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1411. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

D’autres en sont restés là ; non M.  […] Et c’est pourquoi le vocabulaire et le style de Durtal ont pu rester aussi concrets, aussi brutaux dans l’expression des phénomènes de la vie mystique que jadis dans la peinture de la vie immonde. […] C’est à cause de cela qu’ils nous entrent si avant dans l’imagination et qu’ils nous restent dans la mémoire. — Les personnages des romans « psychologiques » redeviennent pour nous, la lecture finie, des ombres vaines. […] Et je voudrais que, de ce contentement si naturel et si légitime, il restât à la République un sourire, une douceur, le désir de juger toujours dans un esprit équitable ce passé qui, en cette occasion, lui fut si avantageux ; qu’elle acquît par là l’utile notion de la lenteur nécessaire des transformations politiques et sociales, et qu’alors, sans rien perdre de sa générosité et sans rien répudier de ses rêves, elle se défiât un peu plus de ses ignorances, de ses impatiences, de ses intolérances, et se gardât aussi de quelques-uns de ses conducteurs.

1412. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

Racine disait : « Je n’ai plus que les vers à faire. » Pour Crébillon, les vers faits, il restait à faire la pièce. […] Il n’en resta pas à ses premières insinuations contre le théâtre de ses devanciers ; il s’émancipa peu à peu du principe salutaire qu’il faut écrire pour être représenté et lu, et il fit passer le parterre avant le lecteur. […] Seulement, chez ces deux grands poètes, les caractères restent vrais, en dépit de l’anachronisme. […] A peine de tant de tragédies imitées des siennes est-il resté quelques vers brillants ; encore ne faut-il pas s’y arrêter : en les regardant, on les dissipe.

1413. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

Mon inclination m’engage à rester ici ; je sais que mon zèle peut y être nécessaire, que le candidat et la famille du prince Czartoryski ont de la bonne volonté pour moi. […] Le grand mât était brisé en cinq ou six endroits ; le mât de perroquet avait été emporté, il ne restait plus qu’un tronçon du mât de hune qui pendait avec quelques agrès, accroché aux barres de hune. […] Nous restâmes vingt-quatre heures à sec en travers, ballottés par une mer affreuse. […] Ainsi Dieu me fera la grâce de m’acquitter envers vous de l’argent prêté seulement, car je vous resterai redevable toute ma vie de la bonne grâce, amitié, désintéressement, générosité, avec lesquels vous avez obligé en moi un étranger et un inconnu que vous ne comptiez jamais revoir.

1414. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Deuxième leçon »

Elle consiste dans le défaut d’homogénéité qui a toujours existé jusqu’à ces derniers temps entre les différentes parties du système intellectuel, les unes étant successivement devenues positives, tandis que les autres restaient théologiques ou métaphysiques. […] On peut dire, de plus, que, quand même la physique concrète aurait déjà atteint le degré de perfectionnement de la physique abstraite, et que, par suite, il serait possible, dans un cours de philosophie positive, d’embrasser à la fois l’une et l’autre, il n’en faudrait pas moins évidemment commencer par la section abstraite, qui restera la base invariable de l’autre. […] N’oublions pas que, dans presque toutes les intelligences, même les plus élevées, les idées restent ordinairement enchaînées suivant l’ordre de leur acquisition première ; et que, par conséquent, c’est un mal le plus souvent irrémédiable que de n’avoir pas commencé par le commencement. […] En effet, les phénomènes naturels ayant été classés de telle sorte, que ceux qui sont réellement homogènes restent toujours compris dans une même étude, tandis que ceux qui ont été affectés à des études différentes sont effectivement hétérogènes, il doit nécessairement en résulter que la Méthode positive générale sera constamment modifiée d’une manière uniforme dans l’étendue d’une même science fondamentale, et qu’elle éprouvera sans cesse des modifications différentes et de plus en plus composées, en passant d’une science à une autre.

1415. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

La règle is pater est quem justae nuptiae declarant est matériellement restée dans notre code ce qu’elle était dans le vieux droit romain. […] Mais c’est répondre à la question par la question et expliquer le progrès par une tendance innée au progrès, véritable entité métaphysique dont rien, du reste, ne démontre l’existence ; car les espèces animales, même les plus élevées, ne sont aucunement travaillées par le besoin de progresser et, même parmi les sociétés humaines, il en est beaucoup qui se plaisent à rester indéfiniment stationnaires. […] Par ce dernier mot, il faut entendre non pas le resserrement purement matériel de l’agrégat qui ne peut avoir d’effet si les individus ou plutôt les groupes d’individus restent séparés par des vides moraux, mais le resserrement moral dont le précédent n’est que l’auxiliaire et, assez généralement, la conséquence. […] De même, si les corporations professionnelles se reconstituent de manière à ce que chacune d’elles soit ramifiée sur toute l’étendue du territoire au lieu de rester enfermée, comme jadis, dans les limites d’une cité, l’action qu’elles exerceront sera très différente de celle qu’elles exercèrent autrefois.

1416. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Gustave Flaubert »

Les esprits faciles, après des commencements charmants, restent médiocres et finissent par se noyer toujours dans le crachat de leur facilité. […] Mais la fourchette égyptienne de saint Antoine ne passera pas, et l’auteur de cette dangereuse jonglerie d’érudition en restera strangulé. […] Il a été tout de suite, lui aussi, un de ces heureux à qui on n’a pas marchandé la gloire, et quoiqu’il ait fait tout ce qu’il fallait pour la perdre, elle lui est restée fidèle, comme ces femmes qui restent fidèles aux maris indignes qui les trompent.

