Et il ajoute, après avoir cité Sainte-Beuve, Stendhal et Renan, qui sont les saints par lesquels il jure : « J’ai contribué pendant quinze ans à ces psychologies particulières ; j’aborde aujourd’hui la psychologie générale. » Et de fait, il l’aborde et s’y rue si bien que s’il ne s’y perd pas lui-même, il y a perdu ses lecteurs.
« Pour éviter le vertige, — continue Paul Meurice, — il suffit d’une rampe de bois entre le regard et l’abîme ; pour éviter l’éblouissement, il suffit d’un verre dépoli entre la prunelle et le soleil Pour dissiper le mystère, — (le mystère de la sainte Trinité, excusez du peu !)
Quelle était donc cette laideur que la sainte Mort a si vite effacée du bout de son aile ?
Le grave auteur des institutions oratoires, à la tête de son quatrième livre, ne rougit pas de donner le nom de censeur très saint, et de divinité favorable, à Domitien, à ce tyran jaloux, capricieux et lâche, sous qui le nom même de la vertu fut proscrit, qui n’eut que des vices, ne fit que des crimes, empoisonna peut-être Titus, et teint de sang, voulait être homme de lettres et passer pour juste.
Il n’est pas un Anglais, un Suisse, un Allemand, Qui n’éprouve à leurs noms un saint frémissement.
« Enhardi par le feu de la jeunesse, bientôt, s’écriait-il, tu diras les champs de Philippe blanchis sous les ossements italiques, et la bataille de Pharsale, ce coup de foudre entre les exploits du vainqueur divinisé, et Caton, grand par la sainte liberté, et Pompée, ce chef populaire. » La Muse prolonge en vers élégants cette apothéose du poëte, et n’est arrêtée que par ses larmes, à la pensée du tyran qui l’a frappé.
Bonaventure (Saint), IX, 81. […] Cécile (Sainte), IX, 235. […] Elisabeth (Sainte), II, 108. […] Saint, II, 179. […] Vincent de Paul (Saint), II, 78.
Il dit que le coupable ainsi purgé, s’il a compris les choses ainsi, s’il a accepté l’expiation comme une eau lustrale, devient un saint, et si saint que de posséder ses os, sa dépouille mortelle, son sépulcre, la terre où il sera mort et où il aura voulu être enterré sera éternellement agréable aux dieux et protégée par eux. […] S’il n’y avait pas des fous de mon espèce, on ne parlerait jamais de ces vieux saints, et moi, j’ai toujours été jalousement épris de l’Écriture, des patriarches, des prophètes, savants et sages. […] Mais j’espère en la Vierge, en sa mère sainte Anne. […] Maint’nant j’faisons fair’ de fiers sauts A tout’ c’te sainte canaille. […] La petite amie du baron Hulot devenu écrivain public, Atala, y paraît une petite sainte, aimant Hulot comme un bon papa et parfaitement digne d’épouser le fils du fumiste d’en face.
Un Prieur de Sainte Genevieve de Paris en donna depuis un Traité qui a pour titre, Art de dicter Balades & Rondels. […] C’est la Sainte Chapelle de Paris & celle de Vincennes, bâties l’une & l’autre, en effet, sont remarquables par la hardiesse & la délicatesse de leur construction. […] Je chante un saint guerrier & la sainte entreprise(b), s’écriait le Pere Lemoine, d’un ton dévotement inspiré. […] Il opposait, en même tems, au gracieux Santerre, des morceaux d’un genre encore plus gracieux & plus séduisant que sa Ste Therese. […] Enfin, Dieu, la Vierge, les Anges, les Saints, les Démons, agissent si fréquemment dans ce poëme, qu’ils ne laissent rien à faire aux hommes.
