Après l’avoir étudiée de si près et dans ses propres confidences, je crois quelquefois, en vérité, qu’elle est là devant moi, intelligente et parlante ; je me la représente en personne, avec cette physionomie pétrie de tendresse, de finesse, de douce malice et de bonté : l’amour a passé par là, on le sent, non point précisément celui qui enflamme et qui ravage, mais celui qui brûle à petit feu et qui, toutes peines éteintes, laisse après lui une réflexion légèrement mélancolique et attendrie ; arrivée à cet âge où l’on n’espère plus et où l’on a renoncé à plaire, sans pour cela se négliger, dans sa mise de bon goût et simple, tout en elle est d’accord, tout se nuance, et s’assortit ; elle ne craint pas de laisser voir à son front et à ses tempes la racine argentée de ses cheveux où il a neigé un peu avant l’heure ; elle ne cherche pas à prolonger une jeunesse inutile et qui ne lui a donné que des regrets ; elle est aussi loin de l’illusion sentimentale et de l’éternelle bergerie d’une d’Houdetot, que de la sécheresse mordante et polie d’une Luxembourg ; elle a gardé la seule jeunesse du regard, l’étincelle aimante ; elle continue de sourire à cette vie qu’elle n’a guère connue que triste et amère ; elle rêve fidèlement à ce passé qui lui a valu si peu de douceurs, elle a le culte d’un souvenir, et si elle tient encore dans ses mains un livre à couverture bleue usée (comme dans ce portrait de femme attribué à Chardin), je suis bien sûr que c’est un volume de la Nouvelle Héloïse.
Votre conversation l’attache, il est vrai ; mais il passe aussi fort bien deux heures à caresser son cheval, que pourtant il oublie aussi quelquefois, ou bien à s’égarer dans les bois où, quand il n’a pas peur, il rêve à la lune, a un brin d’herbe, ou, pour mieux dire, à ses rêveries. » Elle conclut en disant : « C’est le poëte de Platon, un être sacré, léger et volage. » C’était du moins, à coup sûr, le plus aimable des causeurs et des hôtes familiers ; on se l’enviait, on se l’arrachait.
Paul Je le crois en ce sens que nos rêves sont faits de la même étoffe que nous-mêmes, L’œuvre ressemble forcément à l’imagination et à l’intelligence de l’écrivain sinon à la réalité de sa vie.
Les rêves, l’hypnotisme, les hallucinations proprement dites, toutes les sensations subjectives sont là pour en témoigner.
Son nom repose défendu par sa mort, mort trouvée à la poursuite de ce rêve obstiné de la maison de Savoie ; coupable ou non, il est beau de mourir, même de douleur, pour sa patrie !
Comme ce second voyage devait se prolonger plus que l’autre, et qu’à mes rêves de véritable gloire il se mêlait encore quelques bouffées de vanité, j’emmenai avec moi plus de gens et de chevaux, afin de marier ainsi deux rôles qui rarement vont d’accord ensemble, le rôle de poète et celui de grand seigneur.
Fesch avait un caractère fort soupçonneux, et il s’imaginait presque toujours voir en réalité ce qui n’existait pas même en rêve.
Il écrivit des ballades allemandes très romantiques, mais qui, à nous, nous paraissent trop féeriques ou trop puériles ; puis des études remarquables sur la botanique, puis des Essais sur les couleurs où il crut détrôner Newton, puis le roman de Wilhelm Meister, espèce de rêve d’un Juif errant de l’humanité, plein d’intentions souvent inintelligibles, et parsemé de réalités délicieuses telles que l’épisode de Mignon ; puis un roman apocalyptique des Affinités électives, énigme dont le mot n’est pas encore trouvé.
Mais à quoi bon ce rêve d’une amitié que devait interrompre, dès ses premières douceurs, la mort prématurée de l’un des deux amis ?
Mais ils posséderaient l’infini, la vérité absolue, qu’ils devraient souffrir de les posséder seuls et regretter les rêves vulgaires qu’ils savouraient au moins en commun avec tous.
