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405. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 26, que les sujets ne sont pas épuisez pour les peintres. Exemples tirez des tableaux du crucifiment » pp. 221-226

Il découvre une difference infinie entre des objets, qui aux yeux des autres hommes paroissent les mêmes, et il fait si bien sentir cette difference dans son imitation, que le sujet le plus rebatu devient un sujet neuf sous sa plume ou sous son pinceau. […] Rubens sans mettre des diables à côté de son mauvais larron comme l’avoient pratiqué plusieurs de ses devanciers, n’a pas laissé d’en faire un objet d’horreur.

406. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 43, que le plaisir que nous avons au théatre n’est point produit par l’illusion » pp. 429-434

On raconte un grand nombre d’histoires d’animaux, d’enfans, et même d’hommes faits qui s’en sont laissé imposer par des tableaux, au point de les avoir pris pour les objets dont ils n’étoient qu’une imitation. […] Ainsi quand nous voïons une belle tragédie, ou bien un beau tableau pour la seconde fois, notre esprit est plus capable de s’arrêter sur les parties d’un objet qu’il a découvert et parcouru en entier.

407. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Le poète comique doit éviter par-dessus tout de fixer sur un seul et même objet l’attention de ses spectateurs ; car la direction de notre esprit vers un point unique, c’est le sérieux, et la gaieté ne peut s’épanouir librement que lorsque tout but sérieux est écarté, et toute impression sérieuse dissipée. […] Elle rit de tout, et ne s’intéresse à rien ; elle touche à toutes les idées de la raison, et n’en épouse aucune ; elle joue avec toutes les passions de la nature humaine, et reste indépendante en face d’elles ; elle voltige d’objet en objet dans le monde réel et dans tous les mondes imaginaires, sans se poser plus d’un instant sur chaque fleur. […] De même la peinture des mœurs contemporaines dans la comédie nouvelle, n’est qu’un élément romain, français, anglais ou allemand, qui, n’appartenant pas au fond commun de la nature humaine, ne reste pour la postérité qu’un objet de curiosité historique. […] Hans Sachs, afin que l’idole mystique de je ne sais quel culte superstitieux devienne l’objet réel d’une admiration tempérée ? […] Le poète n’est plus dominé par une verve joyeuse, mais il cherche la gaieté dans les objets mêmes qu’il présente . — Septième leçon.

408. (1890) L’avenir de la science « IX »

Le philosophe, c’est l’esprit saintement curieux de toute chose ; c’est le gnostique dans le sens primitif et élevé de ce mot ; le philosophe, c’est le penseur, quel que soit l’objet sur lequel s’exerce sa pensée. […] Non seulement l’alliance des études psychologiques et morales avec les sciences physiques et mathématiques est devenue un rare phénomène ; mais une subdivision assez restreinte quant à son objet d’une branche de la connaissance humaine est souvent elle-même un champ trop vaste pour les travaux d’une vie laborieuse et d’un esprit pénétrant. […] Le monde n’est-il pas le premier objet qui excite la curiosité de l’esprit humain, n’aiguise-t-il pas tout d’abord cet appétit de savoir, qui est le trait distinctif de notre nature raisonnable, et qui fait de nous des êtres capables de philosopher ?

409. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Préface. de. la premiere édition. » pp. 1-22

N’étoit-ce pas pervertir tous les caracteres, ôter aux ames leur vigueur & leur énergie, aux esprits leurs principes & leurs lumieres, au sentiment son usage & ses objets légitimes, aux préjugés les plus respectables leur empire & leurs avantages ? […] De petits objets, de petites vues, de petits motifs, de petits moyens, de petites inventions, de petits amusemens ont remplacé, dans les ames Françoises, cette chaleur & cette élévation qui firent la gloire de nos Ancêtres, qui ont été supérieurs en tout, parce qu’ils n’étoient pas Philosophes. […] Par cette raison, les Médecins qui n’ont travaillé que sur des objets de Médecine, les Géometres qui n’ont écrit que sur la Géométrie, les Jurisconsultes qui n’ont publié que des Livres de Jurisprudence, les Physiciens, &c. ne nous ont pas paru de notre ressort.

410. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 151-168

Si la Henriade l’emporte par l’intérêt des objets ; celui-ci, de l’aveu de tous les Connoisseurs, lui est préférable par la singularité & les richesses de la fiction, la justesse & l’entente du plan, l’unité d’action, les ressorts de l’intrigue, la fécondité des détails, la variété des tableaux, & la magie d’un style soutenu & toujours adopté aux differens caracteres du sujet. […] On y passe rapidement d’une matiere à l’autre ; on revient, après quelques écarts, à des objets déjà traités, & les regles particulieres sont confondues aves les principes généraux. […] Il est conduit sur un plan général, qui comprend tous les objets divisés en quatre Chants ; chaque Chant a son plan particulier, & tout s’y trouve traité avec autant de méthode que de grace & de clarté.

411. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

Il doit avoir pour objet une communication immédiate, et publique des émotions, et pour moyen l’union entière et libre des trois arts aujourd’hui séparés. […] Je cherchais ainsi à me représenter l’œuvre d’art qui doit embrasser tous les arts particuliers et les faire coopérer à la réalisation supérieure de son objet. […] Elle ne doit pas reproduire les bruits naturels, ni les phénomènes de la matière, ni les actions, ce triple objet de la musique descriptive, parce que la machinerie théâtrale, et la peinture, et la littérature y peuvent parvenir aussi bien, et mieux qu’elle. […] La musique descriptive demeure pour nous celle qui veut peindre les faits matériels, et nous la condamnons, parce que la musique a un autre objet. […] Joncières (23 mars) : « Wagner applique son système de leitmotive aux objets eux-mêmes.

412. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Si l’individu en a pleine conscience, si la frange d’intuition qui entoure son intelligence s’élargit assez pour s’appliquer tout le long de son objet, c’est la vie mystique. […] Le présent travail avait pour objet de rechercher les origines de la morale et de la religion. […] Si elle était énergique, il a pu suffire d’une déviation légère au début pour produire un écart de plus en plus considérable entre le but visé et l’objet atteint. […] Mais c’est là une psychologie purement intellectualiste, qui croit pouvoir calquer nos états d’âme sur leurs objets. […] La science s’est attachée à la matière d’abord ; pendant trois siècles elle n’a pas eu d’autre objet ; aujourd’hui encore, quand on ne joint pas au mot un qualificatif, il est entendu qu’on parle de la science de la matière.

413. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

« Il est vraisemblable qu’elle agit sur nous par des causes secrètes, qui tiennent à nos habitudes et à nos préjugés, et par la position où nous nous trouvons relativement aux objets environnants. […] J’en sais trois : « Un misérable est un objet de curiosité pour les hommes. […] Lorsque la brune commence à confondre les objets, notre infortuné s’aventure hors de sa retraite, et, traversant en hâte les lieux fréquentés, il gagne quelque chemin solitaire, où il puisse errer en liberté. […] « Lorsque les chances de la destinée nous jettent hors de la société, la surabondance de notre âme, faute d’objet réel, se répand jusque sur l’ordre muet de la création, et nous y trouvons une sorte de plaisir que nous n’aurions jamais soupçonné. […] Le hasard lia ces effets locaux à quelques circonstances heureuses ou malheureuses de ses chasses ; des positions relatives d’un objet ou d’une couleur le frappèrent aussi en même temps : de là le manitou du Canadien et le fétiche du nègre, la première de toutes les religions.

414. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

Un des premiers actes des écervelés des clubs, à Paris, avait eu pour objet de déclarer Montesquieu aristocrate et imbécile. […] Les premiers écrits qu’on a de lui sont des discours qu’il composa pour l’Académie de Bordeaux, dont il fut membre dès 1716 : le talent s’y montre ; on y surprend même à son origine la forme qu’affectionnera Montesquieu, l’image ou l’allusion antique appliquée à des objets et à des idées modernes. […] Ce qu’on aime mieux remarquer dans ces premiers essais de Montesquieu, c’est l’amour de la science, et de l’étude appliquée à tous les objets. […] Mais, dans le même temps où il travaillait à ce petit mémoire sur des objets d’histoire naturelle, il laissait échapper un autre ouvrage pour lequel il n’avait pas eu besoin de microscope, et où son coup d’œil propre l’avait naturellement servi. […] Montesquieu, à mesure qu’il se dégagera de l’ironie des Lettres persanes, entrera de plus en plus dans cette voie respectueuse pour les objets de la conscience et de la vénération humaine : je ne crois pas qu’il y soit entré pour cela plus intimement.

415. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

Dans une science qui a pour objet l’absolu, il n’y a pas de milieu, à ce qu’il semble, entre la vérité et l’erreur : dans cette science, on ne prétend pas seulement découvrir des vérités, mais on croit atteindre et posséder la vérité. […] Le poëte n’a pas besoin que son œuvre ait un objet en dehors de lui : c’est un monde qu’il ajoute au monde, c’est une création dans la création. […] Si son œuvre n’a pas d’objet, elle périt par cela même. […] De même que l’on peut faire beaucoup de portraits différents d’une même personne et tous ressemblants (aucun d’eux n’étant un portrait absolu, ce qui est contradictoire), de même les divers systèmes sont les expressions diverses, les interprétations variées d’un même objet. […] On doit reconnaître que, malgré les critiques dont l’éclectisme a été l’objet, cette partie de cette méthode a définitivement triomphé.

416. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

Mais avant de le faire, et de venir ainsi à ce qui est votre objet, je dirai un mot de votre méthode — méthode dont je comprends qu’elle déroute un certain nombre de savants. […] Or, les phénomènes dont vous vous occupez sont incontestablement du même genre que ceux qui font l’objet de la science naturelle, tandis que la méthode que vous suivez, et que vous êtes obligés de suivre, n’a souvent aucun rapport avec celle des sciences de la nature. […] C’est pourquoi, si c’eût été le moment de discuter avec le docteur, je lui aurais dit : « je ne sais si le récit qu’on vous a fait était digne de foi ; j’ignore si la dame a eu la vision exacte de la scène qui se déroulait loin d’elle ; mais si ce point m’était démontré, si je pouvais seulement être sûr que la physionomie d’un soldat inconnu d’elle, présent à la scène, lui est apparue telle qu’elle était en réalité — eh bien alors, quand même il serait prouvé qu’il y a eu des milliers de visions fausses et quand même il n’y aurait jamais eu d’autre hallucination véridique que celle-ci, je tiendrais pour rigoureusement et définitivement établie la réalité de la télépathie, ou plus généralement la possibilité de percevoir des objets et des événements que nos sens, avec tous les instruments qui en étendent la portée, sont incapables d’atteindre. » Mais en voilà assez sur ce point. […] Elle vise essentiellement à mesurer ; et là où le calcul n’est pas encore applicable, lorsqu’elle doit se borner à décrire l’objet ou à l’analyser, elle s’arrange pour n’envisager que le côté capable de devenir plus tard accessible à la mesure. […] Elle aurait essayé d’appliquer à ce nouvel objet ses méthodes habituelles, et elle n’aurait eu sur lui aucune prise, pas plus que les procédés de calcul et de mesure n’ont de prise aujourd’hui sur les choses de l’esprit.

417. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

. —  Que la représentation des objets est alors imitative, figurée et complète. […] À force de regarder un objet sous toutes ses faces, de le retourner, d’y pénétrer, on le déforme. […] Si loin qu’il aille, quelque objet qu’il touche, il ne voit partout dans l’univers que le nom et les traits de Stella. […] Involontairement il ôte aux objets leur figure ordinaire. […] Car, outre les objets qu’il peint, l’artiste se peint lui-même.

418. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

Et il insiste sur ce que ce n’est point là le spectacle et la décoration des montagnes centrales, de ces hauteurs désolées et de ces déserts, où l’œil ne rencontre plus rien qui le rassure ; où l’oreille ne saisit pas un son qui appartienne à la vie ; où la pensée ne trouve plus un objet de méditation qui ne l’accable ; où l’imagination s’épouvante à l’approche des idées d’immensité et d’éternité qui s’emparent d’elle ; où les souvenirs de la terre habitée expirent ; où un sombre sentiment fait craindre qu’elle-même ne soit rien… Ici l’on n’est pas hors du monde ; on le domine, on l’observe : la demeure des hommes est encore sous les yeux, leurs agitations sont encore dans la mémoire ; et le cœur fatigué, s’épanouissant à peine, frémit encore des restes de l’ébranlement. […] À un certain endroit un pont, d’une seule arche se présente, jeté sur le gave, à quatre-vingt-dix pieds environ au-dessus du torrent : « Ce pont lui-même, antique et dégradé, revêtu de lierre qui pend de sa voûte en rustiques festons, a pris en quelque sorte l’uniforme de la nature, et a cessé d’être dans ce sauvage tableau un objet étranger. » L’uniforme de la nature est un de ces traits maniérés ou affectés qui se rencontrent quelquefois chez Ramond, mais qui ne sauraient compromettre le juste effet des ensembles. […] Les vaches marchaient après les brebis, non, comme dans les Alpes, la tête haute et l’œil menaçant, mais l’air inquiet et effarouchées de tous les objets nouveaux. […] Tableau doux et champêtre dont la simple nature a fait les frais, il doit réunir comme elle la vénérable empreinte de l’antiquité aux charmes d’une immortelle jeunesse, et se renouveler au retour de chaque année comme la feuille des arbres et comme l’herbe des prés… Cette rencontre était un heureux hasard pour la troupe dont je faisais partie, et de pareils objets lui présentaient un bien nouveau spectacle ; mais nul ne leur pouvait trouver comme moi ce charme dû à la comparaison et au souvenir, et depuis longtemps ami des troupeaux, seul je les abordais en ami, jouissant de leur curiosité, de leurs craintes et de leur farouche étonnement.

419. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

Car sa portée n’est pas grande ; ses illusions sont nombreuses et invincibles ; il faut toujours se défier d’elle, contrôler et corriger ses témoignages, presque partout l’aider, lui présenter les objets sous un éclairage plus vif, les grossir, fabriquer à son usage une sorte de microscope où de télescope, à tout le moins disposer les alentours de l’objet, lui donner par des oppositions le relief indispensable, ou trouver à côté de lui des indices de sa présence, indices plus visibles que lui et qui témoignent indirectement de ce qu’il est. […] On apprendrait de lui la façon dont les figures se forment dans son esprit, sa manière de voir mentalement les objets imaginaires, l’ordre dans lequel ils lui apparaissent, si c’est par saccades involontaires ou grâce à un procédé constant, etc. […] Bref, celui qui étudie l’homme et celui qui étudie les hommes, le psychologue et l’historien, séparés par les points de vue, ont néanmoins le même objet en vue ; c’est pourquoi chaque nouvel aperçu de l’un doit être compté à l’acquis de l’autre. — Cela est visible aujourd’hui, notamment dans l’histoire.

420. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

Cette grande éloquence, si ridicule quand elle est déplacée, semble faite pour traiter l’objet le plus important de l’homme. […] Une exposition claire & simple est tout ce qu’il demandoit dans un orateur fait pour annoncer les grands objets de la religion. […] Point d’objets, répétoit-il, aussi frappans & qu’on doive rendre avec plus de dignité & d’appareil, que ceux que nous offre la religion chrétienne. […] Enfin, personne ne touche plus que Massillon : personne n’a mieux rempli l’objet de la chaire, ni pratiqué le conseil de M. de Montcrif.

421. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 329-336

Malgré les difficultés qui se présentoient dans un Discours dont le but est de développer le chaos des temps, de suivre, pour ainsi dire, pas à pas la marche de la Sagesse divine, de rapprocher les événemens pour en faire connoître les ressorts & le terme, de présenter enfin le tableau du genre humain dans sa naissance, dans ses erreurs, dans ses crimes, dans le progrès de ses lumieres, dans sa législation, dans la réformation de ses mœurs, dans les révolutions des Empires ; le génie de Bossuet est toujours égal au sujet qu’il embrasse, & embellit les objets que leur propre grandeur sembloit mettre au dessus de l’esprit de l’homme. […] Il est facile de reconnoître, dans ses Ecrits de Controverse, un esprit lumineux, une mémoire heureuse, un discernement sûr, qui le mettent à portée de combiner les systêmes, de rapprocher les objets, d’exposer les opinions, & de réfuter les erreurs.

422. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 493-499

Il fait juger des choses par les principes, & non par les succès ; il se rappelle, dans ces momens de délire général, que les alimens les plus contraires sont quelquefois agréables aux estomacs dépravés, que la disette ou l’amour de la nouveauté donne du prix à la médiocrité, au vice même ; & connoissant tout à la fois les sources de la bizarrerie dominante, de la nature des objets qui l’entretiennent, le génie de la Nation qui l’encense, il attend, & pourroit prédire avec certitude, le moment de la révolution qui doit guérir de cette frénésie. […] Ce seroit avilir le Cothurne, ce seroit manquer à la fois l’objet de la Tragédie & de la Comédie ; ce seroit une espece bâtarde, un monstre né de l’impuissance de faire une Comédie & une Tragédie véritable. » Quoique M. de Voltaire ne fasse pas loi dans le genre comique, par le peu de succès de toutes ses Comédies, il grossit donc la foule de tous nos bons Littérateurs qui se sont élevés contre ces esprits médiocres, qui s’efforcent de rembrunir la Scène, ne pouvant l’égayer.

423. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VIII. La Fille. — Iphigénie. »

Agamemnon, il est vrai, exige d’Iphigénie le double sacrifice de son amour et de sa vie, et Lusignan ne demande à Zaïre que d’oublier son amour ; mais pour une femme passionnée, vivre, et renoncer à l’objet de ses vœux, c’est peut-être une condition plus douloureuse que la mort. […] Ici le christianisme va plus loin que la nature, et par conséquent est plus d’accord avec la belle poésie, qui agrandit les objets et aime un peu l’exagération.

424. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Carle Vanloo  » pp. 117-119

Mais tous ces objets me paraissent peints d’une touche trop douce et trop uniforme. […] Rien à redire ni au dessin, ni à la couleur, ni à la disposition des objets.

425. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface »

Cependant, s’il existe une science des sociétés, il faut bien s’attendre à ce qu’elle ne consiste pas dans une simple paraphrase des préjugés traditionnels, mais nous fasse voir les choses autrement qu’elles n’apparaissent au vulgaire ; car l’objet de toute science est de faire des découvertes et toute découverte déconcerte plus ou moins les opinions reçues. […] Seulement, comme c’est malgré lui, pour ainsi dire, qu’il est rendu inoffensif, les sentiments d’aversion dont il est l’objet ne laissent pas d’être fondés.

426. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

L’esprit prend quelque chose de l’harmonie et de la sécurité des objets qui l’environnent. […] Il suffit à l’âme qui veille et s’agite d’apercevoir la nature qui sommeille pour se rendormir à demi. — Et ces objets lui plaisent d’autant plus qu’ils sont plus éloignés d’elle. […] Voilà de ces vers délicats et sobres, aussi gracieux que leur objet, et que La Fontaine seul rencontre. […] Ces peintures de La Fontaine, si courtes, valent les plus grands tableaux ; car tout le talent de l’artiste consiste à saisir le trait exact, qui montre dans un objet le caractère intime. […] Indifférent à ce qui l’entoure, il laisse errer lentement sur les objets ses grands yeux calmes.

427. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

On la leur a donnée, et depuis ce temps on voit tout changer en histoire : l’objet, la méthode, les instruments, la conception des lois et des causes. […] Notre grand souci doit être de suppléer, autant que possible, à l’observation présente, personnelle, directe et sensible, que nous ne pouvons plus pratiquer : car elle est la seule voie qui fasse connaître l’homme ; rendons-nous le passé présent ; pour juger une chose, il faut qu’elle soit présente ; il n’y a pas d’expérience des objets absents. […] C’est ce monde souterrain qui est le second objet, l’objet propre de l’historien. […] Des images, ou représentations des objets, c’est-à-dire ce qui flotte intérieurement devant lui, subsiste quelque temps, s’efface, et revient, lorsqu’il a contemplé tel arbre, tel animal, bref, une chose sensible. […] Objet de ce livre.

428. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Ces lois (celles de l’attraction des accords) sont, il est vrai, des espèces de Rythmes latents, mais, et seulement, à la manière de la pesanteur d’un objet lequel n’a d’autre force que son inertie même. […] Dans un groupe d’accords très simple, tel que celui-ci : il n’y a nulle attraction du premier accord vers le deuxième ; quant à celle du deuxième accord vers le troisième, on sent qu’elle n’est rien autre chose que sa tendance au repos prolongé de la tonique ; ici, la comparaison de l’objet inerte qu’on soulève et que sa pesanteur fait retomber, est presque matériellement perçue. […] Ce courant magnétique des harmonies progresse donc à travers elles de même qu’un objet entraîné par son poids, sur un plan incliné, roule et se meut selon presque l’horizontale, bien que ce poids même le pousse dans la direction verticale. […] On y sent les inflexions de la voix suivre chaque mouvement de l’idée, en gardant une couleur sonore assez continue selon l’objet de cette idée. […] L’Harmonie, plus lente en ses variations, se modèle aux formes des objets pensés, s’amoncelle en masse vigoureuse, ou s’atténue comme un lointain, dispose les plans, consolide les proportions, recueille la clarté monitoire des choses, et conduite par le Rythme qui se meut en son sein, passant avec lui de son en son et d’objet en objet, elle le suscite à lui-même par l’empreinte qu’il y marque, grande toujours et féconde, opulente et passive comme la Nature-Mère.

429. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Entre ces qualités communes, la plus apparente est l’originalité, le fait qu’en des objets, eu des ensembles se trouvent associés des attributs que l’expérience présente séparés. […] Toute l’œuvre conçue par un art infaillible et savant, calculée en ses parties, son mouvement, sa direction et sa masse, revêt l’aspect glacial d’un objet géométriquement parfait. […] En ce drame cérébral, l’objet de l’investigation n’a d’importance que celle de l’enjeu dans une partie d’échecs, chargé de renforcer un intérêt existant déjà. […] Pour provoquer l’horreur il suffit de montrer des objets, des scènes, des personnages qui épouvantent, et, pour les montrer, de les imaginer soi-même nettement. […] Nous avons montré comment l’originalité caractérise toute l’œuvre de Poe, depuis certains objets bizarrement composés jusqu’à l’invention des situations, des personnages, des plans, des émotions, et même de certaines vérités scientifiques.

430. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

On n’a pas pu donner de suite un nom essentiel à l’objet ; on a été obligé de le désigner d’abord par ses qualités les plus accessibles aux sens. […] Les synonymes ont dû aussi se multiplier à l’infini dans les langues sans adjectifs ; car si les cas marquent les accidents d’un mot, l’adjectif en marque les qualités ; et lorsqu’on n’a pas eu d’adjectif, il a fallu autant de noms pour le même objet que cet objet a eu de qualités différentes. […] Cette supposition absurde est comme un voile jeté sur l’objet des recherches de cet admirable observateur. […] Cette Dissertation, qui avait pour objet de prouver le don primitif de la parole, était un développement nécessaire des premières propositions avancées dans son ouvrage. […] Cette révolution dans les éléments primitifs de la philosophie présageait l’ère de l’émancipation de la pensée, qui sera l’objet de la seconde partie de ce chapitre.

431. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Gustave Flaubert »

Quand il veut faire autre chose que pincer des objets physiques dans sa langue matérielle, il n’y est plus, et il écrit alors des phrases dans le genre de celle-ci, lui, l’ami de Théophile Gautier l’Impeccable, comme disait Baudelaire : « Un besoin le poussait (un besoin qui pousse !) […] il va devant lui comme un enfant, attiré par l’objet à décrire, pris par cet objet d’un intérêt futile, — l’intérêt d’une sensation. […] … Tel est ce chef-d’œuvre, selon les jeunes réalistes de ce temps, où le Réalisme, qui ne veut que peindre l’objet, est souffleté par le Matérialisme et sa morale ! […] Les littératures qui retombent à l’état d’enfance peignent les objets comme les enfants les peignent, pour l’objet même, — l’objet isolé et en soi, — sans se soucier de l’ordre, de la pensée, de la logique, de la vraisemblance, de la perspective.

432. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre II : Examen critique des méditations chrétiennes de M. Guizot »

L’idée mère du positivisme, c’est que la science doit s’abstenir de toutes recherches sur les causes premières et sur l’essence des choses ; elle ne connaît que des enchaînements de phénomènes ; tout ce qui est au-delà n’est que conception subjective de l’esprit, objet de sentiment, de foi personnelle, non de science. […] L’école positiviste ne rejette pas ou ne peut pas rejeter la foi à ces vérités, car la foi est un état subjectif de l’âme, que l’on éprouve ou que l’on n’éprouve pas, et qui ne peut être l’objet ni d’une démonstration ni d’une réfutation. L’infini n’étant pas objet de science, selon M.  […] Si en effet nous pouvons dire, par exemple, avec certitude, que Dieu est intelligent, qu’il est libre, comment soutiendrait-on que cet objet échappe absolument aux prises de la science humaine ? […] Peut-être en disant que la philosophie n’est pas une science, qu’elle n’est pas adéquate à son objet, M. 

433. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXI. Le littérateur chez les peintres » pp. 269-282

Ladite chronique, outre le plaisir qu’elle procure à ceux qui en sont l’objet et l’intérêt qu’elle gardera pour la science archéologique venir, peut encore avoir son prix, précisément comme chronique. […] Même dans un modeste cadre, il se restreint à la considération de quelques objets. […] Trois ou quatre modes me semblent plus intéressants : 1º Le décor public, fresques modernes des grandes surfaces, en harmonie avec l’architecture et la destination de l’édifice ; 2º Le décor intime, utilisation des murs de nos appartements modernes pour des colorations agréables, sans le ressassement immobile d’un sujet de fait-divers ; 3º La fixation sur la toile d’impressions visuelles de peinture, sans apposition ménagère, conservée dans des châssis, ou roulée à des poulies mobiles à nos grés ; 4º L’ornementation d’objets de luxe qu’on pourrait retirer aux maroquiniers de la rue de la Paix et confier à des artistes auxquels je recommanderais personnellement la peinture sur maroquin qui nous a fait en d’autres siècles les belles reliures de maioli.

434. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

. — Objets des conversations de l’hôtel de Rambouillet. — Conversations de Balzac avec la marquise. Quel était l’objet le plus ordinaire des conversations de l’hôtel de Rambouillet, quel en était le ton, quel en était l’usage ? […] Au défaut d’écrits ou de paroles attribués à la marquise de Rambouillet, j’ai fait des recherches pour connaître l’objet le plus ordinaire de ses conversations intimes.

435. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

Comme on aura pu le remarquer, cette connaissance est jusqu’ici diffuse, analytique, fragmentaire, ne comprend l’ensemble qu’en ses parties et ne l’exhibe que par aspects successifs ; cette connaissance est limitée à son objet qu’elle révèle en lui-même seulement, non dans ses relations et ses effets. […] Le livre sera reproduit ainsi comme un objet de lecture réelle sur lequel se seront fixés des yeux humains froids, souriants, émerveillés, hagards, ou à demi clos d’une douleur qui se contient, yeux d’hommes las de vrais spectacles, limpides ou cruels yeux de femme, yeux ternes des oisifs, yeux lumineux d’adolescent qui, se durcissant aux fictions, s’accoutument à la vie. […] Hennequin a bien conscience que la connaissance de type scientifique culmine dans la destruction de son objet, ou bien la présuppose.

436. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IX. Suite des éloges chez les Grecs. De Xénophon, de Plutarque et de Lucien. »

Les grâces dans le même temps avaient, au rapport des anciens, embelli l’esprit, le caractère et l’âme de Socrate ; il allait quelquefois les étudier chez Aspasie : il en inspirait le goût aux artistes, il les enseignait à ses disciples, et probablement Xénophon et Platon les reçurent de lui ; mais Platon, né avec une imagination vaste, leur donna un caractère plus élevé, et associa pour ainsi dire à leur simplicité un air de grandeur ; Xénophon leur laissa cette douceur et cette élégante pureté de la nature qui enchante sans le savoir, qui fait que la grâce glisse légèrement sur les objets et les éclaire comme d’un demi-jour ; qui fait que peut-être on ne la sent pas, on ne la voit pas d’abord, mais qu’elle gagne peu à peu, s’empare de l’âme par degrés et y laisse à la fin le plus doux des sentiments : à peu près comme ces amitiés qui n’ont d’abord rien de tumultueux, ni de vif, mais qui, sans agitation et sans secousses, pénètrent l’âme, offrent plus l’image du bonheur que d’une passion, et dont le charme insensible augmente à mesure qu’on s’y habitue. […] ou parce que le luxe de nos mœurs se communiquant à nos esprits comme à nos âmes, nous ôterait ce goût précieux et pur de simplicité ; ou parce que, l’inégalité plus marquée dans les monarchies, mettant plus de distinction entre les rangs, il doit nécessairement y avoir plus d’affectation, plus d’effort, plus de désir de paraître différent de ce que l’on est, et par conséquent quelque chose de plus exagéré dans les manières, dans les mœurs et dans la tournure générale de l’esprit, ou enfin, parce que chez un peuple indifférent et léger, qui peut-être voit tout avec rapidité et ne s’arrête sur rien, il faut, pour ainsi dire, que tous les objets soient en relief pour qu’ils soient aperçus ? […] Il eut le bonheur de casser bien vite une table de marbre : cet accident, qui lui fit une querelle, le rendit tout entier à la philosophie et aux lettres ; il avait ce tact du ridicule qui tient à un esprit délié et fin, et cette arme légère de la plaisanterie, qui consiste presque toujours à faire contraster les objets, ou en réveillant une grande idée à côté d’une petite chose, ou une petite idée à côté d’une grande.

437. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

—  Avantages de ce genre d’esprit. —  Il est seul capable de reproduire l’objet. —  Il est le plus favorable à l’invention originale. —  Quel emploi Carlyle en a fait. […] Et il assiste à ce spectacle, non pas froidement, en homme qui voit les objets à demi, « dans une brume grise », indistinctement et avec incertitude, mais de toute la force de son cœur et de sa sympathie, en spectateur convaincu, pour qui les choses passées, une fois prouvées, sont aussi présentes et visibles que les objets corporels que la main manie et palpe en ce même instant. […] Sitôt que vous voulez penser, vous avez devant vous un objet entier et distinct, c’est-à-dire un ensemble de détails liés entre eux et séparés de leurs alentours. […] Pour lui, les textes et les objets sont capables de deux interprétations : l’une grossière, ouverte à tous, bonne pour la vie usuelle ; l’autre sublime, ouverte à quelques-uns, propre à la vie supérieure. « Aux yeux de la vulgaire logique, dit Carlyle, qu’est-ce que l’homme ? […] Chacun les regarde avec des lunettes de portée et de couleur diverses, et nul ne peut atteindre la vérité qu’en tenant compte de la forme et de la teinte que la structure de ses verres impose aux objets qu’il aperçoit.

438. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Pendant le repas, j’allai me reposer à l’écart au pied d’un arbre, et là je ne pus m’empêcher de réfléchir à la bizarrerie des destins de l’homme en ce bas monde, en me voyant par l’effet de la Révolution isolé de tous les rapports que j’ai dans l’Europe par mes objets d’étude, et de toutes les personnes qui me font l’amitié de désirer ma présence, et forcé au contraire à venir passer mon temps à travailler de mes bras au milieu d’une forêt pour concourir à l’avancement de la Révolution. […] Il hésitait d’abord à accepter, craignant que cela ne le dissipât et ne le jetât, comme il disait, dans l’externe, tandis qu’il sentait de plus en plus le goût des voies intérieures et silencieuses ; puis il pensa qu’il était peut-être appelé par là à rendre témoignage de sa doctrine et à briser quelque lance contre l’ennemi : Il est probable, pensait-il, que l’objet qui m’amène à l’École normale est pour y subir une nouvelle épreuve spirituelle dans l’ordre de la doctrine qui fait mon élément… Je serai là comme un métal dans le creuset, et probablement j’en sortirai plus fort et plus persuadé encore qu’auparavant des principes dont je suis imprégné dans tout mon être. […] Les Écoles normales finirent avant terme, n’ayant rempli qu’imparfaitement leur objet, et Saint-Martin put se comparer au petit berger prédestiné qui avait atteint Goliath au front. […] Les grands objets s’annonçaient à lui d’une manière de plus en plus imposante et douce, et proportionnée à son état présent : « J’ai mille preuves réitérées que la Providence ne s’occupe, pour ainsi dire, qu’à me ménager. » Il était d’ailleurs tellement inapplicable et impropre aux choses positives, que dans le second trimestre de l’an IV, ayant été porté sur la liste du jury pour le tribunal criminel de son département, il crut devoir se récuser par toutes sortes de raisons qui, si elles étaient admises, paralyseraient la société : Je ne cachai point mon opinion ; je dis tout haut que, ne me croyant pas le droit de condamner un homme, je ne me croyais pas plus en droit de le trouver coupable, et que sûrement, tout en obéissant à la loi qui me convoquait, je me proposais de ne trouver jamais les informations et les preuves assez claires pour oser disposer ainsi des jours de mon semblable. […] [NdA] Si l’on en veut une preuve que j’ose dire inimaginable, on n’a qu’à lire la pensée suivante où l’illusion pacifique, jointe à la préoccupation de soi et à la confiance qu’on a d’être l’objet spécial de la prédilection divine, passe tous les degrés : Je me suis senti tellement né pour la paix et pour le bonheur, et j’ai eu de si fréquentes expériences que l’on m’avait même dès ce monde comme environné du lieu de repos, que j’ai eu la présomption de croire que dans tous les lieux que j’habiterais il n’arriverait jamais de bien grands troubles ni de bien grands malheurs.

439. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Les imprudents se battent, et les gens sages viennent à profiter de l’objet du combat quand on est bien sûr qu’ils ne s’en sont pas mêlés ; et cette aventure de tertius gaudet arrive dans les cours les plus intrigantes tout comme pendant les gouvernements forts et tranquilles… Dans ces intrigues, ajoute-t-il, le moindre risque, selon moi, surpasse les plus hautes espérances ; je crains extrêmement la disgrâce et la Bastille ; j’aime ma liberté et ma tranquillité, et je ne les veux jamais sacrifier qu’au bonheur de mes citoyens ; mais quelle sottise de les sacrifier à ses vues personnelles ! […] Ce génie, il le lui refuse expressément ailleurs et par de très bonnes raisons, et il se borne à lui accorder beaucoup d’esprit : Ses mérites consistent véritablement dans beaucoup d’esprit, mais nul génie (on entend par esprit la facilité à entendre et à rendre) ; la hardiesse, le courage, la tranquillité devant les grands objets, ce qu’on prend pour force d’âme et qui ne l’est que de cœur ; un goût porté au grand et à l’élevé pour soi-même. […] La seule vérité historique que je tiens à marquerk, c’est que les deux frères appartiennent à des familles d’hommes politiques toutes différentes et même opposées, l’un étant de ceux qui vont au fond des objets et aspirent à un but réel et constant, l’autre de ceux qui s’en tiennent en tout aux expédients, et s’inspirent uniquement de la circonstance. […] Il y mêle une théorie à lui sur l’amour-propre : après quoi il ajoute, en en faisant l’application à son frère (août 1738) : Il s’aime en tout bien, il aime son élévation et toute la plus grande élévation ; par-delà lui, il aime sa maison ; il a encore le sentiment du moment pour quelques objets de parenté ou étrangers. […] Quand la passion du bien de la monarchie se joint au génie inventeur, alors le cœur se remplit de bien d’autres choses que de soi-même ; ordinairement même, le soi s’oublie et s’abandonne absolument, comme cela se voit chez ces chasseurs qui le sont par goût, chez tous les hommes à passions ardentes, à passions de goût et de curiosité, dans les amours violents comme celui de Moïse pour son peuple, et chez les savants qui ont recherché l’objet de leur étude en se détruisant visiblement17.

440. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Le château, de son côté, tout en se revêtant à neuf et en prenant sa forme féodale, appropriée aux besoins de la défense, reçoit à l’intérieur son arrangement et sa distribution en vue de l’agrément et même du luxe qui s’introduit peu à peu ; il se meuble de mille objets curieux, que les romans du temps nous font connaître, et dont M.  […] Viollet-Le-Duc, par son travail complet, et qui bientôt ne laissera rien à désirer, a mis à contribution pour le Moyen-Âge tous les livres de recherches antérieurs, et, indépendamment des objets mêmes qu’il a dû voir, il a voulu connaître tout ce qu’on en a dit ; il a puisé abondamment pour cela aux sources originales, c’est-à-dire aux chroniques, aux romans chevaleresques, aux traités moraux et didactiques d’alors, tels que le Livre du chevalier de La Tour-Landry pour l’enseignement de ses filles 39, ou le Ménagier de Paris 40. […] Celle qui voulut employer d’autres préparations (le fard) fit apporter les objets devant elle42 ; quelques-unes ne s’en soucient point, tant la nature leur a donné de beauté ! […] Viollet, c’est d’abord qu’on ne prenne pas l’antique pour le transporter, tel quel, chez nous, sans motif, sans égard à tout ce qui diffère profondément entre des sociétés si dissemblables ; et de notre passé à nous, de notre ancienne architecture nationale, il veut qu’on n’en prenne que ce qui s’applique à nos mœurs actuelles, à notre objet, aux matériaux dont nous nous servons, et surtout qu’on s’inspire du bon sens extraordinaire dont ces vieux architectes du XIIIe siècle ont fait preuve. […] Un bon juge, et qui l’a vu à l’œuvre, me disait : « Je ne connais personne qui dessine mieux, plus facilement, et qui rende plus exactement le caractère de l’objet qu’il dessine.

441. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

Au lieu de s’étendre avec une curiosité tranquille sur le détail de nos misères, il s’était borné à éclairer d’une lumière terrible les principaux objets de notre confiance, ce que l’on pourrait appeler les garanties des sociétés, la justice, la loi, la vertu. […] L’explication qu’il en donne est peut-être plus prudente que vraie. « Les hommes de goût, pieux et éclairés, dit-il100, n’ont-ils pas observé que, de seize chapitres qui composent le livre des Caractères, il y en a quinze qui, s’attachant à découvrir le faux et le ridicule qui se rencontrent dans les objets des passions et des attachements humains, ne tendent qu’à ruiner les obstacles qui affaiblissent d’abord et qui éteignent ensuite dans tous les hommes la connaissance de Dieu ; qu’ainsi ils ne sont que des préparations au seizième et dernier chapitre, où l’athéisme est attaqué et peut-être confondu, où les preuves de Dieu, une partie du moins de celles que les faibles hommes sont capables de recevoir dans leur esprit, sont apportées, où la providence de Dieu est défendue contre l’insulte et les plaintes des libertins ?  […] Sous cette forte discipline d’un jeune roi qui ne voulait pas plus des frondeurs du Parlement que des tuteurs de l’école de Richelieu ou de Mazarin, l’ambition avait dû changer de mœurs en changeant d’objet. […] C’est par là que, même dans une société où règne la distinction des classes, les diverses classes ne sont pas les unes pour les autres l’objet d’une curiosité stérile qui s’amuserait des différences ; elles peuvent se donner réciproquement des leçons. […] Tels passages ressemblent à certains tableaux qu’on cite dans l’histoire de l’art ; il manque à ces tableaux, parfaits dans les détails, un objet principal dont tous les accessoires tirent leur prix.

442. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

Son imagination se prit à l’instant, et l’objet de son culte fut trouvé. […] Grand naturaliste et poète, il étudie chaque objet et le voit à la fois dans la réalité et dans l’idéal ; il l’étudie en tant qu’individu, et il l’élève, il le place à son rang dans l’ordre général de la nature ; et cependant il en respire le parfum de poésie que toute chose recèle en soi. […] On aurait dit d’une passion exclusive ; puis, quand c’était fini et connu, il tournait la tête et passait à un autre objet. […] Cousin et qu’il sut que c’était un ami de Manzoni, il se mit à l’interroger avec détail, avec une insatiable curiosité, sur les moindres particularités physiques et morales du personnage, jusqu’à ce qu’il se fût bien représenté cet objet, cet être, cette production nouvelle de la nature qui avait nom Manzoni, absolument comme lui, botaniste, il aurait fait d’une plante. […] Il est enchanté et ravi de voir un si grand individu que Beethoven venir augmenter sa collection et sa connaissance : « J’ai eu bien du plaisir, dit-il, à voir se refléter en moi cette image d’un génie original. » Ce grand miroir de l’intelligence de Goethe tressaille involontairement, quand un nouvel objet digne de lui s’y réfléchit.

443. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

Les rapprochements ou les contrastes naîtront d’eux-mêmes, et c’est ainsi qu’en maintenant à chaque objet son caractère, il y a moyen à la littérature de tout fertiliser. […] Volney a peur de tout ce qui est charme ; il semble craindre toujours de rien ajouter aux choses, et de présenter les objets d’une manière trop attachante : Je me suis interdit tout tableau d’imagination, dit-il, quoique je n’ignore pas les avantages de l’illusion auprès de la plupart des lecteurs ; mais j’ai pensé que le genre des voyages appartenait à l’histoire et non aux romans. […] Il est bien de ne rien ajouter aux objets ; mais faut-il mettre tant de soin à les dénuder toujours ? […] Mais cette velléité, s’il l’a eue, dure peu ; écoutez la fin : L’attention, dit-il, fixée par des objets distincts, examine avec détail les rochers, les bois, les torrents, les coteaux, les villages et les villes. On prend un plaisir secret à trouver petits ces objets qu’on a vus si grands : on regarde avec complaisance la vallée couverte de nuées orageuses, et l’on sourit d’entendre sous ses pas ce tonnerre qui gronda si longtemps sur la tête ; on aime à voir à ses pieds ces sommets jadis menaçants, devenus dans leur abaissement semblables aux sillons d’un champ ou aux gradins d’un amphithéâtre ; on est flatté d’être devenu le point le plus élevé de tant de choses, et un sentiment d’orgueil les fait regarder avec plus de complaisance.

444. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

Le Prince C’est une assez bonne méthode pour décrire des tableaux, surtout champêtres, que d’entrer sur le lieu de la scène par le côté droit ou par le côté gauche, et s’avançant sur la bordure d’en bas, de décrire les objets à mesure qu’ils se présentent. […] Les objets y sont si peu finis, si peu terminés, qu’on n’entend rien au fond. […] Tout est bien imaginé, bien ordonné, les figures bien placées, les objets bien distribués, les effets de lumière tout prêts à se produire ; mais point de peinture, point de magie ; il faut que l’artiste soit faible ou paresseux, et qu’il lui soit pénible de finir. […] Comment se répand-elle sur certains objets et s’éteint-elle sur les autres ? […] C’est une faiblesse de pinceau, un négligé, un manque d’effet qui désespèrent ; c’est dommage, car tout est naturellement ordonné, les personnages, le tartare surtout bien posé, les objets bien distribués ; la femme tartare, en fourrure rouge, a les pieds posés sur un coussin.

445. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

Les orateurs ont appliqué d’abord aux grands objets du gouvernement le talent de la parole ; et comme dans ces occasions il fallait en même temps convaincre et remuer le peuple, ils appelèrent l’éloquence l’art de persuader, c’est-à-dire de prouver et d’émouvoir tout ensemble. […] Mais, dira-t-on, si l’éloquence proprement dite, celle qui se propose de nous remuer par de grands objets, a si peu besoin des règles de l’élocution, si elle ne doit avoir d’autre expression que celle qui est dictée par la nature ; pourquoi donc les anciens, dans leurs écrits sur l’éloquence, ont-ils donné tant de règles de l’élocution oratoire ? […] Parcourons successivement ces différents objets. […] De la propriété des termes naissent la précision, l’élégance et l’énergie, suivant la nature des sujets qu’on traite, ou des objets qu’on doit peindre ; la précision dans les matières de discussion, l’élégance dans les sujets agréables, l’énergie dans les sujets grands ou pathétiques. […] La sévérité de la controverse rejette et proscrit tout ce qui n’est pas preuve et raison ; instruire et convaincre, voilà son unique objet.

446. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVI » pp. 147-152

Le voyage du duc de Bordeaux en Angleterre est plus que jamais l’objet des conversations d’un certain monde, mais d’un monde bien resserré. […] — Décidément on n’a pas une activité si multiple, si infatigable, si élevée dans son objet, sans être de la volée des grands esprits.

447. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 92-99

Plein de chaleur & d’intérêt, il sait donner la vie à tout ce qu’il peint, & la Nature même devient plus intéressante par les charmes que son pinceau répand sur tous les objets. […] Une étude constante, secours nécessaire aux dons les plus heureux de la Nature, fit éclore, étendit, fortifia ses talens ; & l’habitude de ne s’occuper que de grands objets, lui procura l’heureuse facilité de s’exprimer avec noblesse selon les différentes parties qu’il embrassoit.

448. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 489-496

Cet article, tel qu’on vient de le lire, a servi de texte à feu M. de Voltaire, pour nous accuser d’ingratitude à l’égard de l’Auteur qui en est l’objet. […] Lisez, M., lisez les Questions sur l’Encyclopédie * ; & si vous vous rappelez la maniere dont certains Sauvages traitent leurs ennemis, qu’ils mettent en pieces après leur mort, vous aurez une idée de celle dont l’honnête Philosophe des Alpes a traité cet Ecrivain, jusqu’alors l’objet de ses adulations. »   *.

449. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Vernet » pp. 227-230

S’il projette des objets sur le cristal des mers, il sait l’en teindre à la plus grande profondeur, sans lui faire perdre ni sa couleur naturelle, ni sa transparence. […] C’est un travail commandé ; c’est un local qu’il faut rendre tel qu’il est, et remarquez que dans ces morceaux mêmes, Vernet montre bien une autre tête, un autre talent que Le Lorrain, par la multitude incroyable d’actions, d’objets et de scènes particulières.

450. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 17, s’il est à propos de mettre de l’amour dans les tragedies » pp. 124-131

Comment ceux qui n’ont pas de dispositions à sentir une passion, comment un homme qui n’est point agité par l’objet même, pourroit-il être vivement touché par sa peinture ? […] Les transports forcenez d’un ambitieux, au desespoir qu’on lui ait préferé pour remplir un poste éminent et l’objet de ses desirs, celui de ses rivaux qu’il méprisoit davantage, peuvent donc bien interesser vivement ceux qui sçavent par leur propre experience que la passion que le poëte dépeint peut exciter dans le coeur humain ces mouvemens furieux : mais toutes ces agitations, que quelques écrivains nomment la fievre d’ambition, toucheront foiblement les hommes à qui leur tranquillité naturelle a permis de se nourrir l’esprit de reflexions philosophiques, et qui plusieurs fois se sont dit à eux-mêmes que les personnes qui distribuent les emplois se déterminent souvent dans tous les païs et dans tous les tems par des motifs injustes ou frivoles.

451. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

À quoi se bornent les objets qui sont à notre portée ! […] L’orateur philosophe sentait grandir sa pensée, son talent et son courage, en abordant le plus grand objet de la pensée, la Divinité. […] « Quelle prérogative, quoique vos académiciens la dépriment, et même la refusent à l’homme, de connaître parfaitement les objets extérieurs par la perception des sens, jointe à l’application de l’esprit ! […] « La divination ne s’applique donc à aucun des objets de nos sens ; je dis de plus qu’elle est tout aussi inutile dans ce qui est du ressort de l’art. […] L’âme, accoutumée à ce noble exercice, s’envole plus facilement vers sa demeure céleste ; elle y est portée d’autant plus rapidement qu’elle se sera habituée, dans la prison du corps, à prendre son élan, à contempler les objets sublimes, à s’affranchir de ses liens terrestres.

452. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Ne pouvant trouver un objet digne de lui en un cloaque, instinctivement il avait tendu vers la lumière. […] En vérité, l’intelligencebn ne peut que comparer et ranger par catégories, les objets perçus par la sensibilité. […] Cela ne prouve aucunement que cet objet sans antécédent, ne soit pas digne d’inaugurer une catégorie nouvelle. […] La science analyse son objet d’étude en séparant ses différents éléments constitutifs. […] L’intuition, au contraire, est le véritable moyen de la connaissance car elle saisit l’objet d’un coup en s’assimilant à lui en un seul moment, en participant à son élan vital.

453. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Tel sera atteint le second degré du fictif dans la vie, le second degré de l’art, après la primitive élimination des sensations étrangères à l’objet artistique, par la restriction des sensations à un seul ordre sensitif ; et, après l’art théâtral, les arts séparés de la peinture, de la littérature et de la musique seront acquis, quand sera démontré le pouvoir de chacun de ces arts de donner à lui seul l’impression d’une chose vivante. […] Un mot est une abstraction ; l’art littéraire ne peut être que l’art des abstractions ; un mot ne représente pas un objet, il représente une généralisation ; le mot « arbre » est un mot abstrait, étant collectif, le mot « grandeur » est abstrait, étant qualificatif ; un « arbre » n’existe pas plus que de la « grandeur », il ne désigne à l’esprit rien de concret ; car quelle espèce d’arbre exprime-t-il ? et si l’on précise l’espèce, et si l’on énumère les feuilles, l’on ne fait qu’accumuler les qualificatifs ; dans « arbre » il n’y a rien autre que a-r-b-r-e ; les mots sont les signes des idées ; les signes des objets sont de la peinture ; quiconque sous les mots voit les objets, transpose ; une phrase n’est qu’une combinaison d’abstractions, et les mots ne sont que des mots. […] Et son œuvre antérieure était une tendance vers cet objet. […] Et l’âme, un jour, dira ces paroles : « J’ai vu qu’elles se fanaient, — ces fleurs de mes concupiscents désirs et de mes rires, — et maintenant (voici) vers le pur objet et vers le salut et vers l’authentique accomplissement elles aspirent. » Le troisième acte : — Au prélude, le morne et le frémissant qui suit les hautes luttes, qui précède les contrats définitifs.

454. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Ces Souvenirs ont pour objet de faire ressortir le génie propre de David et les principes que ce grand artiste a transmis à son école. […] Vous avez renversé ces insolents usurpateurs : objets de la risée des peuples, ils gisent sur la terre qu’ils ont souillée de leurs crimes. […] Les arts sont l’imitation de la nature dans ce qu’elle a de plus beau et de plus parfait ; un sentiment naturel à l’homme l’attire vers le même objet. […] Cette énumération ne finirait pas, citoyens, si je voulais vous parler ici de tous les objets d’art que la négligence a laissé détruire. […] Dans le monde, les émigrés étaient devenus l’objet d’un vif intérêt, qui, ainsi qu’il arrive ordinairement à Paris, dégénéra bientôt en mode.

455. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Le paysage, considéré comme genre à part et comme objet distinct de l’art, n’est pas chose très ancienne. […] Il établit que, dans l’Antiquité classique proprement dite, « les dispositions d’esprit particulières aux Grecs et aux Romains ne permettaient pas que la peinture de paysage fût pour l’art un objet distinct, non plus que la poésie descriptive : toutes deux ne furent traitées que comme des accessoires ». […] Et ce n’est qu’ainsi qu’on s’explique aussitôt et pleinement, dit-il, pourquoi « l’on voit si souvent le paysagiste, qui est donc au fond un chercheur de choses à exprimer bien plus qu’il n’est un chercheur de choses à copier, dépasser tantôt une roche magnifique, tantôt un majestueux bouquet de chênes sains, touffus, splendides, pour aller se planter devant un bout de sentier que bordent quelques arbustes étriqués ; devant une trace d’ornières qui vont se perdre dans les fanges d’un marécage ; devant une flaque d’eau noire où s’inclinent les gaulis d’un saule tronqué, percé, vermoulu… C’est que ces vermoulures, ces fanges, ces roseaux, ce sentier, qui, envisagés comme objets à regarder, sont ou laids ou dépourvus de beauté, envisagés au contraire comme signes de pensées, comme emblème des choses de la nature ou de l’homme, comme expression d’un sens plus étendu et plus élevé qu’eux-mêmes, ont réellement ou peuvent avoir en effet tout l’avantage sur des chênes qui ne seraient que beaux, que touffus, que splendides ». […] Il faut s’y mettre avant tout, et, pour peu qu’on ait de sentiment naturel en face des objets, le suivre, y obéir, travailler à y donner jour.

456. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Le comte de Gisors, né le 27 mars 1732, fut l’objet tout particulier des soins paternels. […] Le comte de Gisors en fit l’objet constant de son étude et de son émulation. […] Je le compare à une glace également susceptible de rendre l’image d’un imbécile et d’un habile homme ; il est maladroit de l’avoir obligé à représenter d’aussi plats objets » Ces plats objets, c’étaient les conseillers qu’on lui avait donnés.

457. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « J. K. Huysmans » pp. 186-212

Il sait voir les personnes, les objets, les ensembles, les caractères avec une exactitude notablement supérieure à celle des romanciers idéalistes ; la vie d’un homme étant rarement tragique, il s’abstient de toute intrigue violente ou qui comprenne d’autres incidents que ceux éprouvés par un Parisien de la moyenne ; l’histoire à raconter se trouvant ainsi réduite, M.  […] Huysmans s’est détourné de copier la réalité, qui ne répondait point à ses exigences sensuelles, et s’est fabriqué dans A Rebours, des objets de perception inventés et parfaits. […] Il leur assigne le trait principal du tempérament pessimiste, celui de ne pouvoir être affecté que de sensations désagréables ou douleureuses, même pour des objets qui n’ont en soi rien de haïssable (J. […] Huysmans apte à distinguer, à haïr et à railler dans les objets et les êtres ce qu’ils peuvent avoir de laid, d’odieux et d’imparfait.

458. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

Le peuple des lecteurs, par curiosité ou par faiblesse, veut tout connaître de ceux qu’un rang élevé expose à ses regards, Le philosophe observe comment on voit les objets sur le trône ; l’historien cherche dans les écrits d’un roi l’histoire de ses pensées ; le critique qui analyse, étudie le rapport secret qui est, d’un côté, entre le caractère, les principes, le gouvernement d’un prince, et de l’autre, son imagination, son style et la manière de peindre ses idées. […] C’est une chose remarquable en philosophie, en éloquence, et dans tous les arts, qu’il ait toujours fallu aux hommes un objet de culte. […] Il a droit de nous intéresser, et comme roulant sur un objet utile, et comme un monument historique, qui peint également et l’esprit et l’âme de l’orateur54.

459. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIV. Siècles de barbarie. Renaissance des lettres. Éloges composés en latin moderne, dans le seizième et le dix-septième siècles. »

Christine fut louée en Suède comme la législatrice de l’empire : on lui adressa plusieurs panégyriques sur cet objet. […] On sait que de son vivant même elle trouva des censeurs ; les femmes, en France, lui reprochèrent de n’avoir point les manières et les agréments de son sexe ; les protestants, d’avoir changé de religion ; les politiques, d’avoir quitté un trône ; tous ceux qui avaient quelque humanité, d’avoir pu croire que sa qualité de reine pût autoriser un assassinat : mais elle fut l’objet éternel des hommages des savants et des gens de lettres. […] Chez un peuple barbare ou qui cesse de l’être, et où l’on commence à écrire, les orateurs et les poètes sont avertis de leurs talents par leurs passions, et par les secousses que des objets extraordinaires donnent à leur âme.

460. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre premier. » pp. 5-11

Le berceau de cette révolution fut l’hôtel de Rambouillet, cet hôtel regardé, depuis la fin du siècle passé, comme l’origine des affectations de mœurs et de langage, et qui fut dans le grand siècle, et pour tous les grands écrivains qui l’illustrèrent, pour Corneille, pour Boileau, pour La Fontaine, pour Racine, pour Molière même, oui pour Molière, plus que pour aucun autre, l’objet d’une vénération profonde et méritée. […] C’est un des objets de cet ouvrage.

461. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre II »

La filiation d’un mot, même du latin au français, n’est presque jamais immédiatement perceptible ; très souvent le mot français a une signification tout à fait différente de celle qu’il supportait en latin ; bien plus, à quelques siècles, et même à quelque cinquante ans de distance, un mot français change de sens, devient contradictoire à son étymologie, sans que nous nous en apercevions, sans que cela nous gêne dans l’expression de nos idées ; d’identiques sonorités expriment des objets entièrement différents, soit qu’elles aient une origine divergente, soit qu’un mot ait assumé à lui seul la représentetation d’images ou d’actes disparates10. […] Des mots tels que montre, règle, ne possèdent d’autre sens que ceux que leur donne la phrase où ils figurent ; cahier, voulant dire un assemblage de quatre choses, n’est représentatif d’un objet déterminé que parce que nous ignorons son origine ; le mot d’où il est né, quaternus, a reparu en français moderne sous la forme médiocre de quaterne.

462. (1889) L’art au point de vue sociologique « Préface de l’auteur »

La société religieuse, la cité plus ou moins céleste est l’objet d’une conviction intellectuelle, accompagnée de sentiments de crainte ou d’espérance ; la cité de l’art est l’objet d’une représentation intellectuelle, accompagnée de sentiments sympathiques qui n’aboutissent pas à une action effective pour détourner un mal ou conquérir un bien désiré.

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