A l’état très rudimentaire, les livres de chevalerie et le roman historique étaient là, tout comme les chroniques des saints et les légendes, dorées renfermaient le germe du roman psychologique, avec moins d’action et de mouvement, mais plus délicat, plus ému. […] Le saint voit défiler devant ses yeux éblouis, toutes les séductions de la chair et de l’esprit, tous les pièges que le démon peut tendre aux sens, au cœur et à l’intelligence, et, de la Reine de Saba aux Sphinx et à la Chimère, de la déesse Diane aux hérétiques Nicolaïtes, tous le troublent de leurs paroles ou de leur aspect. […] Nous n’assistons pas aux luttes gigantesques du saint ascète contre les puissances de l’enfer, mais aux mésaventures domestiques d’un médicastre de campagne. […] J’ai été élevée dans l’abstinence et la sainte horreur des romans romantiques. […] Les défenseurs de ces écoles me diront que ce n’est pas à cause de ces taches, mais, malgré elles, qu’ils vantent Horace, Espronceda, et tous les saints de leur dévotion : pour nous c’est tout la même chose.
Les saintes cérémonies consacrèrent ce mariage, où elle eut pour marraine la femme du berger sous les auspices du tendre amour. […] Roger sécha ses habits, reprit des forces, et prêta de toute son âme une oreille attentive aux grandes vérités de notre sainte loi. […] Roger, s’accommodant assez bien de cette habitation de l’ermite et d’une chère frugale, passa plusieurs jours avec le saint anachorète, qui, non-seulement lui parlait de tout ce qui tient à la religion, mais l’instruisait aussi sur son départ prochain, et même sur la postérité que le ciel lui destinait.
On érigeait en dogme intangible l’opinion de quelque mort illustre ; Aristote devint sacré, comme s’il eût été, lui aussi, inspiré de l’Esprit saint. […] » Dans une lettre qu’il écrit à l’un de ses camarades, celui qui parle ainsi lui rappelle le temps où, élèves du même collège, ils puisaient aux mêmes sources la haine des institutions de leur pays et le saint amour de la liberté, le temps où ils gémissaient sur la servitude de leur patrie et regrettaient de n’avoir pas un professeur de conjuration qui leur apprit à l’affranchir. […] On l’a dit, pour une école littéraire « l’insurrection est le plus saint des devoirs » ; et c’est un devoir que les jeunes accomplissent avec enthousiasme contre le goût et les procédés de leurs anciens.
Vinet, elle a de plus toute la consécration du devoir réfléchi et saint. […] Vinet en faveur de la liberté de tous les cultes, un peu antérieur, mais animé par une action si prochaine, ait été pour lui autre chose qu’une thèse philosophique où sa raison se complaisait : c’était une sainte et vivante cause ; et, à travers la surcharge des preuves et la chaîne un peu longue de la démonstration, à travers le style encore un peu roide et non assoupli, cette chaleur de foi communique à bien des parties de cet écrit, et surtout à la prière de la fin, une pénétrante éloquence.
On aime à s’étendre avec lui, en plus d’un endroit des Mémoires d’un Homme de qualité et de Cléveland, sur ces promenades méditatives, ces saintes lectures dans la solitude, au milieu des bois et des fontaines, une abbaye toujours dans le fond ; sur ces conversations morales entre amis, qu’Horace et Boileau ont marquées, nous dit-il, comme un des plus beaux traits dont ils composent la vie heureuse. […] Cassiodore déjà vieux, comme on sait, et dégoûté de la cour par la disgrâce de Boëce, se retira au monastère de Viviers, qu’il avait bâti dans une de ses terres, et s’y livra avec ses religieux à l’étude des anciens manuscrits, surtout à celle des saintes Lettres, à la culture de la terre et à l’exercice de la piété.