Dis-moi si le sycomore Prend ses feuilles de printemps ; Si ma mère y vient encore Garder ses jolis enfants ; Si sa voix, qui les appelle, A des accents aussi doux ; Si la plus petite épelle Le livre sur ses genoux ; Si sa harpe dans la salle Fait toujours, à l’unisson, Tinter, comme une cigale, Les vitres de la maison ; Si la source où tu te penches, Pour boire avant le matin Dans le bassin des pervenches, Jette un sanglot argentin ; Si ma mère, qui l’écoute, En retenant mal ses pleurs, De ses yeux mêle une goutte À l’eau qui pleut sur ses fleurs ; Et si ma sœur la plus chère, En regardant le ruisseau, Voit l’image de son frère Passer en rêve avec l’eau.
Si l’on pense, si l’on rêve à quelque chose, c’est à la beauté de la touche, aux draperies, aux têtes, aux piés, aux mains et à la froideur, à l’obscurité, à l’ineptie de la composition.
Ne nous arrive-t-il pas de percevoir en nous, pendant notre sommeil, deux personnes Contemporaines et distinctes dont l’une dort quelques minutes tandis que le rêve de l’autre occupe des jours et des semaines ?
Divin Platon, ces dieux que tu rêves n’existent pas. […] Pénétrés de ccs quelques vérités, qui ont le tort, j’en conviens, d’être fort peu idéalistes, posez-vous sans crainte, si vous avez du talent, avec votre plume ou votre pinceau devant vos contemporains, et soyez sûrs que vous en tirerez des œuvres bien autrement saines pour l’esprit et pour le cœur des jeunes et des vieux, que toutes ces drogues nauséabondes, que toutes ses grandes passions fainéantes, que tous ces ferments de convoitise à l’adresse de la richesse et de la beauté, qui nous font souvent perdre notre jeunesse en rêves idéalistes impossibles, pour nous laisser retomber si lamentablement plus tard sur les longues épines de la réalité.
Il est seul, ignoré ; il n’a pas encore eu le temps ou la force de se révéler ; il rêve la gloire et ne sait pas s’il l’atteindra. […] Étourdi par les rêves orgueilleux de sa vie nouvelle, il proteste contre le passé, et récuse le témoignage de sa mémoire. […] Mais, quoi qu’il fasse ou qu’il dise, il ne peut réduire sa mémoire au silence, il ne peut rayer les jours inscrits au livre de ses souvenirs, les jours où il se confiait sans réserve et sans fausse limite à la discrétion d’un ami, où il ne craignait pas d’avouer tour à tour ses rêves ambitieux, ses soudaines défaillances.
Mon grand-père, contraint à un moment de sa vie, par des revers de fortune, à chercher un emploi, avait été chef de bureau à l’octroi de Passy ; maintenant c’était la maigre retraite, à peine suffisante, la vie restreinte et, pour les filles, qui dépassaient la trentaine, l’avenir sans issue, le définitif renoncement aux espoirs tenaces, tous les rêves secrets fauchés, avant d’avoir pu fleurir ; le dévouement résigné au père vieilli et aigri. […] … L’indignation de la fiancée n’eut pas de mesure, tout son beau rêve s’effondra subitement, sous le choc de cette vision fâcheuse ! […] … Tu l’as exécutée, à ce qu’il me semble, sur le modèle de ton rêve, car elle a l’air d’une petite fille grecque.
Mais pour ces philosophes sans respect dont la voix indiscrète osait porter jusqu’à mon trône d’impertinents conseils ; pour ces discoureurs opiniâtres qui me troublaient à tout propos de je ne sais quels rêves sur l’ancienne liberté des Grecs et des Macédoniens et sur la dignité d’homme… CÉSAR Je sais, Alexandre, tu les mettais en cage. […] Mais, bercée par des rêves, elle sommeille sur son trésor et ne voit pas le temps, larron patient, qui le dérobe jour par jour et l’émiette. […] ——— Temps heureux de nos premiers rêves où l’espérance a quelque chose en soi de si plein et de si vivant que, ne fût-elle suivie d’aucune réalité, c’est assez, pour embellir encore des âges plus tristes, du souvenir de cela seulement que l’on a espéré !
