuelle et passionnée, préfère le raisonnable et froid Boileau : tandis que c’est Mme de Maintenon, la sage et discrète personne, qui préfère la poésie tendre et troublante de Racine.

1535. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

Cela lui rend impossible les notations délicates de sentiments poétiques, les fines analyses de passions tendres, d’exaltations idéalistes : là Balzac s’enfonce dans le pire pathos, étale un pâteux galimatias ; lisez, si vous pouvez, le Lys dans la vallée. […] Il a pour principe que tous les hommes tendent au bonheur ; et la peinture de la vie, c’est pour lui la peinture des moyens qu’ils choisissent pour s’y diriger.

1536. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

S’il se passe ordinairement de la compagnie des livres quand il écrit, de peur, dit-il, qu’ils n’interrompent sa forme, et aussi parce que les bons auteurs le découragent, « il se peut plus malaysement desfaire de Plutarque », « Il est si universel et si plein, ajoute-t-il qu’à toutes occasions et quelque subject extravagant que vous ayez prins, il s’ingere à vostre besogne, et vous tend une main libérale et inespuisable de richesses et d’embellissements134. » On s’imagine en effet Montaigne, aux jours où il était à court d’idées, ou mal en train d’écrire, se mettant à feuilleter Plutarque, sans ordre et sans dessein, et, s’il tombait sur une de ces pensées profondes ou seulement ingénieuses, qui abondent en cet auteur et qui éveillent l’esprit, s’y attachant et se mettant à penser à la suite de Plutarque. […] Méthode attrayante, mêlée de tous les genres et de tous les tons ; le dogmatique arrêté à temps, coupé par des récits et de piquantes confidences sur lui-même, jamais pédantesque, même aux endroits où Montaigne paraît être le plus sérieusement de l’opinion qu’il professe la causerie jamais vaine ; l’auteur remplaçant à propos par un discours serré le laisser-aller du causeur ; tous les genres de style agréablement mêlés, depuis le plus relevé jusqu’au plus familier, sans attendre que le relevé ait trop tendu l’esprit du lecteur, ni que le familier l’ait relâché, toutes les formes du discours appelant toutes les ressources de la langue.

1537. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

Ou connaît Brangœne, cette caresse faite femme, et Kurwenal, si tendre sous sa rugueuse écorce. […] Le philtre corrode toujours plus profondément les tendres damnés dans leur âme et dans leur chair.

1538. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

N’est-il pas, d’ailleurs, le père de son fils, de ce fier soldat si tendre pour elle ? […] Le litige y tient trop de place, la chicane y tend trop de fils.

1539. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

De plus, elle entraîne ou tend à provoquer des mouvements analogues à ceux de la sensation. […] On pourrait comparer les cordons nerveux à des cordes tendues, l’une produisant le la du diapason, une autre produisant l’ut, etc. ; quel que soit le moyen par lequel vous arriverez à ébranler la première, — frottement d’un archet, pincement avec le doigt, coup donné sur la corde, fort ébranlement de l’air, courant électrique, — la première corde donnera toujours le la et non une autre note, l’autre corde donnera toujours l’ut ; l’une sera, sous le rapport mécanique, la mémoire du la, l’autre de l’ut.

1540. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

Dans ce tendre discours et tout allusif à ces noces de l’âme avec Jésus-Christ, à ces fiançailles mystiques, l’œil des deux jeunes filles soulignait, à mon adresse, d’un éclair rapide, tous les mots hyménéens et toutes les phrases suavement et chrétiennement sensuelles. […] Un homme essentiellement bon, tendre, indulgent, modeste, et faisant peu de bruit, et riant sans éclat, et plaisantant sans fracas.

1541. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

C’était un morceau de notre vie, un meuble de notre appartement, une épave de notre jeunesse, je ne sais quoi de tendre et de grognon et de veilleur à la façon d’un chien de garde que nous avions l’habitude d’avoir à côté de nous, autour de nous, et qui semblait ne devoir finir qu’avec nous. […] Elle est petite, mal venue, avec une figure laide et tendre, une pauvre figure à la grâce de Dieu.

1542. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Les mères sont tendres, les aïeuls, doux. […] Hugo s’en tient aux mots ; de là, l’air de famille de ses créatures similaires, et leur psychologie écourtée, qui se borne à assigner à chaque type les tendances convenables et conventionnelles, à rendre les vieillards vénérables elles mères tendres, les traîtres fourbes et les amantes éprises, sans nuance, sans complications et sans individualité, sans rien de ces contradictions abruptes et de ces hésitations frémissantes que présente tout être vivant.

1543. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Sous le moyen âge, la raison générale était ecclésiastique ; elle voulait devenir laïque, elle tendait, pour employer le mot des juristes, à la grande sécularisation de l’esprit humain. […] Les enfants qui suivaient ses ébats dans la plaine,         Les vierges aux belles couleurs Qui le baisaient en foule, et sur sa blanche laine         Entrelaçaient rubans et fleurs, Sans plus penser à lui, le mangent s’il est tendre.

1544. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

Si je songe à vous engager dans les soins du monde, et que je veuille vous obliger de prendre la conduite de mes affaires, qui sont les vôtres, n’ayez plus d’égard, j’y consens, ni aux lois de la nature, ni aux peines que j’ai essuyées pour vous élever, ni au respect que vous devez à une mère, ni à aucun autre motif pareil : fuyez-moi comme l’ennemi de votre repos, comme une personne qui vous tend des pièges dangereux. […] L’antiquité païenne peut-elle nous fournir un dis cours plus beau, plus vif, plus tendre, plus éloquent que celui-ci, mais de cette éloquence simple et naturelle, qui passe infiniment tout ce que l’art le plus étudié pourrait avoir de plus brillant ?

1545. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Je ne sais quoi de tendre, de triste et d’exalté palpite dans leurs lettres. […] Nous avions jadis le Royal-Champagne, le Royal-Auvergne ; nous y voici un peu revenus, et le recrutement régional, c’est quelque chose de plus tendre qu’un recrutement de cinq millions d’hommes mêlés.

1546. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La princesse Mathilde » pp. 389-400

À quinze ans, ayant perdu sa mère, elle fut envoyée à la cour de Wurtemberg, où on l’accueillit avec la plus tendre affection ; elle y contracta particulièrement avec sa cousine germaine, qui est aujourd’hui la reine des Pays-Bas, une amitié de sœur.

1547. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Alfred de Musset » pp. 364-375

Ô le profane, ô le libertin) s’écria-t-on de toutes parts ; mais on le savait par cœur aussi, on retenait, on récitait de ce Mardoche des dizains entiers sans se bien rendre compte du pourquoi, si ce n’est que c’était plein de facilité, de fantaisie, parfois d’un bon sens inattendu jusque dans l’insolence, que c’étaient des vers amis de la mémoire, et les rêveurs eux-mêmes, et les plus tendres, allaient d’un air de gloire se répétant tout bas le couplet : « Heureux un amoureux, etc. » Quant au don Juan de Namouna, à cette forme nouvelle du roué qui pouvait sembler l’enfant chéri de l’auteur, l’idéal, hélas !

1548. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

Si la raison l’écrase et l’avilit, le sentiment intérieur le relève et l’honore… Quoiqu’il en soit, nous sentons au moins en nous-même une voix qui nous défend de nous mépriser ; la raison rampe, mais l’âme est élevée. » Sans discuter ici cette distinction si absolue entre la raison et l’âme, distinction qu’il ne maintiendra pas toujours à ce degré, il est clair que Rousseau, au lendemain de ses peines et de ses sacrifices dans la tendre passion qu’il ressentait, ne veut chercher de bonheur ou de consolation que dans la paix du cœur et dans la voix de sa conscience.

1549. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — II. Sur la traduction de Lucrèce, par M. de Pongerville »

Asservissons l’amour à nos tendres caprices ; Une sage inconstance ajoute à ses délices.

1550. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

Il a été frappé, avant tout, de l’état d’indifférence en matière de religion, de la tiédeur égoïste et de la corruption matérielle de la société ; tout son effort a tendu à rendre la vie et le souffle à ce qu’il voyait comme un cadavre.

1551. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « FLÉCHIER (Mémoires sur les Grands-Jours tenus à Clermont en 1665-1666, publiés par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont.) » pp. 104-118

Ce prédicateur habile a lu l’Astrée, il a volontiers sur sa table l’Art d’aimer traduit par le président Nicole ; en un mot, il sait par principes les règles du jeu, la carte du Tendre, mais surtout il excelle à tout voir finement autour de lui, et à démêler du coin de l’œil les nuances du cœur.

1552. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. J. Sabbatier. Tome Ier, 1845. » pp. 154-168

Lycée, Jeux Floraux, Académie, il brillait partout ; il cumulait, comme cet héroïque lutteur, le laurier de Delphes, le chêne de Pergame et le pin de Corinthe ; il aurait volontiers laissé écrire au-dessous de sa statue : « Ceci est la belle image du beau Milon, qui sept fois vainquit à Pise, sans avoir, une seule fois, touché la terre du genou. » Or, le jour où son genou fléchit en effet, le jour où la palme (style du genre) lui échappa et où il fut évincé par un plus heureux, il ne sut plus se consoler, il resta dépaysé longtemps, l’esprit tendu, avec tout un attirail oratoire qui ne sert que dans ces sortes de joûtes, et qui, en se prolongeant, doit nuire au libre développement des forces naturelles.

1553. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Appendice sur La Fontaine »

Et Racine, le doux et tendre Racine, qui avait plus d’un faible de commun avec La Fontaine, n’était-il pas obligé aussi de se cacher de Boileau, pour oser rire des facéties de Scarron ?

1554. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Andry est tendre ; il ne peut résister à l’idée de cette céleste beauté qui se meurt en proie aux angoisses de la faim.

1555. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Troplong : De la chute de la République romaine »

Tenir à la fois présents tous les ressorts, y avoir l’œil pour les tendre et les détendre insensiblement : prendre une détermination dans les crises, la maintenir ou ne la modifier qu’autant qu’il faut pendant les difficultés et les lenteurs de l’exécution ; être naturellement secret ; porter légèrement tout ce poids sans que le front en ait un nuage ; entremêler la paix à la guerre, et, sans faiblir, les mener de front, songer en toutes deux au nécessaire, c’est-à-dire aussi, chez de certaines nations, à la grandeur des résultats et à la gloire : dans le même temps exalter les courages et continuer d’apaiser les passions, les tenir comprimées de telle sorte que les gens de bien, selon la belle expression de Richelieu, dorment en paix à l’ombre de vos veilles, et que les laborieux dont la masse de la société se compose se livrent en tous sens au développement légitime de leur activité, que dis-je ?

1556. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XV. De l’imagination des Anglais dans leurs poésies et leurs romans » pp. 307-323

Délicieuse tâche de cultiver la pensée tendre encore, d’enseigner à la jeune idée comment elle doit croître, de verser des instructions toujours nouvelles dans l’esprit, d’inspirer les sentiments généreux, et de fixer un noble dessein dans une âme enflammée !

1557. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre II. Le lyrisme bourgeois »

Ce mécontent du règne de saint Louis, ce « mangeur » de moines, qui n’a laissé à inventer aux pamphlétaires de l’avenir ni une supposition outrageante ni une plaisanterie grivoise, était un homme dévot, craignant Dieu, qui humblement s’accuse, en sa vie pécheresse, d’avoir « fait au corps sa volonté », qui, tout contrit, recommande à Notre-Dame « sa lasse d’âme chrétienne », qui trouvé d’étrangement tendres, ardentes, pénétrantes paroles pour dire les louanges de la mère de Dieu : Tu hais orgueil et félonie Sur toute chose.

1558. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre I. Vue générale du seizième siècle »

Rompant tous ses liens, rejetant la gêne de la loi morale, l’oppression des préjugés et des respects traditionnels, l’individu tend à être le plus longtemps possible : il affirme que sa valeur est en lui, et de lui ; le mérite seul inégalise l’égalité naturelle des hommes ; l’idée de la gloire raffine l’égoïsme instinctif, et fournit un principe d’action suffisamment revêtu de beauté ; par elle, l’individu emploie sa vie à se créer une vie idéale après la mort, plus prochaine et plus humaine en quelque sorte que l’éternité promise au juste chrétien.

1559. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Baudelaire, Œuvres posthumes et Correspondances inédites, précédées d’une étude biographique, par Eugène Crépet. »

J’entends par là que jamais il ne contrista sa mère autrement que par ses vices, dont je ne sais à quel point il faut le rendre responsable, et qu’il fut constamment, avec elle, affectueux, attentif et tendre.

1560. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Ernest Renan, le Prêtre de Némi. »

Renan a exprimées déjà (dans les Dialogues philosophiques, dans Caliban, dans la Fontaine de Jouvence, dans les Souvenirs, dans l’article sur Amiel) ; vous y retrouverez son dilettantisme, son attitude en face du monde, son âme hautaine et tendre, caressante et ironique, attirante et fuyante.

1561. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Anatole France, le Lys rouge »

Anatole France est maintenant quelque chose de plus que le tendre ironiste du Crime de Silvestre Bonnard.

1562. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XI. Il Convitato di pietra (le Convié de pierre) » pp. 191-208

Don Juan arrive à la nage ; Rosalba tend la main au naufragé pour l’aider à sortir de l’eau.

1563. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

La musique, par Berlioz, Wagner, Saint-Saëns, tend vers la peinture et là littérature ; la peinture, par les Impressionnistes, envahit le domaine de la musique, celui de la poésie par des maîtres tels que Puvis do Chavannes, Besnard, Gustave Moreau, Odilon Redon, Eugène Carrière, et tout à la fois celui de la poésie et celui de la musique par ce grand inconnu à qui l’avenir fera sa place, Monli-celli.

1564. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre deuxième »

C’était le bon conseil ; car, malgré l’attrait naturel du vrai tout tend à nous en éloigner, sans compter qu’il y a souvent profit à lui être infidèle.

1565. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre III. L’antinomie dans la vie affective » pp. 71-87

La passion tend à se déployer à l’infini, tandis que la société fait de la médiocrité en tout le critérium de l’homme sociable.

1566. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre V. L’Analyse et la Physique. »

On s’y heurte presque toujours en voulant établir que telle quantité tend vers telle limite, ou que telle fonction est continue, ou qu’elle a une dérivée.

1567. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La Plume » pp. 129-149

Les voici : Jacques Ferny, beaucoup plus spi    rituel que Roqu’laure, Sait, avec art, tirer parti    Des chroniqu’s de Roch’fore… Dreling, dreling, dreling, dreling… Marcel Legay s’enflamme, Et tendre ou fougueux, son refrain Fait un bruit d’grelots ou d’tocsin Mais c’est la fin.

1568. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IX. Les disciples de Jésus. »

Dans ce paradis terrestre, que les grandes révolutions de l’histoire avaient jusque-là peu atteint, vivait une population en parfaite harmonie avec le pays lui-même, active, honnête, pleine d’un sentiment gai et tendre de la vie.

1569. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVIII. Institutions de Jésus. »

Plusieurs personnages qui avaient beaucoup aimé Jésus et fondé sur lui de grandes espérances, comme Joseph d’Arimathie, Lazare, Marie de Magdala, Nicodème, n’entrèrent pas, ce semble, dans ces églises, et s’en tinrent au souvenir tendre ou respectueux qu’ils avaient gardé de lui.

1570. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVIII. Caractère essentiel de l’œuvre de Jésus. »

Jésus est la plus haute de ces colonnes qui montrent à l’homme d’où il vient et où il doit tendre.

1571. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VIII. Quelques étrangères »

Mais à chaque instant sa maîtresse sentait qu’il « n’aimait personne, ni elle, ni Donatella, mais qu’il les considérait l’une et l’autre comme de purs instruments de l’art, comme des forces à employer, des arcs à tendre ».

1572. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre III, naissance du théâtre »

Derrière le décor, comme au bord de la fosse de l’Odyssée, les dieux et les héros, « les vieillards qui ont subi beaucoup de maux, les tendres vierges ayant un deuil dans l’âme, les guerriers aux armes sanglantes », attendent, « avec un frémissement immense », l’Évocateur suprême qui va les rappeler à la vie sublime.

1573. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIII, les Atrides. »

Vingt mains d’Ombres s’entrelacent à la main qui frappe, et la victime, qui ne voit qu’un glaive tendu sur sa gorge, tombe sous une troupe de fantômes sortis des Enfers pour l’y entraîner.

1574. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre III »

Les langues viriles maniées par de solides intelligences tendent au contraire à restreindre le nombre des mots en attribuant à chaque mot conservé, outre sa signification propre, une signification de position .

1575. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et M. de Maupertuis. » pp. 73-93

Il se récria sur ce qu’on interprêtoit mal ses pensées, & sur ce qu’on empoisonnoit la réflexion suivante : « Le roi de Prusse a comblé de bienfaits les gens de lettres, par les mêmes principes que les princes Allemands comblent de bienfaits un bouffon & un nain. » Toutes ces tracasseries étoient faites & tous ces pièges tendus, sans que M. de Voltaire se doutât de rien.

1576. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre III : Le présent et l’avenir du spiritualisme »

Les spiritualistes que j’appellerai orthodoxes, qui tendent de plus en plus à faire de leur philosophie un dogme, se trouvent par là même rapprochés de la théologie orthodoxe.

1577. (1760) Réflexions sur la poésie

Les sentiments tendres, simples et naturels, faits pour nous intéresser partout où ils se trouvent, n’ont pas besoin, pour augmenter cet intérêt, d’être attachés au nom d’Idylle ; pour remplir et pénétrer l’âme, il leur suffit d’être exprimés tels qu’ils sont ; les prairies et les moutons n’y ajoutent rien.

1578. (1824) Notice sur la vie et les écrits de Chamfort pp. -

Les tendres soins qu’il avait reçus de l’amitié semblaient avoir adouci l’idée du besoin qu’il en avait eu.

1579. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVIII. Souvenirs d’une Cosaque »

On sent le jet de l’écrivain dans ce style haché et hachant, rapide (c’est sa qualité), mais tendu, forcé, violent, audacieux et de parti pris, abracadabrant !

1580. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Sahara algérien et le Grand Désert »

et qui tend à tourner toutes choses au profit de notre indivisibilité ; car, même les républiques qui devaient nous perdre ne nous ont pas perdus, par une inconséquence qui est le fond même et l’essence du génie français et qui a bien prouvé, à l’éternelle confusion des endoctrineurs de sophismes, que le tempérament des peuples, quand il n’est pas entièrement ruiné par leurs excès, peut les sauver de ce qu’il y a de plus mortel en eux, — du propre venin de leurs idées !

1581. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « L’idolâtrie au théâtre »

Or, chez nous aussi ils tendent à le devenir, comme en Italie, et la critique dramatique tout entière, par le ton qu’elle prend en parlant du moindre comédien, pousse à ce lamentable résultat.

1582. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte du Verger de Saint-Thomas »

Henri IV, plus ferme, publia l’édit de Blois contre les duels, mais ne pouvant s’empêcher d’être tendre aux braves, même quand ils abusaient de la bravoure, il infirma son édit par des Lettres de grâce qui suivaient les condamnations Depuis 1589 jusqu’en 1608, on expédia seulement sept mille lettres de grâce, ce qui suppose la mort de sept mille gentilshommes.

1583. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Joubert » pp. 185-199

C’était une pâte tendre que cette porcelaine fêlée, dans laquelle Dieu mettait toutes sortes de choses suaves.

1584. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Louis Vian » pp. 373-387

On sent sous ce visage, aux fibres visibles et tendues, la contractilité d’un esprit puissant, et dont la puissance s’exerça toujours sur lui-même… Positif et pratique, Montesquieu, qui écrivait, sans métaphysiquer, sur les gouvernements, gouverna sa vie et sa maison mieux que personne.

1585. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

Plus vaniteuse que tendre, fastueuse de sa beauté autant qu’insolente de son empire, c’est bien l’effrontée qu’on retrouve, dans le seul portrait qu’on ait d’elle, « le sein tout nud » jusque sur un vitrail d’Église, et à qui Louis XI, dauphin alors, pour venger sa mère outragée, un jour appliqua un soufflet.

1586. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Sévigné » pp. 243-257

Quand il boude, elle lui tend l’appeau de ses beaux bras, frais comme l’indifférence, et que le pauvre timbré aimait à baiser !

1587. (1880) Goethe et Diderot « Note : entretiens de Goethe et d’Eckermann Traduits par M. J.-N. Charles »

Il l’accompagnait partout et lui tendait (intellectuellement) le crachoir… Tenir le crachoir, au physique, et parmi nous autres hommes, est une fonction assez servile et dégoûtante ; mais quand il s’agit d’un immense génie, à expectorations surhumaines, qui a toujours craché de la lumière et créé des mondes d’idées à chaque mot, la chose dégoûtante et servile change d’aspect… Nous sommes trop heureux qu’il y ait de ces garçons d’admiration en service ordinaire auprès des grands hommes que nous n’avons pas connus : Monsieur, je suis garçon de Votre apothicaire !

1588. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IV. M. Henri Martin. Histoire de France » pp. 97-110

C’est un druide « qui soutient le libre arbitre de la vieille doctrine gauloise et bretonne, tout au moins de l’école de Lérins, qui sape l’ascétisme par la réhabilitation de la nature et tend à transformer Jésus-Christ en initiateur… Mais — continue M. 

1589. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

Wallon n’est pas, comme celle de Joinville, une biographie, et qu’elle n’a point à prendre la vie de Saint Louis dans son détail le plus familier, le plus souriant, le plus intime et le plus tendre ; mais l’objection n’a pas d’assise : Saint Louis ne se dédouble pas.

1590. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. le vicomte de Meaux » pp. 117-133

Cela a été assez pour ce vigoureux catholique, que le Protestantisme, en diminuant le Catholicisme et en le forçant de lui tendre la main qu’il avait blessée, n’ait pu le tuer tout à fait, pour s’établir intégralement à sa place.

1591. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Sabran et le chevalier de Boufflers »

Ce qui est plus grave, c’est qu’il voulut lui apprendre le latin, et qu’elle l’apprit, et qu’elle faillit ainsi devenir un bas-bleu, la tendre femme !

1592. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

Le monde est ainsi fait qu’à ses yeux un poète, par exemple, ne peut jamais être un homme d’État, — et Chateaubriand, en son temps, s’est assez plaint de cette sottise, — et qu’une femme raisonnable aussi, parce qu’elle est une femme raisonnable, ne peut pas avoir l’âme vive et tendre.

1593. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVI. Buffon »

Non, il se maria tard, dans sa beauté mûrie, et distribua ses jours entre la Méditation et la Nature, entre l’amour sans trouble du mariage et les vigilances tendres et lucides de la paternité.

1594. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXI. Sainte Térèse »

Mais l’herbe fut coupée bien tendre ; mais la fleur fut coupée à peine entrouverte, et toutes deux, à ras de terre, par une faux qui est celle de l’amour, — de cet amour fort comme la mort et qui tranche l’âme comme la mort tranche la vie.

1595. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Dargaud »

Quand on veut ressusciter le passé, le secret du miracle est dans les couleurs qu’on emploie, et quand on peint les premières impressions de la vie, a-t-on sur sa palette des teintes d’un trop tendre éclat pour cette blanche aube qui doit rougir et va devenir une aurore ?

1596. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Edgar Quinet »

Le fossoyeur d’Hamlet disait ce qu’il y avait eu dans le crâne d’Yorick, parce qu’il l’avait connu durant sa vie ; mais Quinet, le fossoyeur des cimetières antédiluviens, raconte tout le monde… qu’il ne connaît pas. « Dans le crâne surbaissé du Néanderthal », dit-il, il voit apparaître « les premières opinions grossières de l’esprit, de l’homme, les embûches tendues aux espèces gigantesques, l’émulation avec l’elephas antiquus — (le bonus, bona, bonum de Sganarelle !)

1597. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Madame Ackermann »

Il n’y a, enfin, dans cette poésie signée d’une femme, que des muscles de gladiateur tendus jusqu’à se rompre contre la Fatalité invincible, contre cet effroyable train des choses qui va passer tout à l’heure et tout anéantir !

1598. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Hector de Saint-Maur »

Il a tous les tons, depuis le ton du Sonnet, ce soupir de flûte fait de quatre haleines, jusqu’au ton de l’Ode, au long souffle éclatant qui résonne et qui plane ; depuis le gémissement de l’Élégie, jusqu’à l’éclat de rire que Racine, le tendre Racine, avait aussi, quand, de la plume qui avait écrit Bérénice, il nous écrivait Les Plaideurs.

1599. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Stendhal et Balzac » pp. 1-16

Quoiqu’il n’ait pas eu à se plaindre de la destinée autant que bien d’autres, plus grands que leur vie, qui passent lentement, qui passent longtemps, qui vieillissent, leur chef-d’œuvre à la main, sans que les hommes, ces atroces distraits, ces Ménalques de l’égoïsme et de la sottise, daignent leur aumôner un regard ; quoique son sort, matériellement heureux, n’ait ressemblé en rien à celui, par exemple, du plus pur artiste qu’on ait vu depuis André Chénier, de cet Hégésippe Moreau qui a tendu à toute son époque cette divine corbeille de myosotis entrelacés par ses mains athéniennes, comme une sébile de fleurs mouillées de larmes, sans qu’il y soit jamais rien tombé que les siennes et les gouttes du sang de son cœur, Beyle, de son vivant, n’eut pas non plus la part qui revenait aux mérites de sa pensée.

1600. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules De La Madenène » pp. 173-187

On peut enlever de grandes taches de bourgeoisisme sur leur originalité et sur leur vertu, comme chez tous les paysans de cette époque, du reste, où les mœurs, de même que les classes, ont le sang mêlé et tendent chaque jour à se mêler davantage.

1601. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Francis Wey »

Pour que, de toutes les dissonances il résulte une plus étonnante harmonie, il y a dans ce livre des teintes plus tendres que des nuances, des rêveries d’esprit qui ressemblent à des rêves, des amours d’enfants de douze ans veloutés des premières fleurs que la vie emporte sur ses ailes, et tout cela (ces impondérables) est exprimé, qui le croirait ?

1602. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Arthur de Gravillon »

Je ne dis pas qu’un jour le jeune écrivain, plus avancé dans la vie et dans l’expérience d’écrire, ne baissera pas de quelques tons une corde de lyre qu’il tend quelquefois trop ; je ne dis pas qu’il penchera toujours vers cette préciosité dont il ne faut pas dire trop de mal, après tout, puisqu’elle nous empêche, par un ressaut et un cabrement, de tomber dans ce vilain abîme du commun qui n’est qu’un trou, et dans lequel nous tomberions tous, comme des capucins de cartes, si nous ne nous rejetions pas entièrement de l’autre côté Mais je dis qu’il continuera d’être distingué, fût-ce malgré lui ; car la distinction est la chose, quand elle est en nous, la plus difficile à supprimer.

1603. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. De Mascaron et de Bossuet. »

L’idée imposante d’un vieillard qui célèbre un grand homme, ces cheveux blancs, cette voix affaiblie, ce retour sur le passé, ce coup d’œil ferme et triste sur l’avenir, les idées de vertus et de talents, après les idées de grandeur et de gloire ; enfin la mort de l’orateur jetée par lui-même dans le lointain, et comme aperçue par les spectateurs, tout cela forme dans l’âme un sentiment profond qui a quelque chose de doux, d’élevé, de mélancolique et de tendre.

1604. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Personne ne croit plus que lui que la poésie doit tendre au grand et proscrire toute familiarité et même tout abandon. […] Marneffe, ou des hommes chez qui un sentiment sain et tendre, en dégénérant en faiblesse étrange, devient une manière de passion honteuse, comme le père Goriot. […] Sachez bien que ce sont les hommes comme vous qui ont donné à l’humanité l’idée sublime et tendre de ce séjour des éternels commerces auquel vous ne croyiez point. […] — Un autre artifice consiste à montrer le vieillard si grand, si glorieux et d’un génie si extraordinaire, qu’il n’y a plus de honte à éprouver pour lui un sentiment tendre. […] Son amour est une de ces grandes affections qui prennent leurs racines dans notre être tout tendre encore, et qui ne s’en peuvent détacher sans le déchirer tout entier et le tuer.

1605. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

A ne considérer que l’intention affichée par l’auteur de René, cet écrit tendait à un but d’une haute moralité. […] Lorsque la religion étouffe la voix de la nature, qui tend à sa conservation et à son bien-être, cette œuvre ne s’accomplit pas sans efforts et sans sacrifices ; ici l’effort serait en sens contraire ; pour Mme de Caud le sacrifice serait de consentir à être heureuse ! […] » Et il ajoute : « Ernest, j’ai quitté tous ces témoins de mon inquiète existence, mais partout j’en retrouve d’autres ; j’ai changé de ciel, mais j’ai emporté avec moi mes fantastiques songes et mes vœux immodérés. » Une nature si ardente et si tendre devait être pour l’amour une proie facile : Gustave subit le charme de Valérie, et la violence de l’amour combattu altère gravement sa santé. […] Ainsi la mélancolie de quelques-uns tendait à devenir l’attribut de tous, et il ne faut plus s’étonner de voir que divers peuples de l’Europe tantôt suivent nos traces, tantôt se copient réciproquement, et que, si Kamorinski et Thorarensen s’inspirent de Lamartine, Schopenhauer reproduise Leopardi, Pouchkine et Marlinski prennent Byron pour modèle, enfin Mickiewicz relève à la fois de Byron et de Gœthe. […] Quoiqu’il en soit, le roman d’Isabelle, comme les differents ouvrages sur le même sujet que nous avons rencontrés, tendent à démontrer le danger de la solitude, surtout pour les imaginations portées à la tristesse et à la rêverie.

1606. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

En ayant l’air de plaider pour l’amour, il protégeait la famille bourgeoise contre ceux de ses membres qui, par leur maniaque égoïsme, tendaient à la dissoudre. […] Et aujourd’hui elles ont pu se tendre la main et se dire : Plus nous nous sommes battues, plus nous pouvons nous aimer maintenant. […] L’esprit de famille tend à circuler verticalement et non transversalement. […] D’un côté l’interview-réclame, où l’interrogateur tend son plus rouge tablier à la pluie de vérités premières qui évacue pompeusement un grand homme. […] Cette critique tend à dégager d’une œuvre ses thèmes, à chercher une musique des esprits, à la manière dont Sainte-Beuve cherchait une histoire naturelle des esprits.

1607. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Et qu’on ne vienne pas nous dire qu’une si large place donnée à l’élément poétique, dans la peinture de la vie humaine, tend à amoindrir la réalité au profit de la fantaisie, à entraîner le réalisme sur la pente du lyrisme. […] Se voyant abandonnés de leur père, et peu après des libraires adoptifs, dont la tendresse n’a qu’un temps, — ces intéressants orphelins se mirent à implorer la pitié des bonnes âmes, et tendirent leurs petites mains à la charité publique. — Mais le public est très dur de sa nature, et les péchés de jeunesse de M.  […] Jaccottet a l’âme tendre ; son cœur n’a pas eu le temps de s’endurcir comme celui de ses confrères. — En voyant ces malheureux petits êtres exténués et grelottants à la porte d’un éditeur sans entrailles, Vincent de Paul-Jaccottet se sentit pris de compassion ; — et, comme il s’est voué, avec un désintéressement qui l’honore, à l’œuvre de la Sainte-Enfance littéraire, il ramassa les innocentes créatures, et les transporta dans son hospice des enfants trouvés, — autrement dit dans sa Bibliothèque à un franc. […] Notre littérature s’était affranchie : la voilà qui tend de nouveau ses mains et son cou à la chaîne des froides règles, au joug de l’idée reçue, à la servitude du lieu commun, et aux menottes du préjugé. — Au lieu de la chaudière des sorcières du grand William, où se tordaient pêle-mêle, dans une ardente fusion, l’inspiration primesautière, la folie sans queue ni tête et l’originalité en révolte du romantisme, nous n’avons plus que le pot-au-feu sensé, la marmite économique, où mijotent doucettement et bonifacement les vertueux ingrédients de l’école du Bon Sens. […] Débarrassées des appréhensions de la raillerie, elles rompront avec la méchanceté, et deviendront mille fois plus tendres et plus aimantes. — Elles n’auront plus qu’un souci : se faire pardonner leur visage.

1608. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Populaire avec tous les grimauds de lettres du dernier ordre, comme un arc trop violemment tendu, c’est en souffletant le génie qu’il se redresse et qu’il se venge de l’abaissement auquel le condamnent les besoins d’une vanité hystérique. […] et pourquoi, s’étant résigné de lui-même à cette extrémité, signe-t-il du prénom romantique de Paul sa prose si majestueuse, qu’elle a l’air de porter l’art en terre à bras tendus ? […] Par l’instinct de l’équilibre moral, qui fait que toute créature, à son insu, tend incessamment vers son milieu, le poète fuyait la société de ses pairs qu’il jugeait assurément aussi malades que nous pouvions le trouver lui-même. […] En vérité, M. d’Avrigny est bien bon de commettre une faute de français pour avancer une proposition inexacte, qui tendrait à prouver, si elle prouvait quelque chose, qu’il n’a pas vu jusqu’au bout la comédie de M.  […] Dans ce guet-apens, tendu aux turlupins de la farce et de l’obscénité, le jeune auteur devait se casser le nez en heurtant des brocs vides et des falots éteints.

1609. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Je dirai seulement de ce tendre intérêt qu’il inspira à Mlle Cuvier, intérêt mystérieux resté bien longtemps secret, et dont il est permis à peine de dévoiler quelque chose aujourd’hui79, que plus tard les voyages d’Ampère en Allemagne, puis dans le Nord, y apportèrent un arrêt et un obstacle, peut-être un brisement et une rupture intérieure : à son retour du Nord, il ne retrouva plus celle qui savait si bien l’écouter ; la noble jeune fille si distinguée, et depuis quelque temps promise à un autre, mourait de consomption avant l’autel. […] Ampère, si fait pour les trouver, mais trop habitué à l’atmosphère des salons et à leur tiède haleine, trop tendre aux caresses de l’amitié, dès qu’il s’offrait une difficulté, une lutte à soutenir, lâchait la partie, même quand il avait raison. […] Les âmes tendres ne sont pas toujours les plus faibles. » Voilà un éloge qui sent son anachronisme et auquel l’ombre de Tibulle ne se serait certes pas attendue. […] Il professait particulièrement un tendre respect pour la nuance de catholiques libéraux dont Ozanam était à ses yeux le type.

