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998. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre I : La science politique au xixe  siècle »

En même temps, elle emprunte à la Constitution de l’an VIII l’idée d’un corps conservateur, qui ne serait pas une chambre haute, mais une sorte de cour de cassation politique : idée dont l’invention première appartient, comme on sait, à Sieyès, et qui était destinée à de curieux retours de fortune.

999. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre IV. Suite du parallèle de la Bible et d’Homère. — Exemples. »

Supposez que tout se passe dans l’histoire de Joseph comme il est marqué dans la Genèse ; admettez que le fils de Jacob soit aussi bon, aussi sensible qu’il l’est, mais qu’il soit philosophe ; et qu’ainsi, au lieu de dire, je suis ici par la volonté du Seigneur, il dise, la fortune m’a été favorable, les objets diminuent, le cercle se rétrécit, et le pathétique s’en va avec les larmes.

1000. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 34, que la réputation d’un systême de philosophie peut être détruite, que celle d’un poëme ne sçauroit l’être » pp. 489-511

Les hommes ne sont pas donc autant exposez à être duppez en matiere de poësie qu’en matiere de philosophie, et une tragédie ne sçauroit, comme un systême, faire fortune sans un mérite véritable.

1001. (1912) L’art de lire « Chapitre V. Les poètes »

Ce qui suit n’est qu’une phrase nombreuse ; du reste, elle l’est à souhait, et sans affectation ni raffinement, par où elle est un vrai modèle : « Vous verrez dans une seule vie toutes les extrémités des choses humaines, | la félicité sans bornes aussi bien que les misères, | une longue et paisible jouissance d’une des plus nobles couronnes de l’Univers, | tout ce que peuvent donner de plus glorieux la naissance et la grandeur accumulée sur une seule tête, | qui ensuite est exposée à tous les outrages de la fortune ; | la bonne cause d’abord suivie de bon succès | et, depuis, des retours soudains, des changements inouïs, | la rébellion longtemps retenue, à la fin tout à fait maîtresse, | nul frein à la licence ; les lois abolies ; la majesté violée par des attentats jusqu’alors inconnus, | l’usurpation et la tyrannie sous le nom de liberté, | une reine fugitive qui ne trouve aucune retraite dans trois royaumes | et à qui sa propre patrie n’est plus qu’un triste lieu d’exil, | neuf voyages sur mer entrepris par une princesse malgré les tempêtes, | l’océan étonné de se voir traversé tant de fois en des appareils si divers et pour des causes si différentes, | un trône indignement renversé et miraculeusement rétabli. » Cette période est composée de membres de phrase d’une longueur inégale, mais non pas très inégale, de membres de phrase qui vont d’une longueur de vingt syllabes environ à une longueur de trente syllabes environ et c’est-à-dire qui sont réglées par le rythme de l’haleine sans s’astreindre à en remplir toujours toute la tenue, et qui ainsi se soutiennent bien les uns les autres et satisfont le besoin qu’a l’oreille de continuité à la fois et de variété, de rythme et de rythme qui ne soit pas monotone.

1002. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

Les idées morales ou intellectuelles mènent bien plus les hommes que les grossiers intérêts de fortune et de subsistance.

1003. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’Empire Chinois »

« On va à la gloire par le palais, à la fortune par le marché, et à la vertu par les déserts.

1004. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le capitaine d’Arpentigny »

Spirituel comme il l’était, homme d’aperçu, distingué, sagace, amoureux des idées qu’il poursuit, mais aimé des images qui lui viennent, il pouvait recommencer une autre campagne contre la fortune littéraire, écrire un autre livre, ramener au premier par le second.

1005. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VI. M. Roselly de Lorgues. Histoire de Christophe Colomb » pp. 140-156

La femme, dit l’Orient, c’est la fortune !

1006. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VIII. M. de Chalambert. Histoire de la Ligue sous le règne de Henri III et de Henri IV, ou Quinze ans de l’histoire de France » pp. 195-211

Nul plus que lui, l’auteur de la Henriade, de la Pucelle et de l’Essai sur les Mœurs, ne commit de crimes en histoire, et personne non plus parmi ces assassins de la vérité, qu’on ne traîne pas à l’échafaud, ne les commit avec un bonheur plus insolent, une plus épouvantable fortune.

1007. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gasparin » pp. 100-116

Selon le comte de Gasparin, ce Pape, qui fut grand, mais certainement moins grand que Grégoire VII, — qui, à distance de plus d’un siècle, sut lui paver la voie Appienne de sa grandeur future, — représente pourtant, sinon le plus haut degré du génie absolu de l’Église, au moins le plus haut point de sa fortune, et c’est pour cette raison que le comte de Gasparin, en le choisissant, l’a frappé.

