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56. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre II. Vue générale des Poèmes où le merveilleux du Christianisme remplace la Mythologie. L’Enfer du Dante, la Jérusalem délivrée. »

Le dessin des caractères n’est pas moins savant : la férocité d’Argant est opposée à la générosité de Tancrède, la grandeur de Soliman à l’éclat de Renaud, la sagesse de Godefroi à la ruse d’Aladin ; il n’y a pas jusqu’à l’ermite Pierre, comme l’a remarqué Voltaire, qui ne fasse un beau contraste avec l’enchanteur Ismen. […] Il faut encore remarquer que les idées du Tasse ne sont pas d’une aussi belle famille que celles du poète latin.

57. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 26, que les sujets ne sont pas épuisez pour les peintres. Exemples tirez des tableaux du crucifiment » pp. 221-226

Le bon larron regarde le ciel avec une confiance fondée sur les paroles de Jesus-Christ, et qui se fait remarquer à travers les douleurs du supplice. […] On voit de profil la tête du supplicié, et sa bouche dont cette situation fait encore mieux remarquer l’ouverture énorme, ses yeux dont la prunelle est renversée, et dont on n’apperçoit que le blanc sillonné de veines rougeâtres et tenduës ; enfin l’action violente de tous les muscles de son visage, font presqu’oüir les cris horribles qu’il jette.

58. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XV. La commedia dell’arte au temps de Molière et après lui (à partir de 1668) » pp. 293-309

Mais la grande innovation qu’il faut remarquer et qui nous oblige de fixer à cette date le point de départ d’une nouvelle période dans l’histoire de la comédie italienne à Paris, c’est que ces acteurs commencent alors à insérer dans leurs pièces des scènes en français, des chansons en français, ce qui amène peu à peu une transformation complète dans leur répertoire. […] Nous avons remarqué précédemment que le Convitato di pietra fit très probablement plus d’un emprunt au Dom Juan de Molière qui avait fait sur la scène une courte apparition, car tandis que Molière était contraint de retirer son œuvre du théâtre, les Italiens continuaient de jouer impunément leur parade qui ne scandalisait personne ; ce qu’on jugeait condamnable le mardi cessait de l’être le mercredi, et Arlequin, voyant son maître s’engouffrer dans la flamme infernale, pouvait s’écrier : « Mes gages ! […] On y relève, en effet, de nombreux italianismes et même des vers entiers en italien : Che si non era morta, c’était grande merveille,                Perchè in suo negotio Era un poco d’amore e troppo di cordoglio : Che’l suo galano sen’ era andato in Allemagna Servire al signor Brandebourg una campagna… Remarquez aussi le titre de ces versions amplifiées : Receptio publica unius juvenis medici, ce qui s’appliquerait mieux à la réception de Cintio del Sole qu’à celle d’Argan.

59. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

Sa raillerie était délicate, et il la tournait d’une manière si fine, que quelque satire qu’il fît, les intéressés, bien loin de s’en offenser, riaient eux-mêmes du ridicule qu’il leur faisait remarquer en eux. […] Ainsi il se fit remarquer à la Cour pour un homme civil et honnête, ne se prévalant point de son mérite et de son crédit, s’accommodant à l’humeur de ceux avec qui il était obligé de vivre, ayant l’âme belle, libérale ; en un mot, possédant, et exerçant toutes les qualités d’un parfaitement honnête homme. […] C’est ce que ses plus particuliers amis on remarqué bien des fois.

60. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

N’a-t-on pas cent fois remarqué qu’en dégustant un vin on en reconnaît l’arôme et le cru ? […] Et non seulement il y a des différences de sensations senties, quoique non notées et aperçues, mais il y a des sensations non remarquées et impossibles à remarquer, à apercevoir ; il y a, dans un amas complexe de sensations, des éléments qui ne peuvent être découverts à part. […] Le jugement n’est donc, à l’origine, qu’une différenciation consciente et remarquée dans le continuum des représentations ; c’est, par exemple, la perception d’un son qui s’élève au milieu du silence et qui provoque un tressaillement, une mise en garde de l’être animé. […] En second lieu, comme on l’a souvent remarqué, l’ancienne théorie du jugement est un cercle vicieux. […] Comme l’a remarqué Aristote, nous ne pouvons penser sans images, sans représentations.

61. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

N’ai-je pas remarqué tout le premier qu’il lui avait manqué, aussi bien qu’à Jean-Jacques, les soins et la tendresse d’une mère ? […] Il nous a été impossible seulement, à la lecture de ces lettres premières, de ne pas remarquer, ne fût-ce que pour la décharge de l’homme, que, par le malheur de l’éducation et des circonstances, son adolescence dissipée et déjà gâtée avait fait place aussitôt à une jeunesse toute fanée et sans ardeur. […] Avec ses amis hommes, il sera, dès qu’il le pourra, un honnête homme malheureux et presque attachant : tel il se dessinerait, je suis sûr, dans sa correspondance avec M.de Barante jeune alors, et dont le sérieux aimable l’invitait ; tel nous l’avons entrevu dans sa relation avec Fauriel, et nous n’avons pas omis, à son honneur, de le remarquer. […] De très-bonne heure, à Brunswick et depuis, on peut remarquer que l’émotion et le malin plaisir de sa sensibilité consistaient à se partager, à se jeter dans des complications trop réelles, dont les embarras, les tiraillements et les déchirements même ravivaient pour lui l’ennui de l’existence ; il affectionna en un mot, de tout temps, cette situation entre les trois déesses, comme la définissait très-heureusement madame de Charrière. […] Et surtout, si la différence entre ce qu’il dit comme causeur et ce qu’il professe comme orateur est frappante, on ne saurait s’empêcher de le remarquer.

62. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

. — Mais à quoi bon remarquer ces défauts ? […] Quelqu’un remarquait très bien, sur ces lettres du mariage clandestin, que c’est toujours la gaudriole française et gauloise qui en fait les frais ; mais ici la gaudriole est à la glace31. […] Quand il en vient à l’astronomie en particulier, à la question de savoir si c’est la terre qui est le centre autour duquel tourne l’univers, ou si c’est elle au contraire qui décrit une révolution dans l’espace, il a de ces comparaisons toutes morales et sensibles qui vous remettent d’avance au point de vue : Il faut que vous remarquiez, s’il vous plaît, que nous sommes tous faits naturellement comme un certain fou athénien, dont vous avez entendu parler, qui s’était mis dans la fantaisie que tous les vaisseaux qui abordaient au port de Pirée lui appartenaient. […] On a remarqué que, dans sa première manière, il y avait une sorte de contradiction et d’antithèse entre le ton, qui était mesquin et précieux, et le fond de la pensée, qui allait au réel et au solide ; il en résultait une disproportion et un manque de concert qui faisait du tissu de son style comme une épigramme continuelle. […] Grimm a très bien remarqué que Voltaire avait toutes les qualités de goût opposées précisément aux défauts de Fontenelle, le naturel, la vivacité, la saillie franche et prompte, le jet de source.

63. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

il était né bon et juste, et Dieu lui avait donné assez pour être un bon roi, et peut-être même un assez grand roi… Qu’il y eût dans Louis XIV un premier fonds de bonté, de douceur, d’humanité, qui disparut trop souvent dans l’idolâtrie du rang suprême, Saint-Simon le reconnaît et, même en s’en étonnant, nous l’atteste ; Mme de Motteville nous le fait remarquer comme un caractère naturel du roi enfant, et plus d’une parole de Louis XIV, dans les pages sincères de sa jeunesse, nous le confirmera. […] « J’ai souvent remarqué avec étonnement, dit encore Mme de Motteville, que dans ses jeux et dans ses divertissements ce prince ne riait guère. » On a une lettre par laquelle il demande au duc de Parme (5 juillet 1661) de lui faire venir un Arlequin pour sa troupe italienne : il le demande dans les termes du plus grand sérieux, et sans le moindre petit mot de gaieté. […] Mais la réponse que l’on peut faire à Saint-Simon, c’est Louis XIV qui va la lui faire, et dans des termes dignes de tous deux : À peine remarquons-nous, dit ce roi sensé, l’ordre admirable du monde, et le cours si réglé et si utile du soleil, jusqu’à ce que quelque dérèglement des saisons ou quelque désordre apparent dans la machine nous y fasse faire un peu plus de réflexion. […] On a remarqué que ce fut là une apparence plus qu’une réalité, et que bientôt, à défaut de Premier ministre, il eut des premiers commis qui, par art et flatterie, surent lui faire adopter comme de sa propre impulsion ce qu’eux-mêmes ils désiraient. […] « Tout homme qui est mal informé, remarque-t-il, ne peut s’empêcher de mal raisonner. » Et par une conclusion digne d’un moraliste, il ajoute finement : « Je crois que quiconque serait bien averti et bien persuadé de tout ce qui est, ne ferait jamais que ce qu’il doit. » Il trouve un plaisir vrai dans l’application et l’information même ; il jouit de débrouiller ce qui était obscur : J’ai déjà commencé, écrit-il le soir de l’arrestation de Fouquet, à goûter le plaisir qu’il y a de travailler soi-même aux finances, ayant, dans le peu d’application que j’y ai donné cette après-dînée, remarqué des choses importantes dans lesquelles je ne voyais goutte ; et l’on ne doit pas douter que je ne continue.

64. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Dans ces premières lettres, où je n’ai pas besoin de faire remarquer qu’on est encore en pleine langue du xvie  siècle, il y en a où Richelieu fait l’évêque, le consolateur au besoin, et parfois le directeur des âmes. […] L’estime dura toujours, mais sa bienveillance diminua entièrement, premièrement parce qu’il me trouva avec des contradictions qu’il n’attendait pas ; secondement parce qu’il remarquait que la confiance de la reine penchait toute de mon côté… Quel était l’état du royaume au moment où Richelieu, âgé de trente et un ans, y devint pour la première fois ministre ? […] Avenel fait remarquer en même temps ce terme bref de huit jours : quelque chose du caractère impérieux du cardinal se retrouve, même quand il s’agenouille et s’humilie : il semble prescrire un terme à Dieu même32. […] Et il est à remarquer combien Richelieu, quand il écrit, tout en étant parfois rigide, n’est jamais inhumain. […] Aussi y eut-il un si merveilleux effet de bénédiction de Dieu envers elle, que, par un subit changement, tous ceux qui assistèrent au triste spectacle de sa mort devinrent tout autres hommes, noyèrent leurs yeux de larmes de pitié de cette désolée… Je supprime quelques traits de mauvais goût ; et il finit par remarquer que ce qu’il en dit n’est point par l’effet d’aucune partialité, que c’est la vérité seule qui l’oblige à parler ainsi, « vu qu’il n’y a personne si odieuse qui, finissant ses jours en public avec résolution et modestie, ne change la haine en pitié, et ne tire des larmes de ceux mêmes qui, auparavant, eussent désiré voir répandre son sang ».

65. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Avec du goût, de l’esprit et les formes de la meilleure compagnie, il aimait à faire remarquer l’ancienneté de la famille irlandaise dont il descend. […] M. de Senfft fut avec lui à Berlin, et depuis à Paris, sur un pied d’amitié et de confiance, auquel il dut, en 1809, la satisfaction de soustraire le fils aîné de Mmc la duchesse d’Esclignac, fait prisonnier en Espagne, à la rigueur des lois portées contre les Français pris les armes à la main. » On peut le remarquer, les parfaites liaisons de M. de Senfft à cette époque ne furent jamais qu’avec ceux qui, tout en servant alors la politique de Napoléon, avaient des restes d’ancien régime ou des avant-goûts et des prédispositions de régime futur différent. […] Je n’y ferais pas trop d’attention si je ne remarquais dans les Souvenirs de M.  […] La dépêche de M. de Senfft, « expédiée par la poste », fut sujette à être remarquée ; c’est lui qui le dit ou qui l’insinue ; peut-être aussi, ajoute-t-il, se rappela-t-on comment il avait été placé ce jour-là pour bien entendre et pour tout retenir.

66. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

Bien qu’elle ne vît jamais toute l’étendue de ces inconvénients, elle en aperçut pourtant quelque chose ; elle sentait que là où elle cherchait le repos et le délassement du rang suprême, elle retrouvait encore une obsession intéressée, et quand on lui faisait remarquer qu’elle témoignait souvent trop de préférence à des étrangers de distinction qui passaient en France, et que cela pouvait lui nuire auprès des Français : « Vous avez raison, répondait-elle avec tristesse, mais ceux-là du moins ne me demandent rien. » Quelques-uns des hommes qui, admis dans cette intimité et cette faveur de la reine, étaient obligés à plus de reconnaissance et de respect, furent les premiers à parler d’elle avec légèreté, parce qu’ils ne la trouvaient pas assez docile à leurs vues. […] Je ferai toutefois remarquer qu’il n’était nullement probable que Lauzun agît pour le compte de la cabale Choiseul, avec qui il était assez mal de tout temps ; mais les alentours de la reine avaient eu intérêt à le présenter sous ce jour pour le perdre définitivement. […] C’est la plainte perpétuelle qui revient sous la plume du comte de La Marck dans la Correspondance secrète qu’on vient de publier : La reine, écrivait-il au comte de Mercy-Argenteau (30 décembre 1790), la reine a certainement l’esprit et la fermeté qui peuvent suffire à de grandes choses ; mais il faut avouer, et vous avez pu le remarquer mieux que moi, que, soit dans les affaires, soit même simplement dans la conversation, elle n’apporte pas toujours ce degré d’attention et cette suite qui sont indispensables pour apprendre à fond ce qu’on doit savoir pour prévenir les erreurs et pour assurer le succès. […] Au moment où ce voyage tant différé allait s’exécuter enfin, vers minuit, la reine, traversant le Carrousel à pied pour aller trouver la voiture préparée pour la famille royale par M. de Fersen, rencontra celle de M. de La Fayette qui passait : elle la remarqua, « et elle eut même la fantaisie, avec une badine qu’elle tenait à la main, de chercher à toucher les roues de la voiture ».

67. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Cependant, et il n’est pas inutile de le remarquer, des pensées, à quel point qu’elles puissent être le résultat de méditations isolées, sont toujours un ordre de faits qui mérite aussi quelque attention. […] Nous aurons donc à signaler par la suite l’espèce de désharmonie qu’à présent il est impossible de ne pas remarquer dans le peuple français, entre des mœurs stationnaires et des opinions progressives ; nous aurons, de plus, à examiner la cause de cette désharmonie. […] Cet état si nouveau dans la société sera soumis à un examen attentif ; et si nous ne pouvons l’expliquer, il aura toujours été utile de le faire remarquer, pour que désormais il entre comme élément de calcul dans toutes les théories politiques. […] N’oublions pas surtout qu’il y a chez la plupart des hommes, ainsi que nous l’avons déjà remarqué, deux sortes d’opinions bien distinctes, bien spontanées, également vraies et intimes, et au-delà de tout calcul ou de tout retour personnel.

68. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

Pendant quelque temps, cette circonstance fut inexplicable, jusqu’à ce que, sur enquête, on trouva qu’elle était née dans le pays de Galles, qu’elle avait parlé le langage de ce pays pendant son enfance, mais qu’elle l’avait entièrement oublié dans la suite. » — Des impressions fugitives, qu’on n’a point remarquées, peuvent aussi surgir de nouveau, avec une puissance étrange et une exactitude automatique. […] Le haschich, l’agonie, les grandes et subites émotions font parfois des résurrections aussi minutieuses de sensations aussi peu remarquées et encore plus lointaines. — On ne peut donc pas assigner de limites à ces renaissances, et l’on est forcé d’accorder à toute sensation, si rapide, si peu importante, si effacée qu’elle soit, une aptitude indéfinie à renaître, sans mutilation ni perte, même à une distance énorme, comme une vibration de l’éther qui, partie du soleil, se transmet à travers des millions de lieues jusqu’à nos appareils d’optique, avec son spectre spécial et ses raies propres, la même au point de départ et au point d’arrivée, intacte et capable, par sa conservation exacte, de manifester à l’instrument qui la reçoit le foyer qui l’émet. […] Tel est aussi le cas fréquent et bien constaté de soldats qui, dans la fougue de la bataille, ne remarquent pas leur blessure, et celui des extatiques, des somnambules, des personnes hypnotisées. — Tous ces exemples authentiques et toutes ces métaphores du langage mettent en lumière le même fait, à savoir l’annulation plus ou moins universelle et complète de toutes les sensations, images ou idées, au profit d’une seule ; celle-ci est persistante et absorbante, produite et prolongée avec toute la force qui, d’ordinaire, se disperse entre plusieurs. […] Ici encore, la renaissance partielle a fini par la renaissance totale. — Très souvent nous avons peine à remarquer cette renaissance partielle. […] C’est que l’idée qui semble la précédente ne l’est pas véritablement ; entre les deux étaient des intermédiaires que l’habitude, l’inattention ou la promptitude de l’opération nous ont empêchés de remarquer ; ces intermédiaires ont servi de transition invisible, et par eux la loi de contiguïté ou la loi de similitude s’est appliquée.

69. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre II. De la rectification » pp. 33-65

Remarquez la simplicité du mécanisme. […] Mais ici le démenti et le redressement aboutissent à un effet nouveau, effet merveilleux, dont le mécanisme est si simple qu’on néglige de le remarquer, d’une portée infinie et qui, par son ajustement aux choses, constitue la mémoire. […] — Remarquez que toute image, à plus forte raison toute série d’images, a une durée ; car toute image répète une sensation, et on a vu que les plus courtes sensations, même celles que nous jugeons instantanées, sont des suites de sensations élémentaires, elles-mêmes composées de sensations plus élémentaires encore. […] » — Remarquez le voyage que vient de faire la figure intérieure, ses divers glissements en avant, en arrière, sur la ligne du passé ; chacune des phrases prononcées mentalement a été un coup de bascule. […] J’ai vu cent fois cette pendule que je me figure ; j’ai entendu ou lu mille fois, dix mille fois, ces paroles mentales qui roulent dans mon esprit ; j’ai remarqué trente ou quarante fois le geste d’étonnement, le sourire de plaisir, l’accent de colère que j’imagine ; la preuve en est qu’ils me reviennent ; si je sais, c’est que je me souviens.

70. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

Les beautés et les défauts qu’on peut y remarquer se retrouvent plus ou moins dans toutes les pièces du recueil. […] Hugo n’a pas à sortir de lui-même, et qu’il veut rendre seulement une impression personnelle, nous avons déjà remarqué que ses défauts disparaissent. […] On remarquera, en passant, l’agilité et la prestesse du rythme.

71. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

Pascal, qui a fait une si profonde réflexion sur le travail de l’écrivain, et qui, là comme en toute chose, a vu plus nettement et plus loin que personne, a remarqué la peine que donne cette recherche nécessaire : « La dernière chose qu’on trouve en faisant un ouvrage est de savoir celle qu’il faut mettre la première. » Et soit qu’on ait parlé, ou entendu les autres parler, n’a-t-on pas pu remarquer souvent comme il est difficile de finir ? […] Au-delà, sont deux défauts, deux excès, soit qu’on se hâte trop sans laisser le temps au lecteur de remarquer suffisamment les objets qu’on lui présente, soit qu’on s’attarde à lui montrer ce qu’il a bien vu d’un coup d’œil, à lui détailler ce qui n’en vaut pas la peine, à lui expliquer ce qu’il connaît.

72. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Il a été remarqué que le type de Don Juan est absolument inconnu, dans la littérature antique. […] Car, remarquez bien, c’est une pièce où l’amant ne trompe pas seulement le mari ? […] Remarquez que la première de ses comédies jouées à Paris est presque la plus hardie de toutes. […] Remarquez bien cela. […] On peut remarquer dans les Femmes savantes l’absence de servante gaillarde et remarquer aussi que ce personnage est tenu de temps en temps par Henriette. « C’est une jeune fille qui manque de duvet » a dit M. 

73. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Un de mes amis16 me faisait remarquer l’autre jour que si M. le chancelier (d'Aguesseau), qui a soixante-neuf ans, venait à manquer, on devait naturellement me choisir, car personne du ministère n’est à portée de cela : M.  […] Une telle passion exclut la vertu et cet amour du bien public, qu’on doit adorer après son simple bonheur et bien avant sa propre grandeur… Il faut remarquer, ajoute-t-il (et l’on n’a que le choix entre vingt passages), que mon frère aime mieux une place qui lui vient par une brigue, par un parti et par une intrigue, que par la voie simple et noble de sa capacité reconnue et placée. […] En juin 1737, dans l’un des passages les plus favorables, il dit : J’ai remarqué plusieurs fois que mon frère aimait les grandes fins et les petits moyens pour y parvenir. […] Pour moi, qui ne cherche que l’homme moral en lui et l’écrivain philosophe, je me bornerai à remarquer qu’il échoua dans cette carrière active. […] Remarquez qu’il y a aujourd’hui plus de journaux critiques périodiques par mois qu’il n’y a de livres nouveaux ; la satire mâche à vide, mais mâche toujours.

74. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

L’Académie française, qui vient de remarquer et de couronner l’ouvrage de M. de Mouy, lui dira bientôt d’une manière flatteuse, et par un organe éloquent, tous ses mérites74. […] Après la messe pontificalement célébrée, au moment du baisemain, on remarqua les moindres circonstances. […] Le duc s’excusa, le prince l’embrassa ; mais le mouvement avait été remarqué. […] Jusqu’ici on n’a pu remarquer s’il a de nobles inclinations, ni voir a quoi il est porté, si ce n’est au plaisir de la table : car il mange tant et avec tant d’avidité que ce n’est pas à dire, et à peine il a fini qu’il est prêt à recommencer. […] Remarquez qu’au moment même où il se préparait à s’enfuir, don Carlos, ce séditieux d’un nouveau genre, se rendit au monastère de Saint-Jérôme près Madrid (27 décembre 1567) pour s’y confesser, y communier le lendemain et gagner le jubilé que le pape avait accordé à toute la chrétienté pour ce jour-là, qui était celui des Saints-Innocents.

75. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

Fontaine, le même que nous citions il n’y a qu’un instant, et qui était un grand géomètre, mais un assez mauvais homme, avait remarqué les premiers travaux analytiques de Condorcet et avait pu craindre de voir s’élever en lui un rival : « J’ai cru un moment qu’il valait mieux que moi, disait-il, j’en étais jaloux ; mais il m’a rassuré depuis. » C’est Condorcet lui-même qui raconte agréablement cette anecdote dans l’éloge de Fontaine, et avec bon goût cette fois. […] Et remarquez que ce n’était point pour quelque injure personnelle que Condorcet en voulait ainsi à M.  […] On a fort loué, dans cette correspondance de Condorcet avec Voltaire, quelques témoignages de véracité et de franchise, mais il y fallait remarquer aussi ces premiers indices d’un esprit dénigrant, et surtout l’espèce d’adresse avec laquelle Condorcet, très mécontent que Voltaire ait fait des vers pour Mme Necker, cherche à exciter l’illustre maître contre le financier genevois : « D’ailleurs, je ne puis rien espérer, lui écrit-il, d’un homme (M.  […] Nous avons tous de la vanité, remarquait Mlle de Lespinasse, mais « je ne sais pas, ajoutait-elle, où s’est placée celle de M. de Condorcet : je n’en ai jamais pu découvrir en lui ni le germe ni le mouvement ». […] « Condorcet, il est vrai, ne dit que des choses communes, a remarqué finement M. 

76. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Pourtant il paraît qu’elle avait sa bonne part aussi de la vanité de famille ; elle disait toujours : Depuis le renversement de notre maison… « Vous diriez qu’elle parle du bouleversement de l’Empire grec », remarquait le malin Tallemant des Réaux. […] Je ne m’arrêterai pourtant point, Madame, à vous dire quelle fut son enfance : car elle fut si peu enfant, qu’à douze ans on commença de parler d’elle comme d’une personne dont la beauté, l’esprit et le jugement étaient déjà formés et donnaient de l’admiration à tout le monde ; mais je vous dirai seulement qu’on n’a jamais remarqué en qui que ce soit des inclinations plus nobles, ni une facilité plus grande à apprendre tout ce qu’elle a voulu savoir. […] Mais ce qu’il y a de plus nécessaire pour la rendre douce et divertissante, c’est « qu’il y ait un certain esprit de politesse qui en bannisse absolument toutes les railleries aigres, aussi bien que toutes celles qui peuvent tant soit peu offenser la pudeur… Je veux encore qu’il y ait un certain esprit de joie qui y règne. » Tout cela est assurément aussi bien dit et aussi agréable que judicieux, comme ne manque pas de le remarquer l’un des personnages de l’entretien. […] Et puis Nicole finit tout par Dieu et par la considération de la fin suprême, tandis que Mlle de Scudéry finit toujours par les louanges et l’apothéose du roi ; elle y met une adresse et une industrie particulière que Bayle a remarquée et qui ne laisse pas de déplaire un peu. […] Et quant à tous ces autres noms qu’on cite (je n’en excepte aucun, ni Fléchier, ni Mascaron, ni Bouhours), ce n’est point qu’on veuille le remarquer, par le bon goût, par le goût sain et judicieux qu’ils brillent ; ils ont tous plus ou moins gardé une teinte prononcée de l’hôtel Rambouillet, et ils retardaient à certains égards sur leur siècle.

77. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Il est à remarquer comme dans ses récits, de quelque nature qu’ils soient, il n’oublie jamais les détails du manger, le vin de Champagne ou le flacon de vin de Tokai qui animait la fin des plus spirituels repas. […] On remarquera que Marmontel, dans ses Mémoires, aime assez à mettre des discours, à se rappeler ceux qu’il a tenus dans certaines circonstances, et à les refaire ; mais il n’y réussit pas toujours également : il faut, pour cela, qu’il s’y mêle, comme dans le cas précédent, une pointe de parodie et de gaieté. […] Je ne veux faire remarquer qu’un seul point à l’honneur de Marmontel. […] Quand il s’est avisé de vouloir corriger le Venceslas de Rotrou pour complaire à une fantaisie de Mme de Pompadour, Grimm a remarqué que c’était là une entreprise de mauvais goût que d’habiller ainsi Rotrou à la moderne : « Mais cette remarque, ajoute-t-il sévèrement, ne peut se faire que pour ceux qui ont véritablement du goût. […] Cet unanimement était vrai à une voix près : « Lorsqu’on fut aux voix, dit Bailly en ses Mémoires, je remarquai bien qu’un seul membre, M. 

78. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

Déjà Alfred Maury et, vers la même époque, le marquis d’Hervey de Saint-Denis avaient remarqué que ces taches colorées aux formes mouvantes peuvent se consolider au moment où l’on s’assoupit, dessinant ainsi les contours des objets qui vont composer le rêve. […] Remarquez, dans les cas où vous vous sentez voler, que vous croyez lancer votre corps sur le côté à droite ou à gauche, en l’enlevant d’un brusque mouvement du bras qui serait comme un coup d’aile. […] Remarquons d’abord que le rêve ne crée généralement rien. […] Remarquez que les images de rêve sont surtout visuelles ; les conversations que le rêveur croit avoir entendues sont la plupart du temps reconstituées, complétées, amplifiées au réveil : peut-être même, dans certains cas, n’était-ce que la pensée de la conversation, sa signification globale, qui accompagnait les images. […] Bref, ce qui revient de préférence est ce qui était le moins remarqué.

79. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Molé sans garanties suffisantes), à mes impressions personnelles, à l’insistance du roi, à l’urgence de la situation, et aussi à une disposition de ma nature qui est d’avoir trop de facilite à accepter ce qui coupe court aux difficultés du moment, trop peu d’exigence quant aux moyens et trop de confiance dans le succès. » Il est curieux, en le lisant, de remarquer comme ces formes de phrases se reproduisent involontairement sous sa plume : « J’ai la confiance de croire, etc. […] Ce fut, à s’en tenir à l’intérieur de la lice et à ne pas regarder aux conséquences du dehors, un tournoi des plus satisfaisants, un assaut brillant et des mieux conduits : d’un côté, tous les princes de la parole, tous les chefs de file des nuances de l’opposition et des couleurs même les plus contraires, avec un major-général plus actif, plus infatigable que ne le fut jamais le prince Berthier, et qui allait donnant le mot d’ordre dans tous les rangs15 : ce mot d’ordre, c’est qu’on n’avait pas le gouvernement parlementaire dans sa force et dans sa vérité ; car remarquez que, tant qu’on a eu en France ce gouvernement, ceux mêmes qui le regrettent le plus hautement aujourd’hui niaient qu’on le possédât tel qu’il devait être et allaient criant partout : « Nous ne l’avons pas !  […] Guizot, dans son récit animé ; ne dissimule rien de tout cela, et il nous aide vivement à nous en ressouvenir ; il réitère même, à un endroit (tome IV, page 292), un mea culpa qui ne laisserait rien à désirer, si, par un singulier retour, il ne le rétractait formellement dans les toutes dernières lignes du chapitre ; car, faisant remarquer que c’était en vue d’obtenir un gouvernement pleinement d’accord avec la majorité de la Chambre des députés qu’il s’était mis si fort en avant, dans une ligne d’opposition inaccoutumée, au risque de déplaire à plusieurs de ses amis conservateurs, il ajoute : « Dans mon élan vers ce but, ma faute fut de ne pas tenir assez de compte du sentiment qui dominait dans mon camp politique, et de ne consulter que mon propre sentiment et l’ambition de mon esprit plutôt que le soin de ma situation (que de ma et que de mon !)  […] Quelqu’un d’habile me le fait remarquer : sur ces champs de bataille de l’éloquence, ce n’est pas comme à la guerre où l’on détruit l’ennemi en le vainquant : ici on l’écarte seulement, on le déconcerte, on l’intimide ; il revient le lendemain à la charge, comme si de rien n’était.

80. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

Il n’eût pas mieux fait, a remarqué un grand juge en cette dernière matière, s’il avait eu sous les yeux le journal d’Agamemnon. […] Je ne le puis faire ici, et je me borne à remarquer que sa conclusion, tout à fait dans le sens des Fontenelle, des Lamotte, des Terrasson et de quelques modernes de ma connaissance, a plus de chance qu’on ne le croit d’être reprise et accueillie un jour. […] En me voyant approcher, il se leva, et je remarquai avec satisfaction que le chien de son fusil était au repos. […] Grenier, en acceptant à peu près son point de vue, et en faisant toutefois remarquer que le nouveau contempteur d’Homère ne garde pas assez de mesure.

81. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

» Une seconde mère ira plus loin : « J’ai défendu à mes enfants, dira-t-elle, d’ouvrir désormais votre publication, et si pareil scandale se renouvelle, je vous préviens que je cesserai mon abonnement. » Remarquez que l’œuvre incriminée n’a aucun caractère d’immoralité ; qu’elle est écrite, je le suppose, avec un sentiment de réserve et de respect. Remarquez, en outre, que dans la pensée de l’abonné, les mots « romans pour toutes les mains » ont un sens bien étroit et bien singulier. […] Il ne pourra s’empêcher de remarquer que le talent de composition a été inégalement réparti, non seulement entre les hommes, mais entre les nations ; que le roman d’un Français est composé autrement que celui d’un Russe, d’un Anglais, d’un Allemand. […] Il ne verra que les détails qui peuvent fournir un aliment à ses pensées de l’heure présente ; il ne verra que son âme souffrante ou heureuse dans la nature où il la répand ; il n’aura pas remarqué l’exacte courbe d’un chemin qui tourne sous bois ou d’un arbre plié par le vent, mais d’immédiates comparaisons se seront levées en lui, et ce qu’il aura retenu, soit comme une ironie, soit comme une harmonie, ce sera la paix, l’ordre, ou la sauvagerie, ou la fraîcheur, ou la tristesse morne de ce coin de la nature.

82. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Biot » pp. 306-310

En commençant, il a rendu au premier empereur une justice à quelques égards éclatante, et il est impossible de ne pas remarquer combien cette grande figure de Napoléon gagne chaque jour dans la perspective : ceux qui l’on combattu à l’origine n’ont plus, même quand ils le jugent, que le langage magnifique de l’histoire. […] Dans le respect que nous avons pour de nobles pensées rendues avec énergie, il nous sera permis toutefois de faire remarquer que si c’est une politique positive qui doit sortir de telles études et de telles méditations, il importe fort de ne la point puiser trop haut.

83. (1903) Propos de théâtre. Première série

Catherine, remarquez-le, n’a pas de mère ; elle l’a perdue toute jeune. […] « Remarquez bien, Messieurs, nous disait M.  […] N’avez-vous pas remarqué qu’il les agrandit toujours sans les déformer ? […] Eh bien, je vous fais remarquer que je n’ai pas le temps. […] Avez-vous remarqué cet « exemple à l’univers » que Bérénice prétend donner ?

84. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Remarquez qu’au moyen âge c’était la disparité qui était beauté en architecture. […] Remarquez qu’il s’appelle Ernest. […] Remarquez qu’il ne peut pas faire de psychologie. […] Remarquez même qu’il n’y a pas là deux points de vue. […] Mais remarquez combien les vues de Bismarck portaient loin dans l’avenir.

85. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « [Béranger] » pp. 333-338

Béranger, dans ses dernières années et avant que la maladie de cœur à laquelle il a succombé le retint dans sa chambre, se faisait remarquer par une qualité rare et qui dénotait l’excellence de sa nature : il était le plus activement obligeant et le plus utilement serviable des hommes. […] Assez d’occasions s’offriront de ramener l’attention publique sur les titres d’une renommée qui est dès longtemps le patrimoine universel : aujourd’hui il convenait de remarquer avant tout cette partie supérieure et puissante du talent, par laquelle le poète léger, et si souvent brillant dans la gaieté et dans le badinage, a eu l’art et le bonheur de graver son nom sur l’un des marbres les plus indestructibles de l’histoire.

86. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

William James n’avait attiré l’attention des physiologistes sur certains phénomènes assez peu remarqués, et pourtant bien remarquables. […] Déjà Vulpian avait fait remarquer que si l’on demande à un hémiplégique de fermer son poing paralysé, il accomplit inconsciemment cette action avec le poing qui n’est pas malade. […] Il avait remarqué cette sensation très distincte de tension et de contraction de la peau de la tête, cette pression de dehors en dedans sur tout le crâne, que l’on éprouve quand on fait un grand effort pour se rappeler quelque chose. […] Remarquons maintenant que beaucoup de sensations représentatives ont un caractère affectif, et provoquent ainsi de notre part une réaction dont nous tenons compte dans l’appréciation de leur intensité. […] On n’a peut-être pas assez remarqué la multitude d’éléments très différents qui concourent, dans la vie journalière, à nous renseigner sur la nature de la source lumineuse.

87. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

Albert Thibaudet écrivait dans La Nouvelle Revue française : « A-t-on remarqué que le Midi n’a donné à la France, dans toute son histoire littéraire, pas un seul de ses grands poètes ? […] (On ne peut s’empêcher de remarquer combien les conversations des femmes du peuple, dans notre Provence, même quand elles parlent français, trahissent plus d’idées, d’associations d’idées, que celles de nos campagnes et de nos villes du nord de la Loire.) […] Déjà Jules Lemaître avait remarqué que le Midi fournissait au Parlement le plus grand nombre d’avocats politiciens et d’orateurs redoutables. […] Jacques Chaumié fait remarquer qu’Agrippa d’Aubigné est bien né dans une province de latitude assez méridionale, mais de langue d’oïl : la Saintonge. […] Jacques Chaumié fait remarquer aussi qu’Arthur Rimbaud est ardennais et M. 

88. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Or le vieillard de La Fontaine est aussi tout cela, mais avec quelque chose de plus, l’avez-vous remarqué ? […] Cette manière, je le répète, est absolument différente de la manière des contes proprement dits, et elle est à considérer comme on a considéré celle des contes proprement dits, pour en faire remarquer les défauts en même temps que les qualités. […] Or on a fait beaucoup remarquer que lorsque La Fontaine parle de la nature, il parle des jardins et l’on a cité souvent ces deux vers, charmants du reste : L’innocente beauté des jardins et du jour Allait faire à jamais le charme de ma vie. […] Remarquez que La Fontaine ne méprise pas ces petits procédés de narration pour un effet de surprise. […] Remarquez que, même dans ses Contes et dans ses Fables, il est moraliste, et de premier ordre, c’est-à-dire qu’il parle avec infiniment de perspicacité, de grâce, de malice et quelquefois de profondeur, des vertus, peu, mais des ridicules et des vices des hommes.

89. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française, par M. D. Nisard. Tome iv. » pp. 207-218

Ses seuls défauts ne sont-ils pas, non le précieux, mais le relâché, le surabondant et l’amplifié, comme lui-même l’a remarqué ailleurs ? […] C’est à cause de cette rigoureuse recherche d’exactitude que je me permettrai de remarquer qu’en appréciant si bien André Chénier et en rendant à ce jeune et nouveau classique la part entière qui lui est due, il l’a un peu trop appareillé, en tout, et même pour la destinée, avec cet autre charmant poète de nos jours, Alfred de Musset. […] Goethe l’a vu et l’a exprimé avec sa supériorité de critique et de naturaliste : « Lorsqu’une famille s’est fait remarquer, dit-il, durant quelques générations par des mérites et des succès divers, elle finit souvent par produire dans le nombre de ses rejetons un individu qui réunit les défauts et les qualités de tous ses ancêtres, en sorte qu’il représente à lui seul sa famille entière.

90. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Armand Silvestre »

(Remarquez-vous que « bras prosternés » et « frileux comme la neige » sont des expressions bizarres et douteuses, qu’il ne faut pas trop presser non plus la comparaison des lis renversés, et qu’avec tout cela — ou j’ai la berlue — ces trois vers sont très beaux ?) […] Car remarquez que, maintenant encore, tout en nous contant les mésaventures de Laripète, il lui arrive de tresser des rimes mystiques, de conclure même par un sonnet parnassien quelque fantaisie de haute graisse et, après avoir dûment empâté ses clients, d’enfiler poétiquement des perles à leur nez (ante porcos). […] Nous avons remarqué que le spectacle des phénomènes naturels lui suggérait les mêmes images amples et vagues qu’aux poètes d’il y a trois mille ans : et voilà maintenant que ses facéties sont aussi celles des primitifs et qu’il se délecte comme eux — et comme les enfants — au comique incongru des basses fonctions corporelles.

91. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre premier. L’ubiquité de la conscience et l’apparente inconscience »

Un changement trop faible et trop indistinct pour que le moi puisse le remarquer à part n’en suffit pas moins à produire la décharge nerveuse sur les centres moteurs immédiatement associés ; or ces centres moteurs sont précisément ceux dont la mise en activité amènerait l’action de couper avec des ciseaux : il y aura donc décharge en ce sens, — et décharge d’autant plus sûre, d’autant plus machinale, que le cerveau, qui l’ignore, ne pourra plus l’inhiber ni la diriger. […] Binet fait remarquer l’analogie de ce phénomène avec tous ceux qui ont été étudiés par M.  […] Il faut remarquer, à l’appui de notre thèse, que le cerveau est un organe double, comme les yeux ou les oreilles, tout au moins qu’il est composé de deux hémisphères.

92. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre septième. »

Remarquons pourtant après ce grand vers : V. 28. Même il m’est arrivé quelquefois de manger Remarquons ce petit vers… Le berger. […] Remarquez ces expressions qui appartiennent à la langue dévote.

93. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

. — Mais si, au lieu de prendre pour exemple un homme enclin à remarquer surtout les sentiments, on considère des hommes accoutumés à remarquer surtout les couleurs et les formes, on trouvera des images si nettes qu’elles ne différeront pas beaucoup des sensations. […] Le premier sentiment de surprise passé, il remonta à la source de l’illusion, et remarqua que la figure correspondait exactement à celle qu’il avait vue dans la gravure. […] Par degrés, toutes les sensations extérieures s’effacent, ou du moins cessent d’être remarquées ; au contraire, les images intérieures, faibles et rapides pendant la veille complète, deviennent intenses, distinctes, colorées, paisibles et durables ; c’est une sorte d’extase accompagnée de détente générale et de bien-être. […] Mais supposez le cas inverse : admettez que dans la veille aussi bien que dans le sommeil, et par exemple dans l’extase ou dans la fougue de l’action, cette sensation, malgré l’ébranlement du nerf, soit absente ou comme absente, c’est-à-dire non remarquée, annulée par la présence et la prépondérance d’une autre idée, image ou sensation. […] Un individu qui avait des hallucinations de l’ouïe avait remarqué qu’il pouvait lui-même provoquer les voix ; il disait ensuite que cela l’aidait en partie à reconnaître son erreur… M. 

94. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Or ce grand bouillon de colère et indignation étant aucunement refroidi, et là-dessus ayant ouï parler des gens de toute sorte, consultant à part moi souvent de ce qu’en conscience il en faut tenir et croire, enfin je me suis aperçu bien changé… Il est à remarquer que la date de cette lettre, qui est d’avril 1589, coïncide avec les premiers temps de la connaissance que fit Charron de Montaigne37 : je n’irai pas jusqu’à conjecturer que, dès les premiers entretiens, Montaigne fut pour quelque chose dans ce changement de Charron. […] » Dans la simple différence de ce petit mot on entrevoit assez bien, a remarqué M.  […] Bayle a déjà remarqué, en s’en réjouissant et en s’en emparant dans un sens quelque peu équivoque, que Charron n’affaiblit jamais et n’énerve point les objections qu’il expose, et il a l’air de croire que ce n’est pas sans dessein que les réponses ne sont pas toujours aussi fortes chez lui que les objections mêmes. […] 41 On pourrait faire pareil rapprochement de lui à Montaigne dans une quantité de pages ; ce que le vieux Sorel avait déjà remarqué, et ce qui a fait dire à Balzac, je crois, que Charron n’était que le secrétaire de Montaigne et de du Vair.

95. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

Madame de La Sablière eut le malheur de remarquer que l’astrolabe sert à mesurer la hauteur des astres et non à reconnaître si la terre tourne ou est fixe ; et que parallaxe est du féminin. […] Il avait été frappé du plaisir qu’elle avoue avoir éprouvé à la lecture d’une critique de Bérénice, et n’avait pas remarqué que ce qu’elle appelle la folle passion de cette pièce lui déplaisait non seulement par sa folie, mais aussi parce que Bérénice rappelait cette Marie Mancini, nièce de Mazarin, que Louis XIV avait voulu épouser, et qui était odieuse à la société fréquentée par madame de Sévigné, Il n’avait pas lu ce qu’elle dit de Bajazet : La pièce m’a paru belle ; Bajazet est beau, mais Racine n’ira pas plus loin qu’Andromaque. Il n’avait pas lu ce qu’elle dit de Mithridate : « C’est une pièce charmante, on y est dans une continuelle admiration ; on la voit trente fois, et on la trouve plus belle la trentième que la première. » Il n’avait pas lu enfin ce qu’elle dit d’Esther, ni remarqué ce sentiment profond des beautés nouvelles que Racine avait puisées dans l’histoire sainte, ni le pressentiment qu’elle conçut d’une pièce du même genre encore plus parfaite, pressentiment qui fut réalisé par Athalie. […] Il n’en aurait nul besoin, il ne faudrait ni fable, ni fiction, il suffirait d’un style droit, pur et naturel. » Quoiqu’elle n’ait rien dit de trop ici, il faut pourtant remarquer que homme à qui elle écrivait lui avait témoigné l’ambition d’être l’historien du roi.

96. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

Le jeune publiciste se fit remarquer tout d’abord par son désintéressement et sa neutralité entre toutes ces écoles opposées. […] On n’a pas assez remarqué que sur les républiques anciennes ce sage politique a exactement les mêmes idées que Mably et que Rousseau : ce qu’il appelle la république n’est pour lui qu’un rêve des temps antiques ; il n’a eu aucun pressentiment de la démocratie moderne. […] On ne sympathise vraiment, les philosophes l’ont fait remarquer, qu’avec les sentiments qu’on a plus ou moins éprouvés soi-même. […] Au reste, pour bien comprendre la pensée de Tocqueville et ne pas confondre des choses très-distinctes, il faut remarquer qu’il peut y avoir deux sortes de despotisme dans les sociétés démocratiques : le despotisme politique, qui naît de l’omnipotence des majorités, et le despotisme administratif, qui vient de la centralisation.

97. (1912) L’art de lire « Chapitre VIII. Les ennemis de la lecture »

Vous n’avez pas remarqué qu’un auteur est un ennemi ? […] Qu’un homme lise, c’est une marque qu’il n’est pas bien ambitieux, qu’il n’est pas tourmenté par « le fléau des hommes et des dieux », qu’il n’a pas de passions politiques, auquel cas il ne lirait que des journaux, qu’il n’aime pas dîner en ville, qu’il n’a pas la passion de bâtir, qu’il n’a pas la passion des voyages, qu’il n’a pas l’inquiétude de changer de place ; même, remarquez qu’il n’aime pas à causer. […] Vous avez remarqué qu’après la mort de tous les grands écrivains il y a une dépréciation de quelques années. […] Or, s’il en est ainsi, remarquez-vous les coïncidences entre les démarches du lecteur et du poète ?

98. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIV » pp. 251-258

Une circonstance déjà remarquée favorisa cette influence : à la tête du parti des mœurs était madame de Montausier, appelée à la cour de Louis XIV comme la représentante de la société des honnêtes femmes, avec laquelle le jeune monarque avait voulu se mettre en bonne intelligence, dont il voulait être l’allié, en attendant qu’il se sentit la force d’en devenir l’ami. […] Remarquons, à cette occasion, qu’avant le milieu du xviie  siècle, le mot obscénité n’était pas français.

99. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Aussi, je ferai remarquer tout d’abord, pour décharger ma conscience, que venir le présenter comme le type et le modèle de la Critique littéraire sous le premier Empire et mettre ce second titre, comme on l’a fait, au frontispice des deux volumes qu’on publie, c’est un peu abuser de la permission qu’on se donne généralement de grossir les choses dans le passé. […] Les critiques les plus farouches qui censureraient mes erreurs, s’il s’agissait d’une édition de Démosthène, d’Homère ou de Thucydide, seront plus indulgents pour des fautes dont un Diogène ou un Cratès, un Marinus ou un Nicétas sont les seules victimes. » Tout cela est charmant ; remarquez que, quand il écrit en latin, M.  […] Il avait été et était resté fort galant ; il dut être très-sensible aux pertes de l’âge et souffrir dans sa fierté de ce qui lui manquait pour avoir des succès complets en vieillissant. il l’a remarqué de Solon et des anciens sages : pourquoi ne le remarquerait-on pas de lui ? […] Boissonade aime ainsi à mettre à la suite tous les passages plus ou moins analogues qu’il a remarqués et distingués à la loupe dans ses lectures : c’est un enfileur de perles. — A quoi cela sert-il ?

100. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

Je n’ai pas remarqué de personnalités dans ce qu’a dit M. de Ségur d’Aguesseau. […] « Monsieur le Président, « Le respect que j’ai pour vous et, laissez-moi ajouter, l’affection que m’inspire votre personne ne m’interdisent point cependant de vous faire remarquer que lorsque, hier, M. de Ségur d’Aguesseau a parlé d’une nomination scandaleuse, il n’a parlé et pu parler que de M.  […] Je ne viendrai pas, messieurs, traiter le cas particulier qui a fait l’objet et l’occasion de la pétition : je ferai seulement remarquer la gravité des déterminations auxquelles vous convie votre rapporteur et les conséquences, selon moi, très-fâcheuses, qui en découleraient. […] Je vous ai fait remarquer que ce sont des personnalités qui sont contraires au règlement » et qui ne doivent pas trouver place dans cette enceinte. […] Ernest Hamel a fait remarquer, dans son Histoire du second empire, que M. 

101. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

On pourrait remarquer encore d’autres ressemblances dans leurs manières d’écrire et jusque dans leur langue poétique, si l’on peut ainsi parler. […] Aujourd’hui ce qui nous paraît le plus à remarquer dans Rousslan et Lioudmila, c’est un essai d’emprunter aux croyances populaires de la Russie des ressorts moins usés que ceux de la mythologie grecque, hors lesquels en 1820 il n’y avait pas de salut. […] Remarquez encore que Hamilton s’égayait avec un fantastique usé par la mode, et dont peut-être on ne pouvait plus faire un meilleur usage. […] Remarquons encore qu’il y a dans toutes un trait qui frappe et qu’on n’oublie plus : trouver le trait qu’il faut, c’est là le problème à résoudre. […] J’ai remarqué l’imitation du Don Juan dans la première partie de l’ouvrage, publiée plusieurs années avant la seconde ; elle cesse complètement dans la suite du poème.

102. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Un judicieux critique l’a remarqué, avant nous, en des termes excellents : « Les traces des principes à la mode, dit M. […] On a remarqué que certaines natures poétiques, voluptueuses et sensibles, se flétrissent vite ; la première fleur passée, elles ne donnent qu’un fruit peu abondant, après quoi ce n’est plus qu’une écorce mince et sèche, à laquelle, s’il se peut, s’attache un reste de l’ancien parfum. […] Cette attention inaccoutumée qu’il accordait à des chants populaires et primitifs nous avertit de remarquer que les Études de la Nature avaient paru dans l’intervalle et cinq ou six ans après la publication de ses élégies. […] On crut déjà remarquer, dans les nudités de ce badinage, quelque recherche d’invention et d’expression ; mais, dans son poëme des Rose-Croix (1807), ses admirateurs eux-mêmes se virent forcés de reconnaître de l’obscurité et de la sécheresse, défauts les plus opposés à sa vraie manière. […] Comme on avait perdu Delille l’année précédente, on remarquait que c’était ainsi que, dans l’antiquité, Virgile et Tibulle s’étaient suivis de près au tombeau.

103. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

Est-il nécessaire de faire remarquer que la physiologie est indépendante de la philosophie ? […] Garnier fait remarquer très justement que pour attribuer des faits à des causes diverses, il faut que les faits soient non-seulement différents mais indépendants des phénomènes très différents, opposés même, comme l’ascension des gaz à la chute des corps, pouvant avoir une cause identique. […] John Stuart Mill, dans les pages substantielles qu’il a consacrées à la méthode en psychologie12, après avoir montré que cette science a pour objet « les uniformités de successions », fait remarquer que l’on peut concevoir un cas intermédiaire entre la science parfaite et son extrême imperfection. […] On accordera que cette hypothèse n’est nullement chimérique, si l’on veut bien remarquer que les esprits pénétrants opèrent cette reconstitution par instinct, par une intuition rapide et sûre, quoiqu’elle n’ait rien de scientifique ; qu’il existe un art particulier qu’on appelle la connaissance des hommes. […] « Quelques écrivains ont remarqué la prédominance énorme des recherches psychologiques depuis Spinosa jusqu’à Fichte, mais la raison de celle direction philosophique n’a pas été reconnue, que je sache.

104. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. de Falloux » pp. 311-316

Sans entrer dans cette déploration tardive et sur laquelle il est permis à un membre de l’Académie française en 1857 de n’avoir point d’avis formel, on ne peut s’empêcher de remarquer que la personne qui eût été le plus à même de répondre aux regrets exprimés par M. de Falloux, et peut-être de les réfuter en les respectant, eût été M. le comte Molé, qui fut des premiers à accepter le régime issu des barricades de juillet, à le servir et à travailler à le constituer et à l’autoriser devant l’Europe, en qualité de ministre. […] Molé qui n’avait contribué en rien à la chute du dernier régime, se fit remarquer par son bon sens net et son merveilleux courage d’esprit.

105. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre cinquième. »

On a déjà remarqué que le satyre, ou plutôt le passant, fait une chose très-sensée en se servant de son haleine pour réchauffer ses doigts, et en soufflant sur sa soupe afin de la refroidir ; que la duplicité d’un homme qui dit tantôt une chose et tantôt l’autre n’a rien de commun avec cette conduite, et qu’ainsi il fallait trouver une autre emblème, une autre allégorie pour exprimer ce que la duplicité a de vil et d’odieux. […] On a remarqué qu’il n’était pas le poète de l’héroïsme, c’est assez pour lui d’être celui de la nature et de la raison.

106. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre X. Suite du Prêtre. — La Sibylle. — Joad. — Parallèle de Virgile et de Racine. »

etc. » Remarquez la rapidité de ces mouvements : Deus, ecce deus ! […] Les tours négatifs sont particuliers à Virgile, et l’on peut remarquer, en général, qu’ils sont fort multipliés chez les écrivains d’un génie mélancolique.

107. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

En effet, nous pourrons souvent le remarquer, le jeu libre des éléments tient une place importante dans l’invention. […] Tarde, en faisant remarquer toutefois que l’émotion en ce cas n’a pas été, sans doute, purement intellectuelle. […] « On a remarqué, dit M.  […] Il faut remarquer aussi la logique spéciale qui détermine ce changement. […] Mais la mort des idées — parfois suivie d’une résurrection — peut se remarquer dans tous les esprits.

108. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Il est probablement naïf de faire remarquer que sans l’étranger le patriotisme n’existerait pas. […] Remarquez-vous comme les hommes de ce temps sont obsédés de l’idée du meurtre ? […] Remarquez-vous Sons et Insons ? Il faut remarquer cela. […] Remarquez-vous de quoi elle se compose ?

109. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

On dirait que les objets sont nés dans le monde le jour ou il les a vus… J’ai déjà remarqué ailleurs93 qu’à l’autre extrémité de la chaîne historique on a tout le contraire de cette impression, quand on lit nos graves professeurs d’histoire d’aujourd’hui, nos auteurs de considérations politiques d’après Montesquieu, mais plus tristes que lui, tous ceux qui cherchent et prétendent donner la raison de tous les faits, l’explication profonde de tout ce qui se passe, qui n’admettent sur cette scène mobile ni l’imprévu, ni le jeu des petites causes souvent aussi efficaces que les grandes ; esprits de mérite, mais ternes et laborieux, ployant sous le faix de la maturité autant que Joinville errait et voltigeait par trop de candeur et d’enfance94. […] On a remarqué que dans cette sorte de faveur et d’amitié de roi à sujet, qui rappelle celle de Henri IV et de Sully, c’est plutôt Joinville qui joue le rôle de Henri IV, c’est-à-dire qui a la repartie piquante et vive, et que c’est plutôt saint Louis qui fait le Sully, c’est-à-dire le sage et le mentor. […] Est-il besoin de faire remarquer comme ces races ferventes comptaient tous les jours de l’année par rapport à Dieu, à ses fêtes et à ses saints ? […] Quand il fut jour ou à la clarté des cierges, chacun aperçut sur l’épaule de son voisin une croix en belle broderie d’or ; et celui qui la remarquait sur autrui avait également la sienne.

110. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

Il est pourtant un côté qu’il importe de bien mettre en vue et de reconnaître : Bourdaloue, vivant et parlant, eut beaucoup plus de variété et d’à-propos que l’on ne suppose, et, s’il ne semble appliqué qu’à semer le bon grain dans les âmes, il est à remarquer qu’il savait pénétrer dans ces âmes et ces esprits de ses auditeurs, et les entrouvrir, par des tranchants assez vifs et assez inattendus. […] Il fait très bien remarquer que, par une triste fatalité, l’orgueil, « cette partie la plus subtile de l’amour de nous-même si profondément enracinée dans nos âmes, s’insinue, non seulement dans les choses où nous aurions lieu en quelque manière de nous rechercher, mais jusque dans la haine de nous-même, jusque dans le renoncement à nous-même, jusque dans les saintes rigueurs que Dieu nous inspire d’exercer sur nous-même : On veut pratiquer le christianisme dans sa sévérité, mais on en veut avoir l’honneur. […] Et parce que l’humilité même se trouve exposée en certains genres de vie dont toute la perfection, quoique sainte d’ailleurs, a un air de distinction et de singularité, la vraie austérité du christianisme, surtout pour les âmes vaines, est souvent de se tenir dans la voie commune, et d’y faire, sans être remarqué, tout le bien qu’on ferait dans une autre route avec plus d’éclat. […] La princesse de Conti, présente au sermon et ayant cru reconnaître ses amis « dans ces hommes zélés, mais d’un zèle qui n’est pas selon la science, dans ces esprits toujours portés aux extrémités, qui, pour ne pas rendre la pénitence trop facile, la réduisent à l’impossible et n’en parlent jamais que dans des termes capables d’effrayer », témoigna par quelque geste qu’elle était blessée de l’allusion : ce que Bourdaloue ayant remarqué, il alla après le sermon voir la princesse, qui s’en expliqua avec lui et qui lui dit très nettement que la seconde partie l’avait fort scandalisée.

111. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

Les autres auteurs remarqués pour leurs jugements ou leurs comptes rendus de Salons, M.  […] » Il le redit, non moins excellemment, dans un article sur Ary Scheffer, en faisant remarquer que cet esprit si distingué et si élevé n’a pas assez compris que la pensée pittoresque n’avait rien de commun avec la pensée poétique : « Un effet d’ombre ou de clair, une ligne d’un tour rare, une attitude nouvelle, un type frappant par sa beauté ou sa bizarrerie, un contraste heureux de couleur, voilà des pensées comme en trouvent dans le spectacle des choses les peintres de tempérament, les peintres nés. » Aussi, tout en rendant justice aux sentiments et aux intentions épurées de ce « poète de la peinture » comme il l’appelle, il ne l’a loué en toute sincérité et franchise que pour certains portraits où le sens moral n’a fait qu’aiguiser l’observation et donner plus de vie à la vérité. […] Dans des articles déjà assez anciens sur Diaz, je crois avoir remarqué une des formes habituelles de son ingénieux et bienveillant procédé. […] On a cru remarquer que cette forme a prévalu depuis et a fait école : l’alexandrin est fort négligé des débutants.

112. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

Cette année même, j’ai remarqué deux de ces discours d’un genre bien différent : l’un prononcé à Paris pour la rentrée de la Cour de cassation par M. l’avocat général Charrins, et qui nous offrait un vivant portrait du très-éloquent avocat de Toulouse, défenseur heureux de tant d’accusés politiques, M.  […]  » La pension, d’ailleurs, comme le fait remarquer Chapelain, était à titre onéreux, toute conditionnelle, « pour une chose longue et pénible à faire », qui était ce travail du Dictionnaire, et de plus elle dépendait du bon plaisir du surintendant, M. de Bullion. […] Enfin un mauvais mot, parce qu’il est aisé à remarquer, est capable de faire plus de tort qu’un mauvais raisonnement, dont peu de gens s’aperçoivent, quoiqu’il n’y ait nulle comparaison de l’un à l’autre. » Le grand adversaire de Vaugelas, l’antique et docte La Mothe-Le-Vayer s’est fort récrié sur cette parole ; il la tient pour un blasphème et se révolte contre une telle légèreté. […] « Ce sont des maximes, ajoute-t-il en parlant des siennes, à ne jamais changer, et qui pourront servir à la postérité, de même qu’à ceux qui vivent aujourd’hui ; et quand on changera quelque chose de l’usage que j’ai remarqué, ce sera encore selon ces mêmes Remarques que l’on parlera et que l’on écrira autrement que ces Remarques ne portent.

113. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

Je remarquai en moi un mouvement continu de systole et de diastole. […] Grote fait remarquer qu’il y a dans le XIe livre et les suivants plusieurs passages qui sont en contradiction formelle avec l’événement principal de ce IXe livre, où l’on a assisté à l’humiliation profonde, à la pleine et entière résipiscence d’Agamemnon. […] À nous en tenir même aux époques littéraires distinctes, que ne pourrions-nous pas remarquer sur les génies voisins, presque simultanés ou légèrement successifs, sur les génies parents et qu’on peut appeler congénères ? […] Giguet, on aura remarqué que les traces qu’il signale de la colère d’Achille, dans les chants IV, V et VII de l’Iliade actuelle, sont des fils bien légers pour former ce qu’on appelle un nœud.

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