1610. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Plein d’un tendre amour pour son petit champ, je me représente le doux vieillard assis pendant les feux du jour, à l’ombre ; il écoute « le murmure d’un ruisseau », regarde passer « un laboureur inquiet pour ses moissons, un berger conduisant son troupeau, une nourrice attendrie pour son petit enfant ». […] Je vous conseille de laisser aux étourdis une critique qui tend à condamner la forme et l’esprit de tout le théâtre de Racine, et d’accepter le discours de Théramène, puisque vous acceptez bien ceux de Phèdre. » Voilà comment on peut justifier les longs mugissements du monstre envoyé par Neptune, et l’épouvante du flot qui l’apporta. […] Quant à moi, je ne vois point comment il pourrait éviter de rentrer dans le sein du vieux dogmatisme qui lui tend les bras. […] Rempli d’un tendre et violent amour pour sa femme, qui le trahissait, il n’avait pas voulu habiter une autre demeure que la maison commune.

1611. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

Non seulement le Moyen Âge n’avait pas eu le sentiment de la forme ; mais il s’était constamment défié de la nature comme d’une maîtresse d’erreur ou d’une puissance ennemie de l’homme ; et l’esprit de sa politique n’avait tendu qu’à emprisonner l’individu dans les liens de sa corporation, de sa classe, ou de sa caste. […] Et, déjà, combien la seconde est-elle trompeuse si, tandis que la Renaissance ne tendait qu’à déchristianiser le monde pour le rendre au paganisme, tout au contraire, ce que la Réforme a tenté, c’est justement de ramener le christianisme à la sévérité de son institution primitive ? […] Par des chemins différents, tous ces écrits, d’origine et de caractères si divers, tendent ensemble à deux ou trois fins : dont la première est de rendre à la morale éternelle quelque chose au moins de son ancien empire ; la deuxième, de soustraire l’esprit français à des influences étrangères que l’on regarde alors bien moins comme des entraves à sa liberté que comme les causes de sa corruption ; et la troisième enfin, d’imposer à l’individu, dans l’intérêt commun de la société, les qualités ou les vertus dont il ne se soucierait pas pour lui-même. […] Ainsi, dans les dernières années du règne d’Henri IV, si nous voulons mesurer, en quelques mots, le chemin accompli, nous voyons une littérature originale et nationale tendre à se dégager de l’imitation des littératures étrangères.

1612. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Un garçon de banque entre, et tend un billet à la dame du comptoir. […] Vous entendez la scène. — Allons, vingt-cinq. » Le père se calme, tend la main, et file. […] Beaucoup de malades, de mourants, ont été transportés au plein air du jardin, et dans le soleil et la verdure tendre, s’agitent des mains jaunes, et des yeux, au grand blanc, qui interrogent le regard du passant. […] Tout est prêt pour le départ ; quand la pitié qui ne peut jamais abandonner l’homme, pousse quelques soldats de ligne, à promener leurs bidons au milieu des têtes de ces femmes, qui tendent une bouche altérée, dans des mouvements de grâce, et avec un œil espionnant le visage rébarbatif d’un vieux gendarme, qui ne leur dit rien de bon. […] » et me tend mon fiche-mon-camp. » « J’étais entré le 5 juin, je sortais le 21 octobre, le jour de ma naissance.

1613. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Il sait sa carte de Tendre, il sait son code et sa procédure des cours d’amour, il a lu L’Astrée. […] On y pourrait mettre pour épigraphe ce joli mot de lui à elle : « Quand l’amitié est solide, sincère et tendre, on s’entend, et quand il le faut, on se devine. » 86.

1614. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Le jeune enfant fut ainsi ramené dès son bas âge dans le Ponthieu, patrie de sa mère, et c’est là qu’il fut élevé sous l’aile des plus tendres parents et dans une éducation à demi domestique. […] Ces lettres sont adressées à l’un de ses plus tendres amis, M. 

1615. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Enfin, sauf dans les Confessions, son style nous fatigue vite ; il est trop étudié, incessamment tendu. […] Le fruit mûrissant, savoureux, suspendu à la branche, n’y tombe pas, mais semble toujours sur le point de tomber ; toutes les mains se tendent pour le cueillir, et la volupté un peu voilée, mais d’autant plus provocante, pointe, de scène en scène, dans la galanterie du comte, dans le trouble de la comtesse, dans la naïveté de Fanchette, dans les gaillardises de Figaro, dans les libertés de Suzanne, pour s’achever dans la précocité de Chérubin.

1616. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

« Si le pervers ne se repent pas, Jéhovah tend son arc et vise. » Il paraît ici que le poète, justifié et vengé, se complaît à chanter un cantique de reconnaissance, et l’on retrouve, avec quelques images plus suaves, les images grandioses du livre de Job dans cet hymne. […] Jamais la fibre humaine n’a résonné d’accords si intimes, si pénétrants et si graves ; jamais la pensée du poète ne s’est adressée si haut et n’a crié si juste ; jamais l’âme de l’homme ne s’est répandue devant l’homme et devant Dieu en expressions et en sentiments si tendres, si sympathiques et si déchirants.

1617. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

Tout ce qui contrarie ce plan, c’est-à-dire tout ce qui tend à constituer des inégalités de lumières, de rang, de condition, de fortune parmi les hommes, est impie. Tout ce qui tend à niveler graduellement ces inégalités, qui sont souvent des injustices, et à répartir le plus équitablement l’héritage commun entre tous les hommes, est divin.

1618. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Cette spontanéité créatrice tendait incessamment à s’exercer : la légende suivait de près les événements. […] Ainsi par une nécessité naturelle les grandes gestes tendaient à s’incorporer les petites, et les légendes provinciales à se fondre dans les nationales.

1619. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Le roi entendit de tous côtés la voix de ces hommes instruits par une longue expérience des rites du sacrifice, de ceux qui possèdent les principes de la morale et la science des facultés de l’âme, de ceux qui sont habiles à concilier les textes qui ne s’accordent pas ensemble, ou qui connaissent tous les devoirs particuliers de la religion ; mortels dont l’esprit tendait à soustraire leur âme à la nécessité de la renaissance dans ce monde. […] C’est se suicider que d’écrire des phrases comme celle-ci : « L’homme est destiné à vivre sans religion : une foule de symptômes démontrent que la société, par un travail intérieur, tend incessamment à se dépouiller de cette enveloppe désormais inutile. » Que si vous pratiquez le culte du beau et du vrai, si la sainteté de la morale parle à votre cœur, si toute beauté, toute vérité, toute bonté vous reporte au foyer de la vie sainte, à l’esprit, que si, arrivé là, vous renoncez à la parole, vous enveloppez votre tête, vous confondez à dessein votre pensée et votre langage pour ne rien dire de limité en face de l’infini, comment osez-vous parler d’athéisme ?

1620. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

En 1654, le comte de Bussy-Rabutin écrivait à Madame de la Trousse, tante de madame de Sévigné, au bas d’une lettre adressée à celle-ci : « Madame, en vous rassurant sur des lettres trop tendres que le pourrais écrire à ma cousine, j’ai honte d’en écrire de si folles, sachant que vous les devez lire, vous, qui êtes, si sage et devant qui les précieuses ne font que blanchir. […] C’est certainement bien elle qu’il désigne dans la quatrième scène des Précieuses, lorsqu’il met dans la bouche de Madelon des plaintes contre l’incongruité de demander tout crûment une personne en mariage ; lorsqu’il lui fait dire que le mariage ne doit jamais arriver qu’après les autres aventures, et après que l’amant a parcouru la carte du tendre, suivant l’exemple de Cyrus et de Mandane, d’Aronce et de Clélie, héros des deux premiers romans que mademoiselle de Scudéry publia sous son nom après la dispersion de l’hôtel de Rambouillet.

1621. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

Apollon le confie à ce guide céleste, avec une tendre insistance : — « Et toi, mon frère, comme moi fils de Zeus, prends-le sous ta garde, sois le bien nommé, deviens son conducteur, il est mon Suppliant. » II. — Caractère mythique d’Apollon. — Transformation de sa divinité solaire. — Médecin des corps et des âmes. — Dieu des pardons et des expiations. […] Les réseaux que l’automne tend sur les taillis sont moins diaphanes que les tissus qui coulent du jeu magique de ses doigts.

1622. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

Le nom de Des Grieux traverse sa pensée et couvre ses joues de loyales rougeurs ; mais Marguerite supplie et tente, d’une voix si câline, si tendre, si mourante, qu’il succombe. […] Terre sacrée, fais pousser, au pied de la stèle de la jolie bacchante, non des épines et des ronces, mais de tendres violettes ! 

1623. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

C’est vraiment charmant cette petite et rustique maison japonaise du Trocadéro, avec son enclos de bambous, sa porte aux grosses fleurs sculptées dans un bois tendre, ses petits arbres en paraphes d’écriture, ses parasols, sous l’ombre desquels se remuent des volatiles minuscules, ses resserres en essences joliment veinées : tout ce goût et tout cet art décoratif dans une habitation des champs. […] Il me semblait, qu’en entendant cet air vieillot, j’avais les cordes tendres de l’âme, caressées par de l’ingénu rococo.

1624. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

Le piocheur acharné apparaît trop dans ce talent surchargé, qui n’a pas les simplicités du talent qui est parce qu’il est et que n’a point touché la science, — la science qui s’efforce, se tend et se ride, et fait toujours grimacer plus ou moins, dans son efforcement, ce qui devrait être spontané et beau. […] Et, au fait, c’est si bien là une loi de la lâche nature humaine que la majorité se laisse toujours tuer, même sans se défendre, et qu’elle tend toujours passivement la gorge au bourreau qui va l’égorger !

1625. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

De système, Alphonse Daudet ne peut être impassible que comme le peut l’âme la plus naturellement tendre et la plus facilement émue, comme Joubert et Platon pourraient l’être, si Joubert et Platon, ce qui me paraît bien difficile, eussent pris pour maître Flaubert. […] Alphonse Daudet avait des liaisons littéraires dangereuses, qui devaient produire la camaraderie des idées… Dans son roman de Jack, il tendait, sans en avoir, je crois, le sentiment bien net, vers cette corruption du Réalisme contemporain, si tentant, non pour lui, mais pour les imaginations sans idéal et les talents sans invention et sans noblesse.

1626. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — II. (Fin.) » pp. 330-342

Il apostrophe ceux qui ne rougissent point des vertus et grandeurs paternelles, et qui se sentent de force à en soutenir l’héritage ; il les supplie de lui tendre la main et de lui prêter secours.

1627. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

Bassin où les laveuses Tendaient, silencieuses, Sur un rameau tremblant     Le linge blanc !

1628. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

C’était une personne d’infiniment d’esprit plutôt que de grand caractère, d’une piété tendre, affectueuse, attirante, d’une délicatesse extrême et des plus nuancées.

1629. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — II » pp. 161-173

Il est à l’avant-garde de Masséna, et de bonne heure il se trouve placé entre le lac de Garde et l’Αdige, à la forte position de Corona, au-dessus de Rivoli, regardant le Tyrol italien et faisant face aux troupes impériales qui tendent sans cesse, à chaque recrue considérable, à déboucher et à forcer de ce côté.

1630. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — II » pp. 261-274

Après avoir marqué le caractère singulier de la bienfaisance constamment prêchée et pratiquée par l’abbé, qui n’était point celle d’un cœur sensible et tendre, mais qui procédait avec méthode au nom d’une raison sincère et convaincue : « Il avait aimé pourtant, ajoute-t-il : c’est un tribut que l’on doit payer une fois à la folie ou à la nature ; mais quoique cette folie n’eût point porté d’atteinte à sa raison universelle, sa raison particulière en avait tellement souffert, qu’il fut obligé d’aller dans sa province réparer, durant quelques années, les brèches que ses erreurs avaient faites à sa fortune. » On n’en sait pas plus long sur les fredaines de l’abbé de Saint-Pierre, et sans Rousseau on n’en aurait rien soupçonné.

1631. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. »

Auguste Barbier, ce grand poëte d’un jour et d’une heure, que la renommée a immortalisé pour un chant sublime né d’un glorieux hasard, mais qui dans l’habitude, ainsi que l’atteste son recueil des Silves 36, est plutôt une âme douce, tendre, naïve ; une âme cherchante, un peu incertaine ; une muse timide, le croirait-on ?

1632. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Chants du crépuscule (1835) »

Elle donne la meilleure et la plus profonde réponse à cette question souvent débattue : si les grands poètes qui nous émeuvent et rendent de tels sons au monde ont en partage ce qu’ils expriment ; si les grands talents ont quelque chose d’indépendant de la conviction et de la pratique morale ; si les œuvres ressemblent nécessairement à l’homme ; si Bernardin de Saint-Pierre était effectivement tendre et évangélique ; quelle était la moralité de Byron et de tant d’autres, etc., etc. ?

1633. (1858) Cours familier de littérature. V « Préambule de l’année 1858. À mes lecteurs » pp. 5-29

Il tendit son cou maigre au glaive ; elle roula.

1634. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre I. Les mémoires »

Cependant deux choses tendent à ramener les ouvrages de science et d’érudition dans notre domaine : la langue française, quand on l’emploie, toute concrète encore et chargée de réalité, et dont les mots apportent, au milieu des abstractions techniques, les formes, les couleurs et comme le parfum des choses sensibles ; ensuite, le tempérament individuel, mal plié encore à la méthode scientifique, et qui jette sans cesse à la traverse des opérations de la pure intelligence l’agitation de ses émotions et les accidents de sa fortune.

1635. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

. : toutes ces études partielles tendaient à restaurer dans les esprits une représentation plus fidèle de la vie antique.

1636. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Banville, Théodore de (1823-1891) »

Bottom, à vingt ânes pareils, Tend son dos à Puck qui le monte, Et Scapin bâtonne Géronte Avec un rayon de soleil !

1637. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leconte de Lisle, Charles-Marie (1818-1894) »

Tendre Poséidon est ridicule.

1638. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IV. Le théâtre des Gelosi » pp. 59-79

Lorsque Isabelle sort, Pantalon lui essuie le front et lui fait de tendres reproches, en lui recommandant bien, lorsqu’une pareille volonté lui viendrait encore, de ne pas hésiter à l’avertir.

1639. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Premières tentatives sur Jérusalem. »

Ce monde odieux ne pouvait manquer de peser fort lourdement sur les âmes tendres et délicates du nord.

1640. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Conclusion »

Mais ces travaux, bien loin de tendre vers la métaphysique, reposent sur l’expérience, au sens strict du mot.

1641. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

S’il en montrait moins, il me laisserait respirer et me ferait plus de plaisir : il me tient trop tendu ; la lecture de ses vers me devient une étude.

1642. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Montalembert orateur. » pp. 79-91

Il tendit d’une manière tranchée à instituer le duel entre ce qu’il appelait les fils des croisés et les fils de Voltaire.

1643. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Évolution de la critique »

Les manifestations qu’elle analyse : livres, partitions, tableaux, statues, monuments, ont en commun le caractère d’être « esthétiques », de tendre à être belles et à émouvoir.

1644. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre I : La science politique au xixe  siècle »

Un autre homme éminent, plus grand écrivain et plus puissant penseur que Carrel, apportait alors à la démocratie sa parole enflammée, son imagination amère, ardente, quelquefois si tendre et si douce, ses sombres colères, tout l’éclat de son style ; mais il ne lui apportait pas une pensée.

1645. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

Et en effet, toute la morale ne tend guère qu’à empêcher les malheureux de se plaindre : ce qui n’est pas d’une grande conséquence.

1646. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre IV. Suite du parallèle de la Bible et d’Homère. — Exemples. »

La Bible, pour tout cela, n’a qu’un trait : « L’impie, dit-elle, se flétrira comme la vigne tendre, comme l’olivier qui laisse tomber sa fleur110. » « La terre, s’écrie Isaïe, chancellera comme un homme ivre : elle sera transportée comme une tente dressée pour une nuit111. » Voilà le sublime en contraste.

1647. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 34, que la réputation d’un systême de philosophie peut être détruite, que celle d’un poëme ne sçauroit l’être » pp. 489-511

Les hommes naissent convaincus que tout argument qui tend à leur persuader par voïe de raisonnement le contraire de ce qu’ils sentent, ne sçauroit être qu’un sophisme.

1648. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 4, de l’art ou de la musique poëtique, de la mélopée. Qu’il y avoit une mélopée qui n’étoit pas un chant musical, quoiqu’elle s’écrivît en notes » pp. 54-83

Telle est la melopée des vers tendres qui comprend celle des épithalames ; telle est encore la melopée des vers comiques et celle des panegiriques. " ainsi la melopée étoit la cause, et la melodie l’effet. à la lettre, melopée signifioit la composition des chants, de quelque nature qu’ils fussent, et melodie des chants composez.

1649. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 12, des masques des comédiens de l’antiquité » pp. 185-210

Je m’en tiens au sentiment le plus simple, et je pense que la plûpart des passions, principalement les passions tendres, ne sçauroient être aussi-bien exprimées par un acteur masqué que par un acteur qui joüe à visage découvert.

1650. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux »

Il est inexact, en effet, que la science ne puisse instituer de lois qu’après avoir passé en revue tous les faits qu’elles expriment, ni former de genres qu’après avoir décrit, dans leur intégralité, les individus qu’ils comprennent, La vraie méthode expérimentale tend plutôt à substituer aux faits vulgaires, qui ne sont démonstratifs qu’à condition d’être très nombreux et qui, par suite, ne permettent que des conclusions toujours suspectes, des faits décisifs ou cruciaux, comme disait Bacon50, qui, par eux-mêmes et indépendamment de leur nombre, ont une valeur et un intérêt scientifiques.

1651. (1864) De la critique littéraire pp. 1-13

Elle s’est donnée d’abord comme un nouveau genre de littérature ; elle tend aujourd’hui à les absorber tous ou du moins à les dominer.

1652. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IV. Des changements survenus dans notre manière d’apprécier et de juger notre littérature nationale » pp. 86-105

Que serait-ce donc si j’embrassais tous les ouvrages de Bossuet ; si je descendais avec lui dans l’arène de cette haute polémique où il consuma une partie de ses forces ; si j’interrogeais avec lui les oracles des anciens jours, afin de m’initier moi-même et d’initier mon lecteur aux secrets de cette Politique sacrée que l’on croirait appartenir à un autre âge, tant pour les princes que pour les peuples ; si je m’élevais sur ses ailes à la contemplation des mystères du christianisme ; si je creusais avec son analyse lumineuse et pénétrante les profondeurs d’un mysticisme exalté où s’égarèrent quelques âmes tendres ?

1653. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

Je n’ai pas besoin, je pense, d’avertir que nous écarterons de cet examen toutes les doctrines qui tendent plus ou moins au matérialisme ; et que Locke et Condillac seront eux-mêmes mis hors de cause, à plus forte raison Helvétius et Cabanis.

1654. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

Il n’y avait qu’un bas-bleu… tendre.

1655. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’Empire Chinois »

Huc, qui voit sans doute, mais qui ne conclut pas, se contente de nous tendre tranquillement le miroir terrible et de nous dire d’y regarder !

1656. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

Léopold savait se mouvoir avec une rare souplesse dans cette forme de gouvernement imposée aux rois par la défiance des peuples, et qui lie toujours plus ou moins les bras à la Royauté, en attendant qu’elle l’étrangle… L’honneur historique de Léopold sera d’avoir dégagé sa personnalité de roi d’un système qui ne tend qu’à l’effacer, quand on en a une.

1657. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Sainte Térèse » pp. 53-71

Mais l’herbe fut coupée bien tendre ; mais la fleur fut coupée à peine entr’ouverte ; et toutes deux, à ras de terre, par une faux qui est celle de l’amour, — de cet amour fort comme la mort, et qui tranche l’âme comme la mort tranche la vie.

1658. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Fustel de Coulanges » pp. 15-32

Fustel de Coulanges, par la nature de son esprit, tend vers elles.

1659. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Gaston Boissier » pp. 33-50

Assurément, l’auteur de La Religion romaine a trop l’habitude de l’histoire pour ne pas savoir où il tend et où il va ; mais il a la finesse ou l’hypocrisie de ne pas le dire, et c’est la route faite que vous apercevez enfin où cet insinuateur vous a mené !

1660. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VIII. Du mysticisme et de Saint-Martin »

En les lisant, on est surtout frappé de cette idée que le dix-huitième siècle, dans sa haine contre le catholicisme, n’a pas seulement trouvé, pour la servir, des raisonneurs et des impies, comme l’affreuse société qui soupait contre Dieu chez d’Holbach, mais aussi des âmes d’élite, des cœurs tendres, aux intentions pures, de nobles esprits qui croyaient au ciel.

1661. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IX. L’abbé Mitraud »

C’est donc du haut de leurs idées et de leur orgueil que les ennemis de l’Église ont fait tomber l’éloge sur le front épanoui de M. l’abbé Mitraud et qu’ils ont tendu leur main de Grec ( Timeo Danaos et dona ferentes !

1662. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Monselet »

Il n’a pas, il est vrai, cette spontanéité de malice du premier, qui faisait dire à un grand critique étranger : « Le trait frappe avant qu’on ait pu même soupçonner que l’arc a été tendu », ni la causticité mordante et l’ampleur d’événements du second.

1663. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’architecture nouvelle »

Je voudrais seulement démontrer qu’au cours des siècles, le trésor des choses auxquelles nous reconnaissons de la beauté s’enrichit, et que le caractère de beauté qui, à l’origine ou chez les peuples enfants, n’est attribué qu’à quelques spécialités, — une belle femme, une belle arme, un beau bijou, — tend invariablement à s’universaliser, jusqu’à s’appliquer au tout, en d’autres termes, que notre compréhension du monde va s’élargissant.‌

1664. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

Cependant la langue d’un peuple guerrier tendait à la fierté et à la précision ; d’un peuple qui commandait aux rois, à une certaine magnificence ; d’un peuple qui discutait les intérêts du monde, à une certaine gravité ; d’un peuple libre et dont toutes les passions étaient énergiques et fortes, à l’énergie et à la vigueur : et lorsque cette langue fut enrichie de toutes les dépouilles des Grecs, lorsque les conquérants eurent trouvé dans les pays conquis des leçons, des maîtres et des modèles, et que les richesses du monde en introduisant à Rome la politesse et le luxe, y eurent fait germer le goût, alors l’éloquence s’éleva à la plus grande hauteur, et Rome put opposer Cicéron à Démosthène, comme César à Périclès, et Hortensius à Eschine.

1665. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

Mais que chacun marche droit, l’épée haute et le bouclier ct tendu sur la poitrine, quand la mêlée commence.

1666. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Ce qu’il faudrait nous prouver, pour nous mettre en légitime défiance contre la poésie, c’est qu’elle tend à paralyser ou troubler les facultés d’exécution. […] Quelle flamme, quel rayonnement dans ce terrible archer qui, l’arc tendu, darde sur le monstre qu’il va percer un regard étincelant ! […] L’illusion tend alors à se produire. […] Mais si cette faculté, de par son activité propre, tend aussi à modifier les images, à les faire entrer sans cesse dans des combinaisons nouvelles, à inventer en un mot, pourquoi lui refuserions-nous cette satisfaction ? […] La vie de certains artistes est une vie d’inventeurs ; de ce qui se passe autour d’eux ils ne voient plus rien ; toutes les énergies de leur être sont tendues vers un but unique, absorbées par leur rêve.

1667. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

Il n’est rien à quoy communément les hommes soyent plus tendus, qu’à donner voye à leurs opinions : où le moyen ordinaire nous fault, nous y adioustons le commandement, la force, le fer et le feu. […] Je ne crois pas qu’il y eût d’homme moins disposé par caractère à la philosophie stoïcienne que Sénèque, doux, humain, bienfaisant, tendre, compatissant. […] Il donnera… Vous ouvrez les oreilles, vous tendez la main ! […] Votre doctrine tend à enorgueillir des paresseux et des fous, et à dégoûter les bons princes et les bons magistrats, les citoyens vraiment essentiels. […] Ce traité est très-beau ; j’en recommande la lecture à tous les hommes, mais surtout à ceux qui tendent à la perfection dans les beaux-arts.

1668. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Le jour où un homme lui dit le plus respectueusement possible qu’il l’aime, elle sait parfaitement à quoi tend cet homme. […] La volonté affaiblie, énervée, se ressaisit et se tend dans un effort salutaire. […] Tout son effort ne tend qu’à nous faire rire à leurs dépens. […] Dans ce drame serré et tendu il suffit d’une indication pour nous faire tout comprendre ou tout deviner. […] Ils ne sont pas plus tendres à la maîtresse qu’à l’épouse.

1669. (1924) Critiques et romanciers

» Ce sentiment de la continuité, il l’ajoute au poétique et tendre sentiment du passé. […] L’un, au sortir de la chapelle, va trouver ses parents, leur tend son couteau, les supplie de le tuer, disant : « Tuez-moi ! […] Dans une allée de la forêt, les branches « se rejoignent et se tendent leurs feuilles comme des mains ». […] L’œuvre qu’il laisse inachevée, si abondante déjà, si énormément riche, devait s’enrichir encore ; et elle tendait à de nouveaux développements, plutôt qu’à une conclusion. […] Or, il est tendre et bon, Pergaud ; la cruauté l’offense.

1670. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Il faut surtout être tendre. Il faut être tendre avec un grain de malice, plutôt qu’être malicieux avec un grain de tendresse. […] Mais les faits eux-mêmes, les faits matériels sont très peu en faveur de la légende admise et tendent à la démontrer peu vraisemblable. […] — Quand Rome vous appelle à la grandeur suprême… — Jamais un tendre amour n’expose ce qu’il aime. […] Il est bien évident que Sainte-Beuve en était resté au « tendre », à « l’élégant », au « gracieux » et à « l’harmonieux » Racine, et n’avait jamais été plus loin ni voulu aller plus loin.

1671. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Il vous prenait quatre fusils, enfonçait dans les canons de ces fusils les quatre doigts de sa main droite et soulevait le tout à doigts tendus… ! […] Il me tend la relique très vieille et très charmante. […] Lièvre me tend une lettre, un pli cacheté, scellé aux armes cardinalices. […] Avec une révérence de pensionnaire elle me tendit la main. […] Debout, il regarde le petit enfant potelé et joufflu qu’il soutient sur son bras gauche et qui lui tend les mains.

1672. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

On sent très bien qu’il y a là une vive lumière jetée par Corneille sur Corneille lui-même, et qu’en effet, il y a chez Corneille un goût de l’extraordinaire qui tend évidemment vers l’invraisemblable, et dont, tout compte fait, il se fait à lui-même un mérite plutôt qu’une erreur. […] — Et quand le vent chez vous secouait les lilas, Pour les mieux recevoir je tendais les deux bras. […] Mais encore est-il qu’elle n’est pas tendre, ni prostrée en adoration béate du bon petit naturel de l’homme, et qu’elle « remue un peu la bouteille » pour montrer « que le fond en est amer ». […] Elle nous est donnée comme charmante, douce, élégiaque, nullement ambitieuse, usant à contrecœur de son influence sur la reine au profit de ce scélérat de Concini, parce qu’il est le père de ses enfants ; d’ailleurs charitable, tendre aux malheureux, amie du peuple, etc. […] Je suis sûr que Molière vous dirait que c’est bien plus facile de faire Les Femmes savantes ou L’École des femmes que Tartuffe et Le Misanthrope (lequel n’est pas une comédie dramatique, mais tend déjà vers ce genre).

1673. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

On conçoit la vive impression que cette lecture avait faite sur l’imagination du plus tendre de nos poètes, de Racine, dans sa première jeunesse, étudiant la langue grecque à Port-Royal. […] Il faut l’avouer, tous ces sentiments délicats et tendres sont prodigieusement supérieurs aux jolies descriptions du sophiste grec. […] Mais quand on jouait la tragédie, les murs étaient tendus de noir. […] Mais il semble plutôt inspiré qu’enrichi par ce qu’il emprunte ; et l’on voit que son génie tendait naturellement au grand et au sublime. […] Entourée des soins les plus tendres, l’enfance du jeune Pope fut très faible et très délicate ; sa voix avait une singulière douceur ; on l’appelait le petit rossignol.

1674. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Son ami Guido lui en fait de tendres reproches. […] Dante aimait la liberté par-dessus toutes choses : rappelez-vous ce vers d’un accent si tendre : Libertà va cercando ch’ è si cara ! […] Il tend vers lui les bras ; il le prie de permettre qu’il fasse quelques pas à ses côtés, et Dante baisse la tête en signe de révérence. […] Il y retrouve Charles Martel, le fils aîné du roi de Naples, qui, à Florence, s’était lié avec Dante de l’amitié la plus tendre. […] Diotime tendit la main à Élie en s’excusant à son tour de sa vivacité.

1675. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Il ne perdit pas une heure dans toute sa vie, pas même l’heure de sa mort ; il écrivait encore on ne sait quoi sur ses tablettes dans sa litière, au moment où, arrêté par les sicaires d’Antoine, il leur tendit sa tête pour mourir. […] Ce que je puis ajouter, c’est qu’il me paraît déjà donner beaucoup de marques d’une belle âme et d’un noble esprit ; mais vous voyez combien son âge est tendre. — Je le vois bien, lui dis-je, et c’est aussi dans cet âge qu’il faut l’initier à ces études et ouvrir son âme à ces sentiments qui le prépareront aux grandes choses qui l’attendent […] Puisque donc le consentement de tous les hommes est la voix de la nature, et que tous les hommes, en quelque lieu que ce soit, conviennent qu’après notre mort il y a quelque chose qui nous intéresse, nous devons nous rendre à cette opinion, et d’autant plus qu’entre les hommes ceux qui ont le plus d’esprit, le plus de vertu, et qui, par conséquent, savent le mieux où tend la nature, sont précisément ceux qui se donnent le plus de mouvement pour mériter l’estime de la postérité……………………………………………………………………………………………… « C’est ce dernier sentiment que j’ai suivi dans ma Consolation, où je m’explique en ces termes : On ne peut absolument trouver sur la terre l’origine des âmes, car il n’y a rien dans les âmes qui soit mixte et composé, rien qui paraisse venir de la terre, de l’eau, de l’air ou du feu.

1676. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

Je n’ai guère rencontré de bien, dans les deux volumes, que cette phrase : « l’arrêté, le tendu de la peau, qu’a seulement une vierge ». […] Lundi 11 septembre Il faut que ce soit vrai, qu’en vieillissant, on devient plus tendre à la souffrance de tout ce qui vit. […] Le Jour de l’An suivant, huit jours après, il venait voir sa mère, et il n’avait jamais été si tendre, si affectueux, mais au dîner, il délirait complètement, disant que maintenant, il allait faire des choses sublimes… parce qu’on lui faisait prendre des pilules qui le conseillaient, et lui dictaient, de leurs petites voix, des phrases, comme il n’en avait jamais écrites.

1677. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviiie entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

« Si en ce moment sa blanche main fut pressée par tendre affection de cœur, je l’ignore. […] « Avec sa tendre affection, ô très-noble reine, il vous offre ses services, lui et sa fiancée. […] si tu veux me quitter, cela me fera de la peine jusqu’au fond du cœur. » « Il saisit dans ses bras la femme riche en vertus et couvrit son beau corps de tendres baisers. […] On tendit au-dessus de bonnes tentes : c’était comme si on se fût trouvé dans la plaine sur terre ferme.

1678. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Enfin, placé entre le mépris de Modeste et la crainte d’offenser la duchesse de Chaulieu, sa tendre protectrice, le poète prend son parti en brave, et laisse le champ libre à ses adversaires. […] Voilà ses premiers ans, et à peine la même Ninon a-t-elle reçu les tendres leçons de Sylvio qu’elle devient Portia, et incapable de résister à l’amant qui viendra la solliciter. […] Ces pensées sanglantes, familières aux poètes de l’Allemagne moderne, à ceux du moins qui se présentent comme novateurs, ne nous font pas l’effet de tendre à un autre but qu’à se poser en hommes plus prévoyants que les girondins, les jeunes artistes se piquent de ne pas être surpris par les excès inséparables des Révolutions, et pour prouver qu’ils sont bons jacobins, ils évoquent d’eux-mêmes les spectacles les plus horribles et se lavent les mains dans un sang idéal. […] Tout autre m’eût peut-être fait mourir de faim ; celui-là me donne même à boire, je ne le quitterai jamais. » L’effet du vin et surtout du vin du Rhin, est, assez communément, de disposer l’esprit et le cœur aux sentiments tendres ; le poète se trouva donc bientôt dans une disposition d’esprit tellement sentimentale qu’il quitta la table et la taverne pour aller rêver au clair de lune.

1679. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

c’est un vrai, tendre et noble poète au moins, celui-là… » Puis, tristement, Catulle Mendès recherche les causes du manque de génie, de la pneumonie poétique, de l’asthme sentimental. […] … » Puis, s’étant socratiquement caressé le front, le gai poète prit une plume, griffonna, griffonna et nous tendit bientôt ce petit poème joyeux : Pari Mutuel ou Paris Mutuels (vers esclaves)1 En Jadis, le Type indiqué De la Beauté reine du monde Fut Aphrodite et la Joconde. […] Il tend à une perfection toute plastique, et c’est là le plus grand de ses défauts ; on peut lui reprocher je ne sais quoi de trop rigide, de contraint, d’étriqué parfois. […] AUBADE L’aube claire est une enfant       Qui rit et qui rêve, L’aube tendre est une enfant       Celle comme une Ève.

1680. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

M. de B*** rentra à Paris perdant 70 000 fr. de rentes, parce que Mlle Déjazet avait parlé un peu trop chaudement des retards qu’apportait le vieux de B*** à en laisser jouir d’aussi tendres amants. […] Son salon est tendu de vieux lampas ; sur une des faces principales, un large dais de soie garni de franges, de glands, de bois sculpté, enveloppe le fauteuil féodal de quelque vieux suzerain, échu à l’auteur de Notre-Dame de Paris. […] Pourtant ce sont ces comédiens bêtes et méchants qui ont tendu la main à M.  […] Le marchand de meubles a envoyé une garniture de boudoir, le tapissier a tendu le salon, orné la chambre à coucher, et le lendemain l’article Ameublements a vanté le goût et la supériorité de telles ou telles fabriques. […] Paris entier devient un bazar où rien ne se dérobe à la main qui veut prendre car il y a longtemps déjà que cette main ne se tend plus.