1008. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Monselet »

En effet, malgré les quelques mièvreries libertines de son Monsieur de Cupidon, le dessein de ce livre est sérieux, — ou, du moins, il révèle des facultés d’observation qui peuvent un jour faire la fortune intellectuelle de leur auteur.

1009. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « L’Abbé Prévost et Alexandre Dumas fils » pp. 287-303

continue, fais ton œuvre, paye-toi des muscles de cet homme, de sa fortune, de sa raison, de son sang, de son honneur, de son âme.

1010. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Il est certain qu’il a plus pâti de sa pensée que de la fortune. […] Il est donc probable que la poésie doit cette diminution de fortune à la prédominance croissante de la curiosité artistique sur l’inspiration. […] Ce sont d’autres raisons que des raisons d’esthétique qui ont fait la fortune des Rougon-Macquart : ce que goûte le public dans M.  […] Ou bien, si vraiment il souffre de ne pouvoir aimer purement, c’est qu’il aime déjà ainsi, et l’on conçoit peu que les ressouvenirs de ses bonnes fortunes l’en découragent si vite. […] Il y a, même à ne considérer que la forme, des pages vraiment très belles, d’un grand éclat et d’une suffisante pureté, dans la Fortune des Rougon et dans la Faute de l’abbé Mouret.

1011. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Ce l’est en effet : « Mon grand voyage en Orient, exécuté avec l’apparente somptuosité d’une fortune sans limites, en réalité ne me coûta rien. […] Ses personnages ont des changements de destinée imprévus, des fortunes subites. […] Seulement les Mille et une Nuits sont le rêve d’un peuple paresseux qui aimerait trouver des mines de diamant en se promenant ; et l’œuvre de Balzac, c’est le rêve d’un peuple énergique qui voudrait que la fortune et la gloire fussent atteintes au prix d’un effort inouï, formidable et court, dont il se croit capable. […] Comme il arrive dans une démocratie, des fortunes d’une rapidité inouïe et d’une brièveté singulière. […] Cherchez un peu parmi les hauts dignitaires de l’armée, de la magistrature ou de la fortune.

1012. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Cette image résume l’histoire de la France depuis que la divisibilité périodique des fortunes a supprimé cette unité durable qui reliait les générations les unes aux autres en perpétuant, par le droit d’aînesse, l’intégrité du capital matériel et moral. […] Là est le pilon dont le jeu perpétuel émiette le territoire, individualise les fortunes, en lui ôtant une stabilité nécessaire, et qui, décomposant sans recomposer jamais, finira par tuer la France. » Et dans les Mémoires de deux jeunes mariées : « Il n’y a plus de famille aujourd’hui, il n’y a plus que des individus. […] Là se trouve la fortune de Montégnac et la vôtre, une énorme fortune. […] Si la liberté de tester a permis à un Pullmann de contraindre ses fils à un recommencement presque complet de leur fortune, cette liberté sert surtout aux potentats des Etats-Unis à fixer leurs dollars entre les mêmes mains et à prolonger les triomphes de leur énergie par leurs maisons, tout comme les seigneurs du moyen âge. […] Il ne s’agit point pour Jean-Gaspard Gœthe, le nouveau conseiller, d’étonner par l’étalage de sa fortune ses concitoyens qui ont tous connu son père aubergiste et son grand-père tailleur.

1013. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

On n’a qu’à regarder autour de soi : pour un baron Hulot, que de Gobseks, que de gens dont tout l’effort est, du matin au soir, incessamment tourné vers ce seul but : faire fortune ! […] Ce n’est pas vous faire tort que de m’opposer à ce que vous fassiez le mal… Je ne diminue en rien votre situation ni votre fortune. […] Il croit que votre fortune vous vient de votre famille, et elle vous vient d’un vieil amant. […] Or, l’ayant retrouvée, il reçoit d’elle des services d’argent, et il l’aide à faire fructifier cette fortune, sur l’origine de laquelle il ne saurait avoir de doutes. […] … de refaire ma fortune et d’aller la retrouver un jour… Maintenant, c’est fini, et lu m’as rappelé mon devoir : je n’ai qu’à mourir. » Sur quoi la comtesse : « Non, non, ne meurs pas !

1014. (1885) L’Art romantique

Comme beaucoup d’autres bâtards, c’est un enfant gâté de la fortune à qui tout réussit. […] Il se trouvait jeune, privé de ses parents, à la tête d’une petite fortune, et il profita de sa liberté pour entrer à l’atelier de Gros en 1827. […] Une fortune suffisante pour élever dans vos mansardes des autels à Priape et à Bacchus ? […] À douze ans il retroussera les jupes de sa nourrice, et si la puissance dans le crime ou dans l’art ne l’élève pas au-dessus des fortunes vulgaires, à trente ans il crèvera à l’hôpital. […] Ils feraient fortune.