1417. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VI. L’effort intellectuel »

Une pièce de vers apprise au collège nous est-elle restée dans la mémoire ? […] Je partis de l’impression générale qui m’en était restée. […] Je me dis bien maintenant que le mot prendre, qui était à peu près figuré par les deux premières syllabes du nom cherché, devait entrer pour une large part dans mon impression ; mais je ne sais si cette ressemblance aurait suffi à déterminer une nuance de sentiment aussi précise, et en voyant avec quelle obstination le nom d’« Arbogaste » se présente aujourd’hui à mon esprit quand je pense à « Prendergast », je me demande si je n’avais pas fait fusionner ensemble l’idée générale de prendre et le nom d’Arbogaste : ce dernier nom, qui m’était resté du temps où j’apprenais l’histoire romaine, évoquait dans ma mémoire de vagues images de barbarie. […] Resterait à vérifier cette loi sur les formes les plus hautes de l’effort intellectuel : je veux parler de l’effort d’invention.

1418. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — II. (Fin.) » pp. 330-342

Un jour qu’il avait écouté ses excuses et ses raisons, qui consistaient à prétendre rester d’autant plus fidèle à la cause des faibles et des vaincus, Henri IV lui demanda s’il connaissait le président Jeannin, et sur ce que d’Aubigné répondit que non, le roi poursuivit : « C’est celui sur la cervelle duquel toutes les affaires de la Ligue se reposaient ; voilà les mêmes raisons desquelles il me paya ; je veux que vous le connaissiez, je me fierais mieux en vous et en lui qu’en ceux qui ont été doubles. » Et toutefois, nous qui avons récemment étudié le président Jeannin, nous savons trop bien en quoi il différait essentiellement de d’Aubigné : celui-ci, par point d’honneur, par bravade, par une sorte de crânerie ou d’esprit de contradiction qu’il était homme ensuite à soutenir à tout prix, excédait sans cesse ce que le devoir seul et la fidélité aux engagements eussent conseillé. […] Ces défauts ou saillies de caractère nous mèneraient de même à comprendre en quoi d’Aubigné n’était (entre les hommes restés fidèles à sa même religion) ni un Du Plessis-Mornay, ni un Sully.

1419. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

Jay, a dit dans son discours de réception (juin 1855) une parole qui m’est toujours restée sur le cœur, et que je lui demande la permission de relever, parce qu’elle n’est pas exacte, parce qu’elle n’est pas juste : Les classiques, disait-il, n’ont pas eu de champion plus décidé que M.  […] Ceux qui en ont été touchés une fois, peuvent la sentir à regret s’affaiblir et pâlir, diminuer avec les années en même temps que la vigueur qui leur permet d’en saisir et d’en fixer les reflets dans leurs œuvres, mais ils ne la perdent jamais. « Il y a, disait Anacréon, un petit signe au cœur, auquel se reconnaissent les amants. » Il y a de même un signe et un coin auquel restent marqués et comme gravés les esprits qui, dans leur jeunesse, ont cru avec enthousiasme et ferveur à une certaine chose tant soit peu digne d’être crue.

1420. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

Le peu de religieux qui y restaient vivaient avec scandale : « D’y en mettre de réformés, lui écrivait Rancé, cela n’est plus possible ; les réformes sont tellement décriées, et en partie par la mauvaise conduite des religieux, qu’on ne veut plus souffrir qu’on les introduise dans les lieux où il n’y en a point. […] Cependant, comme il est difficile de se voir peint en beau sans en prendre quelque complaisance, j’appréhende avec raison que je n’y en aie pris plus qu’il n’appartient à un mort, et que vous n’ayez en cela donné une nouvelle vie à mon orgueil et à ma vanité, et je vous en dis ma coulpe. » Voilà qui est de l’homme d’esprit resté tel sous le froc, de celui dont Nicole disait qu’il avait un style de qualité.

1421. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

Ce personnage de Simiane à côté de Rousseau est vrai ; celui-ci a eu de tels amis, ses égaux d’esprit et d’âme, et obscurs ; on peut relire l’éloquente page qu’il consacre à la mémoire de l’un d’eux : « Ignacio Emmanuel de Altuna était un de ces hommes rares que l’Espagne seule produit, et dont elle produit trop peu pour sa gloire…31. » Simiane est un de ces Emmanuels de Jean-Jacques, restés inconnus. […] Steven n’est plus qu’une espèce d’allégorie représentant l’héroïsme de la vie privée, qui se dresse de toute sa hauteur ; et Charles XII, stupéfait, n’a que raison, lorsqu’il lui dit (un peu tard) : « J’admire la complaisance avec laquelle je vous écoute. » Sans cette scène malencontreuse, Steven restait jusqu’au bout un excellent roman.

1422. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VII. Du style des écrivains et de celui des magistrats » pp. 543-562

Dans les sciences exactes, vous n’avez besoin que des formes abstraites ; mais dès que vous traitez tout autre sujet philosophique, il faut rester dans cette région, où vous pouvez vous servir à la fois de toutes les facultés de l’homme, la raison, l’imagination et le sentiment ; facultés qui toutes concourent également, par divers moyens, au développement des mêmes vérités. […] L’homme vertueux serait trop à plaindre, s’il ne lui restait pas quelques preuves que le méchant ne pût lui dérober, un sceau divin que ses pareils ne dussent jamais méconnaître.