1681. (1932) Le clavecin de Diderot

Ainsi, dans un des récents numéros de la Revue française de psychanalyse, le bibliographe écrivait-il d’une analyse qu’elle tend (sic) à prouver que les conflits sont les mêmes dans la race blanche et la race noire. […] Ainsi, le patriotisme de l’inconscient serait-il un patriotisme large, mettons européen, pour plaire à la S.D.N. avec alliance américaine, mais d’Américains à visages pâles, et non de couleur, puisque si certaine analyse tend à montrer que les conflits sont les mêmes dans la race blanche et la race noire, le cas n’est d’ailleurs pas probant, car il est à peine question de conflits inconscients. […] Complexe de famille) Fixé au père et incurablement, à jamais, puisque fils du père éternel, Jésus le femmelin masochiste, qui, après s’être laissé gifler sur une joue tend l’autre, n’était pas de ceux que satisfait un simple petit retour dans le sein maternel. […] Sous la peau brune, dès la rotule, montaient des muscles de fantassins, ombragés, juste, au sommet des cuisses, par des petits jupons de couleurs tendres, eux-mêmes, échappés de cuirasses dont le métal moulait pectoraux torses et hanches, mais s’échancrait, avec on ne peut plus de complaisance, pour dégager les épaules, le cou. […] Au jardin des Oliviers, sa solitude en rut avait eu soif de boire le calice jusqu’à la lie, entendez, sucer jusqu’à l’ultime goutte de leur sperme, tous ces membres virils que, dans la claire lumière de son dernier dimanche, il avait imaginés tendres rameaux, mais que l’orage du Golgotha devait métamorphoser en rugueuses, inexorables verges.

1682. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

Étendons cette abolition d’un premier objet à un second, puis à un troisième, et ainsi de suite aussi longtemps qu’on voudra : le néant n’est pas autre chose que la limite où tend l’opération. […] Elles tendent à se confondre avec leur propre définition, c’est-à-dire avec la reconstruction artificielle et l’expression symbolique qui est leur équivalent intellectuel. […] Quoi qu’il en soit, plus on approfondit la conception spinoziste de l’« inadéquat » dans ses rapports avec l’« adéquat », plus on se sent marcher dans la direction de l’aristotélisme, de même que les monades leibniziennes, à mesure qu’elles se dessinent plus clairement, tendent davantage à se rapprocher des Intelligibles de Plotin 108. […] C’est, si l’on veut, un Dieu formel, quelque chose qui n’est pas encore divin chez Kant, mais qui tend à le devenir. […] Par là ils tendent à se placer dans la durée concrète, la seule où il y ait génération, et non pas seulement composition de parties.

1683. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

. — Au moyen âge, le développement exagéré de l’homme spirituel et intérieur, la recherche du rêve sublime et tendre, le culte de la douleur, le mépris du corps, conduisent l’imagination et la sensibilité surexcitées jusqu’à la vision et l’adoration séraphiques. […] Jusqu’à seize ans, à Athènes, l’orchestrique faisait toute réducation : « En ce temps-là », dit Aristophane, « les jeunes gens d’un même quartier, lorsqu’ils allaient chez le maître de cithare, marchaient ensemble dans les rues, pieds nus et en bon ordre, quand même la neige serait tombée comme la farine d’un tamis. » Là ils s’asseyaient sans serrer les jambes, et on leur enseignait l’hymne « Pallas redoutable, dévastatrice des cités », ou, « un cri qui s’élève au loin », et ils tendaient leurs voix avec l’âpre » et mâle harmonie transmise par leurs pères. » Un jeune homme d’une des premières familles, Hippocléidès, étant venu à Sicyone chez le tyran Clisthènes, et s’étant montré accompli dans tous les exercices du corps, voulut le soir du festin faire étalage de sa belle éducation36. […] Et cependant de loin en loin nous entendons un accent de ces voix vibrantes ; nous voyons comme en un éclair l’attitude grandiose du jeune homme couronné43 qui se détache du chœur pour dire les paroles de Jason ou le vœu d’Hercule ; nous devinons son geste court, ses bras tendus, les larges muscles qui s’enflent sur sa poitrine ; nous retrouvons ça et là un lambeau de la pourpre poétique, aussi vif qu’une peinture déterrée hier à Pompéi. […] Selon d’autres, il est le plus jeune des dieux, car la vieillesse exclut l’amour ; il est le plus délicat, car il marche et se repose sur les choses les plus tendres, les cœurs, et seulement sur ceux qui sont tendres ; il est d’une essence liquide et subtile, car il entre dans les âmes et en sort sans qu’on s’en doute ; il a le teint d’une fleur, car il vil parmi les parfums et les fleurs.

1684. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

La critique tend à l’inventaire parce qu’elle porte sur la chose faite, sur un passé. […] Critique de salon, critique de cercle, tendent à devenir des critiques de parti. […] Bossuet enfin… * * * L’impérialisme de la critique professionnelle tend avec Brunetière simplement à annexer toute la littérature à la critique. […] Et en effet l’Introduction à la Méthode de Léonard de Vinci (avec la Digression qui l’accompagne maintenant) est bien conçue de manière analogue à William Shakespeare, et elle tend au même but. […] Mais les ateliers tendent à devenir des chapelles, les chapelles à devenir des bastilles.

1685. (1930) Le roman français pp. 1-197

De plus en plus, la formation intellectuelle des jeunes filles tend à se rapprocher de celle des jeunes gens. […] J’ai signalé que l’éducation des femmes tendait de plus en plus, aujourd’hui, à se rapprocher de celle des hommes, et que le frein religieux n’agissait plus sur certaines d’entre elles — justement celles qui écrivent. […] Les enfants sont tendres, câlins, mais égoïstes. […] Ce mathématicien, ce polytechnicien, formé par les Jésuites de la rue des Postes, n’a pas été tendre pour ses maîtres. […] Dans la littérature contemporaine, il n’en va pas toujours ainsi : l’écrivain tend à ne réfléchir et à ne réagir — et encore — que sur lui-même.

1686. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

L’ardeur serait un grand inconvénient dans cette cour-ci, dont le système me paraît être d’attendre et voir venir, et même de tendre des panneaux pour se mettre en avantage le plus qu’ils peuvent. […] ; des couplets à une jolie janséniste, et qui finissaient par cette pointe : Pour mes tendres réflexions   Quelle heureuse fortune, Si de cinq propositions   Vous en acceptez une !

1687. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

Ces deux civilisations tendent à se rapprocher et à se fondre : votre politique est de favoriser ce progrès parallèle, en maintenant l’empire ottoman à la place qu’il occupe sur la carte, et en protégeant par un grand concordat politique avec le chef nominal, et en ce moment très vertueux, de cet empire, les populations tributaires du Grand-Seigneur par le gouvernement, et tributaires de l’Europe par l’origine, les mœurs, les religions ; c’est ce grand concordat entre la Turquie et l’Europe qui doit être en ce moment la pensée dominante de la diplomatie française. […] parce qu’une Italie monarchique unitaire, sur la tête d’un roi soldat et sous le joug d’un peuple militaire comme les Piémontais, tendra éternellement par sa nature à inquiéter l’Autriche, non seulement en Tyrol, mais jusqu’en Allemagne.

1688. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Je ne suis jamais entrée sans émotion dans votre maison ; je ne vous ai jamais vue sans l’intérêt le plus tendre ; je me persuade que nos amis sont réunis, et je vous demande de penser quelquefois au mien, qui a partagé un grand nombre des opinions de celui qui vous fut si cher. […] L’affection serait sans cela le plus trompeur des sentiments naturels… Mes compliments à vos dames, et pour vous, madame, le plus tendre et le plus respectueux attachement.

1689. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Suite XLVII Les citations de la poésie allemande révèlent sa prédilection pour les sujets graves, tendres ou pieux, les seuls véritablement poétiques, parce qu’ils touchent à l’infini par la pensée, par le sentiment ou par la religion, cet infini du cœur. […] Pars, suis le chemin qui borde le ruisseau ; traverse le sentier qui conduit à la forêt ; à gauche, près de l’écluse, dans l’étang, saisis-le tout de suite, il tendra ses mains vers le ciel ; des convulsions les agitent.

1690. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

Cette salle était toute tapissée de drap noir ; l’échafaud, qu’on y avait dressé à deux pieds et demi de terre, était tendu de frise noire de Lancastre ; le fauteuil où Marie devait s’asseoir, le carreau où elle devait s’agenouiller, le billot où elle devait poser sa tête, étaient aussi recouverts de velours noir. […] » À son tour néanmoins, cédant à sa propre sensibilité, elle embrassa ses filles avec effusion ; puis les pressant de descendre l’échafaud, où toutes deux s’attachaient à sa robe, à ses mains qu’elles baignaient de larmes, elle leur adressa une tendre bénédiction et un dernier adieu.

1691. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

Tantôt le style est tendu, antithétique, brillant, tantôt il est rocailleux, prolixe, informe. […] Vaincu, il a été dispensé de traduire en détestables faits ses passions et ses vengeances ; il a dû tourner ses yeux au ciel, remettre à Dieu de récompenser et de punir ; la défaite a ouvert, élevé son âme dure, elle y a mis, avec les larmes et les tendres regrets, la foi sereine, l’amour confiant, l’espérance et la soif de la justice.

1692. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

-elle est tellement péché, qu’elle est toute inclination et mouvement au péché et même à tout péché en sorte que, si le Saint-Esprit ne retenait notre âme et ne l’assistait des secours de sa grâce, elle serait emportée par les inclinations de la chair, qui tendent toutes au péché. […] Sa piété tendre et susceptible s’offusqua d’une foule de choses qui, jusque-là, avaient paru innocentes, par exemple d’un cabaret qui s’était établi dans les charniers de l’église et où les chantres buvaient.

1693. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

Aussi faut-il voir de quels bravos enthousiastes on salue, entre autres points lumineux, le magnifique couronnement du premier acte, cette conclusion rayonnante à laquelle on tend, vers laquelle on se sent entraîné par la force supérieure du génie, amassée et décuplée au courant d’un acte entier : il y a là un effet inouï d’accumulation d’électricité musicale et tel qu’il faut, pour se le représenter, en avoir subi le choc. […] Il ne croyait pas dire aussi vrai quand il avouait « avoir oublié toute théorie en composant Tristan et Iseult et n’avoir senti que ce jour-là combien son essor créateur brisait les barrières de son système écrit. » Il faut le bien préciser : cette discussion est purement musicale et ne tend à prouver autre chose, sinon que, pour rendre l’amour en musique, il convient de s’en tenir aux « lieux communs de morale lubrique « dont parle Boileau.

1694. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

………………………………………………… On leur tendra les bras de la haute demeure, Et Jésus, se penchant sur Bélial qui pleure, Lui dira : « C’est donc toi !  […] Il en sort abondant, pressé, nombreux, accablant, sous toutes les formes, dépliées ou repliées, tendues ou rompues, que peut prendre le vers.

1695. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

Sur le rythme uniforme du ressort qui se tend et se détend, le commissaire s’abat et se relève, tandis que le rire de l’auditoire va toujours grandissant. […] Serrons de plus près encore l’image du ressort qui se tend, se détend et se retend.

1696. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Quand le roi, quand Monsieur serraient Madame mourante de si tendres et de si vains embrassements, nul cri aigu, nul sanglot rauque ne venait rompre la belle harmonie de cette douleur suprême ; les yeux un peu rougis, avec des plaintes modérées et des gestes décents, ils pleuraient, pendant que les courtisans, « autour d’eux rangés », imitaient par leurs attitudes choisies les meilleures peintures de Lebrun. […] Il excellait en basses intrigues, il en vivait, il ne pouvait s’en passer, mais toujours avec un but où toutes ses démarches tendaient, avec une patience qui n’avait de terme que le succès ou la démonstration réitérée de n’y pouvoir arriver, à moins que cheminant ainsi dans la profondeur et les ténèbres, il ne vît jour à mieux en ouvrant un autre boyau.

1697. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

Ne pensez pas qu’elles fussent semblables à celles que vous voyez voler dans les airs ; mais, sanctifiées par le saint Esprit, qui descendit autrefois du ciel en forme de colombe, elles ont été faites une hostie digne de Dieu. » M. de Meaux a pris d’Origène une infinité d’endroits aussi doux et aussi tendres, que l’on peut voir semés à toutes les pages du commentaire de ce prélat sur le Cantique des cantiques.

1698. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

Ledieu fait des phrases sur Homère et Démosthène ; pour couper court à ces assertions vagues qui tendraient à faire du lévite et du prêtre par vocation un nourrisson des neuf Muses, on peut recourir à Bossuet lui-même dans une note qu’il a tracée de ses études jusqu’à l’âge de quarante-deux ans environ : à cette première époque, et avant d’entrer dans cette seconde carrière de précepteur du Dauphin qui le ramena heureusement par devoir aux lettres et aux lectures profanes, il était sobre dans ses choix de ce côté, sobre et même exclusif : Virgile, Cicéron, un peu Homère, un peu Démosthène, … mais les choses avant tout, c’est-à-dire les saintes Écritures anciennes et nouvelles, l’Ancien et le Nouveau Testament, médité, remédité sans cesse dans toutes ses parties ; ce fut du premier jour sa principale, sa perpétuelle lecture, celle sur laquelle il aspirera à vieillir et à mourir : Certe in his consenescere, his immori, summa votorum est , disait-il.

1699. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

Il était tendre au sein de son ambition, comme l’aigle pour ses petits.

1700. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, par M. Le Play, Conseiller d’État. »

Les points de vue d’où l’on part et ceux où l’on tend sont si différents, si contraires ; les mobiles sont si opposés !

1701. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LA REVUE EN 1845. » pp. 257-274

Sans entrer dans d’incroyables détails qu’il est mieux d’ensevelir, s’il se peut, comme des infirmités de famille, et en ne touchant qu’à celles que la querelle du moment dénonce, il suffira de faire remarquer que, dans une Revue où le poëte existe, il tend naturellement à dominer, et les conditions au prix desquelles il met sa collaboration ou sa seule présence (qu’il le médite ou non) sont ou deviennent aisément celles d’un dictateur.

1702. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Le Brun »

Sans aucune sensibilité, sans aucune disposition rêveuse et tendre, il aimait ardemment les femmes, probablement à la manière de Buffon, quoiqu’en seigneur moins suzerain et avec plus de galanterie.

1703. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « L’abbé Prevost et les bénédictins. »

Lui-même il a dit avec un mélange de satisfaction et d’humilité qui n’est pas sans grâce : « On se peint, dit-on, dans ses écrits ; cette réflexion serait peut-être trop flatteuse pour moi. » Il a raison ; et pourtant cette règle de juger de l’auteur par ses écrits n’est point injuste, surtout par rapport à lui et à ceux qui, comme lui, joignent une âme tendre et une imagination vive à un caractère faible ; car si notre vie bien souvent laisse trop voir ce que nous sommes devenus, nos écrits nous montrent tels du moins que nous aurions voulu être.

1704. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — II »

Bien que ce rapport ne soit point nécessairement un lien de plus de l’homme avec le monde, puisque dans le cas du christianisme c’était du mépris et un complet détachement, toutefois la conception nouvelle qui établit ce rapport tend toujours à se réaliser socialement ; elle s’empare en souveraine de l’existence actuelle de l’homme ; elle le prend et l’enserre de ses plis et replis en cette vie, sans lui donner relâche ni trêve ; elle l’associe sous une forme plus saisissante et plus large à la fois que toutes les formes qui ont précédé ; elle le presse et le soulève tour à tour de tout le poids d’une institution forte et sainte.

1705. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

Après l’avoir tout d’abord énervé et tendu, elle amenait une torpeur hantée de songeries vagues ; elle annihilait ses desseins, brisait ses volontés, guidait un défilé de rêves qu’il subissait passivement, sans même essayer de s’y soustraire. » Après un repos de courte durée, la maladie reprend son cours, ramenant d’anciens accidents qu’une vie plus réglée, plus calme, avait lentement fait disparaître.

1706. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre I. Origine des privilèges. »

D’une part, dans un monde fondé sur la conquête, dur et froid comme une machine d’airain, condamné par sa structure même à détruire chez ses sujets le courage d’agir et l’envie de vivre, il avait annoncé « la bonne nouvelle », promis « le royaume de Dieu », prêché la résignation tendre aux mains du père céleste, inspiré la patience, la douceur, l’humilité, l’abnégation, la charité, ouvert les seules issues par lesquelles l’homme étouffé dans l’ergastule romain pouvait encore respirer et apercevoir le jour : voilà la religion.

1707. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

Il a erré parmi des milliers de sentiments fins, gais et tendres ; son coeur lui a fourni une fête, la plus piquante, la plus gracieuse, toute nuancée de rêveries voluptueuses, de sourires malins, d’adorations fugitives.

1708. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

Mais les estampes ont des légendes ; et la légende est romantique : tout au moins Diderot tend au romantisme.

1709. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

Il tend à les rendre capables de trouver dans une page ou une œuvre d’un écrivain ce qui y est, tout ce qui y est, rien que ce qui y est.

1710. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

Voici Mme du Châtelet, l’amie de Voltaire, l’illustre Émilie, avec ses globes, ses compas, sa physique et sa métaphysique, esprit viril, n’ayant que des vertus d’homme, dépourvue de pudeur à un degré singulier si l’on en croit son valet de chambre Beauchamp  Puis, c’est Mme d’Épinay, l’amie de Jean-Jacques et de Grimm, bien femme celle-là, et bien de son temps ; très encline aux tendres faiblesses et parlant toujours de morale ; une brunette maigre et ardente gardant, avec sa philosophie et son esprit émancipé, on ne sait quelle candeur étonnée de petite fille ; bref, une de celles qui ont le plus drôlement et le plus gentiment confondu les « délicieux épanchements » de l’amour avec « l’exercice de la philosophie et de la vertu ».

1711. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens II) Henry Fouquier »

Si ce néo-Grec, que son culte de la nature n’empêche point de montrer dans les choses religieuses les tolérances tendres et amusées d’un Renan, nous parle d’aventure de l’Assomption ou de la Semaine sainte, il y reconnaîtra les fêtes symboliques de l’éternel amour ; il célébrera l’assomption de la femme, Eve ou Vénus anadyomène, et pleurera avec les belles Syriennes sur le cadavre d’Adonis.

1712. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Barbey d’Aurevilly. »

Mais il l’est avec une si hyperbolique furie, une satisfaction si proclamée de n’être pas comme nous, un étalage si bruyant, une mise en scène si exaspérée, qu’une défiance m’envahit, que l’intérêt tendre que je tenais tout prêt pour ce revenant des siècles passés hésite, se trouble, tourne en étonnement, et que je ne crois plus avoir devant moi qu’un acteur fastueux, ivre de son rôle et dupe de son masque.

1713. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

. — Et là-dessus, le gouverneur étant entré et Épagathus s’étant lui-même dénoncé comme chrétien, Æmilia et Attale se dénoncent librement à leur tour ; et Blandine, qu’on oubliait dans son coin, vient tendre les mains aux chaînes en disant : « Et moi ? 

1714. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Seconde partie. » pp. 35-56

La tendre amitié lui sourit.

1715. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

Quand je m’aperçois de leur intention, la colère gronde en moi ; ma chair, mes nerfs, mes os se tendent ; mon sang tourbillonne dans les veines ; mon visage s’obscurcit comme le ciel en temps d’orage ; mon poil, mes cils se dressent comme des piques ; mes yeux roulent dans leurs gonds sous les arcades sourcilières ; mon nez se méduse ; ma bouche se cerbérise ; mon cou se lestrigonne ; ma main se panthérise ; toute la machine enfin se gonfle, écume, fait un bruit terrible, retentissant de caverne en caverne… LE PÉDANT.

1716. (1890) L’avenir de la science « XXI »

Certes l’ordre est désirable et il faut y tendre ; mais l’ordre lui-même n’est désirable qu’en vue du progrès.

1717. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VI. Jean-Baptiste  Voyage de Jésus vers Jean et son séjour au désert de Judée  Il adopte le baptême de Jean. »

Ces relations tendirent plutôt à faire dévier de sa voie le jeune prophète de Nazareth ; mais elles lui suggérèrent plusieurs accessoires importants de son institution religieuse, et en tout cas elles fournirent à ses disciples une très forte autorité pour recommander leur maître aux yeux d’une certaine classe de Juifs.

1718. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VIII. Jésus à Capharnahum. »

Il entrait dans la synagogue, se levait pour lire ; le hazzan lui tendait le livre, il le déroulait, et lisant la parascha ou la haphtara du jour, il tirait de cette lecture quelque développement conforme à ses idées 396.

1719. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

Mais moi, je suis le bon berger ; je connais mes brebis ; mes brebis me connaissent ; et je donne ma vie pour elles 977. » L’idée d’une prochaine solution à la crise de l’humanité lui revenait fréquemment : « Quand le figuier, disait-il, se couvre de jeunes pousses et de feuilles tendres, vous savez que l’été approche.

1720. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre I : Des sens, des appétits et des instincts. »

La douleur trouble la digestion, la joie l’active, la peur dessèche la langue et cause une sueur froide ; le cœur, les poumons, la glande lactée chez les femmes ressentent le contre-coup des émotions ; la glande lacrymale qui secrète constamment son liquide, le laisse échapper avec plus d’abondance, sous l’action des émotions tendres.

1721. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

M. de Lamartine, dont la disposition habituelle est plutôt le contentement et la sérénité, rentre bien vite dans le vrai de sa nature, lorsqu’il nous peint sa libre et facile enfance, sa croissance heureuse sous la plus tendre et la plus distinguée des mères : « Dieu m’a fait la grâce de naître dans une de ces familles de prédilection qui sont comme un sanctuaire de piété… Si j’avais à renaître sur cette terre, c’est encore là que je voudrais renaître. » Il aurait bien tort, en effet, et il serait bien injuste s’il croyait avoir à se plaindre du sort à ses débuts dans la vie.

1722. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

J’ai les yeux assez grands ; je ne les ai ni bleus ni bruns ; mais, entre ces deux couleurs, ils en ont une agréable et particulière ; je ne les ouvre jamais tout entiers, et quoique, dans cette manière de les tenir un peu fermés, il n’y ait aucune affectation, il est pourtant vrai que ce m’est un charme qui me rend le regard le plus doux et le plus tendre du monde.

1723. (1761) Apologie de l’étude

Semblable à un pendule qu’une force étrangère a tiré de son repos, il tend à y revenir sans cesse.

1724. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

C’est cette plume qui ne s’est jamais amollie, même quand elle a voulu être tendre, que la Correspondance de Stendhal montrera mieux encore que les livres qu’il nous a laissés.

1725. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

C’est cette plume qui ne s’est jamais amollie, même quand elle a voulu être tendre, que la Correspondance de Stendhal montrera mieux encore que les livres qu’il nous a laissés.

1726. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Eugène Fromentin ; Maxime du Camp »

Ils tendent à se multiplier chaque jour davantage, comme des sauterelles par un temps chaud.

1727. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre V. Les figures de lumière »

Il n’est pas douteux que le progrès de la physique ne tende à nous présenter l’horloge optique — je veux dire la propagation de la lumière — comme l’horloge limite, celle qui est au terme de toutes ces approximations successives.

1728. (1936) Réflexions sur la littérature « 1. Une thèse sur le symbolisme » pp. 7-17

Barre l’aurait bien dû voir) ne peut être qu’un vers dit, par opposition au vers syllabique, qui tend à devenir visuel s’il n’est pas soutenu par un sens très avisé du rythme.

1729. (1922) Gustave Flaubert

Le mâle la veut, la cherche, lui tend un piège, ici dans la cathédrale, et là dans le bois. […] Ce serait tendre, charmant ! […] — C’étaient nos pères. » Et par-là comme par beaucoup d’autres côtés, Salammbô tend à une nature d’œuvre symbolique. […] Le langage courant tend à le localiser — un peu étroitement — parmi les voyageurs de commerce. […] On est tendre pour les chiens enragés et point pour ceux qu’ils ont mordus104. » C’est le vieux lion de Croisset qui rugit : Je suis propriétaire !

1730. (1881) Le roman expérimental

Toutes ses croyances du jeune âge combattues et refoulées, avaient trouvé un autre lit et s’épanchaient en un flot de poésie tendre. […] Toutes les vérités ne sont pas là ; il y en a seulement un choix, fait par une main d’artiste, et embelli des couleurs les plus tendres de l’imagination. […] La littérature tend à devenir une marchandise extraordinairement chère, dès qu’elle est signée d’un nom en vogue. […] Tous les efforts de l’écrivain tendent à cacher l’imaginaire sous le réel. […] L’idée que le roman tend à devenir une simple monographie, une page d’existence, le récit d’un fait unique, a paru monstrueuse et révolutionnaire.

1731. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

Elle était plus romanesque qu’amoureuse, plus tendre que passionnée. […] Je puis dire qu’elles sont d’un joli tour, et plus tendres et plus féminines qu’on ne devait s’y attendre. […] En dépit de ces maximes, il tombe dans le panneau que des coquins lui tendent. […] Et cela lui a gagné des sympathies dans la jeunesse, cela lui a valu une sorte d’admiration tendre et mouillée. […] On lui tendit ensuite un frontail de cheval, dont il ne voulut pas non plus.

1732. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

Mais si l’on se livrait exclusivement à cette contemplation hypothétique, on tournerait bientôt le dos à la réalité ; et ce serait, suivant moi, mal comprendre la vraie philosophie scientifique que d’établir une sorte d’opposition ou d’exclusion entre la pratique qui exige la connaissance des particularités et les généralisations précédentes qui tendent à confondre tout dans tout. […] L’évidence de cette vérité tend à amener et amènera nécessairement une réforme universelle et profonde dans l’enseignement scientifique.

1733. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Tout à l’heure, on l’apercevait très distinctement, étalant sous une belle lumière ses formes capricieuses, ses tendres couleurs, et maintenant l’heureuse illusion a disparu et a comme plongé sous l’eau profonde. […] Le Nuttle n’était pas tendre et ne semblait pas disposé à renouveler la dette que Roger avait échangée contre la personne de sa belle-fille. […] Dans notre solitude, les plus tendres affections auront de l’espace pour s’épanouir, s’étendre, et produire ces fruits que l’envie, l’ambition et la malice ont toujours tués en germe. […] J’ai pleuré pour vous, me dit-elle sur le ton de la plus douce pitié, car je connais depuis longtemps le cœur de la pauvre Lumley, et il est aussi tendre que le vôtre, et son chagrin est aussi cuisant, sa constance aussi grande, ses vertus aussi héroïques. […] Mais, cette réserve faite, il faut reconnaître que Sterne se montre dans ses lettres un très tendre père.

1734. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Il le savait et il tendait le front au bandeau. […] Il est « tendre et clément ». […] Cette tendre épouse ne le suivra pas. […] Là, pendant la longue agonie de l’empereur, cette tendre et vertueuse Allemande donnait des petits frères germaniques au roi de Rome. […] Le latin s’est retiré du monde ; il tend à se retirer de l’école.

1735. (1923) Nouvelles études et autres figures

Ces conseils, ces avis, ces maximes ne s’adressent pas tous à ses ennemis personnels ; mais ils tendent tous à leur prouver que celui qu’ils ont condamné et méprisé connaît à fond la morale et les beaux secrets qui assurent, l’ordre du monde. […] Mais, sauf peut-être au berceau, ils ne l’ont pas considéré comme un présent céleste et n’ont jamais eu pour lui de sentiments très tendres. […] Consciemment ou non, Shelley tend de tout son être à se rapprocher par ses actes de ses personnages imaginaires. […] C’était une âme délicate, tendre, trop frêle pour porter le lourd fardeau de l’existence : elle s’en débarrassa avec du laudanum. […] Il néglige le particulier pour tendre à la forme et à l’idée typiques.

1736. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

À eux, comme à ces maîtres que nous avons jadis admirés en commun, je garde le souvenir le plus tendre et le plus fidèle. […] Et de là vient que les signes, peu à peu, tendent à se simplifier, en même temps que se compliquent les notions. […] Mille espèces ont existé, ou tendu à exister, qui n’existent plus. […] Masson, c’est Napoléon qui s’est le premier fatigué de son commerce tendre avec sa petite belle-sœur, Désirée Clary ; pour M.  […] D’autres nous ont parlé plus haut, ou avec des accents plus tendres et plus doux ; mais voici qu’à peine un souvenir nous reste de ce qu’ils nous ont dit, et ces deux-là sont les seuls que nous continuions à entendre.

1737. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Ce n’est pas pour bénir et pour pardonner qu’il ouvre les bras, ce corps blafard aux ombres noires, dont tous les muscles sont tendus par la douleur. […] Peut-être encore lui reprochera-t-on d’y tendre trop visiblement ses efforts. […] Ces vastes mains tendues vers le ciel, qui gesticulent dans la tempête, avaient l’air de prier le silence. […] (Il lui tend la main.) […] La timidité du Roi et l’embarras de Marie-Antoinette rendirent les premières entrevues avec les princes russes fort tendues.

1738. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

Cette poétesse à la vie accidentée et si populaire au Japon, eut un moment l’ambition de devenir la maîtresse de l’Empereur, en même temps qu’un sentiment tendre pour un seigneur lettré de la cour, nommé Foukakousa-no-Shôshô, avec lequel on raconte qu’elle fit le pacte suivant : Il viendrait causer avec elle amour et poésie quatre-vingt-dix-neuf nuits, et, à la centième nuit, elle lui appartiendrait. […] Et Tamétomo terrorise et dompte ces populations sauvages, — représentées par Hokousaï assez semblables aux Aïnos couverts de poils, — par la puissance de son arc, avec lequel il coule un navire, fait sauter un quartier de rocher, et qu’aucun des hommes des contrées qu’il traverse ne peut tendre. […] Et quand la mère a vu l’homme à la lueur de sa lanterne, et qu’elle s’étonne, c’est l’homme qui lui fait une scène, affirmant qu’on lui a assuré que sa fille était amoureuse de lui, qu’on lui a tendu un piège, qu’il va être ridiculisé s’il n’obtient la main de la jeune fille. […] Cette femme, la tête renversée, les deux mains s’étreignant au bout de ses bras tendus dans un geste de désespoir : cette femme est la maîtresse d’un Japonais marié que vient trouver le père de son amant et qu’il décide à le quitter, en lui exposant qu’elle est la ruine de son ménage : pauvre femme qui bientôt, ayant à subir les scènes de l’homme qui se croit quitté pour un autre, se tue. […] Et, pour que le papier pût rester tendu, il avait été fait dessous un lit de paille de riz d’une grande épaisseur et, de distance en distance, des morceaux de bois, servant de presse, empêchaient le vent de soulever le papier.

1739. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

» Il est avéré que Napoléon fut très bon, très tendre pour Marie-Louise, avec cette nuance d’indulgente bonhomie qu’ont les hommes mûrs pour les jeunes épousées. […] » Le secrétaire tendit au ministre un numéro du Moniteur de l’Empire, arrivé, le matin même, par estafette. […] La description du « pèlerinage à Sainte-Odile », toute en jeux de lumières douces, de ciels tendres et de sentiments nuancés contraste avec l’énergique et farouche peinture que Taine a faite du même décor. […] Et ce père tendre est un bon mari… Afin de mieux définir le menu peuple de Java, M.  […] Le riz en pépinière est vert tendre.

1740. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Le délicat et le tendre, et la pure beauté, le reflet d’une âme pleinement harmonieuse, tout cela lui échappe : et c’est précisément tout cela qu’il s’efforce de discréditer. […] Sur le seuil, Mary lui tendit la main, puis elle se détourna et rentra dans la maison. […] L’admiration ne lui suffisait pas : il avait besoin d’une affection plus proche et plus tendre. […] Pour que l’humanité soit heureuse, les lettrés doivent oublier la science, et les riches renoncer à leur fortune : à cela doit tendre la future éducation sociale. […] Mais toujours, en secret, elle garde à son fiancé de jadis un tendre souvenir ; et lui, de son côté, vainement il a essayé de renoncer à elle.

1741. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

Car le meurtre engendre le meurtre ; et ses frères, les meurtriers de Sigurd, attirés chez Atli, vont tomber à leur tour dans un piége pareil à celui qu’ils ont tendu. […] Les Huns hurlent, et sur les bancs, sous les tentes, chacun pleure ; elle ne pleure point ; elle n’a point pleuré depuis la mort de Sigurd, ni sur ses frères « au cœur d’ours », ni sur « ses tendres enfants, ses enfants sans défiance. » La nuit venue, elle égorge Atli dans son lit, met le feu au palais, brûle tous les serviteurs et toutes les femmes guerrières. […] Ils n’ont qu’à descendre dans leur fond intime ils y trouveront une émotion assez forte pour tendre leur âme jusqu’au niveau du Tout-Puissant.

1742. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

La sensibilité mélancolique et ardente d’un Jean-Jacques Rousseau, la logique et le feu d’un Diderot, le charme tendre et naïf d’un Bernardin, la grâce robuste et fougueuse d’un Restif, convenaient fortement à nos esprits quelque peu déconcertés par l’abus des nuances et des subtilités. […] On lui a fait une réputation d’obscénité, de grossièreté, à lui dont l’œuvre est chaste et tendre, dont certaines pages, simples et rudes, atteignent la grande simplicité biblique. […] Sous l’habit du tendre chevalier qui lutine sa dame, par-delà l’amante et par-delà l’amant, nous saurons distinguer le mâle et la femelle, et ni Serge, ni Albine, ni Claude, ni Christine, ni Miette, ni Silvère, ni Pascal, ni Clotilde, ne seront, pour cela, moins suaves et moins beaux, moins chastes et moins grands.