1015. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

On a trouvé dans les papiers de Colbert la note suivante, qu’un correspondant bien informé adressait au ministre, au sujet de l’abbé Bossuet, alors âgé de trente-cinq ans (1662) : « Attaché aux jésuites et à ceux qui peuvent faire sa fortune plutôt par intérêt que par inclination, car naturellement il est assez libre, fin, railleur et se mettant fort au-dessus de beaucoup de choses. — Ainsi, lorsqu’il verra un parti qui conduit à la fortune, il y donnera, quel qu’il soit, et il pourra servir utilement170. » Quel qu’il soit n’est pas juste, et rien dans la vie de Bossuet n’autoriserait cette idée d’une ambition à tout prix ; c’est un mot mis à la légère. […] Bossuet, d’abord attaché aux jésuites ou à leurs adhérents, puis lié avec les messieurs de Port-Royal, puis se tenant à distance et observant la neutralité, était assurément un politique ; il ne se sentait pas de goût en général pour être du parti des disgraciés, des persécutés et des vaincus ; il avait fort égard à la doctrine et aux opinions en faveur à la Cour ; il avait un faible pour tout ce qui régnait à Versailles ; son esprit même, son talent avait besoin, pour se déployer tout entier et atteindre à toute sa magnificence, de l’appui ou du voisinage de l’autorité et de l’accompagnement de la fortune.

1016. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Voilà un pauvre homme à bonnes fortunes, et il n’y a pas tant là de quoi se vanter. […] L’un et l’autre méprisent les femmes, mais le premier n’en use que pour son propre plaisir, il les adore ; le second s’en sert pour gagner une fortune, il les avilit. […] Caractère de l’ouvrage Au temps de Molière, dans cette société où les hiérarchies sociales étaient si bien gardées, où c’était plus qu’un crime, c’était une faute de les violer, on sentait vivement le ridicule de George Dandin, s’ingérant d’épouser une demoiselle pour décrasser sa fortune. […] Le jeune fils, dont Tartuffe traverse les desseins et convoite la fortune, est profondément irrité contre lui ; il s’emporte en des colères de jeune coq, et ne parle que de lui couper les deux oreilles. […] Elle ne sait rien des turpitudes de ce Dorante qui lui fait la cour ; elle accepte ses dîners et ses cadeaux sans se douter qu’un autre les paie ; elle rit du bourgeois gentilhomme sans soupçonner que le plus clair de sa fortune vient de lui ; elle ne songe qu’au mariage, qui raccommode toute chose.

1017. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Entraîné par la nature et par son goût à composer des pièces dramatiques, à monter sur le théâtre, et dès sa jeunesse engagé parmi des troupes de comédiens, il sut anoblir sa profession par l’usage qu’il y fit de ses bonnes études, et améliorer sa fortune pour enrichir ses camarades. […] L’enfance, la jeunesse, la maturité, la décrépitude, les états nobles et vils, les fortunes inégales, les prétentions contraires, tout influe sur les pensées et sur les actions des hommes. […] Le personnage ne prend-il pas bien les airs de ces jeunes gens à bonnes fortunes, qui ne semblent nier les faveurs des femmes que pour mieux insinuer qu’ils les ont eues, et qui par là le font sous-entendre ? […] Mais sied-t-il qu’un tel insolent, dont la vanité réside dans les hasards de sa haute naissance, et qui compte pour rien le patrimoine, s’abaisse, en aventurier, à se vanter d’une opulence qu’il n’a pas, et rougisse de son père appauvri, au point de l’introduire dans la maison riche à laquelle il s’allie, par intérêt de fortune, sous le nom et sous l’apparence d’un intendant obscur de ses fermes ? […] Son goût pour le faste, ses libéralités à ses maîtresses, les prodigalités de sa table, l’abîme du jeu, où il s’engouffre tout entier, l’abandon de tant de complaisants qu’il nommait ses amis, et qui tous le fuient aussi vite que sa fortune, il n’est rien là qui ne caractérise absolument le personnage.

1018. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

On connaît la variété de ses lectures, la fréquence de ses méditations, poursuivies dans la solitude de toute l’obstination d’une volonté qui s’attache à l’Idéal le plus précieux comme le plus difficilement conciliable avec le rang suprême où la Fortune l’éleva. […] Il faut bien situer ses personnages, et lorsqu’on écrit un roman contemporain, leur donner une affabulation répondant au thème choisi : Antoine Arnault sera donc un moderne homme de lettres, et, n’en doutons pas, un homme de lettres parisien, qui court les risques de la fortune littéraire, mais quand même se présente à nos yeux revêtu de la défroque illustre des Manfred et des René. […] Nous repoussons ce qu’il entre d’abstrait, par conséquent d’invraisemblable dans la fortune d’un auteur qui fait jouer une pièce dont l’effet immédiat est de « provoquer un élan d’amour dans sa ville » — nous savons trop par expérience que les choses ne se passent pas ainsi — et pour qui « tous les soirs les planches poudreuses de la scène furent comme un profond divan où il posséda le cœur blessé, le cœur traîné des nerveuses spectatrices ». […] Une des premières fois qu’il fut donné, cet accent d’amertume, ce cri de meurtrissure dans la volupté, ce fut par le père de René, et l’on sait la fortune que depuis lors il fit par le monde. […] Devenue vieille et châtelaine de Nohant, l’auteur d’Indiana voulut bien reconnaître que la Fortune avait souri à sa carrière.

