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925. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

Aujourd’hui il a essayé dans une suite de notices claires, aisées, agréables, de nous rendre présentes et vivantes les figures des pères et fondateurs de l’astronomie moderne, Copernic, Képler, Galilée, Newton, et de nous donner idée de leurs travaux. […] Les vieilles erreurs avaient fait leur temps pour le petit nombre des esprits éclairés et philosophiques ; pour les autres, les absurdes idées qu’on s’était forgées du monde, de l’univers, subsistaient encore. […] Quelle idée Boileau ou Racine, par exemple, se faisaient-ils du monde, du tonnerre, des étoiles, des planètes, etc. ? […] » Cette idée une fois posée à l’état de question, il s’en empare, il la presse et la développe. […] N’oublions pas dans quelles dispositions était le savant lorsque lui vint la première idée de ce travail.

926. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Quand on lit Racine, Voltaire, Montesquieu, on n’a pas trop l’idée de se demander s’ils étaient ou non robustes de corps et puissants d’organisation physique. […] Mais cette gloire ne s’acquiert pas en se jouant ni en rêvant ; elle est le prix du travail opiniâtre et de l’ardeur appliquée : « Vous avez des idées dans la cervelle ? […] et moi aussi j’ai des idées… À quoi sert ce qu’on a dans l’âme, si l’on n’en tire aucun parti ?  […] La critique la plus cordiale, celle d’un ami, d’un camarade, comme il l’était de Louis Lambert, aurait-elle jamais pu lui faire accepter quelques idées de sobriété relative, et les lui introduire dans le torrent de son talent, pour qu’il le contînt et le réglât un peu ? […] Mérimée n’a peut-être pas une meilleure idée de la nature humaine que M. de Balzac, et, si quelqu’un a semblé la calomnier, ce n’est pas lui certes qui la réhabilitera.

927. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. » pp. 103-122

Son goût n’est ni très rare ni très curieux, ni même exquis ; mais, dans son ordre d’idées, ce goût est pur, sain et judicieux ; il est prompt et n’hésite pas. […] Il était évident que, dans ce cas comme dans bien d’autres, l’instinct du critique, de l’homme qui se sent une idée juste et qui ne résiste pas à la dire, l’avait emporté chez lui sur les considérations secondaires. […] Dans l’expression comme dans les idées, il trouve ce qui se présente d’abord et ce qui est à l’usage de tous. […] Il avait été très avant dans les idées de la Révolution ; il ne s’était guère arrêté qu’en 93, et lorsqu’il s’était vu averti personnellement par la violence et jeté en prison. […] L’idée religieuse aussi l’illumina en ce moment comme dans un éclair : il tomba à genoux et il pleura.

928. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

Carrel, à l’école de ce maître, exerça et fortifia ses qualités fermes et précises, et s’accoutuma à ne jamais les séparer de l’idée qu’il se formait du talent. […] On chercherait vainement dans l’ensemble de ses écrits une idée nouvelle de réformation radicale et un plan d’avenir. […] Il était plus dans sa voie et dans le courant naturel de ses idées quand il composait l’Histoire de la contre-révolution en Angleterre sous Charles II et Jacques II, publiée en 1827. […] Il y a d’ailleurs beaucoup de bonnes idées, de bons jugements de détail, bien dits, fermement pensés, et qui sentent le politique. […] Il dut subir les conditions un peu inégales de cette association militante dont il avait, assure-t-on, conçu la première idée.

929. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Tous les autres genres ont sans doute participé à cette révolution, mais seulement sous le rapport des idées et du langage, et par un effet de cette influence que le théâtre, le plus populaire de tous les plaisirs de l’esprit, exerce infailliblement sur la société et sur la littérature. […] Nos jeunes écrivains, les plus favorables à ces idées nouvelles, n’ont pas encore osé les préconiser hautement, ni surtout les mettre en pratique. […] Ce sont, disent-ils, les écrivains modernes qui ont imité les auteurs anciens, au lieu de créer comme eux ; qui leur ont emprunté, avec les formes de leurs poèmes, le fond même de leurs sujets et de leurs idées, au lieu de traiter, sous des formes différentes, des sujets et des idées appartenant à l’histoire, à la religion, aux mœurs des nations chrétiennes. […] On fait des expressions trouvées avec des barbarismes, des tours nouveaux avec des solécismes, et des idées neuves avec des termes impropres. […] Ayez horreur de cette littérature de Cannibales, qui se repaît de lambeaux de chair humaine, et s’abreuve du sang des femmes et des enfants ; elle ferait calomnier votre cœur, sains donner une meilleure idée de votre esprit.

930. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Ainsi dans l’ordre des études et des idées : on pourrait dire qu’héritier fidèle, et, en un sens, héritier pieux des richesses d’un siècle dont il égalait presque la tâche à celle de l’esprit humain, il aima mieux classer que renouveler. […] — Ce mémoire donnerait une fausse idée des opinions philosophiques de l’auteur, si l’on y voyait des conclusions expressément déistes. […] On a conçu une idée plus juste du caractère et du but de l’histoire ; on a voulu qu’elle devînt un tableau des mœurs et de la destinée des nations. […] Daunou était de ces derniers esprits ; arrêté de bonne heure quant aux idées, rédigé et fixé à un point qu’il jugeait celui de la perfection, il n’en sortait pas. […] On peut remarquer que Boileau lui-même, comme versificateur, lui laissait plus de scrupules de détails qu’on n’aurait imaginé ; il exigeait, même du poëte, la liaison des idées selon Condillac.

931. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VIII. De la cosmographie poétique » pp. 231-232

Si l’Homère de l’Odyssée avait cette idée bornée de l’enfer, il devait concevoir du ciel une idée analogue, une idée conforme à celle que s’en était faite l’Homère de l’Iliade.

932. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

En donnent une idée de tout point fausse. […] Rien n’est, dans l’idée même, moins wagnérien. […] Jullien : « De l’aveu même de Richard Wagner, Tristan et Iseult est l’expression la plus fidèle et la plus vivante de ses idées théoriques » (p. 156), et lorsque M.  […] On fera même bien de remarquer à cette occasion, combien pernicieuse est l’habitude d’employer si souvent en parlant de Wagner les expressions telles que : idées théoriques, système, école, forme définitive de l’art. […] Lui-même, au moins dans l’imaginaire pictural des décors, dépassait cette question nationale et ce pourrait être une idée pour les nouvelles mises en scène.

933. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Essentiellement, le mot convient à deux emplois ; il désigne, assez mal, les objets, il décrit, — et il crée des idées, il idéalise. […] Ce sentiment était encore tel qu’il devait forcément déterminer la conduite de Tolstoï lui-même, aussi bien que toutes ses idées. […] Dans ce travail les idées qui motivent toute résolution doivent ou passer inconscientes (action réflexe) ou du moins n’être point perçues trop longtemps. […] On ne lit, on n’aime communément un livre que s’il agrée, s’il met en jeu un système de sentiments, d’idées, de souvenirs que l’on possède, s’il exprime peu ou beaucoup les inclinations, l’idéal, la manière de voir que l’on a. […] À l’autre confin des lettres, l’esprit « tout en idées » des frères de Goncourt, leur plaisanterie poétique, lumineuse, voltigeante, certaines « parades » de Ch.

934. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Une étude diligente de leurs idées, continuellement comparées entre elles, a donc peut-être quelque intérêt. […] Voilà la conception que se fait Montesquieu de l’idée de Patrie. […] L’idée de Montesquieu est qu’on ne doit pas être gouverné par une volonté ; l’idée de Rousseau est qu’on ne doit être gouverné que par une volonté, qui sera celle du peuple. […] L’idée est contestable. […] L’idée que nous avons du monde règle celle que nous nous faisons de notre cité, ou plutôt nous la donne.

935. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Cette idée, Auguste Comte en avait été le précurseur méconnu. […] C’était là une des idées les plus chères à M.  […] Ce sera l’honneur des adversaires des idées chères à M.  […] Des idées, cet esprit critique a passé aux sentiments. […] Ces idées, Gœthe avait pu les vérifier par lui-même.

936. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

« La noblesse, Dangeau, n’est pas une chimère », nous en a laissé l’idée dès l’enfance. […] La Bruyère en fait un type de toute l’espèce : « Un Pamphile est plein de lui-même, ne se perd pas de vue, ne sort point de l’idée de sa grandeur, de ses alliances, de sa charge, de sa dignité ; il ramasse, pour ainsi dire, toutes ses pièces, s’en enveloppe pour se faire valoir. […] Il meuble insensiblement tous les coins de notre idée sans y laisser de vide. […] Ainsi, tous liseurs et rêveurs comme moi lui auront l’obligation de pouvoir vivre en idée une trentaine d’années de plus en arrièreb, et sous Louis XIV encore ; est-ce donc si peu ? […] Ainsi, tous rêveurs comme moi lui auront l’obligation de pouvoir vivre en idée une trentaine d’années de plus en arrière

937. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Un jour, avant les derniers éclats, au printemps de 1805, l’idée était venue de marier une de ses filles, la princesse Amélie (celle même qui a été reine des Français et l’épouse de Louis-Philippe) avec le fils de l’impératrice Joséphine, Eugène de Beauharnais. […] Je le perds avec grand déplaisir, et le malheur a voulu que, depuis son retour de Paris, une indisposition persistante ait arrêté notre commerce habituel d’idées et de sentiments. […] Lefebvre a retenu l’esprit, les idées et les expressions de notre causerie ; il arrive rarement que nos vues soient aussi bien saisies par un étranger avec lequel nous nous entretenons pour la première fois. […] Dans les séances préparatoires, et lorsqu’on discutait la pensée qui devait présider à l’édification du monument, il émit l’idée, qui fut écartée au début, de substituer le plan d’une classification raisonnée à celui, qu’on adopta, d’une chronologie pure et simple. […] Il me reste à donner l’idée la plus nette que je pourrai de sa manière de comprendre le Consulat, l’Empire et Napoléon.

938. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

Une idée analogue fait l’actualité de six livres de la République qu’il donne en 1576. […] Cependant les mêmes idées commençaient à agir sur les protestants : de larges esprits s’élevaient parmi eux, qui, revenant aux vrais principes de la première réforme, ne demandaient qu’à mettre d’accord leur conscience religieuse et leur devoir de Français au moyen des conditions posées par L’Hôpital et par Bodin. […] Mais il dut son succès précisément à ce qu’il vint à son heure, lorsque tout le monde était disposé à le goûter, à ce qu’il exprimait des idées qu’il commençait à être inconvenant de ne pas partager : il plaidait une cause gagnée, mais si récemment gagnée qu’un plaidoyer ne semblait pas encore superflu. […] Bodin (1530-1596), Angevin, avait indiqué dès 1566 dans sa Methodus ud facilea historiarum cognitionem l’influence des climats, l’idée du progrès, etc. […] La harangue de M. d’Aubray passe pour être de Pithou ; l’idée première et le cadre des États de la Ligue, de P.

939. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

Janin, en composant le roman qu’il vient de publier, a eu l’excellente idée, et bien digne d’un véritable homme de lettres, de se distraire depuis deux ans du spectacle des choses publiques, du spectacle de la rue, et de chercher dans un sujet emprunté au Grand Siècle un oubli des misères et des ennuis du présent. […] Garat sortant de chez Diderot, Charles Nodier encore, contant quelqu’un de ses jolis contes où le fond se dérobe et où la façon est tout, ce sont presque les seuls auteurs, en français, qui me donnent quelque idée à l’avance de cette manière unique de M.  […] Il est assez difficile aujourd’hui, d’après l’état incomplet des documents, de se faire une idée très précise du caractère de Mme de Mondonville ; mais tout ce qu’on sait prouve, encore une fois, que ce dut être une personne d’une haute distinction, d’un caractère ferme, élevé, née pour le commandement, et d’une grande habileté de domination. […] Il semble qu’avec les idées qui percent dans sa conduite et dans quelques articles de ses Constitutions, elle eût pu bien mieux s’entendre avec Mme de Maintenon, avec la fondatrice de Saint-Cyr, et que si, née plus tard, elle s’était appuyée de ce côté, elle aurait trouvé un ordre d’idées plus en accord avec ses inclinations, sans aller se heurter contre l’écueil où elle a péri. […] Pavillon, avait également désapprouvé, dès le principe, l’idée de mettre en corps de communauté les filles destinées à l’éducation de l’enfance.

940. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

De là il décrit les collines, les monuments d’alentour ; il évoque, il recrée en idée l’antique cité, le théâtre retentissant d’applaudissements, les flottes sortant du Pirée, les jours de Salamine ou de Délos. […] … » Ici Barthélemy a beau mettre une note pour citer son auteur, ce mot de singe, prononcé tout d’abord et dès l’exorde, en un tel lieu et dans un tel ordre d’idées, détonne et jure. […] Sa faiblesse d’invention et de poésie ne paraît nulle part plus à nu que dans les trois élégies en prose qu’il a voulu consacrer aux guerres de Messénie (et d’où, plus tard, Casimir Delavigne empruntera l’idée et le titre même des Messéniennes). […] L’idée qu’on se faisait de la Grèce, de cette littérature et de cette contrée célèbre, n’a pas toujours été la même en France, et elle a passé depuis trois siècles par bien des variations et des vicissitudes. […] Il avait dit, à un autre endroit, en célébrant l’invention de l’imprimerie, et en sacrifiant légèrement aux idées enthousiastes du moment : « Un jour éternel s’est levé, et son éclat toujours plus vif pénétrera successivement dans tous les climats ! 

941. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Les idées courantes, comme déconcertées, résistèrent d’abord avec une telle énergie que, pendant un temps, il nous fut presque impossible de nous faire entendre. […] La chose s’oppose à l’idée comme ce que l’on connaît du dehors à ce que l’on connaît du dedans. […] Et sans doute, l’idée que nous nous faisons des pratiques collectives, de ce qu’elles sont ou de ce qu’elles doivent être, est un facteur de leur développement. Mais cette idée elle-même est un fait qui, pour être convenablement déterminé, doit, lui aussi, être étudié du dehors. […] En effet, d’une part, tout ce que nous savons sur la manière dont se combinent les idées individuelles se réduit à ces quelques propositions, très générales et très vagues, que l’on appelle communément lois de l’association des idées.

942. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

Ce livre, — gonflé d’idées, — écrit sous l’œil de V.  […] Entre autres monstruosités, vous y verrez ceci : « Le style n’existe pas plus sans l’idée que l’idée sans le style. » Et encore : « Traitez votre pensée comme Dieu traite ses montagnes, — du granit dessous, des fleurs dessus (pages 92 et 95). » La doctrine romantique sur l’idée et le style est tout entière dans ces deux lignes. […] Réfléchissez un peu, et vous ne vous battrez plus avec des mots contre des idées : ce qui peut être sans péril, mais ce qui est certainement sans dignité. […] Rien ne le ferait démordre de cette idée. […] Je vous demande un peu s’il est jamais venu à l’idée de Voltaire de décorer de sphinx en granit rose le péristyle de son Temple de mémoire ?

943. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 10, continuation des preuves qui montrent que les anciens écrivoient en notes la déclamation » pp. 154-173

Le succès des airs de vîtesse donna l’idée à Lulli d’en composer qui fussent à la fois et vîtes et caracterisez. […] L’imagination se forme cette idée sur le chant et sur la musique, convenable à certains personnages, suivant ce qu’on peut sçavoir du caractere de ces personnages à qui le musicien prête des airs de son invention. C’est sur le rapport que des airs peuvent avoir avec cette idée, laquelle bien qu’elle soit une idée vague est néanmoins à peu près la même dans toutes les têtes, que nous jugeons de la convenance de ces mêmes airs. […] Mais les danseurs se sont tellement perfectionnez dans la suite qu’ils ont rencheri sur les musiciens, ausquels ils ont suggeré quelquefois l’idée d’airs de violon d’un caractere nouveau et propre à des ballets dont nos danseurs avoient imaginé l’idée.

944. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XX. M. de Montalembert »

Je n’ai point oublié, par exemple, l’idée heureuse qui ouvre aux Moines la succession de ces deux grands Trépassés historiques, dont l’un est touchant et l’autre sublime, les Esclaves et les Martyrs. […] Ainsi, quand il dégage (page 54, 2e vol.) le rapport saisissant de la règle de saint Benoît et de la Féodalité qui va naître, il est frappant, mais il exprime, de son aveu, une idée du P.  […] C’est un style d’orateur doué pour principale qualité de cette espèce de force dans l’idée et l’expression vulgaires, qui explique, du reste, tout l’ascendant de l’orateur. […] C’est vice de conformation et de nature ; mais alors qu’il ne déclame pas, alors qu’il est le plus heureusement et le plus purement orateur, il a, de nature et de conformation aussi, cette force d’expression et d’idée vulgaire dont je parlais tout à l’heure et qui l’empêchera toujours d’atteindre à la hauteur de pensée et à la concentration de forme du grand écrivain. […] Ledru-Rollin, avec leur part de talent et d’influence, ceux-là ont besoin de la verve ou de la force dans les idées communes : or, du temps que M. de Montalembert parlait au lieu d’écrire, il les avait.

945. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVIII. M. Flourens »

Il établit que l’un était un fait sensorial, l’autre un fait cérébral, et que la sensibilité n’était et ne pouvait jamais être l’intelligence, pas plus que l’idée, la sensation. […] C’est, comme on le voit, le dernier mot philosophique, prononcé dans un ordre d’idées qu’il forclôt, et contre lequel nulle objection ne peut désormais se relever. […] Il l’a essayé, au commencement du siècle, ce spiritualisme vain qui, en dehors des idées chrétiennes, a l’insolence et l’ingratitude de se croire quelque chose. […] D’ailleurs, il faut bien en convenir, quelle que soit la doctrine dont il est question, ce n’est jamais par des arguments tirés d’un ordre d’idées déterminé, qu’on peut enfoncer et ruiner les arguments tirés d’un bon ordre d’idées contraires, et tout de même que le Spiritualisme ne peut mourir que sous des raisons spiritualistes, tout de même le Matérialisme ne peut périr et crouler que sous des raisons, tirées de lui-même : or l’honneur de M.  […] C’est même, dirons-nous, — et c’est la seule critique que nous oserons contre ces livres amusants, comme s’ils n’étaient pas savants, et savants comme s’ils n’étaient pas amusants, — c’est même l’habitude du professorat qui donne à ces livres la tache de ces répétitions de faits ou d’idées, qu’on prendrait pour des négligences et qui sont plutôt des scrupules de clarté.

946. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « MM. Delondre et Caro. Feuchtersleben et ses critiques. — L’Hygiène de l’âme » pp. 329-343

Mais en France, où nous sommes juges d’idées, si nous ne sommes pas juges d’expression, nous avons véritablement le droit de nous demander, après avoir lu le livre qu’on vient de traduire, quel motif peuvent avoir des critiques français pour se mettre en dépense d’articles et faire une renommée à cette chosette ? […] Du reste, à part les anecdotes, nécessaires et si bien venues quand on n’a pas d’idées, M.  […] Mais il ajoute : « C’est que la nature n’est qu’un écho de l’esprit, que l’idée est la mère du fait, et qu’elle façonne graduellement et nécessairement le monde à son image. » Et voilà l’étincelle, l’étincelle de l’hégelianisme le plus pur ! […] Pour combattre l’hypocondrie, une maladie qui fut toujours la tête de Méduse pour sa perruque de médecin, il n’y avait qu’à méditer « l’idée de Dieu et ses lois éternelles », et il les avait méditées, et s’il eût pu devenir brahmane, il n’eût plus eu même une colique ; car on sait que jamais les brahmanes ne meurent du choléra-morbus ! […] Il est vrai que Henri Heine se soucie peu de la précision scientifique, tandis que le baron de Feuchtersleben, qui s’en préoccupe, nous donne une idée de la sienne en écrivant sur Salvandy cette bonne phrase, par laquelle je veux finir : « Ce fut l’homme le plus moral des temps modernes. » Certes !

947. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

Le peuple des lecteurs, par curiosité ou par faiblesse, veut tout connaître de ceux qu’un rang élevé expose à ses regards, Le philosophe observe comment on voit les objets sur le trône ; l’historien cherche dans les écrits d’un roi l’histoire de ses pensées ; le critique qui analyse, étudie le rapport secret qui est, d’un côté, entre le caractère, les principes, le gouvernement d’un prince, et de l’autre, son imagination, son style et la manière de peindre ses idées. […] On s’étonnera moins de la bizarrerie de cette idée, quand on saura qu’Homère jouait un très grand rôle dans tous les discours de ce temps-là. […] Cependant on y trouve un morceau d’un ton très différent, et où l’orateur, sans citations, sans idées étrangères, ne marche appuyé que sur lui-même, et il faut convenir que sa démarche n’en est pas moins ferme. […] J’avertis cependant que je l’ai resserré, parce qu’il est très long, et que Julien s’arrête un peu trop quelquefois sur les mêmes idées. […] Tous ces détails sont trop longs dans l’original, je n’ai présenté ici que le fond des idées.

948. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

On n’a donc, pour se faire une idée de sa parole, que les plans et brouillons qui représentent non sa prédication, mais la préparation de sa prédication. […] On peut dire que celle-ci est le type du genre : par une idée naturelle, et pourtant nouvelle, Bossuet fait de l’éloge des morts une méditation sur la mort. […] De là l’unité religieuse et esthétique à la fois des oraisons funèbres : de cette idée centrale la lumière se distribue à toutes les idées, les enveloppe et les lie. […] Il construisit ses sermons sur une seule idée, dont il développait les divers aspects. […] Le style reste terne et pâteux, parfois négligé et inexact : moins vif, moins spirituel, moins coloré ou brûlant que l’idée.

949. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Il s’en fit, probablement au IIe siècle, une édition corrigée selon les idées chrétiennes 12. […] En prêtant ces nouvelles idées à Jésus, il ne fit que suivre un penchant bien naturel. […] Sans contredit, une part d’idées préconçues dut se mêler à de tels souvenirs. […] Jésus eût à peine été nommé ; on se fût surtout attaché à montrer comment les idées qui se sont produites sous son nom germèrent et couvrirent le monde. […] On observera, d’ailleurs, la réserve des tours de phrase dont nous nous servons quand il s’agit d’exposer le progrès des idées de Jésus.

950. (1874) Premiers lundis. Tome I « Œuvres de Rabaut-Saint-Étienne. précédées d’une notice sur sa vie, par M. Collin de Plancy. »

Cette horreur de la persécution, liée en lui aux ineffaçables images de l’enfance, demeure l’idée fixe, la pensée dominante de toute sa vie ; elle lui dicta ses premiers écrits, comme ses dernières paroles. […] Élève chéri de Court de Gébelin, sous lequel il avait étudié en Suisse, il avait embrassé avec ardeur ses idées sur l’Antiquité ; il croyait à l’existence d’un peuple primitif, qui aurait eu sa langue primitive, son écriture primitive ; cette écriture selon lui était celle des hiéroglyphes, qu’on retrouvait défigurée et presque inintelligible dans les monuments des peuples plus récents et surtout dans les traditions mythologiques de la Grèce. Il ne jugeait pas néanmoins impossible de ressaisir le sens naturel, physique, astronomique de ces traditions que les Grecs n’avaient pas comprises, et l’on sent qu’il y avait dans cette idée un fond de vérité suffisant pour la construction d’un roman ingénieux et agréable. […] Quelques nuages se promènent encore sur le ciel de la France  ; mais la Constitution est faite, la masse de la France est assise … Illusion naïve du savoir et de la vertu, qui fait sourire en même temps qu’elle attriste, illusion de tous les temps, de tous les lieux, de tous les hommes, la nôtre aussi, toutes les fois qu’il nous arrive de juger le passé d’hier avec nos idées du réveil et de croire y lire l’éternel avenir !

951. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 196-203

En un mot, ses différens Mélanges donnent l’idée la plus avantageuse de son discernement, & inspirent l’amour des Lettres. Plus de sobriété à l’égard d’un ton de galanterie qui déplaît par une répétition trop fréquente, plus d’attention à éviter les pointes & les antitheses, moins de hardiesse dans certaines idées, auroient procuré à sa maniere de penser & d’écrire une approbation plus générale. […] Qu’on en cite les morceaux les mieux pensés, le plus exactement écrits, & qu’on les compare avec ceux que nous allons prendre au hasard dans les Œuvres de Saint-Evremont : on verra, d’un côté, des pensées communes, énoncées avec une prétention froide & géométrique ; de l’autre, des idées fines & profondes, développées avec délicatesse & vivacité. […] Rien de plus ressemblant que le portrait qu'il fait de Mécène ; on ne peut recueillir plus parfaitement les différentes idées qu'Horace nous en donne.

952. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Bathild Bouniol »

L’image, qui presque partout (et même en philosophie) a culbuté l’idée, l’image, dans ce poète dépaysé, n’a ni la puissance ni l’imprévu qui nous enlèvent ; on la connaît, on l’a déjà vue… Enfin, ce rhythme dont nous parlions tout à l’heure, et qui est d’un travail si agencé et si merveilleux sous la plume de Gramont, cette guirlande flexible et forte que tout poète moderne semble tenu d’enlacer et de sertir autour de sa pensée, tant les travaux sur le rhythme et la langue du mètre ont été multipliés en ces derniers temps, Bouniol, s’il ne le dédaigne, semble l’oublier ; et c’est ainsi qu’il se présente tout d’abord, modeste et hardi, dans son livre, dénué des trois forces de la poésie telle que l’Imagination l’aime et la veut au xixe  siècle. […] Notre poète, au contraire, avec cette heureuse idée d’une Croisade contre les mœurs contemporaines, a fait poser devant lui une société tout entière, et l’a saisie par tous ses vices et tous ses ridicules, comme le terrible chêne saisit par les cheveux Absalon ! […] Seulement, quelque idée qu’on s’en fasse, on n’aura une notion juste du mouvement de cet esprit qui, si nous ne nous trompons, a le signe des forts : l’abondance, qu’en lisant dans le livre même : La France devant Dieu, Le Souverain et les sujets, La Leçon d’anatomie, La Barricade, Le Théâtre, La Peste littéraire, Les Catastrophes, Le Journaliste, Le Doigt de Dieu dans les révolutions, La Graine du Comédien, L’Amour des bêtes, Comment on se marie, La Morgue, et tant d’autres morceaux dont les titres seuls attestent éloquemment la largeur de circonférence dans laquelle l’auteur de la Croisade étend les rayons de son observation poétique. […] Nous avons dit que pour Bouniol l’idée passait avant l’image ; mais il ne faut pas croire pourtant qu’il ne soit pas peintre à sa manière.

953. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Addition au second livre. Explication historique de la Mythologie » pp. 389-392

Lorsque l’idée d’une puissance supérieure, maîtresse du ciel et armée de la foudre, a été personnifiée par les premiers hommes sous le nom de Jupiter, la seconde divinité qu’ils se créent est le symbole, l’expression poétique du mariage. […] La comparaison des deux classes d’hommes qui composent ainsi la société naissante, fait naître l’idée de Vénus, déesse de la beauté civile, de la noblesse. […] Plus tard on donna un sens métaphysique à cette fable de la naissance de Minerve, et on y vit la découverte la plus sublime de la philosophie, savoir, que l’idée éternelle est engendrée en Dieu par Dieu même, tandis que les idées créées sont produites par Dieu dans l’intelligence humaine.

954. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

Ils en font litière sitôt que leur idée les prend. […] Coup sur coup, ils reviennent sur leur idée, et la répètent : « Le soleil là-haut ! […] Chez lui, la phrase se retourne et se renverse, il crie le mot vivant qui lui vient, au moment où il lui vient ; il saute d’une idée dans une idée lointaine. […] En fait d’idées, les plus profonds récrivent les doctrines mortes d’auteurs morts. […] Faute de pouvoir refaire les idées, ils refaisaient le mètre.

955. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Et je lui dirai que son idée a reçu un commencement d’exécution. […] Ibsen n’écrit pas des pièces à symboles, ni même des pièces à idées. […] Rosine refuse : elle ne veut pas « servir » ; c’est son idée et c’est son droit. […] Une idée morale, toute simple, y est développée en une action ingénieuse. […] La foule, même celle des « premières », se fait de la poésie l’idée qu’elle peut.

956. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre I. Les théories de la Pléiade »

Manque une idée directrice : la connaissance nette du mérite essentiel par où valent les œuvres antiques. Marot est plus exquis que large : il est loin de remplir notre idée de la poésie. […] Elle apporte une haute et fière idée de la poésie, qu’elle tire de la domesticité des grands, qu’elle interdit à la servilité intéressée des beaux esprits : la poésie devient une religion ; le poète, un prêtre. […] Ce n’est pas un brouillon, c’est un poète qui a l’idée, le sens de la forme : il a travaillé la langue, comme il a travaillé le vers, et il travaillera la phrase. […] Faute de cette idée directrice, il hésite, il s’embrouille, il patauge, il s’égare.

957. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

L’intelligence exacte du vocabulaire et de la syntaxe de l’auteur, dans la page qu’on a choisie, n’est pas nécessaire seulement pour fixer le sens littéral, mais elle prépare la connaissance fine des nuances de l’idée ou de la forme. […] Je veux dire qu’il faut essayer de mettre en lumière l’intérêt ou psychologique, ou philosophique, ou historique (principalement pour l’histoire des idées, du goût, de la civilisation) du texte choisi, et d’en faire sentir la valeur esthétique, la beauté. […] Peu à peu, tous les problèmes de la langue, tous ceux de l’art littéraire, tous ceux de l’histoire des idées et de la sensibilité se posent, à propos des textes, en termes concrets devant nous ; et les données, les faits, les enchaînements s’inscrivent nettement dans notre mémoire. […] Le XIXe siècle, animé d’un esprit historique, se rendit compte que la langue changeait, que les idées, la sensibilité, le goût évoluaient, et que pour entrer dans le sens de Marot et de Montaigne, ou même de Corneille et de Pascal, il fallait de l’attention, du savoir, et de l’étude. […] L’un, M. de La Coulonche, excellait à coudre au texte d’amples développements, qui faisaient surgir les idées générales.

958. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

Cela veut dire que, pour rimer, il faut chercher la rime, que, pour faire des vers, il faut observer la mesure, et que, ni la rime ni le rythme ne se présentant d’eux-mêmes, il faut quelquefois, pour exprimer une idée en vers, y employer d’autres mots que pour l’exprimer en prose. […] Ce sont donc, si l’on veut, des chevilles ; mais elles peuvent être agréables et sembler naturelles ; car, étant donnée la rime du vers qui exprime l’idée nécessaire, le vocabulaire est assez riche et les désinences des mots sont assez variées pour qu’il soit toujours possible de rendre, dans un vers de rime pareille, quelque idée dépendante et voisine. […] Quant à l’idée du sonnet, elle est ingénieuse et d’un effet sûr, et je ne me demande pas si le sourire de la mère qui enterre son enfant est aussi vraisemblable que les pleurs de l’autre. […] Voulez-vous savoir ce que devient, torturé par ce poète de trop d’esprit, une idée toute simple comme celle-ci : « Si j’avais appris à compter quand j’étais enfant, je serais plus riche que je ne suis ?  […] Parfois, des idées qui avaient de la grandeur ou des peintures commencées d’un trait net, ferme, saisissant, se tournent en gentillesse, en pointe, en badinage grêle et vieillot.

959. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre I. L’intuition et la logique en Mathématiques. »

Si nous pouvions nous replacer dans le courant des idées qui régnaient de leur temps, nous reconnaîtrions que beaucoup de ces vieux géomètres étaient analystes par leurs tendances. […] Ce ne sont pas les esprits qui ont changé, ce sont les idées ; les esprits intuitifs sont restés les mêmes ; mais leurs lecteurs ont exigé d’eux plus de concessions. […] L’idée vague de continuité, que nous devions à l’intuition, s’est résolue en un système compliqué d’inégalités portant sur des nombres entiers. […] Mais combien d’idées différentes se cachent sous ces mêmes mots ? […] Voyons ce qui est arrivé, par exemple pour l’idée de fonction continue.

960. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

L’idée bifurquée, l’idée se faisant écho à elle-même, un drame moindre copiant et coudoyant le drame principal, l’action traînant sa lune, une action plus petite sa pareille ; l’unité coupée en deux, c’est là assurément un fait étrange. […] L’esprit du seizième siècle était aux miroirs ; toute idée de la renaissance est à double compartiment. […] Ce triplement de l’idée est immortalisé par Rubens dans la cathédrale d’Anvers. Idée doublée, idée triplée, c’était le cachet du seizième siècle. […] Double page extraordinaire, recto et verso de la même idée, et qui semble écrite exprès pour prouver à quel point deux génies différents faisant la même chose font deux choses différentes.

961. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

Aussi singuliers l’un que l’autre dans leurs idées extravagantes de mysticité, dans leurs rafinemens d’amour pur, en se communiquant leurs erreurs, ils les réduisirent en système. […] Fière & sûre d’une telle conquête, elle s’en servit pour mettre en vogue toutes ses idées, & elle les répandit avec succès dans saint Cyr. […] Son système n’étoit que le développement des idées orthodoxes des pieux contemplatifs. […] Il se confirma dans ses idées, lorsque l’archevêque de Cambrai lui eut laissé entrevoir les siennes, dans une conversation qu’ils eurent ensemble. […] Frappé de l’amour du bien & de l’humanité, plein de la lecture des anciens, il développa toutes ses idées dans le Télémaque.

962. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Il était dominé par une irrésistible sympathie, par une sympathie universelle, par le désir d’embrasser d’un seul regard la nature entière, et de lire dans le temps et dans l’espace, dans toutes les manifestations de ces deux idées déjà si générales par elles-mêmes, une idée plus générale et plus haute, l’idée une et suprême, l’idée divine. […] Hugo a pris dans l’histoire le baptême de son idée. […] Est-ce une idée sérieuse ? […] Je n’aperçois pas la connexion intime qui unit ces idées, si toutefois ce sont des idées, à la date qui les a vues naître. […] Il n’y a de vraiment simple que les idées générales ; il n’y a de vraiment générales que les idées qui résument les faits.

963. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

En quoi cette contrainte modifie l’idée de la passion. —  Comparaison des passions dans Balzac et dans Dickens. […] Il n’est plus maître de ses idées ; elles l’emportent avec la fougue d’un cheval effaré. […] Le ton et les idées font alors contraste ; tout contraste donne des impressions fortes. […] Il semblera planer au-dessus du monde, dans la région des idées pures, au sein de la vérité. […] Il débitera des idées générales à propos de tout.

964. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Cette idée seule d’une tendresse enfantine (dont tu ris maintenant avec raison, et qui cependant pourrait servir de matière à de jolis vers) est gracieuse et vraie. […] Cette seule idée était déjà d’une vue pénétrante : c’était comprendre qu’une telle histoire présenterait beaucoup plus d’intérêt qu’on ne pouvait se le figurer au premier abord. […] Il raisonne avec une idée fixe, avec cette logique opiniâtre qui mène à l’absurde, qui aboutirait en deux temps à l’Inquisition et à 93. […] En ce qui est du sentiment démocratique avancé dont on serait tenté par moments de faire honneur à l’auteur et à sa faction, prenez bien garde toutefois et ne vous y fiez guère : il y a quelque chose qui falsifie à tout instant cette inspiration de bon sens démocratique, qui le renfonce dans le passé et qui l’opprime, c’est l’idée catholique fanatique, l’idée romaine-espagnole238. […] On a imprimé plusieurs des discours d’ouverture prononcés par lui, et dans lesquels, pour le tour des idées et la forme de l’érudition, il semblait d’abord marcher sur la trace de cet autre agréable maître M. 

965. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « La poésie »

Parmi les nombreuses idées et les innovations de plus d’un genre tentées par le ministre de l’instruction publique, une des plus pratiques et la moins contestable assurément, c’est l’institution régulière de leçons faites dans les diverses Facultés et les principales villes de province, à commencer par la Faculté des lettres de Paris, pour l’enseignement secondaire des jeunes filles. L’idée était si juste et si opportune qu’elle a aussitôt porté fruit et porté coup ; elle a eu l’honneur, dès le premier jour, de soulever les colères de ceux qui possédaient autrefois et dominaient l’entier domaine de l’intelligence humaine et qui, jusque dans leur décadence, quand presque tout leur échappe, voudraient tout garder. […] Paul Albert, le premier qui nous permette de lire ce qui se professait hier encore dans une salle de la Sorbonne, est le plus propre aussi à donner l’idée de cet enseignement judicieux et vivant, proportionné à son but et de tout point irréprochable. […] Sur chaque point, cet esprit nourri aux sources, ce professeur appartenant à l’école exacte et sévère de notre Université, résume avec précision les idées, les vues les plus saines comme les plus avancées de la critique moderne. […] L’idée qui reste d’un classique, après l’avoir entendu, n’est plus du tout celle d’un mort ou d’un demi-dieu refroidi.

966. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VIII. Du crime. »

Quelle que soit l’horreur qu’inspire un scélérat, il surpasse toujours ses ennemis dans l’idée qu’il se fait de la haine qu’il mérite ; par-delà les actions atroces qu’il commet à nos yeux, il sait encore quelque chose de plus que nous qui l’épouvante, il haït dans les autres l’opinion que, sans se l’avouer, il a de son propre caractère ; et le dernier terme de sa fureur serait de détester en lui-même ce qu’il lui reste de conscience, et de se déchirer s’il vivait seul. […] Mais, je m’aperçois qu’en parlant du crime, je n’ai pensé qu’à la cruauté ; la révolution de France concentre toutes les idées dans cette horrible dépravation : et, après tout, quel crime y a-t-il au monde, si ce n’est ce qui est cruel, c’est-à-dire, ce qui fait souffrir les autres ? […] de quelle nature est celui qui sait braver tout ce que cette idée a de solennel et de terrible, cette idée dont le retour immédiat sur soi-même devrait effrayer tout ce qui veut vivre. […] La plus grande partie des idées métaphysiques que je viens d’essayer de développer, sont indiquées par les fables reçues sur le destin des grands criminels ; le tonneau des Danaïdes, Sisyphe, roulant sans cesse une pierre, et la remontant au haut de la même montagne, pour la rouler en bas de nouveau, sont l’image de ce besoin d’agir, même sans objet, qui force un criminel à l’action la plus pénible, dès qu’elle le soustrait à ce qu’il ne peut supporter, le repos.

967. (1890) L’avenir de la science « XI »

Partout une langue ancienne a fait place à un idiome vulgaire, qui ne constitue pas à vrai dire une langue différente, mais plutôt un âge différent de celle qui l’a précédé ; celle-ci plus savante, plus synthétique, chargée de flexions qui expriment les rapports les plus délicats de la pensée, plus riche même dans son ordre d’idées, bien que cet ordre d’idées fût comparativement plus restreint ; image en un mot de la spontanéité primitive, où l’esprit confondait les éléments dans une obscure unité et perdait dans le tout la vue analytique des parties ; le dialecte moderne, au contraire, correspondant à un progrès d’analyse, plus clair, plus explicite, séparant ce que les anciens assemblaient, brisant les mécanismes de l’ancienne langue pour donner à chaque idée et à chaque relation son expression isolée. […] Chaque idée moderne est entée sur une tige antique ; tout développement actuel sort d’un précédent. […] L’éducation philologique ne saurait consister à apprendre la langue moderne, l’éducation morale et politique, à se nourrir exclusivement des idées et des institutions actuelles ; il faut remonter à la source et se mettre d’abord sur la voie du passé, pour arriver par la même route que l’humanité à la pleine intelligence du présent.

968. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VII. Des ouvrages périodiques. » pp. 229-243

Il avoit l’art d’égayer toutes ses matieres, & de renfermer en peu de mots l’idée d’un livre. […] On voit bien que j’ai en vue les feuilles périodiques dont l’Abbé Desfontaines donna la premiere idée vers l’an 1732. […] La Semaine, le Glaneur, le Conservateur, le Journal des Journaux, le Censeur hebdomadaire, le Spectateur, le Rédacteur, ont à peine laissé l’idée de leur existence. […] La Gazette littéraire embrasse les productions de tous les savans de l’Europe, & leur fait parler une langue commune, en rendant leur esprit & leurs idées en françois par des extraits ou des morceaux entiérement traduits. […] Le zéle du bien public a suggéré l’idée de cet ouvrage.

969. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Dupont-White »

Dupont-White n’a rien changé aux idées de son livre. […] Sortie des flancs de l’idée chrétienne, la France se résume et se constitue dans la double unité de la famille et de l’ordre : — de la famille, que le père nourrit, domine et défend, et qu’il doit représenter tant au profit de sa propre prépondérance qu’au profit de celle de l’État ; de l’ordre, dont la magistrature dessine la circonférence, l’armée le rayonnement, et le sacerdoce le centre. […] Or, ici, la question de l’État, qui est toute la question de son livre, vient de nouveau se poser à propos du progrès, et si cette question, qui dévore tout, reste sans solution et sans lumière, elle projette la misère de son indécision sur toutes les idées de l’auteur : « L’État — dit-il — ne crée pas toujours le progrès, mais il peut le créer. » Et voilà que l’éternel embarras recommence ! […] Issu de Guizot le doctrinaire, mais avec un tour d’esprit autrement vivant et enflammé que celui de son maître, Dupont-White s’est contenté de recommencer la balançoire connue entre l’idée abstraite de l’État et l’idée abstraite de l’Individu, et de nous refaire, sous une autre forme, la vieille cote mal taillée entre l’autorité et le progrès reprise tant de fois !

970. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Meurice » pp. 231-241

Mais pour cela il ne faudrait pas que les idées philosophiques de l’auteur eussent préexisté au roman qu’il devait écrire, pour en diminuer ou pour en détruire le pathétique et la vérité ! […] Voilà que dès les premières pages de son roman Paul Meurice, asservi aux folles idées de sa préface, nous peint son immense Césara, son « Chevalier de l’Esprit », son homme d’État des temps futurs et qui s’est dévoué à en devancer et à en préparer l’heure, couché sur un canapé, à quarante-cinq ans, — l’âge d’Arnolphe dans la comédie, — avec la chanteuse Miriam, sa maîtresse, qu’il tient par la nuque, « sous ses boucles brunes », et à laquelle il débite toutes les puérilités de l’amour qui nous semblent si bêtes après quarante ans ! […] Il cède sa fille à son ennemi, tremble devant la conscience armée de son fils, qui se tait et s’éloigne en emportant respectueusement son mépris, et il meurt de tout cela, comme un homme sans puissance d’ambition et d’idées ; car les grands hommes peuvent bien être tués par leur ambition ou par leurs idées, mais ils ne se laissent pas, comme une jeune fille allemande, mourir ! […] Il n’y a qu’avec des débris d’idées chrétiennes qu’on peut attaquer la religion chrétienne.

971. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIV. Panégyrique de Trajan, par Pline le jeune. »

Ceux qui ont reçu de la nature une âme forte, ceux qui ont le bonheur ou le malheur de sentir tout avec énergie, ceux qui admirent avec transport et qui s’indignent de même, ceux qui voient tous les objets de très haut, qui les mesurent avec rapidité et s’élancent ensuite ailleurs, qui s’occupent beaucoup plus de l’ensemble des choses que de leurs détails, ceux dont les idées naissent en foule, tombent et se précipitent les unes sur les autres, et qui veulent un genre d’éloquence fait pour leur manière de sentir et de voir, ceux-là sans doute ne seront pas contents de l’ouvrage de Pline ; ils y trouveront peut-être peu d’élévation, peu de chaleur, peu de rapidité, presqu’aucun de ces traits qui vont chercher l’âme et y laissent une impression forte et profonde ; mais aussi il y a des hommes dont l’imagination est douce et l’âme tranquille, qui sont plus sensibles à la grâce qu’à la force, qui veulent des mouvements légers et point de secousses, que l’esprit amuse, et qu’un sentiment trop vif fatigue ; ceux-là ne manqueront pas de porter un jugement différent. Ils aimeront dans Pline la grâce du style, la finesse des éloges, souvent l’éclat des idées. […] Si chaque idée n’est pas nouvelle, ils la trouveront chaque fois présentée d’une manière piquante. […] Un prince peut-être peut inspirer la haine sans la mériter et la sentir ; mais à coup sûr il ne peut être aimé, s’il n’aime lui-même42. » On voit dans tous ces morceaux quelle est l’âme et le tour d’esprit de l’orateur ; ce sont des pensées toujours vraies, et quelquefois fortes, aiguisées en épigrammes, et relevées toujours par un contraste ou de mots, ou d’idées. […] Gardons-nous de pousser trop loin cette attention subalterne, qui pèse les phrases dans une balance, et fait plus d’attention aux mots qu’aux idées.

972. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Il sait que pour donner à des hommes une idée nette et vive, il faut les reporter à leur expérience personnelle. […] Selon lui comme selon eux, le commencement de toute idée est une sensation. […] Il en est pour tout échafaudage d’idées comme pour une théorie scientifique. […] Il se mesure au nombre des souvenirs et des idées qu’il ramasse en un seul point. […] L’idée est-elle encore obscure, douteuse ?

973. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires relatifs à la Révolution française. Le Vieux Cordelier, par Camille Desmoulins ; Les Causes secrètes ou 9 thermidor, par Villate ; Précis du 9 thermidor, par Ch.-A. Méda, Gendarme »

C’est auprès d’elle sans doute qu’il puisa son retour à des idées meilleures ; mieux que Danton, elle avait le droit de lui parler de devoir et de vertu : « Qu’on le laisse remplir sa mission, répondit-elle un jour, à déjeuner, à des conseillers timides ; il doit sauver son pays ; ceux qui s’y opposent n’auront pas mon chocolat. » Le Vieux Cordelier fut donc un acte de courage et d’expiation. […] « La Montagne est inattaquable par le côté droit et le Marais, s’écrie Camille ; elle n’est prenable, comme les Thermopyles, que par les hauteurs. » Effrayé enfin de cette sombre licence dont il a été le promoteur imprudent, il ne se lasse pas de présenter la liberté sous la forme aimable et sage dont il l’a toujours conçue ; il revient à chaque instant à cette idée, on dirait qu’elle l’obsède, et qu’il sent que ce rêve brillant couvrira seul dans l’avenir les taches de sa mémoire. […] Disons pourtant que pour qui lit le Vieux Cordelier sans préparation, sans se reporter en idée au temps et aux choses, l’effet total est loin d’être aussi favorable. Le style en paraît verbeux, le ton guindé, les idées factices ; il faut un commentaire ou une préface pour comprendre que cet emportement a été de la chaleur, et cette déclamation de l’éloquence.

974. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « Préface »

Préface Voici le premier volume d’un ouvrage qui doit en avoir beaucoup d’autres si la vie, avec ses ironies et ses trahisons ordinaires, permet à l’auteur de réaliser, au moins en partie, l’idée qu’il a en lui depuis longtemps. Cette idée serait de dresser dans un cadre, qui prendrait chaque année plus de profondeur et d’espace, l’inventaire intellectuel du xixe  siècle. […] Malheureusement, il fallait, pour réaliser l’idée de La Harpe, être un géant de critique et d’érudition, et cette plante-là ne pousse guères dans le pot, à fleurs de rhétorique, d’un Athénée… Je ne veux pas dire du mal de La Harpe. […] … Il a détriplé l’idée de La Harpe, et ce qu’il en a pris, il l’a exécuté déjà et continuera de l’exécuter sous une forme à lui et qui ne rappellera nullement celle de La Harpe.

975. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre ii »

Enfin, amitié d’attraction, à cause des idées communes.‌ […] Je n’ai personne avec qui je puisse échanger une idée générale, ou même quelque impression désintéressée. […] Ceux qui se ressemblent d’idées et d’esprit se retrouvent. […] Quel apaisement et quel réconfort de se trouver plusieurs qui sentent pareillement et de pouvoir se suspendre tous ensemble à quelque idée supérieure !‌

976. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

Idée générale de son esprit et de son caractère. —  Sa famille. —  Son éducation […] Enfermé dans ses idées, il ne voit qu’elles, et s’éprend d’elles. […] Ces idées font sourire. […] Quand une idée s’enfonce dans un esprit logicien, elle y végète et fructifie par une multitude d’idées accessoires et explicatives qui l’entourent, s’attachent entre elles, et forment comme un fourré et une forêt. […] Dix-sept années de combats et de malheurs ont enfoncé cette âme dans les idées religieuses.

977. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Mais, lors même que nous n’en aurions pas l’idée distincte, nous sentirions vaguement que notre passé nous reste présent. […] L’idée du transformisme est déjà en germe dans la classification naturelle des êtres organisés. […] D’ailleurs, mieux se dessine dans notre esprit l’idée de la causalité efficiente, plus la causalité efficiente prend la forme d’une causalité mécanique. […] L’idée darwinienne d’une adaptation s’effectuant par l’élimination automatique des inadaptés est une idée simple et claire. […] L’idée d’un « élan originel » pourra d’ailleurs devenir ainsi plus claire.

978. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Il a combattu pour le pouvoir, les principes, la monarchie, l’autorité, la règle, les idées chrétiennes, quelle que fut l’indignité de ceux qui portaient cette Arche des peuples. […] Étincelant de vérités acquises, ce livre est assurément une œuvre considérable et haute, avec laquelle les partis et les idées vont être obligés de compter. […] Il cédait à l’empire d’une idée acquise tout à la fois juste et puissante. […] La solidarité des hommes et des idées, Granier de Cassagnac en avait mesuré la force ; car la Vérité seule ne meurt pas de l’indignité de ses prêtres. […] Elle, en effet, voulut faire de nous des Grecs et des Latins d’idées et de mœurs, par l’imitation littéraire.

979. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Il ne débute jamais par rien d’exceptionnel, soit en idées, soit en sentiments ; mais, dans ce qui lui est commun avec tous, il s’élève, il idéalise. […] Une des moralités qui transpirent de ce noble ouvrage, n’est-ce pas une conciliation insinuante de l’idée chrétienne, c’est-à-dire de l’esprit de sacrifice, avec les idées de travail et de liberté ? […] Quand ses idées lui reviennent distinctes, il se trouve dans un hospice, entouré de sœurs charitables ;  Thermidor est passé, l’on respire. […] Il poursuit la même idée de peinture réelle avec plus de détail dans son Registre de Paroisse ; c’est une réaction formelle et déclarée contre l’idéal des Thompson et des Goldsmith. […] comme il l’habituera à associer l’idée de joie à l’image de la nuit, comme il veut lui donner en toutes choses, pour compagne de jeux, la nature !

980. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

Ainsi, il aurait eu l’art de placer ses souvenirs et aurait cru avoir des idées. […] et pour lui, enfin, malgré l’emploi et le choix des mots, y a-t-il une autre idée au fond de son livre que celle de nous égruger ses lectures et de se balancer à l’escarpolette éternelle de sa phraséologie accoutumée ? […] et c’est ainsi que, sans conviction et sans idées, il est entraîné par le courant du sophisme contemporain qui veut humaniser les êtres surnaturels dans l’histoire, pendant que la philosophie tend à diviniser les hommes. […] … Disons davantage et creusons cette idée d’éloquence et de tribune. […] Il avait le trait, l’idée générale frappée d’un coup, comme une médaille, la sentence majestueuse qui impose.

981. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

C’est une idée qui depuis longtemps se précise en littérature et en art. […] Il y a entre la Notre-Dame de Paris, dont l’idée première a frappé certainement la tête de M.  […] Il est tout simplement la vieille idée païenne, battue par le christianisme et revenant à la charge. […] Idée commune et facile, et souvent exploitée. […] Voilà donc ce roman, dont tout ce que je dis ne peut donner l’idée, parce que je ne puis pas tout en dire.

982. (1913) Poètes et critiques

La Fontaine « ne prend que l’idée, et le tour, et les lois » : en vérité, c’est peu de chose. […] L’auteur y explique et y apprécie les mouvements d’idées de l’époque contemporaine. […] Rien ne donne l’idée du talent de M.  […] Et rien ne donne l’idée de la fermeté de caractère de M.  […] On a dit que l’histoire humaine était l’histoire des idées ; plus exactement, n’est-elle pas l’histoire des contresens, souvent magnifiques, que fait l’humanité sur les idées ?

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