Elle réalise son rêve éternel qui est un pouvoir très fort, qui ne soit pas bête. […] Et il y a un Molière qui a de la générosité dans la pensée et qui rêve de mariages d’amour, qui rêve d’éducation libérale et confiante aux bons intérêts de la nature humaine, qui rêve de belle franchise et de vertu ne craignant pas de se montrer. […] Elles font le rêve du secrétariat perpétuel de l’Académie des Précieux.
Ce rêve désespéré et ambitieux, c’est le mysticisme. […] Mais de loin, les défauts disparaissent ou s’affaiblissent, les nuances se mêlent et se confondent dans le clair-obscur du souvenir et du rêve, et les objets plaisent mieux parce qu’ils sont moins déterminés. […] Le faux génie, l’imagination ardente et impuissante, se consume en rêves stériles et ne produit rien ou rien de grand. […] Tel est l’idéal que la vraie philosophie poursuit à travers les siècles, depuis les rêves généreux d’un Platon jusqu’aux solides conceptions d’un Montesquieu, depuis la première législation libérale de la plus petite cité de la Grèce jusqu’à notre déclaration des droits et aux immortels travaux de l’Assemblée constituante. […] Malheureux de ma place en ce monde, pour la changer, je rêve, j’appelle les bouleversements, il est vrai, sans enthousiasme et sans fanatisme politique, car l’intérêt seul ne produit pas ces nobles folies, mais sous l’aiguillon brûlant de la vanité et de l’ambition.
Il contient un traité de la Sensation, un traité de la Mémoire, un traité du Sommeil et de la Veille, des Rêves, un traité de la Longévité et de la Brièveté de la vie, de la Jeunesse et de la Vieillesse, de la Vie et de la Mort, de la Respiration.
Retire-toi, car il est nuit ; retire-toi, mon amour, les vents de la nuit sifflent dans ta chevelure ; retire-toi dans le palais de mes fêtes, et rêve aux temps passés.
Ne pourrait-on pas, en attendant une nouvelle éclosion littéraire plus conforme à notre idéal, à notre rêve, combattre et atténuer le mal actuel par la publication et la grande diffusion de guides-catalogues destinés à éclairer le public sur les ouvrages parus jusqu’à présent.
L’action qui vient à s’accomplir dépend d’une seule cause, de l’âme qui la provoque, et cette action éclate au jour telle que l’âme s’en est formé l’image dans ses rêves. » Au propos de ce drame, réalisation complète de l’idéal projeté, Wagner se défend de vouloir supprimer la mélodie, la mélodie étant l’unique forme de la musique.
Ces dieux, qu’il chantait et qu’il adorait, le Grec sentait vaguement qu’il les avait faits, qu’il les avait tirés de sa conscience plus ou moins lucide des lois de la vie, qu’ils n’étaient en somme que les figures idéales des rêves de sa pensée et des éblouissements de ses sens.
Au lieu d’associer arbitrairement ses représentations, comme dans le rêve et la rêverie, l’imagination peut s’efforcer de reproduire les associations réelles des choses, les lois et les phénomènes réels de l’univers.
Il nous cueille une vie psychologique réelle dans le champ immense du rêve.
Plus encore : si elle savait que, demain, notre planète sera réduite en poussière, l’humanité pensante n’en garderait pas moins cette fierté d’avoir pesé les soleils, d’avoir créé l’idée de justice, et d’avoir, par l’amour, rempli sa journée d’un rêve d’éternité.