1019. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Ainsi pensait, nous l’avons vu, l’auteur des Confessions ; et il semblait que sa fortune eût prouvé la vérité de son paradoxe. […] Quelque fortune qu’il ait faite par la suite et de quelque manière qu’on en ait corrompu le sens, il n’a d’abord désigné que l’intention de réagir contre les excès de l’individualisme. […] Ce qui n’a pas contribué médiocrement au succès et à la fortune de ces idées, c’est que, par une conséquence dont on voit sans doute l’étroit rapport avec elles, elles ont ramené l’écrivain au sentiment des difficultés de l’art d’écrire ; au respect de la langue ; et à cette religion de la forme sans lesquels personne en français n’a rien laissé de durable. […] Mais, en attendant, c’est de quoi les contemporains leur ont d’abord été reconnaissants ; et le talent d’écrire qu’on admirait en eux a fait la fortune de leurs doctrines esthétiques. […] 2º L’Homme et le Poète ; — et de quelques points de comparaison intéressants à relever entre Voltaire et Victor Hugo ; — dont le moins remarquable n’est pas l’habileté supérieure et le sens pratique, — avec lequel ils ont su gouverner leur fortune et leur vie. — Leur longévité ; — leur fécondité ; — leur universalité, — sont encore trois raisons pour lesquelles ils ont tous deux été le plus grand « littérateur » de leur siècle ; — quoique non pas le plus original. — Et ils ont enfin entre eux deux autres traits au moins de communs, — qui sont d’avoir su l’un et l’autre admirablement se plier aux exigences de l’opinion de leur temps ; — ce qui est le principe de leurs variations ; — et d’y avoir réussi grâce au même don de « virtuosité », — qui leur a permis de s’approprier les inventions ou les idées de leurs contemporains ; — pour les transformer, et les revêtir, l’un en prose et l’autre en vers, d’une expression définitive. — Que cette faculté d’appropriation est peut-être l’une des formes du génie même ; — et qu’en tout cas il semble qu’elle constitue la définition propre du talent.

1020. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Son père M. de Meulan, receveur-général de la généralité de Paris, jouissait d’une grande fortune à laquelle il faisait honneur avec générosité et bon goût ; sa mère, demoiselle de Saint-Chamans, était de qualité et d’une ancienne famille noble du Périgord, qui eut même des représentants aux croisades. […] De Vaines et Suard ; les mêmes personnes qui, plus tard, la plaignaient si charitablement d’être devenue journaliste, purent la faire quelquefois sourire ironiquement par leurs conseils empressés et vains. « Beaucoup d’amis à compter, disait-elle, sans pouvoir y compter ; beaucoup d’argent à manier, sans pouvoir en garder ; beaucoup de dettes, pas de créances ; beaucoup d’affaires qui ne vous rapportent rien. » Elle songeait probablement dans ces derniers mots à ses propres embarras domestiques, à cette fortune de plusieurs millions, entièrement détruite, qu’elle sut arranger, liquider comme on dit, sans en rien sauver que la satisfaction de ne rien devoir.

1021. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

Si la fortune trompa sa politique et sa tendresse, ce fut la faute de l’héritier et non la faute du testament. […] Ce favori, célèbre depuis par sa fortune et par sa mort tragique, se nommait David Rizzio.

1022. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

Il monte en perfection les lieux communs de l’amour, de la mort et de la fortune, il frappe excellemment les petites pensées de circonstance. […] Biographie : Honoré d’Urfé, né à Marseille en 1568, suivit le parti de la Ligue et la fortune du duc de Nemours, et se relira en Savoie après le triomphe de la cause royale.

1023. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

— 4, Les Provinciales : leur fortune, leur valeur. […] L’année 1638 commença la gloire et les malheurs de Port-Royal et du jansénisme : cette année-là, Antoine Le Maître335, avocat, conseiller d’État, quitta l’espoir d’une haute fortune pour se retirer à Port-Royal.

1024. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

Ferdinand Brunetière C’est toute une langue nouvelle que Victor Hugo a ainsi façonnée pour l’usage des versificateurs, et cette langue a eu la fortune la plus extraordinaire. […] Cette fortune s’explique par le fait que la révolution prosodique accomplie ainsi a coïncidé avec la plus grande révolution psychologique de notre âge.