C’est Homais à Pathmos… De vieux bergers à barbes de fleuves qui conversent avec Dieu ; des rois qui sont des brigands ; des brigands qui sont des héros ; des courtisanes qui sont des saintes ; des prêtres affreux : des petits enfants qui savent le grand secret et des gotons qui l’expliquent couramment rien qu’en montrant leurs jambes ; l’humanité mise en antithèses, pareille à un immense guignol apocalyptique ; l’histoire, coupée en deux, net, par la Révolution ; l’ombre avant, la lumière après… telle est sa vision des choses. […] J’en prends une poignée, au hasard : (…) Il écrit ; Le vent d’orage emporte et sème son esprit, Une feuille, de fange et d’amour inondée… Il dénonce, il délivre ; il console, il maudit ; De la liberté sainte il est l’âpre bandit.
Parmi ceux qui ont la double auréole des grands écrivains et des saints, il n’en est aucun qui soit entré dans la vie religieuse voilé et les yeux fermés au monde. […] Leurs fautes vinrent de ce que trop de pouvoir trouble par moments les saints eux-mêmes, et je conviens que saint Chrysostome, chassé du siège de Constantinople et rétabli, puis, à travers des émeutes populaires, chassé de nouveau et exilé, a besoin de toute la bonté de sa cause et de toute la majesté de sa disgrâce pour n’avoir pas l’air d’un factieux.
L’homme de parti a besoin de croire qu’il a absolument raison, qu’il combat pour la sainte cause, que ceux qu’il a en face de lui sont des scélérats et des pervers. […] La révolution sera légitime et sainte, quand l’idée régénératrice, c’est-à-dire la religion nouvelle, ayant été découverte, il ne s’agira plus que de renverser l’état vieilli pour lui faire sa place légitime ; ou plutôt alors la révolution n’aura pas besoin d’être faite ; elle se fera d’elle-même.
Ainsi, pour les catholiques, le culte des saints, des reliques, de la Vierge fait partie intégrante de la piété chrétienne ; pour les protestants, la piété chrétienne consiste à bannir ces pratiques soi-disant pieuses. […] A chaque pas l’on rencontre des géants, vaincus comme de raison, quand ils sont musulmans, vainqueurs, dès qu’ils combattent pour la sainte cause.
Il en témoigne du regret, mais il ne ressentit jamais assez la honte de ses torts envers une faible et courageuse femme qui faillit en mourir sur le coup, et qui devint, à partir de là, une mère de charité et une sainte. […] Dans une orgie célèbre qu’il fit, lui, homme de plus de quarante ans, avec quelques débauchés de sa connaissance, durant la Semaine sainte de 1659, il fut accusé, non sans vraisemblance, d’avoir composé des couplets, d’horribles Alléluia qui offensaient à la fois la majesté divine et les majestés humaines ; et, à dater de ce moment, devenu particulièrement suspect à la reine mère et au roi, bien loin de se surveiller, il accumula les imprudences.
Ce jeune homme blond, à la coiffure soignée, si plein de respect pour lui-même, et qui portait sa tête comme un saint sacrement, débitait ses discours écrits, à la tribune, carrément, symétriquement, d’un air impassible et compassé, d’une voix âpre et sèche, mais quelquefois aussi avec des adoucissements hypocrites de ton qui simulaient les caresses et les ondulations perfides du chat-tigre. […] Il y a de jeunes fous et de vieux philosophes qui ont mis dans leur oratoire, au nombre de leurs saints, ce jeune homme atroce et théâtral, auquel on est même embarrassé, quand on embrasse sa courte et sinistre carrière, d’appliquer une seule fois le mot humain de pitié.
Si toutefois après avoir idéalisé son être véritable, après en avoir fait un signe, elle eût su ne le mettre aux prises qu’avec d’autres signes également imaginés par elle, si elle se fût gardée de le commettre avec la réalité commune, Mme Bovary eût pu être quelque grande mystique, à la façon d’une sainte Thérèse ou, avec un don d’exécution, une artiste. […] Tandis que, dans La Tentation, le délire du saint évoque la cohorte des religions et des métaphysiques se réfutant les unes les autres par le seul fait de leur confrontation, l’enthousiasme intellectuel de Bouvard et de Pécuchet qui les porte à tout apprendre, à s’élancer sans cesse dans toutes les directions de l’esprit, prête à une revue encyclopédique de toutes les philosophies et de toutes les sciences.