1743. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Moi je voudrais boire à mon ami, au compagnon fidèle et tendre, qui m’a été bien bon, pendant des heures bien mauvaises. […] Il s’agit d’une jeune fille qu’il a aimée, jeune homme, qui est devenue veuve, et pour laquelle son tendre sentiment a persisté. […] Nous voici en cette maison de Mirbeau, recouverte d’un treillage vert tendre, en cette maison aux larges terrasses, et trouée de nombreuses fenêtres, en cette maison inondée de jour et de soleil.

1744. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Le zend ou l’assyrien n’ont pas été créés pour qu’on les enseignât dans une chaire du Collège de France ou de l’Université de Berlin ; l’érudition n’a pas son objet en elle-même ; et de même que les sciences juridiques ne sauraient se détacher d’une philosophie du droit, les sciences historiques ne sont qu’une curiosité vaine, si leurs moindres recherches ne tendent pas à la philosophie de l’histoire. […] C’est ainsi, ou à peu près, que l’on peut essayer de se représenter les intentions du pape Léon XIII, et il semble que, depuis dix-sept ans, tous ses actes comme toutes ses paroles aient tendu à ce grand dessein. […] Une justice plus clémente, un Dieu plus tendre à la faiblesse humaine y accorde aux élus la grâce des réprouvés.

1745. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

… tout être tend à son bonheur, et le bonheur d’un être ne peut être le bonheur d’un autre. […] Nous reviendrons, nous, au clair de la lune, et peut-être trouverez-vous que la nuit a aussi sa beauté. — Je n’en doute pas, et je n’aurais pas grande peine à vous en dire les raisons… cependant le carrosse s’éloignait avec les deux petits enfans, les ténèbres s’augmentaient, les bruits s’affaiblissaient dans la campagne, la lune s’élevait sur l’horizon, la nature prenait un aspect grave dans les lieux privés de la lumière, tendre dans les plaines éclairées. […] N’eussent coupé les mains, fendu la tête, enfoncé le glaive dans la gorge et dans la poitrine, tué, massacré impitoyablement leurs semblables, les compagnons de leur voyage, qui leur tendaient en vain du milieu des flots, des bords de la chalouppe, des mains suppliantes, et leur adressaient des prières qui n’étaient point entendues.

1746. (1900) La culture des idées

Le travail de la dissociation tend précisément à dégager la vérité de toute sa partie fragile pour obtenir l’idée pure, une, et par conséquent inattaquable. […] Aucune définition n’en doit même être donnée ; cela ne pourrait se faire qu’en unissant l’idée d’art à des idées qui lui sont étrangères et qui tendraient à l’obscurcir et à la salir. […] Pourquoi surtout cette assimilation est-elle une des maladies particulières à notre temps, et peut-être la plus grave, puisqu’elle tend à restreindre le mouvement et à contrarier la vie ? […] Il est naturel que si le pouvoir est aux mains des faibles les lois tendent à protéger la faiblesse. […] « — Les républicains français tendront la main aux Allemands.

1747. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Ils ne se souciaient point de toujours rire ; la comédie, après un éclat de bouffonnerie, reprenait son air sérieux ou tendre. […] Mais transportez-le sur le théâtre, empirez ces scènes d’alcôve, réchauffez-les par des scènes de mauvais lieux, donnez-leur un corps par les gestes et les paroles vibrantes des actrices ; que les yeux et tous les sens s’en remplissent, non pas les yeux d’un spectateur isolé, mais ceux de mille hommes et femmes confondus dans le parterre, irrités par l’intérêt de la fable, par la précision de l’imitation littérale, par le ruissellement des lumières, par le bruit des applaudissements, par la contagion des impressions qui courent comme un frisson dans tous les nerfs excités et tendus ! […] Au fond, Waller soupire avec réflexion (Sacharissa avait une belle dot), à tout le moins par convenance ; ce qu’il y a de plus visible dans ses poëmes tendres, c’est qu’il souhaite écrire coulamment et bien rimer. […] Bon Mirabell, ne soyons jamais familiers ou tendres. […] Pour sauver cette idole, la réputation681. » Comme ce raisonnement est tendre !

1748. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Nos romanciers ne sont point tendres au métier militaire : un de plus, un de moins, il n’importe. […] Ils nous débarrassent ainsi d’un certain nombre de préjugés des plus fâcheux, dont ceux qui tendaient à nous faire voir dans Taine, dans Renan, dans Berthelot, quelques-unes des grandes intelligences contemporaines. […] Et les portraits ont ceci de supérieur qu’ils sortent de l’individu et tendent au type. […] il ne lui est pas tendre, à ce luxe ! […] Sur le champ littéraire, tout au moins, l’auteur de Deux amies 143 peut tendre le petit doigt à l’auteur de Zo’har.

1749. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

Ce qui est saisi avec ardeur par le public, c’est ce qui tend à se rapprocher le plus possible de la vie, des sentiments du grand nombre. […] Je ne veux pas d’écoles, parce que toute école tend à la souveraineté, à s’ériger en académie inamovible et infaillible. […] Je vois cette recherche dans une infinité d’œuvres qui tendent à la réalité ou plutôt y prétendent et cependant n’ont pas de succès. […] « Je tends à représenter la nature avec l’émotion qui naît en moi de ses spectacles. » Peu de gens ont le droit de parler ainsi. […] Millaud est une araignée qui commence à tendre une toile effrayante.

1750. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

Tout son être est tendu vers un seul but ; il faut qu’il fasse effort incessamment, le même effort, un effort profitable ; il est devenu machine. […] On en a laissé tomber les distinctions et les subtilités byzantines ; on n’y a point introduit les curiosités et les spéculations germaniques ; c’est le dieu de la conscience qui seul y règne ; les douceurs féminines en ont été retranchées ; on n’y trouve point l’époux des âmes, le consolateur aimable, que l’Imitation poursuit dans ses rêves tendres ; quelque chose de viril y respire ; on voit que l’Ancien Testament, que les sévères psaumes hébraïques y ont laissé leur empreinte.

1751. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

Jusqu’à ce moment je me suis amusé à tendre de ma main des pièges aux grives ; je me levais pour cela avant le jour, je portais mes gluaux, et je cheminais en outre avec un paquet de cages sur le dos, semblable à Géta quand il revient du port tout courbé, chargé des livres d’Amphitryon. […] Tous ces conseils parfaitement honnêtes de Machiavel à Léon X ne tendaient qu’à la paix de l’Italie ; il suppliait ce grand pape de s’en faire l’arbitre au nom de son autorité pontificale, au nom des Médicis, au nom de ses propres armées.

1752. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

Ce n’était plus l’homme des soirées de la duchesse de Devonshire, l’homme reposé, tranquille, laissant aller sa conversation à tous les courants du salon, ou son silence à toutes les rêveries de la distraction : c’était le génie à l’ouvrage ; le pied alerte, le jarret tendu, le bras levé pour atteindre à la tête de son marbre ; il ne causait plus, il créait. […] La culture la plus intelligente ne saurait jamais remplacer ce mouvement naturel et spontané d’une société qui tend à faire de l’art la principale affaire de tout un peuple et la suprême expression de sa vie nationale.

1753. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

Elle avait la mise d’une ouvrière qui tend à redevenir paysanne. […] « L’homme disparaît, puis reparaît, il plonge et remonte à la surface, il appelle, il tend les bras, on ne l’entend pas ; le navire frissonnant sous l’ouragan et tout à la manœuvre, les matelots et les passagers ne voient même plus l’homme submergé ; sa misérable tête n’est qu’un point dans l’énormité des vagues.

1754. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

C’est elle qui tend à faire tomber les barrières que des préjugés et des vues intéressées de toute sorte ont élevées entre les hommes, et à faire envisager l’humanité dans son ensemble, sans distinction de religion, de nation, de couleur, comme une grande famille de frères, comme un corps unique, marchant vers un seul et même but, le libre développement des forces morales. […] « La connaissance des œuvres de Virgile et d’Horace est si généralement répandue parmi toutes les personnes un peu initiées à la littérature latine, qu’il serait superflu d’en extraire des passages pour rappeler le vif et tendre sentiment de la nature qui anime quelques-unes de leurs compositions.

1755. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

Dans le même temps on m’en tendit un d’une espèce plus dangereuse, auquel j’échappai, mais qui lui fit sentir que les dangers qui me menaçaient sans cesse rendaient nécessaires tous les préservatifs qu’elle y pouvait apporter. […] Je vois de loin, avec des yeux d’envie, ses heureux habitants qui me connaissent à peine ; je leur tends les mains en gémissant, et je leur demande ma portion de bonheur.

1756. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

Me voilà décidé ; et tous les agents de l’action sont tendus en moi à cette terrible exécution. […] Ô bons et tendres amis, vous dont l’affection si délicieuse, pendant que vous viviez, me donna tant de douceurs ici-bas et qui voulûtes vous survivre encore après la séparation comme une immortelle providence du haut du ciel, il ne se passe pas de jour depuis qui ne soit adouci, ou attendri, ou consolé dans ce monde de larmes par votre vivante mémoire.

1757. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Création non moins inattendue que Tristan et Iseult, mais essentiellement familière, à la fois joyeuse et tendre, rabelaisienne par l’expansion comique, shakespearienne par la chaleur du sentiment et le charme fantasque : création wagnérienne, avant tout, par l’intime unité, la signification hardie, le libre style et l’accent. […] On se souvient qu’à la scène deuxième du premier acte des Meistersinger, David, l’apprenti d’Hans Sachs, énumère les tons et les modes qu’il faut connaître pour se faire recevoir dans la maîtrise de Nuremberg :          « Le bref, le long, le traînard, la tortue,         La plume d’or, l’écritoire d’argent, L’azuré, l’écarlate et le vert de laitue, L’aubépin parfumé, le plumage changeant, Le tendre, le badin et les roses fleuries,         Le ton galant et le mode amoureux,         Le romarin, la reine des prairies,         Les arcs-en-ciel, le rossignol joyeux,         Le mode anglais, la tige de canelle         Les pommes d’or, la fleur de citrouille, La grenouille, le veau, le gai chardonneret,           L’ivrogne qui chancelle, L’alouette des blés, le chien d’arrêt,           Les plaintes de la tourterelle, La peau de l’ours, le pélican fidèle,           Enfin le cordonnier modèle. » Ces appellations burlesques qu’on croirait inventées à plaisir par quelque parodiste en belle humeur, se retrouvent dans le livre de Wagenseil avec le nom de leurs ingénieux inventeurs.

1758. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

Et tous trois, devant un carton de vues de Paris du xviiie  siècle, nous passons ensemble les dernières heures de la journée : la petite femme, toute triste de la cataracte venue à un de ses yeux, et qui la tient dans la terreur de perdre la vue, Nittis encore tout endolori de sa fluxion de poitrine, moi souffrant et soucieux de les quitter, et de ne pas savoir, ainsi qu’il arrive à mon âge, si je les reverrai encore, ces tendres amis. […] » Dimanche 17 décembre Il est de par le monde, un certain nombre de femmes tendres et toquées, dont c’est charmant d’être l’ami intime, l’ami de cœur, mais dont je ne voudrais à aucun prix être l’amant.

1759. (1914) Boulevard et coulisses

Arthur Meyer me tendit la main, Cornély me tapa sur l’épaule et me congédia. […] Or, la culture classique tend à ramener inévitablement les réfractaires dans l’ordre, et elle a la chance quelquefois de faire des déclassés supérieurs.

1760. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre V. Des orateurs anciens et Modernes. » pp. 223-293

Il a cette force qui vient de la raison, du vrai mis dans tout son jour par un esprit solide & ferme ; & non celle qui vient du sentiment, des mouvemens d’un cœur tendre & affectueux. […] Bernard, Genovefain, est une douceur tendre & touchante assortie à tous les sujets qu’il traite.

1761. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Mais quand tout s’écroule et se renouvelle, quand les institutions antiques tombent en ruines et que l’état futur n’est pas né, que toutes les règles de conduite et d’obéissance sont confondues, que la justice et le droit hésitent entre les cupidités, les intérêts révoltés qui courent aux armes, c’est alors que le don de sagesse est bien précieux en quelques-uns, et que les hommes qui le possèdent sont bientôt appréciés des chefs dignes de ce nom, qu’ils sont appelés, écoutés longtemps en vain et en secret, qu’ils ne se lassent jamais (ce trait est constant dans leur caractère), qu’ils attendent que l’heure du torrent et de la colère soit passée pour les événements et pour les hommes, et qu’habiles à saisir les instants, à profiter du moindre retour, ils tendent sans cesse à réparer le vaisseau de l’État, à le remettre à flot avec honneur, à le ramener au port, non sans en faire eux-mêmes une notable partie et sans y tenir une place méritée.

1762. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

Le coup d’œil qu’il a jeté du haut du pic du Midi sur les divers étages et les groupes des montagnes centrales, jusque-là mal démêlées dans leurs proportions respectives, a indiqué à Ramond les sommets inexplorés où il doit tendre, et c’est droit au Marboré d’abord qu’il va se diriger.

1763. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

je ne vous avais pas toujours si bien traités et tant aimés pour m’abandonner en un si grand besoin. » En même temps qu’il a de ces reproches d’un accent presque affectueux envers les siens, Montluc était moins tendre pour les ennemis.

1764. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

Ce discours était très tendre et très édifiant, nous dit Le Dieu, et M. de Meaux l’a prononcé avec toutes ses grâces, et aussi avec une voix nette, forte, sans tousser ni cracher d’un bout à l’autre du sermon : en sorte qu’on l’a très aisément entendu jusqu’aux portes de l’église, chacun se réjouissant de lui voir reprendre sa première vigueur.

1765. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

M. de Corcelles avait été frappé de cette sorte de contradiction qu’il y avait entre le tableau vraiment assez triste de cette démocratie moderne, présente ou future, et les conclusions du livre qui tendaient à l’acceptation et à l’organisation progressive de cette même démocratie.

1766. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

Il ne cessa d’être contraire à demi-voix à l’influence d’Arago au sein de l’Académie, aux innovations qui tendaient à faire de plus en plus large la part du public, à la divulgation régulière et prompte des discussions et des travaux, telles que l’ont établie les Comptes rendus hebdomadaires des séances.

1767. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Ce Chateaubriand dont nous parlions avait une sœur, qui avait de l’imagination, disait-il lui-même, sur un fonds de bêtise, ce qui devait approcher de l’extravagance pure ; — une autre, au contraire, divine (Lucile, l’Amélie de René), qui avait la sensibilité exquise, une sorte d’imagination tendre, mélancolique, sans rien de ce qui la corrigeait ou la distrayait chez lui : elle mourut folle et se tua.

1768. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Non, il n’est pas jaloux de Byron, quoiqu’il ait dit de lui un jour, faisant remarquer que ce grand révolté n’observait de règle que celle des unités dans ses tragédies : « Cette limite qu’il se posait en observant les trois unités convenait d’ailleurs à son naturel, qui tendait toujours à franchir toutes limites.

1769. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

De ces tendres reprises conjugales, on sait, à point nommé, l’heure et la minute.

1770. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

C’est comme le mot de Catulle nous exprimant Ariane abandonnée, debout sur la plage, les bras tendus vers les flots qui emportent le vaisseau de Thésée, pareille dans son immobilité à une statue de bacchante : Saxea ut effigies bacchantis.

1771. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

Tout différait entre eux et, sous les politesses de forme, tendait à faire glace au fond : origines, sphères d’idées, tour et qualité d’esprit, ton et habitudes morales, politique enfin.

1772. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Bossuet, dans la suite du peuple juif, voit partout le Messie prédit, annoncé, et ne cesse d’y tendre.

1773. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Ce jour-là, d’humeur si mutine, Se trouva le docte troupeau, Qu’à sa fatuité blondine On cria de chaque bureau : Dans le panneau, Dans le panneau Qu’a tendu le dévot Racine, Il a donné comme Dangeau.

1774. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

Ne doutez pas, Monsieur le maréchal, de la tendre et sincère amitié que je vous ai vouée. » Tout ceci est bien.

1775. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Les plus tendres de cœur à Rome apporteront Quelques fleurs des landiers pour réjouir ton front ; Mais là-bas, près des mers, sous ta sombre chapelle, Fête-les au retour, bon Saint, et souris-leur Quand sur ton humble autel ils mettront une fleur De la Ville éternelle.

1776. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre IV. De l’amour. »

Une femme dans ces temps affreux, dont nous avons vécu contemporains ; une femme condamnée à mort avec celui qu’elle aimait, laissant bien loin d’elle le secours du courage, marchait au supplice avec joie, jouissait d’avoir échappé au tourment de survivre, était fière de partager le sort de son amant, et présageant, peut-être, le terme où elle pouvait perdre l’amour qu’il avait pour elle, éprouvait un sentiment féroce et tendre, qui lui faisait chérir la mort comme une réunion éternelle.

1777. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

Le calcul et la réflexion en sont absents ; et dans ce total abandon à la nature, si la nature a des instincts de tendresse, de sympathie, d’amitié, l’homme sera tendre, affectueux, et capable de préférer ses sympathies à ses intérêts.

1778. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

Écrivains et artistes ont conscience d’être un même monde, de poursuivre pareilles fins par des moyens divers ; et ces rapports tendent à rendre aux écrivains le sens de l’art, leur rappellent qu’ils sont créateurs de formes et producteurs de beauté.

1779. (1894) Propos de littérature « Chapitre III » pp. 50-68

On a pu en juger par plusieurs des exemples cités jusqu’ici, lorsqu’il veut être imagé il tend à devenir poète plein-airiste.

1780. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

Déjà la plume de Baudelaire ne tremblait pas quand il lamentait les accords mourants du Portrait : La maladie et la mort font des cendres De tout le feu qui pour nous flamboya, De ces grands yeux si fervents et si tendres, De cette bouche où mon cœur se noya… Ainsi c’était trouvé avant Leconte de Lisle l’art d’être ému et d’émouvoir sans geste.

1781. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

Les opinions auxquelles les savants tendent à revenir sur la constitution de la matière ne sont pas sans analogie avec les vues profondes des premiers alchimistes. » Une élite se prépare à la tâche.

1782. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

Les uns habitent au bord de la mer, les autres dans la plaine, d’autres dans les montagnes ; autant de milieux physiques qui produisent des effets divers et tendent à diversifier ceux qui les subissent.

1783. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

Si nous en sortons, notre esprit se rassure en vain par des sophismes et notre vouloir se tend inutile dans le vide.

1784. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

Enfin il inventera ces étranges phrases disloquées, enveloppantes comme des draperies mouillées, mouvantes et plastiques qui semblent s’infléchir dans le tortueux d’une route : « Enfin l’omnibus, déchargé de ses voyageurs, prenait une ruelle tournante, dont la courbe, semblable à celle d’un ancien chemin de ronde, contournait le parapet couvert de neige d’un petit canal gelé » ; des phrases compréhensives donnant à la fois un fait particulier et une idée générale, des phrases peinant à noter ce que la langue française ne peut rendre et devenant obscures à force de torturer les mots et de raffiner sur la sensation : Ils savouraient la volupté paresseuse qui, la nuit, envahit un couple d’amants dans un coupé étroit, l’émotion tendre et insinuante, allant de l’un à l’autre, l’espèce de moelleuse pénétration magnétique de leurs deux corps, de leurs deux esprits, et cela, dans un recueillement alangui et au milieu de ce tiède contact qui met de la robe et de la chaleur de la femme dans les jambes de l’homme.

1785. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

Il les chantoit ensuite sur les airs les plus tendres.

1786. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre III. Le cerveau chez l’homme »

D’après cette manière de voir, on doit préjuger que Gratiolet était très opposé à la méthode qui tendrait à mesurer l’intelligence des hommes, et surtout des hommes supérieurs, par le poids de leur cerveau.

1787. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

Car ce cœur vif et tendre infiniment Pour ses amis, et non point autrement.

1788. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Remarquons que c’est une coutume qui, de nos jours, tend à disparaître de plus en plus.

1789. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

Le magnétisme de la prière et de la foi s’est à jamais dissipé : les regrets, les mélancoliques ressouvenirs et les tendres regards jetés en arrière n’y feront rien.

1790. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

J’ai vu, j’ai souffert le supplice de voir Hector traîné à la queue d’un char il quatre chevaux, et le fils d’Hector précipité des remparts164. » Ce n’est point là sans doute la tendre et touchante Andromaque de Racine, cette création mi-partie chrétienne par l’anachronisme involontaire du poëte mêlant sa religion à son art ; ce n’est pas non plus la conception un peu déclamatoire de Sénèque, celle d’une Andromaque bravant avec fierté la mort, quand elle croit avoir sûrement caché son fils dans le tombeau d’Hector.

1791. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

Comme il a horreur d’un fait trop déterminé, tout ce qui tend à circonscrire les choses d’une manière trop rigoureuse lui paraît faux. […] Deux choses deviennent nécessaires pour expliquer le monde, le temps et la tendance au progrès. « Une sorte de ressort interne poussant tout à la vie, voilà l’hypothèse nécessaire… Il y a une conscience obscure de l’univers qui tend à se faire, un secret ressort poussant le possible à exister. » Ainsi l’âme de l’univers est une sorte d’instinct, c’est ce je ne sais quoi de divin qui se manifeste « dans l’instinct des animaux, dans les tendances innées de l’homme, dans les dictées de la conscience, dans cette harmonie suprême qui fait que le monde est plein de nombre, de poids et de mesure. » La nature est une sorte d’artiste qui agit par inspiration et sans aucune science. […] Qui ne reconnaîtrait là une de ces qualités occultes dont vivait la scolastique, et que la science moderne tend partout à éliminer ? […] On peut contester cette conséquence en disant que l’infiniment petit n’est pas identique au zéro : cela est vrai ; mais il tend sans cesse à se confondre avec ‘lui.

1792. (1923) Paul Valéry

Valéry l’a redit : Ne hâte pas cet acte tendre Douceur d’être et de n’être pas, Car j’ai vécu de vous attendre, Et mon cœur n’était que vos pas. […] Du rêve poétique le plus vigilant et le plus tendu, il est allé au rêve de prose le plus souple et le plus défait. […] Mon amère saveur ne m’était point venue, Je ne sacrifiais que mon épaule nue A la lumière ; et sur cette gorge de miel, Dont la tendre lumière accomplissait le ciel. […] Tendre libation de l’arrière-pensée !

1793. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

« L’essentiel, disait-il, en reprenant et en achevant une pensée de Marc-Aurèle, l’essentiel c’est de réfléchir en soi une portion de plus en plus grande de ce qui est, et d’approcher de notre fin, qui serait d’être en parfaite harmonie avec l’universalité des choses. » Il estimait que nous devons tendre à réaliser ici-bas et non dans un ciel fantastique la vie de l’esprit. […] Les étoiles pacifiques luisent comme des pointes de flammes, tout l’air est rempli d’une lumière bleuâtre et tendre, qui a l’air de dormir dans le réseau de vapeur où elle s’est posée. […] Lorsqu’il eut, lui aussi, trop senti et trop jugé, trop espéré et trop détruit, il est revenu à elle après tant de courses ; il l’a trouvée jeune et souriante comme aux premiers jours ; il s’est troublé, et en même temps il s’est ranimé sous son contact et sous son souffle ; il a tendu les bras vers elle. […] À mesure qu’il s’efforçait de reconquérir les paradis perdus, il doutait davantage de pouvoir parvenir aux haltes, aux abris où tendait son espérance. […] Il est allé encore, les bras tendus et l’œil avide, vers ses chers livres.

1794. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Il est pur et tendre. On peut être étonné et sourire de quelques expressions un peu hasardées : Un souris charge de douceurs Qui tend les bras à tout le monde. […] Toutes ses facultés tendent vers ce but unique. […] par où le spectateur sera amené à accepter que Tartuffe tombe dans un piège à demi bien tendu seulement. […] » Madame Pernelle en ahurie : « Maintenant je respire » ; Elmire, pour dire quelque chose : « Favorable succès » ; Orgon, en colérique, le poing tendu vers Tartuffe : « Eh bien !

1795. (1911) Nos directions

Le langage de Balthazar ne suit pas tous les plis de son âme : il est souvent trop déclamatoire, trop tendu. […] — Si les caractères dits de théâtre doivent se montrer à nous, se dérouler, se développer devant nous en action, dira-t-on que Phocas se tient sur la scène immobile, quand l’indécision le porte sans cesse de droite à gauche et réciproquement, quand les incidents du dehors l’abordent au plus tendre de l’âme, le font sans cesse dévier, réagir, et subir ? […] Ce drame, mais il suffirait de l’alléger de deux tirades pour qu’il se ruât sur la scène où tend toute sa frénésie ! […] Appropriation parfaite où chaque accord a sa valeur tour à tour grave, tendre et forte, et d’autant plus que plus discrète, où quel relief inattendu prendront de courtes scènes de violence comme celle de la colère de Golaud ! […] Racine porte en lui quelque chose de moins puissant mais de plus rare, et ses premières poésies, par quelques vers de paysage doux, fins et frais, le révèlent à qui sait lire : l’instinct de la valeur sensuelle des mots, selon leur place dans la phrase, une voix non pas faite pour convaincre ni exalter, mais pour chanter, aimer, séduire… Oui, même cruel, le tendre Racine !

1796. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Réflexions sur Paul de Saint-Victord Il y a un instinct profond d’équité dans cette célébration des centenaires qui tend à devenir un des rites de notre existence littéraire. […] La première de ces vertus, c’est le sens profond et vivant de la famille, et d’abord le tendre respect de l’autorité paternelle. […] Et, tout de suite, un nom que j’ai déjà rappelé deux fois vous reviendra à la mémoire : celui de Voltaire et de son Candide, le plus amer élixir de pessimisme qu’un écrivain de génie nous ait tendu dans la coupe la plus merveilleusement ciselée. […] « Il faut s’habituer, cher ami, à juger ceux qu’on admire et à voir, à suivre la vérité à travers les hommes… Être aussi tendre que ferme, dire à ses amis, sans les flatter, leur fait, et pourtant ne jamais juger les intentions, le fond des consciences, la bonne foi… » Il conclut, enfermant la leçon dans une image d’une poésie délicieuse : « Que ce grand malheur, le premier, mais non le dernier, hélas ! […] C’est toujours le cruel Pendent opera interrupta… du profond et tendre Virgile, mais peut-être la figure de notre Connétable eût-elle été moins pathétique s’il n’avait pas subi cette contradiction du destin.

1797. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Abondante sans superfluité, riche sans faux brillans, naturelle sans bassesse, simple avec majesté, élevée sans affectation, sublime sans efforts, leur éloquence mâle & nerveuse, tantôt préférant la force du raisonnement aux tours ingénieux & fleuris, s’attachoit moins à plaire qu’à instruire, qu’à convaincre & persuader ; tantôt s’élevant avec le vol de l’aigle jusqu’au sein de la Divinité dont elle sembloit être l’organe, elle étonnoit, ravissoit, arrachoit des larmes & des sanglots : dans les uns, pleine de candeur, animée du seul coloris des graces, tendre, harmonieuse & touchante, elle pénétroit l’ame de la plus douce émotion, & couvroit de fleurs les vérités qu’elle vouloit annoncer aux Peuples comme aux Rois ; dans les autres, brillante, énergique & pittoresque, elle traçoit les mœurs, les vices & les erreurs du temps, & prenoit des mains de la vérité les armes dont elle les combattoit. […] Comment avoit-il pu la perdre au point de se déclarer contre l’Auteur le plus tendre, & le plus digne de lui plaire ? […] Il n’envisagea dans son Art, que la gloire de plaire au sexe le plus sensible, & le plaisir de faire couler ses pleurs au récit tendre & passionné des sentimens qu’il inspire.

1798. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

Mardi 3 janvier Pensées crayonnées, dans un « Journal intime » de jeune fille inconnue, qui m’est arrivé par la poste : « Les femmes vraiment tendres ne sont pas sensuelles. […] Aujourd’hui, je vois Hébert, et lui demande, s’il faut ramasser les éléments de l’illustration du livre, il me répond que les Didot renoncent à la publication, devant l’article qui vient de paraître dans la Revue des Deux Mondes, et il me tend un article de M.  […] » La femme qui a le sens de ce qui se passe, lui jette un poverino, où il y a comme une maternité pardonnante, et lui tend les papiers du divorce.

1799. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

On ne pense qu’à avancer, à monter, à gagner un grade de plus, et en pensant à ce point unique, on y tend avec plus de vigueur et une émulation plus ardente ; le sang circule plus vite ; tout ce qui a du cœur en a plus. […] Il entreprend toutes choses, et sa santé, bien que si atteinte, semble d’abord suffire à tout : « Comme tous les nerfs de mon imagination sont tendus, les autres sont au repos par force. » Un bonheur lui arrive : un marabout se disant chérif, c’est-à-dire de la famille du Prophète, a travaillé les tribus arabes ; il a prêché la guerre sainte et a levé l’étendard. « Cher frère, la guerre, voici la guerre !

1800. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Ce mal est si beau dans de tendres jeunesses, il tient de si près au dévouement et à l’amour des hommes, il est, pour ainsi dire, si sacré, qu’on est tenté de l’envier pour soi, bien loin d’essayer chez d’autres de le guérir. […] Ballanche y revient souvent dans son écrit ; il le conclut en ces termes mémorables : « Ce qui a toujours troublé la raison des fabricateurs de systèmes, c’est qu’ils ont toujours voulu faire tendre l’espèce humaine au bonheur, comme si l’homme était sans avenir, comme si tout finissait avec la vie, comme si, enfin, on pouvait être d’accord sur les appréciations du bonheur. » M.

1801. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

Les voilà ces jasmins dont je t’avais parée ; Ce bouquet de troëne a touché les cheveux… Ainsi, celui que nous avons vu distrait bien souvent comme La Fontaine s’essayait alors, jeune et non sans poésie, à des rimes galantes et tendres : mistis carminibus non sine fistula. — Mais le plus beau jour de ces saisons amoureuses nous est assez désigné par une inscription plus grosse sur le cahier : LUNDI, 3 juillet (1797). […] Ballanche, lui adressait de Lyon ces avertissements, où se peignent les craintes de l’amitié redoublées par une imagination tendre : … Ce que vous me dites au sujet de vos succès en métaphysique me désole.

1802. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

De même en littérature, en poésie, les premières impressions, et souvent les plus vraies et les plus tendres, s’attachent à des œuvres de peu de renom et de contestable valeur, mais qui nous ont touché un matin par quelque coin pénétrant, comme le son d’une certaine cloche, comme un nid imprévu au rebord d’un buisson, comme le jeu d’un rayon de soleil sur la ferblanterie d’un petit toit solitaire. […] Deux ou trois tendres élégies, quelques chansonnettes nées d’une larme, surtout des contes délicieux datés d’époques déjà anciennes, firent comprendre avec regret que, si elle y avait plus tôt songé, il y aurait eu là en vers une nouvelle muse.

1803. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

Je n’en ai pas encore vu un s’échauffer contre un soldat-paysan, et j’ai vu en même temps un air de respect filial de la part de ces derniers… C’est le paradis terrestre pour les mœurs, la simplicité, la vraie grandeur patriarcale : des paysans dont l’attitude devant les seigneurs est celle d’un fils tendre devant son père, des seigneurs qui ne parlent à ces paysans dans leur langage grossier et rude que d’un air bon et riant ; on voit un amour réciproque entre les maîtres et les serviteurs »  Plus au sud, dans le Bocage, pays tout agricole et sans routes, où les dames voyagent à cheval et dans des voitures à bœufs, où le seigneur n’a pas de fermiers, mais vingt-cinq à trente petits métayers avec lesquels il partage, la primauté des grands ne fait point de peine aux petits. […] Au reste, sa geôle est souvent une cave du château ; « sur cent justices, il n’y en a pas une qui soit en règle du côté des prisons » ; ses gardiens ferment les yeux ou tendent la main.

1804. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Il tend à prouver dans ce dialogue cette contre-vérité, trop évidente, que le juste est récompensé par les biens d’ici-bas, et que le méchant est puni par des maux temporels, expiation immédiate de ses fautes. […] Il descend ; il tend sa main souillée de sang, et la justice y jette de loin quelques pièces d’or qu’il emporte à travers une double haie d’hommes écartés par l’horreur.

1805. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

Elle posa involontairement, pendant trente ans, comme un divin modèle d’atelier voilé, devant tous les yeux et devant tous les cœurs de deux générations d’adorateurs enthousiastes, mais désintéressés de sa possession ; elle fut statue et jamais amante ; elle resta intacte sur son piédestal au milieu de l’encens qui fumait et des bras tendus pour la recevoir ; elle n’en descendit qu’au tombeau. […] Ne fût-ce que par reconnaissance d’être admis à ces lectures, par culte des soleils couchants, ou par commisération pour ce grand indigent et pour cette tendre quêteuse, tout le monde fut fidèle au mot d’ordre, et l’écho du lendemain ne laissa rien percer des chuchotements de la veille.

1806. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Après avoir suivi les détours de ce chemin pittoresque dont les moindres accidents réveillent des souvenirs et dont l’effet général tend à plonger dans une sorte de rêverie machinale, vous apercevez un renfoncement assez sombre, au centre duquel est cachée la porte de la maison à M.  […] « Puis elle ouvrit la porte de sa chambre qui donnait sur l’escalier, et tendit le cou pour écouter les bruits de la maison.

1807. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

La carte du Tendre est contemporaine des farces de Scarron et de son Roman comique où retentit le tintamarre des poêlons et des casseroles, où dans une rixe nocturne Ragotin, le souffre-douleur du livre, est coiffé de certain vase facile à deviner. […] La langue est modifiée du même coup dans sa grammaire ; la rigidité de certaines règles s’adoucit comme le sens de certaines finesses se perd ; et l’orthographe à son tour tend à se simplifier.

1808. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

L’idéal vers lequel il avait tendu était la pureté, la chasteté absolue. […] Ne pouvant trouver un objet digne de lui en un cloaque, instinctivement il avait tendu vers la lumière.

1809. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre premier. La sensation, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. La sensation »

Si le milieu reprend son état primitif, l’organe tendra à y revenir, lui aussi ; il restera pourtant une trace, si faible soit-elle, de l’action qu’il avait subie dans l’intime arrangement de ses molécules. […] Tout se réduit toujours à des manières différentes de vibrer, et l’organisme tout entier pourrait être comparé à une lyre vivante dont les cordes, d’abord à l’unisson, finiraient par se tendre de diverses manières et par rendre des sons divers sous la diversité des ondes vibratoires qui viennent les ébranler du dehors.