1025. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

La prêtrise égalait celui qui en était revêtu à un noble. « Quand vous rencontrez un noble, entendais-je dire, vous le saluez, car il représente le roi ; quand vous rencontrez un prêtre, vous le saluez, car il représente Dieu. » Faire un prêtre était l’œuvre par excellence : les vieilles filles qui avaient quelque bien n’imaginaient pas de meilleur emploi de leur petite fortune que d’entretenir au collège un jeune paysan pauvre et laborieux. […] Les sommes très considérables dont les familles riches achetaient cette faveur servaient à l’éducation gratuite des jeunes gens sans fortune qui étaient signalés par des succès constants.

1026. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

Certes, tout wagnérien a le devoir de protester hautement, mais peut-être ai-je ici un droit spécial de parler, ayant été, à la Ligue des Patriotes, un ouvrier de la première heure, et m’honorant encore de l’amitié d’un homme que ses ennemis même admirent, car il a dépensé sa fortune, brisé sa carrière, usé sa vie, au service de la sainte cause française. […] Comme l’Eden-Théâtre ne peut pas chômer, on fera bien de faire contre fortune bon cœur, et, ma foi, de jouer Lohengrin. » M. 

1027. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre II, grandeur et décadence de Bacchus. »

Son étonnante fortune vînt, en partie, de cette double nature : l’homme vit en lui un homme déifié, et l’en aima davantage. […] A la veille de la fatale expédition de Sicile, au moment où les trirèmes appareillent, où la fortune de la cité s’embarque sur elles, des chants funèbres gémissent par les rues, les portes ouvertes se couvrent de reposoirs portant l’effigie d’un mort.

1028. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

On a remarqué que les Français excellent à faire dans le monde la fortune des idées. Mais cette fortune-là est inconstante, comme bien d’autres.

1029. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Hugo en avait parfois des élans entre deux antithèses, mais on peut dire avec vérité que c’était surtout par le verbe et le rythme qu’il avait fait sa voie et élevé sa fortune. […] Victor Hugo, malgré les divers cours de sa fortune, est resté fidèle à la Muse, cette déesse de plus en plus fabuleuse.

1030. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Catherine, connaissant l’humeur et l’étourderie, le mélange de faiblesse et de violence du grand-duc, et voyant éclater les premiers symptômes graves de sa désaffection à l’occasion de sa seconde grossesse, où elle accoucha d’une fille (décembre 1758), s’était à l’avance posé tous les cas, toutes les chances, et elle les énumérait ainsi : ou bien, 1°, s’attacher à lui, lier sa fortune à la sienne, quelle qu’elle fût ; ou bien, 2°, rester exposée à toute heure à ce qu’il lui plairait de disposer pour ou contre elle ; ou enfin, 3°, prendre une route indépendante de tout événement ; mais laissons-la s’exprimer elle-même : « Pour parler plus clair, il s’agissait de périr avec lui ou par lui, ou bien aussi de me sauver moi-même, mes enfants et peut-être l’État, du naufrage dont toutes les facultés morales et physiques de ce prince faisaient prévoir le danger.

1031. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

Vous adresserez-vous aux hommes avides d’acquérir de la fortune, nouveaux qu’ils sont aux habitudes comme aux jouissances qu’elle permet ?

1032. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

Les palmes du génie tiennent à une respectueuse distance de leur vainqueur ; les dons de la fortune rapprochent, pressent autour de vous, et comme ils ne laissent après eux aucun droit à l’estime, lorsqu’ils vous sont ravis, tous vos liens sont rompus, ou si quelque pudeur retient encore quelques amis, tant de regrets personnels reviennent à leur pensée, qu’ils reprochent sans cesse à celui qui perd tout, la part qu’ils avaient dans ses jouissances, lui-même ne peut échapper à ses souvenirs ; les privations les plus douloureuses sont celles qui touchent à la fois à l’ensemble et aux détails de toute la vie.

1033. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

Il est des femmes qui placent leur vanité dans des avantages qui ne leur sont point personnels ; tels que la naissance, le rang et la fortune : il est difficile de moins sentir la dignité de son sexe.

1034. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre I. Origine des privilèges. »

Tous, par une vague tradition, par un respect immémorial, sentent que la France est un vaisseau construit par ses mains et par les mains de ses ancêtres, qu’à ce titre le bâtiment est à lui, qu’il y a droit comme chaque passager à sa pacotille, et que son seul devoir est d’être expert et vigilant pour bien conduire sur la mer le magnifique navire où toute la fortune publique vogue sous son pavillon. — Sous l’ascendant d’une pareille idée, on l’a laissé tout faire ; de force ou de gré, il a réduit les anciennes autorités à n’être plus qu’un débris, un simulacre, un souvenir.

1035. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

Ni l’extérieur, ni le rang, ni la fortune, ni la conduite ou le caractère visible ne font l’homme ; mais le sentiment intérieur et habituel.