1423. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre I. Publicistes et orateurs »

De la doctrine saint-simonienne, si large et généreuse à l’origine, l’utopie tombant, il n’est guère resté que la forte impulsion donnée à l’activité industrielle : du grand rêve humanitaire sort un accroissement prodigieux de richesse pour les classes moyennes. […] Après le désastre, il lui suffit de s’attacher à sa place, pour réduire à l’impuissance les minorités monarchiques ; il lui suffit de rester le président de la République, pour fonder la république : quand il se retira (le 24 mai 1873), il était trop tard, l’heure d’une restauration avait passé.

1424. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leconte de Lisle, Charles-Marie (1818-1894) »

Vous avez voulu dans votre œuvre que tout ce qui est de l’humain vous restât étranger. […] Ce poète impersonnel, qui s’est appliqué avec un héroïque entêtement à rester absent de son œuvre, comme Dieu de la création, qui n’a jamais soufflé mot de lui-même et de ce qui l’entoure, qui a voulu taire son âme et qui, cachant son propre secret, rêva d’exprimer celui du monde, qui a fait parler les dieux, les vierges et les héros de tous les âges et de tous les temps, en s’efforçant de les maintenir dans leur passé profond, qui montre tour à tour, joyeux et fier de l’étrangeté de leur forme et de leur âme, Bhagavat, Cunacepa, Hy-pathie, Niobé, Tiphaine et Komor, Naboth, Quai’n, Néféroura, le barde de Temrah, Angantyr, Hialmar, Sigurd, Gudrune, Velléda, Nurmahal, Djihan-Ara, dom Guy, Mouça-el-Kébyr, Kenwarc’h, Mohâmed-ben-Amar-al-Mançour, l’abbé Hieronymus, la Xiraéna, les pirates malais et le condor des Cordillères, et le jaguar des pampas, et le colibri des collines, et les chiens du Cap, et les requins de l’Atlantique, ce poète, finalement, ne peint que lui, ne montre que sa propre pensée, et, seul présent dans son œuvre, ne révèle sous toutes ces formes qu’une chose : l’âme de Leconte de Lisle.

1425. (1890) L’avenir de la science « Préface »

Quand j’essaye de faire le bilan de ce qui, dans ces rêves d’il y a un demi-siècle, est resté chimère et de ce qui s’est réalisé, j’éprouve, je l’avoue, un sentiment de joie morale assez sensible. […] La science restera toujours la satisfaction du plus haut désir de notre nature, la curiosité ; elle fournira à l’homme le seul moyen qu’il ait pour améliorer son sort.

1426. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

Si la population des villes fût restée pauvre ou attachée à un travail sans relâche, comme le paysan, la science serait encore aujourd’hui le monopole de la classe sacerdotale. […] Quant à l’ascétisme pur, il restera toujours, comme les pyramides, un de ces grands monuments des besoins intimes de l’homme, se produisant avec énergie et grandeur, mais avec trop peu de conscience et de raison.

1427. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces diverses — Préface du « Rhin » (1842) »

L’essentiel, pour que l’auteur puisse dire, lui aussi : Ceci est un livre de bonne foi, c’est que la forme et le fond des lettres soient restés ce qu’ils étaient. […] Rien n’était plus facile à corriger que ces erreurs ; il a semblé à l’auteur que, puisqu’elles étaient dans ces lettres, elles devaient y rester comme le cachet même de leur réalité.

1428. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IX. La pensée est-elle un mouvement ? »

Au contraire, tant que la représentation de l’étendue est elle-même étendue, vous restez dans le domaine de l’objectif, vous n’êtes pas dans celui de la perception : l’image dessinée sur la rétine n’est pas une perception, et si petite que soit cette image, elle ne deviendra pas une perception, tant que l’étendue n’aura pas absolument disparu. […] On connaît ces deux lois qui ont pu être exagérées sans doute par l’école empirique et sensualiste, mais qui restent vraies dans leur généralité : l’âme ne pense pas sans images, l’âme ne pense pas sans signes.

1429. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre IV. Suite du parallèle de la Bible et d’Homère. — Exemples. »

Il ne faut pas oublier le chien qui court annoncer à de vieux parents le retour d’un fils chéri ; et cet autre chien qui, resté fidèle parmi des serviteurs ingrats, accomplit ses destinées, dès qu’il a reconnu son maître sous les lambeaux de l’infortune. […] Je demeurerai avec vous, soit que vous restiez chez les Moabites, habiles à lancer le javelot, soit que vous retourniez au pays de Juda, si fertile en oliviers.

1430. (1912) L’art de lire « Chapitre II. Les livres d’idées »

Il est monothéiste, comme plusieurs de ses prédécesseurs en philosophie ; il est monothéiste ; que le monde soit susceptible d’être ramené à une seule loi, c’est une idée qui a commencé à envahir l’esprit humain et à s’imposer à lui ; mais, d’autre part, il est trop Grec pour ne pas rester un peu polythéiste, pour ne pas croire que des forces multiples et diverses gouvernent le monde et se le disputent. […] Cette idée qu’il faut combattre le climat par les moeurs ; et les mœurs, telles qu’elles sont restées encore sous l’influence du climat, par les lois.

1431. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IX »

Mais ouvre-t-on les yeux à qui veut rester aveugle ? […] Le mot restera et suffit à la gloire d’un homme. »‌ Voilà comment Stendhal est notre bête noire33 ; voilà notre mépris et notre pitié, et c’est ce qu’on appelle « prendre quelqu’un par la peau du cou et le jeter par la fenêtre », Nous avons, au contraire, on le voit, loué précisément ce qui, de l’avis de tous, caractérise le talent et l’originalité de Stendhal.