1810. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

XIV Il en est de cet instinct du progrès et du bonheur indéfinis de l’humanité sur la terre, comme il en est d’un autre instinct que Dieu a donné invinciblement à l’homme ; instinct que l’homme sait parfaitement illusoire ici-bas, et qui cependant le pousse invinciblement aussi à tendre toujours vers un but dont il ne se rapproche jamais : nous voulons parler de l’aspiration au bonheur complet et permanent sur la terre. […] On y respire je ne sais quel souffle à la fois saint, tendre et triste, qui semble avoir traversé plus récemment un Éden refermé sur l’homme.

1811. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

C’est à ce point de perfection que tout travail sur la langue doit tendre. […] Quand on compose on feuilleté à la vérité le dictionnaire de sa propre langue, mais c’est pour y chercher l’expression correspondante dans la langue étrangère ; c’est cette expression qu’on lit, c’est cette expression qu’on écrit, c’est à la syntaxe de cette langue étrangère qu’on l’assujettit, ce sont ses règles qu’on observe, c’est à ses tours qu’on tâche de se conformer, opérations qui toutes tendent à fixer dans la mémoire et la grammaire et le dictionnaire.

1812. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Il en a les nerfs, ces nerfs qui sont les cordes de la lyre, qui, tendus, donnent les sons purs des cordes d’argent et les sons pleins des cordes d’or, mais qui se relâchent ou se brisent au moindre contact, à l’impression du moindre souffle. […] Rien de moins bourgeois que Mme de Staël ; elle avait bien des défauts et nous les reconnaissons… Pédante, si l’on veut, quelquefois sans grâce et précieuse, esprit faux en philosophie, bas-bleu, à ravir l’Angleterre de l’éclat enragé de son indigo, Mme de Staël, par la distinction de sa pensée, par la subtilité de son observation sociale, par son style brillant d’aperçus, par ses goûts, ses préoccupations, ses passions même, tendait vers la plus haute aristocratie, vers la civilisation la plus raffinée.

1813. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

. — Nous n’en voulons d’autre exemple que son tableau de l’année dernière — dont l’impression était encore plus tendre et mélancolique que d’habitude. — Cette verte campagne où était assise une femme jouant du violon — cette nappe de soleil au second plan, éclairant le gazon et le colorant d’une manière différente que le premier, était certainement une audace et une audace très-réussie […] — Au vent qui soufflera demain nul ne tend l’oreille ; et pourtant l’héroïsme de la vie moderne nous entoure et nous presse. — Nos sentiments vrais nous étouffent assez pour que nous les connaissions. — Ce ne sont ni les sujets ni les couleurs qui manquent aux épopées.

1814. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

Le fromage, qui nous est décrit « tendre, jaunet, et de bonne saveur », est sous la patte du Corbeau ; il y donne de grands coups de bec, mais pas si adroitement qu’il n’en laisse tomber plus d’une miette devant Renart qui l’a vu.

1815. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Marianne, comme le plus avisé des disciples féminins de La Rochefoucauld, nous expose le pourquoi de l’infidélité et son secret mobile, et aussi le remède : On ne le croirait pas, dit-elle, mais les âmes tendres et délicates ont volontiers le défaut de se relâcher dans leur tendresse, quand elles ont obtenu toute la vôtre : l’envie de vous plaire leur fournit des grâces infinies, leur fait faire des efforts qui sont délicieux pour elles ; mais, dès qu’elles ont plu, les voilà désœuvrées.

1816. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

Ainsi encore, à propos des expériences de Haller sur l’œuf du poulet, si le physiologiste, étendant ses considérations aux autres animaux, conclut que le fœtus appartient entièrement à la femelle, et qu’elle a, par conséquent, la plus grande part à la reproduction de l’espèce, Vicq d’Azyr, regardant son élégant auditoire, s’empressa d’ajouter : « Ce système plaira sans doute au sexe qui nous prodigue dans l’âge le plus tendre tant de caresses et de soins, et auquel nous devons un juste tribut d’amour et de reconnaissance. » Il se glisse aisément jusque dans les exposés des savants d’alors, dès qu’ils veulent réussir et plaire, des tons et des intentions de Florian et de Legouvé.

1817. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Il est en cela sévère et injuste ; il a son type de style qu’il porte un peu partout, et auquel il tend à ramener ses personnages sous leurs costumes divers.

1818. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Je sens toute l’exagération de cet éloge sous le rapport des talents ; mais je ne serai jamais au-dessous par la vérité de mon caractère, par la noblesse de mes sentiments, par ma tendre affection pour mon frère… Dans la position où je suis, il me faut une confiance absolue, Sire ; si je ne l’ai pas, la retraite absolue, comme vous le voudrez.

1819. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

Elle lui fut de bonne heure une surveillante et un tendre guide.

1820. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Pour le poète tendre, quel songe plus doux que de rencontrer à la lisière d’un bois La Fontaine égaré, au moment où il a trouvé de beaux vers ?

1821. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Élevé par une mère indulgente et tendre, il apprenait tant bien que mal le latin au logis sous un précepteur ; il aimait surtout à lire d’anciens romans français et les autres livres qui se rencontraient alors dans une bibliothèque de campagne assez bien garnie.

1822. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

La direction de nos facultés morales tend à la vertu, comme celle de nos facultés physiques à la santé ; et l’âme du jeune homme que la première éducation n’a pas flétrie s’élève d’elle-même vers le ciel comme la tige d’une plante vigoureuse.

1823. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

Quant aux coalitions, il paraît croire aussi qu’en France on peut sans inconvénient en user jusqu’à l’excès, tendre la corde de ce côté, ramasser tout ce qu’on trouve et marcher tous ensemble provisoirement, en se donnant pour mot d’ordre quelques idées communes.

1824. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

On est au printemps, dès les premiers moments de l’idylle : toute fleur fleurit, toute créature s’égaie ; Daphnis et Chloé de même : « Toutes choses adonc faisant bien leur devoir de s’égayer à la saison nouvelle, eux aussi tendres, jeunes d’âge, se mirent à imiter ce qu’ils entendaient, et voyaient.

1825. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Cousin, dans un de ces éloquents discours funéraires, tels qu’il les savait prononcer, a très-bien défini Charles Loyson en ce peu de mots : noble esprit, âme tendre, jeune sage, et le pied sur cette tombe entrouverte, le bras solennellement étendu, il s’écriait en finissant : « Encore un mot, mon cher Loyson.

1826. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

La guerre se civilisa notablement au xviie  siècle, quand l’idée politique, cette autre Minerve, y présida, et que l’objet des combats et du sang versé tendit à une plus juste constitution de l’Europe et à l’équilibre des États entre eux, les plus faibles n’étant pas fatalement écrasés par les plus forts.

1827. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

En étudiant l’histoire, il me semble qu’on acquiert la conviction que tous les événements principaux tendent au même but, la civilisation universelle.

1828. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Il eût pu dire qu’il ne prenait pas Pétrarque tout à fait du même côté que Saint-Gelais : et malgré toutes les mièvreries et mignardises de l’Olive, il est vrai que le côté tendre, ému, sincère de Pétrarque ne lui a pas échappé, et qu’en l’imitant il a exprimé dans ses sonnets une façon d’aimer sérieuse et ardente, un idéalisme sentimental, qui ne ressemblent guère au pétrarquisme grivois de Saint-Gelais.

1829. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

Verlaine965, un fin poète, naïf et compliqué, très savant, très tendre, et de qui il restera quelques petits chefs-d’œuvre de douloureuse angoisse ou de mystique ferveur.

1830. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Il a la prédilection la plus tendre pour le théâtre du XVIIIe siècle et du temps de Louis-Philippe.

1831. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Elle tend, au contraire, comme au dix-huitième siècle, à diriger la littérature française.

1832. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

Jésus ne faisait en ceci que tirer les conséquences des grands principes que le judaïsme avait posés, mais que les classes officielles de la nation tendaient de plus en plus à méconnaître.

1833. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre I : Sensations et idées. »

Elle deviendra un des éléments de cette méthode objective et inductive qui tend à prévaloir en psychologie.

1834. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

D’ailleurs il n’est point de poëte qui tende plus de pièges à son traducteur ; c’est presque toujours des bizarreries, des énigmes ou des horreurs qu’il lui propose : il entasse les comparaisons les plus dégoûtantes, les allusions, les termes de l’école et les expressions les plus basses : rien ne lui paraît méprisable, et la langue française, chaste et timorée, s’effarouche à chaque phrase.

1835. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

Mme du Châtelet, qui ne voulait point paraître trop tendre, riait pour s’empêcher de pleurer.

1836. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Le talent proprement dit, l’art d’écrire lui vient chemin faisant ; il dira à propos des sépulcres restés vides, qui furent construits près de Jérusalem par Hérode le Tétrarque : « Alors, comme à présent, il y avait des grandeurs passagères ; et des tombeaux promis et élevés ne recevaient pas les cendres qui devaient les occuper. » Mais c’est l’Égypte surtout qui est le but où tend le voyageur ; il y retrouve, en y mettant le pied, les souvenirs présents et les émotions héroïques de sa jeunesse.

1837. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

Les lettres qu’on a de lui mériteraient d’être recueillies à part dans un volume ; elles disposent à être moins sévère pour ses tragédies, elles y révèlent la trace de talent qui s’y noie trop dans le mauvais goût du siècle, et on en vient à reconnaître qu’avec tous ses défauts, et en usant d’une moins bonne langue, Ducis, dans la série de nos tragiques, va tendre la main à Rotrou par-delà Corneille.

1838. (1903) Zola pp. 3-31

Il s’est déformé de telle sorte que Zola sera un document d’histoire littéraire très intéressant pour qui se demandera vers quoi le romantisme tendait sans le savoir, à travers ses essors, ses envolées et ses splendeurs.

1839. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

., où tout l’effort du poète tendit à décrire sans les nommer ces meubles !)

1840. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre I : Principe de la métaphysique spiritualiste »

Non, l’être que je sens en moi est un être actif, éternellement tendu, aspirant sans cesse à passer d’un état à l’autre : c’est un effort ou au moins une tendance, à un moindre degré encore une attente, mais toujours quelque chose tourné vers l’avenir, une anticipation perpétuelle d’être, et en quelque sorte une prélibation de l’avenir.

1841. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

Celui qui aura jeté un morceau d’étoffe sur le bras tendu d’un homme, et qui faisant seulement tourner ce bras sur lui-même, aura vu des muscles qui saillaient, s’affaisser, des muscles affaissés devenir saillants, et l’étoffe dessiner ces mouvements, prendra son mannequin et le jettera dans le feu.

1842. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Du Rameau » pp. 288-298

Proche du char de la justice, en devant, l’innocence toute nue, les bras tendus et les regards tournés sur la justice, la suit portée sur des nuages ; elle a son mouton derrière elle.

1843. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Si, au-dessus des divinités locales ou familiales, elle en imagine d’autres dont elle croit dépendre, c’est que les groupes locaux et familiaux dont elle est composée tendent à se concentrer et à s’unifier, et le degré d’unité que présente un panthéon religieux correspond au degré d’unité atteint au même moment par la société.

1844. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

Le style de Racine est le style de ses héroïnes, et l’on voit très bien que le style des hommes, chez lui, si savant qu’il soit, est plus tendu, plus voulu, j’hésite à dire plus artificiel, et semble lui avoir coûté plus de peine.

1845. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Hippolyte Babou »

Je veux le lui dire tout d’abord avec la brusquerie de l’amitié, cette brutalité intelligente et tendre !

1846. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Toute son ambition de peintre, d’ailleurs très haute et très périlleuse, tend à éveiller dans une autre âme l’impression qu’a produite sur lui-même le spectacle de la forêt, — sur lui-même, observons-le bien, qui ne cherchait que la beauté, et appliquait à cette contemplation ses sens et son esprit.

1847. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VII. Le cerveau et la pensée : une illusion philosophique »

On conserve bien le cerveau tel qu’il est représenté, mais on oublie que, si le réel est déplié dans la représentation, étendu en elle et non plus tendu en lui, il ne peut plus receler les puissances et virtualités dont parlait le réalisme ; on érige alors les mouvements cérébraux en équivalents de la représentation entière.

1848. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Les yeux étaient du bleu le plus tendre ; des cheveux d’un blond cendré de la dernière finesse, descendant en longues boucles abondantes, ornaient l’ovale gracieux de son visage, et inondaient d’admirables épaules, très-découvertes selon la mode du temps. 

1849. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Dans l’ode de Gray sur la poésie, malgré l’effort trop tendu et la solennité un peu énigmatique de quelques vers, on reconnaît une voix digne de la lyre et un front touché du rayon de feu.

1850. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Notre démocratie tend à devenir yankee. […] Ce qu’on remarque chez lui, c’est l’absence de tout effort vers la grande philosophie critique, où tendent les esprits contemporains. […] Et dans ce livre échevelé, dans cette tempête d’âme en dérive, dans cet ouragan de beaux vers circule un souffle de bonté tendre, une pitié confuse, un élan ravi de nature et de cœur. […] Aicard, ce n’est pas la description, sur laquelle il appuie sans languir, c’est le don d’émotion, le son de la vie et de l’âme, l’aptitude à traiter les scènes capitales et à enlever les situations tendues. […] On dit : « Les romans honnêtes ne sont pas observés ; ils ne peignent pas la vie. » Examinons ce reproche, qui tend à exclure de la littérature toute une classe d’écrivains de valeur.

1851. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Voici qu’enfin on emploie le verre pour les fenêtres ; les murs nus sont tendus de tapisseries où les visiteurs contemplent avec bonheur et étonnement des herbes, des animaux, des figures ; on commence à faire usage des poêles, et l’on éprouve le plaisir inconnu d’avoir chaud. […] Rien de plus piquant pour eux qu’un carnaval de magnificences et de grotesques ; tout s’y coudoie, une grosse gaieté, un mot tendre et triste, une pastorale, une fanfare tonnante de capitan démesuré, une gambade de pitre. […] La fureur d’attention concentrée, les demi-hallucinations, l’angoisse et le halètement de la poitrine, le frémissement des membres qui se tendent involontairement et aveuglément vers l’action, tous les élans douloureux qui accompagnent les grands désirs les épuisaient moins ; c’est pourquoi ils avaient longtemps de grands désirs et osaient davantage. […] Son Calendrier du Berger 326 est une pastorale pensive et tendre, pleine de délicates amours, de nobles tristesses, de hautes idées, où ne parlent que des penseurs et des poëtes. […] Les oiseaux joyeux abrités dans le riant ombrage,  — accordaient leurs notes suaves avec le chœur des voix. —  Les angéliques voix tremblantes et tendres — répondaient aux instruments avec une divine douceur. —  Les instruments unissaient leur mélodie argentine — au sourd murmure des eaux tombantes. —  Les eaux tombantes, variant leurs bruissements mesurés,  — tantôt haut, tantôt bas, appelaient la brise ; — et la molle brise murmurante leur répondait à tous bien bas.

1852. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Elle, sans ralentir sa marche, leur montre le bouquet de fraises, et les enfants de courir de plus belle et de l’entourer, les mains tendues vers le bouquet. […] B. ne donne pas de poignées de mains ; il tend ses doigts, écartés, froids et mous. […] — Voyez-vous ce biceps, nous dit-il, en nous montrant son bras tendu, c’est à lui que j’ai dû de n’être pas écharpé par la République de M.  […] Éloge un peu maigre, semble-t-il, en ce temps de louanges et de critiques violentes ; aussi ajouterai-je volontiers du plus récent, qu’en traitant une matière qu’il est de préjugé et presque de bon ton de railler comme usée, l’orateur l’a rajeunie et en a élevé le genre, en y répandant avec les grâces d’une langue choisie, les plus pures inspirations d’un cœur tendre au bien, au devoir et au sacrifice. […] s’il plaisait à Dieu d’envoyer demain la maladie sous le toit qui abrite mon exil, si les enfants qui m’y ont reçu dans leurs tendres bras, si les petits-enfants qui sourient à travers nos pleurs, étaient tous frappés à la fois, et tous en danger, ce que j’éprouverais alors, je le connais par ce que j’éprouve ; car la patrie envahie, c’est la mère, c’est la femme, ce sont les enfants, c’est tout ce qu’on aime malade à la mort dans la maison désolée.

1853. (1864) Le roman contemporain

Il semblait donc que, pour l’Académie, le moment fût venu de lui tendre la main. […] Vous vous souvenez d’avoir lu dans l’Odyssée ce passage où les prétendants à la main de Pénélope, sur lesquels s’abaisse la lourde main de la fatalité et contre lesquels l’arc d’Ulysse, déjà rentré dans son palais, sera tout à l’heure tendu, se livrent aux joies d’un banquet qui doit être leur dernier banquet. […] Je sais bien que cela donne lieu à une scène qui a fait pleurer de bien beaux yeux ; celle de Maxime, dévorant dans sa chambre le croûton de pain tendre que lui a donné pour un pauvre sa sœur Hélène, la petite pensionnaire d’un couvent, qui se trouvait écœurée par une tournée de meringues et d’éclairs au chocolat. […] C’est fâcheux ; cette fantaisie, en effet, outre la scène du croûton de pain tendre, amène aussi celle du pont, du haut duquel Maxime regarde couler l’eau avec une terrible envie de s’y jeter la tête la première pour couper court à ses épreuves, et celle du dîner offert au jeune homme pauvre par Louison, l’excellente concierge, qui feint de croire que le fils de son ancienne maîtresse a demandé à être servi. […] Comment donc lui aurait-il tendu une embuscade dans un lieu où il ignorait qu’elle irait ?

1854. (1897) Aspects pp. -215

En effet, l’élection par bulletins de vote, ailleurs méprisée, tend à s’établir chez nous. […] En vain les trois larrons d’énergie, la pessimisme, le charlatanisme, le satanisme tendent leurs traquenards sur la route où elle avance, elle évitera les pièges. […] Partis de la famille unique, séparés, dispersés en tribus plus tard, heurtés par des haines fratricides, ils tendaient, malgré tout, à redevenir l’unique famille. […] Toute cette campagne antisémite, croisade religieuse, expression des rancunes et des espoirs du catholicisme — quoique ses promoteurs s’en défendent — ne peut guère nous intéresser parce qu’elle tend tout simplement à remplacer le Capital Israélite par le Capital chrétien. […] Et cela est conforme aux lois mêmes de l’évolution qui tend toujours à créer de nouveaux types d’individus portés dès lors à modifier en eux les caractères légués par l’espèce ou la variété qui les produisirent.

1855. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Dans le temps même que Montesquieu mettait la dernière main à son Esprit des lois, Vauvenargues publiait son Introduction à la connaissance de l’esprit humain, 1746, et on y lisait : « Afin qu’une chose soit regardée comme un bien par toute la société, il faut qu’elle tende à l’avantage de toute la société, et afin qu’on la regarde comme un mal, il faut qu’elle tende à sa ruine : Voilà le grand caractère du bien et du mal moral. […] Mais nous, c’est autre chose, et si, de soi, pour les raisons qu’on a dites, l’esprit encyclopédique tendait à la désorganisation de la littérature, quelles raisons aurions-nous de féliciter ces dames d’avoir été les preneuses de l’Encyclopédie ? […] Et découvertes ou hypothèses, comme elles tendaient toutes à déposséder l’homme non pas précisément du rang (qui demeurait toujours le premier), mais de la souveraineté qu’il s’attribuait dans la nature, elles ne pouvaient manquer tôt ou tard de produire des effets analogues à ceux de la découverte de Newton quand, cessant d’être le « centre du monde », la terre était devenue l’une des « petites planètes » d’un système qui n’en est qu’un lui-même entre une infinité d’autres [Cf.  […] Il n’a d’ailleurs pas vu qu’il n’y a pas de « religion naturelle » ; — pas plus qu’il n’y a pas de « nécessité libre » ou de « hasard constant » ; — l’association même de ces idées étant contradictoire dans les termes ; — toutes les vérités qu’enseigne la religion naturelle lui venant d’une autre source qu’elle-même ; — et n’étant qu’une « laïcisation » des enseignements de quelque religion « révélée ». — Il n’a pas vu davantage que, — si la raison peut atteindre quelques-unes des vérités constitutives de la religion, — ce n’en sont point les plus hautes ; — ni surtout les plus efficaces ; — et que la croyance en un « Dieu rémunérateur et vengeur » ne pouvant être un principe ni surtout un mobile d’action, mais uniquement un motif de ne pas faire, — ne saurait suffire à fonder la morale ; — laquelle devient donc ainsi purement sociale ; — et conséquemment relative, diverse et changeante. — Qu’au surplus, dans sa polémique injurieuse et grossière contre le christianisme, — il a manqué non seulement de justice, mais de loyauté ; — en méconnaissant la supériorité du christianisme sur le mahométisme, par exemple, ou sur le paganisme ; — si, du point de vue purement historique ou humain, le christianisme a renouvelé la face du monde, — et si d’autre part l’intolérance et le « fanatisme » ne l’ont point attendu pour se déchaîner parmi les hommes. — Il ne semble pas en effet qu’une ardeur de prosélytisme ait précipité les Perses contre les Grecs ; — ni que les partisans de Marius ou de Sylla se soient entrégorgés pour une question de dogme. — Et ce qu’enfin il a vu moins clairement encore que tout le reste, — c’est que, dans cette société même, la raison toute seule n’a jamais rien fondé de vraiment durable ; — si même on ne peut dire qu’elle tend plutôt à l’anarchie qu’à l’union. — C’est ce qu’avaient fortement établi les Bossuet et les Pascal ; — que pour ce motif Voltaire a tant combattus, sans les avoir toujours compris. — Incomparable pour saisir avec rapidité les aspects superficiels et la ressemblance extérieure des grandes choses, — Voltaire n’a jamais eu la force de méditation ; — il ne s’est jamais donné les loisirs studieux qu’il faut pour les approfondir ; — et c’est ce que de bons juges veulent dire, — quand ils lui refusent le titre de philosophe ou de penseur, — et qu’ils appellent son œuvre « un chaos d’idées claires » [E. 

1856. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Toutefois, tant que la domination romaine y prévalut, c’est-à-dire jusqu’à la fin du ive siècle, le latin rustique de la multitude, au moins sur les lignes principales, dut tendre plutôt à se rapprocher du latin grammatical et à s’y assimiler de plus en plus. Depuis la conquête des Romains jusqu’à celle des Barbares, a dit M. de Chevallet, ce fut la langue des hautes classes qui de plus en plus tendit à dominer dans les Gaules : au contraire, du moment que les invasions germaniques vinrent rompre le lien et délier le faisceau, ce fut le latin populaire qui prit le dessus ; ce latin rustique, débarrassé de l’autre, dut faire à sa guise et se donner des licences ; il se remit à faire ses Bagaudes et à battre la campagne18.

1857. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Tout tend en Chine à persuader la multitude que l’empereur est infiniment au-dessus des premiers lettrés par la force de son génie et par l’étendue de ses connaissances. […] Ce n’est pas tout : un prince y voit une infinité de choses qu’on tâche de lui faire perdre de vue, et, s’il s’est fait un plan de gouvernement, il lui est aisé d’être conséquent et de tendre sans cesse à son but.

1858. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

Est-ce qu’en voyant se dérouler page à page, sur les mêmes murailles, les fresques de Raphaël, vous ne vous sentez pas enveloppé de l’atmosphère tendre, épique ou bucolique de Virgile ? […] Sa figure est triste et résignée au fond, mais à la surface elle prend toutes les expressions terribles ou tendres des situations des poèmes qu’il récite.

1859. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Ses sauvageries de style étaient des appâts tendus à la curiosité. […] XXVII Voilà, comme homme, le véritable portrait du comte de Maistre, avant l’époque où il devint illustre par sa plume : une famille angélique, un époux irréprochable, un père tendre, une piété de femme sucée avec le lait d’une mère, une vertu antique, sauf quelques égarements d’esprit, une ambition honnête, mais trop active et peu modeste, une fidélité à son roi bien récompensée, mais une fidélité impérieuse forçant la main à son gouvernement, enfin un publiciste très contestable et très variable, qui, pour conserver sa réputation d’infaillibilité, corrigeait après coup ses oracles quand la fortune démentait ses prévisions, et qui savait être toujours de l’avis des événements, ces oracles de Dieu.

1860. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

« Quoique j’aie toujours cherché dans le cours de la négociation à éviter tout ce qui aurait tendu à suspendre la marche des choses et à fournir prétexte à la colère et à la mauvaise humeur, je lui dis que nul mieux que lui ne pouvait attester la vérité de mes paroles ; que j’étais très étonné du silence étudié que je lui voyais garder sur ce point, et que je l’interpellais expressément pour qu’il nous fît part de ce qu’il savait si pertinemment. […] Ce fut alors, — tandis que les cardinaux arrivaient un à un pour saluer respectueusement, — que l’empereur, du haut de son trône, adressant la parole, tantôt à l’impératrice, tantôt aux dignitaires et aux princes qui l’environnaient, dit, avec la plus vive animation et la plus grande colère, des choses très cruelles contre les cardinaux absents, ou, pour parler plus exactement, contre deux d’entre eux, ajoutant qu’il pouvait épargner les autres, car il les considérait comme des théologiens gonflés de préjugés, et que c’était la raison de leur conduite ; mais qu’il ne pardonnerait jamais aux cardinaux Opizzoni et Consalvi ; que le premier était un ingrat, puisqu’il lui devait l’archevêché de Bologne et le chapeau de cardinal ; que le second était le plus coupable du Sacré Collège, n’ayant pas agi par préjugés théologiques qu’il n’avait point, mais par haine, inimitié et vengeance contre lui Napoléon, qui l’avait fait tomber du ministère ; que ce cardinal était un profond diplomate, — l’Empereur le disait du moins, — et qu’il avait cherché à lui tendre un piège politique, le mieux calculé de tous, en préparant à ses héritiers la plus sérieuse des oppositions pour la succession au trône, celle de l’illégitimité.

1861. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Il lui fit épouser une jeune fille charmante et tendre qui fut pour lui comme une seconde jeunesse en son cœur. […] Entre nous régnait la plus profonde harmonie ; il me tendait sa main par-dessus la table, et je la pressais ; puis je saisissais un verre rempli, placé près de moi, et je le vidais en silence, et je lui faisais une secrète libation, les regards passant au-dessus de mon verre et reposant dans les siens.

1862. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

C’est là l’expérience ; l’utopie seule connaît des âmes ouvertes que la société a rendues défiantes, des cœurs tendres qu’elle a endurcis, d’honnêtes gens dont elle a fait des fripons, des gens sociables qu’elle a métamorphosés en misanthropes. […] Cette part de passion naturelle et de bonté vraie lui a inspiré des pages énergiques et tendres, où il est créateur et inimitable.

1863. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

. — Parmi les simples détails je signalerais, pour exemple, ce beau passage du premier acte, lorsque Tristan tend son épée à Isolde pour qu’elle le frappe, qui rappelle singulièrement l’incident semblable entre Tristan et Bélinde dans la première partie du roman français. — Pour le connaisseur de la littérature de Tristan et Isolde, c’est un vrai délice de voir comment dans cette masse informe et embrouillée que nous a léguée le Moyen Age, Wagner a su choisir tout ce qui était beau, sans jamais s’enchevêtrer lui-même. […] On peut suivre comment peu à peu la rime s’introduit et devient harmonieuse par la parfaite consonance de deux syllabes, et comment l’allitération, moins suivie mais cependant persistante, tend aussi à s’effacer par le choix de consonnes douces, telles que w et l.

1864. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

Les choses faisaient place à des êtres haineux et hostiles, doués de volonté, exercés aux ruses, sachant combiner des guets-apens et tendre des pièges. […] Là, ils s’assirent sur un monticule, serrés les uns contre les autres, et faisant face de tous les côtés, comme les taureaux d’une hécatombe attendant les haches, qui se rangeraient en cercle, les cornes tendues, autour d’un autel.

1865. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

Il meurt d’une maladie de cœur, et son ami prétend, à l’encontre du jugement de tous, que cette maladie vient de la sensibilité rentrée de l’écrivain, qui était très tendre, sous le masque de l’égoïsme et du cynisme. […] La princesse nous a pris tous les deux dans un petit coin, nous a pressés de la manière la plus tendre, la plus amicalement bourgeoise, de sortir de notre chez nous agaçant, se moquant joliment de l’ennui que j’éprouvais à lui apporter la tristesse de ma figure, de la pudeur que j’avais à être malade chez les autres, nous disant mille choses aimables, coquettes, trouvées avec le cœur.

1866. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Cette chambre, elle l’a fait non tendre, mais ainsi qu’elle le dit « habiller » de satin brodé par Worth, moyennant 60 000 francs. […] Cette branche de laurier, on la voyait en la tache estompée et un peu bleuâtre, dans le modèle flou, dans le camaïeu tendre, d’un branchage sur une potiche.

1867. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

Une rose artificielle toute poudreuse et toute fanée, tombée d’une guirlande de robe après une nuit de bal, foulée aux pieds des danseurs, puis enveloppée dans un morceau de gaze et cachée au fond de ma malle comme un talisman, avec quelques mauvais vers, n’était qu’une puérilité ; mais cette puérilité avait éveillé les craintes d’une tendre mère. […] Du tendre rossignol qui sur les fleurs voltige         Es-tu le nocturne larcin ?

1868. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

Elle conclut, parce qu’elle le sent, que l’homme est à la fois, pendant la durée de sa forme humaine, pensée et corps, esprit et matière, composé momentané, mystérieux et douloureux de deux natures ; que ces deux natures se répugnent, se tiraillent et s’efforcent sans cesse de rompre violemment le lien forcé qui les unit, parce que l’une, la matière, tend sans cesse à la dissolution et à la mort, l’autre, la pensée, tend sans cesse à l’affranchissement et à la vie.

1869. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

s’écriait-il dans les moments de solitude, on les appelle doux et tendres, et, de telle façon qu’ils soient, je les déclare durs et amers… L’image des plaisirs innocents de l’enfance retrace un temps qui nous rapproche de celui où nous n’existerons plus.

1870. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

C’est moins en chroniqueur et en peintre de mœurs locales qu’il envisage son sujet qu’en publiciste : l’intérêt lent, mais réel et qui tend au dénouement, est dans la réunion finale.

1871. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire : L’admiration des naturalistes doit tendre plus haut.

1872. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

L’auteur du Génie du christianisme nous a dit vrai, suffisamment vrai dans sa préface, et ce livre a été entrepris en effet et en partie exécuté sous le genre d’inspiration qu’il exprime et qu’il tend à consacrer.

1873. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Ces vers ont de la douceur, de la sensibilité, et un ton de passion tendre dont Maucroix fut capable une fois dans sa vie.

1874. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

Ramond a varié plus d’une fois cette vue générale et supérieure à laquelle il tend par nature et élévation d’esprit ; il l’a renouvelée et complétée une dernière fois au sommet du Pimené, dans les Voyages imprimés en 1801.

1875. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

M. de La Rochefoucauld, parlant ou écrivant des choses de la vie, se souvenant des choses du cœur et de ce monde des femmes qu’il connaissait si bien, n’aurait jamais fait, comme Ménage éloquent ou comme le philosophe amoureux ; il ne se serait point écrié tout d’abord avec emphase : « Nous sommes parvenu à découvrir toute une littérature féminine, aux trois quarts inconnue, qui ne nous semble pas indigne d’avoir une place à côté de la littérature virile en possession de l’admiration universelle. » Sans compter qu’il n’est pas honnête de prétendre avoir découvert ce que beaucoup d’autres savaient et disaient déjà, cela n’est pas de bon goût d’emboucher ainsi la trompette à tout moment et de proclamer sa propre gloire en si tendre sujet.

1876. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

Il a sur la mort d’un frère des accents d’une sensibilité tendre et douloureuse.

1877. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

La reconnaissance, le tendre attachement que j’ai pour vous, cette amitié de vieille roche qui ne se dément jamais, m’oblige d’en agir sincèrement avec vous.

1878. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

Or, dans les Cent-Jours, et pendant tout le temps qu’on discuta la Constitution, Napoléon eut du moins ce genre de sincérité qui consistait à empêcher ses nouveaux collaborateurs de pécher par excès et de compromettre leur œuvre en la rendant impraticable à l’usage ; il ne leur tendit aucun piège, et quand on voulait trop, il se montrait prêt aussitôt à se cabrer.

1879. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

À peine, aux moments douteux, un frémissement léger (car toute foule est vivante) a-t-il averti le professeur qu’il vient d’effleurer une partie délicate et tendre de la conscience humaine et qu’il à à redoubler de délicatesse : et il est homme plus que personne à le sentir et à en tenir compte.

1880. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Non ; si inférieurs aux Retz et aux La Rochefoucauld pour l’ampleur et la qualité de la langue et pour le talent de graver ou de peindre, ils connaissaient la nature humaine et sociale aussi bien qu’eux, et infiniment mieux que la plupart des contemporains de Bossuet, ces moralistes ordinaires du xviiie  siècle, ce Duclos au coup d’œil droit, au parler brusque, qui disait en 1750 : « Je ne sais si j’ai trop bonne opinion de mon siècle, mais il me semble qu’il y a une certaine fermentation de raison universelle qui tend à se développer, qu’on laissera peut-être se dissiper, et dont on pourrait assurer, diriger et hâter les progrès par une éducation bien entendue » ; le même qui portait sur les Français, en particulier ce jugement, vérifié tant de fois : « C’est le seul peuple dont les mœurs peuvent se dépraver sans que le fond du cœur se corrompe, ni que le courage s’altère… » Ils savaient mieux encore que la société des salons, ils connaissaient la matière humaine en gens avisés et déniaisés, et ce Grimm, le moins germain des Allemands, si net, si pratique, si bon esprit, si peu dupe, soit dans le jugement des écrits, soit dans le commerce des hommes ; — et ce Galiani, Napolitain de Paris, si vif, si pénétrant, si pétulant d’audace, et qui parfois saisissait au vol les grandes et lointaines vérités ; — et cette Du Deffand, l’aveugle clairvoyante, cette femme du meilleur esprit et du plus triste cœur, si desséchée, si ennuyée et qui était allée au fond de tout ; — et ce Chamfort qui poussait à la roue après 89 et qui ne s’arrêta que devant 93, esprit amer, organisation aigrie, ulcérée, mais qui a des pensées prises dans le vif et des maximes à l’eau-forte ; — et ce Sénac de Meilhan, aujourd’hui remis en pleine lumière40, simple observateur d’abord des mœurs de son temps, trempant dans les vices et les corruptions mêmes qu’il décrit, mais bientôt averti par les résultats, raffermi par le malheur et par l’exil, s’élevant ou plutôt creusant sous toutes ; les surfaces, et fixant son expérience concentrée, à fines doses, dans des pages ou des formules d’une vérité poignante ou piquante.