La philosophie est-elle la fille légitime de l’humanité, ou n’est-elle qu’une suite de chimères écloses un jour dans les rêves de quelques hommes de génie, propagées et maintenues dans le monde par l’autorité de leur exemple ? […] Dans la dernière leçon, nous avons essayé d’absoudre la philosophie : nous avons montré que la philosophie n’est pas le rêve de quelques hommes, mais le développement nécessaire d’un besoin fondamental de la nature humaine. […] l’éclectisme n’est-il pas un rêve honnête, né dans mon esprit, condamné à y mourir et qui doit y accomplir toute sa destinée ? ou ce rêve a-t-il quelque chance de se réaliser, et déjà dans le présent y a-t-il quelque symptôme qui nous permette d’y voir le germe de l’avenir ?
Son rêve à lui, c’était, comme on disait alors, la réunion, la réunion dans une seule Église des catholiques et des protestants ; et là est l’explication de sa vie publique tout entière. […] Le rêve généreux de Fénelon et de Massillon allait être le rêve du xviiie siècle : l’histoire de l’humanité se déroulant comme une longue pastorale à travers les siècles futurs, des rois sensibles et des peuples reconnaissants, « une aimable domination sur le trône95 », la joie partout et partout l’abondance, « des bergers et des laboureurs célébrant leurs hyménées », que sais-je encore ? […] Les Silvia de Marivaux et ses Flaminia, quand nous n’entendons d’elles que le son de leur nom, nous transportent un instant, — le court instant d’un rêve, — dans le même monde, à ce qu’il semble, que les Portia de Shakespeare et ses Miranda. […] Vous vous arrêtez plus longtemps sur le Rêve de d’Alembert et sur le Neveu de Rameau ; voilà qui se lit en effet d’un bout à l’autre et d’une seule haleine, comme le roman d’un métaphysicien qui divague, ou comme le paradoxe d’un cynique qui se joue de la naïveté des bonnes âmes.
Que l’attention à la science se laisse un moment distraire, aussitôt la magie fait irruption dans notre société civilisée, comme profite du plus léger sommeil, pour se satisfaire dans un rêve, le désir réprimé pendant la veille. […] Nous l’expérimentons pourtant en nous dans certains rêves, où nous pouvons introduire à un moment donné l’incident que nous souhaitons : il se réalise par nous dans un ensemble qui s’est posé lui-même, sans nous.
L’auteur de la Législation primitive, voulant étudier la philosophie de nos annales, se croit obligé, pour prévenir les soupçons, de se comparer modestement à l’antiquaire qui étudie les monuments en ruines, et d’appeler son système un rêve politique qui demande à prendre sa place parmi tant de fictions et de romans beaucoup moins innocents. […] Mille fois j’ai parlé à ta mère du plaisir que j’aurais de former ton esprit ; je n’ai pas de rêve plus charmant, et quoique je ne sépare point ta sœur de toi dans les châteaux en Espagne que je bâtis sans cesse, cependant il y a toujours quelque chose de particulier pour toi, par la raison que tu dis : parce que je ne te connais pas. […] Aussi voit-on dans Child-Harold que ce fut avec des transports de joie que lord Byron foula cette terre consacrée par le génie ; il la traversa presque tout entière en évoquant ses glorieux souvenirs, pour se rendre à Athènes, qu’il appelait la cité de ses rêves.
Le jeune homme à qui ses passions font trêve et donnent le goût de s’éprendre des douces histoires d’autrefois, la jeune femme dont ces fantômes adorés caressent les rêves, le sage dont ils reviennent charmer ou troubler les regrets, le studieux peut-être et le curieux que sa sensibilité aussi dirige, eux tous, sans oublier l’éditeur modeste, attentif à recueillir les vestiges et à réparer les moindres débris, voilà encore le cortège le plus véritable, voilà la postérité la plus assurée et non certes la moins légitime des poétiques amants.
Par exemple, Addison raconte en manière de rêve la dissection du cerveau d’un élégant937 : « La glande pinéale, que plusieurs de nos philosophes modernes considèrent comme le siége de l’âme, exhalait une très-forte odeur de parfums et de fleur d’oranger.