1432. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’empire russe depuis le congrès de vienne »

Cela dit du fond des choses, resterait le style, cette magie qui, quand on l’a, consacrerait l’erreur même et jetterait son voile d’illusion sur les pauvretés de la pensée et jusque sur les hontes de l’ignorance. […] il n’en restait pas moins le seul ouvrage où l’histoire de la Russie, de ce pays ouvert aux voyageurs, mais fermé à la pensée, cette histoire qui ne s’écrit pas, avait été devinée, saisie au vol, et rapportée parmi nous sous la forme la plus individuellement éloquente.

1433. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

Mais c’est un chrétien et non pas un giaour, un chrétien profond, resté tel dans les abîmes de son être, — dans le cours de son sang, — par-delà et par-dessous tous les doutes, toutes les mauvaises pensées, toutes les tentations du xixe  siècle ; c’est un chrétien naïf de foi, qui écrit à son frère, avant de mourir comme il convient, disait-il, à un gentilhomme ; « Le curé de Guaymas sort d’ici : c’est un homme intelligent et doux, un homme comme il en faut pour adoucir ce qu’il y a de trop léonin et d’indompté en moi. […] Il s’est élancé dans le séjour des bienheureux du faîte de l’existence humaine, et il restera toujours jeune et fort dans la mémoire de la postérité, comme dit Goethe, si toutefois cette postérité doit avoir pour lui une mémoire.

1434. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gasparin » pp. 100-116

Le germe divin devait rester atome. […] C’est toujours la séparation de Jésus-Christ et de son Église, malgré les paroles divines de Jésus-Christ, auquel croit pourtant le comte de Gasparin, sur leur identification éternelle. « Si Jésus-Christ ne ment pas, l’Église ne peut errer », disait ce saltimbanque de Luther, qui, par là, se condamnait lui-même… C’était assez, à ce qu’il semblait, pour l’hérésie, que ce mensonge de Jésus-Christ, mais l’historien d’Innocent III a cru devoir ajouter aux raisons connues, et réfutées tant de fois par les théologiens catholiques, d’être et de rester protestant, une conception nouvelle, qui ne fausse pas que l’idée chrétienne, mais la nature des choses elle-même, et c’est cette conception, qui n’est qu’une chimère, qui donne à la publication intitulée Innocent III le peu qu’elle a de triste originalité.

1435. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Vie de la Révérende Mère Térèse de St-Augustin, Madame Louise de France »

C’est cette inépuisable psychologie qui lui a fait redécouvrir dans l’amazone une sybarite, — une sybarite de nouvelle espèce, qui resta voluptueusement pendant dix-sept ans, et jusqu’à sa mort, sur la paillasse des Carmélites, — et non pas en vertu d’une grâce divine, comme nous dirions, nous autres imbéciles, mais en vertu de « l’essence des choses », comme il dit, ce philosophe, qui a sans doute dans sa poche un flacon de cette mystérieuse essence-là ! […] Ses sœurs, restées des porphyrogénètes, sans action historique hors de leur palais dans une monarchie encore salique à son déclin, n’ayant pas, ne pouvant pas avoir à leur service ce soufflet écrasant de la gloire sur les joues de ceux qui la nient, auront seulement pour les défendre, quand ils ne les accuseront pas, les Mémoires du temps, — les Mémoires des filles de chambre qui les volèrent, des femmes de la cour qui les envièrent, et des grands seigneurs qui voulurent peut-être devenir leurs amants et qui se vengèrent de ne l’être pas !

1436. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Théodore de Banville »

… Regardez ce qui se trouve au fond de toutes les poésies contemporaines, et ôtez-le des poésies de Banville, et vous allez voir ce qui va rester ! […] Si, de toute l’école romantique emportée des bibliothèques de l’avenir, par un cataclysme imprévu, il ne restait que Théodore de Banville, il passerait peut-être pour un grand poète ; car il est une poésie générale qui meurt avec toute époque et qu’on impute parfois, quand l’époque n’est plus, au poète qui n’a fait que la réfléchir.

1437. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre II. De la métaphysique poétique » pp. 108-124

. — De cette faculté originaire de l’esprit humain, il est resté une loi éternelle : les esprits une fois frappés de terreur, fingunt simul credunt que , comme le dit si bien Tacite. […] Les premiers hommes qui abandonnaient la vie vagabonde occupèrent des terres et y restèrent longtemps ; ils en devinrent seigneurs par droit d’occupation et de longue possession.

1438. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Restait celle d’Amsterdam. […] Les gredins restent gredins et ne passent pas martyrs. […] Il n’en restait qu’un peu de cendres. […] La tête ferme, le regard lucide, il est resté maître de lui-même. […] Elles ont plus de prise sur l’imagination et restent mieux gravées dans la mémoire que de grandes pages d’histoire générale.

1439. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Et dans le déployé et le flottant de cette phrase tous les détails restent précis. […]Restait cette redoutable infanterie… Venez, peuples…), qui a jamais lu les Oraisons funèbres ? […] Pour beaucoup moins que cela, le candide Jouffroy est resté incurablement triste. […] Il est resté prêtre ; il donne à la négation même le tour du mysticisme chrétien. […] Seule, la haute cheminée de trente mètres restait debout, secouée, pareille à un mât dans l’ouragan.

1440. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LIX » pp. 227-230

Texte en main et armé de logique, il nous démontre des choses qui restent assez douteuses et ouvertes à la conjecture.