1881. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

Relisons la belle page de Guillaume Schlegel dans laquelle il compare les chefs-d’œuvre de la tragédie antique aux groupes du Laocoon et de la Niobé : voilà les images qui conviennent à cet ordre de beautés nobles, sublimes ou tendres.

1882. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

Vous connaissez le tableau de Meissonier, la Confidence, ce jeune amoureux qui, à la première lettre reçue, n’a de cesse qu’il n’ait versé son secret dans le sein d’un ami plus expérimenté, et qui, après le déjeuner qu’il pavera, au dessert, lit avec feu cette missive si tendre à l’ami tranquille et satisfait qui écoute et qui digère.

1883. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

Mais ce n’est pas une raison pour passer à l’auteur de Corneille historien son épigraphe, qui ne tendrait à rien moins qu’à faire du grand poète un politique pratique et un habile.

1884. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

— Au moins il faut y tendre et y viser de tous ses moyens, à cet état de moindre antagonisme, de paix européenne universelle et d’harmonie. — Oh !

1885. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée, par M. le chevalier Alfred d’Arneth et à ce propos de la guerre de 1778 »

L’impartialité nous oblige à dire que tous les conseils de Marie-Thérèse à sa fille n’étaient pas également bons ; nous distinguerons entre ceux qu’elle lui donnait sur son métier de reine, conseils sages, utiles, excellents à suivre en tout point, et ceux que la politique particulière de l’Autriche lui dictait : ces derniers conseils, soupçonnés du public, étaient parfois périlleux pour Marie-Antoinette, tendaient à la rendre impopulaire et à justifier le reproche qu’on lui faisait généralement, de sacrifier l’intérêt de la France à celui de l’Autriche.

1886. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

Le ressort militaire et administratif, tendu dans ses mains et appliqué par des agents impérieux, foula les populations vaincues et finalement les souleva.

1887. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

c’est le radeau après le navire), la critique, par épuration graduelle et contradiction commune des erreurs, tend à se reformer et à fournir un lieu naturel de rendez-vous.

1888. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Aux pieds de madame de La Sablière et des autres femmes distinguées qu’il célébrait en les respectant, sa muse, parfois souillée, reprenait une sorte de pureté et de fraîcheur, que ses goûts un peu vulgaires, et de moins en moins scrupuleux avec l’âge, ne tendaient que trop à affaiblir.

1889. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

« Il tendait furieusement ses muscles, il empoignait son verre, pariait de le tenir immobile, comme au bout d’une main de marbre ; mais le verre, malgré son effort, dansait le chahut, sautait à droite, sautait à gauche, avec un petit tremblement pressé et régulier. » (p. 431).

1890. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

Selon que l’autorité est aux mains de tous, ou de plusieurs, ou d’un seul, selon que le prince admet ou n’admet pas au-dessus de lui des lois fixes et au-dessous de lui des pouvoirs intermédiaires, tout diffère ou tend à différer dans un sens prévu et d’une quantité constante, l’esprit public, l’éducation, la forme des jugements, la nature et le degré des peines, la condition des femmes, l’institution militaire, la nature et la grandeur de l’impôt.

1891. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

Son ingénue, sa Rosine, tendre, malicieuse, innocente, rouée, créature délicieuse et inquiétante, est une vraie femme de ce siècle, qui sait où elle aspire, où elle va.

1892. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

» Et il tend ses muscles, et il offre aux dieux le caleçon.

1893. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

Dans Gerson, la théologie se dégage de la philosophie, et tend à reprendre son caractère.

1894. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

Et même les synthèses scientifiques ont en un sens plus de réalité que celles du sens commun, puisqu’elles embrassent plus de termes et tendent à absorber en elles les synthèses partielles.

1895. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

(Rappelons-nous tels sonnets descriptifs d’une console, d’un lit… où tout l’effort du poète tendit à décrire, sans les nommer, ces meubles), Mais souventes fois M. 

1896. (1890) L’avenir de la science « XVI »

Toutes les phases de l’humanité sont donc bonnes, puisqu’elles tendent au parfait : elles peuvent seulement être incomplètes, parce que l’humanité accomplit son œuvre partiellement et esquisse ses formes l’une après l’autre, toutes en vue du grand tableau définitif et de l’époque ultérieure, où, après avoir traversé le syncrétisme et l’analyse, elle fermera par la synthèse le cercle des choses.

1897. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

  Il apprend que sa face, ou riante ou chagrine, N’est qu’un spectre menteur ; tendre fils, il apprend Qu’elle offre sans tendresse à ses fils sa poitrine, Et berce leur sommeil d’un pied indifférent ;   Que c’est pour elle et non pour eux qu’elle travaille ; Que son grand œil d’azur leur sourit sans regard ; Que l’homme dans ses bras meurt sans qu’elle en tressaille, Né de père inconnu dans un lit de hasard.

1898. (1886) De la littérature comparée

. — À mesure qu’il avance dans sa carrière d’écrivain, Sainte-Beuve tend à rapprocher davantage la critique de l’histoire : ses études, dont le recueil constitue un document si précieux pour l’histoire des lettres modernes, s’écartent de plus en plus du point de vue essentiellement esthétique de ses devanciers et de ses contemporains ; ses appréciations s’entourent de notes sur les ascendants de l’auteur, qu’il examine, sur sa famille, sa ville, sa province, sa race ; puis sur son enfance, sur l’éducation qu’il a reçue, sur les influences qu’il a subies ; puis il recherche quelles ont pu être ses opinions sur les matières les plus importantes : quelles étaient ses croyances religieuses ?

1899. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

Le monde, qui l’honore et qui l’aime, l’appelle « la princesse Georges », avec une sorte de familiarité respectueuse et tendre.

1900. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

Dans le cas présent, on a affaire à des intelligences neuves, non pas molles et tendres comme celles des enfants, à des intelligences en général droites, saines, bien qu’en partie atteintes déjà par les courants déclamatoires qui sont dans l’air du siècle, à des intelligences mâles et un peu rudes, peu maniables de prime-abord, et qui deviendraient aisément méfiantes, ombrageuses, qui se cabreraient certainement si on voulait leur imposer.

1901. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Pariset ne put voir qu’un petit nombre de cas affaiblis et qui tendaient à la convalescence.

1902. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

La sagesse et la raison vont plus souvent à conserver d’aimables erreurs et à faire durer un attachement aussi vrai et aussi tendre que celui que j’ai pour vous, qu’à suivre une sèche et stérile vérité.

1903. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

Adorée de son jeune époux, et sachant prendre en main ses intérêts en toute rencontre, il ne paraît pas qu’elle eût pour sa personne un goût bien vif et bien tendre.

1904. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

Mais Louis XIV surtout, qui, enfant, aimait peu Mazarin et se sentait froissé par lui comme roi et comme fils (les fils instinctivement aiment peu les amis trop tendres de leur mère), qui plus tard l’avait apprécié et comprenait l’étendue de ses services, était toutefois impatient que l’heure sonnât où il put enfin régner.

1905. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

Rousseau, elle le sera encore après son ouvrage ; il tend moins à former l’homme qu’à détruire le chrétien et le sage. » Les points sur lesquels il prend Rousseau en faute et en contradiction sont peu nombreux, et pourraient être mieux choisis ; il en est un pourtant qu’il a bien justement touché, c’est quand Rousseau, tout en proclamant Dieu, dans son déisme assez stérile, déclare qu’il le bénit de ses dons, mais qu’il ne le prie pas : Car « que lui demanderais-je ?

1906. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

Mais lui, tant qu’il le pouvait, il était pour la politique de discussion, pour la politique civilisée ; il tendait à y revenir dès qu’il y avait jour, et, dans une lettre écrite dans l’intimité à l’un de ses collaborateurs et correspondants qui était alors en Angleterre, il disait en 1835 : Je vous fais mon compliment bien sincère sur vos dernières lettres, elles sont beaucoup plus remarquables que celles que vous écriviez il y a bientôt deux ans.

1907. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

Les qualités de ton excellent cœur, la force et la grandeur de ton âme me pénètrent du plus tendre amour.

1908. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

L’abbé Gerbet a donc trouvé un ami égal et tendre, et tout conforme à sa belle et fidèle nature, en M. de Salinis ; parler bien de l’un, c’est s’attirer aussitôt la reconnaissance de l’autre.

1909. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

Elle voit Zelmis, et, dès le premier instant, elle est touchée pour lui, comme lui pour elle : « Elle disait les choses avec un accent si tendre et un air si aisé, qu’il semblait toujours qu’elle demandât le cœur, quelque indifférente chose qu’elle pût dire ; cela acheva de perdre le cavalier. » Cette jolie phrase : Il semblait toujours qu’elle demandât le cœur, est prise textuellement d’un petit libelle romanesque du temps sur les amours de Madame et du comte de Guiche.

1910. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Ses Deux Amis sont le chef-d’œuvre en ce genre ; mais, toutes les autres fois qu’il a eu à parler de l’amitié, son cœur s’entrouvre, son observation railleuse expire ; il a des mots sentis, des accents ou tendres ou généreux, comme lorsqu’il célèbre dans une de ses dernières fables, en Mme Harvey, Une noblesse d’âme, un talent pour conduire         Et les affaires et les gens, Une humeur franche et libre, et le don d’être amie Malgré Jupiter même et les temps orageux.

1911. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

La rivière allait en pente très douce, elle y entrait pas à pas, et quand elle avait de l’eau jusqu’aux genoux, elle était entraînée par le courant… mais, à demi noyée, elle ne perdait pas toute connaissance ; à un moment, elle avait parfaitement le sentiment que sa tête cognait contre un câble tendu et que ses cheveux dénoués se répandaient autour d’elle, et, quand elle entendit un chien sauter à l’eau, de la Verberie, elle éprouvait l’appréhension anxieuse qu’il ne l’empoignât par un endroit ridicule.

1912. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre III. Zoïle aussi éternel qu’Homère »

Rien n’est plus tendre et plus exquis.

1913. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

Il se fait une âme très spéciale qui est composée de celle d’abord qu’il a apportée avec lui et qui tendait naturellement à l’idéal, de celle ensuite qu’il a tirée de ses livres favoris et qui raffine encore et renchérit sur les instincts primitifs ; il se fait ce qu’on appelle une âme romanesque.

1914. (1912) L’art de lire « Chapitre VIII. Les ennemis de la lecture »

La Bruyère a très bien indiqué pourquoi l’on a honte de pleurer au théâtre, tandis que l’on n’a point honte d’y rire : « Est-ce une peine que l’on sent à laisser voir que l’on est tendre, et à marquer quelque faiblesse surtout en un sujet faux et dont il semble que l’on soit là dupe ? 

1915. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

Si vous rencontrez un intestin propre à digérer seulement de la chair et de la chair récente, l’animal a des mâchoires construites pour dévorer une proie, des griffes pour la saisir et la déchirer, des dents pour la couper et la diviser, un système d’organes moteurs pour la saisir et l’atteindre, des sens capables de l’apercevoir de loin, l’instinct de se cacher, de tendre des pièges, et le goût de la chair.

1916. (1888) Portraits de maîtres

Sa famille, excellente de tout point, était indulgente et tendre. […] Je crois fermement en une vocation ineffable qui m’est donnée, et j’y crois à cause de la pitié sans bornes que m’inspirent les hommes, mes compagnons en misère, et aussi à cause du désir que je me sens de leur tendre la main et de les élever sans cesse par des paroles de commisération et d’amour. […] Depuis Shakespeare, ce génie qui ne dédaignait pas d’être compatissant, personne n’avait été si pitoyable, si tendre aux douleurs des hommes, à la faiblesse et à la misère des humbles et des petits. […] C’est, comme toujours, une œuvre de verve et de passion, de science et de lyrisme, où ne vit pas seulement une pensée, mais une âme, l’âme impétueuse et tendre de Michelet. […] C’était notre vie de chaque jour exposée, dévoilée devant le grand témoin. » À cette préparation religieuse Mme Quinet joignait une méthode d’éducation à la fois stoïque et tendre qui lui assura la confiance et la docilité de son enfant.

1917. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Il prit à la fin le parti de le confier à mademoiselle De Brie, dont la tendre amitié essaya de l’en consoler. […] Il fut même, dit-on, surpris en tendre conversation, et obligé, pour échapper à de mauvais traitements, de sauter par une fenêtre. […] Mademoiselle de La Vallière, dont le nom rappelle d’aimables vertus et de tendres faiblesses, était attachée à la maison de Madame, belle-sœur du Roi. […] C’est parmi ces enfants que Molière distingua Baron, et Raisin étant venu presque aussitôt à mourir, il prit le petit acteur avec lui, et apporta à son éducation les soins du père le plus tendre. […] Mais les soins d’un époux bien épris, les inquiétudes de son amour, sont un pesant fardeau pour la femme qui ne répond pas à son ardeur ; elle semble n’y voir qu’un piège tendu à sa reconnaissance.

1918. (1927) André Gide pp. 8-126

Regardera-t-on cela comme le témoignage d’une âme tendre et comme un joli raffinement sentimental ? […] Que les amateurs de littérature facile lui reprochent d’être tendu, cela se conçoit : mais Gide, l’auteur de ce Traité du Narcisse, presque aussi hermétique que du Mallarmé ! […] C’est bien là où il tend et ce qu’il désire… Tenez, je crois que j’appelle lyrisme l’état de l’homme qui se laisse vaincre par Dieu… » C’est où l’on voit les affinités de M. 

1919. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

De Londres, pendant ses combats politiques, il lui envoyait le journal complet de ses moindres actions ; il écrivait pour elle deux fois par jour, avec une familiarité, un abandon extrêmes, avec tous les badinages, toutes les vivacités, tous les noms mignons et caressants de l’épanchement le plus tendre. […] J’ai consulté d’après mes règles l’étoile de sa nativité, et je trouve qu’il mourra infailliblement le 29 mars prochain, à onze heures du soir environ, d’une fièvre chaude ; c’est pourquoi je l’avertis d’y songer et de mettre ordre à ses affaires984. » Le 29 mars étant passé, il raconte que l’entrepreneur des pompes funèbres est venu pour tendre de noir l’appartement de Partridge ; puis Ned le fossoyeur, demandant si la fosse sera revêtue de briques ou ordinaire ; puis M.  […] … » — Les dames mes amies, dont le tendre cœur — a mieux appris à jouer un rôle, —  reçoivent la nouvelle avec une grimace d’affligées : — « Le doyen est mort (pardon, quel est l’atout ?).

1920. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

Alfred de Vigny, un Raphaël noir, un solitaire, une âme hautaine et tendre et blessée, — un Porte. […] Il a cru, en réunissant dans ses mains les fils du réseau spirituel qui se tendait autour de lui, accomplir le monument devant quoi l’avenir resterait à genoux, — et voilà que ce monument s’est écroulé ne laissant debout que quelques superbes pans de mur, — tels que L’Homme qui rit et Les Travailleurs de la mer, choses trop littéraires peut-être, mais littéraires parfaitement, des vers çà et là (pas un poëme entier !) […] Sans copier jamais, il a fait vrai, de cette Vérité personnelle et supérieure qui tend à se revêtir de Beauté. […] Lemaître : j’ajoute qu’ils valent un peu plus que le Sully-Prudhomme tendre qu’il imite, par ce qu’il imite aussi Théophile Gautier. […] M. de Vogüé, que les hasards de la vie ont de bonne heure initié à la langue, au génie et à la littérature d’un peuple jeune et plus voisin que nous de l’Orient, mais qui avait, dès le milieu du siècle dernier, accueilli l’influence du vieil occident, nous a rapporté de Russie l’effet combiné de cette influence ajoutée et de cette jeunesse native, — une littérature magnifique, — âpre, acre et tendre, naïve et compliquée, spirituelle, sentimentale et sensuelle, tout ardente d’un amour extasié jusqu’à la charité, mais violente avec tant de douceur !

1921. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Le Festin de Pierre, comédie en prose Le Tartuffe n’avait pas encore vu le jour, la protection du roi lui-même avait été vaincue par les clameurs des dévots, des vrais dévots aussi bien que des faux dévots, comme dit La Bruyère ; tout le xviie  siècle était en suspens, dans l’attente du chef-d’œuvre qui allait venir, bref, on ne savait rien de Tartuffe, sinon dans les salons de mademoiselle de Lenclos, ce grand philosophe, à l’esprit si net, au cœur si tendre, lorsque tout d’un coup, dans les folles journées du carnaval de 1665, Molière fit représenter une comédie intitulée : Don Juan. — Au premier abord, on devait s’attendre à quelqu’une de ces farces admirables par lesquelles le grand poète comique faisait soutenir ses chefs-d’œuvre, Le Malade imaginaire, par exemple, ou bien Le Bourgeois gentilhomme. […] Pourtant, en dépit de tous ces obstacles aux fureurs de Don Juan, le véritable avertissement lui vient du fantôme ; une fois que le fantôme pénètre dans le drame, aussitôt le drame change de face ; la passion grandit avec la terreur ; l’impiété remplace la luxure ; le blasphème anéantit les tendres paroles ; les chansons, les intrigues, les fillettes sont supprimées, on comprend que le dénouement approche, un dénouement terrible et solennel ! […] Un soir, le roi entend la jeune fille qui parle d’amour ; à ces propos d’amour son nom est mêlé, et lorsqu’à la dérobée il jette un coup d’œil sur cette jeunesse si bien emparlée et si tendre, il reconnaît la belle personne dont le portrait l’a frappé chez le surintendant Fouquet ; aussitôt ce roi égoïste se sent ému jusqu’au fond de l’âme ; c’est quelque chose de mieux que les sens, c’est presque le cœur qui lui parle, et de ce jour qui la devait plonger, vivante, dans un abîme de supplices et de repentirs, madame de La Vallière préside à ces fêtes, à ces spectacles, à ces miracles de la poésie et de la peinture, à ce beau siècle, à ce théâtre ou Molière et Lulli semblent lutter à qui produira les amusements les plus aimables. […] Louis XIV tend les bras à la coulisse, il embrasse un ombre… alors enfin madame de Montespan triomphe, et le troisième acte est fini.

1922. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Les dieux étaient beaux, d’une beauté achevée ; leurs images durent donc être belles, et tous les efforts de la sculpture tendirent à leur donner une perfection typique, qui, à force de se rapprocher de la divinité, finit par n’avoir plus rien de l’homme. […] Il ne lui suffisait pas de révéler par son œuvre la pensée de l’Absolu, il tendait à la reproduire, à la réaliser. […] Le facile métier que de faire du joli, du tendre, du coquet, du précieux, du faux idéal, du convenu à l’usage des filles et des banquiers ! […] Et qu’on ne vienne pas nous dire qu’une si large place donnée à l’élément poétique, dans la peinture de la vie humaine, tend à amoindrir la réalité au profit de la fantaisie, à entraîner le réalisme sur la pente du lyrisme.

1923. (1903) Le problème de l’avenir latin

Toutes les places de l’Empire tombaient successivement en sa possession : la hiérarchie impériale et la sienne propre tendaient à se confondre et à s’identifier. […] Par excès d’esprit on tend à se prouver inintelligent. […] Le premier article du programme tendrait donc à créer une génération physiquement vigoureuse. […] Ainsi les meilleurs esprits préconisent la séparation de l’Eglise et de l’Etat : c’est là l’idéal de libération religieuse vers lequel tendent actuellement tous les radicaux. […] Les inaptes tendent à être éliminés.

1924. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Voulez-vous un poète, et un vrai poète vraiment « galant », et vraiment « tendre », qui plus naturellement et plus aveuglément qu’aucun autre, à en juger par les œuvres, ait cru que la beauté consistait dans le vague et dans l’indétermination ? […] On tend malheureusement à les disjoindre. […] Quand je voulais avoir un air fripon, j’avais un maintien et une parure qui faisaient mon affaire ; le lendemain, on me trouvait avec des grâces tendres ; ensuite j’étais une beauté modeste, sérieuse, nonchalante. […] Son Cléveland, quand il parut, en 1732, avec le titre caractéristique : Cléveland, ou le Philosophe anglais, faillit lui faire une affaire ; Desfontaines accusa le livre de tendre au déisme ; et, bien que le romancier, dans ses derniers volumes, en homme qui n’aime point le bruit, ait essayé de raccommoder les choses, il est certain qu’il y tendait. […] Tout est louable qui tend à ce but, rien n’est dangereux que ce qui en détourne.

1925. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — II. (Suite.) » pp. 155-174

Partant, jugez si je mérite d’être ainsi traité, et si je dois plus longtemps souffrir que les financiers et trésoriers me fassent mourir de faim, et qu’eux tiennent des tables friandes et bien servies… Rosny introduit, après bien des retards, dans le Conseil des finances, y trouva une conjuration et complicité tacite des autres membres qui tendaient à le déjouer et à le faire tomber en faute : Or sus, mon ami, lui avait dit le roi au moment de l’y installer, c’est à ce coup que je me suis résolu de me servir de votre personne aux plus importants Conseils de mes affaires, et surtout en celui de mes finances.

1926. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Le principal défaut de Henri IV est d’être trop accessible aux importunités, de ne pas savoir résister aux obsessions, « d’être tendre aux contentions d’esprit » ; Rosny y était aguerri et cuirassé au contraire ; il réparait de reste le défaut de Henri IV, et celui-ci venait éprouver son jugement et l’aiguiser aux contradictions mêmes de Rosny et à sa solidité résistante.

1927. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

Ainsi, liant les mains aux gens de guerre, il refroidissait leur ardeur et confirmait l’audace des Parisiens qui, voyant qu’on les redoutait, se mirent à tendre les chaînes, à dépaver les rues pour porter les grès aux fenêtres, à dresser des barricades de carrefour en carrefour ».

1928. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

Le Français, selon lui, a un mérite distinctif : « Il est le seul peuple dont les mœurs peuvent se dépraver sans que le cœur se corrompe et que le courage s’altère. » Il voudrait voir l’éducation publique se réformer et s’appliquer mieux désormais aux usages et aux emplois multipliés de la société moderne ; il prévoit à temps ce qui serait à faire, et, connaissant le train du monde, il craint toutefois qu’on ne le fasse pas à temps : « Je ne sais, dit-il, si j’ai trop bonne opinion de mon siècle, mais il me semble qu’il y a une certaine fermentation de raison universelle qui tend à se développer, qu’on laissera peut-être se dissiper, et dont on pourrait assurer et hâter les progrès par une éducation bien entendue. » Duclos veut une réforme en effet, et non point une révolution.

1929. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

S’emparant de cette poussière du jour des Cendres, il va démontrer que la pensée présente et actuelle de la mort, qu’elle tend à donner à chacun, est le meilleur remède, l’application la plus efficace et dans les crises de passion qui nous entraînent, et dans les conseils ou résolutions qu’on veut prendre, et dans le cours ordinaire des devoirs à accomplir et des exercices de la vie : Vos passions vous emportent, et souvent il vous semble que vous n’êtes pas maître de votre ambition et de votre cupidité : Memento.

1930. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

Je sens que mon corps s’affaiblit et tend vers sa fin.

1931. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

Daru écrivait à Picard sur sa comédie et dans lesquelles il lui faisait les vraies objections dont l’auteur, malgré son effort, n’a pu triompher, ont à mes yeux une valeur morale et plus que littéraire, si l’on songe qu’elles sont du même homme qui, vers le même temps, disait dans une lettre de Berlin adressée à Mme Daru : « Je t’écris d’une main fatiguée de vingt-sept heures de travail. » On le comprend, c’est moins le détail des conseils et ce qu’ils pouvaient avoir de plus ou moins motivé, que le sentiment même qui les inspire, cet amour et ce culte des lettres, tendre, délicat, fidèle, élevé, que je me plais à observer et à poursuivre en M. 

1932. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

Sa logique est là, non pas ailleurs… Tout ce qui tend à confondre l’étude des sciences physiques avec les observations et les notions de la vie commune, doit être saisi avec empressement.

1933. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

A peine le prince de Condé se fut aperçu de l’absence de son fils et de celle du duc de Longueville, qu’oubliant pour ainsi dire, si l’on ose parler ainsi du plus grand homme du monde, son caractère de général, et s’abandonnant tout entier aux mouvements du sang et de l’amitié tendre qu’il portait à son fils et à son neveu, accourut ou pour les empêcher de s’engager légèrement, ou pour les retirer du mauvais pas où leur courage et leur peu d’expérience auraient pu les embarquer ; il les trouva avec tous les volontaires aux mains avec les ennemis, qui, se voyant pressés et profitant du terrain qui leur était favorable, avaient tourné brusquement… « Cette action fut fort vive et fort glorieuse ; mais la blessure du prince de Condé au poignet, la mort du duc de Longueville et les blessures des ducs de La Rochefoucauld, de Coislin et de Vivonne, du jeune La Salle, de Brouilly, aide-major de mes gardes du corps, etc., et de plusieurs autres gens de qualité, en diminuèrent fort le prix et me donnèrent une grande mortification, particulièrement la blessure de M. le Prince, tant à cause de sa naissance et de son mérite singulier que de la faiblesse de son tempérament, exténué par la goutte, que j’appréhendais ne pouvoir pas résister à la violence du mal.

1934. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Mais ne pressons même pas trop cette moralité dans la Psyché première, dans celle d’Apulée qui nous la représente ; car tout l’ensemble de la fable ne s’y accorde pas, et le conte finit par le plus grand bonheur et l’apothéose de celle même qui a manqué de prudence, et qui a désobéi à bien des reprises aux plus tendres conseils.

1935. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

En retour de cette touchante déférence du père pour le fils devenu roi, il ne serait pas exact de dire que celui-ci se montra ingrat ; mais, si Philippe II paraît toujours fils respectueux, il n’est jamais tendre.

1936. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

On n’est pas condamné, en le cherchant, à s’arracher les cheveux et à se ronger les ongles au vif, à être continuellement tendu comme vers une idée d’au-delà.

1937. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

Il en parle avec modestie, mais aussi avec la conscience de ce qu’il a tâché d’y mettre, lui, jouissant de tant d’avantages et de commodités pour cela, comme d’avoir vécu « depuis trente-cinq ou quarante ans » au sein de la Cour, « d’avoir fait dès sa tendre jeunesse son apprentissage en notre langue auprès du grand cardinal Du Perron et de M. 

1938. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Lorsqu’il ne s’agit pas d’étudier pour gagner sa vie, et si l’étudiant est assez heureux pour que le Ciel lui ait donné des parents qui lui assurent du pain, je serais volontiers d’avis qu’on le laissât suivre la science pour laquelle il se sentirait le plus d’inclination ; et bien que celle de la poésie soit moins utile qu’agréable, du moins elle n’est pas de ces sciences qui déshonorent ceux qui les cultivent La poésie, seigneur hidalgo, est, à mon avis, comme une jeune fille d’un âge tendre et d’une beauté parfaite, que prennent soin de parer et d’enrichir plusieurs autres jeunes filles, qui sont toutes les autres sciences ; car elle doit se servir de toutes, et toutes doivent se rehausser par elle.

1939. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Elle est ici à mes côtés qui ne demanderait qu’à me tendre ses petits bras et à me sourire.

1940. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Il en est d’autres, au contraire, humains, tolérants, non exclusifs, je dirais presque philanthropes, et prêts à tendre la main à une civilisation autre que la leur ; comme qui dirait des musulmans à la Cheverus ou à la Fénelon.

1941. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

maintenant je vous aime, rayonnantes Pléiades ; je vous aime, ravissantes Etoiles ; je vous aime comme le pèlerin aime les villes de son pèlerinage, comme il aime l’autel où tendent ses vœux, et où il déposera un jour le baiser de ses aspirations les plus chères !

1942. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Le maréchal de Noailles, dans un sentiment non de rivalité, mais d’intérêt public, croit devoir signaler au roi cette retraite précipitée, inexplicable, faite sans en avoir reçu l’ordre, comme la plus grande preuve du manque de concert et du peu de subordination qui compromet tout et tend à tout perdre.

1943. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

» Nous en serions le plus souvent à répéter des éloges officiels et convenus, à compulser des jugements timides et neutres, ou même à accepter, avec les années, de ces réhabilitations complètes qui tendent toujours à se faire tôt ou tard par la découverte de certains papiers.

1944. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

Au reste, si je m’égare, j’égare bien peu les autres : je reste dans le temps que j’ai fort étudié ; chez l’homme même que j’ai travaillé profondément, et avec qui, par là, à force de familiarité, j’ai cru pouvoir me permettre, j’en conviens, certains abandons d’hypothèses, où malgré soi l’on se laisse entraîner par la suite des faits réagissant l’un sur l’autre, et pour ainsi dire par l’engrenage des déductions trop tendues.

1945. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

A l’âge où le génie doit être dans toute sa force et fructifier dans sa maturité, ils ont déjà comme épuisé la nature, et ils tendent les bras à la muse, qui s’enfuit plus vite encore que la jeunesse.

1946. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

Ces amitiés, Messieurs, s’il m’est permis désormais de leur donner ce nom, ces amitiés précieuses et illustres, en voulant bien me tendre la main du milieu de vous, m’ont enhardi et comme porté ; elles m’ont rendu presque facile un succès que d’autres plus dignes ont attendu plus longtemps ; il se mêle malgré moi aujourd’hui un reste d’étonnement et de surprise jusque dans la reconnaissance.

1947. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Quand la correspondance allait bien, quand les cachets de Paris marquaient une pensée (car décidément, si royalistes qu’on les voulût faire, cela ne pouvait ressembler à un lys), quand chaque courrier avait une réponse d’Hervé, Christel le sentait avec une anxiété cruelle, et il lui semblait que le courrier qui emportait cette réponse lui arrachait, à elle, le plus tendre de son âme, le seul charmant espoir de sa jeunesse.

1948. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

Je me figurais qu’il y avait d’autres choses à dire sur la confession, des choses plus délicates, plus intimes, plus ingénieuses et plus tendres — mais qui sans doute ne pourraient être dites que de moins haut, dans une enceinte plus étroite.

1949. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

* * * L’homme doit tendre à de nobles buts ou se proposer de grands modèles, autrement il perdra sa vertu ; de même que l’aiguille aimantée, longtemps détournée des pôles du monde.

1950. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

L’amour se glisse, avec une pudeur exquise, dans le serrement de main et dans les paroles de cette réconciliation tendre et grave.

1951. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Il est de cette race d’esprits faits pour la certitude, pour croire ou tout au moins pour conclure, de ces esprits droits, fermes et décidés, qui tendent au résultat.

1952. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Mais, même en ne considérant que les jugements relatifs à la révolution anglaise, l’enchaînement des causes et des effets y paraîtra trop tendu.

1953. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

Mme Sand, même quand elle se mêle d’idylle, n’y porte pas naturellement la douceur et la suavité tendre d’un Virgile ou d’un Tibulle : elle y fait encore entrer de la fierté.

1954. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Celle qu’il eut avec le chevalier Destouches fut une des plus étroites et des plus tendres.

1955. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

S’étant allé promener seul hors de la ville un jour de grande fête, pendant qu’on était à vêpres : Le son des cloches, dit-il, qui m’a toujours singulièrement affecté, le chant des oiseaux, la beauté du jour, la douceur du paysage, les maisons éparses et champêtres dans lesquelles je plaçais en idée notre commune demeure, tout cela me frappait tellement d’une impression vive, tendre, triste et touchante, que je me vis comme en extase transporté dans cet heureux temps et dans cet heureux séjour où mon cœur, possédant toute la félicité qui pouvait lui plaire, la goûtait dans des ravissements inexprimables, sans songer même à la volupté des sens.

1956. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

Ce héros goguenard est l’ami le plus tendre et le plus fidèle, et l’on sait que sa passion pour son pays était telle, qu’il se privait de tout pour avoir de quoi soulager les misères de ses sujets ou doter la Prusse d’institutions utiles. » 18.

1957. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. » pp. 103-122

Daunou, qui a composé sur La Harpe un morceau excellent, mais au point de vue strictement classique, se rabat à citer de lui, comme chef d’œuvre dans le genre lyrique, une petite romance fort connue de nos mères : Ô ma tendre musette !

1958. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

Le poète, en se promenant, entend le coup de fusil d’un chasseur, et cela réveille en lui aussitôt un souvenir d’enfance, un remords qui se mêle à toute une image de joie et de fraîcheur : L’aube sur l’herbe tendre avait semé ses perles, Et je courais les prés à la piste des merles, Écolier en vacance ; et l’air frais du matin, L’espoir de rapporter un glorieux butin, Ce bonheur d’être loin des livres et des thèmes, Enivraient mes quinze ans tout enivrés d’eux-mêmes : Tel j’allais par les prés.

1959. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

Mme de Coulanges, en apprenant cette nouvelle, et tout en estimant Mme des Ursins très digne de son emploi, trouvait qu’à cet âge il n’y avait plus rien à imaginer d’agréable dans la vie : c’est qu’elle n’était que femme, et ne concevait de son sexe que les passions aimables et tendres.

1960. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

Les malheurs arrivent ; le meilleur maître et le plus tendre protecteur de d’Antin, Monseigneur, est enlevé par la petite vérole (avril 1714).

1961. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

Son style aussi, en affectant plus de couleur, s’est tendu par endroits et s’est altéré ; il est moins pur qu’autrefois.

1962. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

C’est un bel article, sombre, fier, tendre sans faiblesse, moral sans déclamation, et comme avait seul le droit de l’écrire un homme qui avait sondé la vie et vu plus d’une fois en face la mort. — J’ai suivi jusqu’à présent Carrel un peu au hasard, et je me suis essayé comme lui : j’ai hâte de me recueillir à son sujet et de rejoindre sa vraie ligne, comme il fit bientôt en devenant tout à fait lui-même.