1036. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

…  Puis c’est, à l’arrière-plan, Mme des Houlières, besoigneuse, « ayant eu des malheurs », intrigante, cherchant à placer ses deux filles, suspecte d’un peu de libertinage d’esprit, avec je ne sais quoi déjà du bas-bleu et de la déclassée… Voici, en revanche, deux perles fines, deux fleurs de malice et de grâce : Mme de Caylus, si vive, si espiègle et si bonne, et la charmante Mme de Staal-Delaunay, qui fait penser, par son changement de fortune et par la souplesse spirituelle dont elle s’y prête, à la Marianne de Marivaux  Une révérence, en passant, à la sérieuse et raisonneuse marquise de Lambert, et nous sommes en plein xviiie  siècle, parmi les aimables savantes et les jolies philosophes.

1037. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lamartine, Alphonse de (1790-1869) »

À tous ces présents de la nature, il a joint d’heureux accidents de fortune ; de bonne heure, il a attiré sur lui l’attention des hommes et conquis une place élevée dans le mouvement des lettres et de la politique ; mais rien de parfaitement solide et de complètement initiateur n’est résulté de son action et de ses travaux.

1038. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Seconde partie. » pp. 35-56

Aimable imagination, souveraine de nos esprits, dès qu’on se livre à ton vol enchanteur, l’infortune fuit, les rayons de l’espérance dorent la perspective du bonheur ; l’homme de génie échauffé par toi, se trouve dans son malheureux destin au-dessus de ses revers, & même il les oublie ; il porte en lui un trésor que ne peut lui arracher la Fortune : Animé d’un feu céleste, il exerce sa pensée, elle se repose sur les objets les plus sublimes ou les plus rians, & l’image de ses maux est effacée.

1039. (1842) Essai sur Adolphe

Elle a renoncé volontairement à tous les avantages de la fortune et de la naissance ; elle a déserté sa famille et son pays.

1040. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVI » pp. 279-297

Comment Gobelin aurait-il pu lui fermer le chemin que le roi avait lui-même ouvert à la fortune ambitionnée par madame Scarron ?

1041. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

la fortune change : elle craint à son tour ; elle presse sa fuite à travers les bois et les neiges.

1042. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

sacrifie à cette infortunée, à cette déshéritée, à cette vaincue, à cette vagabonde, à cette va-nu-pieds, à cette affamée, à cette répudiée, à cette désespérée, sacrifie-lui, s’il le faut et quand il le faut, ton repos, ta fortune, ta joie, ta patrie, ta liberté, ta vie.

1043. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la tragédie chez les Anciens. » pp. 2-20

Mais pour ces mouvements, il faut des changements de fortune, des reconnaissances, des intrigues ; et tout cela suppose une ou plusieurs actions.

1044. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Paul de Molènes »

Madame de Molènes, par un scrupule incompréhensible avec un esprit de tant d’aplomb dans la légèreté, n’a pas voulu introduire à travers les sentimentalités de son Orpheline ce genre de gaîté et de ton, la qualité première de son esprit et qui en sera la fortune.

1045. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

Selon diverses notions de sa vie, moins connue que ses vers, il visita l’Égypte, et partagea la fortune d’un frère aventureux comme lui, qui servait dans les armées du roi d’Assyrie.

1046. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Ne fléchissez pas le genou devant la fortune, mais accoutumez-vous à vous incliner devant la loi. […] Regardez cet homme qui, sollicité par les motifs les plus puissants de sacrifier son devoir à sa fortune, triomphe de l’intérêt, après une lutte héroïque, et sacrifie la fortune à la vertu. […] Vous m’assurez qu’en me conduisant de telle façon, j’arriverai à la fortune. Oui, mais j’aime mieux le repos que la fortune, et au seul point de vue du bonheur, l’activité n’est pas meilleure que la paresse. […] Me voilà donc, arrivé à la fortune et au pouvoir, l’intérêt réclame alors la sécurité, comme auparavant il invoquait l’agitation.

1047. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Les gentilshommes eux-mêmes, quand ils étaient dénués de fortune, se faisaient volontiers les suivants, les domestiques (c’était l’expression du temps) de gentilshommes plus aisés, qu’ils acceptaient ou prenaient pour maîtres, c’est-à-dire pour suzerains. […] Dona Jacinta Mais parvenir sans passer par les moyens, n’est-ce pas heureuse fortune ? […] Sur ces entrefaites, voici l’incident qui se produit, dès la troisième scène : un soldat de fortune, nommé Carlos, qui s’est distingué dans les guerres contre les Maures, entre dans la salle et va pour prendre place en même temps que les trois seigneurs. […] Don Alvar accepte le défi de Carlos ; les deux autres seigneurs refusent de croiser l’épée avec un aventurier dont la naissance est inconnue : si illustré que soit par sa bravoure ce soldat de fortune, après tout on ne sait d’où il sort. […] Outre le rôle d’Adrien, joué par Genest, un autre caractère remarquable est celui de, Flavius ou Flavie, ami d’Adrien : homme prudent et politique, militaire, officier de l’Empereur, de qui dépend sa fortune, Flavius voudrait bien sauver Adrien, mais sans se compromettre.