Ce ne sont qu’évêques dégingandés au pas saltateur de Dupré, grands prêtres de bacchanales, anges qui tiennent le saint-ciboire avec le geste d’un arc qu’un Amour détend, saints qui se renversent sur le crucifix avec des attitudes de violonistes, effets de lumière derrière les autels qui ressemblent à une gloire derrière une conque de Vénus : toute une religion descendue du Corrège, et que Noverre semble avoir réglée comme le plus délicieux opéra de Dieu ; — si bien qu’au son des flûtes, des bassons, de la musique la plus chatouillante, la plus enivrante, la plus ambrée, si l’on peut dire, on s’attend à voir un joli homme d’évêque, avec le geste sautillant d’un marquis tirer l’hostie d’une boîte d’or, et l’offrir comme une pastille ou une prise de tabac d’Espagne. […] On peut écrire que Néron était un philanthrope ou que Dubois était un saint homme.
Quoiqu’il y ait dans la nature des plantes plus ou moins saintes, des formes plus ou moins spirituelles, des animaux plus ou moins sacrés, et qu’il soit légitime de conclure, d’après les instigations de l’immense analogie universelle, que certaines nations — vastes animaux dont l’organisme est adéquat à leur milieu, — aient été préparées et éduquées par la Providence pour un but déterminé, but plus ou moins élevé, plus ou moins rapproché du ciel, — je ne veux pas faire ici autre chose qu’affirmer leur égale utilité aux yeux de CELUI qui est indéfinissable, et le miraculeux secours qu’elles se prêtent dans l’harmonie de l’univers. […] Quant aux autres, quelquefois des femmes historiques (la Cléopâtre regardant l’aspic), plus souvent des femmes de caprice, de tableaux de genre, tantôt des Marguerite, tantôt des Ophélia, des Desdémone, des Sainte Vierge même, des Madeleine, je les appellerais volontiers des femmes d’intimité.
Le Dauphin, fils de Louis XV, quelque hommage qu’on soit disposé à rendre à ses qualités et à ses vertus, n’était pas de ceux desquels on peut dire autrement que par une fiction de poète : Tu Marcellus eris ; tout en lui révèle un saint, mais c’était un roi qu’il eût fallu à la monarchie et à la France.
En 1823, octogénaire, écrivant au général La Fayette avec un poignet perclus, il lui exprime cette forte pensée : « Des alliances saintes ou infernales, dit-il, peuvent se former et retarder l’époque de la délivrance ; elles peuvent gonfler les ruisseaux de sang qui doivent encore couler ; mais leur chute doit terminer ce drame, et laisser au genre humain le droit de se gouverner lui-même. » Comme nous ne voulons rien céler de l’opinion de l’illustre vieillard, et que son autorité ne saurait jamais avoir d’effet accablant pour nous, nous transcrirons ce qu’il ajoute : « Je doutais, vous le savez, dans le temps où je vivais avec vous, si l’état de la société en Europe comportait un gouvernement républicain, et j’en doute encore.
Dans un tel état d’incohérence, la critique a beau jeu ; elle s’évertue, elle triomphe ; sous prétexte de mettre le holà à droite ou à gauche, elle augmente souvent elle-même le tumulte ; elle prêche pour son saint, elle décrie, elle exalte ; elle parle bien haut et sans savoir toujours que dire, elle fait comme les avocats ou conseillers au parlement durant la fronde, attroupant le peuple autour d’eux sur le Pont-Neuf et l’embrouillant.
Les sujets sont à tout le monde ; chaque écrivain qui veut se les approprie, sans croire voler ses devanciers, comme nos peintres peuvent faire des Sainte Famille après Raphaël, des Adoration des Mages après Rubens, comme nos sculpteurs réalisent après les Grecs les types de Diane et de Vénus.