1441. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lebrun, Pierre (1785-1873) »

Édouard Fournier Il échapperait à notre temps, s’il était resté ce que son âge, — il naquit en 1785, — voulait qu’il fût d’abord : un arrière-classique, un poète de l’Empire, rimant des Odes sur la Guerre de Prusse, sur la Campagne de 1807 et des tragédies telles qu’Ulysse et Pallas, fils d’Évandre ; mais il lui appartient, par la part qu’il prit au mouvement rénovateur, avec sa pièce de Marie Stuart assez fièrement imitée de celle de Schiller et surtout avec son brillant Voyage en Grèce, l’œuvre la plus sincère, la plus vraie de couleur et la plus éclatante qui ait été inspirée chez nous par la guerre des Hellènes.

1442. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre IX. Du vague des passions. »

Dégoûtées par leur siècle, effrayées par leur religion, elles sont restées dans le monde, sans se livrer au monde : alors elles sont devenues la proie de mille chimères ; alors on a vu naître cette coupable mélancolie qui s’engendre au milieu des passions, lorsque ces passions, sans objet, se consument d’elles-mêmes dans un cœur solitaire55.

1443. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Préface de l’auteur »

Nous restons ainsi dans le cadre de la Relativité restreinte.

1444. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

De ces trois langues, il y en a deux qui sont restées à l’état de débris et de résidus vivants, le basque, retranché dans les Pyrénées occidentales, le bas-breton, qui persiste cantonné aux extrémités de l’Armorique. — Quant à la troisième langue dont parle César, Fauriel, qui la nomme proprement le gaulois, ne sait trop où en placer le siège ; il ne croit pas qu’il en reste aujourd’hui de vestige vivant, mais il ne doute pas qu’elle ne fût parlée au ve  siècle dans quelques cantons particuliers de la Gaule, et il cite à ce propos un passage curieux de la vie de saint Martin, par Sévère Sulpice : « On sait, dit Fauriel, que cette vie de saint Martin est écrite dans la forme d’un dialogue où figurent trois interlocuteurs, Posthumianus, Gallus, et Sulpice Sévère lui-même. […] Il eut mieux qu’une vision, puisqu’il amassa pendant des années, avec un zèle méritoire, tous les éléments d’un vaste lexique ou Glossaire resté en grande partie inédit, et où l’on va puiser encore. […] « Gustave Fallot, dit ce savant grammairien (et je citerai le passage tout entier, comme exposant bien l’état actuel et dernier de la question), Gustave Fallot fut le premier qui essaya de débrouiller le chaos des formes dialectales de la langue des trouvères ; par malheur pour la science, la mort vint le surprendre au milieu de ses travaux, et son ouvrage resta imparfait. […] Ce jeune savant, mort en 1836 à l’âge de vingt-neuf ans, n’eut point la satisfaction de publier lui-même ses recherches : ce furent ses amis qui prirent ce soin et qui donnèrent son livre, resté imparfait, en 1839. […] Il nous met à même de bien mesurer les pas qu’on a faits et ceux qui restent à faire, auxquels il est en voie autant que personne de contribuer.

1445. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

Ôtez toutes les propriétés, sans en excepter une seule, l’étendue, la résistance, la gravité, la dureté, le poli, la sonorité, la figure, et enfin la plus générale de toutes, l’existence elle-même ; il est clair qu’il ne restera plus rien de la substance ; elle est l’ensemble dont les propriétés sont les détails ; elle est le tout dont les propriétés sont les extraits ; ôtez tous les détails, il ne restera plus rien de l’ensemble ; ôtez tous les extraits, il ne restera plus rien du tout. […] Ce pouvoir, que le jugement spontané accordait au corps éclairé et à la corde vibrante, est reporté maintenant sur les molécules interposées de l’air et de l’éther ; ainsi la couleur et le son restent toujours des propriétés relatives ; qu’on les attribue à la corde vibrante et au corps éclairé, ou aux particules aériennes et éthérées, elles ne sont rien de plus que le pouvoir de provoquer en nous telles ou telles sensations. […] Au contraire, quand nous changeons de place, nous n’emportons pas avec nous les possibilités permanentes de sensation ; elles restent jusqu’à ce que nous revenions, ou bien elles naissent et cessent à des conditions sur lesquelles notre présence n’a en général aucune influence.

1446. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

si un tel époux m’était réservé, qu’il habitât ici, et qu’il lui plût d’y rester ! […] C’est là que tu t’assoiras pour y rester tout le temps que nous mettrons à gagner la cité et à arriver au palais de mon père. […] Quand Flora reniait jusqu’à la Providence, Et qu’après l’impudeur vint l’âge d’impudence         Et des amants qu’elle a trahis ; Il lui restait encor, tout meurtri de sa cage, Un oiseau de boudoir, regrettant le bocage,         Et qui meurt du mal du pays. […] Et du dernier soupir qui lui restait encore,         Le mourant se mit à chanter. […] Ce fut ainsi que nous restâmes unis, moi, réfugié dans le travail, lui, abrité dans son hospice.