1048. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

Ses antécédents nous sont révélés par Robert de Charzay à la fin du quatrième acte : « Vous êtes un voleur… Vous êtes un voleur… Vous avez commencé votre fortune en jouant avec un dépôt d’argent qui vous avait été confié par une femme dans une position telle qu’un scandale public lui était interdit… Vous avez disparu une fois de la Bourse sans payer… Et les actionnaires des mines que vous aviez découvertes, dont vous avez racheté les actions à 75 % au-dessous du prix d’émission, qu’en dites-vous ? […] Et elle a totalement dévoré, en quelques années, la fortune de son mari. […] Le sujet était admirable : la curée, par une meute de parasites, d´une de ces fortunes à l’origine desquelles il y a toujours, comme dit Bourdaloue, « des choses à faire frémir », fortune tombée sur les faibles épaules d’un héritier sans défense, né repu et las, en sorte que le fils de l’homme de proie devient proie à son tour. […] Sujet philosophique même, si le châtiment du riche, ou du fils du mauvais riche, par ses millions, l’aventure d’une fortune démesurée construite par la spéculation scélérate et défaite par un concours d’escroqueries et de menus pillages, et la reprise, par des volereaux, des rapines d’un grand voleur est un bon exemple de la « justice immanente des choses ». […] Il fut le camarade d’enfance de Claude, dont il eut la précaution, — à quatorze ans, — de séduire la sœur, — qui en avait seize, — afin de mieux s’incruster dans cette fortune.

1049. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

Il ne nous restait donc que la ressource d’être les échos de tous les rhéteurs qui se récrient confusément sur les beautés éloquentes de Lucain, quand il plaint le renversement de Rome ; et qui lui reprochent ton enflure, quand il admire le vainqueur et sa fortune. […] On s’aperçoit à l’exposé de leur sort que les facultés brillantes, que les événements remarqués qui distinguent la plupart des hommes qu’on a vus jouer quelque rôle dans l’histoire, ne sont que des accidents ordinaires dans la vie des vrais poètes : leur esprit semble au-dessus de toutes les chances de la destinée, et suffit de plus au travail qui bâtit des monuments immortels, en dépit des cris injurieux, et des coups de la fortune. […] L’Iliade est simple dans sa fable, dont l’objet est la colère du héros principal, colère toujours pareille ; constant, mobile des événements et n’altérant point la fortune égale du fier Achille qui, par son caractère fixe, est semblable aux immortels. […] Ces demi-déités, telles que la Discorde, la Fortune, le Fanatisme, la Renommée, la Gloire, n’y doivent apparaître que passagèrement et comme intermédiaires subalternes entre les héros et les divinités supérieures dont elles ne sont que les instruments. […] Hâtez-vous de mourir, et d’un humble bûcher descendez parmi nous avec les grandes âmes, en foulant aux pieds la fortune et l’orgueil de tous ces demi-dieux de Rome.

1050. (1890) Nouvelles questions de critique

Mais, à dater du xvie  siècle, et du xvie  siècle seulement, la langue devient enfin capable d’atteindre constamment au style, et non plus seulement par hasard ou par fortune. […] Rien ne me plaît, hors ce qui peut déplaire Au jugement du rude populaire ; telle, en effet, avait été la devise de Ronsard et de ses amis, qu’aussi bien n’avaient pas démentie la fortune et la fin de l’école, puisqu’elle s’était perdue dans les subtilités du pire alexandrinisme. […] Pour expliquer la rapide, l’étonnante fortune du romantisme et sa mort si prompte, presque subite, il ne suffit donc pas de dire qu’il a suivi le destin des choses humaines, — qui est de naître et de ne pas durer. […] Il en est un, au contraire, qu’inutilement chercherait-on ailleurs que dans le romantisme, et dont on peut affirmer, avec une certitude entière, que, tous les autres eussent-ils fait défaut, s’il avait subsisté, lui tout seul, le romantisme existerait encore ; — et sa fortune eût été la même. […] De tous les dons d’Hugo, celui-ci n’est pas le moins extraordinaire ; — comparez, pour vous en convaincre, quelques pièces de la Légende des siècles à la Chute d’un ange ; — et comme ce grand poète n’a pas moins bien administré son génie que sa fortune, c’est en lui celui qu’il a le plus cultivé.