Anatole France, et surtout le charme anecdotique de l’histoire de l’église, des apôtres et des saints : la beauté plus directement plastique des lettres et des arts grecs et français ne l’attira pas moins ; ni la beauté intellectuelle de la philosophie déterministe, de la science moderne, si relativiste, et si sceptique.
Il alla droit à Flaubert, moins au Flaubert de La Tentation de saint Antoine et d’Hérodias que magnifie de préférence la toute nouvelle littérature, qu’au Flaubert de Madame Bovary et de L’Éducation sentimentale.
Le reste, feuilles éphémères, qui naissent un jour pour mourir l’autre, menu fretin de l’anarchie intellectuelle qui nous ronge, littérature d’étudiants qui n’étudient pas, appartient « à la sainte Bohème », comme dit Théodore de Banville.
Aveugles de l’esprit, nos savants incrédules, De tout ce qui fut saint se raillent sans scrupules.
Le désir de la hauteur le saisit jusqu’à la sainte fureur de l’enthousiasme !
Heureux encor celui pour qui tu te prolonges, Ô sainte Illusion du rêve baptismal, Et qui, sous l’humble abri de son clocher natal, Vit et meurt dans la douce extase où tu le plonges.
Nous voyons que les Gentils insultaient au malheur du saint homme Job, parce que Dieu s’était déclaré contre lui.
Sous des figures et des symboles divers, cette croyance est celle de tous les grands esprits de tous les temps, des grands philosophes, des grands saints et des grands poètes. […] Ses belles et saintes larmes avaient coulé par torrents sur notre désastre à nous ! […] Le saint zèle du pontife s’égare, et, trompé par l’espérance de soumettre tous les esprits à la loi du Christ, il est saisi de la fièvre de l’ambition du monde temporel. […] Aux anges, le règne spirituel, l’âme héroïque, les pieux élans, la sainte indignation, les songes prophétiques, les divines extases des victimes. […] L’impartialité est éminemment sainte pour les bons esprits, et les gens qu’elle peut corrompre n’existent pas.
Tu sais, Seigneur, que j’ai toujours désiré mourir pour ta sainte foi. » Il fit deux ou trois pas et tomba de nouveau à genoux, et, inclinant la tête, les bras tendus en croix, les regards vers le ciel, il rendit l’âme. […] Les légendes de saint Grégoire, incestueux et parricide, de saint Jean Bouche d’Or, fornicateur et assassin, de Robert le Diable, chargé de tous les crimes, de bien d’autres saints, ne sont, dans leurs versions médiévales, que des illustrations de cette pensée. […] C’est un homme religieux, de vie sainte ; ses paroles sont rares et circonspectes ; il ne parle que quand des évêques et des personnes religieuses le lui demandent. […] Ce roman eut un grand succès et passa pour une histoire vraie, si bien que Joasaph, c’est-à-dire le Bouddha, figure encore comme un saint dans le martyrologe de l’Église romaine, comme dans le calendrier de l’Église grecque. […] En 1106, un rabbin juif nommé Moïse, né à Huesca, en Aragon, s’y faisait baptiser le jour de la fête de saint Pierre et prenait le nom de ce saint, auquel il joignait comme patronymique celui de son parrain, le roi Alphonse Ier d’Aragon.
Durs à la femme galante « professionnelle », ils glorifient presque à l’excès la pauvre fille séduite, ne se contentent point de l’absoudre et ne manquent jamais de la faire traiter de « sainte » par son bâtard. […] Trompés dans leur espoir, les Barbares s’inquiètent : car il n’était pas l’annonce de la fuite, cet hymne saint que chantaient les Grecs. […] … » Mais ce discours trop sublime ne fait qu’exaspérer Louise : « Vous êtes une sainte, ma mère ; mais moi, qui n’ai pas de religion, je suis pour l’égalité des sexes. […] Frédégonde l’y surprend ; et le roi, qui rentre à cet instant, se tire d’embarras en expédiant la jeune fille à son bon oncle Prétextât, le saint évêque. […] Mais, alors, qu’il conspire jusqu’au bout, puisqu’à ce moment la conspiration est pour lui le plus saint des devoirs !