1447. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Alors sur les effets de la concentration du vouloir qu’apporte, à l’appui de la thèse de la maîtresse de la maison, Taine, — qui débute aujourd’hui — et qui nécessairement cite Newton, se vouant pour ses découvertes pendant des années à une telle concentration de pensées et de méditations qu’il en resta, un temps, presque idiot, la Païva cite l’exemple d’une femme qui, pour accomplir une chose qu’elle ne dévoile pas, resta trois ans enfermée, retranchée du monde, touchant à peine au manger, dont il fallait la faire souvenir, murée en elle-même, et toute à la combinaison de son plan. […] Quelques-uns déclarent tout haut que si cela durait plus de trois heures, ils ne pourraient rester. […] Théophile Gautier est resté une semaine, Flaubert quelques jours. […] Nous restons stupéfaits de la légèreté qui préside aux clauses, aux vérifications de toutes sortes, sous la conduite étourdie de notaires folâtres, feuilletant l’acte en causant de choses légères : vrais tabellions de pantomimes, légers, volages et hannetonnant, et qui ne savent rien du premier mot de l’affaire, ni du contrat qu’ils font signer.

1448. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

3 janvier Si on écoutait ses maux, on resterait couché et on ne se lèverait qu’au jugement dernier. […] On ne devinerait pas que le mot de la fin vient d’une horrible histoire, qui nous était restée dans l’oreille de l’esprit, d’un refrain ordurier d’une petite rouleuse, qui rentrant au matin, après avoir fait la retape toute la nuit, criait, à travers la porte, à sa mère qui ne lui ouvrait pas : « M’man, m’man, ouvre-moi !  […] Galichon nous faisait adresser, si nous restions ses collaborateurs, après son manifeste contre Nieuwerkerke, ce manifeste enragé et naïf, qui date l’indépendance de sa feuille d’art, à l’heure où le surintendant lui retire sa subvention, nous lui avons fait la réponse suivante : « Monsieur, nous vous remercions d’avoir fait assez d’estime de nous, pour croire que nous ne resterions pas à la Gazette, après l’article que vous avez signé hier. […] vous savez, il est très malade… Il a été douze jours sans pouvoir se mettre dans son lit ni dormir… Il avait un rhumatisme remonté dans la poitrine et qui l’étouffait… Mercredi, le lendemain du jour où Flaubert le vit, et où il y avait un peu de mieux, le matin, en se levant, il allait très bien, et venait auprès de mon lit, et restait à causer avec moi.

1449. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

Tout ce jour et tout le jour suivant nous restâmes muets les uns devant les autres. […] ” » « Mes yeux », continue le poète, « tombèrent sur la claire fontaine ; mais, en m’y reconnaissant, je les reportai sur l’herbe, tant la honte me chargea le front. — Telle qu’une mère paraît sévère à son fils, telle elle me paraissait alors, parce que la saveur d’une compassion supérieure est mêlée d’une certaine amertume ; — comme la neige soufflée et amoncelée par les vents du nord se congèle sur les épaules de l’Italie, — puis, liquéfiée, se fond sous elle-même, lorsque la terre qu’elle ne recouvre plus l’amollit de sa respiration, comme la cire se fond à la flamme ; — ainsi restai-je sans larmes ni soupirs avant d’avoir entendu le chant de ceux qui accompagnaient toujours de leur harmonie les évolutions des astres éternels. […] Puis elle reprend : « Quand de la chair je fus transfigurée en esprit pur, et que ma véritable beauté se fut accrue avec ma vertu, je lui devins moins chère et moins séduisante. — Il tourna ses pas vers de fausses voies, fausses images du vrai beau, qui ne tiennent rien de ce qu’elles promettent. — Et rien ne me servit de demander pour lui des inspirations, par lesquelles, et en songe et autrement, je le rappelais à moi, tant il en avait peu de mémoire. — Il tomba si bas que tous les moyens de le sauver étaient épuisés et qu’il ne restait qu’à l’épouvanter en lui montrant la race perdue des damnés. — C’est pour cela que je visitai la porte des morts, et que mes prières et mes larmes furent adressées à celui qui l’a conduit ici en haut ! […] — Le petit oiseau à peine éclos se trompe deux ou trois fois avant de connaître le danger ; mais à ceux qui sont déjà emplumés on présente en vain le piège ou on lance en vain la flèche. » « Tels que de petits enfants, muets de honte et les yeux en terre, restent immobiles, se reconnaissant coupables et regrettant leur faute, — tel j’étais ; et elle me dit alors : “Puisque tu éprouves une telle douleur à entendre, lève la barbe, et tu en sentiras bien plus en me regardant ! […] « Ô vous », s’écrie alors le poète saisi d’enthousiasme, « vous qui, sur une trop petite nacelle, désirez suivre mon navire qui chante en voguant, — rebroussez chemin vers les bords, ne vous lancez point sur cette vaste mer ; car, si vous veniez à me perdre de vue, vous resteriez égarés !

1450. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Il lui restait comme à Rousseau l’amour de son art, et de plus qu’à Rousseau l’amour de sa religion. […] Après quatre ans d’angoisses, il liquida, resta chargé de dettes, et écrivit des romans pour les payer. […] Mais ces belles théories restent chez lui dans une case à part. […] Aucune ; le dogme et la tradition sont restés intacts. […] Quelques Mormons pauvres y restaient.

1451. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Restent enfin les conditions des états de conscience. […] Cette doctrine est toujours restée dans la discussion. […] Ceux-là seuls restent donc qui présentent la qualité recherchée. […] Tous les efforts tentés pour découvrir l’universelle vérité sont restés sans résultat. […] Son seul défaut est de rester trop souvent sous le joug des autres facultés.