1051. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Ce que Molière a mis admirablement en lumière c’est la méchanceté de l’homme à bonnes fortunes, qu’elle soit cause ou qu’elle soit effet et que ce soif la méchanceté qui ait inspiré au méchant le besoin de conquérir  cœurs pour les torturer ou que Ce soit l’habitude des bonnes fortunes, qui ait donné au séducteur une certaine dureté constatée mille ibis. […] Toutes ces belles raisons de sympathie, de force magnétique et de vertu occulte sont si subtiles et délicates, qu’elles échappent à mon sens matériel, et, sans parler du reste, jamais il n’a été en ma puissance de concevoir comme on trouve écrit dans le ciel jusqu’aux plus petites particularités de la fortune du moindre homme. […] N’a-t-il pas ces lâches courtisans de la faveur, ces perfides adorateurs de la fortune, qui vous encensent dans la prospérité et qui vous accablent dans la disgrâce ? […] L’éclat d’une fortune en mille biens féconde Fera connaître à tous que je suis ton support, Et je mettrai tout le monde Au point d’envier ton sort. […] Ou bien l’extraordinaire facilité qu’il a trouvée dans le maniement de sa dupe a mis en liberté ses passions autres que la passion ambitieuse, et en même temps qu’il met la main sur la fortune d’Orgon et obtient la main de sa fille, ce qui ressortit à son ambition, il convoite sa femme ce qui ne concerne que sa luxure.

1052. (1925) Dissociations

Le bossu ne se marie pas moins facilement qu’un autre et nombre d’observateurs ont remarqué qu’il était généralement homme à bonnes fortunes. […] Le populaire cependant n’est pas de cet avis : « On ne se suicide pas, dit-il, quand on possède chez soi vingt mille pièces d’or, quand on peut prendre des bains d’or, coucher sur l’or et dans l’or, respirer l’or, vivre l’or. » Il eût compris le suicide avec une fortune en papier, une fortune sans attrait, sans magnétisme, mais il ne peut admettre que l’on renonce volontairement à la présence réelle de l’or, à la fascination de l’or. […] Nul ne sait quelle était sa fortune, mais lui le savait, quoiqu’il ne tînt aucun registre, peut-être une dizaine de milliards, peut-être plus.

1053. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Mais, peu après, elle lui offre son propre appartement « pour cacher des plaisirs dont un si jeune âge et une si haute fortune ne sauraient se passer », et elle lui donne de l’argent tant qu’il en veut. […] Ou plutôt il ne reste rien au vieux fêtard : mais André, en fils délicat, partage avec lui, sans le lui dire, le demeurant de sa fortune personnelle. […] Il a cru devoir aussi augmenter le chiffre des fortunes, porter de vingt à trente-cinq francs le prix des souliers de satin d’Albertine, et nous avertir que « voyager en poste » est un anachronisme… Moi, j’aimerais qu’on jouât les comédies du second empire dans leur texte intégral et avec les costumes du temps. […] — Ils ignorent « l’âpre désir de la fortune, l’ambition politique et l’amour ». — Pauvres gens, qui ne connaissent pas les passions ! […] Elle est sans fortune, et, moitié par goût, moitié pour conquérir, s’il se peut, l’indépendance, elle s’est mise à faire de la peinture.

1054. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Il vit, dans cette heureuse fortune, un présage favorable à une candidature académique, qui déjà le préoccupait. […] Qu’il me suffise d’indiquer en deux mots que ce courtisan eut des raffinements de fidélité quand la mauvaise fortune rendit plus difficile l’exercice de son culte. […] Qui sait si, aux heures difficiles, la fortune de nos armes n’en eût pas été changée ? […] Cette œuvre est un morceau d’histoire de France, inclus dans la biographie particulière d’une famille dont les splendeurs et les misères ont été souvent unies aux diverses fortunes qui ont tour à tour rehaussé ou accablé notre nation. […] À l’exemple de Salomé, elle aimait les « perspectives illimitées », l’« indépendance », la « fortune », la « gloire ».

1055. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Et, de proche en proche, ce goût singulier du bibelot gagne même ceux que l’œuvre d’art laisse indifférents et qui ne possèdent pas la fortune nécessaire à une acquisition de quelque valeur. […] Les grandissements soudains de fortune, les tapages du luxe, les débridements de la sensualité et de la vanité entourent de tentations des êtres déjà dépourvus du pouvoir de refréner en eux la convoitise. […] L’homme moderne, qu’il veuille construire sa fortune ou écrire un livre, n’a plus de vaste organisme héréditaire où prendre place. […] La gloire est venue, avec la fortune, et une façon de génie, à la fille sans orthographe qui maintenant fait monter des fauteuils d’orchestre aux premières loges ce frisson de plaisir plus admiratif que les plus bruyants battements de mains. […] Ces cruelles influences furent épargnées à Tourguéniev, grâce à la franchise de ses impressions premières, grâce à la rusticité d’une partie de sa vie, grâce aussi à sa fortune et aux longues années de sa solitude parmi ses paysans.

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