1963. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Vieux, quand on lui parlait de Chateaubriand, il répondait : « Je l’ai peu lu, mais il a l’imagination trop forte. » Si l’on avait parlé à Buffon de Bernardin de Saint-Pierre, Buffon aurait eu droit de répondre : « Il a l’imagination trop tendre. » Bernardin a fait ainsi au moral ; il n’est pas seulement pieux et touchant, il est sermonneur ; il pèche par le trop de sensibilité de son temps, et il y a un certain goût sévère qu’il n’observe pas.

1964. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

Orphelin de sa mère en bas âge, il manqua des tendres soins qui embellissent l’enfance.

1965. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Hors de là, leurs esprits diffèrent de toute la distance d’un pôle à l’autre : le ton affectueux de Montaigne déguise mal quelque égoïsme ; l’inspiration de saint François de Sales est tendre, affective avec chaleur, et toute brûlante de l’amour d’autrui.

1966. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

Telle que je viens de la montrer dans l’ensemble, en fâchant de ne pas forcer les traits et en évitant toute exagération, elle a mérité ce nom de gentil esprit, qui lui a été si universellement accordé ; elle a été la digne sœur de François Ier, la digne patronne de la Renaissance, la digne aïeule de Henri IV par la clémence comme par l’enjouement, et, dans l’auréole qui l’entoure, on aime à lui adresser ce couplet que son souvenir appelle et qui se marie bien avec sa pensée : Esprits charmants et légers qui fûtes de tout temps la grâce et l’honneur de la terre de France ; qui avez commencé de naître et de vous jouer dès les âges de fer, au sortir des horreurs sauvages ; qui passiez à côté des cloîtres et qu’on y accueillait quelquefois ; qui étiez l’âme joyeuse de la veillée bourgeoise, et la fête délicate des châteaux ; qui fleurissiez souvent tout auprès du trône ; qui dissipiez l’ennui dans les pompes, donniez de la politesse à la victoire, et qui rappreniez vite à sourire au lendemain des revers ; qui avez pris bien des formes badines, railleuses, élégantes ou tendres, faciles toujours, et qui n’avez jamais manqué de renaître au moment où l’on vous disait disparus !

1967. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

Toutes les oreilles, tous les yeux sont tendus vers l’homme du fauteuil : vous causez !

1968. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre V. Séductions pour la compréhension de la psychologie indigène. — Conclusion »

Dans le conte de Diadiâri et Maripoua, celle-ci, qui avait offert sa vie en sacrifice pour sauver Diadiâri, le trahit ensuite pour un amant qu’elle croit plus riche et tend à ce dernier l’arme qui doit tuer son mari.

1969. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

Si élevé et même si tendu qu’il soit quelquefois, Édelestand du Méril ne craint pas d’employer l’expression moderne et même basse, et de rappliquer brutalement aux choses antiques, pour faire saillir les analogies qui existent entre le monde moderne et l’antiquité.

1970. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

Les lettres de Madame de Sévigné dont on parle tant, qui ne sont que charmantes et qui auraient pu être divines si l’âme de la femme qui les a écrites eût été plus vraie et plus tendre, nous disent pourtant très bien la qualité médiocre de l’âme qui les a tracées avec tant de coquetteries et de chatteries d’amour maternel !

1971. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Il est évident que l’homme et le talent sont pénétrés par Macaulay à travers tout ce qui ferait rempart pour un autre, et qu’il arrache la personnalité vraie, l’entéléchie, comme dirait Aristote, à cette nature épaisse, têtue, troublée, caverneuse, despotique et méchante, mais géniale au fond et tendre tout au fond ; car il aima sa femme d’un amour divinement fidèle, ce monstre de chair, d’esprit, de mémoire, de scrofules, ce Caliban de tout, qui s’appelle Samuel Johnson !

1972. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

Après l’Unité spirituelle, il écrivit le livre de la Douleur, un livre de mysticité tendre comme les Saints en auraient écrit un avant que leur sang fût devenu lumineux et quand il fait mal en coulant encore.

1973. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

Les jolies têtes des bouleaux se lèvent là-bas frissonnant, et leur bouquet de molle verdure se détache sur le bleu tendre du ciel, entre les flocons de nuages moites qui traînent en s’évaporant sur la forêt.

1974. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

4° Mais déjà, quelque estime que nous fassions de Phèdre, la tragédie semble y tendre, par le lyrisme, vers une forme d’elle-même plus pompeuse, plus décorative, plus ornée ; et, Quinault survenant, avec ses opéras, ses Atys et ses Rolands, ses « doucereux Rolands », son vers fait pour être chanté, pour être surtout fredonné, du vivant même de Racine la décadence commence. […] Elle produit en nous une impression de terreur d’angoisse : c’est que la catastrophe en est horrible — exitus horribilis — et que, comme l’action tend tout entière vers cette catastrophe, elle participe de son horreur, — tota facies anxia, metus, minæ, exilia, mortes. […] L’Académie française, constituée gardienne de la langue, et officiellement chargée, pour ainsi dire, de trouver les moyens de la rendre capable de rivaliser, d’abondance, de justesse, de force, d’élégance, de clarté, d’éloquence avec la langue de Démosthène et celle de Cicéron, a ainsi centralisé les tentatives éparses, et en apparence contradictoires de la génération précédente ; elle a marqué le but où tendaient à la fois les poètes de la Pléiade, les critiques de l’école de Malherbe, les traducteurs de l’espèce des Méziriac, des Du Ryer, des Perrot d’Ablancourt, dont l’exactitude était le moindre souci ; le but où tendaient également les précieuses ; et, nous, ne pouvant, je pense, méconnaître ou contester la grandeur du service, il en faut rendre honneur à Chapelain, qui le rendit. […] Tout y semblait inviter, à ce moment du xviie  siècle, et tout y semblait tendre. […] Ou bien encore, moins engagé lui-même dans les idées du xviiie  siècle, plus éloigné de ses premiers maîtres, il eût vu que cette entreprise de l’Encyclopédie, dont à peine a-t-il dit quelques, mots, est la grande affaire du temps le but où tendait tout ce qui l’a précédée, l’origine de tout ce qui l’a suivie, et conséquemment, le vrai centre d’une histoire des idées au xviiie  siècle.

1975. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Tout, vers le xvie  siècle, tend de ce côté ou y mène, exceptions réservées, qui ne laissent pas d’être rares. […] Il n’y a rien de plus vrai, quand on y réfléchit, que le mot magnifique de Lamartine : « L’homme se compose de deux éléments, le temps et l’éternité. » Il se compose de ces deux éléments, en ce sens qu’il est dans l’un et qu’il tend à l’autre, et comme il est fait également de ses conditions et de ses tendances, il est très vrai qu’il se « compose » de ces deux éléments, puisqu’il est dans l’un, puisqu’il tend vers l’autre et vit en définitive de tous les deux. […] Comme tendent à le prouver quelques procès célèbres du xviiie  siècle où les choses religieuses sont mêlées, la population aussi bien du midi que du nord était encore très catholique et très cléricale. […] Ce fut une faute, à mon avis, parce que, étant monarchique, quand la nation, comme le prouvèrent tout de suite les élections complémentaires de juillet 1871, tendait à devenir républicaine, toutes les lois de l’Assemblée de 1871 devaient plus tard prendre dans l’opinion un caractère monarchique et comme une mauvaise odeur monarchique et devenir suspectes à la nation. […] Par exemple (art. 35), si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s’exerce le culte « tend à soulever ou armer une partie des citoyens contre les autres », le ministre du culte qui s’en sera rendu coupable sera puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans.

1976. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Le fond de Rousseau étant, à travers des contradictions innombrables, l’amour de l’égalité et le culte de la souveraineté nationale, par toutes sortes de chemins il devait, sinon aboutir, car il n’y aboutit point, du moins tendre à une manière de socialisme. […] Il en inquiète les éditeurs de Kehl, qui ne, peuvent s’empêcher de dire qu’il ne faut pas que cette inégalité aille trop loin ; que moins cette inégalité est grande, plus la société est heureuse, et qu’il faut donc que les lois, en laissant à chacun la faculté d’acquérir des richesses et de jouir de celles qu’il possède, tendent à diminuer l’inégalité par le partage égal des successions, la limitation de la liberté de tester, l’abolition des traitants, la suppression des gros traitements, etc. […] En formant association sur une chose dont l’Etat ne s’occupe point et qui ne lui importe pas, vous formez corps intermédiaire et vous tendez à former pouvoir intermédiaire. […] Mais quand il s’est trouvé en face d’une religion qui niait son principe à lui, son principe même, il a fait comme toutes les religions du monde : il n’a pas été tendre. — Les juifs, dira-t-on, l’avaient fait avant les chrétiens (et aussi bien juifs et chrétiens ont été confondus pendant longtemps dans l’esprit des Romains et dans leur colère) — mais les juifs étaient faibles, dispersés et peu enclins à la propagande. […] Il se contente de dire que dans les monarchies toute l’éducation tend à développer le sentiment de l’honneur et y doit tendre et que cette culture amène « à mettre dans les vertus une certaine noblesse, dans les mœurs une certaine franchise, dans les manières une certaine politesse » ; — que dans les Etats despotiques l’éducation tend à entretenir une profonde ignorance ; car « l’extrême obéissance suppose de l’ignorance chez celui qui obéit et aussi chez celui qui commande : il n’a pas à délibérer, à douter, à raisonner ; il n’a qu’à vouloir » et par conséquent dans ces sortes d’Etat « l’éducation est nulle » ; — enfin que dans le gouvernement républicain on a besoin de toute la puissance de l’éducation, puisque ce gouvernement est fondé sur la « vertu politique », puisque cette vertu est « l’amour des lois et de la patrie », puisque cette vertu est un a renoncement à soi-même » et puisque cette vertu ne peut naître que d’une éducation attentive à l’inspirer sans cesse ; et il va sans dire qu’elle sera inspirée beaucoup plus par l’exemple des pères que par n’importe quel enseignement ; car « on est maître de donner à ses enfants ses connaissances ; mais on l’est encore plus de leur donner ses passions. » II Ce n’est pas dans l’Emile qu’il faut chercher les idées de Rousseau relativement au rôle de l’Etat dans l’éducation ; car, intentionnellement, l’auteur a écarté l’Etat de la question.

1977. (1908) Après le naturalisme

L’écrivain, dont la mission devient de diriger efficacement les hommes, qui tend au rôle de pasteur de peuple, moins que quiconque doit par son ignorance ou sa paresse, vicier son jugement et fausser ses conclusions. […] » tout simplement sans y répondre a priori, sans fermer toute espérance par les termes que nous retranchons de la formule primitive sophistiquée à l’avance ; si l’on sait en effet que la mort, qui est le non-vivre, n’émane point conséquemment de la vie, car la vie n’y tend point et n’en a pas les germes en soi, en raison de son essence et de son égoïsme ; si l’on se rend compte que notre fin n’est un accident que pour chacun de nous en particulier, la mort d’un, seul n’affectant point ceux qui restent dans leur intégralité et la vie s’étendant chaque jour renouvelée dans l’espace et le temps ; si l’on se tourne vers l’humanité et si l’on en aperçoit le progrès ; si l’on se sent porté à un plus grand progrès par le même amour et le même intérêt que le père porte à ses enfants ; si l’on croit enfin que le bonheur résulte plutôt du devoir accompli, quel qu’il soit, que des accidents de telle destinée ou de telle autre. […] Voilà le Surhomme idéal et vrai, pour chacun de nous, auquel, tous, nous devons tendre.

1978. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

. —  Bénie sois-tu, Dame,  — si brillante et si belle ; — tout mon espoir est en toi — le jour et la nuit117. » Il n’y a qu’un pas, un pas bien petit et bien facile à faire, entre ce culte tendre de la Vierge et les sentiments des cours d’amour ; les rimeurs anglais le font, et quand ils veulent louer les dames terrestres, ils prennent, ici comme tout à l’heure, nos idées et même nos formes de vers. […] Voyez cette peinture du vaisseau qui amène en Angleterre la mère du roi Richard : « Le gouvernail était d’or pur ; — le mât était d’ivoire ; — les cordes de vraie soie,  — aussi blanches que le lait,  — la voile était en velours. —  Ce noble vaisseau était, en dehors, tout tendu de draperies d’or… —  Il y avait dans ce vaisseau — des chevaliers et des dames de grande puissance ; — et dedans était une dame — brillante comme le soleil à travers le verre128. » En pareils sujets ils ne tarissent jamais. […] On tue un jeune Sarrasin frais et tendre, on le cuit, on le sale, le roi le mange et le trouve très-bon ; après quoi il veut voir la tête de son cochon.

1979. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Coiffés et poudrés, avec des boucles et des nœuds, en cravates et manchettes de dentelle, en habits et vestes de soie feuille morte, rose tendre, bleu céleste, agrémentés de broderies et galonnés d’or, les hommes sont aussi parés que les femmes. […] Enfin voilà la chemise présentée ; un valet de garde-robe emporte l’ancienne ; le premier valet de garde-robe et le premier valet de chambre tiennent la nouvelle, l’un par la manche gauche, l’autre par la manche droite179 et, pendant l’opération, deux autres valets de chambre tendent devant lui sa robe de chambre déployée, en guise de paravent.

1980. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

Il me prodigua de si tendres soins que je guéris enfin. […] À ces mots, il tendit la main, et lui donna une bourse de cent écus d’or, en lui recommandant de m’en donner ma part.

1981. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Il faut donc, sous peine de forcer ces grandes natures à se réfugier dans le tombeau avant l’heure marquée par le destin et à chercher la paix dans le suicide, il faut que la Providence, dans sa bonté infinie pour tous les êtres, donne à cet homme d’élite la goutte d’eau de l’éponge qu’on laisse tomber sur les lèvres pâles du Nazaréen dans son agonie sur la croix ; cette goutte d’eau, c’est le culte fidèle de quelques rares et tendres admirateurs au-dessus du monde par leur intelligence et leur dévouement, qui s’attachent aux pas, aux malheurs même des hommes supérieurs et persécutés, et qui les suivent de station en station jusqu’à leur supplice ou à leur mort. […] Ses goûts n’avaient rien de personnel, d’égoïste ; ils tendaient tous à un but pratique d’intérêt général.

1982. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

Ils dressent le mât ; ils le placent dans le creux qui lui sert de base ; ils l’assujettissent avec des cordages ; puis ils déplient les blanches voiles tendues par de fortes courroies. […] Je l’incrustai d’or, d’argent et d’ivoire ; je tendis d’un côté à l’autre des sangles de cuir recouvertes de pourpre !

1983. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

Telle est l’utilité vraie ou prétendue que les gens de lettres croient retirer pour leur réputation du commerce des grands : j’entends par ce mot tous ceux qui sont parvenus, soit par leurs ancêtres, soit par eux-mêmes, à jouir dans la société d’une existence considérable ; car la puissance du prince qui dans un État aussi monarchique que le nôtre est proprement le seul grand seigneur, a confondu bien des états ; l’opulence, ce gage de l’indépendance et du crédit, se place volontiers de sa propre autorité à côté de la haute naissance, et je ne sais si on a tort de le souffrir ; il semble même que les états inférieurs qui sont privés de l’un et de l’autre de ces avantages, cherchent à les mettre sur la même ligne, pour diminuer sans doute le nombre des classes d’hommes qui sont au-dessus de la leur, et rapprocher les différentes conditions de cette égalité si naturelle vers laquelle on tend toujours même sans y penser. […] Un homme qui se sent digne par ses talents et son génie de devenir célèbre, n’a qu’à laisser faire la voix publique, ne point s’empresser à lui dicter ce qu’elle doit dire, et attendre, si l’on peut parler ainsi, que la renommée vienne prendre ses ordres ; bientôt elle imposera silence à toutes les voix subalternes, comme la force du son fondamental dans un bel accord anéantit toutes les dissonances qui tendent à altérer son harmonie.

1984. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

ce n’est pas parce que Roméo et Juliette est l’œuvre la plus fraîche de sentiment, la plus rose de couleur, la plus tendre dans sa mélancolie, que Shakespeare dut être nécessairement, quand il l’écrivit, jeune de l’ordinaire jeunesse des hommes. […] Idée commune, d’ailleurs, à tous les esprits sans véritable profondeur, qui croient que la sensibilité dans les arts ou dans l’expression littéraire des sentiments est la même que la sensibilité dans la vie, et qui fait, par exemple, s’éprendre de tant de poètes secs, tant de pauvres filles par trop tendres !

1985. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Esprit étroit, nature médiocre, ce tyran comédien, tout bouffi d’une suffisance qui dissimulait mal sa faiblesse et sa crédulité, devait naturellement tomber dans tous les pièges qu’on lui tendait. […] Le pouvoir civil en est seul responsable, puisqu’à lui seul appartient la force. » L’argument est connu ; il tend à démontrer que, si, manquant de la force nécessaire, vous mettez le couteau aux mains d’un être robuste et dont vous avez fait votre chose, pour l’employer à vos desseins homicides, le meurtrier c’est lui, et c’est vous l’innocent ; que si vous prêchez le crime, laissant aux autres le soin de l’accomplir, vous demeurez sans reproche.

1986. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre IV. De la pluralité des temps »

Concluons de toute manière, en ce qui concerne l’universalité du Temps réel, que la théorie de la Relativité n’ébranle pas l’idée admise et tendrait plutôt à la consolider. […] En Relativité généralisée, il est incontestable qu’on tend à ne prendre aucun système de référence, à procéder comme pour la construction d’une géométrie intrinsèque, sans axes de coordonnées, à n’utiliser que des éléments invariants.

1987. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Ce seul premier volume renfermait bien des matières diverses : des considérations remarquables par l’ordre et l’étendue, des récits rapides ; les cruautés et les atroces bizarreries des Commode, des Caracalla, des Élagabal, les trop inutiles vertus des Pertinax, des Alexandre Sévère, des Probus ; le premier grand effort des Barbares contre l’Empire, et une digression sur leurs mœurs ; l’habile et courageuse défense de Dioclétien, sa politique nouvelle qui, toujours veillant aux frontières, se déshabitue de Rome, et qui, présageant l’acte solennel de Constantin, tend à transporter ailleurs le siège de l’Empire ; enfin les deux chapitres concernant l’établissement du christianisme et sa condition durant ces premiers siècles.

1988. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

Un soir, les Sarrasins lui lancent à plusieurs reprises le feu grégeois, qui avait quelque chose de magique et de diabolique à ses yeux comme aux yeux de tous ceux de l’Occident : Toutes les fois que notre saint roi entendait qu’ils nous jetaient le feu grégeois, il se dressait en son lit et tendait les mains vers Notre Seigneur, et disait en pleurant : « Beau sire Dieu, garde-moi mes gens ! 

1989. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

Le conseil habituel du père Lefebvre à son jeune ami, c’est de profiter de son heureuse flexibilité qui tend à se porter sur toutes sortes de genres et de sujets, mais de ne s’y point livrer trop rapidement, d’attendre avant de publier : « L’âge est le meilleur des Aristarques. » Ses scrupules de traducteur, dans le travail qu’il avait entrepris sur la Bible, fatiguaient et consumaient le père Lefebvre : « Ce métier de traducteur dont je me suis occupé toute ma vie, disait-il, me paraît toujours plus difficile à mesure que j’avance, soit que l’âge me glace le sang, soit que mon goût s’épure à force d’approfondir ; une page de traduction m’épuise pour huit jours. » Et ailleurs : Je suis revenu de la campagne à la ville, mais j’étais si essoufflé qu’il m’a fallu un grand mois pour reprendre haleine.

1990. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

On s’est demandé s’il n’avait eu à aucun temps l’idée d’épouser Mme Unwin devenue veuve ; il ne paraît pas qu’une telle pensée se soit jamais présentée à leur esprit ni à leur cœur à l’un ni à l’autre : il n’était pour elle qu’un fils aîné et un malade, dont elle savait toutes les souffrantes délicatesses, et au service, à la surveillance duquel, en devenant plus seule, elle s’était tout entière consacrée ; elle n’était pour lui que la plus tendre et la plus intelligente des mères.

1991. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

Et ce piège, voyez combien vous étiez imprudent et coupable de le tendre : vous y avez fait tomber tout le premier un homme de votre sang et de votre nom, l’historiographe estimable, qui, en publiant votre ouvrage posthume et ce que vous y aviez préparé de pièces à l’appui, a cru vous rendre service, venger votre mémoire, réhabiliter votre caractère ; et il n’aura aidé, bien involontairement et de la meilleure foi du monde, qu’à confirmer en définitive l’opinion sévère qu’on avait conçue de vous, et à prouver à tous que vous étiez incurable dans votre procédé d’homme d’esprit foncièrement léger et sans scrupule.

1992. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

Il peut goûter les gens, il peut vouloir leur plaire ; mais une tendre et vraie amitié, l’abandon, le dévouement, sont choses qu’il ne faut pas attendre de lui.

1993. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette »

L’image de ma bonne mère, de toute ma famille, de mes bonheurs d’enfance, me sera toujours présente en même temps que vos conseils seront toujours devant mes yeux ; — j’arriverai sans expérience dans un pays nouveau qui m’a adoptée sur votre nom, je tremble à l’idée que je ne répondrai pas à l’attente ; le peu que je pourrai valoir, c’est à vous que je le devrai ; mais maintenant je sens que je n’ai pas assez profité de vos leçons si tendres : que vos bontés me suivent, je vous en conjure !

1994. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite et fin.) »

Le tempérament des hommes est quasi ineffaçable : celui de M. le maréchal de Catinat, fier l’épée à la main, est pétri de précaution et de tous les talents qui tendent à l’épargne.

1995. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

. — Mille tendres hommages. — Comment va la pêche ?

1996. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

Plein d’aversion pour une société factice où tout, suivant lui, s’est exagéré et corrompu ; en perpétuelle défiance contre cette force active qui projette l’homme inconsidérément dans les sciences, l’industrie et les arts ; ne croyant plus, d’autre part, à la libre et hautaine suprématie de la volonté, il tend à faire rétrograder le sage vers la simple sensation de l’être, vers l’instinct végétatif, au gré des climats, au couchant des saisons ; pour une plus égale oscillation de l’âme, les données qu’il exige sont un climat fixe, des saisons régulières ; il choisit de la sorte, il compose un milieu automnal, éthéré, élyséen, selon la molle convenance d’un cœur désabusé, ou selon la mâle âpreté d’une âme plus fière, l’île fortunée de Jean-Jacques ou une haute vallée des Alpes ; il y pose le sage, il l’y assimile aux lieux, il lui dit d’aller, de cheminer à pas lents, prenant garde aux agitations trop confuses, et se maintenant par effort de philosophie à la sensation aveugle et toujours semblable. « Je ne m’assoirai point auprès du fracas des cataractes ou sur un tertre qui domine une plaine illimitée ; mais je choisirai, dans un site bien circonscrit, la pierre mouillée par une onde qui roule seule dans le silence du vallon, ou bien un tronc vieilli, couché dans la profondeur des forêts, sous le frémissement du feuillage et le murmure des hêtres que le vent fatigue pour les briser un jour comme lui.

1997. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Voici pourtant une charmante pièce naturelle et simple, où s’exprime avec vague le seul genre de sentiment tendre, et bien fantastique encore, que le discret poëte ait laissé percer dans ses chants : LA JEUNE FILLE.

1998. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre III »

Une multitude de femmes et d’enfants de l’âge le plus tendre franchissent les lignes des brigades, et, d’un autre côté, des troupeaux de chiens conduits dans le pays libre, après y avoir été enfermés quelque temps sans aucune nourriture, sont chargés de sel, que, pressés par la faim, ils rapportent promptement chez leurs maîtres. » — Vers ce métier si lucratif, les vagabonds, les désespérés, les affamés accourent de loin comme une meute. « Toute la lisière de Bretagne n’est peuplée que d’émigrants, la plupart proscrits de leur patrie, et qui, après un an de domicile, jouissent de tous les privilèges bretons : leur unique occupation se borne à faire des amas de sel pour les revendre aux faux sauniers. » On aperçoit comme dans un éclair d’orage ce long cordon de nomades inquiets, nocturnes et traqués, toute une population mâle et femelle de rôdeurs sauvages, habitués aux coups de main, endurcis aux intempéries, déguenillés, « presque tous attaqués d’une gale opiniâtre », et j’en trouve de pareils aux environs de Morlaix, de Lorient et des autres ports, sur les frontières des autres provinces et sur les frontières du royaume.

1999. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Fontanes lui tendit la plume et lui proposa d’écrire.

2000. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

En réalité, l’étincelle jaillit de Jean-Jacques Rousseau ; puis la flamme grandit, attisée par Bernardin de Saint-Pierre, par Chateaubriand, par Lamartine, par George Sand, par Michelet, et aujourd’hui elle consume délicieusement les tendres coeurs de faunes et de sylvains d’ailleurs très civilisés.

2001. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

Ce qui est bien, c’est ce qui amuse. » Alors, amuser un public, c’est là le rêve qui exalte un artiste dans l’enfantement de son drame ; toute l’esthétique théâtrale ne tend qu’à découvrir la meilleure recette, celle qui assure le maximum d’hilarité ou d’émotion.

2002. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

Ce qui est bien, c’est ce qui amuse. » Alors, amuser un public, c’est là le rêve qui exalte un artiste dans l’enfantement de son drame ; toute l’esthétique théâtrale ne tend qu’à découvrir la meilleure recette, celle qui assure le maximum d’hilarité ou d’émotion.

2003. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Cette rencontre en une même compagnie de toutes les opinions et de tous les genres d’esprit vous plaira : ici le rire charmant de la comédie, le roman pur et tendre, la poésie au puissant coup d’aile ou au rythme harmonieux ; là, toute la finesse de l’observation morale, l’analyse la plus exquise des ouvrages de l’esprit, le sens profond de l’histoire.

2004. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

M. de Chateaubriand, après Atala et René, a eu ses admiratrices passionnées, nobles, tendres, délicates, dévouées jusqu’à en mourir : on eût vu marcher en tête la pâle et touchante Mme de Beaumont.

2005. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Les juges qui la condamnèrent furent atroces, et l’évêque de Beauvais qui mena toute l’affaire joignit à l’atrocité un artifice consommé ; mais ce qui frappe surtout aujourd’hui, quand on lit la suite de ce procès, c’est la bêtise et la matérialité de ces théologiens praticiens qui n’entendent rien à cette vive inspiration de Jeanne, qui, dans toutes leurs questions, tendent toujours à rabaisser son sens élevé et naïf, et qui ne peuvent parvenir à le rendre grossier.

2006. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Elle parle volontiers, elle rit aisément, elle se fait un grand plaisir d’une bagatelle, elle aime à faire une innocente guerre à ses amis… Mais, parmi toute cette disposition qu’elle a pour la joie, on peut dire que cette aimable enjouée a toutes les bonnes qualités des mélancoliques qui ont l’esprit bien fait, car elle a le cœur tendre et sensible, elle sait pleurer avec ses amies affligées ; elle sait rompre avec les plaisirs quand l’amitié le demande ; elle est fidèle à ses amis ; elle est capable de secret et de discrétion ; elle ne fait jamais de brouillerie à qui que ce soit ; elle est généreuse et constante dans ses sentiments, et elle est enfin si aimable qu’elle est aimée des plus honnêtes personnes de la Cour, de l’un et de l’autre sexe, mais de gens qui ne se ressemblent ni en condition, ni en humeur, ni en esprit, ni en intérêts, et qui conviennent pourtant tous que Clarice est très charmante, qu’elle a de l’esprit, de la véritable bonté et mille qualités dignes d’être infiniment estimées.

2007. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

. — Pendant trente ans on a vu la pauvre idiote, à notre charité tendre les mains souvent.

2008. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Hors de là, la pièce est dans ce genre roide, rude, tendu et emphatique, qui rappelle parfois le ton et le tic, mais non le génie de Corneille.

2009. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Il était déjà de cette race de ceux qui, en fait d’agitations et de révolutions, aiment le jeu encore plus que le dénouement, grands artistes en intrigues et en influences et s’y complaisant, tandis que les plus ambitieux plus vrais et plus positifs tendent au but et aspirent au résultat.

2010. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame de Motteville. » pp. 168-188

Elle ne paraît pas avoir songé jamais à se remarier, ni avoir connu de tendres faiblesses.

2011. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Ce Dialogue est beau, mais un peu tendu ; ce n’est pas tout à fait ainsi que des héros et des hommes d’État causent dans leur chambre, même avec des philosophes.

2012. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

Marié à vingt-quatre ans, il trouvera en elle durant des années une tendre et fidèle compagne, et qui l’aidera beaucoup dans le travail de sa boutique.

2013. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Il n’a pas craint quelque part de comparer crûment la charge des peuples à celle des bêtes de somme, qui doit être proportionnée à leurs forces : « Il en est de même, ajoute-t-il, des subsides à l’égard des peuples ; s’ils n’étaient modérés, lors même qu’ils seraient utiles au public, ils ne laisseraient pas d’être injustes. » Dans tout ce que j’aurai à dire de Richelieu, je m’attacherai à le faire avec vérité, sans parti pris, sans idée de dénigrement : on est revenu, par expérience, de cette idée-là, qui tendait à méconnaître et à déprimer en lui l’un des plus généreux artisans de la grandeur de la France.

2014. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Necker composa dans les années qui suivirent (1781-1788), portent la marque de cette sensibilité tendre et vive qu’il ne prend pas le soin de dissimuler.

2015. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

Sans amis, comme sans famille, Ici-bas vivre en étranger ; Se retirer dans sa coquille Au signal du moindre danger ; S’aimer d’une amitié sans bornes ; De soi seul emplir sa maison ; En sortir, suivant la saison, Pour faire à son prochain les cornes ; Signaler ses pas destructeurs Par les traces les plus impures ; Outrager les plus tendres fleurs Par ses baisers ou ses morsures ; Enfin, chez soi, comme en prison, Vieillir de jour en jour plus triste, C’est l’histoire de l’égoïste Et celle du Colimaçon.

2016. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

En réunissant ces attributs et en les élevant à l’infini, nous supposons qu’ils coïncident ensemble, comme ils tendent à coïncider en nous à mesure qu’ils se développent.

2017. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

Flaubert, comprenant lui-même le caractère exclusif de cette théorie, ajoute : « Si je continuais longtemps de ce train-là, je me fourrerais complètement le doigt dans l’œil, car, d’un autre côté, l’art doit être bonhomme. » Oui, et la formule est juste, l’art doit être bonhomme, c’est-à-dire point gourmé, point tendu, point poseur, accueillant pour toutes les choses de la vie et tous les êtres de la nature.

2018. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre VI. Des Livres qui traitent de la Rhétorique. » pp. 294-329

Le seul précepte que je n’ai jamais perdu de vue, parce qu’il est le seul indispensable, & qu’il comprend tous les autres, c’est celui de tendre toujours à la plus grande utilité de l’auditeur.

2019. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

» Et, Lettre XXX : « J’espère que mon séjour ici sera court, dans l’impatience extrême où je suis… de vous vouer une reconnaissance et un attachement éternels, — ne pouvant cesser de vous rapporter la grandeur solide et la décoration extérieure de ma maison, et de me BAIGNER, puisqu’il faut vous le dire, dans ce comble d’amitié à qui rien de grand ou de petit n’échappe… » Et plus loin, Lettre XXXV, toujours à Dubois : « Je finis par où j’aurais dû commencer, par l’effusion la plus tendre et la plus respectueuse pour Votre Éminence, et par les protestations les plus ardentes d’un respect et d’une reconnaissance qui ne finiront jamais. » Puis encore, à la Lettre LX : « Madame de Saint-Simon a eu la galanterie de m’envoyer votre mandement sur le jubilé !

2020. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

Pour l’acquit probablement de sa conscience d’éditeur littéraire, M. de Lescure a recueilli, il est vrai, comme un double échantillon des aptitudes littéraires et philosophiques de Rivarol, le Discours (si connu du reste) sur l’universalité de la langue française, couronné par l’Académie de Berlin, et le Discours (moins apprécié) sur l’homme intellectuel et moral, d’un si mâle spiritualisme encore malgré les influences de toutes les philosophies du xviiie  siècle, qui tendaient à l’anéantir.

2021. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

. — 111 Tends ton arc vers le but, ô mon âme !

2022. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Quant à l’empereur Frédéric, à ce terrible pupille d’Innocent III, qui, maître une fois de l’empire, brava si hardiment les pontifes de Rome, une tendre chanson qu’on lui attribue nous étonne par une humilité langoureuse, mais elle n’a rien de la grâce ni de l’ardeur lyrique ; et c’est ailleurs qu’il faut chercher ces germes de poésie nouvelle déjà semés dans l’Europe, couvés sous les feux du Midi, recueillis dans les cours, et que bientôt allait concentrer dans le miroir ardent de son génie l’Homère du moyen âge.

2023. (1890) Dramaturges et romanciers

Vous êtes belles, aimables, amusantes ; vous devriez être encore bonnes, tendres et dévouées. — Comment M.  […] Priez-le de vous tendre la main, il vous refusera avec sincérité ; implorez sa compassion, il vous répondra avec véracité qu’il ne peut vous accorder ce qui lui manque. […] Ce sont de véritables confessions du cœur révélées par un jeune confesseur au cœur tendre, tout ému des aimables péchés qu’il a reçus en confidence, et indulgent en proportion des douces émotions qu’il a épronvées. […] Et comme on doit bien dormir dans ce petit cimetière, le plus gai que je connaisse, — un cimetière qui vous invite à vous y reposer avec la vivacité gracieuse d’un enfant qui tend les bras vers sa mère ! […] La plupart des sujets de ces légers croquis appelaient le trait sec du caricaturiste, le dessin outré de la charge, la rieuse insolence de la parodie, la pointe acérée de la satire, et voici, surprise charmante, que nous les trouvons revêtus des tendres couleurs de l’aquarelle et de la brillante poussière du pastel.