1452. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

On vient tout récemment d’exposer aux yeux émerveillés du public, parmi les chefs-d’œuvre de l’industrie du siècle, des glaces d’une dimension et d’une pureté extraordinaires, devant lesquelles les Vénitiens du quinzième siècle resteraient confondus, et à travers lesquelles on aperçoit, sans la moindre atténuation de contour ou de couleur, les innombrables objets que renferme le palais de l’Exposition universelle. […] … Maintenant il faut y rester. » XVII Jusque-là, l’histoire de M.  […] Le commandement en chef ne le consolait pas de la nécessité de rester en Égypte, car il n’aimait pas à commander. […] À son exemple tout le monde se mit à dire qu’on ne pouvait plus rester en Égypte et qu’il fallait à tout prix revenir en France. […] Pour comble de malheur, il ne devait pas rester en Égypte.

1453. (1925) La fin de l’art

C’est ainsi que les verbes français s’acheminent, si lentement qu’ils resteront en route très probablement, vers la simplicité du verbe anglais, qui représente une évolution linguistique bien plus avancée. […] J’y ai gagné du moins, car il n’est pas une sottise qui ne nous vale quelque compensation, une certaine connaissance d’une littérature dont je n’aurais pas eu l’idée si j’étais toujours resté chez moi. […] C’est encore ce qu’elle resta en se faisant journaliste, courriériste parisien, et ses Lettres parisiennes en gardent un parfum particulier. […] Cependant tout le monde s’en allait, il ne restait plus qu’Ampère et la maîtresse de maison qui s’était précisément assise sur le canapé où gisait l’épée. […] L’âme empoisonnée par Port-Royal, le corps empoisonné par Guénault, on s’étonne qu’il lui soit resté quelques lueurs de génie.

1454. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

Pour rester dans la juste mesure, celui qui a réagi contre autrui devrait ensuite prendre à tâche de réagir contre soi-même. […] Le temps agit le plus souvent sur les choses à la manière d’un artiste qui embellit tout en paraissant rester fidèle, par une sorte de magie propre. […] Il ne restera que ce qui était profond, ce qui avait laissé en nous une trace vive et vivace : la fraîcheur de l’air, la mollesse de l’herbe, les teintes des feuillages, les sinuosités de la rivière, etc. […] On laisse cela derrière soi, et pourtant ces riens se mêlaient à vos plus douces émotions ; c’était quelque chose d’amer qui, au lieu de rester au fond de la coupe, s’évapore au contraire dès qu’elle est bue. […] L’assistance resta froide et M. de Buffon demanda à haute voix sa voiture.

1455. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XI : Distribution géographique »

C’est pourquoi les flores de continents très distants ne sauraient en aucune façon se mélanger par ce moyen, mais, au contraire, restent distinctes, comme le constatent les observations. […] Car il n’est guère probable que précisément toutes les mêmes espèces arctiques soient restées sur des chaînes de montagnes éloignées les unes des autres, et qu’elles aient pu y survivre depuis lors. […] Toutes les conditions se trouvaient donc rassemblées pour favoriser des modifications profondes et plus importantes que celles que durent avoir à subir les productions alpines, lorsqu’à une époque beaucoup plus récente elles restèrent éparses et isolées sur les sommets des chaînes de montagnes et sur les terres arctiques des deux continents. […] J’ai dit qu’il restait beaucoup de difficultés à résoudre. […] Et si les couches tertiaires et autres, relevées sur leurs flancs, ont participé à ces lentes oscillations qui peuvent avoir affecté le continent entier, il ne resterait aucune preuve géologique de ces mouvements.

1456. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Il pense que les espèces copistes ont acquis lentement et par sélection naturelle leur parure actuelle, qui a pour effet de les faire passer pour des représentants des espèces communes victorieuses, et qu’elles échappent ainsi à quelque danger auquel autrement elles seraient restées exposées169. […] Or, les modifications ainsi produites s’hériteront également à l’âge adulte ; tandis que l’embryon restera sans modification, ou ne sera modifié qu’en moindre degré, par les effets de l’usage ou du défaut d’exercice. […] Dans des plantes de la même espèce, les pétales restent quelquefois à l’état de rudiments, et d’autres fois elles prennent leur développement complet. […] Ainsi dans une race de Pigeons dont le bec, originairement court, se serait allongé peu à peu par une sélection naturelle ou systématique de variations en ce sens, si quelque nouvelle race à, bec court se formait par des réversions successivement élues, le bec des jeunes oisillons ne s’allongerait pas pour se raccourcir ensuite de nouveau ; mais son développement s’arrêterait fort probablement au point où il doit rester. […] S’il était vrai, par exemple, comme on doit le supposer, que les Cétacés eussent été produits, par une suite de variations rétrogressives d’un ordre de mammifères plus ancien, mais plus élevé et peut-être amphibie ou même complétement terrestre, ce ne serait pas une objection absolue contre cette hypothèse, si dans toute leur vie fœtale il ne restait que de très légères traces d’une organisation supérieure et moins complétement marine, car ces traces devraient avoir disparu, au moins en grande partie, pendant la formation même de l’ordre.

1457. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LIV » pp. 209-212

Guizot, en voulant planer sur le débat et rester dans la sphère générale, a, contre son ordinaire, été un peu vague.

1458. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bourget, Paul (1852-1935) »

Paul Bourget n’en restera pas moins Byronien de religion poétique, il ne changera pas l’âme qu’il a et ne se laissera pas étouffer dans d’ineptes systèmes et des poétiques de perdition.

1459. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gourmont, Remy de (1858-1915) »

Remy de Gourmont a enclos dans ce livre (Proses moroses) la science cruelle de l’âme et de la chair des Delaclos et des Sade (puisque, par infortune, ce mauvais écrivain est resté le meilleur représentant de son tour d’esprit] ; mais la perversité des Proses moroses est plus nuancée et plus variée.