On prétend qu’il bannit l’idéal : il ne le fait que si par idéal on entend le vain caprice, la fantaisie mensongère ; le rêve trompeur et malsain d’une imagination qui croit s’élever : comme si l’on pouvait s’élever en quittant la vérité pour l’erreur !
Je rêve à un certain crayon-encre dont il y a des essais qui deviendront peut-être satisfaisants.
En vain nous ferions observer que dans la série animale cette souffrance est loin d’être ce que l’on pense : sans aller jusqu’à la théorie cartésienne des bêtes-machines, on petit présumer que la douleur est singulièrement réduite chez des êtres qui n’ont pas une mémoire active, qui ne prolongent pas leur passé dans leur présent et qui ne sont pas complètement des personnes ; leur conscience est de nature somnambulique ; ni leurs plaisirs ni leurs douleurs n’ont les résonances profondes et durables des nôtres : comptons-nous comme des douleurs réelles celles que nous avons éprouvées en rêve ?
Ces terribles spectacles de tous les fléaux seraient-ils passés comme de légers rêves ? […] c’est surtout en songeant aux êtres précieux que nous enleva la mort, qu’on a besoin de se déguiser les réalités de ses pertes par ces rêves fictifs de l’imagination, dont le merveilleux trompe l’absence, et nous transporte dans un autre monde ! […] Elle y met le feu, et l’y laisse mourir pour ne ressusciter jamais. » Certes, une si extraordinaire invention qui produit la plus sinistre fantasmagorie, subvertit la raison, n’est fondée ni sur le vrai, ni sur le possible, ni sur aucun sens figuré : elle ne s’appuie sur rien de naturel et de reçu : ce n’est qu’un sombre rêve, et voilà pourtant du merveilleux d’un haut genre, de celui que j’appelle chimérique, parce qu’il n’a point de base convenue. […] Ce n’est qu’en songe qu’il transporte Henri dans le ciel et dans l’enfer ; comme si l’intelligence de l’homme éveillé ne pouvait voir cet univers expliqué par Newton qu’il choisit pour y voyager en rêve.
encore cela même est-il vain, si les rêves habitent au tombeau ! […] Soudain, dans son rêve, s’élève devant lui un château dont le portique est chargé de blasons. […] Mackenzie ; car en Europe tout ce qui dérange nos systèmes est traité d’ignorance ou de rêve de l’imagination ; mais ce que les savants ne peuvent nier, et ce que tout l’art ne saurait peindre, c’est la beauté du cours des eaux dans les solitudes du Nouveau-Monde.
Et pourquoi n’ajouterions-nous pas qu’on en citerait peu dont le dessein soit plus noble ou plus généreux, si l’auteur ne l’a conçu que pour travailler à cette « réunion des églises », qui a été, dès le temps de sa première jeunesse, le plus cher de ses rêves, et qui est demeurée jusqu’à son dernier jour la plus tenace de ses illusions ? […] Théodore de Banville, La Fontaine]. — Étrange opinion de Lamartine à ce sujet ; — et qu’en reprochant à La Fontaine ses vers « inégaux », il avait sans doute oublié combien il en a fait lui-même. — Le poète se reconnaît encore chez La Fontaine à la discrète mais constante intervention de sa personne dans son œuvre ; — c’est lui-même qui nous renseigne sur ses goûts, sur sa vie, — au besoin sur son mobilier ; — et ceci, dans la mesure où le réduit le goût du temps, c’est encore du lyrisme. — Joignez le don de peindre, d’évoquer la vision des choses ; — le nombre et l’harmonie, la musique du vers ; — et le don supérieur d’enlever à la réalité, même dans ses Contes, « qu’elle a de trop matériel, et de la spiritualiser. — Il a des vers qui sont tout un paysage : Mais vous naissez le plus souvent Sur les humides bords des royaumes du vent… Il en a qui sont pour ainsi dire toute une saison de l’année : Quand les tièdes zéphirs ont l’herbe rajeunie… et il en a qui sont, en même temps qu’une caresse pour les yeux et une volupté pour l’oreille, des vers de rêve et d’illusion : Par de calmes vapeurs mollement soutenue La tête sur son bras, et son bras sur la nue, Laissant tomber des fleurs et ne les semant pas… Si ces qualités en font un homme « unique en son espèce », l’exceptent-elles de la littérature de son temps ? […] Claude, 1682. — Les grandes Oraisons funèbres. — Les progrès du « libertinage » et l’Oraison funèbre d’Anne de Gonzague. — Oraison funèbre de Michel Le Tellier et la révocation de l’Édit de Nantes. — Que, comme l’idée de la Providence domine toute la philosophie de Bossuet, l’idée ou le rêve de la réunion des Églises domine toute sa controverse. — Que par là s’expliquent ; — son indulgence [Cf.