2024. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Quand il veut être ingénieux, Benserade et Voiture sont surpassés en afféterie ; quand il veut être tendre et amoureux, il est sec, guindé ; les mots se tirent les uns les autres avec effort comme une bande de danseurs. […] Lamartine est doux et tendre là où Hugo est de pierre. […] J’ai toujours entendu louer un poète en disant qu’il était ingénieux, tendre, fougueux, etc. ; mais « correct dans l’imprévu », jamais louange ne m’a paru si décevante. […] Michelet a écrit son livre pendant que « les hirondelles familières se mêlaient à la causerie, que son rouge-gorge familier y jetait des notes tendres, et que parfois le rossignol la suspendait de son concert solennel ». […] Il n’est pas nécessaire d’être exact, on invente facilement la petite romance des quatre saisons ; avec les feuilles vert tendre, les rayons obliques, le pourpre du soir, on fait un délicieux petit tableau : malheureusement pour eux, ils font toujours le même.

2025. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Le plus tendre, le plus sincère des quatre poètes que je viens de nommer, Tibulle, est séparé de Pétrarque par un intervalle immense. […] Il a surtout tendu avec une verve entraînante l’élan généreux qui couvrit la France entière de fédérations. […] Riche, belle encore malgré son âge, courtisée, tendre à la fleurette, comment son indulgence ferme-t-elle la bouche aux médisants ?

2026. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Que Bernis eût réellement cette tranquillité et ce contentement dont il parle, et que ce soit chez lui l’état fondamental en ces années d’inaction et d’exil, je n’oserais en répondre : il suffit qu’il y tende, qu’il y revienne le plus possible par la réflexion, et que son humeur ne jure pas avec son désir.

2027. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

Ce billet est le plus vif de tous ceux qu’on lit dans la correspondance de Voltaire avec Duclos ; car ils ne furent jamais dans des termes intimes ni bien tendres.

2028. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Ici, il est dans les sentiers qu’il préfère, aimant mieux en toutes choses le rusé que le grand, le coquet que le tendre, le je ne sais quoi que la vraie beauté.

2029. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Mais je prierai le préopinant de déclarer si, dans cet ouvrage, médité par lui avec l’intention d’employer contre moi mes propres paroles, il y a un seul mot qui tende à proposer, ou seulement à excuser la censure.

2030. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Ces distinctions ont cessé ou tendent de plus en plus à disparaître.

2031. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Émile Chasles, dans une thèse sur la Comédie en France au xvie siècle (1862), a rendu plus de justice qu’on ne l’avait fait encore à l’effort tenté par quelques poètes de la Pléiade pour instituer une comédie qui ne fût plus celle des carrefours et qui tendait à devenir la comédie des honnêtes gens.

2032. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

A l’épouse la plus fidèle On rendra le plus tendre époux ; Les portes d’airain, les verroux, S’ouvriront bientôt devant elle.

2033. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Ou bien c’est le roman qui nous séduit et nous appelle ; on veut se loger dans les plus tendres cœurs et être lu des plus beaux yeux.

2034. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

Quitter l’Espagne dès l’instant qu’il y avait mis pied, ne pas pousser plus loin cette glorieuse victoire du Cid, et renoncer de gaieté de cœur à tant de héros magnanimes qui lui tendaient les bras, mais tourner à côté et s’attaquer à une Rome castillane, sur la foi de Lucain et de Sénèque, ces Espagnols, bourgeois sous Néron, c’était pour Corneille ne pas profiter de tous ses avantages et mal interpréter la voix de son génie au moment où elle venait de parler si clairement.

2035. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Il le console, en sage tendre, de la mort d’un jeune enfant : « Ces êtres d’un jour ne doivent pas être pleures longuement comme des hommes ; mais les larmes qu’ils font couler sont amères.

2036. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

C’était la pensée égalitaire devenue homme, l’incarnation d’une impossibilité à laquelle tend l’idéal, mais à laquelle la nature résiste, et qui n’est pas par conséquent le plan divin des sociétés.

2037. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Puis, vers 1180, un poète allemand, Henri le Glichezare, faisait de l’histoire de Renart un poème suivi, qui semble attester que les récits français tendaient déjà à se grouper dans un certain ordre.

2038. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Tout en lui tend à la joie, et a la joie de sa compagnie, sans laquelle la sienne ne saurait subsister.

2039. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

Madame se jetait aux pieds du farouche époux, prodiguait les supplications éplorées et les plus tendres harangues.

2040. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

Ce sont ces différens plaisirs de notre ame qui forment les objets du goût, comme le beau, le bon, l’agréable, le naïf, le délicat, le tendre, le gracieux, le je ne sais quoi, le noble, le grand, le sublime, le majestueux, &c.

2041. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Les lettres de Marguerite, presque toutes écrites à son frère, quoique d’un tour moins vif que ses contes, à cause des formes de respect qu’elle observe à l’égard du roi jusque dans les expressions du plus tendre attachement pour le frère, sont pleines de cette douceur de cette adresse, de cette insinuation qu’on admire dans les discours de dame Oysille.

2042. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

C’est pourquoi les romanciers et les auteurs dramatiques se sont jetés avec avidité sur ce sujet attendrissant, et en quelques années ils ont prodigué les fictions82 où ils se sont faits les porte-parole de l’Église catholique, des esprits conservateurs ou des cœurs tendres contre la dissolution légale de la famille.

2043. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Le jeune Eliacin s’exprime avec une aisance et une sûreté qu’on n’eût pas attendues d’un âge si tendre.

2044. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Elles sont tour à tour tendres et enflammées.

2045. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Écoutons le raisonnement : Si l’on veut bien considérer, nous dit d’Olivet, qu’il a vécu quatre-vingt-onze ans moins quelques jours, qu’il se porta dès sa plus tendre enfance à l’étude, qu’il a toujours eu presque tout son temps à lui ; qu’il a presque toujours joui d’une santé inaltérable ; qu’à son lever, à son coucher, durant ses repas, il se faisait lire par ses valets ; qu’en un mot, et pour me servir de ses termes, ni le feu de la jeunesse, ni l’embarras des affaires, ni la diversité des emplois, ni la société de ses égaux, ni le tracas du monde, n’ont pu modérer cet amour indomptable de l’érudition qui l’a toujours possédé, une conséquence qu’il me semble qu’on pourrait tirer de là, c’est que M. d’Avranches est peut-être, de tous les hommes qu’il y eut jamais, celui qui a le plus étudié.

2046. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

refusez vos tendres airs À ces nobles qui, d’âge en âge, Pour en donner portent des fers.

2047. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

 » Et cette dignité chez Goethe, dans le talent comme dans la personne, se marie très bien avec les grâces, non pas avec les grâces tendres ou naïves, mais avec les grâces sévères et un peu réfléchies : « Ami, lui dit-elle encore avec passion, je pourrais être jalouse des Grâces ; elles sont femmes, et elles te précèdent sans cesse ; où tu parais, paraît avec toi la sainte Harmonie. » Elle le comprend sous les différentes formes qu’a revêtues son talent, sous la forme passagère et orageuse de Werther, comme sous la figure plus calme et supérieure qui a triomphé : « Torrent superbe, oh !

2048. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

L’auteur supprime en idée tout ce qui est du caractère et du génie particulier aux diverses races, aux diverses nations ; il tend à niveler dans une médiocrité universelle les facultés supérieures et ce qu’on appelle les dons de nature ; il se réjouit du jour futur où il n’y aura plus lieu aux grandes vertus, aux actes d’héroïsme, où tout cela sera devenu inutile par suite de l’élévation graduelle du niveau commun.

2049. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Il en a fait un délicieux de Mme de La Vallière, qu’il est juste de mettre en regard de celui de Colbert, où l’on vient de voir les plis du front : Elle avait le teint beau, les cheveux blonds, le sourire agréable, les yeux bleus, et le regard si tendre et en même temps si modeste, qu’il gagnait le cœur et l’estime au même moment : au reste, assez peu d’esprit, qu’elle ne laissait pas d’orner tous les jours par une lecture continuelle.

2050. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. Ad. de Bacourt, ancien ambassadeur. » pp. 97-120

Il tendait la main à La Fayette et lui disait : « Me voilà !

2051. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Telle m’apparaît, malgré tous mes efforts pour me la représenter plus aimable, la géographe du pays de Tendre, la Sapho de Pellisson.

2052. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Navarre, receveur des tailles à Soissons, était, nous dit un homme non amoureux (Grosley), la plus brillante partie de sa famille ; elle visait au grand, à l’extraordinaire, et se fit aimer du maréchal de Saxe : « La beauté, les grâces, les talents, un esprit délicat, un cœur tendre, l’appelaient à cette brillante conquête… Sa conversation était délicieuse70. » Marmontel nous la montre de plus imprévue, capricieuse, avec plus d’éclat encore que de beauté : « Vêtue en Polonaise, de la manière la plus galante, deux longues tresses flottaient sur ses épaules ; et sur sa tête des fleurs jonquille, mêlées parmi ses cheveux, relevaient merveilleusement l’éclat de ce beau teint de brune qu’animaient de leurs feux deux yeux étincelants. » C’est cette amazone, cette belle guerrière qui, sacrifiant l’illustre maréchal au jeune poète, enleva un matin Marmontel à ses sociétés de Paris et le transporta d’un coup de baguette dans sa solitude d’Avenay, où elle le garda plusieurs mois enfermé au milieu des vignes de Champagne comme dans une île de Calypso.

2053. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

Marmont s’est trouvé en face d’événements plus forts que les hommes ; tout s’arrangera ; il nous reviendra avant peu. » Dans tout ce que je dis ici sur Napoléon, je sens combien la lutte est inégale entre lui et Marmont, et je ne prétends nullement l’établir : mais j’aime à recueillir les bonnes paroles, celles qui tendaient à réparer.

2054. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

bientôt sur ce canevas si follement tracé viendra une musique tout assortie, rapide, brillante aussi, légère, tendre, fine et moqueuse, s’insinuant dans l’âme par tous les sens, et elle aura nom Rossini.

2055. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

Les terreurs que les deux femmes qui l’élevaient contradictoirement mêlaient à l’envi aux contes du coin du feu paraissent lui en a oir ôté tout le charme, et on ne voit jamais trace chez lui d’un tendre regard en arrière vers les années de son enfance.

2056. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre premier. Existence de la volonté »

Elles n’ont de rapport avec l’espace, de caractère extensif, que par le but extérieur auquel elles tendent, par la représentation de tel effet à atteindre dans l’étendue ; en elles-mêmes, elles n’apparaissent qu’avec un caractère d’intensité.

2057. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Riche d’images, le style tend à l’obscurité ; une image nouvelle, étant la représentation presque directe d’un fragment de vie, est beaucoup moins péremptoire que le cliché, lequel est, si l’on ose dire, une image abstraite.

2058. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Un curieux genre pudibond tend à prévaloir ; nous rougissons de la façon grossière dont les grenadiers se font tuer ; la rhétorique a pour les héros des feuilles de vigne qu’on appelle périphrases ; il est convenu que le bivouac parle comme le couvent, les propos de corps de garde sont une calomnie ; un vétéran baisse les yeux au souvenir de Waterloo, on donne la croix d’honneur à ces yeux baissés ; de certains mots qui sont dans l’histoire n’ont pas droit à l’histoire, et il est bien entendu, par exemple, que le gendarme qui tira un coup de pistolet sur Robespierre à l’Hôtel-de-Ville se nommait La-garde-meurt-et-ne-se-rend-pas.

2059. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

Tout porte à croire que la société, après beaucoup d’épreuves passées ou futures, tend à se constituer de plus en plus sur le principe de la libre discussion.

2060. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre X. Des Livres nécessaires pour l’étude de la Langue Françoise. » pp. 270-314

L’édition de Hollande est augmentée de plus de deux cens articles, & de plusieurs piéces ingénieuses, mais trop satyriques, quoiqu’elles tendent toutes au même but, de ridiculiser le langage précieux & affecté.

2061. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

Il faudrait se moquer de la simplicité de ces bonnes gens qui ont prétendu former d’honnêtes et habiles citoyens, des hommes utiles, de grands hommes, en se promenant, en causant, en plaisantant ; accoutumer la jeunesse à la pratique éclairée des vertus et l’initier aux sciences par manière de passe-temps ; oui, certes, il faudrait s’en moquer si l’on ne respectait la bonté de leur âme et leur tendre compassion poulies années innocentes de notre vie.

2062. (1860) Ceci n’est pas un livre « Hors barrières » pp. 241-298

Ce qu’on me parlait là, c’était un espagnol de fantaisie : la couleur locale tendait à s’effacer.

2063. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

Le propre de l’éloquence est non seulement de remuer, mais d’élever l’âme ; c’est l’effet même de celle qui ne paraît destinée qu’à nous arracher des larmes ; le pathétique et le sublime se tiennent ; en se sentant attendri, on se trouve en même temps plus grand, parce qu’on se trouve meilleur ; la tristesse délicieuse et douce, que produisent en nous un discours, un tableau touchant, nous donne bonne opinion de nous-mêmes par le témoignage qu’elle nous rend de la sensibilité de notre âme ; ce témoignage est une des principales sources du plaisir qu’on goûte en aimant, et en général de celui que les sentiments tendres et profonds nous font éprouver.

2064. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Eh bien, c’est cette force des choses, avec laquelle on tend nécessairement à amnistier les fautes et les crimes, c’est cette épouvantable erreur, cachée sous un nom imposant qui fait baisser le front aux niais, contre laquelle Cassagnac a relevé le sien avec une noble intelligence quand il nous a donné, dans son livre, l’histoire des hommes individuels pour couronner l’histoire des faits généraux !

2065. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

Nettement n’a pas plus dans sa phrase incorrecte, nombreuse, et comme grasse, que dans son esprit qui n’est jamais tendu que parce qu’il est un peu enflé, les jointures dont parle quelque part La Rochefoucauld.

2066. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

Mais sont-ce des parts égales que ces reformes tendent à faire aux hommes, si différents qu’ils soient, ou — comme il le faudrait pour qu’elles répondissent à notre définition, — sont-ce des parts proportionnelles à la valeur des actes ?

2067. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Un poëte lyrique était né pour la France, avec des nuances admirables de douceur élégiaque et de tendre mélancolie.

2068. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Les soins qu’il faut apporter dans le choix de ses amitiés, l’art d’utiliser à son profil les relations les plus indifférentes en apparence, de se lier publiquement avec une femme de ton, pour se ménager l’entrée des meilleures maisons, la tendre mère n’oublie rien. […] Que votre parole grave ou folle, tendre ou austère, passe par les lèvres de François Ier, ou de Triboulet, de la comtesse de Châteaubriant ou de la duchesse d’Angoulême, elle pourra être belle, mais non pas vivante. […] Sans doute, les vrais amis de la rêverie religieuse et tendre ne détacheront pas leur admiration de ces deux beaux monuments ; mais, pour le plus grand nombre, la poésie embryonnaire du Voyage se confondra irrésistiblement avec la poésie vivante et vigoureuse des Méditations et des Harmonies. […] Il a tendu à bien des grandeurs chancelantes une main fraternelle, dont l’étreinte s’est relâchée, sans qu’il y eût de sa faute. […] Non ; comme la beauté suprême, vers laquelle doit tendre incessamment le génie du poète, n’est autre chose que la suprême vérité, révélée par l’inspiration et l’éloquence au lieu d’être démontrée par le procédé lent et successif de l’enseignement, la critique n’a qu’un devoir, ce n’est ni celui du légiste, ni celui du prêtre, c’est celui de l’historien.

2069. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Sous la voûte, une petite fille tend au colonel un large bouquet tricolore. […] Les hussards, sabres tendus, volent. […] Or, depuis qu’on a renoncé à une telle prétention, des sciences nouvelles tendent à se constituer. […] Sous les Capétiens déjà, toute notre politique, à l’extérieur, tend à ne pas laisser se faire l’unité allemande. […] Mais tout son récit des opérations militaires tend à cette conclusion.

2070. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Ou, si l’on veut encore, et en prenant un autre chemin pour aboutir aux mêmes conclusions : comme la tragi-comédie, tout en la combattant, ne tendait pas moins vers la tragédie comme vers une forme plus sévère et plus pure d’elle-même, elle en diffère dans la mesure, très diverse pour chaque cas, dont les variétés d’un même genre diffèrent de celle qui contient, qui résume, et qui réalise en soi, à un degré supérieur, ce qu’elles ont toutes de commun et d’essentiel. […] Ainsi se précisait le vague héroïque et galant des romans de La Calprenède ; ainsi la peinture de la réalité, qui n’avait servi à d’Urfé, dans son Astrée, que d’un point de départ, devenait, au contraire, l’objet même d’Artamène ou de Clélie ; et ainsi, dans ces romans mêmes, le genre se dégageait de ce qu’il avait encore jusque-là d’allure épique, pour tendre à une imitation plus fidèle de la vie. […] Iceux, quand par vile subjection et contrainte sont déprimés et asservis, détournent la noble affection, par laquelle à vertu franchement tendaient, à déposer et enfreindre ce joug de servitude : car nous entreprenons toujours choses défendues et convoitons ce que nous est dénié. »

2071. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

En revanche, il l’était peu de sa mère, fille pourtant du célèbre sculpteur Dubois, mais qui paraît avoir été une personne assez insignifiante, étroite de cœur et d’esprit ; elle ne lui avait guère laissé de tendres souvenirs. […] Les tendres ne rêvent que Tibulle, les libertins se jettent du côté de Martial ; les uns comme les autres prennent le chemin de traverse en sortant.

2072. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Seulement il n’a pas mis le public dans sa confidence ; il a fait avec ses bonnes fortunes littéraires comme l’élégiaque conseille de faire en des rencontres plus tendres : Qui sapit, in tacito gaudeat ille sinu ; il a été discret et heureux avec mystère, ou du moins il n’a laissé courir et s’ébattre ces enfants de son plaisir que dans un petit nombre de cercles enviés qui en ont joui avec lui. […] Guizot, alors directeur général à l’intérieur, et pendant toute l’année 1819 il servit de sa plume une politique qui tendait à réaliser ses vœux.

2073. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Sans jamais tendre notre esprit par aucun effort d’attention soutenue, sans nous attacher même par aucun intérêt sérieux, son théâtre nous retient par les seuls attraits d’une poésie et d’une gaieté toujours épanouies. Je sais bien que ces comédies, si légères et si aériennes, ont un contrepoids assez lourd qui tend à les ramener vers la terre et vers le sérieux ; je veux parler des personnages publics et des passions poétiques.

2074. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Thiers, que la Révolution, qui avait eu son débordement de démagogie et de sang, devait rentrer dans son lit en se purifiant de toutes ses souillures ; nous pensons comme lui aussi qu’une liberté ne peut se fonder qu’en se modérant et en se donnant à elle-même de sévères limites ; mais nous pensons que la France, déjà corrigée par le spectacle et par le repentir de ses excès, tendait à se donner à elle-même ces institutions et ces limites, et que, la refouler tout à coup jusqu’au-delà des principes sains de 1789, c’était lui faire perdre en un jour tout le terrain franchi en neuf ans de travail, et lui préparer pour l’avenir un second accès de révolution pire que le premier. […] Il n’y manque, pour fanatiser l’œil du peuple, que ce général équestre franchissant au galop de son cheval aux jarrets tendus la cime des Alpes, comme dans le portrait de Bonaparte par David.

2075. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

Il revint une seconde fois, puis une troisième, et remarquant toujours une diminution nouvelle dans le trésor (les voleurs ne cessaient d’y puiser), il fut obligé de recourir à la ruse, et fit fabriquer des piéges qu’il tendit dans le voisinage des vases. […] Interrogé par elle comme les autres, il lui dit : « que ce qu’il avait fait de plus hardi et de plus criminel était d’avoir coupé la tête de son frère, pris à un piége tendu dans le trésor du roi ; et que ce qu’il avait fait de plus adroit était d’être parvenu à enlever le corps de ce frère, après avoir enivré les soldats chargés de le garder. » Lorsque la fille du roi entendit cet aveu, elle se jeta sur le jeune homme et crut l’avoir arrêté, mais comme elle n’avait saisi que le bras mort dont il s’était muni, il s’évada par la porte et parvint à s’enfuir.

2076. (1925) La fin de l’art

Histoires de médecins Molière a été presque tendre pour les médecins du grand siècle. […] Tant qu’il reste dans la science pure, ses principes sont solides, mais il a voulu aborder la psychologie et aussitôt le philosophe a déraillé, s’engageant dans une dissertation qui tend à prouver que « la thèse de la liberté de notre volonté ne contredit pas le déterminisme.

2077. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

De plus, le souvenir tend à laisser échapper ce qui était pénible pour ne garder que ce qui était agréable ou au contraire franchement douloureux. […] C’est ce à quoi nous devons tendre.

2078. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

La fureur de collectionner des contemporains, l’entassement, dans les demeures, d’un bric-à-brac sans but qui n’en devient ni plus utile ni plus beau pour être baptisé du nom tendre de « bibelots », nous apparaissent sous un jour tout nouveau, quand nous savons que Magnan a constaté chez les dégénérés un instinct irrésistible d’acquérir des babioles inutiles. […] C’est ainsi qu’à un endroit, les morts sont habillés de blanc et parés d’une auréole ; ils apparaissent par couples et s’adressent de tendres noms ; on doit donc se les figurer avec une ressemblance humaine. […] Le mauvais cavalier qui ne se sent pas sûr de lui remonte ordinairement ses jambes et tombe certainement, tandis qu’il conserverait vraisemblablement l’équilibre, s’il les laissait tendues. […] En France, on n’est pas tombé dans le panneau tendu par de pauvres sots et des farceurs de sang-froid, et l’on a reconnu le symbolisme pour ce qu’il est : de la folie ou du charlatanisme. […] Il ne peut que dire en général : « Je suis triste », « je suis gai », « je suis tendre », « j’ai peur ».

2079. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Aussi, lorsque j’eus l’honneur d’interroger de ce côté, les termes d’amabilité parfaite et de bonté tendre furent ceux par lesquels on me répondit tout d’abord, et ils étaient prononcés avec un accent ému, pénétré, qui déjà m’en confirmait le sens et qui m’apprenait beaucoup : « La plus belle partie de sa vie est la partie cachée et qu’on ne dira pas !  […] Que d’autres invoquent donc tant qu’il leur plaira la parole muette, nous rirons en paix de ce faux Dieu, attendant toujours avec une tendre impatience le moment où ses partisans détrompés se jetteront dans nos bras, ouverts bientôt depuis trois siècles. » Tout ce passage est d’un bel accent. […] Je passais chez lui presque toutes les soirées, et je lui ai entendu faire plusieurs fois allusion à sa mort prochaine, et toujours de la même manière, c’est-à-dire avec une paix admirable et le soin de ménager sa famille, pour laquelle il n’avait jamais été si tendre et si affectueux.

2080. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

Regardez de plus près cependant ce freluquet enrubanné qui roucoule les chansons de Florian dans un habit vert tendre. […] Pour eux, ils sont « les princes de l’espèce humaine. » « Je les vois passer, l’orgueil dans le maintien, le défi dans les yeux, tendus vers de hauts desseins, troupe sérieuse et pensive. […] Je le poursuivrais jusqu’au bout de ma vie et je tendrais le dernier effort de ma volonté pour sauver de l’oubli son opprobre éphémère et pour rendre immortelle l’infamie de son nom864. » Excepté Swift, y a-t-il une créature humaine qui ait plus volontairement concentré et aigri dans son cœur le poison de la haine ?

2081. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Mais, même dans cette espèce d’absorption en Dieu, qui est le trait des contemplatifs, il veut que la raison surnage, et qu’on la sente jusque dans le sacrifice qu’elle fait d’elle-même ; il se tient en deçà des rêveries dont se repaissait l’imagination tendre et subtile de Fénelon. […] Il ne veut pas de réflexions trop tendues, ni de ces examens trop scrupuleux qui échauffent l’esprit et s’égarent. […] Doué d’une imagination tendre et d’une âme passionnée, dans une profession qui lui interdisait de donner son cœur à aucune créature vivante, il ne trouva que Dieu qui lui fit connaître la douceur d’aimer impunément.

2082. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

Sur les boulevards, tous, — hommes et femmes, — interrogent de l’œil la figure qui passe, tendent l’oreille à la bouche qui parle, inquiets, anxieux, effarés. […] D’un côté est grimpé un mobile, son mouchoir encadrant sa tête à l’arabe sous son képi, de l’autre côté un jeune soldat de ligne tend son shako à la foule : Pour les blessés de l’armée française. […] Vendredi 14 octobre C’est étonnant, comme on se fait à cette vie scandée de coups de canon, à ce beau ronflement lointain, à ce claquement formidable, à cette vibration de l’air ; et ces énergiques ondes sonores vous manquent, et vous font tendre l’oreille vers l’horizon, une minute silencieux. […] On y voit encore des fillettes qui, dans l’effort de porter un petit sac sur leurs têtes, montrent tendu en avant, sous le placage de la robe mouillée, le dessin menu de leur petit ventre, de leurs cuisses grêles.

2083. (1864) Études sur Shakespeare

Ce soin amical et la complaisance avec laquelle Shakespeare reproduit dans la pièce, à propos des armes de Shallow, le jeu de mots qui faisait tout le sel de sa ballade contre sir Thomas Lucy, ont bien l’air d’un tendre souvenir ; et, à coup sûr, peu d’anecdotes historiques peuvent produire, en faveur de leur authenticité, des preuves morales aussi concluantes. […] Ailleurs tout tendit à séparer les diverses conditions sociales, à isoler même les individus ; là tout concourut à les rapprocher, à les mettre en présence. […] Ce besoin de gaieté, et de gaieté sans mélange, a donné de bonne heure chez nous, aux classes inférieures, leurs farces comiques où n’entrait rien qui ne tendit à provoquer le rire. […] Cependant Shakespeare ne pouvait ignorer la tendresse paternelle : celui qui, dans Macbeth, a peint la pitié sous la forme d’un « pauvre petit nouveau-né tout nu » ; celui qui a fait dire à Coriolan : « Pour ne pas devenir faible et sensible comme une femme, il ne faut pas voir le visage d’une femme ou d’un enfant » ; celui qui a si bien rendu les tendres puérilités de l’amour maternel, celui-là ne pouvait avoir vu ses propres enfants sans ressentir les tendresses de cœur d’un père.

2084. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Les conceptions de l’esprit humain tendent donc à la simplicité25 et cela est visible dans toutes les religions qui évoluent. […] Cet homme tendre n’est ni plus ni moins féroce que ses congénères ; ami des bêtes, sans doute, mais qui souffre fort bien que l’on châtre, pour qu’ils engraissent mieux, les fils du taureau et les fils du bélier. […] Il est, sur l’amour, inépuisable ; il est tour à tencore une minuteour tendre, subtil, passionné, délirant. […] Aussi tous les efforts sont respectables qui tendent à améliorer cette possession périssable et qui, à chaque chute d’un jour, a déjà perdu un peu de sa valeur. […] S’il y avait une vérité, il faudrait la connaître : supposez que, pour converser avec sa tendre amie, il fallût avoir appris le calcul infinitésimal ?

2085. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Il nous le montre réservé, taciturne, se dressant « à céler aux autres les émotions de son âme trop tendre ». […] Si l’on considère la maladie comme l’extrême limite vers laquelle tendent une foule d’états qui en sont l’ébauche, la psychologie morbide n’est que le tableau, poussé et complet, des désordres qui s’esquissent et s’estompent dans la psychologie saine encore. […] Cette légende dramatique risquait de mettre dans votre famille quelque chose d’excessif et d’un peu tendu. […] Le même témoin qui m’a renseigné sur votre père me la décrit animée pour vous d’une tendre ambition qui n’était qu’un pressentiment, et gaie, courageuse, avec des reparties de ce spirituel bon sens, inné aux compatriotes de La Fontaine. […] Au lieu de s’avouer ses insuffisances, il s’est tendu à les cacher, à tous, et d’abord à lui-même, en affirmant ses partis pris, tous aveugles, avec une superbe qui étonna.

2086. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Le document, comme on dit, le document, humain ou autre, triomphe sur toute la ligne ; le document, qu’il soit naturaliste ou qu’il soit archéologique, ne tend à rien de moins qu’à remplacer, qu’à détrôner la littérature et l’art. — Mon Dieu ! […] Rodrigue alors, paraissant tout à coup, et préférant être tué par elle, lui tend son épée. […] et plus difficile peut-être que l’autre, car on ne lui tend pas des palmes publiques pour le couronner devant l’univers. […] Cette phrase regarde le public, dont elle tend à expliquer et à excuser l’engouement, et en même temps elle semble paraphraser l’annotation du Cardinal que nous avons citée tout-à-l’heure ; elle en ôte seulement la mauvaise humeur, sans avoir l’air d’y songer. […] Or il est de principe en justice que le doute profite à l’accusé, et l’accusé, ici, c’est le grand Corneille, Si donc, d’après ce que je viens de vous exposer fidèlement, l’authenticité de ce sonnet qu’on lui attribue ne paraît pas suffisamment prouvée, la conséquence est que nous devons, provisoirement, décharger sa mémoire de cette imputation qui tendrait à la ternir, le dit sonnet démentant d’une part, à la distance de quelques mois seulement, la modération louable du quatrain, que rien ne l’obligeait d’écrire, et, de l’autre, faisant un contraste si tranché et si peu honorable avec les adulations outrées de l’Épître dédicatoire d’Horace.

2087. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

La plupart des lettres des littérateurs et beaux esprits du temps de Balzac sont taillées sur son patron : ainsi celles de Maynard, de M. de Plassac, du chevalier de Méré ; mais plus on se rapproche de la Cour et de Voiture, plus le badinage et une certaine familiarité recherchée s’y mêlent et tendent à corriger la solennité du premier maître.

2088. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Froissart, qui ne perd aucune occasion de nous faire assister au spectacle, nous montre pendant ces heures de répit le roi de France qui fait tendre sur le terrain, dans le lieu même où il s’est arrêté, un pavillon de soie vermeille, très élégant et très riche ; le roi rompt et congédie pour le reste du jour ses divers corps d’armée, sauf les deux troupes du connétable et des maréchaux.

2089. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

Ces ingénieux écrits n’eurent qu’un demi-succès, parce qu’ils ne rentraient dans aucune des écoles régnantes et qu’ils n’étaient pas de force à en fonder une ; avec du vague dans l’ensemble, ils renferment bien de précieux détails, de fines observations sur les âges, sur les passions, sur la conversation, sur l’ennui, sur le bonheur…, et ils tendent en général à faire valoir le sentiment, trop sacrifié par les idéologues.

2090. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Il faut connaître tous les grands hommes, et celui-ci a le cœur si étendu et l’âme si tendre que par les sentiments il est au-dessus des lumières de l’esprit. — Adieu, madame, il fait toujours bon connaître ceux qui nous apprennent à aimer. » C’est dans une lettre à une amie qu’il a glissé cette pensée.

2091. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Je dirai presque qu’après avoir lu ces pages sur la mort de son vieil instituteur, on, ne peut s’empêcher de penser que Tocqueville avait la sensibilité trop vive et trop tendre, le cœur trop gros pour un philosophe.

2092. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

Il est possible pourtant que l’ordre daté de Dresde, le 13 mai au soir, ait paru indiquer plus probablement au maréchal cette direction de Berlin, et que Jomini ait dû alors insister auprès de lui par toutes les raisons stratégiques qui tendaient à la contre-indiquer.

2093. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

En province surtout où les existences de quelques femmes sont plus souffrantes, plus étouffées et étiolées que dans le monde parisien, où le désaccord au sein du mariage est plus comprimant et moins aisé à éluder, M. de Balzac a trouvé de vifs et tendres enthousiasmes ; le nombre y est grand des femmes de vingt-huit à trente-cinq ans, à qui il a dit leur secret, qui font profession d’aimer Balzac, qui dissertent de son génie et s’essayent, plume en main, à broder et à varier à leur tour le thème inépuisable de ces charmantes nouvelles, la Femme de trente ans, la Femme malheureuse, la Femme abandonnée, c’est là un public à lui, délicieux public malgré ses légers ridicules, et que tout le monde lui envierait assurément.

2094. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Et Arthur tout d’un coup brise ce tendre cœur de jeune fille, sans pitié, avec un sang-froid odieux.

2095. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre I »

De toutes parts, on voit des bras tendus vers le roi, qui est l’aumônier universel.

2096. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

L’image, répétition spontanée de la sensation, tend comme elle à provoquer une hallucination.

2097. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

David, berger et roi I La poésie lyrique est donc, dans tous les pays et dans toutes les langues, la manifestation de ce besoin mystérieux de chanter qui saisit l’âme toutes les fois que l’âme est saisie elle-même par ces fortes émotions qui tendent les fibres de l’imagination jusqu’à l’inspiration ou jusqu’à ce délire, délire poétique, religieux, amoureux, patriotique.

2098. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Mais ces artisans, ces bourgeois, n’eurent jamais, en près de deux siècles que vécut leur confrérie, une idée qui tendit à perfectionner l’art : tel ils le prirent dans le temps où ils s’associèrent, tel en somme, ou plus bas, ils le laissèrent quand ils renoncèrent à exploiter eux-mêmes leur privilège.

2099. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre III. Montaigne »

Livres, voyages, études, jeux, tout doit tendre là.

2100. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Comme dans ses poèmes, il a su donner aux figures symboliques une précision intense, qui les l’ait vivre : Beckford, avec sa sottise bouffie, Bell, avec sa vulgarité dure, le quaker, qui enseigne la vertu sans niaiserie et sans bavardage, et surtout cette exquise Kitty Bell, si pieuse, si dévouée, si pure, si tendre, que la pitié mène à l’amour, et qui n’avoue son amour que par sa mort, tous ces caractères sont fortement conçus, vrais à la fois comme réalités et comme symboles.

2101. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

L’un écouteur plus direct de sa spontanéité, l’autre plus fidèle prêtre de l’immuable norme, de loin ils se tendent les mains, car M. de Régnier sait aussi d’ingénues mélodies et M. 

2102. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Aucune objection ne le troubla, ni les promesses universelles de salut que Jésus-Christ fait aux hommes dans l’Évangile, ni les passages de l’Ancien Testament, où Dieu tend la main aux plus endurcis.

2103. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Cicéron, tendre père d’une fille charmante, père désespéré quand il la perdit, en est meilleur citoyen, plus attaché à ses amis, plus épris de la vérité, laquelle devient plus chère à l’homme chez qui la tendresse de cœur se communique à l’esprit, et qui aime la vérité à la fois comme une lumière et comme un sentiment.

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