* * * Or, des champs de Moab couvrant la vaste enceinte, Pressés au large pied de la montagne sainte, Les enfants d’Israël s’agitaient au vallon Comme les blés épais qu’agite l’aquilon. […] Assis nonchalamment sur un noir palefroi Qui marchait revêtu de housses violettes, Turpin disait, tenant les saintes amulettes : « Sire, on voit dans le ciel des nuages de feu ; Suspendez votre marche ; il ne faut tenter Dieu. Par monsieur saint Denis, certes ce sont des âmes Qui passent dans les airs sur ces vapeurs de flammes. […] « À présent que l’ouvrage est accompli, frémissant encore des souffrances qu’il m’a causées, et dans un recueillement aussi saint que la prière, je le considère avec tristesse, et je me demande s’il sera inutile, ou s’il sera écouté des hommes. — Mon âme s’effraye pour eux en considérant combien il faut de temps à la plus simple idée d’un seul pour pénétrer dans le cœur de tous.
Mais on ne saurait les louer de même de ne prendre pas son saint nom en vain, l’ayant à toute heure à la bouche, sans sujet et sans nécessité. […] Com est la première ville sainte qu’il y rencontre, il en décrit ainsi les merveilles: Com est une grande ville située en une plaine, le long d’un fleuve, et à demi-lieue d’une haute montagne. […] C’est afin que le peuple ne souille pas le tombeau par ses baisers et ses attouchements, car on tient le tombeau même une chose sainte. […] Chacun écrivait en l’honneur de son système, rien par amour de la vérité ; cela ressemblait à certains voyageurs modernes, pleins de mérite d’ailleurs, mais plus pleins encore d’illusions, qui, pour honorer la démocratie, nous peignaient les États-Unis de l’Amérique comme des lieux saints, et les bazars cosmopolites de New-York comme des sanctuaires de patriarches de la vertu.
Je suis tenté à un moment de m’écrier avec Bolingbroke lui-même, qui n’espérait plus de le revoir : « Adieu, cher Swift, je t’aime avec tous tes défauts ; fais un effort, et aime-moi avec tous les miens. » Mais si je n’y prends garde, je m’aperçois que je prêche pour mon saint, — la souplesse et une sympathie conciliante.
On sort du collège, et, à peine sorti, on a déjà choisi son point de mire, son modèle dans quelque écrivain célèbre, dans quelque poëte préféré : on lui adresse son admiration, on lui porte ses premiers vers ; on devient son disciple, son ami, pour peu qu’il soit bon prince ; on est lancé déjà ; à sa recommandation peut-être, un libraire consent à imprimer gratis vos premiers vers ; un journal du moins les insère ; on y glisse de la prose en l’honneur du saint qu’on s’est choisi et à la plus grande gloire des doctrines dont on a le culte juvénile : comment revenir après cela ?
J’ai donc dû, de toutes les manières, ne pas admettre la religion parmi les ressources qu’on trouve en soi, puisqu’elle est absolument indépendante de notre volonté, puisqu’elle nous soumet et à notre propre imagination, et à celle de tous ceux dont la sainte autorité est reconnue.
Lisez les contes de Perrault, sans dédain, et les légendes populaires, les vies des saints sur lesquelles n’ont pas travaillé des hommes d’esprit ; lisez Homère.