1460. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pioch, Georges (1874-1953) »

Il lui resterait alors d’avoir tenté de fixer en enluminures symboliques la beauté latente des usines, des gares et des arbres captifs agonisant dans les murailles urbaines.

1461. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 497-500

A juger de cette Traduction par les cent premiers Vers qui nous en restent, & que nous devons à ses amis, c’eût été un des meilleurs Ouvrages de ce genre.

1462. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre IV. Des Sujets de Tableaux. »

Vérités fondamentales : 1º Les sujets antiques sont restés sous la main des peintres modernes : ainsi, avec les scènes mythologiques, ils ont de plus les scènes chrétiennes.

1463. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre III. Des Ruines en général. — Qu’il y en a de deux espèces. »

Sur les murailles on voyait des peintures, à demi effacées, représentant la vie de saint Bruno ; un cadran était resté sur un des pignons de l’église ; et dans le sanctuaire, au lieu de cette hymne de paix qui s’élevait jadis en l’honneur des morts, on entendait crier l’instrument du manœuvre qui sciait des tombeaux.

1464. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Il ne peignait pas, quand il faisait grand soleil, disant : « Moi je ne suis pas un coloriste, mais un harmoniste. » Figurez-vous, reprend Decan, que Corot est resté jusqu’à quarante-cinq ans, — vous m’entendez bien, — comme un petit enfant chez son père, qui ne croyait pas le moins du monde à son talent. Et il arrivait qu’un jour, Français ayant dîné chez le père de Corot, ce père, au moment où Français allait sortir, lui dit qu’il allait le reconduire, et comme son fils s’apprêtait à le suivre, il lui fit signe de rester. […] Le directeur s’éprenait de lui, et l’invitait quelquefois à dîner, et le retenait à causer, à regarder des images et des bibelots, si bien que tout à coup, ses yeux regardant la pendule, il s’écriait : « Ah vraiment, je vous ai fait rester trop tard, vous ne trouverez plus d’omnibus !  […] le lieu enchanteur, resté dans ma pensée, et que, de crainte de désenchantement, je n’ai jamais voulu revoir depuis ! […] Il y a incontestablement une réunion de malheureuses chances, la mauvaise presse, la politique la guigne du théâtre, et peut-être pour moi la guigne de ce mois décembre, où mon frère et moi, avons été poursuivis en police correctionnelle, où Henriette Maréchal a été jouée, où j’ai eu, en ces dernières années, une fluxion de poitrine, à la suite de laquelle je suis resté bronchiteux.

1465. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

Retranchez d’un son la hauteur, l’intensité et le timbre qui en font un son particulier, que restera-t-il ? […] V, § 3], ils restent confondus. […] Entre les deux derniers sens, l’équivoque est fréquente aujourd’hui encore ; entre les deux premiers elle a dû exister en son temps, de même qu’au temps d’Homère le sens des mots […] et […]42 restait indécis entre l’acception biologique et l’acception psychologique274. […] Une préférence habituelle de l’esprit peut donner cette prééminence à une image qui, naturellement, resterait au second plan ; mais, si la volonté mentale n’intervient pas c’est l’image visuelle qui, le plus souvent, se présente en tête et en avant du groupe275 [§ 1]. […] « au temps d’Homère le sens des mots phrèn et thumos restait indécis entre l’acception biologique et l’acception psychologique » : de fait, il n’y a pas de différence dans le vocabulaire entre physiologie et psychologie.

1466. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Mais il prend triomphalement sa revanche dans les nouvelles et ses beaux romans resteront, je crois, avec ceux de M. de Balzac, comme des médailles de notre époque pour les temps prochains. […] Dumas y est fort habile, et qu’il pratique journellement une foule de travaux de cette sorte qui restent ignorés. […] C’est une femme fort spirituelle et fort aimée des gens qui la connaissent et l’apprécient ; on considère comme une faveur fort enviée, et on doit dire fort utile, l’entrée de son salon, qui est toujours resté extrêmement distingué. […] Mais comme la seconde porte était restée entrebâillée, chez M.  […] Il me restera mille choses à conter à mes amis, qui sont pour ainsi dire les rognures de ces lettres, et qui pourront servir à leur édification et à leur instruction.

1467. (1932) Le clavecin de Diderot

» et il est resté fidèle à André Breton, ce qui ne l’a pas empêché de continuer à croire fermement en la synthèse du surréalisme et du communisme. […] Nous y sommes revenus ou plutôt, nous n’avons pas cessé d’y être, nous y restons, chacun reste sur son quant-à-soi. […] Les belles dames philosophicardes qui restent à l’hôtel, pendant ce temps-là, bien sûr qu’elles s’énervent. […] De ses doigts potelés, elle épila ce bouc jusqu’à ce qu’il n’en restât plus qu’une impériale. […] Le soir venu, il remerciait Dieu d’avoir métamorphosé son devenir en rester là.

1468. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

C’est en cela que le romantisme, qui a été, au point de vue du rajeunissement de la langue et de la forme, une littérature essentiellement révolutionnaire, est resté par le fait une littérature réactionnaire et conservatrice. […] Mais, si l’on y regarde de près, la fiction est restée maîtresse absolue et souveraine du terrain, la réalité humaine n’a pas été sérieusement abordée. […] » Le comte resta une partie de la nuit en contemplation devant les rideaux, appliquant sa pensée (à quoi ?) […] — Mais, cette fois, c’est Jacob qui est resté sur le carreau. […] N’est-ce pas la vraie comédie sociale qu’ont inaugurée, en des tentatives qui resteront, MM. 

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