L’amour de l’étude, les tendres soins qu’il rendait à sa mère, qui était en même temps son univers, des promenades dans la campagne, des lectures, les semences et les récoltes de ses champs, remplissaient le reste ; de grandes espérances de célébrité littéraire occupaient ses rêves.
Toutes les fois qu’un droit ou un rêve de liberté traverse la pensée morte d’une nation démembrée et ensevelie, elle ne doit attendre la résurrection que d’elle-même.
» Elle alors, levant ses grands yeux bleus comme en rêve, de pâle qu’elle était, devint toute rouge : « Oh !
Dans ma retraite, où l’on voit l’indigence, Sans m’éveiller, assise à mon chevet, Grâce aux amours, bercé par l’espérance, D’un lit plus doux je rêve le duvet.
Ce sont là de nobles paroles, dont la noblesse n’est égalée que par la sincérité de l’émotion qui les anime ; et certes, aucun rêve, — si les expressions du Saint-Père lui-même nous autorisent peut-être à nous servir de ce mot, — ou aucune espérance, ne saurait mieux convenir et aux aspirations de cette fin de siècle, et au caractère de l’illustre vieillard qui gouverne à peu près souverainement la croyance de 200 millions d’hommes.
Aussi, peu d’auteurs ont-ils vu, comme George Sand, se réaliser ce rêve de gloire que l’artiste poursuit toute sa vie et n’atteint presque jamais que dans le tombeau.
Et sa croyance s’explique sans peine : il y a des états nombreux, tels que l’hallucination et le rêve, où surgissent des images qui imitent de tout point la perception extérieure.
Pareillement, celui-là seul est un ambitieux, qui tend de tout son effort vers la gloire ou vers le pouvoir, qui rêve de faire voler son nom dans les bouches des hommes, ou de posséder quelque fonction qui le constitue en autorité par-dessus ses semblables, — ne fût-ce qu’à titre de maire de son village ou de juge de paix. […] Ces grands bois où chasse Hippolyte, nous voudrions les voir, et que l’ombre au moins s’en projetât sur la scène ; nous voudrions entendre ses chiens aboyer et voir se cabrer ses chevaux ; nous voudrions voir également cette « nuit infernale » où Phèdre rêve un instant de se plonger tout entière ; nous voudrions voir Ariane aux rochers contant ses injustices, et Thésée abordant aux rivages de Crète.
Oriane désirerait qu’il montât, afin de le voir ; et le marchand descend, comptant bien ramener en haut le nouveau chaland sous prétexte de quelque dentelle ; mais il revient bientôt seul. « Madame, dit-il à Oriane, je suis au désespoir de n’avoir pu vous satisfaire ; depuis que je suis descendu, Élomire n’a pas dit une seule parole ; je l’ai trouvé appuyé sur ma boutique dans la posture d’un homme qui rêve.
En effet, toutes les images dont l’enchaînement irrégulier fait le rêve et dont l’enchaînement régulier fait la veille étaient absentes ; il ne restait que des sensations rares, intermittentes, celles que l’expérimentateur éveillait, et, avec elles, les tendances sourdes et les mouvements involontaires qui les suivent. — Une poule survécut dix mois à la même mutilation, et, au bout du cinquième mois, était grasse, très forte, très saine ; mais les instincts, la mémoire, la prévision, le jugement étaient abolis.