D’un langage doucereux & compatissant, elle a passé avec rapidité à l’emportement & à la déclamation ; ses lumieres sont devenues des torches ardentes, prêtes à porter par-tout l’incendie ; la divine Tolérance s’est changée en Furie inexorable, pour renverser tout ce qu’on avoit respecté jusqu’alors : les vérités les plus saintes, les principes les plus sacrés, les devoirs les plus indispensables, le Ciel, la Terre, l’Autel, le Trône, tout auroit éprouvé ses ravages, si les hommes eussent été aussi prompts à pratiquer ses maximes, qu’elle étoit ardente à les débiter.
Le désespéré, c’était Donoso, le plus ardent, le plus religieux, le plus saint des deux, que Guizot, qui avait ses raisons pour ne pas vouloir de prophètes, appelait, par dérision, un Jérémie ; et l’espérant, c’était Raczynski, lequel persiste (dit-il dans sa Correspondance) à croire « que le jour viendra où la France tendra les mains vers Henri V », mais sans donner de cette foi une seule raison historique, et qui a espéré non pas jusqu’à la fin, mais sans fin, et qui a vu la fin de sa vie avant la fin de son opiniâtre espérance !
Il ne fondera pas d’établissements comme son saint et adorable devancier.
La langue du bon Joinville, l’Hérodote de saint Louis. — un Hérodote plus particulier et plus tendre naïf, certes !
L’Ange prisonnier de la poésie, la sainte Hostie du Spielberg, toutes ces vignettes idolâtres, tous ces romanesques culs-de-lampe qui font rêver les cœurs candides, n’existeront plus, et qui sait ?
Qu’il prenne, s’il veut, Fénelon, l’auteur du Télémaque et le précepteur du duc de Bourgogne, mais qu’il ne mette la main ni sur Suarez, ni sur Bellarmin, ni sur Bossuet lui-même, car Bossuet, comme saint Augustin, n’a pas cessé d’être un évêque, et sa politique n’est point tirée de l’ordre philosophique, mais de l’Écriture Sainte.
L’Ange prisonnier de la poésie, la sainte Hostie du Spielberg, toutes ces vignettes idolâtres, tous ces romanesques culs-de-lampe qui font rêver les cœurs candides, n’existeront plus, et qui sait ?
Il a prouvé qu’elle est plus large que l’effort individuel de quelques adorables saints et que l’épanchement de quelques admirables prédications.
Les rieurs qui souillaient de leurs rires polissons les extases de sainte Thérèse, continuèrent de ricaner, mais moins haut et moins malproprement, quand il s’agit de Mahomet, l’extatique ; car si pour nous il n’était pas chrétien, il l’était pour eux à demi !
Le père fait lire à son fils cette inscription sur le rocher : Passant, va dire à Sparte que nous sommes morts pour obéir à ses saintes lois ; et ils redescendent à travers les rochers, en silence.
Ils ont soupçonné l’ami de Rarahu de se composer une attitude de circonstance, un air de Lieux Saints. […] La mosquée d’Omar lui est un « lieu très saint », comme le Saint-Sépulcre. […] C’est un terme de l’Écriture sainte : Scrutans renes et cor Deus … L’Académie nous en avertit. […] Il m’apparaît enfin au pied de cette tour Saint-Michel, reste d’une église détruite par la foudre, où, le jeudi saint, on l’amenait, les yeux bandés, voir le départ des cloches pour Rome. […] Elle dit : « Ce livre-ci, je l’aimerai. » Puis, quelques jours après, elle meurt, et on l’enterre là-bas, sous les palmiers d’Amschit, près de la « sainte Byblos ».
Le porcher, Yeldis, le chevrier, Pindare, Lassos d’Hermione, Sainte Julie, Sapho, ces êtres aimants, souffrants et pensants sont-ils simplement des « symboles » ? […] Il faut d’abord y aller voir, M. d’Annunzio n’étant ni saint ni moine et ne semblant point particulièrement préparé à une entreprise si délicate. […] Porter à la scène, non pas un conflit d’ordre chrétien, mais la divinité même, les gestes des saints et des anges ! […] De ce premier supplice, notons que la Légende Dorée ne dit rien ; il fut subi par d’autres saints, et M. d’Annunzio avait le droit d’en faire usage. […] Bakst avaient de la dignité et la principale interprète elle-même, mima noblement, sans afféterie, le rôle impossible du Saint.