D’autre part, les femmes s’en mêlent fort ; dans la nullité de galanterie et dans la froideur de la religion, il ouvre une carrière à l’imagination et aux rêves.
Notre égoïsme révoltant ne lui imposera point : elle verra que nous nous sommes fait illusion à nous-mêmes ; que notre imagination exaltée n’a enfanté que des rêves ridicules ou dangereux ; que nous nous sommes crus riches de quelques lambeaux ramassés dans l’école d’un scepticisme effronté : elle nous comparera aux enfans, qui, par une indiscrète curiosité, déchirent & brisent tout ce qu’ils touchent ; enfin elle décidera, que nos lumières & notre esprit n’ont servi qu’à corrompre notre cœur, & à nous égarer.
Henri Heine s’en empara pour le comparer, devant Victor Hugo, au crieur qui marche, disait-il, devant le sultan du Darfour en proclamant : « Voici venir le buffle, véritable descendant du buffle du taureau des taureaux ; tous les autres sont des bœufs, celui-ci est le seul véritable buffle. » Tout écrivain rêve d’un critique qui comprendrait ainsi sa tâche. […] On rêve sinistrement.
Il y a le coucou qui fait hou-hou dans les arbres du grand bois, et les grenouilles jacassent… J’écoute et finis par ne rien entendre… Le coq me réveille en sursaut, je m’étais endormi le front dans mes mains et je me déshabille avec un frisson pour dormir d’un sommeil sans rêve, étourdi de parfum, écrasé de bonheur… Deux jours comme cela, — avec des disputes et des raccommodailles près des buissons, dans les fleurs, dans le foin le grand jeu du fléau, le chant doux des rivières et l’odeur du sureau..
Les Amadis, avec leur merveilleux, rendirent les ailes et l’essor au rêve. […] On sait en quoi elle consiste : si seulement on apprend ce que l’on n’a pas su jusqu’alors — et ce qui fait proprement l’objet, comme aussi toute la nouveauté de la méthode cartésienne, — c’est-à-dire à distinguer la pensée de tant d’imitations ou de contrefaçons d’elle-même, qui sont les impressions des sens, les fantômes de l’imagination, ou les visions du rêve, tout ce qu’on pense existe, rien n’existe qu’autant qu’on le pense, et la pensée enveloppe l’existence de son objet. […] Diderot rejoint ici Rabelais, et son rêve d’Otaïti, si, je puis ainsi dire, nous ramène à l’abbaye de Thélème.
Il se faisait de singulières illusions sur la longueur de la vie et sur l’espace qui est accordé à chacun de nous pour réaliser ses desseins ou ses rêves.
Jésus est le père de tous ceux qui cherchent dans les rêves de l’idéal le repos de leurs âmes. » C’est peut-être vrai, si l’on considère le ton et l’accent général, ou surtout si l’on fait un choix dans les textes évangéliques, mais on y découvre certainement aussi la rude doctrine paulinienne, et il y a peut-être plus d’originalité hardie dans la douceur virgilienne de François d’Assise que dans la théologie de l’auteur des Epitres.
Là il serait demeuré, torturé par son humeur diabolique, affamé de mettre au pilori et de mutiler les protestants, tourmentant les cavaliers, faute d’autres, par sa sottise et son aigreur, s’acquittant dans la cathédrale de ses génuflexions et de ses grimaces, continuant cet incomparable journal que nous ne regardons jamais sans que l’imbécillité de son intelligence nous fasse oublier les vices de son cœur, notant minutieusement ses rêves, comptant les gouttes de sang qui coulaient de son nez, surveillant de quel côté tombait le sel et écoutant les cris de la chouette.
Dans ce grand vide inconnu que vous placez au-delà de notre petit monde, les gens à tête chaude ou à conscience triste peuvent loger tous leurs rêves, et les hommes à jugement froid, désespérant d’y rien atteindre, n’ont plus qu’à se rabattre dans la recherche des recettes pratiques qui peuvent améliorer notre condition.