Dans l’ordre religieux, ce fut tout un réveil ou plutôt un puissant appel qui s’entendait pour la première fois : on vit ce que la philosophie n’avait su faire, on vit de grands saints, un Jérôme avoir tout un cortège de femmes, de dames illustres, ses sœurs ou filles spirituelles. […] Et sur ce que, cependant, l’idée de mariage revenait quelquefois entre eux et était remise sur le tapis pour l’époque qui suivrait l’établissement de ses filles, elle se prémunissait à l’avance et ne se refusait pas ce genre de plaisanterie dont Rousseau a parlé, et qui semble lui avoir dicté son dernier mot sur le « saint du faubourg Saint-Jacques », ainsi qu’elle appelait Margency : « Il a, disait-elle, l’imagination chaude et le cœur froid… Il y a dix ans, je n’avais à craindre que la rivalité de Mme d’Épinav, et elle me faisait moins de peur que celle de sainte Thérèse et de tant d’autres avec qui je n’ai pas l’avantage d’être dans une société intime. » — « Je l’aime assez, disait-elle encore, pour le préférer à tous les plaisirs, mais je ne puis adopter les siens ; je bâille en y pensant. » Ame revenue, détachée, désabusée, redisant dans sa note habituelle : « Mon cher voisin, quoi que je fasse, je suis née pour la peine ; les miennes ne font que changer d’objet » ; ou encore, en ses meilleurs instants : « J’ai éprouvé tant d’ennuis depuis que j’existe, que ce qui m’arrive de bonheur à présent me touche à peine » ; elle continua, tant qu’il lui fut permis, de s’occuper activement de Rousseau, et elle ne fut contente que lorsqu’elle eut trouvé le moyen, au milieu de toutes ses gênes et de ses assujettissements, de l’aller visiter à Motiers-Travers et de lui donner la marque la plus positive d’amitié, un voyage long, pénible, pour passer deux fois vingt-quatre heures auprès de lui.
C’est le sort que le dieu de l’art réservait à ce chef-d’œuvre poétique et musical, écrit par un impie, noté par un saint. […] X Nous ne sommes pas assez musicien nous-même, et nous ne pouvons pas chanter assez aux yeux nos paroles pour suivre la partition de Don Juan, et pour vous montrer à chaque scène l’esprit satanique du poète transformé, converti et divinisé par l’âme idéale, morale et sainte du musicien. […] Après un moment d’hésitation, après s’être consultés et avoir comprimé un tressaillement d’horreur qu’ils éprouvent à la vue de l’homme fatal qui pèse sur leurs destinées, donn’Elvira, donn’Anna et don Ottavio se décident à poursuivre jusqu’au bout leur dangereuse entreprise ; mais, avant d’entrer dans le château qui cache tant de nombreux mystères, ils s’arrêtent sur le seuil, et, l’âme émue d’une sainte terreur, ils adressent au ciel l’une des plus touchantes prières qui aient été écrites par la main des hommes.
IV Il languit quelques mois avant d’expirer, visité tous les jours par ses disciples, mais ne s’entretenant plus avec eux de ses doctrines, de peur de ne plus apporter à ces choses saintes la plénitude de force de sa raison. […] Nous ne voyons que les livres saints qui puissent donner idée à l’Europe de la manière dont ce précieux monument a été combattu, attaqué, calomnié pendant quatorze siècles. […] En France on ne se met à genoux que devant Dieu et l’image des saints ; on ne leur offre que de l’encens ; ici l’on se met à genoux pour honorer certains vivants, quand ils sont d’un ordre supérieur ; on leur offre des mets et l’on fait brûler des parfums devant eux.